Quarante et unième session

30 juin-18 juillet 2008

Projet soumis pour adoption

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Yémen

Le Comité a examiné le sixième rapport périodique du Yémen (CEDAW/C/YEM/6), à ses 832e et 833e séances, le 1er juillet 2008 (voir CEDAW/C/SR.832 et 833). On trouvera la liste des questions suscitées par le rapport dans le document CEDAW/C/YEM/Q/6 et les réponses données par le Yémen dans le document CEDAW/C/YEM/Q/6/Add.1.

Introduction

Le Comité remercie l’État partie pour son sixième rapport périodique mais, tout en notant que le document a été établi en partie selon les directives qu’il a énoncées (HRI/GEN/2/Rev.1/Add.2), il regrette qu’il ne contienne pas d’informations sur la mise en œuvre de chacune des recommandations formulées dans ses précédentes observations finales. Il prend acte du fait que l’État partie a répondu par écrit à la liste de questions soulevées par le groupe de travail d’avant-session mais déplore qu’il n’ait pas donné de réponses claires et précises à plusieurs questions.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir dépêché une délégation dirigée par l’Ambassadeur et Représentant permanent du Yémen auprès de l’Organisation des Nations Unies, qui comprenait quatre représentantes de la Commission nationale de la femme. Il le félicite pour le dialogue franc et constructif qui s’est noué entre la délégation et les membres du Comité et grâce auquel des indications précises ont été obtenues sur la situation des femmes au Yémen et l’état de mise en œuvre de la Convention.

Aspects positifs

Le Comité prend note avec satisfaction du travail accompli par la Commission nationale de la femme en faveur de la promotion des droits des femmes en tant qu’organe consultatif au sein du Gouvernement. Il la félicite pour les recommandations qu’elle a adressées au Gouvernement, bien qu’elles n’aient pas encore été adoptées par le Parlement, en vue de modifier les nombreuses lois discriminatoires qui subsistent, telles que la loi relative au statut personnel, la loi relative aux infractions pénales et aux peines correspondantes, la loi relative aux élections et aux référendums, la loi relative à la nationalité, le Code du travail et la loi relative aux prisons.

Le Comité note avec satisfaction que les Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant qui ont trait, respectivement, à la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et à l’implication d’enfants dans les conflits armés ont été ratifiés en décembre 2004, pour le premier, et en mars 2007, pour le second, d’autant plus que ces instruments internationaux portent également sur les droits fondamentaux des filles.

Le Comité prend également note avec satisfaction de l’adoption de la loi no26 de 2003 modifiant les dispositions du règlement pénitentiaire applicables aux femmes enceintes détenues, et de la loi no25 de 2003 instituant, pour les entités publiques et privées qui emploient 50 travailleuses ou davantage, l’obligation de créer une crèche pour leurs enfants.

Le Comité note également, en s’en félicitant, que l’État partie a signé plusieurs mémorandums d’accord avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en 2005, 2007 et 2008, en ce qui concerne le VIH/sida, et qu’il s’est engagé à élaborer une loi sur les réfugiés et à la promouvoir, ainsi qu’à ouvrir un centre permanent d’enregistrement pour les réfugiés somaliens.

Le Comité prend acte du fait que le Gouvernement s’est engagé à adopter des mesures spéciales temporaires sous la forme de programmes visant à réduire les disparités entre hommes et femmes dans la vie politique et publique, et en particulier qu’il a récemment accepté, à titre provisoire, un système de quotas qui devrait être mis en place avant les prochaines élections législatives, en modifiant la loi électorale de manière à ce que les femmes occupent au moins 15 % des sièges parlementaires.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité rappelle que le Yémen est tenu d ’ appliquer systématiquement et en permanence toutes les dispositions de la Convention, et lui demande de prêter attention en priorité aux préoccupations et recommandations énoncées dans les présentes observations finales d ’ ici à la présentation de son prochain rapport périodique. Il l ’ exhorte à axer ses efforts sur les domaines considérés dans le cadre des activités qu ’ il mène en application de la Convention et à rendre compte, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu ’ il aura prises et des résultats qu ’ il aura obtenus. Il demande à l ’ État partie de communiquer les présentes observations finales à tous les ministères compétents, au Parlement ainsi qu ’ à la magistrature pour faire en sorte qu ’ elles soient pleinement appliquées.

Le Comité reste préoccupé par le fait que, tout en garantissant que tous les citoyens sont égaux en droits et en devoirs, la Constitution ne consacre pas le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines et que la législation de l’État partie ne contient pas de définition explicite du principe d’égalité entre les femmes et les hommes ni de la discrimination sexiste.

Afin d ’ appliquer la Convention dans son intégralité, le Comité exhorte l ’ État partie à incorporer le principe d ’ égalité des sexes dans sa Constitution ou dans les autres dispositions de son droit interne, conformément à l ’ alinéa a) de l ’ article 2 de la Convention, et à inscrire explicitement la définition de la discrimination figurant à l ’ article 1 de la Convention dans sa législation nationale. Il lui demande de promulguer et de faire appliquer une loi générale relative à l ’ égalité des sexes, qui aurait une valeur contraignante dans les secteurs public comme privé, et de faire connaître aux femmes les droits qui sont les leurs en vertu de ces textes.

Le Comité est préoccupé par le manque de clarté constaté quant à la place des instruments internationaux, dont la Convention, dans le régime juridique national. Il est aussi préoccupé par le fait que la Convention n’est pas diffusée de manière satisfaisante auprès de toutes les parties prenantes et que les organes compétents de l’administration et de la magistrature ne sont pas correctement instruits de ses dispositions.

Le Comité recommande à l ’ État partie de définir clairement le statut des conventions internationales dans son cadre législatif interne, en garantissant la primauté des instruments internationaux, dont la Convention, sur la législation nationale et de veiller à ce que les dispositions de son droit interne soient conformes à ces instruments. Il lui recommande également de diffuser largement le texte de la Convention et de ses propres recommandations générales auprès de toutes les parties prenantes, y compris les ministères, les parlementaires, les autorités judiciaires, les partis politiques, les organisations non gouvernementales, le secteur privé et le public en général.

Le Comité se déclare préoccupé par la persistance de pratiques traditionnelles discriminatoires et de stéréotypes bien ancrés concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société. Ces stéréotypes constituent un obstacle important à la mise en œuvre de la Convention et sont l’une des principales causes de la position défavorisée qu’occupent les femmes dans tous les domaines, notamment sur le marché de l’emploi, sur la scène politique et dans la vie publique, ce qui les empêche d’exercer pleinement leurs droits et entrave l’application intégrale de la Convention.

Le Comité encourage l ’ État partie à s ’ attaquer aux stéréotypes concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes qui perpétuent la discrimination directe et indirecte à l ’ égard des femmes et des filles dans tous les domaines de la vie. Il lui demande de redoubler d ’ efforts dans la conception et l ’ application de programmes complets de sensibilisation visant à favoriser une meilleure compréhension de l ’ égalité entre les hommes et les femmes à tous les échelons de la société afin de modifier les comportements stéréotypés et les normes culturelles négatives relatives au rôle des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, conformément à l ’ article 5 a) de la Convention. Il lui recommande aussi d ’ inciter les autorités religieuses à donner une image favorable des femmes et à promouvoir l ’ égalité de statut et de responsabilités des femmes et des hommes dans la société.

Tout en se félicitant des premières mesures adoptées en vue de lutter contre la violence dans la famille et la violence à l’égard des femmes, telles que l’organisation de la première Conférence nationale pour la lutte contre la violence à l’encontre des femmes, qui s’est tenue à Sanaa en mars 2004, la réalisation par la Commission nationale de la femme d’une étude sur la violence familiale et d’une enquête sur la santé des familles qui a abordé le phénomène de la violence dans la famille, ainsi que la création du Réseau de lutte contre la violence à l’encontre des femme sen 2003, le Comité demeure vivement préoccupé par l’absence de lois visant expressément la violence à l’égard des femmes et des filles, y compris la violence au sein de la famille et la violence sexuelle. Il est également contrarié par les difficultés que les femmes rencontrent pour porter plainte et demander réparation lorsqu’elles sont victimes de violences.

Le Comité exhorte l ’ État partie à promulguer dans les plus brefs délais, conformément à sa recommandation générale 19, une législation visant la violence à l ’ égard des femmes et des filles, y compris la violence dans la famille, pour ériger en infraction pénale toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes et veiller à ce que les femmes et les filles victimes d ’ actes de violence aient immédiatement accès à des moyens de protection, y compris à des foyers d ’ accueil, et puissent obtenir réparation et à ce que les auteurs soient poursuivis et punis comme il convient. Il lui demande de modifier sans tarder le Code pénal pour criminaliser le viol conjugal. Il lui recommande également de prévoir des procédures précises pour le dépôt des plaintes relatives à la violence à l ’ égard des femmes et de mettre en place des sections féminines dans les commissariats de police pour la prise en charge de ces plaintes et des enquêtes auxquelles elles donnent lieu. Il l ’ engage à entreprendre des études détaillées sur les causes et l ’ ampleur de la violence à l ’ égard des femmes et des filles, y compris la violence sexuelle et la violence dans la famille, à recueillir des données ventilées sur toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes et à présenter, dans son prochain rapport, des informations sur les lois et politiques en vigueur visant à lutter contre ces violences et de rendre compte des effets des mesures prises.

Le Comité reste préoccupé par le fait que plusieurs dispositions du Code pénal sont discriminatoires à l’égard des femmes, en particulier les articles 273 et 275 qui érigent en infraction le fait de commettre un « outrage à la pudeur » et en vertu desquels les femmes sont systématiquement poursuivies, ainsi que l’article 232 aux termes duquel un homme, ou un autre parent de sexe masculin, qui tue son épouse ou une femme de la famille soupçonnée d’adultère, n’est pas inculpé de meurtre.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ abroger toutes les dispositions pénales discriminatoires du Code pénal, notamment les articles 273 et 275, mais surtout l ’ article 232, conformément à la proposition déjà faite par la Commission nationale de la femme il y a plusieurs années, et de veiller à ce que les meurtres de femmes commis par des hommes de leur famille fassent l ’ objet des mêmes poursuites et des mêmes sanctions que les autres meurtres.

Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas fourni d’informations sur la traite et le trafic d’êtres humains, en particulier de femmes et de filles, ni sur les mesures concrètes qui ont été adoptées pour prévenir de tels phénomènes.

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ adopter des mesures efficaces et systématiques pour prévenir et combattre la traite et le trafic des êtres humains, notamment des femmes et des filles, et d ’ enquêter de manière approfondie sur les affaires de cette nature, conformément à l ’ article 6 de la Convention et à sa recommandation générale n o 19. Il lui demande aussi de renforcer la coopération internationale visant à lutter contre la traite, à engager des poursuites contre les trafiquants, à leur infliger des peines proportionnelles à la gravité des crimes qu ’ ils commettent, et à protéger les droits fondamentaux des femmes et des filles victimes de la traite. Il l ’ engage à ratifier le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Il l ’ engage également à lui communiquer, dans son prochain rapport périodique, des données statistiques sur la traite et le trafic des personnes, les interventions concrètes et leurs résultats.

Le Comité est préoccupé par la très faible proportion de femmes occupant des postes de responsabilité dans tous les domaines, notamment au Parlement (0,3 %), au sein du Gouvernement (1,82 % pour les postes ministériels), dans l’appareil judiciaire (1,65 %) et dans les secteurs public et privé, y compris dans l’administration publique, le service diplomatique et les milieux universitaires.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de prendre des dispositions législatives efficaces et s ’ inscrivant dans la durée, y compris des mesures temporaires spéciales en application du paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention, pour accroître la représentation des femmes à tous les niveaux de la vie politique, en particulier aux postes de responsabilité. À cet égard, et pour accroître plus rapidement la représentation des femmes, il l ’ engage à instituer des quotas pour les candidates aux prochaines élections législatives. Il l ’ exhorte également à lancer des campagnes d ’ information pour attirer l ’ attention sur l ’ importance de la participation des femmes à la prise de décisions dans l ’ ensemble de la société, y compris dans les secteurs public et privé.

Tout en notant que l’État partie a plusieurs plans stratégiques en matière d’éducation, le Comité constate avec inquiétude que les taux d’analphabétisme demeurent très élevés chez les femmes et les filles, notamment en milieu rural, ce qui constitue un net indice de discrimination indirecte au regard de l’article 10 de la Convention. Il est également préoccupé par le taux élevé d’abandon scolaire parmi les filles.

Le Comité recommande à nouveau à l ’ État partie de prendre des mesures pour garantir l ’ accès des femmes et des filles à tous les niveaux d ’ éducation, y compris l ’ aménagement de toilettes réservées à leur usage, disposition qui a une incidence directe sur la réalisation de leur droit à l ’ éducation, notamment en milieu rural. Il recommande également à l ’ État partie d ’ adopter des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale 25 du Comité, afin d ’ assurer la scolarisation régulière et continue des filles. Il invite l ’ État partie à intensifier ses efforts pour améliorer le niveau d ’ alphabétisation des femmes et des filles grâce à l ’ adoption de programmes complets d ’ enseignement scolaire et extrascolaire et de formation et à mettre l ’ accent sur le recrutement et la formation de personnel enseignant féminin, l ’ élaboration de matériel pédagogique intégrant la problématique hommes-femmes et le suivi et l ’ évaluation des progrès réalisés par rapport à des objectifs assortis de délais. Il l ’ exhorte à sensibiliser l ’ opinion à l ’ importance de l ’ éducation en tant que droit fondamental et condition de l ’ autonomisation des femmes et à prendre des mesures pour modifier les attitudes traditionnelles qui tendent à perpétuer la discrimination.

Le Comité prend acte de la Stratégie nationale concernant les travailleuses (2001-2011) mais il est préoccupé par le fait que le nombre de femmes employées est très faible – elles représentent moins de 23 % de la population active totale –, que leurs débouchés sont très limités sur le marché de l’emploi du secteur privé et du secteur public, qu’elles sont concentrées dans le secteur agricole où elles ne sont pas rémunérées et qu’il existe une forte ségrégation professionnelle dans le secteur public où les femmes ne représentent que 17 % de la main-d’œuvre, ce qui témoigne d’un écart important entre les sexes dans ce secteur.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ appliquer des politiques et programmes ciblés, notamment des mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25, en vue d ’ accroître la proportion des femmes dans la population active du secteur structuré, en particulier dans le secteur public. Il lui recommande également de prendre des mesures pour modifier les comportements stéréotypés et les normes culturelles négatives relatives au rôle des femmes et des hommes, encourager les femmes et les hommes à concilier leurs obligations familiales et professionnelles, et élaborer et mettre en œuvre des programmes de sensibilisation qui s ’ adressent à toutes les couches de la société.

Tout en prenant note des politiques et programmes qui existent dans le domaine de la santé, notamment la Stratégie de promotion de la santé des femmes 2006-2010, la Stratégie nationale concernant la santé procréative 2003-2005 et sa version actualisée pour la période 2006-2010, le Comité s’inquiète du taux élevé de mortalité infantile, juvénile et maternelle dans l’État partie et de l’accès limité aux services de santé et de planification familiale, en particulier dans les zones rurales.

Le Comité invite l ’ État partie à améliorer l ’ accès des femmes aux soins de santé primaires, notamment pour ce qui est de la santé procréative et des moyens de planification de la famille. Dans l ’ esprit de sa recommandation générale 24, il lui recommande également de multiplier les campagnes de sensibilisation à l ’ importance des soins de santé, en y incluant des informations sur la propagation des maladies sexuellement transmissibles et du VIH/sida ainsi que sur la prévention des grossesses non désirées grâce à la planification familiale et à l ’ éducation sexuelle.

Le Comité est extrêmement préoccupé par la modification que la loi no24 de 1999 a apportée à la loi relative au statut personnel (no20 de 1992) et ses conséquences négatives, tenant au fait qu’elle légalise le mariage de fillettes de moins de 15 ans, avec le consentement de leur tuteur, ce qui constitue un recul manifeste pour les droits de la femme et l’application des dispositions de la Convention dans l’État partie et un grave manquement aux obligations qui incombent à l’État en question en vertu de cet instrument. Il continue d’avoir des doutes sérieux quant à la « légalité » de ces mariages précoces, certains intervenant dès l’âge de 8 ans, car ils s’apparentent à une forme de violence à l’encontre des filles concernées, présentent des risques sérieux pour leur santé et les empêchent de terminer leurs études.

Réitérant ses précédentes recommandations, le Comité demande instamment à l ’ État partie de prendre d ’ urgence des mesures législatives pour relever l ’ âge minimum du mariage pour les jeunes filles, conformément à l ’ article 1 de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, selon lequel toute personne de moins de 18 ans doit être considérée comme un enfant, et au paragraphe 2 de l ’ article 16 de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes, et pour spécifier que les mariages d ’ enfants n ’ ont pas d ’ effets juridiques. Il l ’ exhorte également à faire respecter l ’ obligation d ’ enregistrer tous les mariages afin de contrôler leur légalité et la stricte interdiction des mariages précoces ainsi qu ’ à poursuivre les contrevenants. Il lui recommande de mettre en place, avec le concours des organisations de la société civile et des autorités religieuses, des campagnes de sensibilisation aux effets néfastes des mariages précoces sur le bien-être, la santé et l ’ éducation des filles. Il l ’ exhorte en outre à adopter sans tarder le projet de loi relatif à la maternité sans risque récemment présenté au Parlement, qui comprend des dispositions interdisant toute pratique susceptible de compromettre la santé des femmes, comme le mariage précoce et la mutilation génitale féminine, et qui prévoit également la fourniture de contraceptifs dans tous les établissements sanitaires. À cet égard, l ’ État partie devrait veiller à ce que ces contraceptifs soient gratuits ou financièrement accessibles.

Le Comité est préoccupé par ce que l’on appelle les « mariages de touristes » ou « mariages temporaires » de jeunes filles yéménites, généralement issues de familles pauvres, avec des étrangers, généralement riches et originaires de pays voisins, mariages qui sont devenus plus fréquents ces dernières années avec le développement du tourisme.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ adopter toutes les mesures voulues pour prévenir ces phénomènes négatifs et combattre cette forme de tourisme sexuel. L ’ État partie devrait envisager activement de donner suite aux recommandations du Comité parlementaire de spécialistes de la jurisprudence islamique sur la question, à savoir amender la loi relative au statut personnel et poursuivre les responsables de ces actes. Il lui recommande également de concevoir, avec l ’ appui des autorités religieuses et d ’ organisations de la société civile, des campagnes de sensibilisation aux effets négatifs de ces «  mariages temporaires  » sur les filles et sur leurs familles.

Tout en accueillant avec satisfaction le décret promulgué en 2001 par le Ministère de la santé qui fait interdiction à tous les établissements sanitaires publics et privés et à tous les fonctionnaires de la santé de pratiquer la mutilation génitale féminine, le Comité juge préoccupant que la pratique demeure légale et, comme il l’a dit dans ses observations finales précédentes, s’inquiète de sa forte incidence, en particulier dans les zones côtières et rurales, ainsi que de la réticence de l’État partie à adopter des mesures visant à éradiquer cette pratique nocive persistante. Il prend note également avec préoccupation des graves complications médicales qu’elle entraîne pour les filles et pour les femmes, complications qui, dans certains cas, peuvent être fatales, ainsi que de l’impunité dont jouissent les coupables.

Compte tenu de ses recommandations générales 14 et 19, le Comité recommande à nouveau à l ’ État partie d ’ adopter d ’ urgence une loi érigeant en infraction la mutilation génitale féminine, dans laquelle il voit un acte de violence à l ’ égard des femmes qui est source de lésions et de souffrances physiques, mentales ou sexuelles, et de faire respecter cette interdiction en poursuivant et punissant les coupables comme il se doit. Il lui recommande également d ’ intensifier ses activités de sensibilisation et d ’ information, en ciblant aussi bien les hommes que les femmes, avec l ’ appui d ’ organisations de la société civile et des autorités religieuses, en vue d ’ éliminer complètement cette pratique et les justifications culturelles qui s ’ y rapportent. Le Comité encourage par ailleurs l ’ État partie à solliciter une assistance technique auprès des organismes et organes des Nations Unies compétents.

Étant donné que, dans l’État partie, la plupart des femmes vivent en milieu rural et constituent la main-d’œuvre du secteur agricole, le Comité s’inquiète tout spécialement de leur situation en général et de leurs difficultés d’accès aux soins de santé, aux services publics, à l’éducation, à la justice, à l’eau salubre et à l’électricité, en particulier, qui font gravement obstacle à la réalisation de leurs droits sociaux, économiques et culturels.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et de sa recommandation générale 25, pour s ’ assurer que les femmes rurales jouissent de leurs droits politiques, sociaux, économiques et culturels sans aucune discrimination, notamment en ce qui concerne l ’ accès à l ’ éducation, aux services publics, à la justice, aux soins de santé et au microcrédit.

Le Comité s’inquiète de ce que la loi de 1992 relative au statut personnel autorise la polygamie, interdise à la femme de se marier hors tutelle et ne requière pas son consentement direct lorsque le mariage est arrangé par son tuteur.

Conformément à l ’ article 16 de la Convention et compte tenu de sa recommandation générale 21, le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ amender la loi relative au statut personnel de façon à interdire la polygamie et à abolir la tutelle, institutions qui contreviennent au droit des femmes à l ’ égalité avec les hommes. Il exhorte en outre l ’ État partie à éliminer de cette loi toute autre disposition discriminatoire à l ’ égard des femmes.

Le Comité prend note avec inquiétude des autres dispositions discriminatoires de la loi de 1992 relative au statut personnel ainsi que de la loi de 1990 sur la citoyenneté, laquelle porte atteinte à l’égalité des droits des femmes pour les questions se rapportant au mariage, au divorce, au témoignage, à la propriété, à la nationalité, à la garde des enfants et à la succession.

Le Comité demande à l ’ État partie d ’ assurer l ’ égalité des droits entre hommes et femmes en ce qui concerne le statut personnel, en particulier le mariage, le divorce, le témoignage, la propriété, la nationalité, la garde des enfants et la succession. Il recommande à l ’ État partie de modifier toutes les autres dispositions discriminatoires, notamment le droit d ’ un enfant né d ’ une mère yéménite d ’ obtenir la nationalité de sa mère au même titre que s ’ il était né d ’ un père yéménite. Il recommande également à l ’ État partie d ’ accorder au mari non yéménite d ’ une Yéménite le droit de résider dans le pays pendant cinq ans dont jouit l ’ épouse non yéménite d ’ un Yéménite.

Tout en se félicitant qu’à l’occasion de la célébration de la Journée de la femme en 2006, il ait été décidé par décret de libérer 71 détenues qui avaient purgé leur peine mais ne pouvaient pas payer la caution, le Comité s’inquiète de ce que, d’après les constatations faites lors de nombreuses visites dans des prisons et des centres de détention pour femmes, notamment par le Comité des libertés publiques du Parlement, les conditions carcérales n’aient pas été adaptées aux besoins des femmes, qu’il n’y ait pas de gardiennes dans les prisons pour femmes, à l’exception du centre de détention de Hajah, qu’il n’existe pas non plus de services sanitaires spécifiques pour les détenues, y compris pour celles qui sont enceintes et pour leurs enfants. Les détenues sont fréquemment harcelées, humiliées et maltraitées par des gardiens et il arrive souvent qu’elles restent enfermées après avoir purgé leur peine parce que leur tuteur ou leur famille refuse de les laisser revenir au foyer ou ne sont pas en mesure de payer le prix du sang qu’elles ont été condamnées à verser. Le Comité s’inquiète aussi de ce que la majorité des détenues aient été condamnées pour prostitution, adultère, alcoolisme ou comportement illégal ou indécent dans un lieu public ou privé.

Le Comité demande à l ’ État partie d ’ assurer l ’ égalité des droits des hommes et des femmes dans les systèmes judiciaire et pénitentiaire et d ’ éliminer toutes les mesures discriminatoires à l ’ égard des femmes dans ces secteurs. L ’ État partie devrait veiller à ce que les détenues soient tenues à l ’ écart des détenus et placées sous la surveillance exclusive de gardiennes, notamment au cours de leur détention provisoire, à ce qu ’ elles aient accès à des installations sanitaires adéquates et à ce qu ’ elles bénéficient de programmes de réadaptation leur permettant de se réinsérer dans la communauté même si leur tuteur ou leurs familles refusent de les accueillir. Une attention particulière devrait être portée aux besoins des enfants détenus avec leur mère en matière de nourriture, de soins médicaux et d ’ éducation.

Tout en prenant note du rang occupé par l’État partie au regard de l’indicateur du développement humain ainsi que de sa stratégie nationale de réduction de la pauvreté 2006-2010, laquelle privilégie une approche sexospécifique de l’éducation, de la santé, de la nutrition et de la planification familiale, le Comité s’inquiète encore de voir que la pauvreté est endémique parmi les femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures, dans le cadre de ses efforts d ’ intégration de la problématique hommes-femmes et de sa stratégie de réduction de la pauvreté, pour remédier à la vulnérabilité des femmes démunies, notamment en garantissant leur représentation dans les instances participatives qui gèrent les programmes de réduction de la pauvreté. Il exhorte l ’ État partie à recourir à cet effet à des mesures temporaires spéciales au titre du paragraphe 1 de l ’ article 4 et de sa recommandation générale 25.

Le Comité juge particulièrement préoccupant que le Yémen n’ait pas encore achevé d’incorporer la plupart des dispositions de la Convention dans son droit interne, qu’une partie importante de son système juridique contredit toujours la Convention, que la discrimination à l’égard des femmes demeure omniprésente, que loin d’avoir sensiblement progressé, le développement et la promotion de la femme ont même reculé sous certains aspects, et que l’État partie n’envisage pas de donner pleinement suite à ses recommandations alors qu’il a ratifié la Convention sans réserve il y a plus de 24 ans. Cela soulève la question de sa volonté politique ou de sa capacité de s’acquitter de ses obligations au titre de la Convention.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ examiner attentivement toutes les recommandations qu ’ il lui a faites et de s ’ assurer que ses obligations au titre de la Convention, de ses principes religieux et de ses valeurs culturelles et sociales sont mises en conformité les unes avec les autres, afin de promouvoir et protéger pleinement les libertés et droits fondamentaux des femmes yéménites. Il lui recommande de se prévaloir de la coopération et de l ’ assistance techniques offertes par les organismes et organes des Nations Unies compétents, comme le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM), le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l ’ Organisation mondiale de la Santé (OMS), afin d ’ appliquer de fait et de droit les dispositions de la Convention et ses propres recommandations.

Le Comité recommande à l ’ État partie de transformer la Commission nationale de la femme en un ministère au sein du Gouvernement de façon à ce qu ’ elle participe à la prise de décisions, appuie directement son projet de loi au Parlement et fasse systématiquement prendre en compte les droits de la femme au sein du Gouvernement et de l ’ administration publique, et de lui allouer les ressources budgétaires nécessaires pour exécuter son mandat.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de créer une institution des droits de l ’ homme nationale indépendante, dotée d ’ attributions étendues en matière de promotion et de protection des droits de l ’ homme, conformément aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l ’ Assemblée générale du 20 décembre 1993).

Le Comité invite l ’ État partie à continuer de renforcer sa coopération avec le HCR et à adopter le projet de loi sur les réfugiés, en veillant à ce qu ’ il soit conforme à la Convention relative au statut des réfugiés et à son Protocole. Le Comité l ’ engage par ailleurs à octroyer au HCR un accès sans réserve aux centres de détention pour réfugiés, à ne pas déporter de réfugiés sans que le HCR ait pu préalablement vérifier leur statut et à garantir le droit des réfugiés à la sécurité, en particulier s ’ agissant des femmes et des enfants qui sont davantage exposés à la violence, notamment sexuelle.

Le Comité invite l ’ État partie à améliorer la collecte et l ’ analyse des données financières et à inclure dans son prochain rapport des données sur la situation des femmes et des analyses statistiques ventilées par âge, zone de résidence urbaine ou rurale, appartenance ethnique et origine régionale, de façon à donner une idée claire de la situation des femmes dans l ’ État partie. Il l ’ invite par ailleurs à indiquer l ’ impact des mesures prises et des résultats obtenus en ce qui concerne l ’ égalité effective entre les sexes.

Le Comité engage l ’ État partie à signer et à ratifier le Protocole facultatif relatif à la Convention et à accepter la modification du paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention relative à la durée de ses réunions.

Le Comité prie l ’ État partie d ’ associer tous les ministères et organismes publics à l ’ élaboration de son prochain rapport et de consulter à cette occasion les organisations non gouvernementales. Il encourage à soumettre son rapport à l ’ examen de son Parlement avant de le lui présenter.

Le Comité invite l ’ État partie à s ’ appuyer pleinement, pour s ’ acquitter de ses obligations en vertu de la Convention, sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing, qui renforcent les dispositions de cet instrument, et lui demande d ’ inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique. Il souligne aussi que la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement passe nécessairement par l ’ application intégrale de la Convention. Il demande que le principe de l ’ égalité des sexes et les dispositions de la Convention soient expressément pris en considération dans toutes les initiatives visant la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement et prie l ’ État partie d ’ inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité souligne que l ’ adhésion des États aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribue à promouvoir l ’ exercice effectif des droits fondamentaux et des libertés premières des femmes dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc le Gouvernement yéménite à envisager de ratifier les instruments auxquels il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées dans l ’ État partie de façon que la population du Yémen, en particulier les membres de l ’ administration et les responsables politiques, soit au courant des mesures prises pour assurer l ’ égalité de droit et de fait entre les sexes et sache quelles mesures restent à prendre à cet égard. Il demande également au Gouvernement de continuer à diffuser largement, surtout auprès des associations féminines et des organisations de défense des droits de l ’ homme, le texte de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et de son Protocole facultatif et ses propres recommandations générales; la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing et les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l ’ Assemblée générale, intitulée «  Les femmes en l ’ an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle  » .

[Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de lui soumettre par écrit dans les [deux ans à venir] des informations détaillées sur la mise en œuvre des recommandations figurant ci-dessus aux paragraphes [19, 31, 35 et 39], afin de lui permettre de mesurer la volonté politique de l ’ État partie ainsi que sa capacité d ’ appliquer effectivement ses recommandations les plus pressantes et de s ’ acquitter de ses tâches avec l ’ appui d ’ organisations de la société civile et des autorités religieuses.]

Date du prochain rapport

Le Comité prie l ’ État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il lui soumettra en application de l ’ article 18 de la Convention. Il l ’ invite à présenter dans un rapport unique en 2013 son [septième rapport périodique qui doit être présenté en mai 2009 et son huitième rapport périodique qui doit l ’ être en mai 2013].