Nations Unies

CRC/C/OPSC/ARM/CO/1

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

8 juillet 2013

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le rapport initial de l’Arménie soumis en application de l’article 12du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, adoptées par le Comité à sa soixante-troisième session(27 mai-14 juin 2013)

Le Comité a examiné le rapport initial de l’Arménie (CRC/C/OPSC/ARM/1) à sa 1792e séance (voir CRC/C/SR.1792), le 30 mai 2013, et a adopté à sa 1815e séance, le 14 juin 2013, les observations finales ci-après.

I.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, qui contient des informations détaillées sur la réalisation des droits garantis par le Protocole facultatif, ainsi que les réponses écrites à la liste des points à traiter (CRC/C/OPSC/ARM/Q/1/Add.1), en gardant à l’esprit qu’il est difficile de produire ces documents pour la première fois. Le Comité se félicite également du dialogue constructif tenu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues conjointement avec les observations finales concernant les troisième et quatrième rapports périodiques de l’État partie au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant, présentés en un seul document (CRC/C/ARM/CO/3-4), ainsi qu’avec celles concernant le rapport initial de l’État partie au titre du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/ARM/CO/1).

II.Observations générales

Aspects positifs

Le Comité prend acte avec satisfaction de la ratification par l’État partie des instruments suivants:

a)La Convention no 28 de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, en mars 2007;

b)La Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe, en octobre 2006.

Le Comité accueille avec satisfaction les progrès accomplis dans l’adoption de plans et programmes nationaux facilitant la mise en œuvre du Protocole facultatif, notamment le Programme national concernant l’organisation de la lutte contre l’exploitation des êtres humains (la traite) pour 2010-2012.

III.Données

Collecte de données

Le Comité note que la police recueille des statistiques concernant certaines des infractions visées par le Protocole facultatif, à savoir la traite des enfants et le fait d’entraîner un enfant dans la prostitution ou la pornographie. Il relève toutefois avec préoccupation que l’État partie n’a pas fourni de statistiques sur les diverses autres infractions visées par le Protocole facultatif ni sur les enfants en situation vulnérable qui risquent de devenir victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un système global de collecte de données et d’information et de veiller à ce que des données, ventilées notamment par âge, sexe, situation sociale et économique et zone géographique, soient systématiquement recueillies sur toutes les infractions visées par le Protocole facultatif, et sur les enfants en situation vulnérable qui risquent d’être victimes de telles infractions. Ces données devraient être analysées et utilisées en tant qu’outils essentiels pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques et le suivi et l’évaluation des mesures préventives.

IV.Mesures générales d’application

Législation

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour inclure dans sa législation diverses dispositions du Protocole facultatif mais il note avec préoccupation que ces efforts ont été principalement axés sur la traite et non sur l’infraction de vente d’enfants, telle qu’elle est définie par le Protocole facultatif.

Le Comité prie l’État partie de prendre toutes les mesures voulu es pour incorporer pleine ment le Protocole facultatif dans son ordr e juridique interne. Il lui recommande de veiller à ce que la définition de la vente d’enfants, qui est semblable mais pas identique à celle de la traite des personnes, soit incluse dans la législation nationale afin que l es dispositions du Protocole facultatif relatives à la vente d’enfants soient correctement appliquées .

Plan national d’action

En dépit de l’adoption du Plan national d’action pour la protection des droits de l’enfant pour 2013-2016 et du Programme national concernant l’organisation de la lutte contre l’exploitation des êtres humains (la traite) pour 2010-2012, le Comité est préoccupé par le fait que ce plan et ce programme ne traitent que partiellement des questions visées par le Protocole facultatif. Le Comité regrette en outre l’absence d’informations sur les ressources humaines, techniques et financières allouées à la mise en œuvre de ces programmes et plans, en particulier dans les domaines de la recherche et la collecte de données, de la prévention des infractions visées par le Protocole facultatif, des investigations pénales, de l’assistance juridique et des mesures de réadaptation physique et psychologique à l’intention des victimes.

Le Comité recommande à l’État partie de réviser le Plan national d’action pour la protection des droits de l’enfant pour 2013- 2016 de façon à ce qu’il tienne compte de toutes les questions visées par le Protocole facultatif. Il lui recommande également d’évaluer régulièrement l es progrès accomplis dans la mise en œuvre du Plan et de veiller à ce que de s ressources humaines, techniques et financières suffisantes lui soient allouées, aux fins de l’adoption de mesures de prévention, de protection, de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale des enfants victimes, ainsi que de l’ouverture d’enquêtes sur l es infractions visées par le Protocole facultatif et de l’engagement de poursuite s contre leurs auteurs.

Coordination et évaluation

Le Comité note que la police est l’autorité chargée de coordonner la mise en œuvre du Protocole facultatif. Il regrette toutefois que la police n’ait pas la compétence voulue pour élaborer des politiques, assurer un suivi et évaluer les activités menées au titre du Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l’État partie de créer un organe unique qui non seulement ait une fonction exécutive mais s oit également chargé de superviser et d’évaluer périodiquement les mesures prises afin d’utiliser les résultats de cette évaluation pour élaborer d’autres stratégies et politiques dans tous les domaines relevant du Protocole facultatif.

Diffusion et sensibilisation

Le Comité salue les initiatives prises par l’État partie pour mener une action de sensibilisation au sujet de la traite des êtres humains. Il note toutefois avec préoccupation que ces initiatives se sont limitées à la prévention de la traite et de la prostitution des enfants et que les autres infractions visées par le Protocole facultatif n’ont pas fait l’objet de mesures de diffusion suffisantes, en particulier auprès des organismes d’exécution, du grand public et des enfants.

Le Comité recommande à l’État partie de diffuser le Protocole facultatif auprès des organismes d’exécution et de faire largement connaître ses dispositions à la population en général et aux enfants en particulier, notamment en élaborant et en mettant en œuvre des programmes éducatifs et de sensibilisation à long terme, y compris des campagnes, sur les mesures préventives et les effe ts néfastes de toute les infractions visées par cet instrument.

V.Prévention de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants etde la pornographie mettant en scène des enfants(art. 9 (par. 1 et 2))

Mesures adoptées pour prévenir les infractionsvisées par le Protocole facultatif

Le Comité prend acte des efforts déployés par la police pour prévenir la traite et la prostitution des enfants. Il est toutefois préoccupé par le fait que l’État partie ne dispose pas de mécanisme permettant d’identifier, de repérer et de suivre les enfants qui risquent d’être victimes des infractions visées par le Protocole facultatif ni de programmes ciblant spécifiquement les enfants qui vivent dans la pauvreté, les enfants non accompagnés et les enfants qui quittent des institutions de protection ainsi que les filles de la communauté Yezidi, souvent victimes de mariages précoces.

Le Comité encourage l’État partie à établir des mécanismes efficaces pour identifier, repér er et su ivre les enfants en situation vulnérable qui risquent d ’êtr e victimes des infractions visées par le Protocole facultatif, et à élaborer des programmes spéciaux axés sur les enfants qui vivent dans la pauvreté, les enfants non accompagnés et les enfants désinstitutionnalisés , ainsi que les filles de la communauté Yezidi. Il recommande à l’État partie de réexaminer le système en place afin que le suivi des enfants en situation vulnérable et les visites à ces enfants soient assur és par des travailleurs sociaux formés à cet effet , et non par la police .

Adoption

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie de la Convention no 33 de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale mais il est préoccupé par les informations faisant état de profits financiers et autres gains indus et de diverses formes de corruption parmi les agents de l’État affectés au traitement des demandes d’adoption.

Le Comité exhorte l’État partie à prendre immédiatement des mesures pour lutter contre les gains, notamment financiers , et les diverses formes de corruption chez les fonctionnaires chargés du traitement des demandes d’ adoption et prévenir ce s pratique s en traduisant en justice et en sanctionnant le ur s auteurs en vertu des dispositions pertinentes du Code pénal concernant la vente d’enfants.

VI.Interdiction de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants et questions connexes (art. 3, 4 (par. 2 et 3), 5, 6 et 7)

Lois et réglementations pénales en vigueur

Le Comité note que le Code pénal interdit la traite des êtres humains et la traite des enfants et prend acte des dispositions interdisant le fait de soumettre un enfant à la prostitution et à la pornographie. Il constate toutefois avec préoccupation que le Code pénal ne reprend pas toutes les infractions visées par le Protocole facultatif et que les définitions qu’il contient ne sont pas conformes à celles énoncées à l’article 2 du Protocole facultatif. Il est également préoccupé par le fait que l’État partie n’érige pas en infraction les infractions ci-après visées à l’article 3 du Protocole facultatif:

a)La vente d’enfants consistant à offrir, remettre ou accepter un enfant, quel que soit le moyen utilisé, aux fins de l’exploitation sexuelle de l’enfant, du transfert d’organes de l’enfant à titre onéreux ou de la soumission de l’enfant au travail forcé;

b)La vente d’enfants consistant à obtenir indûment, en tant qu’intermédiaire, le consentement à l’adoption d’un enfant en violation des instruments juridiques internationaux relatifs à l’adoption;

c)Le fait d’offrir, d’obtenir, de procurer ou de fournir un enfant à des fins de prostitution;

d)Le fait d’importer, d’exporter, d’offrir ou de détenir des matériels pornographiques mettant en scène des enfants;

d)La tentative de commission de l’un quelconque de ces actes et la complicité dans sa commission ou la participation à celle-ci.

Le Comité recommande à l’État partie de réviser son Code pénal afin d’y inclure les définitions des infractions énoncé es à l’article 2 du Protocole facultatif et d’ incrimin er les éléments constitutifs d ’ infractions vis ées au paragraphe 20 qui font défaut dans la législation pénale actuelle . Le Comité recommande à l’État partie de prévoir des sanctions proportionnées à la gravité des infractions.

Enquêtes, poursuites et condamnations

Le Comité prend acte des informations fournies par l’État partie sur le nombre de cas enregistrés de traite des enfants et de soumission d’enfants à la prostitution et à la pornographie. Néanmoins, il regrette l’absence d’informations sur le nombre d’enquêtes, de poursuites et de condamnations en vertu des dispositions du Code pénal pertinentes au regard du Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l’État partie d’établir des mécanismes efficaces d’application de la législation pénale et de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur les enquêtes, les poursuites et les condamnations relatives à toutes les infractions d éfinies aux articles 2 et 3 du Protocole facultatif.

Compétence extraterritoriale et extradition

Le Comité accueille avec satisfaction le fait que l’État partie puisse établir sa compétence aux fins de connaître des infractions visées par le Code pénal, y compris celles qui relèvent du Protocole facultatif, commises à l’étranger par ou contre ses citoyens. Il note en outre que l’article 5 du Protocole facultatif peut être invoqué pour demander une extradition, en l’absence de traité d’extradition bilatéral ou multilatéral. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que le critère de la double incrimination doit être respecté dans tous les cas d’extradition.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures afin de garantir que le critère de la double incrimination ne soit pas utilisé dans les cas d’extradition pour les infractions visées par le Protocole facultatif lorsqu’elles sont commises en dehors du territoire.

VII.Protection des droits des enfants victimes(art. 8 et 9 (par. 3 et 4))

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

Le Comité prend note de l’éventail de mesures visant à protéger les enfants victimes, les enfants témoins et les enfants qui collaborent avec la justice dans le cadre de procédures pénales. Il accueille également avec satisfaction l’amélioration du comportement des juges à l’égard des victimes de la traite et le fait que les autorités n’ont pas poursuivi les victimes pour des actes illégaux consécutifs à la traite. Le Comité relève toutefois avec préoccupation que dans certains cas les enfants témoins et victimes n’ont pas bénéficié d’une protection appropriée pendant les procès et que les enfants impliqués dans des actes de prostitution ont fait l’objet d’amendes administratives.

Le Comité recommande vivement à l’État partie de veiller à ce que l’application de mesures spéciales de protection dans les procédures pénales à tous les enfants victimes ou témoins jusqu’à l’âge de 18 ans soit obligatoire. Il recommande e n particulier à l’État partie de garantir par des dispositions et réglementations pénales adéquates que tous les enfants victimes et/ou témoins d’infractions bénéficient de la protection requise par la Convention et que l’État partie prenne pleinement en considération les Lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels (figurant à l’annexe à la résolution du Conseil économique et social 2005/20). Le Comité exhorte l’État partie à ne pas imposer de responsabilités, notamment administratives, aux enfants âgés de moins de 18 ans pour leur im plication dans la prostitution et de leur fournir une protection et une assistance adéquate s .

Réadaptation et réinsertion des victimes

Le Comité note que les enfants victimes de violence et d’exploitation sexuelle sont placés dans des centres d’aide à l’enfance ou des centres de réinsertion communautaire et bénéficient de formes d’assistance variées mais il est préoccupé par le fait que les activités de réinsertion sociale et d’assistance sont menées principalement par des organisations non gouvernementales qui reçoivent un soutien minime de la police et du Ministère du travail et des affaires sociales.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulu es pour que les enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif puissent bénéficie r d’une assistance appropriée, notamment pour leur réadaptation physique et psychologique et leur pleine réin ser tion sociale, notamment par la mise en œuvre effective de ses programmes de réadaptation. Il lui recommande en outre non seulement d’apporter un soutien aux organisations non gouvernementales compétentes mais également d’assumer pleinement la responsabilité de la réinsertion et de la réadaptation des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif.

VIII.Assistance et coopération internationales (art. 10)

Accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux

À la lumière du paragraphe 1 de l’article 10 du Protocole facultatif, le Comité encourage l’État partie à continuer de renforcer la coopération internationale dans le cadre d’accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux, en particulier avec les pays voisins, notamment en renforçant les procédures et mécanismes visant à coordonner la mise en œuvre de ces accords, en vue de mieux prévenir toute infraction visée dans le Protocole facultatif, d’en identifier les auteurs, d’enquêter sur eux, de les poursuivre et de les punir.

IX.Suivi et diffusion

Suivi

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les communiquant aux ministères concernés, à l’Assemblée nationale, à la Cour suprême et aux autorités régionales et locales, pour examen et suite à donner.

Diffusion des observations finales

Le Comité recommande que le rapport et les réponses écrites de l’État partie et les recommandations adoptées à cet égard (observations finales) soient largement diffusées, notamment − mais pas exclusivement − par Internet , auprès du grand public, des organisations de la société civile, des associations de jeunes, des organisations professionnelles, des médias et des enfants, afin de susciter le débat et une prise de conscience au s ujet du Protocole facultatif, de sa mise en œuvre et de son suivi.

X.Prochain rapport

Conformément au paragraphe 2 de l’article 12, le Comité prie l’État partie de faire figurer un complément d’information sur l’application du Protocole facultatif et la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant, conformément à l’article 44 de la Convention, au plus tard le 22 janvier 2019 .