Nations Unies

CCPR/C/NLD/CO/5

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

22 août 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique des Pays-Bas *

1.Le Comité a examiné le cinquième rapport périodique des Pays-Bas (CCPR/C/NLD/5) à ses 3609e et 3610e séances (voir CCPR/C/SR.3609 et 3610), les 1er et 2 juillet 2019. À sa 3635e séance, le 18 juillet 2019, il a adopté les observations finales ci‑après.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée de présentation des rapports et d’avoir soumis son cinquième rapport périodique en s’appuyant sur la liste de points établie au préalable dans le cadre de cette procédure (CCPR/C/NLD/QPR/5). Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses fournies oralement par sa délégation et des informations complémentaires exhaustives qui lui ont été communiquées par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures législatives, institutionnelles et gouvernementales ci-après :

a)Le nouveau Code pénal, qui élargit la définition de la notion de « victime de violence familiale » de façon qu’elle englobe les victimes d’actes commis par le partenaire ou le concubin, à Saint-Martin (partie néerlandaise), en 2015 ;

b)L’introduction dans le Code pénal de Curaçao de dispositions incriminant la traite des personnes, en 2011 ;

c)La mise en place dans la partie caribéenne du Royaume des Pays-Bas de l’équipe spéciale multinationale, comme suite à l’arrêt rendu en 2016 par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme en l’affaire Murray c. Pays-Bas (requête no 10511/10) ;

d)La création de l’Institut néerlandais des droits de l’homme, en 2012 ;

e)L’adoption en 2013 d’un plan d’action national pour les droits de l’homme et l’adoption de plans d’action nationaux portant respectivement sur les entreprises et les droits de l’homme (2013), la lutte contre la discrimination (2016) et la lutte contre la discrimination sur le marché du travail (2018) ;

f)L’accord administratif conclu par les Pays-Bas et les Caraïbes néerlandaises, qui vise à renforcer la politique de lutte contre la violence familiale pendant la période 2017-2020.

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2016 ;

b)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2011 ;

c)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2010.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Mise en œuvre du Pacte

5.Le Comité relève qu’à la suite de la réforme constitutionnelle de 2010, les Antilles néerlandaises ont été scindées en deux pays constitutifs autonomes (Curaçao et Saint‑Martin (partie néerlandaise)) et trois communes à statut particulier (Bonaire, Saint‑Eustache et Saba), mais il est préoccupé par les lacunes en matière de protection que présentent les cadres législatif et institutionnel des quatre pays constitutifs (Pays-Bas, Aruba, Curaçao et Saint-Martin (partie néerlandaise)) et par les degrés variables de protection dont bénéficient les personnes qui y vivent (art. 2).

6. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour mettre en place un cadre législatif, politique et institutionnel propre à assurer la protection et la promotion des droits de l’homme dans les pays constitutifs des Caraïbes, et harmoniser les normes relatives à la protection des droits de l’homme dans tous ses pays constitutifs et ses communes, notamment en finançant des programmes et des institutions, afin de combler les lacunes existantes en matière de protection.

Suite donnée aux constatations du Comité

7.Le Comité prend acte avec satisfaction des mesures positives prises par l’État partie pour donner suite à certaines de ses constatations concernant des communications émanant de particuliers soumises au titre du Protocole facultatif. Il regrette toutefois que l’État partie ne lui ait pas communiqué de renseignements sur les mesures concrètes qui ont été prises afin de donner effet à ses constatations concernant quatre communications (CCPR/C/66/D/786/1997, CCPR/C/80/D/976/2001, CCPR/C/102/D/1564/2007 et CCPR/C/99/D/1797/2008), qui sont en attente d’application depuis plus de dix ans. Il est également préoccupé par l’évacuation à Amsterdam de la communauté qui occupait le site de l’Amsterdamsche Droogdok Maatschappij, opération à laquelle l’État partie a procédé le 7 janvier 2019 alors qu’il était saisi d’une demande de mesures provisoires portant sur certains aspects de cette évacuation (art. 2).

8. L’État partie devrait donner pleinement suite à toutes les constatations en attente d’application ainsi qu’aux demandes de mesures provisoires du Comité de façon à assurer le respect du droit des victimes à un recours utile en cas de violation du Pacte.

Réserves

9.Le Comité constate que l’État partie entend maintenir sa réserve aux paragraphes 1 et 2 de l’article 10 du Pacte, entre autres. Il regrette que la position des Pays-Bas n’ait pas évolué à cet égard depuis l’examen du rapport précédent (art. 2).

10. L’État partie devrait lever sa réserve aux paragraphes 1 et 2 de l’article 10 et étudier la possibilité de retirer ses autres réserves au Pacte.

Institution nationale des droits de l’homme

11.Le Comité prend note des efforts déployés par les pays constitutifs des Caraïbes et des difficultés qu’ils doivent surmonter pour se doter d’institutions nationales des droits de l’homme, mais il est préoccupé par le fait qu’ils n’en ont pas encore créé (art. 2).

12. L ’ État partie devrait , à titre de priorité, mettre en place des institution s nationale s des droits de l ’ homme à Aruba, à Curaçao et à Sai nt-Martin (partie néerlandaise), respectivement, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), notamment en conférant aux institutions existantes , dont le Médiateur, un mandat élargi qui englobe la protection et la promotion d es droits de l ’ homme. L’État partie devrait étudier la possibilité d’habiliter ces futures institutions nationales des droits de l’homme à examiner les plaintes émanant de particuliers.

Législation interdisant la discrimination

13.Le Comité est préoccupé par le fait que les dispositions de la législation interne visant à combattre la discrimination, en particulier celles de la loi de 1994 relative à l’égalité de traitement, ne couvrent pas toutes les formes de discrimination, en particulier la discrimination fondée sur la couleur de peau, la langue, l’origine sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation (art. 2 et 26).

14. L’État partie devrait revoir sa législation interdisant la discrimination, dont la loi de 1994 relative à l’égalité de traitement, afin de garantir que celle-ci :

a) Offre une protection complète et efficace contre la discrimination qui couvre tous les motifs visés par le Pacte, englobe tous les domaines, y compris la sphère privée, et interdise la discrimination directe, indirecte et multiple ;

b) Prévoie des recours utiles en cas de violation, y compris des mécanismes de plainte efficaces dans tous les pays constitutifs.

Discrimination raciale, discours de haine et crimes de haine

15.Le Comité relève que le Gouvernement de la partie européenne des Pays-Bas a clairement dénoncé la discrimination raciale, les discours de haine ainsi que les crimes de haine, mais il demeure préoccupé par la persistance des discours racistes proférés au sujet des migrants, des réfugiés, des musulmans, des juifs et d’autres minorités ethniques ou religieuses par des personnalités politiques et des hauts responsables ainsi que des particuliers, qui s’expriment par le biais des médias sociaux et dans le contexte de manifestations publiques, dont les matches de football. Il est également préoccupé par le fait que ces discours de haine portent gravement atteinte aux droits ou à la réputation des individus et des groupes de personnes qui en sont la cible, et que de surcroît ils créent un climat grandissant d’intolérance et un contexte propice à la commission de crimes de haine. Il relève en outre avec inquiétude que les personnes appartenant aux groupes ethniques minoritaires continuent d’être victimes de discrimination sur le marché du travail dans l’État partie. Il regrette l’absence d’informations sur les poursuites pour crimes de haine qui ont été engagées au cours des dernières années écoulées (art. 2, 19, 20 et 26).

16. L’État partie devrait redoubler d’efforts, en s’employant à faire respecter la loi et en menant des campagnes de sensibilisation, pour lutter contre la discrimination raciale, les discours de haine et l’incitation à la discrimination ou à la violence fondées sur la race, l’origine ethnique ou la religion, compte tenu des articles 19 et 20 du Pacte et de l’observation générale n o  34 (2011) du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression. Il devrait, en particulier :

a) Redoubler d’efforts pour prévenir les discours de haine, en particulier ceux émanant de responsables politiques et de hauts fonctionnaires ;

b) Élaborer une stratégie efficace, en collaboration avec les entreprises du numérique, pour réduire la quantité de discours de haine diffusés en ligne et élaborer des programmes efficaces visant à lutter contre les comportements racistes et les discours de haine dans le contexte de manifestations publiques, dont les match e s de football ;

c) Mener des enquêtes approfondies sur les crimes de haine, poursuivre, le cas échéant, les responsables présumés et, s’ils sont reconnus coupables, les condamner à une peine et accorder une réparation appropriée aux victimes ;

d) Dispenser aux responsables de l’application des lois, aux juges et aux procureurs une formation adéquate sur la promotion de la diversité raciale, ethnique et religieuse ;

e) Intensifier les efforts consentis pour exécuter efficacement le Plan d’action contre la discrimination sur le marché du travail (2018) et le Programme national de lutte contre la discrimination (2016) afin d’accroître la participation effective des groupes cibles au marché du travail ;

f) Continuer de s’employer à faire disparaître la tradition des défilés dans lesquels apparaît le personnage de « Pierre le noir » ou à transformer l’esprit de ce type de manifestation  ;

g) Recueillir des données ventilées sur les enquêtes et les poursuites se rapportant à des crimes de haine.

Réfugiés et demandeurs d’asile

17.Le Comité salue les efforts que continuent de déployer les Pays-Bas dans le domaine de l’accueil des demandeurs d’asile, qu’illustrent notamment la politique de regroupement familial dont bénéficient les personnes ayant obtenu une protection subsidiaire et le fait qu’une aide juridictionnelle gratuite est offerte aux demandeurs d’asile à tous les stades de la procédure. Le Comité est néanmoins préoccupé par les allégations selon lesquelles des demandeurs d’asile déboutés auraient été renvoyés vers l’Afghanistan, Bahreïn et le Soudan en violation du principe de non-refoulement. Il est également préoccupé par le nombre considérable de demandes d’asile et de demandes de regroupement familial en souffrance. Il regrette que très peu de données aient été fournies sur les demandeurs d’asile aux Pays‑Bas (art. 7, 9, 12, 13 et 14).

18.Le Comité prend note des problèmes posés depuis quelques années par l’afflux d’un nombre considérable de Vénézuéliens qui cherchent à obtenir une protection internationale dans les pays constitutifs des Caraïbes. Il relève qu’Aruba est le seul des trois pays constitutifs des Caraïbes à avoir adhéré au Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, mais il est préoccupé par les limites du cadre juridique de l’asile, qui sont à l’origine de défaillances dans le traitement réservé aux demandeurs d’asile. Il est également préoccupé par les incertitudes qui subsistent quant à l’existence de voies de recours contre le refoulement et par les allégations selon lesquelles un certain nombre de Vénézuéliens qui avaient demandé l’asile à Curaçao auraient été renvoyés dans leur pays. Il est aussi préoccupé par les mauvaises conditions de détention et par les allégations de mauvais traitements et d’actes de violence infligés dans les centres de détention fermés et les cellules des commissariats de police. Il regrette l’absence de données sur les demandeurs d’asile dans les pays constitutifs (art. 3, 7, 9, 12, 13 et 14).

19. L’État partie devrait :

a) Continuer d’appliquer sa politique de regroupement familial et d’offrir une aide juridictionnelle gratuite ;

b) Adopter une législation sur l’asile établie conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et aux réfugiés, mettre en place des procédures d’asile dans les pays constitutifs des Caraïbes ou renforcer les procédures existantes, et étudier la possibilité que la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés soi en t ratifié s par tous les pays constitutifs qui n’y ont pas encore adhéré ;

c) Faire en sorte que le principe de non-refoulement soit garanti en droit et scrupuleusement respecté dans la pratique en toutes circonstances par tous les pays constitutifs ;

d) Veiller à ce que des enquêtes soient menées en cas de violation du principe de non-refoulement ;

e) Redoubler d’efforts pour résorber l’arriéré de demandes d’asile et de demandes de regroupement familial en attente d’examen, notamment en renforçant les capacités des services d’immigration et de naturalisation dans tous les pays constitutifs ;

f) Recueillir des données complètes sur les demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire national.

Enfants migrants

20.Le Comité est préoccupé par les informations indiquant qu’un nombre considérable de mineurs non accompagnés sont portés disparus des centres d’accueil pour demandeurs d’asile gérés par l’État. Il est également préoccupé par la situation des enfants migrants sans papiers qui vivent dans des centres familiaux. Le Comité relève que les demandes d’asile de 700 enfants déboutés ont été réexaminées au titre de la « réglementation finale » (A fsluitingsregeling) concernant le kinderpardon(non-renvoi d’enfants bien intégrés), mais il demeure préoccupé par le nombre d’enfants vivant dans l’État partie sans permis de séjour ainsi que par l’incertitude dans laquelle se trouvent ceux dont la demande au titre de la réglementation finale a été rejetée (art. 7, 9, 12, 13 et 24).

21. L’État partie devrait :

a) Intensifier ses efforts pour enquêter sur le phénomène des mineurs non accompagnés portés disparus, s’attaquer aux causes profondes de ce phénomène et empêcher que d’autres disparitions ne se produisent ;

b) Intensifier ses efforts pour améliorer les conditions de vie dans les centres familiaux en accordant une attention particulière aux besoins des enfants, notamment en appliquant pleinement les recommandations formulées par l’Agence centrale pour l’accueil des demandeurs d’asile ;

c) Trouver des solutions viables pour les enfants qui vivent dans le pays sans permis de séjour ;

d) Veiller à ce que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent des demandeurs d’asile mineurs, en particulier les mineurs non accompagnés.

Apatridie

22.Le Comité note avec préoccupation que, selon certaines informations, le projet de loi définissant une procédure de détermination de l’apatridie ne garantit pas la délivrance d’un permis de séjour aux personnes reconnues comme apatrides, et que la procédure qui y est envisagée, notamment les critères régissant l’acquisition de la nationalité néerlandaise par les enfants nés de parents apatrides, n’est pas conforme aux normes internationales (art. 24).

23. L ’ État partie devrait réexaminer et modifier le projet de loi afin de garantir que toute personne reconnue comme apatride obtienne un permis de séjour et puisse ainsi exercer pleinement les droits consacrés par le Pacte, et que la procédure de détermination de l ’ apatridie soit pleinement conforme aux normes internationales, ait pour objet de réduire le nombre de cas d ’ apatridie et tienne compte de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant dans les cas où cette procédure concerne un mineur .

Détention administrative des demandeurs d’asile et des migrants

24.Le Comité note avec préoccupation que le nombre de migrants placés en détention, y compris de personnes en situation de vulnérabilité, a considérablement augmenté ces dernières années, et que leur détention est souvent prolongée et s’étend parfois au-delà de la durée maximale prévue par la directive de l’Union européenne relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite « directive retour ». Le Comité s’inquiète en outre du peu d’usage que font les autorités des mesures non privatives de liberté, notamment à l’égard des demandeurs d’asile qui arrivent à l’aéroport international de Schiphol, et du retard considérable avec lequel les décisions de placement en détention visant des migrants sont examinées par une autorité judiciaire. Il est préoccupé en outre par les lacunes de la loi sur le rapatriement et la détention des étrangers, qui ne prescrit pas d’évaluation de la vulnérabilité, autorise la mise à l’isolement à titre de mesure disciplinaire, y compris s’agissant des enfants de plus de 12 ans, et soumet tous les migrants nouvellement arrivés à un régime restrictif en application duquel ceux-ci sont enfermés dans une cellule jusqu’à dix-sept heures par jour et ont des droits limités pour ce qui est des visites et des activités en plein air (art. 7, 9, 12, 13 et 14).

25. L ’ État partie devrait :

a) V eiller à ce qu ’il ne soit recouru au placement en détention de migrants qu’en dernier ressort et pour la durée la plus brève possible ;

b) L imiter strictement le recours à la mise à l ’ isolement à l’égard des migrants en détention  ;

c) P romouvoir et appliquer systématiquement des mesures non privatives de liberté et tout mettre en œuvre pour qu’elles bénéficient aux demandeurs d ’ asile qui arrivent à l ’ aéroport international de Schiphol ;

d) F aire en sorte que l es décisions de placement en détention visant de s migrants soi en t examinée s sans délai par une autorité judiciaire ;

e)R evoir la loi sur le rapatriement et la détention des étrangers (Wet T erugkeer en V reemdelingenbewaring) en vue de la mettre en conformité avec le droit international des droits de l ’ homme, et entreprendre dans ce cadre, entre autres mesures, un examen du traitement que la dite loi prévoit de réserv er aux enfants.

Élimination de l’esclavage, de la servitude et de la traite des personnes

26.Le Comité note les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes, mais il demeure préoccupé par le faible taux de signalement des faits de traite ainsi que par le nombre peu élevé de poursuites engagées et de condamnations prononcées pour de tels faits. Il est également préoccupé par l’augmentation du nombre de travailleurs migrants, en particulier de travailleurs en provenance de Pologne et de Hongrie, qui sont contraints par des agences de placement de travailler dans des conditions d’exploitation. Pour ce qui est de la partie caribéenne du Royaume, le Comité prend note d’informations préoccupantes selon lesquelles l’introduction clandestine d’immigrants et la traite prennent de l’ampleur ; les victimes de la traite, en particulier les femmes, seraient soumises à des traitements inhumains et dégradants, notamment à des violences sexuelles ; et les mesures prises par les autorités compétentes ne sont pas adaptées et ne permettent souvent pas de repérer les victimes et de les protéger, ni de poursuivre les responsables (art. 3, 7, 8, 12 et 13).

27. L ’ État partie devrait :

a) Mettre en place des procédures de plainte efficaces qui permettent aux travailleurs migrants, y compris à ceux qui se trouvent en situation irrégulière et aux victimes de la traite , de porter plainte sans avoir à craindre de subir de s représailles ou d ’ être expulsés ;

b) Faire en sorte que les cas de traite et d ’ exploitation par le travail donnent lieu à des enquêtes approfondies, que les responsables soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées, et que les victimes obtiennent une réparation intégrale du préjudice subi ainsi qu ’ une protection et une assistance adéquates ;

c) Renforcer l ’ inspection du travail dans les secteurs qui emploient majoritairement de s travailleurs migrants, en particulier de s travailleurs en provenance de Pologne et de Hongrie ;

d) Dispenser aux juges, aux procureurs, aux membres des forces de l ’ ordre, aux agents des services d e l’ immigration et au personnel de toutes les structures d ’ accueil une formation appropriée portant notamment sur les procédures à suivre pour repérer les victimes de la traite.

Interruption de la vie (euthanasie, aide au suicide)

28.Le Comité note que la loi relative à l’interruption de la vie sur demande et à l’aide au suicide assortit la pratique de l’euthanasie d’un certain nombre de garanties de procédure et de fond, notamment un examen ex post facto de la procédure suivie par les comités régionaux de contrôle de l’euthanasie. Le Comité est cependant préoccupé par la portée limitée de l’examen ex ante des décisions autorisant l’interruption de la vie, notamment par les conséquences juridiques et éthiques de telles décisions (art. 6).

29.L ’ État partie devrait renforcer les garanties institutionnelles afin que l ’ euthanasie (l ’ aide au suicide) soit réglementée conformément à l ’ observation générale n o 36 du Comité relative au droit à la vie (2018), notamment en envisageant de créer un comité d ’ éthique indépendant chargé de procéder à un examen ex ante des décisions médicales relatives aux demandes d ’ interruption de la vie ou d ’ aide au suicide.

Interruption volontaire de grossesse

30.Le Comité note avec préoccupation que le Code pénal de Saint-Martin (partie néerlandaise) incrimine la fourniture d’informations ou de services se rapportant à l’avortement. Il regrette qu’aucune information n’ait été communiquée au sujet de la législation régissant l’accès à l’avortement et aux services de santé sexuelle et procréative en vigueur dans les autres pays constitutifs (art. 3 et 6).

31. L ’ État partie devrait faire en sorte :

a) Que le Code pénal de Saint-Martin (partie néerlandaise) soit révisé afin que la fourniture d ’ informations concernant l ’ avortement ne constitue plus une infraction ;

b) Que l ’ avortement soit légalisé sur tout le territoire national dans les cas où la vie ou la santé de la femme ou de la fille enceinte est en danger, la grossesse résulte d ’ un inceste ou d ’ un viol, ou l e fœtus n ’ est pas viable, et que tout autre texte réglementant l ’ avortement ne soit pas contraire à l ’ obligation qui lui incombe de veiller à ce que les femmes et les filles n ’ aient pas à recourir à un avortement non médicalisé  ;

c) Que l ’ accès à des services appropriés de santé sexuelle et procréative soit assuré à tous, hommes, femmes et adolescents , sur l’ensemble du territoire national .

Violence à l’égard des femmes, y compris violence familiale

32.Le Comité note les efforts consentis par l’État partie, notamment la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), mais il demeure préoccupé par la persistance de la violence à l’égard des femmes, notamment au sein de la famille, sur tout le territoire national. Il est également préoccupé par :

a)L’incompatibilité des dispositions du Code pénal néerlandais relatives à la violence sexuelle, en particulier celles qui définissent le viol, avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme, notamment la Convention d’Istanbul ;

b)La variabilité de la protection et de l’assistance assurées aux victimes selon les communes et les pays constitutifs, en particulier en ce qui concerne les femmes migrantes en situation irrégulière, et l’absence de mécanisme national de suivi et de coordination ;

c)L’accès limité des victimes de violence familiale à l’aide juridictionnelle gratuite;

d)L’absence de collecte de données détaillées concernant la violence à l’égard des femmes, y compris la violence familiale (art. 2, 3, 7 et 26).

33. L ’ État partie devrait intensifier ses efforts visant à lutter contre la violence à l ’ égard des femmes, y compris la violence familiale et, en particulier , prendre l es mesures suivantes :

a) Réviser les dispositions relatives à la violence sexuelle et à la violence familiale, en particulier celles qui ont trait à la définition du viol et d ’ autres violences sexuelles, qui figurent dans la législation pénale des quatre pays constitutifs du Royaume, conformément aux normes internationales r elatives aux droits de l ’ homme, notamment la Convention d ’ Istanbul, et faire en sorte que l es normes juridiques ainsi unif iées soient appliquées sur l’ensemble du territoire national  ;

b) Renforcer la capacité des municipalités à assurer aux victimes l ’ accès à des services, à des foyers d’accueil et à une protection adéquats, une attention particulière devant être accordée aux femmes et aux enfants en situation de vulnérabilité, et mettre en place un mécanisme national de contrôle des services et de la protection fournis par les municipalités  ;

c) Garantir l ’ accès de toutes les victimes de violence familiale à une aide juridictionnelle gratuite ;

d) Collecter des données détaillées concernant les cas de violence à l ’ égard des femmes et de violence familiale.

Activités d’extraction de gaz à Groningue

34.Le Comité prend note de l’engagement pris par l’État partie d’arrêter progressivement les activités d’extraction de gaz à Groningue d’ici la fin 2022, mais il demeure préoccupé par la gravité des conséquences de ces activités sur la sécurité et le bien-être des habitants de la région ainsi que sur leur vie privée et leurs habitations (art. 6, 17 et 23).

35. L ’ État partie devrait :

a) Prendre les mesures requises pour garantir la sécurité physique et le bien-être psychologique des personnes vivant dans la région du site d’extraction de gaz de Groningue ainsi que la sécurité et la sûreté de leurs habitations  ;

b) Assurer aux victimes une indemnisation adéquate et éviter que des dommages similaires liés à l ’ extraction de gaz soient causés à l ’ avenir ;

c) Garantir la participation active des habitants de Groningue et leur consultation effective dans le cadre de la conception et de la mise en œuvre du plan relatif à l’arrêt progressif des activités d’ extraction de gaz.

Emploi de la force

36.Le Comité note avec préoccupation que les critères et les seuils applicables à l’emploi de la force qui sont définis dans les nouvelles directives provisoires sur l’emploi de la force et des armes à feu par les membres des forces de l’ordre (a mbtsinstructie) ne sont pas conformes aux critères de nécessité et de proportionnalité définis dans les normes internationales ni aux prescriptions relatives aux circonstances dans lesquelles les armes à feu peuvent être utilisées. Le Comité relève que l’État partie a l’intention de doter les agents de la police néerlandaise d’armes à impulsion électrique (« Tasers ») aux fins de leurs activités courantes et qu’un projet pilote a été mené à bien à cet effet en 2017‑2018, mais que l’évaluation officielle dont ce projet a fait l’objet montre que les orientations et la formation relatives à l’utilisation de ces armes qu’ont reçues les agents qui y ont participé n’étaient pas suffisantes. (art. 6, 7 et 14).

37. L ’ État partie devrait :

a)Mettre les directives provisoires (a mbtsinstructie) sur l ’ emploi de la force et des armes à feu par les membres des forces de l ’ ordre en conformité avec les Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois et d ’ autres normes pertinentes ;

b) Veiller à ce que les membres des forces de l ’ ordre reçoivent , préalablement à toute utilisation d ’armes à impulsion électrique, une formation appropriée concernant l ’ utilisation de ce s armes qui soit conforme aux normes relatives à l ’ emploi de la force .

Droit à la liberté et à la sécurité de la personne

38.Le Comité note avec préoccupation que l’« intérêt de l’enquête », mentionné au paragraphe 2 de l’article 62 du Code de procédure pénale relativement au droit du suspect d’informer une personne de son choix de sa détention, est une notion excessivement vague, et que ledit article ne définit pas clairement les exceptions à l’exercice de ce droit ni les garanties y relatives. Le Comité note également avec inquiétude que, selon des informations, le droit des personnes privées de liberté ne relevant pas du paragraphe 2 de l’article 62 d’informer une personne de leur choix de leur détention n’est pas toujours respecté dans la pratique. Le Comité est également préoccupé par les allégations selon lesquelles le rôle tenu par les avocats pendant les interrogatoires n’est pas clairement réglementé, ce qui peut compromettre indûment leur capacité à assister leurs clients (art. 9).

39. L ’ État partie devrait réviser le Code de procédure pénal e de façon que le droit des personnes privées de liberté d ’ informer une personne de leur choix de leur détention soit clairement défini , conformément au Pacte, et veiller à ce que ce droit soit respecté dans la pratique. L ’ État partie devrait en outre élaborer des orientations claires et conformes aux dispositions du Pacte concernant le rôle dévolu aux avocats pendant l es interrogatoire s .

Conditions de détention

40.Le Comité note avec satisfaction que le poste de police d’Alkmaar a rouvert en 2018 après que des travaux ont été réalisés pour y améliorer les conditions de détention, mais il demeure préoccupé par les mauvaises conditions qui existent dans certains lieux de détention des pays constitutifs des Caraïbes, notamment à la prison de Point Blanche et au poste de police de Philipsburg à Saint-Martin (partie néerlandaise), dans l’établissement pénitentiaire d’Aruba et au bloc 1 du centre correctionnel et pénitentiaire de Curaçao. Le Comité prend également note avec préoccupation des informations selon lesquelles les cas de violence entre détenus seraient fréquents. Il s’inquiète en outre de l’offre insuffisante de services de soins de santé, notamment de soins psychiatriques, dans les lieux de détention, ainsi que de l’inadéquation des soins dispensés aux détenus toxicomanes (art. 7 et 9).

41. L’État partie devrait :

a) Continuer de s’efforcer d’améliorer les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et les postes de police, en particulier à Aruba, Curaçao et Saint-Martin (partie néerlandaise), en vue de les mettre en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme ;

b) Adopter des mesures de prévention en vue de faire reculer la violence entre détenus , notamment en formant le personnel pénitentiaire aux méthodes appropriées et efficaces permettant de faire face à ce type de violence, en améliorant la gestion des établissements pénitentiaires et en renforçant le suivi et la protection des détenus vulnérables ;

c) Faire en sorte que les détenus aient accès à des services de soins de santé, y compris à des soins psychiatriques, qui répondent à leurs besoins et que les détenus toxicomanes puissent bénéficier de programmes de réduction des risques, y compris des traitements de substitution aux opiacés et des programmes d’échange de seringues ;

d) Veiller à ce qu’un contrôle efficace des conditions de détention et du traitement des détenus soit assuré par les mécanismes nationaux de prévention et à ce que les détenus puissent librement leur adresser leurs plaintes .

Établissements psychiatriques

42.Le Comité note que l’État partie a adopté le projet de loi relatif aux soins psychiatriques obligatoires et le projet de loi relatif aux soins et à la contrainte, qui prévoit le recours à des mesures de contrainte sans consentement dans les établissements de soins résidentiels et ambulatoires. Toutefois, il est préoccupé par la pratique consistant à demander de l’aide à des fonctionnaires de police, qui n’ont pas reçu une formation spécialisée, lorsqu’il est nécessaire de maîtriser des patients agités dans les établissements psychiatriques. Il est également préoccupé par les possibilités qu’ont les patients de ces établissements d’accéder à des procédures de plainte et de disposer de recours appropriés (art. 7 et 9).

43. L ’ État partie devrait s ’ employer à mettre fin à la pratique consist ant à demander de l’aide à de s fonctionnaires de police lorsqu’il s’agit de maîtriser des patients agités dans les établissements psychiatriques , et recruter un effectif suffisant de personnels spécialement formés à la gestion de ce type de situation. Il devrait également veiller à ce que le recours aux mesures de contrainte sans consentement dans les établissements de soins résidentiels et ambulatoires soit assorti de garanties juridiques adéquates et dispenser une formation appropriée aux personnels concernés , et faire en sorte que les patients internés dans un établissement psychiatrique aient un accès effectif aux procédures de plainte et que leurs conditions de séjour soient régulièrement surveillées par un organe indépendant.

Détention provisoire

44.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour réduire le recours à la détention provisoire, y compris en appliquant des mesures non privatives de liberté, mais il demeure préoccupé par le pourcentage encore élevé de personnes en détention provisoire, et par le fait que la durée initiale de la détention provisoire, en particulier de la garde à vue (qui peut durer jusqu’à trois jours et dix-huit heures), dépasse la durée prescrite par le Comité dans son observation générale no 35 (2014) sur la liberté et la sécurité de la personne (par. 33). Il est en outre inquiet des modifications qu’il est proposé d’apporter au Code de procédure pénale pour compléter la liste des motifs justifiant un placement en détention provisoire. De plus, le Comité est préoccupé par le fait que les décisions judiciaires de placement en détention provisoire ne sont pas suffisamment étayées (art. 9, 14 et 15).

45. L ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que la détention provisoire soit utilisée en dernier ressort et pour la durée la plus brève possible, conformément aux dispositions du Pacte, et à ce qu ’ elle soit régulièrement réexam inée  ;

b) Promouvoir les mesures non privatives de liberté et y recourir systématique ment  ;

c) Réduire le nombre des motifs justifiant un placement en détention provisoire et réviser en conséquence les modifications proposées du Code de procédure pénale ;

d) É tayer plus solidement les décisions judiciaires de placement en détention provisoire.

Accès à la justice et à un procès équitable

46.Le Comité prend note des efforts réalisés par l’État partie pour réformer le système d’aide juridictionnelle, mais il est préoccupé par la diminution des fonds alloués au secteur de l’aide juridictionnelle pendant la période considérée et s’inquiète des mesures auxquelles l’État partie envisage de recourir, parmi lesquelles un mécanisme d’appel d’offres pour l’aide juridictionnelle subventionnée et un organe consultatif habilité à déterminer quelles personnes remplissent les critères pour bénéficier de l’aide juridictionnelle et du programme d’aide juridictionnelle (rechtshulppakket), mesures qui sont susceptibles d’avoir de graves conséquences pour les personnes vulnérables, soit celles qui ont le plus besoin de ces aides. Il s’inquiète également de la faiblesse des structures d’aide juridictionnelle en place à Aruba, Curaçao et Saint-Martin (partie néerlandaise) (art. 2 et 14).

47. L ’ État partie devrait réexaminer les mesures prises dans le cadre de l ’ actuelle réforme du système néerlandais d ’ aide juridictionnelle afin de veiller à ce que l ’ ensemble de la population , y compris les personnes les plus vulnérables dans tous ses pays constitutifs, puissent bénéficier du nouveau système en toute égalité, et afin de rendre la justice plus accessible pour tous, y compris dans ses pays constitutifs.

Discrimination raciale dans l’administration de la justice

48.Le Comité reconnaît les efforts déployés par l’État partie pour réduire le profilage racial dans les activités de maintien de l’ordre, mais il demeure préoccupé par le fait que les forces de l’ordre font un usage disproportionné de leurs pouvoirs d’interpellation et de fouille à l’égard de personnes appartenant à des groupes ethniques minoritaires (profilage racial). Il est particulièrement inquiet du fait que l’on se sert de l’apparence extérieure d’une personne, y compris de son appartenance ethnique, et des technologies de l’information et de la communication (TIC) telles que les applications mobiles qui risquent de favoriser ces pratiques si elles sont utilisées sans précaution. Le Comité est également préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de mécanisme de contrôle ni d’archives sur l’utilisation par les forces de l’ordre de leurs pouvoirs d’interpellation et de fouille. En outre, il s’inquiète du nombre disproportionné de personnes appartenant à des groupes ethniques minoritaires, en particulier de personnes d’ascendance africaine, dans la population carcérale aux Pays-Bas (art. 2, 9, 14, 15 et 17).

49. L ’ État partie devrait :

a)Veiller à ce que sa législation interdise clairement le profilage racial par la police et à ce que l ’ article 27 du Code de procédure pénale et l ’ article 3 de la loi relative à la police ainsi que les règles relatives à l ’ interpellation légale des personnes (staandehouding) soient appliqués conformément au Pacte ;

b) Poursuivre ses efforts pour effectivement former et sensibiliser tous les membres des forces de l ’ ordre afin qu ’ ils mettent un frein au profilage racial, y compris à l ’ utilisation des TIC dans les opérations d ’ interpellation et de fouille  ;

c) Mettre en place un mécanisme de suivi et de collecte de données sur l ’ utilisation des pouvoirs d ’ interpellation et de fouille par les membres des forces de l ’ ordre ;

d) Étudier et s ’ attaquer aux causes socioéconomiques et autres causes profondes de la surreprésentation des personnes appartenant à des groupes ethniques minoritaires dans la population carcérale ;

e) Continuer de faire augmenter la proportion de membres des forces de l ’ ordre appartenant à une minorité ethnique.

Mesures de lutte contre le terrorisme

50.Le Comité est préoccupé par les modifications apportées à la loi relative à la nationalité néerlandaise, qui prévoient la possibilité de déchoir un double national de sa nationalité néerlandaise in absentia sur la base d’informations montrant qu’il a quitté le pays pour intégrer volontairement les forces armées d’un autre État ou devenir membre d’une organisation terroriste, et par les répercussions qu’une telle mesure peut avoir sur les membres de la famille de l’intéressé. Le Comité est particulièrement préoccupé par les obstacles auxquels les personnes qui se trouvent à l’étranger se heurtent pour faire appel d’une telle décision, qui est fondée sur des informations classifiées auxquelles ni elles ni leurs représentants légaux n’ont accès. Le Comité est également préoccupé par le projet de loi sur le renforcement de l’approche fondée sur le droit pénal en matière de lutte contre le terrorisme, qui prévoit la possibilité de placer un individu en détention pendant quarante‑quatre jours sans que celui-ci ait fait l’objet d’une inculpation fondée sur des soupçons raisonnables (art. 2, 3, 9, 10, 12, 13, 14, 15, 23 et 26).

51. L ’ État partie devrait réexaminer régulièrement s es mesures législatives relatives à la lutte contre le terrorisme afin d ’ évaluer les incidences qu ’ elles ont sur les droits de l ’ homme et d ’ aligner ces mesures et les garanties judiciaires relatives à leur application sur les normes internationales relatives aux garanties d ’ une procédure régulière et les dispositions du Pacte, et faire en sorte que la société civile participe utilement à ce processus. En particulier, il devrait réviser la loi relative à la nationalité néerlandaise afin de s ’ assurer qu ’ il existe des garanties efficaces contre la perte arbitraire de la nationalité et les effets discriminatoires qui en découlent et que le droit de recours puisse effectivement être exercé.

Droit de choisir librement sa résidence

52.Malgré l’explication fournie par la délégation, le Comité est préoccupé par le fait que la modification apportée en 2016 à la loi relative aux zones urbaines (mesures spéciales), qui permet aux municipalités néerlandaises de contrôler les personnes pour comportement antisocial ou criminel et exige des futurs résidents qu’ils fournissent un certificat de moralité, n’est pas pleinement conforme aux articles 12 et 17 du Pacte (art. 12 et 17).

53. L ’ État partie devrait revoir la loi et son application afin de s ’ assurer qu ’ elles sont conformes au Pacte et prendre des mesures eff icac es pour garantir que le droit de choisir librement sa résidence et la vie privée des futurs résidents soient pleinement respectés.

Loi sur les services du renseignement et les services de sécurité

54.Le Comité est préoccupé par la loi de 2017 sur les services du renseignement et les services de sécurité, qui confère à ces organes des pouvoirs de surveillance et d’interception très étendus, y compris en ce qui concerne la collecte de données en masse. Il est particulièrement préoccupé par le fait que la loi ne donne pas de définition claire de la collecte de données en masse dans le cadre d’une affaire, de motifs clairs justifiant la prolongation de la durée de conservation des données, ni de garanties adéquates contre le piratage de données en masse. Le Comité s’inquiète également du fait que les possibilités concrètes de porter plainte sont limitées, faute d’un régime détaillé de notification au Comité de surveillance des services du renseignement et des services de sécurité (art. 17).

55. L ’ État partie devrait revoir la loi en vue de mettre l es définitions et les pouvoirs et limites de leur exercice qui y sont prévus en conformité avec le Pacte et de renforcer l ’ indépendance et l ’ efficacité des deux nouveaux organes institués par la loi , à savoir le Comité de vérification de l’utilisation des pouvoirs et le Comité de surveillance des services du renseignement et des services de sécurité .

Loi sur la réglementation du marché (soins de santé)

56.Le Comité est préoccupé par le fait que la loi portant modification de la loi sur la réglementation du marché (soins de santé) prévoit d’autoriser les médecins-conseils des caisses d’assurance maladie à consulter les dossiers électroniques des patients sans le consentement préalable, éclairé et exprès des assurés, et que ces caisses procèdent de la sorte depuis de nombreuses années (art. 17).

57. L’État partie devrait exiger des compagnies d’assurance qu’elles s’abstiennent de consulter les dossiers médicaux individuels sans le consentement de l’assuré et veiller à ce que le projet de loi impose aux caisses d’assurance maladie l’obligation d’obtenir le consentement préalable et éclairé de l’assuré avant de consulter son dossier électronique, et donne aux patients la possibilité de refuser l’accès à leur dossier.

Interdiction du port de vêtements couvrant le visage

58.Compte tenu du fait que le nombre de femmes portant le niqab ou la burka est minime dans l’État partie et qu’il peut exister dans les lieux publics un certain nombre de situations ne nécessitant aucune interaction avec un fonctionnaire, le Comité est préoccupé par la législation instaurant l’interdiction du port de vêtements couvrant le visage dans les bâtiments et les transports publics, qui est susceptible de restreindre la liberté de religion d’une manière qui n’est ni nécessaire ni proportionnée. Il craint également que la loi, si elle est appliquée, aggrave la marginalisation des femmes musulmanes vivant aux Pays‑Bas (art. 2, 3 et 18).

59. L ’ État partie devrait étudier la possibilité de revoir sa législation sur le port de vêtements couvrant le visage à la lumière des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte.

Liberté de réunion pacifique

60.Le Comité s’inquiète du fait que les dispositions de la loi relative aux rassemblements publics, y compris la disposition permettant aux maires de mettre fin à un rassemblement et de l’interdire dès lors qu’il n’y a pas eu de notification préalable, ne sont pas compatibles avec le Pacte. Il s’inquiète également de l’intensification de la surveillance policière et du recours aux contrôles d’identité pendant des manifestations pacifiques, qui aurait un effet dissuasif sur les manifestants (art. 21).

61. L ’ État partie devrait réviser la loi relative aux rassemblements publics afin de lever l ’ interdiction des manifestations qui n ’ ont pas été notifiées au préalable et de rendre cette loi conforme à l ’ article 21 du Pacte et aux autres règles internationales pertinentes. Il devrait également fournir aux autorités locales et aux fonctionnaires de police des orientations claires sur la façon d ’ encadrer les manifestations d ’ une manière qui garantisse un environnement sûr et propice à l ’ exercice du droit de réunion pacifique.

Diffusion et suivi

62.L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, du Protocole facultatif, de son cinquième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public, pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte. L’État partie devrait faire en sorte que le rapport et les présentes observations finales soient traduits dans sa langue officielle.

63.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, le 26 juillet 2021 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 16 (discrimination raciale, discours de haine et crimes de haine), 19 (réfugiés et demandeurs d’asile) et 35 (activités d’extraction de gaz à Groningue).

64.Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 26 juillet 2025 au plus tard. L’État partie ayant accepté d’utiliser la procédure simplifiée de présentation des rapports, le Comité lui communiquera en temps voulu une liste de points établie avant la soumission du rapport. Les réponses de l’État partie à cette liste constitueront son sixième rapport périodique. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots.