Trente-neuvième session

23 juillet-10 août 2007

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes : Jordanie

Le Comité a examiné le rapport unique (valant troisième et quatrième rapports périodiques) de la Jordanie (CEDAW/C/JOR/3-4) à ses 805e et 806e séances, le 2 août 2007 (voir CEDAW/C/SR.805 A et 806 A). La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/JOR/Q/4, et les réponses du Gouvernement jordanien dans le document CEDAW/C/JOR/Q/4/Add.1.

Introduction

Le Comité remercie l’État partie pour son rapport unique (valant troisième et quatrième rapports périodiques), qui est bien construit et est généralement conforme aux directives du Comité en la matière, bien qu’il ne fasse pas de renvois à ses recommandations générales.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, dirigée par le Ministre d’État chargé des affaires du Premier Ministère et comprenant la Secrétaire générale de la Commission nationale jordanienne pour les femmes, mécanisme national de promotion de la femme.

Le Comité félicite également l’État partie pour la qualité de son allocution liminaire et de ses réponses écrites aux points et questions soulevés par son groupe de travail présession. Il apprécie le dialogue franc et constructif qui s’est noué entre ses membres et la délégation de l’État partie, qui a permis de mieux appréhender la situation concrète des femmes en Jordanie. Le Comité félicite en particulier l’État partie de sa volonté de mettre au point et de lancer un certain nombre de propositions visant à modifier la législation et à instituer des mesures propres à mettre fin à la discrimination à l’égard des femmes.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie d’avoir publié la Convention dans le Journal officiel, ce qui lui donne force de loi en Jordanie.

Le Comité félicite également l’État partie d’avoir institué un quota de 20 % de femmes dans les conseils municipaux, ce qui a conduit à l’élection de 240 conseillères municipales, et d’avoir nommé pour la première fois une femme à la tête d’un tribunal.

Le Comité salue la réalisation par l’État partie de la parité garçons-filles dans l’enseignement primaire et secondaire.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant à l ’ État partie qu ’ il est tenu d ’ appliquer toutes les dispositions de la Convention de manière systématique et permanente , le Comité souligne que les préoccupations et recommandations énoncées dans les présentes conclusions doivent faire l ’ objet d ’ une attention prioritaire de la part de l ’ État partie jusqu ’ à la présentation d e son prochain rapport périodique. Le Comité invite en conséquence l ’ État partie à axer ses activités de mise en œuvre sur ces questions et à faire rapport sur les mesures prises et les résultats obtenus dans son prochain rapport périodique. Il invite aussi l ’ État partie à communiquer les présentes conclusions à tous les ministères concernés ainsi qu ’ au Parlement , de façon à en assurer la pleine application.

Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas pris les mesures appropriées pour mettre en œuvre ses recommandations concernant certaines des observations finales formulées par le Comité dans son précédent rapport, en 2000 (A/55/38 (Part I), par. 139 à 193). Le Comité constate en particulier qu’il n’a pas été donné une suite satisfaisante à ses recommandations figurant aux paragraphes 169 (encourager l’adoption d’un amendement constitutionnel visant à inclure l’égalité entre les sexes dans l’article 6 de la Constitution), 171 (passer en revue toutes les lois en vigueur pour les rendre pleinement conformes à la Convention), 175 (revoir la législation et la politique concernant la polygamie en vue d’éliminer cette pratique), 181 (prendre des mesures législatives en vue de permettre aux victimes de viol ou d’inceste à avorter dans des conditions sans risques pour elles) et 185 (revoir la législation et la politique en matière d’emploi pour faciliter la pleine application de l’article 11 de la Convention).

Le Comité réitère ces préoccupations et recommandations et engage l ’ État partie à les mettre en œuvre sans plus tarder.

Le Comité est préoccupé par la réticence de l’État partie à lever ses réserves au paragraphe 2 de l’article 9, au paragraphe 4 de l’article 15 et aux alinéas c), d) et g) du paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention. Il s’inquiète en particulier du fait que l’État partie ne soit pas disposé à lever sa réserve au paragraphe 4 de l’article 15, bien qu’il ait déclaré que cette réserve était devenue caduque du fait d’un amendement à la loi régissant la délivrance des passeports, qui a supprimé l’obligation pour les femmes jordaniennes d’obtenir l’autorisation d’un parent du sexe masculin pour obtenir un passeport. Le Comité est préoccupé par la déclaration de l’État partie selon laquelle il ne lui serait pas possible, pour des raisons politiques, de modifier sa loi sur la nationalité afin de permettre aux femmes jordaniennes de transmettre leur nationalité à leurs enfants et à leur conjoint étranger et, pour des raisons religieuses, de modifier les dispositions de son Code du statut personnel afin d’accorder aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes en ce qui concerne le mariage, le divorce et la garde des enfants.

Le Comité engage l ’ État partie à lever rapidement sa rése rve au paragraphe 4 de l’article 15 , dont il reconnaît qu ’ elle est devenue caduque suite à une réforme législative. Le Comité engage également l ’ État partie à reconnaître l es conséquences négatives de sa loi sur la nationalité pour les femmes jordaniennes mariées à des étrangers et pour les enfants de ces femmes et, en conséquence, de réviser sa loi sur la nationalité et de lever sa réserve au paragraphe 2 de l’article 9 . Le Comité invit e l ’ État partie à réviser son Code du statut personnel, à la lumière de la jurisprudence comparative selon laquelle des interprétations plus progressistes de la loi islamique ont été codifiées dans des réformes législatives, afin d ’ accorder aux femmes les mêmes droits qu ’ aux hommes en ce qui concerne le mariage, le divorce et la garde des enfants, et de lever ses réserves aux alinéas c), d) et g) du paragraphe 1 de l’article 16.

Tout en se réjouissant du fait que la Convention ait récemment été publiée au Journal officiel, ce qui lui donne force de loi, le Comité est préoccupé par le fait que la Convention ne peut pas s’appliquer pleinement en Jordanie, les textes d’application n’ayant pas encore été adoptés. En particulier, le Comité est préoccupé par le fait que la législation nationale ne prévoit pas de sanctions pour réprimer les actes de discrimination fondée sur le sexe ou de voies de recours en cas de violation des principes d’égalité et de non-discrimination. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que les dispositions de la Convention, notamment les recommandations générales du Comité, ne sont pas largement connues dans le pays et n’ont, jusqu’à présent, pas été utilisées pour porter des affaires de discrimination à l’égard des femmes devant les tribunaux.

Le Comité engage l ’ État partie à promulguer une loi d ’ ensemble sur l ’ égalité des sexes qui couvre à la fois la sphère publique et la sphère privée , concerne les domaines politique, économique, social, culturel, civil et autres, et comprenne : une définition de la discrimination à l ’ égard des femmes qui soit conforme à l ’ article premier de la Convention; des dispositions sur l ’ égalité des droits des hommes et des femmes conformément à l ’ article 2 a) de la Convention; et des sanctions et voies de recours en cas de discrimination fondée sur le sexe. Le Comité demande à l ’ État partie de faire en sorte que les dispositions de la Convention fassent partie intégrante de la formation dispensée aux magistrats. À cet égard, il engage l ’ État partie à mettre au point des programmes de sensibilisation et de formation aux dispositions de la Convention à l ’ intention des juges, des avocats et des procureurs, en particulier en ce qui concerne la signification et la portée de la discrimination directe et indirecte et de l’égalité de droit et de fait , de façon à ancrer solidement le pays dans une culture juridique propice à l ’ égalité des femmes et à la non-discrimination. Le Comité invite l ’ État partie à mieux faire connaître leurs droits aux femmes par des programmes de vulgarisation juridique et par une assistance juridique. Le Comité engage l ’ État partie à diffuser largement le texte de la Convention et ses recommandations générales auprès de toutes les parties intéressées, notamment des ministères, des parlementaires, des magistrats , des partis politiques, des organisations non gouvernementales, du secteur privé et du public.

Tout en notant que l’État partie s’emploie à renforcer encore son mécanisme national de promotion de la femme, notamment en améliorant sa capacité à coordonner la promotion et l’application de politiques propres à assurer l’égalité des sexes et de la stratégie d’intégration de la problématique hommes-femmes dans tous les secteurs, en augmentant son budget et en le dotant du pouvoir d’examiner les plaintes pour discrimination fondée sur le sexe, le Comité est préoccupé par le fait qu’il n’a pas reçu une description claire du cadre juridique dans lequel le mécanisme national agit, de l’état de sa restructuration et du renforcement de ses pouvoirs, notamment dans les domaines de la prise de décisions et de l’application des lois.

Le Comité engage l ’ État partie à mener rapidement à bien le processus de renforcement et de restructuration de son mécanisme national afin que celui-ci puisse s ’ acquitter pleinement de toutes ses fonctions, et lui demande de lui fournir, dans son prochain rapport, une description claire et détaillée du mécanisme national, de ses pouvoirs, de ses fonctions et de ses ressources.

Tout en appréciant les efforts que déploie l’État partie pour examiner et proposer des amendements aux lois ayant un caractère discriminatoire, le Comité s’inquiète du retard pris par les réformes législatives et note que plusieurs amendements sont encore en cours de rédaction, que plusieurs textes de lois ont été rédigés mais n’ont pas encore été adoptés et que certains amendements proposés ont été rejetés par le Parlement. Le Comité est particulièrement préoccupé par la déclaration de l’État partie selon laquelle les réformes ne peuvent être entreprises que progressivement et au coup par coup pour des raisons politiques.

Le Comité engage l ’ État partie à accorder un rang de priorité élevé à son processus de réforme législative et à modifier ou à abroger, sans tarder et selon un calendrier bien défini, les lois discriminatoires, y compris les dispositions discriminatoires du Code du statut personnel, du Code pénal et de la l oi sur la nationalité. À cet effet, le Comité engage l ’ État partie à redoubler d’ efforts en vue de sensibiliser le Parlement et l ’ opinion publique à l ’ importance qu ’ il y a à accélérer les réformes législatives qui, aux termes de l ’ article 2 de la Convention, doivent être menées sans tarder. Il engage aussi l ’ État partie à prendre toutes les mesures voulu es pour renforcer son appui au processus de réforme, notamment en sensibilisant activement le Parlement et en établissant des partenariats et une collaboration avec les responsables religieux et communautaires, les avocats et les juges, les organisations de la société civile et les organisations non gouvernementales de femmes.

Tout en notant que le Ministère de l’éducation révise progressivement les manuels scolaires pour en supprimer les stéréotypes fondés sur le sexe et y incorporer les principes relatifs aux droits de l’homme et de la femme, et que le Ministère des affaires religieuses met actuellement au point un guide destiné aux prédicateurs et aux imams qui met l’accent sur les droits de la femme dans l’Islam, le Comité continue d’être vivement préoccupé par la persistance des comportements patriarcaux et de préjugés culturels profondément ancrés concernant les rôles et responsabilités de la femme et de l’homme dans la famille et la société en Jordanie, comme il l’avait souligné dans ses observations finales précédentes (A/55/38 (Part I), par. 165). Ces stéréotypes constituent un grave obstacle à l’application de la Convention et sont une des causes profondes de la situation défavorisée de la femme dans un certain nombre de domaines, notamment sur le marché du travail et dans la vie publique et politique, ainsi que de la violence à l’égard des femmes.

Le Comité engage l ’ État partie à considérer la culture comme un aspect dynamique de la vie et du tissu social du pays , qui est donc susceptible d ’ évoluer. Il demande à l ’ État partie de mettre en œuvre des mesures d ’ ensemble susceptibles de faire évoluer les rôles stéréotypés des hommes et des femmes afin de créer un environnement favorable à la réforme des lois, coutumes et pratiques discriminatoires et propre à renforcer la capacité des femmes de jouir de l’ensemble de leurs droits fondamentaux. De telles mesures devraient notamment comprendre des campagnes de sensibilisation et des programmes de formation en milieu scolaire et extrascolaire, l ’ ouverture d ’ un dialogue avec les hommes et les femmes, les filles et les garçons et les responsables communautaires et religieux et, en particulier, les membres du Parlement, en vue d ’ éliminer les stéréotypes associés aux rôles traditionnels des hommes et des femmes dans la famille et dans la société, conformément aux articles 2 f) et 5 a) de la Convention. Le Comité recommande que l ’ État partie surveille de près l ’ incidence de ses efforts visant à promouvoir le changement concernant les rôles stéréotypés attendus des femmes dans la famille et dans la société, et les résultats obtenus en la matière.

Tout en notant qu’un projet de loi sur la protection contre la violence familiale est actuellement examiné par le Conseil des ministres et sera prochainement soumis au Parlement, le Comité continue d’être préoccupé par le fait que les violences faites aux femmes sont toujours largement répandues, par l’absence de textes de loi tendant à protéger les femmes et par l’absence de poursuites et de répression contre les auteurs de violences contre les femmes, y compris au sein de la famille. Le Comité s’inquiète du fait que les comportements sociaux et, en particulier, le comportement des agents de la force publique et des magistrats, dissuadent les femmes de signaler les cas de violence dont elles sont victimes.

Conformément à la recommandation générale 19, le Comité demande instamment à l’État partie d’adopter des mesures générales pour remédier à toutes les formes de violence contre les femmes et les filles, en étant conscient que les violences faites aux femmes sont une forme de discrimination à leur encontre et constituent donc une violation de leurs droits fondamentaux en vertu de la Convention. Le Comité engage l’État partie à promulguer, aussitôt que possible, des textes de loi sur les violences faites aux femmes, y compris le projet de loi sur la protection contre la violence familiale, afin de faire en sorte que les violences faites aux femmes soient érigées en infraction pénale, que les femmes et les filles qui en sont victimes puissent bénéficier immédiatement de voies de recours et de mesures de protection et que les auteurs de tels actes soient poursuivis et punis. Le Comité recommande que l’État partie mette en œuvre des mesures de formation et de sensibilisation destinées aux agents de la force publique, aux magistrats, aux prestataires de soins de santé, aux travailleurs sociaux, aux responsables communautaires et au public en général, afin de veiller à ce qu’ils comprennent bien que toutes les formes de violence contre les femmes sont inacceptables. Il invite aussi l’État partie à utiliser pleinement l’information figurant dans l’étude approfondie du Secrétaire général sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes (A/61/122 et Add.1 et Add.1/Corr.1).

Tout en notant que l’article 340 du Code pénal a été révisé de façon à ce que les auteurs de crimes commis au nom de l’honneur (« crimes d’honneur ») ne soient plus blanchis, le Comité est préoccupé par le fait que les auteurs de tels crimes sont condamnés à des peines légères en vertu de l’article 340 révisé (qui réduit la durée de la peine en cas de meurtre commis dans un accès de colère) et de l’article 99 (qui réduit de moitié la peine à laquelle l’auteur a été condamné si la famille de la victime lui pardonne), et que les « crimes d’honneur » continuent d’être traités différemment des autres crimes violents, que ce soit au niveau de l’enquête, de la poursuite ou des efforts de prévention. Le Comité est aussi préoccupé par le fait que les auteurs de viol peuvent échapper à toute sanction s’ils épousent leur victime. Il s’inquiète en outre du fait que les femmes peuvent être soumises à des tests de virginité, qui perpétuent les stéréotypes, sans qu’elles y consentent pleinement et librement, et que les résultats de ces tests peuvent être utilisés à leur détriment.

Le Comité demande à l’État partie de modifier sans retard les dispositions applicables du Code pénal de manière que les auteurs de crimes d’honneur ne bénéficient pas d’une réduction de peine en vertu de l’article 340; que les auteurs de crimes d’honneur prémédités ne bénéficient pas d’une réduction de peine en vertu de l’article 98; et que l’article 99 de s’applique pas aux crimes d’honneur et autres affaires dans lesquelles la victime a un lien de parenté avec l’auteur. Le Comité invite par ailleurs instamment l’État partie à veiller à ce que les crimes d’honneur soient traités avec le même sérieux que les autres crimes violents, lors de l’enquête et du procès, et à ce que des mesures de prévention efficaces soient mises en place. Il lui demande en outre de faire en sorte que le violeur n’échappe pas au châtiment en épousant sa victime. Il recommande que l’État partie mette fin aux examens visant à déterminer si la victime est encore vierge ou veille à ce que ce type d’examen ne soit effectué que si la femme l’accepte librement et de plein gré et à condition que les résultats ne soient pas utilisés à son détriment.

Tout en se félicitant de la création de la Maison de la concorde familiale, où peuvent trouver refuge les femmes victimes de violence, et tout en notant également qu’un projet de loi visant à autoriser les organisations non gouvernementales à créer et à diriger des refuges est en cours d’élaboration, le Comité regrette que le nombre de ces refuges et autres services à l’intention des femmes victimes de violence ne soient pas en nombre suffisant. Il craint par ailleurs que la Maison de la concorde familiale ne privilégie la réconciliation au détriment de la protection et de la sécurité des femmes. Il constate avec préoccupation que la pratique qui consiste à placer sous protection les femmes victimes de violence et les femmes en danger en les privant de liberté est maintenue malgré la recommandation qu’il a déjà faite à ce sujet (A/55/38, par. 179) et malgré la création de la Maison de la concorde familiale.

Le Comité recommande que soit créé un nombre suffisant de refuges et de centres d’accueil pour femmes en situation de crise, à l’intention des femmes victimes de violence, dans les zones urbaines et dans les zones rurales. Il demande à l’État partie de faire en sorte que dans les cas où une victime accepte la réconciliation avec l’auteur des violences, un soutien psychologique soit dispensé à ce dernier et un suivi soit assuré afin d’éviter que les violences ne reprennent. Le Comité demande instamment à l’État partie de remplacer le système de la mise sous protection par d’autres mesures qui permettraient de protéger les femmes sans compromettre leur liberté, et de transférer à la Maison de la concorde familiale ou dans d’autres refuges sûrs toutes les femmes actuellement sous protection.

Tout en se félicitant que récemment 240 femmes aient été élues membres de conseils municipaux suite à l’adoption d’une mesure imposant un contingent de 20 % de femmes dans les conseils municipaux, et qu’en outre un contingent de six sièges a été réservé aux femmes sur les 110 sièges que compte la chambre basse et que sept femmes ont été nommées à la chambre haute, le Comité constate avec préoccupation que les femmes sont peu présentes dans la vie publique et politique et aux postes de décision.

Le Comité encourage l’État partie à prendre des mesures énergiques, notamment des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à ses propres recommandations générales 23 et 24, et à fixer des objectifs concrets et des échéances afin d’accélérer l’augmentation de la représentation des femmes dans les organes composés de membres élus ou autrement désignés, dans toutes les sphères de la vie publique. À cet égard, le Comité invite instamment l’État partie à envisager de modifier la loi électorale avant les élections parlementaires qui doivent avoir lieu en novembre 2007, afin d’introduire un quota notablement plus élevé à l’intention des femmes, comme l’a recommandé la Commission nationale jordanienne de la condition de la femme. Le Comité invite l’État partie à encourager par ailleurs les partis politiques à instituer des quotas ou à se fixer des objectifs chiffrés afin d’accélérer l’instauration de l’égalité de représentation des femmes. Il recommande à l’État partie d’organiser à l’intention des femmes ayant des responsabilités politiques et de celles qui envisagent de se faire élire des programmes de formation sur les techniques de négociation et l’art de diriger. Il lui demande d’œuvrer, notamment auprès de tous les membres du Parlement, pour que l’on prenne conscience du fait qu’il est important pour l’ensemble de la société que les femmes prennent part aux décisions.

Tout en se félicitant que la parité entre garçons et filles ait été réalisée dans l’enseignement primaire et secondaire, le Comité note avec préoccupation qu’il y a peu de femmes parmi les professeurs d’université. Il regrette aussi qu’à tous les niveaux de l’enseignement, l’éducation en matière de droits de l’homme soit limitée et que l’enseignement dans ce domaine fasse peu de place aux droits fondamentaux de la femme et à l’égalité des sexes.

Le Comité encourage l’État partie à redoubler d’efforts pour augmenter le nombre de femmes parmi les professeurs d’université dans toutes les disciplines, y compris au moyen de mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à sa propre recommandation générale 25. Il l’invite par ailleurs à renforcer l’enseignement des droits de l’homme dans le programme scolaire à tous les niveaux et à veiller à ce que cet enseignement donne la priorité à la promotion de l’égalité des sexes et aux droits fondamentaux de la femme.

Le Comité note avec préoccupation que le Code du travail n’interdit pas la discrimination à l’encontre des femmes ni le harcèlement sexuel et que les salariées n’ont pas droit aux mêmes prestations que leurs collègues masculins et n’y ont pas droit dans les mêmes conditions. Il note aussi que l’État partie affirme ne pas être en mesure de réglementer la conduite des employeurs privés. Il note par ailleurs le manque de place dans les garderies d’enfants, une situation qui constitue un obstacle supplémentaire à l’entrée des femmes sur le marché du travail.

Le Comité recommande que l’État partie modifie son C ode du travail de manière à interdire la discrimination à l’encontre des femmes ainsi que le harcèlement sexuel, dans l’emploi public et dans l’emploi privé, et à y introduire des dispositions prévoyant des réparations pour les victimes de discrimination ou de harcèlement sexuel. Il demande à l’État partie de faire en sorte que les prestations liées à l’emploi soient les mêmes pour les hommes et pour les femmes et que les femmes y aient droit dans les mêmes conditions que leurs collègues masculins. Il recommande en outre que l’État partie vérifie si les employeurs du secteur privé et du secteur public respectent le Code du travail révisé et fasse appliquer les nouvelles dispositions. Le Comité invite instamment l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination à l’encontre des femmes dans le secteur privé, conformément à l’alinéa e) de l’article 2 de la Convention. Il lui demande en outre d’ouvrir des garderies d’enfants adaptées et en nombre suffisant de manière à faciliter l’entrée des femmes sur le marché du travail.

Le Comité note que des amendements au Code du travail ayant pour objet d’assurer une couverture aux travailleurs du secteur informel sont en cours de rédaction, mais qu’à l’heure actuelle le Code ne couvre pas les travailleurs du secteur informel, en particulier les employés de maison et parmi eux les immigrés, qui sont en majorité des femmes. Le Comité constate aussi avec préoccupation que l’application de la réglementation en vigueur concernant l’emploi de domestiques, y compris d’immigrés, n’est pas contrôlée et que les mesures visant à faire appliquer cette réglementation ne sont pas suffisantes.

Le Comité demande à l’État partie d’accélérer les réformes législatives visant à ce que l’emploi de domestiques, y compris les immigrés, soit couvert par le Code du travail. Il l’invite instamment à vérifier l’application de la réglementation dans ce domaine et à la faire respecter.

Le Comité note avec préoccupation que malgré la modification qui a été apportée à la loi sur le statut personnel tendant à relever l’âge minimum du mariage des jeunes gens et des jeunes filles pour le porter à 18 ans, un juge peut toujours ordonner le mariage d’une jeune fille, pourvu qu’elle ait plus de 15 ans, s’il estime que celui-ci est dans son intérêt. Le Comité juge également préoccupant le fait qu’un pourcentage très élevé de l’ensemble des mariages (15 % environ) sont des unions avec des jeunes filles de moins de 18 ans, sachant que le mariage à un âge précoce nuit à la santé et à l’éducation des jeunes filles, ainsi qu’à leurs chances d’entrer sur le marché du travail.

Le Comité invite instamment l’État partie à abroger la disposition de l’article 5 de la loi sur le statut personnel autorisant le mariage d’une personne de moins de 18 ans et à veiller à ce que l’âge minimum du mariage pour le s hommes et pour les femmes (18  ans) soit respecté, conformément au paragraphe 2 de l’article 16 de la Convention, à la recommandation générale 21 du Comité et à la Convention relative aux droits de l’enfant.

Le Comité constate que l’État partie s’emploie à travailler en partenariat avec les organisations non gouvernementales mais il craint que la nouvelle réglementation relative aux organisations à but non lucratif et le projet de loi sur les organisations non gouvernementales ne portent préjudice au fonctionnement et aux activités de celles-ci, en particulier dans le cas des organisations non gouvernementales féminines, qui ont fait la preuve de leur utilité.

Le Comité recommande que l’État partie veille à ce que les organisations de la société civile et les organisations non gouvernementales qui s’occupent des femmes ne soient gênées dans leurs activités, à ce que de nouvelles organisations puissent être créées sans entraves et à ce qu’elles puissent fonctionner en toute indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics. Le Comité l’engage en particulier à créer des conditions favorables à la création d’organisations œuvrant pour la protection des droits de l’homme et des droits fondamentaux des femmes et à un engagement actif de ces organisations en faveur de l’application de la Convention.

Le Comité juge préoccupante la rareté des données statistiques citées dans le rapport au sujet de la situation des femmes dans tous les domaines couverts par la Convention ainsi que l’absence de ventilation des données par âge et entre zone rurale et zone urbaine, notamment. Il s’inquiète également du manque d’information concernant l’effet des mesures prises et les résultats obtenus dans les différents domaines couverts par la Convention.

Le Comité engage l’État partie à présenter dans son prochain rapport des données sur la situation des femmes et des analyses statistiques ventilées par sexe et entre zones rurales et zones urbaines, en indiquant l’impact des mesures prises et les résultats obtenus quant à la réalisation pratique d’une égalité véritable.

Le Comité engage également l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Le Comité prie l’État partie de veiller à associer tous les ministères et organismes publics à l’élaboration de son prochain rapport et à consulter les organisations non gouvernementales à cette occasion. Il l’encourage à faire examiner son rapport, avant de le lui présenter, par son Parlement.

Le Comité engage l’État partie à tenir le plus grand compte, dans l’exécution de ses obligations selon la Convention, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et il le prie de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements à cet égard.

Le Comité souligne que l’exécution intégrale et efficace de la Convention est indispensable pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Dans toutes les initiatives visant à les réaliser, il préconise donc l’intégration d’une perspective sexospécifique et la prise en compte explicite des dispositions de la Convention et il prie l’État partie de donner des renseignements à cet égard dans son prochain rapport périodique.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié les sept grands instruments internationaux concernant les droits de l’homme et note que cette adhésion aide les femmes à jouir de leurs droits et de libertés fondamentales dans tous les domaines de la vie. En conséquence, le Comité encourage le Gouvernement jordanien à envisager de ratifier le traité auquel il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées en Jordanie pour que la population du pays, en particulier les membres de l’administration et les responsables politiques, les parlementaires, les magistrats, les organisations féminines et les organisations des droits de l’homme soient au courant des mesures prises pour assurer l’égalité de droit et de fait entre les sexes et des dispositions qui restent à prendre à cet égard. Il demande également à l’État partie de diffuser largement, surtout auprès des femmes et des organisations de défense des droits de l’homme, le texte de la Convention, de son Protocole facultatif, de ses propres recommandations générales, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, ainsi que les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale, intitulé « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle ».

Le Comité prie l’État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes conclusions finales dans le prochain rapport périodique qu’il établira en application de l’article 18 de la Convention et qu’il doit lui remettre en juillet 2009.