NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/ITA/CO/416 juillet 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Trente‑huitième session

30 avril‑18 mai 2007

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Conclusions et recommandations du Comité contre la torture

ITALIE

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de l’Italie (CAT/C/67/Add.3) à ses 761e et 764e séances (CAT/C/SR.761 et 764), tenues les 4 et 7 mai 2007, et a adopté, à ses 777e et 778e séances (CAT/C/SR.777 et 778/Add.1), les conclusions et recommandations ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de l’Italie et les renseignements qu’il contient, mais il regrette que l’État partie ne se soit pas conformé à ses directives concernant l’établissement des rapports. Il se déclare satisfait du dialogue engagé avec  la délégation de haut niveau composée de nombreux représentants de l’État partie et se félicite des réponses très détaillées apportées par écrit à la liste des points à traiter (CAT/C/ITA/Q/4/Rev.1/Add.1), qui ont facilité les débats entre la délégation et les membres du Comité. Il remercie aussi la délégation pour les réponses qu’elle a fournies oralement et par écrit aux questions posées et aux préoccupations exprimées lors de l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que, pendant la période écoulée depuis l’examen du dernier rapport périodique, l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci‑après:

a)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 2 août 2006;

b)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 2 août 2006;

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 9 mai 2002;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, le 9 mai 2002;

e)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 22 septembre 2000;

f)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le 26 juillet 1999.

4.Le Comité note avec satisfaction les efforts actuellement déployés par l’État partie pour modifier sa législation, ses politiques et ses procédures afin de mieux protéger les droits de l’homme, notamment le droit de ne pas être soumis à la torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et il prend acte en particulier de:

a)L’adoption de la loi no 38/2006 portant modification de la loi no 269/1998 intitulée «Dispositions contre l’exploitation de la prostitution des enfants, de la pornographie des enfants, du tourisme sexuel, en tant que nouvelles formes d’esclavage», qui actualise la législation existante concernant les actes illicites commis contre des enfants;

b)L’adoption de la loi no 7/2006 sur l’interdiction des mutilations sexuelles féminines;

c)L’adoption de la loi no 74/2005 intitulée «Contributions volontaires au Fonds des Nations Unies pour les victimes de la torture»;

d)L’adoption de la loi no 228/2003 sur les mesures de lutte contre la traite des êtres humains;

e)L’introduction en 2002 du crime de torture dans l’article 185 bis du Code pénal militaire en temps de guerre;

f)L’adoption de la loi no 154/2001 intitulée «Mesures contre la violence dans la famille»;

g)L’entrée en vigueur des principes directeurs régissant l’administration des centres pour immigrants, qui figurent dans une directive du Ministre de l’intérieur en date du 8 janvier 2003;

h)L’adoption, par le Ministre de l’intérieur, d’une directive qui est entrée en vigueur le 8 mars 2007 et qui vise à faciliter la prise en charge, par le système national de protection des demandeurs d’asile, des mineurs non accompagnés qui se présentent à la frontière;

i)La création du Comité pour la protection des mineurs étrangers, chargé de définir les procédures et modalités relatives à l’accueil et à la protection temporaire des mineurs étrangers non accompagnés à l’échelon national;

j)La création du Bureau national de la lutte contre la discrimination raciale (UNAR), qui exerce ses activités depuis septembre 2004.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture/introduction du crime de torture

5.Bien que l’État partie affirme que tous les actes pouvant être qualifiés de «torture» au sens de l’article premier de la Convention sont punissables en vertu du Code pénal italien et tout en prenant note du projet de loi (proposition de loi sénatoriale no 1216) qui a été approuvé par la Chambre des députés et est actuellement en attende d’examen par le Sénat, le Comité demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas encore incorporé en droit interne le crime de torture tel qu’il est défini à l’article premier de la Convention (art. 1er et 4).

Le Comité réitère sa précédente recommandation (A/54/44, par. 145 a)) tendant à ce que l’État partie entreprenne d’incorporer le crime de torture dans son droit interne et adopte une définition de la torture couvrant tous les éléments contenus dans l’article premier de la Convention. L’État partie devrait aussi veiller à ce que ces infractions soient sanctionnées par des peines appropriées qui prennent en considération leur gravité, comme le prévoit le paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention.

Détention avant jugement

6.Le Comité se déclare préoccupé par la durée de la détention avant jugement. Il regrette aussi que la durée maximale de la détention avant jugement soit fixée en fonction de la sanction applicable à l’infraction dont l’intéressé est accusé (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait prendre sans tarder les mesures qui s’imposent pour réduire sensiblement la durée de la détention avant jugement et pour que cette détention ne soit appliquée que dans les cas d’absolue nécessité. En outre, le Comité encourage l’État partie à avoir recours à des mesures autres que la privation de liberté.

Garanties fondamentales

7.Le Comité est préoccupé par des affirmations selon lesquelles les garanties juridiques fondamentales protégeant les personnes détenues par la police, notamment le droit de pouvoir s’entretenir avec un avocat, ne sont pas respectées dans tous les cas. À cet égard, il s’inquiète de ce que la loi no 155/2005 («décret Pisanu») contient une disposition en vertu de laquelle la durée maximale de la garde à vue par la police à des fins d’identification a été portée de douze à vingt‑quatre heures. De surcroît, sur ordonnance motivée adoptée d’un juge d’instruction un suspect peut être maintenu en détention pendant cinq jours sans pouvoir s’entretenir avec un avocat (art. 2, 13 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que les garanties juridiques fondamentales protégeant les personnes détenues par la police soient respectées. Il devrait raccourcir la durée maximale (actuellement de cinq jours) pendant laquelle l’auteur présumé d’une infraction peut être placé en garde à vue après son arrestation, y compris dans des circonstances exceptionnelles. L’État partie devrait en outre veiller à ce que les personnes placées en garde à vue puissent s’entretenir avec un avocat dès le moment où elles sont privées de liberté.

Institution nationale de protection des droits de l’homme

8.Le Comité note que l’État partie ne s’est pas encore doté d’une institution nationale de protection des droits de l’homme. Il relève toutefois que la Chambre des députés a approuvé, en date du 4 avril 2007, la loi sénatoriale no 1463 portant création d’une institution nationale pour la protection des droits de l’homme et prévoyant notamment la mise en place d’un garant des droits des détenus (art. 2).

L’État partie devrait créer sans tarder une institution nationale indépendante de protection des droits de l’homme, en application des Principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), qui sont annexés à la résolution 48/134 de l’Assemblée générale. À cet égard, l’État partie est encouragé à adopter sans délai la législation nécessaire.

Détention de demandeurs d’asile et de non ‑ressortissants

9.Le Comité est préoccupé par la politique consistant à priver de liberté les demandeurs d’asile et d’autres non‑ressortissants, et notamment de ce que ces personnes seraient détenues pendant de longues périodes dans des centres de rétention temporaire et des «centres de séjour temporaire et d’assistance». À cet égard, le Comité regrette les modifications apportées au cadre législatif par la loi no 189/2002 («loi Bossi‑Fini») qui autorise la rétention de migrants sans documents d’identité et porte au double la durée de la rétention (qui passe de trente à soixante jours) (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que les demandeurs d’asile et d’autres non ‑ressortissants ne soient placés en détention que dans des circonstances exceptionnelles ou en dernier recours et, en pareil cas, pour une durée aussi brève que possible. L’État partie devrait également veiller à ce que les tribunaux exercent un contrôle judiciaire plus efficace de la détention de ces catégories de personnes.

Accès à une procédure d’examen des demandes d’asile équitable et rapide

10.Le Comité accueille avec satisfaction le nouveau projet de loi sur l’asile (NO. C. 2410) qui a été soumis à la Chambre des députés le 19 mars 2007, et il prend note avec satisfaction de la déclaration de la délégation de l’État partie selon laquelle l’adoption d’une législation détaillée sur l’asile politique est en cours d’examen. Il s’inquiète toutefois de ce que certains demandeurs d’asile ont pu être privés du droit de présenter une demande d’asile et de bénéficier d’une procédure équitable et satisfaisante d’examen individuel de leur demande d’asile (art. 2 et 16).

L’État partie devrait adopter des mesures appropriées pour assurer que tous les demandeurs d’asile puissent bénéficier d’une procédure d’asile équitable et rapide. À cet égard, le Comité rappelle à l’État partie qu’il lui incombe de veiller à ce que la situation de chaque migrant soit examinée individuellement, et il recommande en outre à l’État partie de poursuivre le processus d’adoption d’une législation détaillée concernant l’asile politique.

Non ‑refoulement

11.Le Comité note avec préoccupation que des personnes n’ont peut‑être pas bénéficié de la pleine protection, dans tous les cas, prévue dans les articles pertinents de la Convention en ce qui concerne l’expulsion, le renvoi ou l’extradition vers un pays tiers. Il est particulièrement préoccupé par des informations faisant état d’expulsions par la force et collectives de personnes d’origine non libyenne de l’île de Lampedusa vers la Libye (art. 3 et 16).

L’État partie devrait veiller à appliquer pleinement les dispositions de l’article 3 de la Convention et faire en sorte que les personnes relevant de sa juridiction voient leur situation dûment examinée par les autorités compétentes et soient assurées de bénéficier d’un traitement équitable à tous les stades de la procédure, notamment de la possibilité de demander un examen efficace, indépendant et impartial des décisions d’expulsion ou de renvoi les concernant.

À cet égard, l’État partie devrait veiller à ce que les autorités compétentes en matière de surveillance des étrangers, avant de rendre une décision d’expulsion, procèdent dans tous les cas à un examen approfondi de la situation de l’étranger entré ou séjournant illégalement en Italie, afin de s’assurer que l’intéressé ne serait pas soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants dans le pays où il serait renvoyé.

12.Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que l’article 3 du «décret Pisanu» a introduit une nouvelle procédure d’expulsion des immigrants, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière, soupçonnés d’être impliqués dans des activités terroristes, procédure qui, selon l’État partie, sera en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007 à titre de mesure de prévention exceptionnelle. Le Comité se déclare aussi préoccupé par le fait que ces décisions d’expulsion sont immédiatement appliquées, sans aucun contrôle judiciaire, et que cette procédure d’expulsion n’est pas assortie d’une protection efficace contre le refoulement (art. 2 et 3).

Le Comité rappelle le caractère absolu du droit de toute personne de ne pas être expulsée vers un pays où elle risque d’être exposée à la torture ou à des mauvais traitements, et il engage instamment l’État partie à reconsidérer cette nouvelle procédure d’expulsion. Lorsqu’il détermine si la situation met en jeu les obligations qui lui incombent en matière de non ‑refoulement en vertu de l’article 3 de la Convention, l’État partie devrait examiner de manière approfondie chaque dossier quant au fond et veiller à ce qu’il existe des mécanismes judiciaires adéquats de réexamen de la décision.

Compétence universelle

13.Le Comité prend note des assurances données par l’État partie que les dispositions de la Convention sont applicables aux actes commis par les membres des forces armées ou de la police affectés à l’étranger, aussi bien en temps de paix que lors d’un conflit armé. Il se déclare cependant préoccupé par la manière dont les autorités compétentes, en particulier les instances judiciaires, ont conduit la procédure relative aux incidents survenus en Somalie dans lesquels étaient impliqués des militaires italiens, ainsi que par l’absence de précisions sur le déroulement et l’aboutissement des procédures judiciaires engagées à la suite de ces incidents, précisions que le Comité avait demandées dans ses conclusions et recommandations précédentes (A/54/44, par. 145 b)) (art. 5 et 12).

L’État partie devrait veiller à agir en conformité avec l’article 5 de la Convention et prendre les mesures nécessaires pour que toutes les plaintes faisant état de tortures ou de mauvais traitements commis par des agents des forces de l’ordre ou des membres des forces armées, sur le territoire de l’État partie comme à l’étranger, fassent rapidement l’objet d’une enquête impartiale et efficace, que les auteurs de ces actes soient poursuivis et que les personnes reconnues coupables soient condamnées à des peines appropriées.

Extradition

14.Le Comité note avec préoccupation la manière dont les autorités judiciaires compétentes ont traité une demande d’extradition concernant un officier argentin arrêté sur le territoire italien en 2001 en vertu d’un mandat d’arrêt international délivré par la France pour enlèvement et torture d’un ressortissant français en Argentine en 1976 (art. 7 et 9).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des actes de torture dans le cas où l’auteur présumé de ces actes se trouve sur tout territoire sous sa juridiction, que ce soit pour l’extrader ou pour le poursuivre, conformément aux dispositions de la Convention.

Formation

15.Le Comité prend note avec satisfaction des renseignements détaillés fournis par l’État partie sur la formation des agents des forces de l’ordre, du personnel pénitentiaire, des gardes frontière et des membres des forces armées. Il regrette toutefois qu’aucun renseignement n’ait été donné sur la formation concernant l’utilisation de méthodes non violentes, les opérations de maintien de l’ordre et l’usage de la force et des armes à feu. Le Comité regrette en outre qu’il n’y ait pas d’informations disponibles concernant l’impact de la formation organisée à l’intention des agents des forces de l’ordre et des gardes frontière et la mesure dans laquelle les programmes de formation ont permis de réduire le nombre de cas de torture et de mauvais traitements (art. 10).

L’État partie devrait développer plus avant et mettre en œuvre des programmes de formation pour faire en sorte que:

a) Tous les agents des forces de l’ordre, les gardes frontière et les personnels des points de contrôle et des centres de séjour temporaire et d’assistance connaissent bien les dispositions de la Convention et sachent qu’aucune infraction ne sera tolérée, que toute violation donnera lieu à une enquête et que son auteur sera poursuivi;

b) Tous les agents des forces de l’ordre reçoivent le matériel et la formation nécessaires pour faire usage de méthodes non violentes et n’avoir recours à la force et aux armes à feu que dans les cas d’absolue nécessité et en respectant le principe de proportionnalité. À cet égard, les autorités de l’État partie devraient procéder à un examen approfondi des pratiques actuelles en matière de police, notamment de la formation et du déploiement des agents chargés des opérations antiémeutes ainsi que des règlements applicables à l’usage de la force et des armes à feu par les agents des forces de l’ordre.

Le Comité recommande en outre que tous les personnels concernés reçoivent une formation spéciale afin d’apprendre à détecter les traces de torture et de mauvais traitements, et que le Protocole d’Istanbul de 1999 (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) fasse partie intégrante de la formation des médecins.

De plus, l’État partie devrait établir et appliquer une méthode permettant d’évaluer l’efficacité des programmes de formation ou d’enseignement et leur impact sur la réduction du nombre de cas de torture et de mauvais traitements.

Conditions de détention

16.Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré les mesures prises par l’État partie pour améliorer les conditions de détention, notamment la pratique de la remise générale des peines (loi no 241 du 31 juillet 2006) et le programme de construction d’établissements pénitentiaires adopté en vertu de l’ordonnance ministérielle du 2 octobre 2003, les prisons sont toujours surpeuplées et les effectifs insuffisants dans l’administration pénitentiaire. Le Comité prend note des renseignements communiqués concernant l’amélioration des soins de santé dispensés aux détenus mais il est préoccupé par les informations faisant état de mauvais traitements, notamment de l’inadaptation des infrastructures et de l’absence d’hygiène dans les centres de séjour temporaire et d’assistance et les centres d’identification des demandeurs d’asile. Tout en prenant note de la directive qui a été adoptée récemment concernant l’accès des représentants du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et du Comité international de la Croix‑Rouge (CICR) aux centres pour immigrants, le Comité s’inquiète en outre de ce qu’il n’existe pas d’organisation indépendante qui puisse superviser de façon systématique la gestion de ces centres (art. 11 et 16).

L’ État partie devrait poursuivre ses efforts pour réduire le surpeuplement carcéral, notamment en recourant à des peines de substitution et en créant des établissements pénitentiaires supplémentaires en tant que de besoin. Il devrait aussi prendre des mesures appropriées pour assurer l’engagement sans délai d’effectifs pénitentiaires supplémentaires, y compris dans les secteurs de l’éducation et de la santé.

L’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour améliorer encore les conditions de vie dans les centres pour immigrants et veiller à ce que soit mis en place un système de supervision systématique. À cet égard, le Comité recommande la création d’un organisme indépendant qui serait chargé de superviser la gestion de ces centres, de veiller au respect des droits de l’homme des personnes qui y sont détenues et de s’assurer de la qualité des soins de santé et de l’assistance psychologique et juridique offerts.

Mauvais traitements et recours excessif à la force

17.Le Comité note avec inquiétude la persistance des allégations faisant état d’un recours excessif à la force et de mauvais traitements par les agents des forces de l’ordre. À cet égard, il est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles ces derniers auraient fait un usage excessif de la force et maltraité des personnes lors des manifestations qui ont eu lieu à Naples (en mars 2001) à l’occasion du troisième Forum mondial ainsi que lors du Sommet du G‑8 à Gênes (en juillet 2001) et dans le Val di Susa (en décembre 2005). Le Comité est aussi préoccupé par le fait que des incidents analogues se seraient produits pendant des matchs de football, mais il note l’adoption récente de la loi no 41/2007 intitulée «Mesures d’urgence pour prévenir et réprimer la violence pendant les matchs de football» (art. 12, 13 et 16).

Le Comité recommande à l’ État partie de prendre des mesures efficaces pour:

a) Adresser aux responsables des forces de police, à tous les niveaux de la hiérarchie, et au personnel pénitentiaire un message clair et sans équivoque leur signifiant que les actes de torture, les violences et les mauvais traitements sont inacceptables, notamment grâce à l’introduction d’un code de conduite applicable à tous les fonctionnaires;

b) Garantir aux personnes qui se plaignent d’avoir été maltraitées par des agents des forces de l’ordre une protection contre les mesures d’intimidation et des représailles éventuelles;

c) Veiller à ce que les agents des forces de l’ordre ne recourent à la force que lorsque cela est strictement nécessaire et dans la mesure exigée par l’accomplissement de leurs fonctions.

En outre, l’ État partie devrait informer le Comité du déroulement des procédures judiciaires et disciplinaires liées aux incidents susmentionnés.

18.Le Comité s’inquiète des informations selon lesquelles les membres des forces de l’ordre ne portaient pas de badge pendant les manifestations organisées à l’occasion du Sommet du G‑8 à Gênes en 2001, ce qui rendait leur identification impossible en cas de plainte pour torture ou mauvais traitements (art. 12 et 13).

L’ État partie devrait veiller à ce que tous les membres des forces de l’ordre portent un badge d’identification visible afin d’assurer qu’ils rendent compte de leurs actes et d’offrir une protection contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Obligation de procéder sans délai à une enquête impartiale

19.Le Comité est préoccupé par le nombre d’informations faisant état de mauvais traitements infligés par des responsables de l’application des lois, le nombre restreint d’enquêtes menées concernant ces affaires et le nombre très faible de condamnations prononcées dans celles qui ont donné lieu à une enquête. Il note avec préoccupation que le délit de torture, qui n’existe pas en tant que tel dans le Code pénal italien mais peut toutefois être puni au titre d’autres dispositions de ce code, pourrait, dans certains cas, être soumis à un délai de prescription. Le Comité est d’avis que les actes de torture sont imprescriptibles et il se félicite de la déclaration faite par la délégation de l’État partie selon laquelle une modification des dispositions relatives à ce délai est envisagée (art. 1er, 4, 12 et 16).

Le Comité recommande à l’ État partie :

a) De renforcer les mesures prises pour faire en sorte que toutes les plaintes relatives à des tortures ou des mauvais traitements par des responsables de l’application des lois fassent sans délai l’objet d’enquêtes impartiales et efficaces. En particulier, ces enquêtes ne devraient pas être effectuées par la police ou sous sa responsabilité, mais par un organe indépendant. S’agissant des affaires dans lesquelles il existe de fortes présomptions que la plainte pour torture ou mauvais traitements est fondée, l’auteur présumé de ces actes devrait en principe être suspendu de ses fonctions ou muté pendant la durée de l’enquête, en particulier s’il risque de faire obstruction à l’enquête;

b) De faire en sorte que les auteurs de ces actes soient traduits en justice et que ceux qui sont reconnus coupables soient condamnés à des peines appropriées afin de mettre un terme à l’impunité des membres des forces de l’ordre qui ont violé la Convention;

c) De revoir ses règlements et dispositions relatives au délai de prescription et de les rendre pleinement conformes à ses obligations au titre de la Convention, de manière que les actes de torture, de même que les tentatives de pratiquer la torture et tout acte commis par n’importe quelle personne qui constitue une complicité ou une participation à l’acte de torture, fassent l’objet d’une enquête et que leurs auteurs soient poursuivis et sanctionnés sans qu’il y ait prescription.

Indemnisation et réadaptation

20.Le Comité regrette l’absence de programme visant spécifiquement à protéger les droits des victimes de torture ou de mauvais traitements. Il regrette également que l’État partie n’ait pas fourni de renseignements sur le nombre de victimes d’actes de torture et de mauvais traitements susceptibles d’avoir reçu réparation et sur le montant des indemnités versées dans ces affaires, et qu’il n’ait pas donné d’information sur d’autres formes d’assistance offertes aux victimes, notamment l’aide médicale ou les mesures de réadaptation psychosociale. Le Comité accueille toutefois avec satisfaction les renseignements communiqués par l’État partie concernant la modification apportée en mars 2007 à la loi sénatoriale no 1216 portant sur l’introduction du crime de torture aux fins de mettre en place un fonds national pour les victimes de la torture (art. 14).

L’État partie devrait multiplier ses efforts en matière de réparation, d’indemnisation et de réadaptation des victimes, en leur donnant notamment accès aux moyens nécessaires à la réadaptation la plus complète possible, et mettre en place un programme spécifique d’assistance aux victimes de torture et de mauvais traitements.

En outre, l’État partie devrait communiquer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les programmes de réparation, notamment le traitement des traumatismes et d’autres formes de réadaptation offerts aux victimes de torture et de mauvais traitements, et indiquer si des ressources suffisantes ont été allouées pour assurer le bon fonctionnement de ces programmes. L’État partie est encouragé à adopter les mesures législatives nécessaires, à mettre en place un fonds national d’aide aux victimes de la torture et à allouer des ressources financières suffisantes pour en assurer l’efficacité.

Groupes vulnérables, notamment les Roms

21.Tout en notant plusieurs mesures adoptées par l’État partie, notamment la création du Bureau national de la lutte contre la discrimination raciale (l’UNAR) et du Registre des associations travaillant dans le domaine de la lutte contre la discrimination, le Comité se déclare préoccupé par des informations selon lesquelles des groupes vulnérables, en particulier les Roms, des étrangers et des Italiens d’origine étrangère, seraient victimes d’actes de violence et de discrimination et la police et les pouvoirs publics montreraient peu d’empressement à offrir une protection adéquate aux victimes et à mener des enquêtes efficaces sur ces actes (art. 2, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait intensifier ses efforts pour lutter contre la discrimination et les mauvais traitements dont sont victimes des groupes vulnérables, notamment les Roms, les étrangers et les Italiens d’origine étrangère. À cet égard, le Comité recommande à l’État partie:

a) De lutter contre la discrimination raciale, la xénophobie et la violence qui y est associée, de veiller à ce que tous les actes de violence motivés par des considérations de ce genre fassent sans délai l’objet d’enquêtes impartiales et approfondies et de faire en sorte que les auteurs de ces actes soient traduits en justice et condamnés à des peines appropriées tenant compte de la gravité de leurs actes;

b) De condamner publiquement la discrimination raciale, la xénophobie et la violence qui y est associée et de signifier clairement et sans équivoque que les actes à caractère raciste ou discriminatoire commis par des agents de l’administration publique sont inacceptables, particulièrement s’ils sont le fait de membres des forces de l’ordre;

c) De fournir au Comité des informations détaillées sur les mesures concrètes adoptées pour prévenir et combattre ce type de violence.

Traite des personnes

22.Le Comité prend acte avec satisfaction des mesures, projets et programmes divers de l’État partie visant à lutter contre la traite des personnes, notamment la création d’un comité interministériel spécial chargé de gérer et de mettre en œuvre les programmes d’aide aux victimes de la traite ainsi que la stratégie dite «stratégie de l’article 18», qui vise à délivrer des permis de séjour au titre de la protection sociale à toutes les victimes de la traite de façon à leur permettre de participer à des programmes d’insertion sociale, et le décret‑loi no 300 qui étend aux ressortissants de pays non membres de l’Union européenne le champ d’application du dispositif d’assistance aux victimes de la traite et d’insertion sociale de ces dernières. Le Comité se déclare toutefois préoccupé par les informations persistantes selon lesquelles des femmes et des enfants continueraient d’être victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle ou autre et, tout en relevant le nombre élevé d’enquêtes réalisées, il s’inquiète de l’absence de renseignements sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées dans des affaires de traite (art. 2, 10, 12 et 16).

L’État partie devrait continuer à multiplier ses efforts pour lutter contre la traite des femmes et des enfants et prendre des mesures efficaces afin de poursuivre et de punir les responsables de la traite des personnes, notamment en appliquant strictement la législation pertinente, en menant des campagnes de sensibilisation au problème et en veillant à ce que la question de la traite des personnes soit intégrée à la formation du personnel chargé de l’application des lois et d’autres groupes concernés.

Violence familiale

23.Tout en notant les diverses mesures prises par l’État partie, notamment la publication, le 21 février 2007, des résultats d’une enquête réalisée par l’Institut national de statistique (ISTAT) sur la question des violences physiques et sexuelles à l’égard des femmes, et la création, le 8 mars 2006, d’un service d’assistance téléphonique gratuit Antiviolenza Donna («Lutte contre la violence à l’égard des femmes»), accessible en composant le numéro spécial 1522, le Comité demeure préoccupé par la persistance de la violence à l’égard des femmes et des enfants, notamment de la violence familiale. Il regrette en outre que l’État partie n’ait pas fourni de données statistiques sur les plaintes déposées, les poursuites engagées et les peines prononcées dans des affaires de violence familiale (art. 1, 2, 12 et 16).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour prévenir, combattre et sanctionner la violence à l’égard des femmes et des enfants, notamment par l’adoption du projet de loi sur les mesures de sensibilisation et de prévention ainsi que la répression des infractions commises contre les personnes ou au sein de la famille au motif de l’orientation sexuelle, de l’identité sexuelle ou pour tout autre motif de discrimination (projet n o 2169 de la Chambre), lequel projet prévoit, entre autres, la collecte et l’analyse systématiques des données relatives à la violence, y compris la violence familiale.

Collecte de données

24.Le Comité regrette l’absence de données détaillées et ventilées concernant les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements par des agents des forces de l’ordre, et concernant la traite des personnes et la violence familiale et sexuelle. Il prend note toutefois de la déclaration faite par la délégation de l’État partie selon laquelle le Ministère de la justice a entrepris la mise à jour de son système de collecte de données statistiques, qui devrait être achevée d’ici à la fin de 2007 (art. 11 et 12).

L’État partie devrait mettre en place un système efficace de collecte de toutes les données statistiques pertinentes pour la surveillance de la mise en œuvre de la Convention au niveau national, notamment celles concernant les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements, de traite des personnes et de violence familiale et sexuelle, et concernant les mesures de réparation et de réadaptation offertes aux victimes.

25.Tout en prenant note des assurances données oralement par les représentants de l’État partie que le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants devrait être ratifié sous peu, le Comité encourage l’État partie à procéder à cette ratification.

26.Le Comité recommande à l’État partie d’envisager d’adhérer à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

27.Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base commun selon les prescriptions énoncées en la matière dans les Directives harmonisées pour l’établissement de rapports récemment approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).

28.L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports qu’il soumet au Comité ainsi que les conclusions et recommandations du Comité, dans les langues appropriées, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

29.Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées ci-dessus aux paragraphes 7, 12, 16 et 20.

30.L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui sera considéré comme son sixième rapport périodique, d’ici au 30 juin 2011.

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