Nations Unies

CAT/OP/MEX/2

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

20 septembre 2018

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Visite au Mexique du 12 au 21 décembre 2016 : observations et recommandations adressées à l’État partie

Rapport établi par le Sous-Comité*,**

Table des matières

Page

I.Introduction3

II.Allégations de torture et de mauvais traitements5

III.Impunité8

A.Cadre juridique8

B.Détection de la torture et des mauvais traitements8

IV.Conditions et régimes de détention13

A.Centres municipaux13

B.Établissements pénitentiaires15

C.Délégation de pouvoir, autogestion et corruption16

D.Centres de détention de migrants et centres d’accueil provisoires de l’Institut national des migrations16

E.Santé mentale18

V.Mécanisme national de prévention19

VI.Répercussions des visites20

VII.Conclusion20

Annexes

I.Lista de las autoridades y personas con quienes se reunió el Subcomité22

II.Lista de lugares visitados por el Subcomité25

I.Introduction

1.Conformément aux dispositions du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Sous‑Comité a effectué sa deuxième visite régulière au Mexique du 12 au 21 décembre 2016.

2.Le Sous-Comité était représenté par les membres suivants : Felipe Villavicencio Terreros (chef de la délégation), Enrique Font, Emilio Ginés Santidrián et Nora Sveaass.

3.La délégation était assistée de trois spécialistes des droits de l’homme et de deux agents de sécurité du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).

4.Comme lors de sa première visite, en raison de contraintes imposées par le temps et compte tenu de l’étendue du territoire de l’État partie, le Sous-Comité a dû faire une sélection des entités fédératives dans lesquelles il se rendrait et des lieux de détention qu’il visiterait. S’il est vrai que les conclusions et les recommandations figurant dans le présent rapport se réfèrent en majorité aux lieux de détention visités, le Sous-Comité invite instamment l ’ État partie à faire en sorte que ces recommandations soient mises en œuvre dans tous les lieux de privation de liberté où elles seraient valables.

5.Dans les États de Baja California, Coahuila de Zaragoza, Guerrero, Mexico, Morelos, Nuevo León et Veracruz, le Sous-Comité a visité au total 32 lieux où des personnes privées de liberté se trouvaient ou pouvaient se trouver et s’est entretenu avec des fonctionnaires des trois pouvoirs de l’État, des membres de la Commission nationale des droits de l’homme, des fonctionnaires du système des Nations Unies et des représentants de la société civile. Il tient à les remercier pour les informations précieuses qu’ils lui ont communiquées.

6.Le Sous-Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives et autres que l’État partie a prises depuis sa première visite, dans le domaine de la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment :

a)L’adoption de la loi générale relative aux disparitions forcées de personnes, aux disparitions dont les auteurs sont des particuliers et au système national de recherche des personnes disparues (17 novembre 2017) ;

b)L’entrée en vigueur de la loi générale relative à la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à enquêter sur ces infractions et à en sanctionner les auteurs (26 juin 2017) ;

c)L’entrée en vigueur sur l’ensemble du territoire de l’État partie de la réforme du système de justice pénale prévue par la réforme constitutionnelle de 2008 (18 juin 2016) ;

d)L’adoption de la loi nationale sur l’application des peines (2016) ;

e)L’adoption de la loi nationale sur le système général de justice pénale pour les adolescents (2016) ;

f)La réforme constitutionnelle de 2015, qui donne compétence au Congrès de l’Union pour adopter des lois générales sur la torture et les disparitions forcées ;

g)L’adoption de la loi générale relative aux victimes (2013) ;

h)La création de l’Unité d’enquête spéciale sur l’infraction de torture, qui dépend du Bureau du Procureur général de la République (2015) (décision A/101/15) ;

i)La réforme constitutionnelle de 2011, dans le cadre de laquelle les droits de l’homme consacrés par les instruments internationaux auxquels le Mexique est partie sont devenus des normes de rang constitutionnel ;

j)Les progrès en matière de construction jurisprudentielle dans le domaine de la lutte contre la torture, accomplis sous l’impulsion de la Cour suprême de justice.

7.En outre, le Sous-Comité a noté avec satisfaction qu’au moment de sa visite, personne n’était privé de liberté en application d’une mesure d’arraigo (placement en détention préventive dans des lieux officieux).

8.Le Sous-Comité considère que sa non-application montre que la mesure d ’arraigo n ’ est pas nécessaire pour lutter contre la criminalité organisée. Il rappelle sa précédente recommandation (CAT/OP/MEX/1, par. 336) et recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures législatives voulues pour éliminer cette mesure de son système juridique.

9.À l’issue de sa visite, le Sous-Comité a présenté oralement ses observations préliminaires aux autorités, à titre confidentiel. Dans le présent rapport, il expose ses conclusions et recommandations concernant la prévention de la torture et des mauvais traitements à l’encontre des personnes privées de liberté au Mexique. L’expression « mauvais traitements » est utilisée au sens large pour faire référence à toutes les formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

10.Le Sous-Comité tient à remercier les autorités mexicaines d’avoir facilité sa visite et coopéré avec lui. La délégation a eu accès aux lieux de détention rapidement et librement, et a pu rencontrer sans restriction les personnes privées de liberté avec lesquelles elle souhaitait s’entretenir en privé ; elle a également pu consulter les rapports et registres qu’elle avait demandé à voir. Lorsqu’un certain retard s’est produit, comme à l’Institut national des migrations, les coordonnateurs désignés par l’État partie ont réglé efficacement les problèmes d’accès rencontrés. Le Sous-Comité attire l’attention sur la situation particulière dans laquelle il s’est trouvé dans le cas du bataillon militaire no 27 d’Iguala de la Independencia. La délégation s’étant heurtée à un refus le jour de sa visite inopinée, les autorités de l’État partie ont expliqué qu’elles avaient mal interprété le champ d’application de l’article 4 du Protocole facultatif et, à l’issue d’un dialogue constructif, elles ont adressé une invitation à la délégation et lui ont proposé de prendre les dispositions voulues aux fins d’une visite dans les lieux concernés. Le Sous-Comité n’a pas pu accepter cette invitation car elle n’aurait pas donné lieu à une visite inopinée.

11. Il paraît opportun au Sous-Comité de rappeler sa jurisprudence concernant le champ d ’ application de l ’ article 4 du Protocole facultatif.

12. Sont inclues dans le champ d ’ application de l ’ article  4 toutes les institutions publiques ou privées placées sous la juridiction ou le contrôle de l ’ État partie dans lesquelles se trouvent des personnes privées de liberté qui ne sont pas autorisées à sortir soit sur l ’ ordre d ’ une autorité judiciaire, administrative ou autre, ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite.

13. L ’ approche sur laquelle repose le Protocole facultatif étant de nature préventive, celui-ci doit être interprété de manière aussi large que possible pour porter à son maximum la portée préventive des travaux du Sous-Comité et des mécanismes nationaux de prévention. Le Sous-Comité considère que le Protocole facultatif s ’ applique à tous les lieux où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté, étant entendu que la privation de liberté se produit dans un contexte où l ’ État exerce ou peut exercer un rôle régulateur. L ’ État partie doit faire en sorte que le mécanisme national de prévention dispose de tous les moyens nécessaires pour visiter tous les lieux où des personnes sont ou pourraient, selon lui, être privées de liberté.

14.Le Sous-Comité accueille avec satisfaction les renseignements actualisés que l’État partie lui a fournis pendant sa visite au sujet des mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations figurant dans le rapport sur sa précédente visite (CAT/OP/MEX/1). Toutefois, il a constaté avec préoccupation pendant sa deuxième visite que bon nombre des observations et recommandations qu’il avait formulées en 2008 restaient d’actualité.

15. Le Sous-Comité invite instamment l ’ État partie à redoubler d ’ efforts pour appliquer intégralement toutes les recommandations qui figurent dans le rapport sur la première visite, et à mettre en œuvre celles qui figurent dans le présent rapport.

16. Le Sous-Comité demande aux autorités mexicaines de lui rendre compte de manière détaillée, dans les six mois suivant la communication du présent rapport, des mesures qu ’ elles auront prises pour donner suite aux recommandations qui y sont formulées.

17.Conformément au paragraphe 2 de l’article 16 du Protocole facultatif, le présent rapport demeurera confidentiel jusqu’à ce que les autorités mexicaines décident de le rendre public. Cela étant, le Sous-Comité est convaincu que la publication du rapport peut contribuer à prévenir la torture et les mauvais traitements étant donné qu’une large diffusion des recommandations formulées aiderait à mener dans la transparence un dialogue national fructueux sur les questions qui sont traitées dans le rapport.

18. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de demander la publication du présent rapport conformément au paragraphe 2 de l ’ article 16 du Protocole facultatif, comme il l ’ avait recommandé en 2008 au sujet du rapport sur sa première visite.

19.Le Sous-Comité tient à appeler l’attention de l’État partie sur le Fonds spécial créé en vertu de l’article 26 du Protocole facultatif. L’État partie peut s’appuyer sur les recommandations formulées par le Sous-Comité dans les rapports de visite rendus publics pour demander la prise en charge financière de certains projets par le Fonds.

II.Allégations de torture et de mauvais traitements

20.Pendant sa visite, le Sous-Comité a reçu un grand nombre d’allégations préoccupantes reçues de personnes privées de liberté, dont des femmes, des mineurs et des migrants, qui affirmaient avoir subi des actes de torture et/ou des mauvais traitements dans différentes circonstances et, en particulier, au moment de leur privation de liberté, pendant leur transfert, à leur arrivée dans différents lieux de détention ou pendant des interrogatoires. Plusieurs des personnes interrogées ont déclaré qu’on leur avait fait subir des actes de torture ou des mauvais traitements pour les obliger à signer ou déposer des déclarations de culpabilité, ou encore à apposer leur signature sur des feuilles vierges sur lesquelles de faux aveux avaient été inscrits ultérieurement.

21.La plupart des personnes interrogées ayant déclaré avoir été victimes de torture ou de mauvais traitements ont dit que les principaux responsables étaient des policiers (municipaux, nationaux, fédéraux ou ministériels) ou même, parfois, des militaires. Certains migrants ont aussi accusé des membres du personnel des services de l’immigration.

22.Un grand nombre de personnes interrogées, dont des mineurs, ont affirmé avoir été soumises à la torture ou à des mauvais traitements dans les premiers instants ou les premières heures de leur privation de liberté. Certaines d’entre elles ont affirmé avoir subi des mauvais traitements à leur arrivée ou au début de leur placement dans les centres de détention municipaux ou dans les locaux de la police ministérielle ou de la Police nationale. Certaines personnes, dont des mineurs, ont affirmé qu’au moment de leur entrée dans les lieux, elles avaient été entièrement déshabillées et obligées à s’accroupir pendant des fouilles au corps. Le Sous-Comité a constaté que les mauvais traitements se produisaient en général dans des lieux qui n’étaient pas équipés de caméras de surveillance, comme les sanitaires, les escaliers ou des locaux adjacents aux lieux de détention eux-mêmes. Ainsi, pendant sa visite au centre de la sécurité publique et de la voirie de Monterrey (Alamey), le Sous-Comité a vu deux personnes menottées à la rambarde d’une rampe d’accès située à l’extérieur du centre.

23.Le Sous-Comité a également été informé d’actes de torture ou de mauvais traitements commis dans des lieux où des personnes étaient privées de liberté pendant de longues périodes, notamment des centres de détention municipaux et des centres de réadaptation sociale. Selon des allégations qu’il a reçues, quelques jours avant la visite de sa délégation, des agents de la force publique de l’État de Nuevo León (« escadron de la mort ») se seraient présentés pendant la nuit au centre d’Alamey où, devant les caméras et en présence des agents pénitentiaires de garde, ils seraient entrés dans une cellule et auraient passé à tabac les détenus qui s’y trouvaient. Des allégations ont été reçues concernant d’autres centres où des personnes privées de liberté auraient été soumises à la torture ou à des mauvais traitements par les autorités pénitentiaires ou d’autres détenus avec l’assentiment des autorités pénitentiaires, en particulier dans des centres où des pouvoirs sont délégués et fonctionnant en autogestion. Au centre régional de réinsertion sociale de Chimpalcingo, le Sous-Comité a été informé par des détenus qu’ils avaient vu d’autres personnes privées de liberté subir des actes de torture et des personnes être emmenées dans la « chambre d’Adam » (« cuarto de Adán »), où elles avaient été battues.

24.Le plus souvent, les actes de torture et les mauvais traitements décrits au Sous‑Comité étaient des coups portés avec le plat de la main, le poing, le genou ou le pied, la crosse d’une arme à feu, parfois par plusieurs agents, même après que les intéressés avaient été maîtrisés et menottés. Dans d’autres cas, les méthodes décrites comprenaient l’utilisation prolongée de menottes dans différentes positions, des menaces, des torsions des membres supérieurs et la privation d’eau et de nourriture. De nombreuses allégations font état de l’envoi d’impulsions électriques au moyen d’un aiguillon électrique d’autodéfense (chicharras) au visage et dans différentes parties du corps, dont les parties génitales, de l’asphyxie au moyen de sacs en plastique, de l’introduction d’eau dans les narines et de dents cassées avec des pinces. Le Sous-Comité a reçu des allégations selon lesquelles des pistolets neutralisants auraient été utilisés contre les détenus du centre fédéral de réadaptation sociale no 1 dit « Altiplano ».

25.Pendant plusieurs entretiens avec des personnes privées de liberté, le Sous-Comité a constaté la présence de lésions récentes de types divers correspondant aux formes de torture ou de mauvais traitements décrites. Beaucoup des personnes interrogées ont dit qu’elles avaient peur des représailles, ce qui expliquait qu’elles ne demandaient pas qu’on constate leurs lésions et qu’on les soigne. Dans les rares cas où des personnes ont demandé au Sous‑Comité de les aider à confirmer l’existence de lésions et à recevoir des traitements médicaux, celui-ci a demandé l’intervention de médecins légistes de la Commission nationale des droits de l’homme et de la Commission des droits de l’homme de l’État de Nuevo León. Dans d’autres cas, il s’est assuré que les constatations avaient été dûment enregistrées par les médecins des établissements de privation de liberté. Lorsque cela n’avait pas été fait, le Sous-Comité a demandé que des examens médicaux soient réalisés, parfois en sa présence, et a demandé à la Commission nationale des droits de l’homme d’intervenir et d’assurer le suivi des affaires et la protection des victimes contre les représailles. Dans certains de ces cas, les lésions que présentaient les victimes appelaient une consultation croisée en vue d’un diagnostic et d’un traitement médical en urgence, également demandée par le Sous-Comité.

26.Le Sous-Comité a interrogé de nombreux mineurs privés de liberté qui ont affirmé, en particulier les garçons, avoir été soumis à des mauvais traitements par le personnel chargé de les surveiller. À Alamey, il a recueilli les allégations de deux mineurs qui auraient été battus et menottés des heures durant à la rambarde d’un escalier situé hors de la portée des caméras de sécurité. Au centre de détention et de réadaptation pour adolescents délinquants de Monterrey, le Sous-Comité a été informé de cas de mauvais traitements, notamment de violences verbales, de menaces, de coups donnés sur la tête avec les antennes des radios des agents pénitentiaires, de coups donnés avec le plat de la main dans le cou et la région de la taille et de coups de pieds, ainsi que de cas dans lesquels des mineurs auraient été cognés contre le mur ou empêchés d’utiliser les sanitaires entre 22 heures et 7 heures (sauf exception). Il a été informé de cas de sanctions excessives, telles que la privation de matelas et/ou de couvertures, la privation de certaines denrées alimentaires, le placement en cellule disciplinaire pendant une nuit sans matelas ni couverture, et l’obligation de se tenir debout contre un mur pendant des périodes prolongées. Le Sous-Comité tient à appeler l’attention sur le cas d’un jeune étranger détenu dans ce centre qui lui a demandé d’intervenir en raison des mauvais traitements que le personnel pénitentiaire lui aurait infligés la veille, dont un coup violent de la tête contre le mur. Il a demandé à la Commission nationale des droits de l’homme d’intervenir immédiatement et celle-ci a notifié les autorités pénitentiaires concernées et la Commission des droits de l’homme de l’État de Nuevo León. Ayant suivi la constitution du dossier par les autorités susmentionnées, le Sous-Comité a observé avec satisfaction que le médecin de la Commission de l’État avait procédé à un examen médical détaillé afin de constater les lésions décrites. Il se félicite de la prise en charge rapide et efficace du cas de ce mineur par les autorités concernées, notamment de son transfert au centre de détention et de réadaptation pour adolescents délinquants d’Escobedo. Il est toutefois préoccupé par la situation des mineurs détenus dans le centre de détention et de réadaptation de Monterrey. Un grand nombre des mineurs avec lesquels le Sous-Comité s’est entretenu ont dit qu’ils ne signalaient pas les mauvais traitements par peur des représailles.

27.La majorité des personnes interrogées dans les centres de rétention et de séjour temporaire de l’Institut national des migrations ont déclaré avoir été bien traitées par les membres du personnel chargé de les surveiller. Cependant, certaines d’entre elles ont dit qu’elles avaient subi des mauvais traitements, notamment des menaces, au moment de leur privation de liberté.

28. Le Sous-Comité invite instamment l ’ État partie à faire en sorte que toutes les autorités habilitées à priver des personnes de leur liberté respectent pleinement les règles en matière de proportionnalité et de rationalité du recours à la force, et à mettre l ’ accent sur les droits de l ’ homme.

29. Il lui recommande de veiller à ce que les policiers et les agents pénitentiaires reçoivent périodiquement des instructions claires et catégoriques leur rappelant l ’ interdiction absolue et impérative de toute forme de torture et de mauvais traitements, et d ’ incorporer ladite interdiction aux règles ou instructions générales édictées en ce qui concerne les obligations et des attributions du personnel de police et des agents pénitentiaires .

30. Soulignant ses recommandations précédentes (CAT/OP/MEX/1, par. 310), le Sous-Comité invite instamment l ’ État partie à prendre les mesures nécessaires pour créer et renforcer les mécanismes de contrôle et de surveillance interne et externe de l ’ ensemble des organes qui ont le pouvoir de priver une personne de sa liberté, et de veiller à ce que ces mécanismes adoptent une approche dynamique afin de prévenir, détecter et sanctionner efficacement les actes de torture et les mauvais traitements commis au moment de la privation de liberté, du transfert ou de l ’ entrée dans les lieux de détention.

31.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les activités de formation et de sensibilisation portant sur les dispositions de la Convention contre la torture et sur l ’ utilisation rationnelle et proportionnée de la force qui sont organisées à l ’ intention de tous les agents fédéraux, étatiques et municipaux habilités à priver une personne de sa liberté et/ou à intervenir dans l ’ arrestation, le transfert, l ’ interrogatoire ou le traitement des personnes soumises à une forme quelconque de privation de liberté, y compris les mineurs et les migrants. L ’ État partie doit élaborer et appliquer une méthode qui lui permette d ’ évaluer l ’ efficacité des activités de formation et de sensibilisation.

32. Le Sous-Comité recommande au mécanisme national de prévention, à la Commission nationale des droits de l ’ homme et aux commissions des droits de l ’ homme des États de privilégier, dans leurs programmes de visites, la surveillance inopinée de tous les lieux où des personnes sont placées, ceux par lesquels celles-ci passent pour être identifiées et enregistrées, et ceux où elles séjournent immédiatement après leur privation de liberté, que cette mesure soit prise dans le cadre d ’ une procédure administrative, migratoire ou pénale.

33.L ’ État partie doit prendre immédiatement des mesures efficaces pour protéger les mineurs placés dans le centre de détention et de réadaptation pour adolescents délinquants de Monterrey, et veiller à ce qu ’ aucun mineur privé de liberté ne subisse d ’ acte de torture ou de mauvais traitement s . Le Sous-Comité réitère sa recommandation en faveur de la formation et de la sensibilisation des personnes chargées des contacts avec les mineurs se trouvant sous la garde de l ’ État (CAT/OP/MEX/1, par. 343) .

III.Impunité

A.Cadre juridique

Criminalisation de la torture

34.Dans son premier rapport de visite, le Sous-Comité s’était dit préoccupé par le fait que les diverses lois de l’État partie n’étaient pas conformes aux normes internationales relatives à la criminalisation de la torture.

35.Le Sous-Comité a accueilli avec satisfaction la révision de l’article 73 de la Constitution en 2015, qui a donné au Congrès de l’Union la faculté, entre autres, d’élaborer une loi générale prévoyant au minimum la criminalisation des actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et fixant les sanctions que de tels actes emportent.

36.Pendant sa visite, le Sous-Comité a regretté le retard qu’avait pris l’adoption des mesures législatives nécessaires pour garantir que la définition pénale de la torture appliquée dans le pays respecte les normes internationales en la matière ; il est préoccupé par les conséquences négatives que ce retard entraîne pour ce qui est d’enquêter dûment sur les actes de torture et de les sanctionner de manière adaptée. Le Sous-Comité a constaté que la disparité des définitions de l’infraction de torture dans les entités fédératives est l’une des causes de vides juridiques réels ou potentiels propices à l’impunité.

37.Ainsi, le Sous-Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi générale visant à prévenir les cas de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à enquêter sur ces cas et à en sanctionner les auteurs, publiée au Journal officiel de la Fédération le 26 juin 2017.

38. Le Sous-Comité invite instamment l ’ État partie à veiller à donner effet à la loi générale au x niveau x national et fédéral, et à mettre en œuvre les capacités nécessaires pour que les agents de l ’ État appliquent ladite loi sur tout le territoire.

B.Détection de la torture et des mauvais traitements

39.Les organes et les experts internationaux sont unanimes pour dire qu’au Mexique, la torture est un phénomène généralisé (Comité contre la torture, 2003 ; Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 2008 ; Rapporteur spécial sur la question de la torture, 2014 ; Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 2015 ; Cour interaméricaine des droits de l’homme, 2016). Le Sous-Comité a reçu des renseignements d’un grand nombre d’organisations de la société civile et de personnes privées de liberté avec lesquelles il s’est entretenu. Cependant, il ressort des données officielles reçues que les déclarations de culpabilité prononcées pour des faits de torture restent l’exception. Le Sous-Comité estime que le décalage qui existe entre un phénomène reconnu comme généralisé et les rares sentences condamnatoires prononcées pour des faits de tortures révèle que l’impunité face aux actes de torture prévaut.

40.Cette situation est mise en évidence par les renseignements officiels, d’où il ressort que le nombre d’enquêtes ouvertes par les services du Procureur général de la République entre 2008 et 2010 pour des faits de torture a été extrêmement faible. Il a commencé à augmenter en 2012, année au cours de laquelle quelque 300 enquêtes ont été ouvertes. Actuellement, plus de 4 700 enquêtes sont en cours. Toutefois, cet accroissement du nombre d’enquêtes ne s’est pas traduit par un accroissement équivalent du nombre de poursuites pour des faits de torture (aucune en 2008, 2009 et 2011 ; deux en 2012 ; cinq en 2013 ; six en 2014). Les déclarations de culpabilité de cette infraction demeurent extrêmement rares, tant dans les juridictions fédérales, qui en ont prononcé cinq, que dans les juridictions locales, qui en ont prononcé 10.

41.Le Sous-Comité prend note de la création de l’Unité d’enquête spéciale sur l’infraction de torture, placée sous l’autorité des services du Procureur général de la République.

42. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que l ’ Unité soit dotée des ressources nécessaires pour s ’ acquitter de ses tâches de manière professionnelle et efficace. Il lui recommande aussi de faire en sorte que les renseignements relatifs aux nombres de plaintes déposées et le lieu où consulter ces renseignements soient connus de tous et accessibles au public.

43.En se fondant sur ses deux visites, le Sous-Comité a recensé les facteurs contribuant à la fréquence de l’impunité au Mexique ci-après :

Défaillances du ministère public

44.Les services du ministère public, qui mettent l’accent sur l’accusation, peinent à admettre qu’une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction ou une faute administrative puisse aussi être victime de torture et soit traitée comme telle, et que les faits allégués doivent être documentés de manière adéquate et faire l’objet d’une enquête en bonne et due forme. Les informations selon lesquelles les agents du ministère public ne tiennent pas compte des plaintes pour torture déposées par des accusés, au motif parfois utilisé qu’il s’agit d’une stratégie que ceux-ci emploient pour s’exonérer de leurs fautes, sont également préoccupantes. De surcroît, plusieurs sources ont fait savoir que les services du ministère public avaient tendance à considérer les actes de torture comme des infractions mineures. En s’entretenant avec des citoyens, le Sous-Comité a constaté que leur niveau de confiance à l’égard du ministère public était faible.

Détection de la torture et application incorrecte du Protocole d’Istanbul

45.Ni le personnel médical des lieux de détention, ni les juges, ni les procureurs, ni les commissaires de police, ni les avocats de la défensen’adoptent une attitude proactive en vue de détecter, documenter et dénoncer la torture de manière efficace. Le Sous-Comité a pu constater que cette situation demeurait inchangée même quand les signes de maltraitance étaient évidents. D’après les nombreuses allégations concordantes des personnes privées de liberté, les entretiens avec le personnel médical et l’analyse des registres médicaux, le Sous‑Comité a relevé que les médecins considéraient que l’obligation de documenter et de dénoncer les faits de torture ne faisait pas partie intégrante de leur emploi, contrairement aux principes énoncés dans le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul).

46.À l’issue de la visite de 2008, le Sous-Comité a recommandé à l’État partie de renforcer l’application du Protocole d’Istanbul, ce qui s’est traduit par la réalisation de nombreux cours de formation. Cependant, le Sous-Comité a observé que la majorité des médecins travaillant dans des lieux de détention, des défenseurs et des procureurs interrogés ne connaissaient pas le Protocole d’Istanbul ou ne l’appliquaient pas correctement, ce qui a été confirmé lors des entretiens avec des personnes privées de liberté. Le Sous-Comité est préoccupé à l’idée que des défaillances dans l’application du Protocole d’Istanbul puissent se traduire par la légitimation d’enquêtes relatives à de mauvais traitements ou à des actes de torture inadéquates. Il est également préoccupé par la possibilité que, faute de moyens, les médecins qui soupçonnent que certains patients ont subi des actes de torture n’envoient pas ces patients dans un établissement hospitalier pour qu’ils y soient dûment examinés.

47.Le Sous-Comité a observé que, dans la majorité des lieux de détention visités, le personnel médical relevait de la même autorité administrative que le personnel du lieu de détention. Il craint que cette organisation administrative ne garantisse ni l’indépendance ni l’autonomie clinique des médecins et qu’elle empêche que les actes de torture soient dûment détectés, documentés et dénoncés. Même après les questions qu’il a posées à ce sujet pendant les visites, le Sous-Comité n’a eu connaissance d’aucune enquête relative à des actes de torture ouverte à la demande ou sur indication de médecins travaillant dans des lieux de détention.

48.Le Sous-Comité a assisté à des examens médicaux dans trois établissements pénitentiaires du pays ; il a constaté que les médecins ne tenaient compte que des lésions physiques, qu’ils classaient selon trois catégories simplifiées, alors que plusieurs méthodes de torture ne laissent pas de traces visibles et que la torture ne se limite pas seulement à un préjudice physique. Même s’ils constatent des lésions graves, les médecins classent leurs rapports dans les registres et ne les portent pas à la connaissance des services d’assistance juridictionnelle ou des services du ministère public.

49.Le Sous-Comité trouve inquiétant que les examens médicaux soient réalisés différemment si des policiers en armes sont présents.

50.Il est également préoccupé par le fait que, dans différents cas observés pendant la visite, les personnes détenues dans des commissariats ne pouvaient pas savoir qu’elles étaient examinées par un membre du personnel médical car ce dernier ne portait pas la tenue caractéristique des médecins et ne disposait pas du matériel médical de base.

Défaillances de l’enquête médico-légale

51.Le Sous-Comité a été informé que les cadres juridiques des services du Procureur général de la République privilégiaient encore les examens médico-légaux officiels comme éléments de preuve lors des procès. Il est préoccupé par le grand retard qu’accusent les services du Procureur général de la République s’agissant de produire des rapports spécialisés, et par différentes défaillances qui lui ont été signalées, dont des preuves de partialité et une tendance à couvrir les collègues, ce qui entrave les enquêtes sur des faits de torture. Le fait que les agences médico-légales dépendent des services du Procureur général de la République représente un problème structurel qui fait obstacle aux enquêtes relatives aux actes de torture et, par conséquent, au traitement judiciaire de tels actes.

52.Les analyses médico-légales examinées par le Sous-Comité laissaient beaucoup à désirer ; la plupart ne tenaient compte que des lésions qui mettraient plus de quinze jours à guérir, alors que plusieurs techniques de torture ne laissent bien souvent pas de traces. Des conflits d’intérêts ont été constatés, les experts étant sous l’autorité des procureurs généraux de justice. Le Sous-Comité recommande que les experts exercent leurs fonctions de manière absolument indépendante.

Défaillances institutionnelles de l’assistance juridictionnelle

53.Le Sous-Comité se déclare préoccupé par la qualité des services d’assistance juridictionnelle offerts aux personnes privées de liberté. Il a reçu de nombreux témoignages concordants qui indiquaient que les entretiens avec le défenseur commis d’office préalables à l’audience étaient rares, les accusés ne rencontrant leur défenseur qu’à l’audience ou seulement quelques instants avant qu’elle ne débute. Les personnes interrogées ont toutes dit que, sauf exceptions, les défenseurs commis d’office ne leur demandaient pas si elles avaient été victimes de torture ou de mauvais traitements.

54.Le Sous-Comité est préoccupé par l’évidente différence de moyens entre les services d’assistance juridictionnelle et ceux du ministère public, et par les répercussions qu’elle a sur le nombre de défenseurs commis d’office par rapport au nombre de procureurs et sur les ressources humaines dont ces deux services ont besoin pour s’acquitter de leurs fonctions. Cette disparité entre les deux institutions constitue un obstacle majeur à la promotion du rôle central, pour ce qui est de la protection des droits de l’homme, que les services d’assistance juridictionnelle jouent pour détecter la torture, représenter les personnes qui en sont victime et les assister de façon à garantir leur accès à la justice, l’instruction des faits détectés et la traduction en justice des auteurs de tels faits.

Nombre insuffisant de juges

55.Le Sous-Comité relève que la faible proportion des juges qui, selon les informations recueillies, reçoivent chacun 500 nouveaux dossiers par an, et le recours excessif à la détention provisoire qui en découle sont des facteurs supplémentaires qui favorisent l’impunité. Le faible effectif de juges de l’application des peines entrave la détection efficace de la torture.

Défaillances du dispositif de traitement des plaintes

56.Dans la majorité des cas, les mécanismes de plainte du système carcéral se résumaient à une boîte aux lettres, souvent ouverte, destinée à recevoir les suggestions et les plaintes, ce qui ne garantissait pas leur confidentialité. Le Sous-Comité a constaté que le droit d’accéder à ces mécanismes n’était pas garanti, car les détenus ignoraient, pour la plupart, la suite donnée à leurs plaintes, ne pouvaient adresser leur requêtes que par l’intermédiaire des surveillants ou ne savaient pas comment porter plainte au sujet de mauvais traitements auprès de l’administration pénitentiaire centrale et de l’autorité judiciaire, ou de toute autre autorité compétente, y compris les autorités compétentes pour réviser un dossier ou examiner un recours. Les personnes privées de liberté ont indiqué que les mécanismes de plainte étaient inefficaces, principalement en raison de la peur des représailles.

57.Le Sous-Comité conclut que le problème généralisé de la mauvaise tenue des registres relatifs à la privation de liberté dans l’État partie crée des brèches dans la protection des personnes contre la torture et les mauvais traitements et favorise l’impunité.

58. L ’ État partie doit adopter les mesures nécessaires et efficaces pour :

a) Garantir que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent rapidement l ’ objet d ’ une enquête exhaustive et impartiale menée par des organes indépendants, conformément aux articles 12 et 13 de la Convention contre la torture, veiller à ce qu ’ il n ’ y ait pas de rapport institutionnel ou hiérarchique entre les autorités chargées de l ’ enquête et les responsables présumés ;

b) Faire en sorte que tous les responsables présumés soient jugés et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à une peine proportionnée à la gravité de leurs actes ;

c) Faire en sorte, sans déroger au principe de la présomption d ’ innocence, que les responsables présumés soient immédiatement suspendus de leurs fonctions pendant toute la durée de l ’ enquête, particulièrement s ’ il existe un risque de récidive, de représailles contre la victime présumée ou d ’ obstruction au bon déroulement de l ’ enquête ;

d) Veiller, dans la pratique, à ce qu ’ une enquête soit ouverte d ’ office chaque fois qu ’ il existe des motifs raisonnables de penser que des actes de torture ou des mauvais traitements ont été commis.

59. L ’ État partie doit faire en sorte que les déclarations obtenues par la torture ou des mauvais traitements ne soient utilisées comme élément de preuve dans aucune procédure, si ce n ’ est contre la personne accusée de torture pour établir qu ’ une déclaration a été faite, conformément à l ’ article 15 de la Convention contre la torture. Le Sous-Comité rappelle la recommandation qu ’ il a déjà formulée à ce sujet (CAT/C/MEX/CO/5-6, par. 15).

60. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de créer, dans les services du ministère public, des règles de comportement et des protocoles afin que les cas de torture soient détectés de manière proactive, qu ’ ils soient dûment documentés, qu ’ ils fassent l ’ objet d ’ une plainte et, par la suite, d ’ une enquête conforme aux normes établies dans le Protocole d ’ Istanbul, de faciliter l ’ ouverture d ’ enquêtes sur les allégations d ’ actes de torture et de mauvais traitements et de garantir une protection adéquate contre de tels actes et de tels traitements.

61. En ce qui concerne l ’ évaluation médicale, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie :

a) De définir l ’ obligation qui incombe aux médecins intervenant dans le cadre d ’ une affaire pénale d ’ évaluer et de détecter de possibles signes de torture et de mauvais traitements dans le cadre de leur service médical ;

b) De créer des conditions de nature à faciliter un examen conforme aux obligations qui incombent aux médecins, dont la confidentialité de la consultation, tant pour ce qui est de l ’ examen clinique que de la détection de la torture et des mauvais traitements  ;

c) De prévoir une procédure applicable aux affaires où des allégations ou des observations pouvant supposer des actes de torture ou de mauvais traitements ont été formulées pour que de tels actes et de tels traitements soient dénoncés et fassent l ’ objet d ’ une enquête ;

d) D ’ établir un système qui garantisse la sécurité des professionnels de la santé excluant la présence de policiers ou de surveillants responsables de la garde des détenus ;

e) De garantir que les médecins qui documentent les actes de torture et de mauvais traitements ne soient victimes ni de représailles ni de menaces ;

f) D ’ éviter que les examens médicaux ne soient réalisés en présence de la police (et notamment de policiers en armes) et de faire en sorte que la sécurité des médecins soit garantie par un moyen adapté.

62. Dans le cadre de la mise en place du système accusatoire, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de doter les services d ’ assistance juridictionnelle d ’ un nombre suffisant de défenseurs et d ’ auxiliaires et des ressources voulues pour garantir, d ’ une part, l ’ exercice effectif du droit à la défense dès les premiers instants de la détention et, d ’ autre part, la « parité de moyens » avec les ministères publics, et de mettre au point une approche axée sur les droits de l ’ homme et le principe de « défense active » permettant de détecter les cas de torture, de mener des enquêtes et de punir les auteurs de tels actes.

63. Le Sous-Comité prie instamment l ’ État partie d ’ établir un registre unifié au niveau national de tous les types de détention, y compris la détention de migrants et de personnes privées de liberté.

64. L ’ État partie doit adopter des mesures plus efficaces pour qu ’ aucune personne privée de liberté ne soit soumise à la torture ou à des mauvais traitements, que ce soit par les autorités pénitentiaires ou par d ’ autres détenus avec le consentement desdites autorités. À cet égard, l ’ État partie doit garantir la sécurité à l ’ intérieur des lieux de privation de liberté en dispensant une formation appropriée aux fonctionnaires pénitentiaires et en élaborant des stratégies pour lutter contre la violence entre détenus ; il doit veiller à ce que les personnes privées de liberté puissent dénoncer n ’ importe quel acte de torture ou n ’ importe quel mauvais traitement devant un organe indépendant de manière confidentielle et sans craindre de subir des représailles, et évaluer périodiquement l ’ efficacité des systèmes de dénonciation mis à sa disposition ; enfin, il doit faire en sorte, en cas de plainte pour torture ou mauvais traitements, que les responsables des lieux de privation de liberté s ’ occupent immédiatement de transmettre la plainte aux autorités compétentes et de protéger la personne dont elle émane contre d ’ éventuelles représailles.

65. L ’ État partie doit veiller à ce que les services du Procureur général de la République soient indépendants, bien formés et dotés des ressources suffisantes aux fins de la vérification et de la documentation professionnelles et efficaces de toutes les allégations de torture et de mauvais traitements, et de la fourniture de services de qualité aux organes de l ’ administration de la justice.

66. Les juges doivent accepter les rapports d ’ experts indépendants et pas seulement ceux réalisés par les fonctionnaires des services du Procureur général de la République car, si ce n ’ est pas le cas, toute la charge de la preuve incombe aux victimes.

67. L ’ État partie doit fournir, dans sa réponse au présent rapport, des statistiques, ventilées par nationalité, âge et sexe, sur les plaintes relatives à des actes de torture et de s mauvais traitements et sur les enquêtes, les procédures et les sanctions pénales et disciplinaires s ’ y rapportant.

IV.Conditions et régimes de détention

A.Centres municipaux

68.Dans tous les centres municipaux visités, les conditions de détention étaient déplorables. Les cellules étaient équipées de couchettes en ciment, de toilettes et, parfois, d’un lavabo. Le Sous-Comité a relevé que les centres ne satisfaisaient pas aux normes relatives aux infrastructures, à l’hygiène et aux services. Les cellules recevaient peu ou pas de lumière naturelle ; elles étaient mal ventilées ; il y faisait très froid, en particulier la nuit, et, en général, il n’y avait pas de couvertures disponibles. Dans certains centres, les sanitaires étaient inadaptés, ils n’étaient pas raccordés à l’eau potable et ni papier hygiénique ni savon n’y étaient fournis. Le Sous-Comité a constaté, dans un centre, que seul un petit robinet dans la cellule permettait aux détenus de se désaltérer et de se laver les mains après avoir utilisé les toilettes, sans papier hygiénique, ce qui entraînait des risques sanitaires sérieux. Certaines cellules étaient vides quand d’autres étaient surpeuplées. Le Sous-Comité a constaté que les membres du personnel chargés de surveiller les détenues étaient principalement des hommes.

69.La distribution de la nourriture et de l’eau était insuffisante, en particulier les week‑ends. Le Sous-Comité a rencontré de nombreuses personnes privées de liberté, y compris des mineurs, qui n’avaient reçu ni aliments ni eau depuis plus de vingt-quatre heures. Dans plusieurs centres, les détenus ne pouvaient passer d’appels téléphoniques que vers des numéros fixes. Un seul centre permettait de former des numéros de téléphone mobile.

70. Le Sous-Comité, constatant que ses précédentes recommandations n ’ ont pas été mises en œuvre, appelle instamment l ’ État partie à améliorer les conditions matérielles des commissariats de police et des centres municipaux et à faire en sorte que :

a) Toutes les cellules des postes de police et des centres municipaux soient propres et d ’ une taille raisonnable au regard du nombre de détenus ;

b) Les conditions d ’ éclairage et de ventilation soient satisfaisantes ;

c) Les détenus disposent de matelas et de couvertures lorsqu ’ ils y passent la nuit ;

d) Les détenus reçoivent les produits d ’ hygiène de base nécessaires ; aient accès à l ’ eau potable et bénéficient d ’ une alimentation satisfaisante du point de vue de la quantité et de la qualité ;

e) Les personnes détenues plus de vingt-quatre heures puissent faire de l ’ exercice physique une heure par jour et recevoir des visites ;

f) Le personnel chargé de surveiller les détenus soit composé de femmes et d ’ hommes et que ce soient des femmes qui surveillent les zones où se trouvent les détenues ;

g) Les détenus puissent passer des appels vers des numéros de téléphone mobile pour contacter leur famille quand celle-ci n ’ est pas joignable sur un numéro de téléphone fixe.

71.Dans certains centres municipaux visités, les médecins étaient présents principalement pour examiner les personnes qui arrivaient. Ils pouvaient être contactés en cas de besoin, ce qui arrivait rarement et prenait beaucoup de temps. Selon des allégations de détenus reçues par le Sous-Comité, les surveillants n’informaient pas toujours le médecin quand une personne privée de liberté avait besoin de soins. L’accès aux médicaments était très limité. Le Sous-Comité a observé que certains centres ne disposaient ni des médicaments ni de l’équipement de base. Les personnes privées de liberté ne recevaient de médicaments que de leur famille, ce qui était problématique pour les personnes privées de liberté sans contacts familiaux ou dont la famille disposait de peu de ressources financières. Lorsque les médicaments sont absolument nécessaires, comme dans le cas du diabète, leur pénurie représente un risque vital pour les personnes privées de liberté.

72. Le Sous-Comité invite instamment l ’ État partie à garantir que les conditions de détention s ’ adaptent aux Règles Nelson Mandela en ce qui concerne les services médicaux, à accorder une attention accrue à la santé et à distribuer davantage de médicaments dans les centres de privation de liberté.

73.Si certaines cellules des centres municipaux étaient effectivement conçues pour accueillir des personnes pour quelques heures seulement, dans tous les lieux visités le Sous‑Comité a rencontré des personnes privées de liberté détenues depuis beaucoup plus longtemps, y compris depuis plusieurs mois et, dans un cas, depuis deux ans. Ces personnes n’avaient accès ni à l’air libre ni à aucun type d’activités. Dans un centre au moins, les personnes privées de liberté ne pouvaient recevoir aucune visite.

74. Le Sous-Comité recommande l ’ application des règles 58 et 105 des Règles Nelson Mandela concernant le droit des détenus de recevoir des visites sans discrimination et l ’ accès à des activités récréatives et culturelles.

75.Le Sous-Comité a pu constater les mauvaises conditions dans lesquelles se trouvaient les enfants privés de liberté dans les centres municipaux. Ils ne doivent certes pas passer plus de vingt-quatre heures dans lesdits centres, mais le Sous-Comité a constaté que les conditions de leur passage par ces centres n’étaient pas satisfaisantes. Il a observé, lors de ses deux visites au centre Alamey de Monterrey, que les enfants étaient placés tous ensemble dans une pièce sans chauffage, sans matelas ni couverture, et que nombre d’entre eux étaient assis par terre dans des conditions d’hygiène déplorables, car ils n’avaient même pas de papier hygiénique. Nombre de ces mineurs ont dit leur angoisse de n’avoir pas pu communiquer avec leur famille ; en effet, ils n’avaient pas le droit de former des numéros de téléphone mobile et, souvent, ils ne connaissaient pas les numéros de téléphone de leur famille, qui étaient enregistrés dans leur téléphone mobile, confisqué ou volé quand ils avaient été arrêtés. Nombre d’entre eux ont indiqué qu’ils ne recevaient pas assez à boire ni à manger.

76. Conformément aux normes internationales et compte tenu de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant, le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de :

a) Garantir que la privation de liberté de mineurs soit appliquée comme mesure de dernier ressort pour la durée la plus courte possible et qu ’ elle soit revue périodiquement en vue d ’ y mettre un terme ;

b) Faire en sorte que les mineurs privés de liberté aient accès à un mécanisme de traitement des plaintes pour mauvais traitements indépendant et efficace ;

c) Prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre les centres de privation de liberté pour mineur s en conformité avec les normes internationales, en particulier en ce qui concerne l ’ hébergement, l ’ hygiène et l ’ alimentation ;

d) Autoriser systématiquement les mineurs à contacter leur famille, en passant des appels vers un numéro de téléphone mobile ou en utilisant d ’ autres moyens de communication quand ils ne disposent d ’ aucun numéro de téléphone fixe pour la joindre.

77. Si la détention administrative est exécutée par des autorités municipales, il convient de redoubler de vigilance pour que les mesures énoncées ci-dessus soient adoptées dans le strict respect des droits de l ’ homme des personnes et préalablement à un examen minutieux visant à établir la réalité de l ’ infraction administrative, et pour empêcher le risque que des traitements cruels, inhumains ou dégradants soient infligé s pendant la détention. L ’ État partie doit promouvoir la réforme de l ’ article 21 de la Constitution pour supprimer cette forme de détention.

B.Établissements pénitentiaires

78.Concernant les centres de réadaptation sociale qu’il a inspectés, le Sous-Comité a noté que c’était dans le Centre fédéral de réadaptation sociale no 1 dit « Altiplano » et dans les prisons pour femmes, notamment celle de Cuernavaca, que les conditions étaient les meilleures.

79.Les autres centres ne satisfaisaient pas aux normes relatives à l’infrastructure, à l’hygiène et aux services, notamment dans les zones protégées et les cellules disciplinaires, comme c’était le cas au Centre régional de réinsertion sociale de Chilpancingo et au Centre préventif de réinsertion sociale de Topo Chico. Le Centre de Chilpancingo se caractérisait par la surpopulation carcérale (948 détenus au moment de l’inspection pour une capacité de 600 personnes), le manque d’hygiène généralisé et l’exiguïté des cellules (9 détenus dans une cellule de 12 m2), où les installations sanitaires servaient également de couchage. Les détenus présentaient des infections cutanées et les cellules étaient sales. Ceux que le Sous‑Comité a rencontré ont mentionné la présence d’insectes et de vers. Dans d’autres centres, certaines ailes étaient particulièrement surpeuplées, notamment celles où se trouvaient les cellules protégées et les cellules disciplinaires. Dans le cas de Chilpancingo, les personnes détenues dans ce type de cellule ont déclaré qu’elles ne recevaient de visites ni de leurs proches ni de représentants de la Commission nationale des droits de l’homme, et qu’elles ne bénéficiaient pas des soins médicaux voulus. Dans la plupart des centres inspectés, la nourriture était de mauvaise qualité et en quantité insuffisante. L’ensemble des détenus se sont plaints de devoir compléter leurs repas ou les remplacer par des vivres apportés par leur famille.

80.Le Sous-Comité a constaté les conditions déplorables dans lesquelles vivaient une grande partie des mineurs incarcérés. Lors d’une nouvelle inspection du Centre d’internement et de réadaptation pour adolescents délinquants de Monterrey, il a noté que les conditions de détention restaient insatisfaisantes, en particulier celles des garçons, qui étaient bien plus mauvaises que celles des filles. Aucune des cellules, tant chez les garçons que les filles, n’avait de source de lumière naturelle. Le Sous-Comité a appris que les adolescentes passaient toute la journée dans une seule pièce où on leur proposait différentes activités mais aucune à l’extérieur. Il faisait très froid dans les cellules des garçons où, selon leurs témoignages, il n’y avait qu’une couverture par personne et les lumières restaient allumées toute la nuit. Le Sous-Comité a aussi appris que les adolescents avaient des séances de sport deux fois par semaine mais que le reste du temps, ils n’avaient pas le droit de sortir et que ceux qui ne recevaient pas de visites n’avaient le droit qu’à un appel téléphonique tous les quinze jours.

81.Les conditions de détention étaient meilleures dans les parties communes du Centre d’internement et de réadaptation pour adolescents délinquants d’Escobedo, où les adolescents pratiquaient différentes activités au cours de la journée. Ce modèle devrait être reproduit, notamment au Centre de Monterrey.

82. Le Sous-Comité invite instamment l ’ État partie à prendre des mesures urgentes pour faire appliquer les dispositions de la nouvelle loi sur l ’ exécution des peines, en particulier dans les établissements pénitentiaires inspectés où il a notamment pu constater que les autorités pénitentiaires n ’ avaient toujours pas résolu les problèmes provoqués par la surpopulation carcérale, le manque généralisé d ’ hygiène et de salubrité, les risques élevés pour la santé des détenus, l ’ exiguïté des cellules, la médiocrité et l ’ insuffisance des rations alimentaires, l ’ application de sanctions arbitraires sans procédure de discipline et durée claire, toutes situations qui contreviennent gravement aux normes internationales, dont les Règles Nelson Mandela.

C.Délégation de pouvoir, autogestion et corruption

83.Dans plusieurs des établissements pénitentiaires visités, le Sous-Comité a constaté différentes formes de délégation de pouvoir et d’autogestion, aux raisons diverses. Dans les grands établissements, il existe différentes formes de corruption et de connivence entre des groupes se livrant à des activités criminelles complexes et les autorités et le personnel pénitentiaire, personnel qui était soit en sous-effectif, soit insuffisamment formé ou encadré. C’est ainsi que s’explique le fait qu’un ensemble de tâches et de responsabilités du ressort de l’État sont assurées par des détenus, notamment le nettoyage et la distribution des repas, l’organisation des visites médicales, l’ouverture et la fermeture des cellules et des galeries, ainsi que la surveillance et la répartition dans les cellules des personnes jugées pénalement irresponsables. Cette délégation de pouvoir passe également par des procédures disciplinaires informelles que des groupes de détenus infligent à d’autres détenus et que le personnel pénitentiaire tolère ou accepte (talacha).

84.Ces formes de délégation de pouvoir donnent lieu à des dérives qui vont de pair avec différents degrés d’autogestion dans les prisons. Celles dans lesquelles l’autorité et les fonctions institutionnelles propres à l’État sont déléguées à des bandes ou des groupes se livrant à des activités criminelles complexes font face à un niveau d’autogestion extrêmement élevé et problématique. La délégation de pouvoir, l’autogestion et la corruption augmentent le risque que les détenus soient victimes de formes systémiques d’exploitation, de mauvais traitements et de torture, voire d’homicide, les auteurs de tels actes agissant le plus souvent en toute impunité. Le Sous-Comité a constaté que dans les prisons où le pouvoir et la gestion étaient délégués, il régnait un climat général de peur parmi les détenus.

85.Le Sous-Comité prie instamment l’État partie d’adopter au plus vite des mesures pour mettre un terme aux différents degrés et formes de délégation informelle de pouvoir, d’autogestion et de corruption, en particulier dans les établissements pénitentiaires où lui et la Commission nationale des droits de l’homme se sont rendus. Ces phénomènes trouvent leur origine dans la connivence qui existe entre les groupes se livrant à des activités criminelles complexes, les autorités et le personnel pénitentiaires.

D.Centres de détention de migrants et centres d’accueil provisoires de l’Institut national des migrations

86.Le Sous-Comité a constaté une grande disparité entre les différents centres de détention de migrants dans lesquels il s’est rendu, tant concernant les conditions matérielles que le traitement des personnes. À Tijuana, il a constaté que le centre de détention était surpeuplé et que les migrants y vivaient dans de mauvaises conditions : les femmes, les enfants et les adolescents étaient logés dans des locaux aux conditions d’hygiène déplorables et manquaient de vêtements, surtout les filles en bas âge, malgré le froid. La nourriture était insuffisante et de mauvaise qualité, et aucune distinction n’était faite entre les besoins des adultes et ceux des enfants.

87.Dans le centre de détention de Saltillo, le Sous-Comité a noté que les mineures non accompagnées bénéficiaient de bonnes conditions d’hébergement. Ce n’était pas le cas des mineurs non accompagnés, qui étaient logés dans une pièce très froide. Certains des enfants interrogés ont dit qu’ils n’avaient pas reçu suffisamment de vêtements et qu’ils se lavaient à l’eau froide. Les adultes et les mineurs accompagnés passaient la quasi-totalité de la journée dans un espace couvert mais très froid et n’avaient pas droit à plus d’une couverture par personne. Le Sous-Comité a été informé que, la nuit, tous les adultes et leurs enfants dormaient dans des pièces fermées à clef (les femmes et les enfants d’un côté, et les hommes de l’autre). La pièce des femmes et des enfants n’avait pas de lumière, tandis que dans celle des hommes, il était impossible de l’éteindre. Concernant l’accès à la nourriture, le Sous-Comité a été informé par les autorités que les enfants bénéficiaient d’une alimentation adaptée à leurs besoins et que le reste de leurs besoins particuliers était également pris en charge. Certaines mères ont fait savoir que ce n’était pas le cas de tous les enfants.

88.Le Sous-Comité s’inquiète des conditions de vie observées dans le centre de détention provisoire de migrants de catégorie B de Monterrey. En théorie, les migrants ne peuvent rester plus de sept jours dans un centre de catégorie B. Toutefois, le Sous-Comité a rencontré plusieurs personnes présentes dans le centre depuis bien plus longtemps (notamment une personne qui s’y trouvait depuis trois semaines). Il a également observé que les locaux étaient très sombres, sans source de lumière naturelle, sans accès à l’extérieur et très exigus. Il a noté avec inquiétude les informations selon lesquelles ces pièces exiguës avaient accueilli jusqu’à 13 femmes avec enfants et jusqu’à 26 hommes (alors qu’il n’y avait que 14 oreillers) dans de mauvaises conditions d’hygiène, surtout dans les sanitaires des hommes.

89.L’accès aux communications téléphoniques variait. À Tijuana, les appels aux membres de la famille vivant à l’étranger étaient limités puisque possibles uniquement avec des cartes que les migrants devaient acheter eux-mêmes, tandis qu’à Saltillo, ils pouvaient tous passer des appels quotidiennement, y compris à l’étranger.

90.D’une manière générale, les migrants manquaient d’informations concernant les raisons de leur détention et les procédures en cours, notamment l’expulsion et la possibilité de demander la protection internationale, et le personnel rechignait à les aider sur des questions qui étaient de leur ressort, comme par exemple la prise de contact avec les familles ou le retour dans le pays d’origine. Le Sous-Comité a appris que les organisations de la société civile qui travaillaient avec les migrants rencontraient des difficultés pour entrer dans les centres de détention.

91.Dans deux des centres visités, des médecins étaient sur place la plupart du temps et les migrants pouvaient les voir sur demande. L’accès aux médicaments variait. Dans un des centres, les médecins ont dit qu’il leur était difficile de faire hospitaliser leurs patients, les migrants étant considérés comme des détenus et ne pouvant donc pas avoir accès au système de santé traditionnel.

92.Le Sous-Comité a constaté les conditions de vie difficiles des enfants et des adolescents, qui devaient par exemple rester à l’intérieur toute la journée sans qu’aucune activité ne leur soit proposée et sans possibilité de sortir. Dans certains centres, il a remarqué la présence de couches usagées et d’ordures qui s’amoncelaient là où jouaient les enfants. Le Sous-Comité note avec préoccupation que le personnel d’un des centres a menacé les mères dont les enfants pleuraient beaucoup de transférer ces derniers dans un établissement du système national de développement intégral de la famille si elles n’y remédiaient pas. Il en a informé le directeur du centre et lui a indiqué qu’il s’agissait là d’une question importante de santé mentale qui pouvait avoir des répercussions graves pour les mères et leurs enfants.

93. Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) D ’ améliorer les conditions matérielles de détention, notamment le niveau de l ’ hébergement et de l ’ alimentation, en tenant compte des besoins particuliers des familles avec enfants, des femmes, des enfants, des adolescents et des mineurs non accompagnés ou séparés de leur famille. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de procéder à la fermeture du centre provisoire de catégorie B de Monterrey ;

b) De veiller à ce que tous les centres de détention de migrants soient pourvus d ’ installations permettant d ’ organiser des activités récréatives, physiques et culturelles, notamment pour les enfants et les adolescents ;

c) D ’ assurer tous les services nécessaires, notamment la possibilité de consulter un médecin, de recevoir des médicaments et de passer des appels téléphoniques ;

d) De prendre des mesures efficaces pour que la durée de séjour des migrants dans les centres provisoires ne dépasse pas celle autorisée par la loi ;

e) D ’ adopter des mesures particulièrement strictes pour que les enfants migrants ne soient pas placés en détention ;

f) De transférer immédiatement les enfants non accompagnés et séparés de leur famille dans les organismes publics et les établissements du système national de développement intégral de la famille au lieu de les garder dans des centres de détention de migrants ;

g) De s ’ assurer que les agents de l ’ immigration informent les migrants, les adultes comme les enfants, de leur droit de demander la protection internationale ;

h) De veiller à ce que les migrants soient informés correctement et en temps voulu de la date de leur expulsion et de la procédure qui sera appliquée à cet égard ;

i) D ’ autoriser l ’ accès des organisations de la société civile à tous les centres de détention de migrants.

E.Santé mentale

94.Le Sous-Comité a constaté que le système pénitentiaire n’était pas en mesure de prendre correctement en charge la santé mentale des détenus. Il est préoccupé par la situation des détenus souffrant de troubles mentaux placés à l’isolement dans la prison pour hommes de Cuernavaca dans l’État de Morelos, pour certains depuis plusieurs années, dans des conditions matérielles inhumaines et sans soins médicaux spécialisés. Le Sous‑Comité a également visité les quartiers du Centre de Topo Chico dans lesquels sont détenues les personnes jugées pénalement irresponsables et les patients psychiatriques, femmes et hommes. Il a constaté avec inquiétude que le quartier des hommes était géré et surveillé par d’autres détenus. Il a également pu voir que les conditions d’hygiène y étaient déplorables.

95.Le Sous-Comité est préoccupé par la situation des personnes souffrant de troubles mentaux aigus ou chroniques qui, au lieu d’être transférées dans des centres psychiatriques adaptés, sont confinées à l’isolement dans des conditions bien inférieures à celles des quartiers disciplinaires.

96.Il estime que le refus d’apporter une assistance psychiatrique adaptée dans ces circonstances et dans de telles conditions est assimilable à un mauvais traitement. En outre, il constate avec inquiétude qu’il n’y a pas de stratégie nationale concernant les soins psychiatriques dans les centres de détention.

97. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de procéder d ’ urgence à un examen psychiatrique des personnes privées de liberté placées dans cette partie de la prison, d ’ évaluer leur état de santé mentale et de leur donner le traitement nécessaire.

98. Le Sous-Comité recommande de placer les personnes qui ont purgé leur peine et qui ne peuvent être accueillies par leurs proches dans des structures adaptées.

99. L ’ amélioration des conditions de détention, notamment la propreté, la ventilation et les activités, doit être considérée comme une priorité de premier plan.

100. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer une stratégie nationale de soins psychiatriques dans les lieux de détention.

101.Le Sous-Comité a visité l’hôpital psychiatrique Fray Bernardino Álvarez, qui traite des patients âgés de plus de 18 ans souffrant de troubles aigus et normalement hospitalisés pour une durée maximale de trois semaines. Cet hôpital reçoit également des patients atteints de maladies chroniques qui, normalement, vivent à l’extérieur, mais ont parfois besoin de l’assistance fournie à l’hôpital.

102.On estime que 90 % des patients arrivent à l’hôpital contre leur volonté, mais tout traitement doit être approuvé par eux ou par leur famille. L’hôpital ne recourt que rarement à des mesures de contention. Les médicaments psychotropes ne sont administrés qu’avec le consentement des patients ou de leur famille. Des traitements par électrochocs sont régulièrement prescrits avec, dans la plupart des cas, l’accord de la famille.

103.Cet hôpital dispose de bonnes ressources humaines et d’une politique axée sur le caractère volontaire et la brièveté des traitements. On peut néanmoins se demander si le consentement éclairé du patient n’est pas, dans les faits, celui de la famille.

104.Le Sous-Comité a constaté que les responsables de l’hôpital communiquaient chaque semaine au ministère public la liste de toutes les personnes hospitalisées contre leur gré. Lors d’un entretien avec le procureur compétent, le Sous-Comité a appris que le ministère public ne pouvait que prendre note de la liste communiquée et ne pouvait pas intervenir, de sorte que les intéressés étaient laissés sans représentation en justice.

105. Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place des mesures pour garantir aux patients ayant donné leur consentement éclairé leur droit d ’ exercer leur capacité juridique, conformément à l ’ article 12 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

106. Il lui recommande aussi de veiller à ce que les personnes hospitalisées contre leur gré puissent bénéficier d ’ une représentation en justice.

V.Mécanisme national de prévention

107.Conformément aux dispositions de l’article 72 de la loi générale visant à prévenir les cas de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le mécanisme national de prévention qu’il est prévu de créer, en tant qu’organe indépendant et spécialisé placé sous l’autorité de la Commission nationale des droits de l’homme, doit respecter les dispositions du Protocole facultatif. Toutefois, il reste encore à définir le cadre qui régira la structure, l’intégration et le fonctionnement du mécanisme des commissions des entités fédératives qui tiendront lieu de mécanismes de prévention locaux.

108. Le Sous-Comité continuera de proposer ses conseils techniques, notamment concernant les dispositions de la loi générale relatives au mécanisme national de prévention.

109.Il existe un écart important entre le nombre de cas de torture et de mauvais traitements signalé par le mécanisme national de prévention et celui signalé par les organismes et experts internationaux, et par la société civile. Pour le Sous-Comité, cette différence s’explique par le fait que le mécanisme n’est pas centré sur la prévention, que les visites sont le plus souvent annoncées et que la méthode des visites et des entretiens ne permet pas de détecter les cas de torture et de mauvais traitements. En recourant principalement à des entretiens structurés plutôt qu’à des entretiens ouverts et approfondis avec les détenus, on obtient une sous-évaluation du phénomène de la torture et des mauvais traitements. Cette méthode ne permet pas non plus de mener des entretiens confidentiels ou d’en apprendre davantage sur les cas de torture et de mauvais traitements signalés, ou sur les conditions systémiques qui rendent ce phénomène possible.

110.Des rapports sont certes établis après les visites, mais aucune recommandation n’est formulée et la coopération avec les plus hautes autorités publiques n’est pas encouragée. Les affaires ne sont pas suivies comme elles le devraient et aucune mesure n’est prise pour réduire le risque de représailles.

111.Le mécanisme national de prévention n’est pas parvenu à se démarquer de la Commission nationale des droits de l’homme. Ce n’est que récemment qu’il a adopté une image institutionnelle distincte, mais il doit encore définir sa propre méthode de visites et son propre mode de dialogue. Ces difficultés l’ont rendu invisible aux yeux de la société civile et des détenus, phénomène que la mise en œuvre effective de la loi générale devrait permettre de corriger.

112.Le mécanisme manque indéniablement de légitimité auprès de la société civile et ne communique pas suffisamment avec elle, contrairement aux dispositions du Protocole facultatif. Le Sous-Comité souligne toutefois que, à l’occasion d’échanges dans le cadre de la visite, la Commission nationale des droits de l’homme a déclaré être consciente de ces problèmes. Il salue l’action menée par la Commission pour renforcer le mécanisme national de prévention, notamment depuis la prise de fonctions de l’actuel Président. Au cours de sa visite, le Sous-Comité a constaté que la Commission nationale des droits de l’homme disposait des compétences techniques requises pour mener à bien les changements nécessaires. Il se réjouit que la nouvelle loi générale favorise la participation de la société civile au développement des activités du mécanisme national de prévention et espère que celle-ci se verra accorder dans les faits le rôle important qui peut être le sien.

113.Le Sous-Comité se félicite du fait que la Commission nationale des droits de l’homme et la Commission fédérale du Nuevo León aient donné une suite favorable aux demandes formulées à la suite du signalement de cas de torture et de mauvais traitements au sujet desquels il fallait intervenir d’urgence.

114. Conformément au mandat qui lui a été confié, le Sous-Comité propose ses conseils d ’ ordre technique, notamment concernant les dispositions de la loi générale relatives au mécanisme national de prévention, pour que :

a) Soit formée une équipe distincte qui ne fera que fonctionner en tant que mécanisme national de prévention dans toutes les entités fédératives, lorsque la loi générale de lutte contre la torture aura été adoptée ;

b) Le fonctionnement du mécanisme national de prévention et celui des mécanismes de prévention locaux des entités fédératives soi en t mis en conformité avec la jurisprudence du Sous-Comité et le mandat qui lui a été confié dans le Protocole facultatif ;

c) Un accord soit établi sur la communication des cas particuliers signalés par le mécanisme national de prévention lors de ses visites, afin que les plaintes, les demandes et les constats médicaux soient traités par la Commission nationale des droits de l ’ homme et par les commissions des entités fédératives ;

d) L ’ équipe du mécanisme national de prévention fasse périodiquement un plus grand nombre de visites inopinées ;

e) Le mécanisme national de prévention dirige la mise en œuvre du Protocole facultatif dans les États, y compris le cadre juridique et les méthodes de travail des commissions des entités fédératives ;

f) Le mécanisme national de prévention ait des échanges fructueux avec la société civile et l ’ intègre véritablement à la réalisation de son mandat et au développement de toutes ses activités ;

g) Le mécanisme national de prévention dialogue avec les institutions judiciaires des États et aide ces dernières à renforcer la prévention et la répression de la torture.

VI.Répercussions des visites

115.Conformément aux dispositions de l’article 15 du Protocole facultatif et au document relatif à la politique du Sous-Comité concernant les représailles en lien avec son mandat d’inspection, le Sous-Comité exhorte les autorités compétentes de l’État partie à prendre les mesures qui s’imposent pour s’assurer que les personnes auxquelles il a rendu visite, avec qui il s’est entretenu ou qui lui ont fourni des informations au cours de son inspection, y compris les fonctionnaires, ne sont pas victimes de représailles. Il demande à l’État partie d’inclure dans sa réponse des informations détaillées sur les mesures adoptées en ce sens.

VII.Conclusion

116. Le Sous-Comité espère que sa deuxième visite régulière et le présent rapport, qui visent à garantir le respect plein et entier des obligations qui lui incombent en vertu du Protocole facultatif, permettront de renforcer le dialogue constructif instauré avec l ’ État partie depuis sa première inspection en 2008, l ’ objectif commun étant de prévenir la torture et les mauvais traitements.

117.Le Sous-Comité recommande à l ’ État partie de publier le présent rapport, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 16 du Protocole facultatif, comme il l ’ avait fait pour le rapport établi en 2008 par le Sous-Comité après sa visite, car cela constitue en soi une mesure de prévention. Il lui recommande également de distribuer le présent rapport à toutes les autorités et institutions publiques concernées. 

Annexe I

[Espagnol seulement]

Lista de las autoridades y personas con quienes se reunió el Subcomité

Autoridades

Secretaría de Relaciones Exteriores

Subsecretario para Asuntos Multilaterales y Derechos Humanos de la Secretaría de Relaciones Exteriores

Director General de Derechos Humanos y Democracia

Directora General Adjunta de Política Internacional de Derechos Humanos

Secretaría de Gobernación

Subsecretario de Derechos Humanos de la Secretaría de Gobernación

Procuraduría General de la República

Subprocuradora de Derechos Humanos, Prevención del Delito y Servicios a la Comunidad Procuraduría General de la República

Subprocurador Especializado en Investigación de Delitos Federales

Encargado de la Unidad de Investigación contra la Tortura

Coordinador de Asuntos Internacionales y Agregadurías

Directora General Adjunta de la Dirección General de Cooperación Internacional

Secretaría de la Defensa Nacional

Director General de Derechos de la Secretaría de la Defensa Nacional

Secretaría de Marina

Jefe de la Unidad Jurídica de la Secretaría de Marina

Director de Derechos Humanos

Secretaría de Salud

Directora para Asuntos Multilaterales de la Dirección General de Relaciones Internacionales de la Secretaría de Salud

Directora General de Relaciones Internacionales

Subdirectora para Organismos Multilaterales de la Dirección General de Relaciones Internacionales

Dirección General de Servicios de Atención Psiquiátrica

Director de Gestión de Servicios de la Dirección General de Servicios de Atención Psiquiátrica

Instituto Nacional de Migración

Director de Estaciones Migratorias

Directora de Asuntos Internacionales

Comisión Nacional de Seguridad

Titular de la Unidad de Asuntos Jurídicos

Titular de la Unidad de Desarrollo e Integración Institucional

Órgano Desconcentrado de Prevención y Readaptación Social

Coordinador General de Asuntos Jurídicos, Derechos Humanos, Normatividad e Implementación del Órgano Administrativo Desconcentrado de Prevención y Readaptación Social

Suprema Corte de Justicia de la Nación

Subdirector General de la Suprema Corte de Justicia de la Nación

Consejo de la Judicatura Federal

Directora de Derechos Humanos

Senado de la República

Presidenta de la Comisión de Derechos Humanos del Senado de la República

Secretario técnico de la Comisión de Derechos Humanos del Senado de la República

Comisión Nacional de Derechos Humanos y Mecanismo Nacional de Prevención de la Tortura

Comisión Nacional de Derechos Humanos

Presidente de la Comisión Nacional de Derechos Humanos

Secretario Ejecutivo de la Comisión Nacional de Derechos Humanos

Tercera visitadora general

Mecanismo Nacional de Prevención

Director General del Mecanismo Nacional de Prevención de la Tortura

Naciones Unidas

Coordinador Residente de las Naciones Unidas y Representante Residente del Programa de las Naciones Unidas para el Desarrollo (PNUD) en México

Oficina del Alto Comisionado de las Naciones Unidas para los Derechos Humanos (ACNUDH)

Oficina del Alto Comisionado de las Naciones Unidas para los Refugiados (ACNUR)

Fondo de las Naciones Unidas para la Infancia (UNICEF)

Comité Internacional de la Cruz Roja

Jefe de delegación regional del Comité Internacional de la Cruz Roja

Sociedad civil

Amnistía Internacional

Asistencia Legal por los Derechos Humanos

Centro de Derechos Humanos Fray Matías de Córdova A.C.

Centro de Derechos Humanos Miguel Agustín Pro Juárez

Centro de Derechos Humanos Zeferino Ladrillero

Ciudadanos en Apoyo a los Derechos Humanos (CADHAC)

Colectivo contra la Tortura y la Impunidad

Colectivo por una política integral hacia las drogas

Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos

Disability Rights International

Documenta

Fundar

Grupo de Trabajo sobre Política Migratoria

Instituto para la Seguridad y la Democracia

Liga Mexicana por la Defensa de los Derechos Humanos

Red por los derechos de la infancia en México

Scalabrinianas Misión con Migrantes y Refugiados

Sin Fronteras

Annexe II

[Espagnol seulement]

Lista de lugares visitados por el Subcomité

A.Recintos policiales y fiscalías

Ciudad de México

Agencia del Ministerio Público núm. 50

Coordinadora Territorial núm. 4 de Tlalpan de la Procuraduría General de Justicia de la Ciudad de México

Fiscalía Antisecuestros de la Procuraduría General de Justicia de la Ciudad de México

Fiscalía de Homicidios de la Procuraduría General de Justicia de la Ciudad de México

Fiscalía Desconcentrada de Investigaciones de Tlalpan

Coahuila

Dirección Policía Preventiva Municipal de Saltillo

Guerrero

Fiscalía Antisecuestros de Chilpancingo

Policía Antisecuestro de Acapulco

Policía Ministerial de Acapulco (separo)

Morelos

Estación de policía de Cuernavaca

Estación de policía de San Gabriel de las Palmas

Fiscalía General del Estado de Morelos (separo)

Policía municipal de Amacuzac

Nuevo León

Agencia Estatal de Investigaciones de la Procuraduría General de Justicia de Nuevo León

Seguridad y Vialidad de Alamey

Seguridad y Vialidad de San Nicolás

B.Centros penitenciarios

Ciudad de México

Centro Federal de Arraigo

Centro Femenil de Reinserción Social de Santa Martha de Acatitla (visitado conjuntamente con el Mecanismo Nacional de Prevención)

Estado de México

Centro Federal de Reinserción Social núm. 1 “Altiplano” (visitado conjuntamente con el Mecanismo Nacional de Prevención)

Guerrero

Centro Regional de Reinserción Social de Chilpancingo

Centro Regional de Reinserción Social de Iguala

Morelos

Centro Femenino de Reinserción Social de Cuernavaca

Centro de Reinserción Varonil de Cuernavaca

Nuevo León

Centro Preventivo de Reinserción Social “Topo Chico”

C.Centros de internamiento y adaptación para adolescentes

Nuevo León

Centro de Internamiento y Adaptación para Adolescentes Infractores de Monterrey

Centro de Internamiento y Adaptación para Adolescentes Infractores de Escobedo

D.Prisión militar

Ciudad de México

Prisión Militar Adscrita a la I Región Militar

E.Estaciones y estancias provisionales del Instituto Nacionalde Migración

Baja California

Estación migratoria de Tijuana

Coahuila de Zaragoza

Estación migratoria de Saltillo

Nuevo León

Estancia provisional Tipo B de Monterrey

Veracruz

Estación migratoria de Acayucan

F.Hospital psiquiátrico

Ciudad de México

Hospital Psiquiátrico Fray Bernardino Álvarez