Observations finales concernant les sixième et septième apports périodiques (présentés en un seul document)de la Jamaïque

Additif

Renseignements reçus de la Jamaïque au sujet de la suitedonnée aux observations finales*

Note  : le présent document est publié en anglais, français et espagnol uniquement.

* Le présent document n’a pas fait l’objet d’une relecture sur le fond par les services d’édition.

[Date de réception : 14 septembre 2016]

Contexte

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a examiné les sixième et septième rapports périodiques de la Jamaïque, présentés en un seul document (CEDAW/C/JAM/6-7), et communiqué ses observations finales comme suite au dialogue du 13 juillet 2012.

Conformément aux indications sur la rédaction des rapports de suivi détaillées dans la note d’information sur la procédure de suivi, la Jamaïque a été priée, au paragraphe 43 des observations finales, de présenter, dans un délai de deux ans, un rapport écrit sur les mesures prises pour donner suite à deux (2) recommandations concernant des questions spécifiques concernant les violences faites aux femmes [par. 22 b) et g)] et l’égalité dans le mariage et les rapports familiaux [par. 38 c) et d)]. Le présent rapport fournit des informations sur les mesures prises pour donner suite à ces recommandations.

A.Suivi des observations finales

Conformément aux recommandations formulées par le Comité au paragraphe 41, une copie des observations finales a été communiquée à plusieurs organisations, institutions, groupes et individus – environ 153 personnes de 50 ministères, départements et organismes et de 22 organisations de la société civile et organisations non gouvernementales – afin de les sensibiliser aux préoccupations et recommandations mais aussi de demander des informations sur les mesures prises pour donner suite aux recommandations.

L’accent a mis en particulier sur les organisations de défense des femmes et des droits de l’homme, ainsi que sur les entités menant des programmes ou des activités concernant les violences faites aux femmes ou le mariage et les rapports familiaux. Il s’agit notamment du Bureau du défenseur des enfants (Office of the Children’s Advocate), du Ministère de la jeunesse et de la culture, du Service du développement de l’enfant (Child Development Agency), du Ministère de la justice, de Woman Inc., de l’Association des organisations de femmes en Jamaïque (Association of Women's Organizations in Jamaica), du Bureau du Procureur général, du Bureau du défenseur public (Office of the Public Defender), du Centre d’enquête sur les infractions sexuelles et la maltraitance à l’égard des enfants (Centre for the Investigation of Sexual Offences and Child Abuse) et de la Division des services aux victimes (Victim Services Division, anciennement Service d’aide aux victimes).

B.Violences faites aux femmes

Au paragraphe 21, le Comité s’est dit préoccupé par le nombre élevé de cas de violences à l’égard des femmes en dépit de la loi (modifiée) de 2004 sur la violence dans la famille, qui a institué un régime d’ordonnances de protection et de décrets d’occupation professionnelle visant à protéger les femmes contre la violence familiale, et élargi la catégorie des personnes pouvant demander réparation au titre de la législation. D’autres sujets d’inquiétude étaient la criminalisation du viol conjugal, l’assistance et l’appui aux victimes et la législation sur le harcèlement sexuel.

Mesures prises pour mettre en œuvre les recommandationsconcernant les violences faites aux femmes

Grâce à l’appui de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), le Gouvernement de la Jamaïque finit d’élaborer l’ébauche d’un plan d’action stratégique national d’élimination de la violence sexiste en Jamaïque, afin de promouvoir une approche globale de la prévention et de la répression de la violence sexiste sous toutes ses formes. Ce plan d’action comprend cinq (5) domaines prioritaires :

1)Prévention – Faciliter l’examen, l’adaptation et la formulation de lois et de politiques de protection, ainsi que la sensibilisation et la mobilisation de tous aux fins de la protection contre la violence sexiste et la prise de conscience en la matière;

2)Protection – Assurer la généralisation et le suivi de la prévention de la violence sexiste et de l’intervention dans les domaines du soutien psychosocial et de la santé;

3)Enquêtes et poursuites – Veiller à ce que le système juridique enquête sur les cas de violence sexiste et en poursuive les auteurs, avec le souci de l’égalité des sexes et dans le respect des normes internationales en matière de diligence voulue, d’inclusion et de non-discrimination;

4)Sanctions et réparations – Punir effectivement les auteurs de violences sexistes et instaurer un système de réparation en faveur des victimes;

5)Protocoles de collecte des données et de coordination – Suivre et contrôler les effets de la mise en œuvre du plan d’action;

Les principaux éléments du cadre institutionnel de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation du plan d’action sont les suivants :

•Un organe chargé de l’égalité des sexes au sein du Gouvernement – il s’agit actuellement du Bureau de promotion de l’égalité des sexes (Bureau of Gender Affairs), anciennement Bureau de la condition féminine (Bureau of Women’s Affairs), qui relève du Ministère de la culture, de l’égalité des sexes, des loisirs et des sports;

•L’Autorité nationale de santé sexuelle (National Sexual Health Authority), du Ministère de la santé;

•Le groupe de travail restreint sur la violence sexiste (Core Working Group on Gender Based Violence);

•Des groupes de travail techniques pour chacun des cinq domaines stratégiques prioritaires du plan d’action.

Le Ministère de la culture, de l’égalité des sexes, des loisirs et des sports et le Bureau de promotion de l’égalité hommes-femmes ont travaillé sans relâche pour finaliser le plan d’action. Un cadre de suivi et d’évaluation solide a été créé en collaboration avec le PNUD pour guider la mise en œuvre et le suivi du plan d’action. Un dispositif de gouvernance a également été établi.

Cadre juridique et réglementaire

La Chambre et le Sénat ont approuvé la réglementation d’application de la loi sur les infractions sexuelles (Sexual Offences Act), qui permet de poursuivre les auteurs de viols et d’autres atteintes sexuelles et prévoit la création d’un greffe et d’un registre spécialisés. Une commission parlementaire composée de membres des deux chambres a été chargée de réviser la loi sur les infractions sexuelles. Elle recueille actuellement les propositions d’amendement des citoyens et des parties prenantes.

Cette commission examinera également d’autres textes, notamment la loi sur les atteintes à la personne (Offences Against the Person Act) et la loi pour l’aide et la protection des enfants (Child Care and Protection Act), qui répriment les infractions commises contre des femmes, des enfants et des personnes âgées, afin de préciser la définition d’infractions telles que le meurtre de femmes enceintes et d’enfants, les atteintes sexuelles contre des enfants, l’enlèvement d’enfants et d’autres actes de délinquance violente à l’encontre des femmes, enfants et personnes âgées, et de renforcer les sanctions correspondantes.

Le Cabinet du Premier Ministre, responsable des questions d’égalité des sexes jusqu’aux élections législatives de février 2016, a tenu des réunions avec plusieurs parties prenantes, notamment des associations religieuses et des professionnels du secteur juridique, afin de procéder à une première évaluation des services, infrastructures et dispositions destinés aux victimes de violences sexistes. L’objectif était également de trouver les moyens de renforcer les services existants et de créer de nouvelles structures permettant une prise en charge complète, y compris un accompagnement psychosocial. Les professionnels du secteur juridique ont examiné le texte actuel de la loi sur la violence domestique afin de proposer des amendements, conformément aux recommandations du Groupe de travail sur la réforme du système judiciaire (Justice System Reform Taskforce), et de l’accorder aux normes nationales, régionales et internationales.

Le Gouvernement a approuvé en avril 2014 des consignes de rédaction en vue d’un projet de loi sur le harcèlement sexuel. Présenté en décembre 2015, ce projet de loi est devenu une priorité du programme législatif et sera débattu au Parlement en 2016.

La loi sur les mesures spéciales en matière de preuve (Evidence (Special Mesures) Act), adoptée en décembre 2012, vise à protéger les témoins vulnérables, notamment les femmes et les enfants. Elle prévoit l’utilisation de dépositions sur enregistrement vidéo ou par vidéoconférence afin d’éviter aux témoins vulnérables de venir déposer en personne au tribunal, atténuant ainsi les souffrances et traumatismes subis, en particulier lorsqu’il s’agit d’atteintes sexuelles.

En outre, la réglementation sur les mesures spéciales en matière de preuves, notamment l’utilisation de la vidéo dans les procédures pénales (Evidence (Special Measures) (Video Recorded Evidence) (Criminal Proceedings) Regulations est entrée en vigueur en juillet 2015, donnant effet à la loi sur les mesures spéciales en matière de preuve.

La loi sur la prévention, l’élimination et la répression de la traite des êtres humains (Trafficking in Persons Prevention, Suppression and Punishment Act) de 2007, amendée en juillet 2013, porte de dix à vingt ans la peine maximale encourue pour traite des personnes. La définition de l’« exploitation » y est également étendue à des infractions connexes, telles que les atteintes sexuelles, le viol ou la servitude pour dettes.

Le Bureau de promotion de l’égalité des sexes élabore avec le Bureau du défenseur public un protocole de dépôt et de suivi des plaintes des femmes, conformément au cinquième domaine prioritaire du Plan d’action stratégique national d’élimination de la violence sexiste (PASN-VS). Par ailleurs, le Bureau du défenseur public continue d’examiner les demandes de réparation pour violations des droits de l’homme, enquêtant sur les plaintes des citoyens et agissant au nom des plaignants pour remédier aux injustices.

Protocoles de collecte des données et de coordination

Le Service de la justice réparatrice (Restorative Justice Unit) du Ministère de la justice a commencé en avril 2013 à recueillir des données sur l’élaboration de stratégies destinées à éliminer les violences faites aux femmes et aux filles.

Des indicateurs et outils ont été établis pour faciliter la collecte de données de référence aux fins du suivi efficace et fondé sur des données probantes des incidences de la violence sexiste.

Une formation sur la collecte des données ventilées par sexe a également été organisée en partenariat avec la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), ainsi qu’une formation complémentaire destinée aux fonctionnaires afin qu’ils désignent des coordonnateurs pour les questions d’égalité des sexes au sein de leurs services respectifs.

Le Service d’aide aux victimes du Ministère de la justice, reclassé en 2014, est devenu la Division des services aux victimes, l’objectif étant de renforcer l’entité et d’améliorer ainsi sa capacité à fournir un soutien essentiel aux victimes, notamment de violence sexuelle et domestique, de sorte qu’elles puissent témoigner devant la justice.

La Division des services aux victimes recueille des données sur les infractions mais, ses ressources étant limitées, elle ne peut les ventiler par sexe, âge ou lien entre la victime et l’auteur. Il est prévu d’améliorer la collecte, l’analyse et la diffusion des données.

La Division de la planification stratégique, de la recherche sur les politiques et de l’évaluation (Strategic Planning, Policy Research and Evaluation Division) du Ministère de la justice recueille actuellement les données des tribunaux pour évaluer le nombre d’affaires pénales engagées et ayant fait l’objet d’une décision mais ne les ventile pas selon des variables démographiques.

La Division a mis en œuvre une stratégie globale d’amélioration de la collecte et de la communication des données des tribunaux. Le projet pilote de collecte des données du tribunal de la circonscription de Half Way Tree, mené de 2013 à 2015, a donné des résultats favorables. La collecte des données au moyen d’un nouveau formulaire a ensuite démarré dans cinq circonscriptions pour une première phase. Lors d’une seconde phase qui débutera en octobre 2016, le projet sera étendu au reste des tribunaux. D’ici à janvier 2017, tous les tribunaux auront la même plateforme de collecte des données et travailleront avec un cadre normalisé de collecte des données. Il est également prévu de former le personnel chargé de la collecte des données.

Selon les premiers résultats du projet de collecte des données, le tribunal de Half Way Three est parvenu à gérer plus efficacement sa charge de travail, identifiant les affaires en souffrance ou au point mort (ce qui ne ressortait pas des données habituellement fournies par le Ministère de la justice). On a également pu observer l’effet des changements de politique ou de législation sur les types d’affaires portées devant ce tribunal.

Les parties prenantes comprennent maintenant mieux qu’il importe de disposer de données exactes et utiles des tribunaux. La généralisation du dispositif de collecte des données à l’ensemble du système judiciaire semble donc bien s’annoncer.

Sensibilisation et formation

Le Bureau de promotion de l’égalité des sexes organise des sessions de sensibilisation et de formation en la matière ainsi que sur des questions cruciales telles que les droits de l’homme, la gestion de la colère et des conflits, les compétences de communication et de négociation et la confiance en soi, afin de sensibiliser le grand public à l’élimination des violences faites aux femmes. Les participants provenaient de communautés rurales et urbaines et en particulier de populations vulnérables.

Il est prévu de mettre en place un programme de sensibilisation afin d’encourager chacun à signaler les actes de violence familiale et sexuelle à l’égard des femmes et des filles, afin que l’ensemble de ces actes fasse effectivement l’objet d’enquêtes, que les victimes et témoins soient protégés et que les auteurs soient poursuivis et condamnés dans des délais raisonnables.

Des projets de formation générale à la lutte contre les violences faites aux femmes, notamment la violence familiale et sexuelle, sont organisés à l’intention des professionnels concernés, notamment les juges, les procureurs, les avocats et les policiers, concernant l’application des ordonnances de protection rendues en vertu de la loi sur les violences familiales (Domestic Violence Act). Les professionnels de la santé suivent une formation sur les procédures normalisées de prise en charge des victimes de violences dans le respect des différences entre les sexes. En outre, dans le cadre du projet de lutte contre la violence familiale, sexuelle et sexiste, plus de 300 policiers et intervenants de première ligne vont bénéficier d’une formation qui leur permettra de mieux identifier, gérer et aider les victimes de viol, de harcèlement sexuel ou de violence domestique.

Une formation à la gestion des agressions sexuelles été dispensée à des professionnels de la santé en collaboration avec le Centre d’enquête sur les infractions sexuelles et la maltraitance d’enfants (Centre for the Investigation of Sexual Offences & Child Abuse) du Ministère de la sécurité nationale. Elle vise à faciliter l’élaboration de lignes directrices pour le traitement et la prise en charge des victimes de violence sexiste. Des ateliers de suivi seront organisés afin d’étendre la formation à d’autres professionnels de la santé et de faciliter le suivi et l’évaluation.

Aide et soutien aux victimes

La Division des services aux victimes a accru le soutien aux victimes d’infractions telles que la violence sexuelle et familiale. Elle dispose de 13 bureaux locaux et d’une antenne. Il a été proposé d’augmenter le nombre de bureaux locaux et d’antennes. La Division ne gère pas de centres d’accueil mais oriente les victimes vers des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux.

Overcomers in Action est un programme de thérapie de groupe qui aide les femmes victimes d’atteintes sexuelles physiques ou psychologiques à se soigner et à se reconstruire. Ouvert à toutes les femmes qui ont été victimes de tels actes, il est géré par des conseillers professionnels formés à la thérapie de groupe. Il assure également des services d’intervention en urgence et des formations, ainsi que l’orientation des victimes.

La Division envisage d’engager des psychologues afin d’assurer des services spécialisés tels que des psychanalyses afin de déterminer le type de violence sexiste subie et les soins psychiatriques à apporter aux victimes.

C.Mariage et rapports familiaux

Au paragraphe 37, le Comité note l’existence de stéréotypes traditionnels concernant le rôle des femmes dans la famille. Il constate également que si les deux parents sont légalement responsables de l’entretien des enfants, les soins à prodiguer aux enfants incombent de manière disproportionnée aux mères (en particulier aux mères célibataires) du fait de facteurs culturels ainsi que de lacunes juridiques et administratives relatives à l’entretien des enfants et de la participation insuffisante des hommes.

Mesures prises pour donner effet aux recommandations concernantle mariage et les rapports familiaux

Entretien des enfants

À l’heure actuelle, la loi sur l’obligation d’entretien (Maintenance Act) permet aux mères, en particulier aux mères célibataires, de demander aux tribunaux l’octroi d’une pension alimentaire et de disposer ainsi en temps utile des ressources nécessaires à l’entretien de leurs enfants. Certaines mères choisissent cependant de ne pas recevoir de pension alimentaire pour diverses raisons, notamment par souci d’éviter un conflit avec le père des enfants. Le Bureau de promotion de l’égalité des sexes, en collaboration avec d’autres parties prenantes et partenaires clefs, s’emploie à faire mieux connaître les textes juridiques pertinents par la sensibilisation et la formation de multiples publics, notamment les femmes et les filles des communautés vulnérables.

Faisant fond sur des années d’évolution positive des comportements sociaux, en particulier chez les pères, le Gouvernement jamaïcain s’emploie à améliorer encore leur sens des responsabilités envers leurs enfants. Il entend ainsi les aider à fournir à leurs enfants l’éducation et le soutien dont ils ont besoin dès les premiers stades de leur développement. Dans cette optique, il prépare une loi qui obligera le père à faire inscrire son nom sur l’extrait d’acte de naissance.

Divorce

La Cour suprême a pris diverses initiatives pour simplifier la procédure de divorce afin que les femmes ne se retrouvent pas désavantagées ou en difficulté. Des efforts ont été faits pour réduire encore la durée des procédures, notamment en introduisant des documents normalisés à l’usage des avocats, ce qui permet de réduire le nombre de cas où la Cour est amenée à demander des corrections, et donc le temps de traitement des dossiers.

La Cour suprême procède également à la révision de son règlement afin que les juges d’instance, et non plus uniquement ses propres juges, puissent connaître des demandes de jugement provisoire.

Les propositions de modification du Règlement de la Cour concernant la normalisation des documents et l’élargissement des responsabilités des juges d’instance sont actuellement en cours d’examen. Les deux initiatives visent à réduire la durée des procédures de divorce.