Observations finales concernant le rapport initial du Pérou **

Le Comité a examiné le rapport initial du Pérou (CMW/C/PER/1) à ses 275e et 276e séances (CMW/C/SR.275 et 276), tenues les 14 et 15 avril 2015, et a adopté les observations finales ci-après à sa 288e séance (CMW/C/SR.288), tenue le 23 avril 2015.

A.Introduction

Le Comité se félicite de la présentation, quoique avec un certain retard, du rapport initial de l’État partie et remercie ce dernier des réponses apportées à la liste des points à traiter (CMW/C/PER/Q/1) qu’il lui a adressée.

Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation pluridisciplinaire dirigée par le Représentant permanent du Pérou auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, M. Luis Chávez Basagoitia, et composée de représentants de la Cour suprême de justice de la République, de la Direction de la protection et de l’assistance aux citoyens péruviens du Ministère des relations extérieures et d’autres représentants de la Mission permanente. En outre, des autorités compétentes dans le domaine des migrations sont intervenues par vidéoconférence depuis Lima. Le Comité accueille avec satisfaction les informations supplémentaires présentées par la délégation au cours du dialogue constructif qui lui a permis de mieux comprendre l’application de la Convention dans l’État partie, bien que certaines questions soient restées sans réponse.

Le Comité est conscient que le Pérou est traditionnellement un pays d’origine de travailleurs migrants, qui a enregistré ces dernières années une augmentation du nombre de travailleurs en transit ou qui se sont installés sur son territoire et du nombre de ses propres nationaux retournant dans leur pays, et s’est donc transformé en pays d’accueil.

Le Comité observe que certains des pays dans lesquels les travailleurs migrants péruviens trouvent un emploi ne sont toujours pas devenus parties à la Convention, ce qui pourrait constituer un obstacle à l’exercice des droits qui leur sont reconnus dans cet instrument. Il constate également que certains pays dans lesquels se sont installés des Péruviens sont membres du Marché commun du Sud (MERCOSUR) et de la Communauté andine et peuvent en conséquence jouir des avantages prévus dans les accords conclus dans le cadre de ces processus d’intégration.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ci-après ou l’adhésion à ceux-ci :

a)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (septembre 2012);

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées (janvier 2008);

c)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (septembre 2006).

Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption des instruments suivants :

a)La loi établissant la procédure de régularisation du séjour des étrangers en situation irrégulière (loi no 30103 de novembre 2013);

b)La loi relative à la réinsertion économique et sociale des migrants de retour au pays (loi no 30001 de mars 2013);

c)La loi relative à la lutte contre la traite des êtres humains et au trafic illicite de migrants (loi no 28950 de janvier 2007).

Le Comité se félicite également des mesures institutionnelles et politiques suivantes :

a)Le Plan national pour les droits de l’homme 2014-2016, adopté en juillet 2014;

b)Le Plan national pour l’éducation aux droits de l’homme et aux devoirs fondamentaux à l’horizon 2021, adopté en décembre 2014;

c)Les Directives générales relatives à la politique migratoire péruvienne, adoptées en février 2015;

d)Le décret législatif no 1130 de décembre 2012, qui établit les principes, les fonctions, la structure organisationnelle, et le régime économique, financier et en matière de travail applicables à la Surintendance nationale des migrations;

e)Le décret suprême no 067-2011-PCM de juillet 2011, établissant la Commission multisectorielle permanente/« Groupe de travail intersectoriel chargé de la gestion des migrations »;

f)Le Plan national d’action contre la traite des êtres humains 2011-2016, adopté en novembre 2011;

g)Les accords conclus avec l’Argentine, l’État plurinational de Bolivie, le Canada, le Chili, l’Équateur, l’Espagne, l’Uruguay, et ceux conclus dans le cadre du MERCOSUR et de la Communauté andine en vue d’améliorer les conditions de travail des nationaux de l’État partie dans ces pays.

Le Comité salue l’invitation que l’État partie a adressée aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales de l’ONU en avril 2002.

C.Principaux sujets de préoccupation, suggestions et recommandations

1.Mesures générales d’application (art. 73 et 84)

Législation et mise en œuvre

Le Comité salue les efforts que l’État partie a faits pour promouvoir et protéger les droits des travailleurs migrants à l’étranger. Il est toutefois préoccupé par le fait que l’État partie n’a toujours pas achevé le long processus de transition destiné à élaborer une nouvelle législation sur les migrations, conformément aux dispositions de la Convention. Il est plus particulièrement préoccupé par le fait que la loi de 1991 relative aux étrangers contient des dispositions susceptibles d’être en contradiction avec les normes internationales de protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour élaborer une nouvelle législation sur les migrations, conforme à la lettre de la Convention et à d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme que l’État partie a ratifiés.

Le Comité félicite l’État partie pour son Plan national pour les droits de l’homme 2014-2016, adopté en juillet 2014, qui prévoit une protection spéciale pour les migrants, les personnes déplacées, les victimes de la traite et les membres de leur famille, et établit des mesures concrètes destinées à protéger et promouvoir pleinement les droits des migrants et des membres de leur famille. Il est néanmoins préoccupé par le manque d’informations concernant la mise en œuvre de ce plan.

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que cet instrument soit immédiatement applicable et que la législation garantisse la protection de ces groupes conformément aux dispositions de la Convention.

Le Comité note que l’État partie n’a entamé aucune procédure pour formuler les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

Le Comité encourage l’État partie à effectuer, dans les plus brefs délais, les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

Le Comité note que l’État partie n’a pas ratifié la Convention (no 97) de l’OIT concernant les travailleurs migrants (révisée), 1949; la Convention (no 143) sur les migrations dans des conditions abusives et sur la promotion de l’égalité de chances et de traitement des travailleurs migrants, 1975; la Convention (no 181) concernant les agences d’emploi privées, 1997, et la Convention (no 189) concernant le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques, 2013.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour ratifier les Conventions de l’OIT n os  97, 143, 181 et 189.

Collecte de données

Le Comité prend note des efforts déployés pour améliorer la collecte de données sur les flux migratoires, en particulier ceux des travailleurs migrants en situation régulière dans l’État partie. Il regrette toutefois le peu d’informations statistiques et qualitatives sur des aspects relatifs à la Convention, en particulier en ce qui concerne les travailleurs migrants et les membres de leur famille en situation irrégulière, ainsi que les enfants migrants non accompagnés et séparés de leurs parents, qu’il s’agisse de migrants vivant au Pérou ou de Péruviens vivant à l’étranger.

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour que le système de statistiques migratoires tienne compte de tous les aspects de la Convention, et comprenne des données détaillées sur la situation des travailleurs migrants dans l’État partie, en transit et dans les pays de destination, et sur la situation des émigrants. Il l’encourage en outre à collecter des informations et des statistiques qualitatives ventilées par sexe, âge et statut migratoire en rapport avec les droits reconnus dans la Convention. S’il n’est pas possible à l’État partie de fournir des informations précises, par exemple sur les travailleurs migrants en situation irrégulière, le Comité souhaiterait recevoir des données basées sur des études ou des évaluations.

Formation à la Convention et diffusion de celle-ci

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour faire connaître le droit interne au grand public. Il note néanmoins avec inquiétude que ces mesures n’ont pas permis de répondre aux besoins des travailleurs migrants et des membres de leur famille au Pérou, tant à leur arrivée qu’au cours de leur séjour dans le pays, ni à ceux des travailleurs migrants péruviens qui souhaitent quitter le pays pour aller travailler et résider à l’étranger. En outre, le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur l’élaboration de programmes de formation spécifiques et permanents visant à faire connaître les dispositions de la Convention aux fonctionnaires concernés, notamment à ceux de la Surintendance nationale des migrations et de la Direction générale de la police nationale, ainsi qu’aux juges, aux procureurs, et aux autres fonctionnaires travaillant dans des domaines relatifs aux migrations, ainsi que par le fait que les dispositions de la Convention n’ont pas été diffusées auprès du grand public.

Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer des programmes permanents d’éducation, de sensibilisation et de formation aux dispositions de la Convention. Il lui recommande également de veiller à ce que la formation s’applique à tous les fonctionnaires dont les activités ont un lien avec les migrations, y compris au niveau local. Le Comité invite l’État partie à faire en sorte que les travailleurs migrants aient accès à des informations sur les droits que leur reconnaît la Convention et à collaborer avec les organisations de la société civile à la diffusion et à la promotion de la Convention, ainsi qu’ à renforcer les moyens d’action de celles-ci.

Participation de la société civile

Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie au cours du dialogue sur les mécanismes de participation de la société civile en matière de droits de l’homme, en particulier en ce qui concerne les politiques migratoires. Il est toutefois préoccupé par le peu d’informations concernant la participation formelle et permanente de la société civile à la mise en œuvre de la Convention, en particulier au sein de l’Instance intersectorielle chargée de la gestion des migrations, ainsi qu’à l’élaboration du rapport à l’examen.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour veiller à ce que la société civile participe de manière continue à l’application de la Convention, ainsi qu’à l’élaboration du prochain rapport.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

Le Comité observe que le principe de non-discrimination est inscrit dans la législation de l’État partie. Il est néanmoins préoccupé par le fait qu’aucune mesure n’a été prise pour garantir à tous les travailleurs migrants et aux membres de leur famille se trouvant sur son territoire et/ou relevant de sa juridiction les droits reconnus dans la Convention, sans discrimination aucune. Les restrictions prévues par les normes relatives à l’obtention d’un titre de séjour au motif du handicap et le fait que les membres de la famille de travailleurs migrants ne peuvent pas travailler le préoccupent particulièrement.

Le Comité recommande à l’État partie de garantir à tous les travailleurs migrants et aux membres de leur famille se trouvant sur son territoire et/ou relevant de sa juridiction les droits reconnus dans la Convention, sans discrimination aucune, conformément à l’article 7. Il lui recommande également d’indiquer dans son prochain rapport les mesures qu’il aura prises, accompagnées d’exemples concrets.

Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie a institué un mécanisme de contrôle des migrations dénommé « alerte citoyenne » (décret suprême no 001-2015-IN, art. 5) qui permet aux citoyens de dénoncer les travailleurs migrants qui enfreignent la loi sur les étrangers, en particulier ceux qui se trouvent en situation irrégulière.

Le Comité recommande à l’État partie de modifier l’article 5 du décret suprême susmentionné et toute autre mesure pouvant engendrer une forme quelconque de persécution, de discrimination, voire de racisme, à l’égard des travailleurs migrants. Il l’invite également à prendre immédiatement des mesures efficaces visant à éduquer la population et à mener des campagnes de sensibilisation pour combattre les préjugés et la stigmatisation sociale dont font l’objet les travailleurs migrants en général, en particulier ceux ayant certaines nationalités.

Droit à un recours utile

Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie selon lesquelles tous les individus ont droit à la justice, comme le prévoit la Constitution. Il constate néanmoins avec préoccupation que, dans la pratique, les travailleurs migrants ont un accès limité à la justice parce qu’ils ne sont pas informés des recours administratifs et judiciaires qui leur sont ouverts. Le Comité relève l’absence d’informations sur le nombre et/ou le suivi des plaintes pour violation des droits des travailleurs migrants. Il prend également note de l’absence d’informations sur l’aide juridictionnelle que les travailleurs migrants et les membres de leur famille auraient sollicitée et dont ils auraient bénéficié.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que, tant en droit que dans la pratique, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris les travailleurs en situation irrégulière, jouissent, auprès des autorités administratives et judiciaires compétentes , du droit de déposer plainte, de disposer de recours utiles et de recevoir des réparations appropriées , au même titre que les nationaux de l’État partie . Il recommande également à l’État partie de redoubler d’efforts pour informer les travailleurs migrants des recours disponibles ainsi que des services d’aide juridictionnelle existant dans le pays. Il l’invite à veiller à ce que les plaintes des travailleurs migrants soient traitées de manière efficace et en temps voulu .

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Le Comité prend note des informations fournies concernant les modalités de privation de liberté des travailleurs migrants et la différence entre rétention et détention. Il relève néanmoins avec préoccupation l’absence de données statistiques sur les cas de placement en détention et/ou en rétention pour des motifs liés à la migration irrégulière, ainsi que sur les lieux de détention et de rétention, les mesures visant à garantir aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille concernés l’assistance consulaire et l’accès à cette forme d’assistance, et sur l’accès à la justice et à l’aide juridictionnelle. Le Comité note également avec préoccupation l’absence d’informations sur l’existence d’éventuelles mesures de substitution à la privation de liberté dans le cadre des procédures de contrôle migratoire. L’État partie n’a pas non plus communiqué d’informations sur le nombre de travailleurs migrants d’origine haïtienne placés en détention et/ou en rétention, ni sur les lieux et la durée de la détention ou de la rétention, ni sur les conditions dans lesquelles ils sont détenus en attendant l’ordonnance de sortie obligatoire.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que la détention des travailleurs migrants en situation irrégulière soit une mesure de dernier ressort et qu’elle soit, en toutes circonstances, conforme aux dispositions de l’article 16 et du paragraphe 2 de l’article 17 de la Convention, ainsi qu’à l’Observation générale n o  2 du Comité sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille. En outre, le Comité recommande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur ce point, y compris les informations mentionnées au paragraphe précédent.

Le Comité constate avec préoccupation que les travailleurs migrants visés par une décision d’expulsion ont du mal à former un recours administratif sur le territoire péruvien et que ces recours n’ont pas d’effet suspensif sur la décision contestée. De plus, la loi ne prévoit pas l’obligation de tenir compte de la situation familiale de la personne, ni du temps passé dans le pays ou d’autres éléments de nature à entraîner l’annulation ou la modification de la décision. Le Comité observe avec inquiétude que les procédures concernant la constatation et la qualification des infractions administratives, tel le non-respect des règles migratoires, relèvent de la police nationale alors qu’il ne s’agit pas d’un délit.

Le Comité recommande à l’État partie de garantir l’effet suspensif des recours administratifs et judiciaires déposés contre une mesure d’expulsion ou de sortie obligatoire. Il lui recommande également d’adopter les mesures nécessaires pour garantir le respect du droit à la vie de famille et d’autres droits consacrés par la Convention lorsqu’il s’agit de statuer sur le cas d’un travailleur migrant en situation irrégulière. Il l’invite en outre à définir, dans le cadre du projet de loi sur les migrations, les compétences des institutions concernées afin d’éviter toute criminalisation de la migration irrégulière.

Le Comité prend note des progrès réalisés par l’État partie pour améliorer et développer les services consulaires. Il est néanmoins préoccupé par le manque d’informations sur la façon dont l’État partie parvient à allouer les ressources financières et humaines requises pour offrir aux travailleurs péruviens à l’étranger l’assistance et la protection voulues, notamment l’aide juridictionnelle et des programmes d’aide humanitaire.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que le réseau consulaire de services réponde efficacement aux besoins de protection des droits et d’assistance des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Ces mesures devraient inclure l’allocation de ressources humaines et financières suffisantes, ainsi que l’élaboration de programmes de formation continue sur la Convention et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme, à l’intention des fonctionnaires des services consulaires.

Le Comité prend note avec préoccupation de l’absence d’informations au sujet des statuts des syndicats qui autorisent uniquement l’affiliation des travailleurs de nationalité péruvienne, y compris l’absence d’exemples concrets de cette pratique, et en particulier s’agissant des mesures prises pour garantir aux travailleurs migrants en situation irrégulière le droit d’adhérer à un syndicat.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris d’ordre législatif, et d’instituer d es mécanismes de dialogue social afin de permettre aux travailleurs migrants en situation irrégulière d’exercer leurs droits syndicaux, conformément à l’article 26 de la Convention.

Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas fourni de renseignements et de données sur les soins médicaux auxquels ont accès les travailleurs migrants en situation irrégulière et les membres de leur famille, ni sur les règles qui garantissent l’accès à l’éducation des enfants des travailleurs migrants en situation irrégulière.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures concrètes et efficaces afin de garantir à tous les travailleurs migrants et aux membres de leur famille, quel que soit leur statut migratoire, l’accès à des soins médicaux, ainsi que l’accès de leurs enfants à l’éducation .

Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour informer les travailleurs migrants péruviens qui s’apprêtent à quitter le pays des droits et obligations qui sont les leurs dans l’État d’emploi, mais constate qu’elles sont insuffisantes, et il s’inquiète de voir que l’État partie n’a pas indiqué de façon suffisamment précise la manière dont il garantit l’accès à ces informations aux travailleurs migrants, et aux membres de leur famille, qui se trouvent dans l’État partie ou transitent par celui-ci, en particulier aux postes frontière, ni la manière dont lesdites informations sont diffusées.

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour mettre à la disposition des travailleurs migrants et des membres de leur famille les renseignements voulus sur les droits énoncés dans la Convention, ainsi que sur les droits et obligations qui sont les leurs au Pérou et à l’étranger.

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui sont pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Le Comité note que les directives générales relatives à la politique migratoire adoptées en février 2015 et le nouveau projet de loi prévoient la protection des enfants, y compris le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il constate en revanche avec préoccupation que l’État partie n’a pas pris les mesures urgentes requises pour incorporer l’application du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la législation et la pratique concernant les travailleurs migrants, ce qui compromet le droit au regroupement familial des travailleurs migrants ayant des enfants à charge.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures urgentes qui s’imposent pour incorporer expressément le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la législation et les directives concernant les travailleurs migrants, conformément à la Convention relative aux droits de l’enfant et à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité constate avec préoccupation que la législation sur les migrations ne prévoit pas la possibilité de regroupement familial, en particulier en cas de décès du travailleur migrant dont le conjoint, les enfants célibataires et autres parents proches ne peuvent pas obtenir de permis de résidence en de telles circonstances. Il s’inquiète également de voir que les unions de fait ne sont pas reconnues et ne permettent pas d’obtenir des visas à des fins de regroupement familial ni de permis de résidence, alors qu’elles sont reconnues dans la Constitution.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter la réunion des travailleurs migrants et de leur conjoint ou des personnes qui entretiennent avec eux des relations qui produisent des effets équivalant au mariage, ainsi qu’avec leurs enfants, sans distinction de genre.

Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas fourni de renseignements sur les différences de traitement applicables aux travailleurs en provenance des pays de la Communauté andine, des États membres du MERCOSUR et des États associés, ainsi que d’autres pays, en ce qui concerne la durée des contrats de travail et les indemnités de cessation d’emploi.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre sans attendre les mesures nécessaires pour garantir le droit à l’égalité de traitement conformément aux dispositions de l’article 54 de la Convention.

Le Comité prend note des renseignements communiqués au sujet des exceptions possibles aux restrictions qui s’appliquent au recrutement des travailleurs migrants, mais s’inquiète de l’existence même de ces restrictions, dont celle qui limite à 20 % des effectifs la part des travailleurs étrangers et celle qui prévoit que la durée des contrats ne peut pas excéder trois ans.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre fin aux restrictions applicables au recrutement des travailleurs migrants et de veiller à ce que ces derniers bénéficient d’un traitement non moins favorable que celui dont bénéficient ses ressortissants nationaux, conformément à la Convention.

Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas fourni de renseignements sur les mesures adoptées pour améliorer la situation des travailleurs migrants frontaliers et inscrire dans la législation nationale la définition du travailleur frontalier.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures nécessaires afin de garantir la protection des travailleurs migrants frontaliers, conformément à l’article 58 de la Convention.

5.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

Le Comité prend note de l’adoption de la loi no 30001 de mars 2013 relative à la réinsertion économique et sociale des migrants rentrant au pays, qui contient des dispositions visant à faciliter le retour des Péruviens dans le pays. Il s’inquiète en revanche de constater que les avantages sont d’ordre exclusivement fiscal et se réduisent à des services de promotion de l’emploi et de création d’entreprises mais que rien n’est prévu pour fournir aux intéressés une assistance au cours du voyage de retour ni pour faciliter leur réinstallation et leur intégration dans leur pays d’origine. La loi ne prévoit pas non plus de mesures de protection en faveur des citoyens péruviens expulsés du pays de destination.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre au point un programme destiné à faciliter le retour volontaire des travailleurs migrants péruviens et des membres de leur famille, et à leur permettre de se réinsérer durablement dans le tissu économique, social et culturel du Pérou, dans le respect des droits énoncés dans la présente Convention ainsi que d’autres conventions ratifiées par lui. Il lui recommande également d’inscrire dans ce programme des mesures expresses de réinsertion en faveur des travailleurs migrants péruviens expulsés du pays de destination.

Le Comité salue l’adoption du Plan national d’action contre la traite des êtres humains 2011-2016, et l’adoption de la loi relative à la lutte contre la traite des êtres humains et le trafic illicite de migrants (loi no 28950). Il regrette toutefois que le rapport ne contienne pas de renseignements plus détaillés sur la mise en en œuvre de ladite loi et, en particulier, sur son impact.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures afin de garantir dans la pratique la mise en œuvre de cet ensemble de normes visant à lutter contre la traite et d’enquêter sur les personnes, groupes ou entités qui commettent ces infractions ou y participent, de les poursuivre et de les sanctionner. Il lui recommande également de préciser quels sont les effets de la politique selon laquelle les travailleurs migrants d’origine haïtienne doivent être en possession d’un visa de touriste, notamment sur la réduction de la traite, du trafic de migrants et des migrations irrégulières. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre les efforts entrepris pour lutter contre la traite et le trafic des personnes, et en particulier :

a) D’intégrer davantage la perspective du genre dans son action;

b) D’élaborer des mécanismes effectifs permettant d’identifier et de protéger les victimes de la traite, notamment en augmentant le nombre de foyers d’accueil et en garantissant aux intéressés l’accès à la justice;

c) De procéder à la collecte systématique de données ventilées afin de mieux combattre la traite des êtres humains et d’éviter d’expulser des personnes appartenant aux groupes concernés;

d) De renforcer les campagnes de prévention de la traite, en particulier dans les zones front al ières où le nombre de victimes de la traite est important;

e) De définir une stratégie visant à garantir et respecter les droits des victimes et à éviter toute nouvelle victimisation, en tenant compte des séquelles physiques, psychologiques et sociales dont souffrent les victimes de la traite.

Le Comité prend note de la loi no 30103 de novembre 2013, qui établit la procédure de régularisation du séjour des étrangers en situation irrégulière. Il s’inquiète néanmoins du petit nombre de demandes de régularisation, qui s’explique, notamment, par le coût élevé des formalités pour les intéressés et le fait que cette possibilité s’applique uniquement aux personnes qui sont entrées dans l’État partie avant le 31 décembre 2011.

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts afin d’élaborer et de mettre en œuvre des procédures simples de régularisation des migrants et de les diffuser dans le cadre de campagnes d’information organisées aux niveaux local et national. Il lui recommande en outre de veiller à ce que lesdites procédures soient conformes au principe de non-discrimination et soient aisément accessibles aux travailleurs migrants en situation irrégulière et aux membres de leur famille. Il lui recommande également de créer des permis de résidence afin d’empêcher l’expulsion des personnes appartenant aux groupes vulnérables concernés, prenant en compte la durée d u séjour de l’intéressé, ses liens avec l’État partie et/ou le principe du regroupement familial.

6.Suivi et diffusion

Suivi

Le Comité prie l’État partie de faire figurer , dans son deuxième rapport périodique , des renseignements détaillés sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il lui recommande de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la mise en œuvre des présentes recommandations, notamment en les transmettant aux membres du Congrès, ainsi qu’aux autorités locales, pour examen et suite à donner.

Le Comité prie l’État partie d’associer les organisations de la société civile à la diffusion et à la mise en œuvre des recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Rapport de suivi

Le Comité prie l’État partie de fournir, par écrit, dans un délai de deux ans, soit au plus tard le 24 avril 2017, des informations sur la suite qui aura été donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 11, 27, 31 et 33 des présentes observations finales. Il lui recommande aussi d’adopter toutes les mesures appropriées afin de garantir l’application des recommandations en question , notamment en les transmettant aux membres du Gouvernement et du Congrès, ainsi qu’aux autorités locales, pour examen et adoption.

Diffusion

Le Comité prie également l’État partie de diffuser les présentes observations finales, notamment auprès des organismes publics et du corps judiciaire, des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile, ainsi que des universités et de la population en général, et de prendre les mesures nécessaires pour en informer les travailleurs migrants péruviens vivant à l’étranger ainsi que les travailleurs migrants étrangers en transit ou résidant au Pérou.

7.Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie de faire appel à l’aide internationale, y compris l’assistance technique, pour élaborer un programme complet de mise en œuvre des recommandations ci-dessus et de la Convention dans son ensemble. Le Comité l’ exhorte également à poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations Unies.

8.Prochain rapport périodique

Le Comité prie l’État partie de présenter son deuxième rapport périodique le 24 avril 2020, au plus tard, et de fournir dans ce rapport des informations sur la mise en œuvre des présentes observations finales. Par ailleurs, l’État partie peut opter pour la procédure simplifiée d’établissement des rapports, selon laquelle le Comité établit et approuve une liste de points à traiter qu’il transmet à l’État partie avant la soumission de son prochain rapport. Les réponses de l’État partie à cette liste de points constituent son rapport aux fins de l’article 73 de la Convention et le dispensent de présenter son rapport selon les modalités habituelles . Le Comité a adopté cette nouvelle procédure facultative à sa quatorzième session, en avril 2011 ( A/66/48 , par. 26).

Le Comité attire l’attention de l’État partie sur les directives générales qu’il a établies concernant l’établissement de rapports ( CMW/C/2008/1 ), et lui rappelle que les rapports périodiques doivent respecter les dispositions qui y sont énoncées, et ne pas dépasser 21 200 mots ( voir la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, par. 16). Si le rapport excède la limite de mots établie, l’État partie sera invité à le raccourcir afin de respecter les directives susmentionnées. Si l’État partie n’est pas en mesure de réviser le rapport et d’en présenter une nouvelle version, sa traduction ne pourra être garantie aux fins de son examen par les organes conventionnels.

Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que tous les ministères et organes publics soient largement associés à l’élaboration de son prochain rapport périodique (ou aux réponses à la liste de points à traiter dans le cas où il opterait pour la procédure simplifiée) et, en outre, de consulter toutes les parties intéressées, notamment la société civile, les travailleurs migrants et les organisations de défense des droits de l’homme.