Nations Unies

CRC/C/OPSC/VAT/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

25 février 2014

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le rapport soumis par le Saint-Siège en application du paragraphe 1 de l’article 12 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants *

Le Comité a examiné le rapport initial du Saint-Siège (CRC/C/OPSC/VAT/1) à sa 1853e séance (voir CRC/C/SR.1853), le 16 janvier 2014, et a adopté à sa 1875e séance, le 31 janvier 2014, les observations finales ci-après.

I.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial du Saint-Siège et les réponses de celui-ci à la liste de points à traiter (CRC/C/OPSC/VAT/Q/Add.1). Il regrette cependant que le rapport ait été soumis avec un retard de six ans et que le Saint-Siège n’ait pas répondu aux questions concernant la mise en œuvre du Protocole facultatif par des personnes et des institutions relevant juridiquement de son autorité. Le Comité se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation pluridisciplinaire du Saint-Siège.

Tout en sachant parfaitement que les évêques et les supérieurs majeurs d’instituts religieux n’agissent pas en qualité de représentants ou de délégués du Pontife romain, le Comité note que dans les ordres religieux catholiques, chaque membre a une obligation d’obéissance envers le Pape, conformément aux canons 331 et 590 du Code de droit canonique. Le Comité rappelle en conséquence au Saint-Siège qu’en ratifiant le Protocole facultatif, il s’est engagé à l’appliquer non seulement sur le territoire de l’État de la Cité du Vatican, mais aussi, comme détenteur du pouvoir suprême de l’Église catholique, dans le monde entier par l’intermédiaire des personnes et institutions relevant de son autorité suprême.

Le Comité rappelle au Saint-Siège que les présentes observations finales doivent être lues conjointement avec les observations finales concernant le deuxième rapport périodique soumis par le Saint-Siège au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/VAT/CO/2), ainsi qu’avec celles concernant son rapport initial au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/VAT/CO/1), adoptées elles aussi le 31 janvier 2014.

II.Observations générales

Aspects positifs

Le Comité prend note avec satisfaction des mesures prises par le Saint-Siège dans des domaines liés à la mise en œuvre du Protocole facultatif, notamment:

a)La Lettre apostolique en forme de «motu proprio» du Pontife romain sur la juridiction des organes judiciaires de l’État de la Cité du Vatican en matière pénale, le 11 juillet 2013;

b)La Loi de l’État de la Cité du Vatican no VIII, du 11 juillet 2013, contenant les normes complémentaires en matière pénale, Titre II: Crimes contre les enfants;

c)La Loi de l’État de la Cité du Vatican no IX, du 11 juillet 2013, contenant les modifications du Code pénal et du Code de procédure pénale;

d)La création d’une Commission pastorale pour la protection des mineurs, chargée de proposer de nouvelles initiatives pour l’élaboration de programmes visant à instaurer un environnement sûr pour les enfants et d’améliorer les actions de soutien pastoral aux victimes d’abus dans le monde entier, le 5 décembre 2013;

e)L’établissement d’un bureau spécial au sein du Gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican, chargé de superviser l’application des accords internationaux auxquels l’État de la Cité du Vatican est partie, le 10 août 2013.

Le Comité prend également note avec satisfaction de la ratification de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 25 janvier 2012.

III.Données

Le Comité est préoccupé par le fait que le Saint-Siège n’a pas fourni les données demandées par le Comité concernant les cas de vente d’enfants, de prostitution des enfants et de pornographie mettant en scène des enfants traités par le Saint-Siège durant la période couverte par le rapport et par la Congrégation pour la doctrine de la foi depuis 2001. Le Comité s’inquiète aussi de constater que le Saint-Siège n’a pas mis en place un système global de collecte de données permettant d’enregistrer, de signaler et de suivre tous les cas se rapportant à des infractions visées par le Protocole facultatif et d’analyser et d’évaluer les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Protocole facultatif.

Le Comité recommande au Saint-Siège d’établir et de mettre en œuvre un mécanisme complet et systématique de collecte et d’analyse de données, ainsi que de suivi et d’évaluation des conséquences de ces cas dans tous les domaines visés par le Protocole facultatif. Les données devraient être ventilées, entre autres, par sexe, âge, origine nationale et ethnique, zone géographique, appartenance à un peuple autochtone et situation socioéconomique, une attention particulière étant portée aux enfants les plus vulnérables, et porter notamment sur la suite donnée à ces affaires. En attendant qu’un tel système de collecte de données soit constitué et effectivement utilisé aux fins d’un partage d’informations avec les États où les infractions sont commises, le Comité engage le Saint-Siège à faire en sorte que tous les renseignements sur les cas de vente d’enfants, de prostitution des enfants et de pornographie mettant en scène des enfants recueillis par le Saint-Siège et la Congrégation pour la doctrine de la foi depuis 2001 soient intégralement et immédiatement communiqués aux autorités judiciaires nationales compétentes, en vue d’un suivi approprié.

IV.Mesures d’application générales

Principes généraux de la Convention relative aux droits de l’enfant(art. 2, 3, 6 et 12)

Le Comité est préoccupé par le fait que, dans le traitement des affaires de pédopornographie impliquant des membres du clergé, le Saint-Siège n’a pas veillé à ce que les enfants puissent exercer leur droit d’exprimer leur point de vue de manière à ce qu’il en soit dûment tenu compte, ainsi que par le fait que le Saint-Siège a fait prévaloir la sauvegarde de la réputation de l’Église sur le droit des enfants à ce que leur intérêt supérieur soit la considération première. Le Comité constate avec inquiétude que, ce faisant, le Saint-Siège a compromis la prévention des infractions relevant du Protocole facultatif et la capacité des enfants victimes de signaler les infractions, contribuant ainsi à l’impunité des auteurs et à l’aggravation des traumatismes subis par les enfants victimes.

Le Comité rappelle au Saint-Siège les obligations qui lui i ncombent en vertu du paragraphe 1 b) et c) et du paragraphe  3 de l’ article  8 du Protocole facultatif, et lui recommande de prendre toutes les mesures voulues pour que le droit des enfants victimes de vente, de prostitution et de pornographie d’exprimer leurs vues ainsi que leur droit à ce que leur intérêt supérieur soit la considération première soient protégés et respectés.

Législation

Tout en accueillant avec satisfaction l’adoption des lois de l’État de la Cité du Vatican n° VIII et n° IX qui incriminent les infractions relevant du Protocole facultatif, le Comité s’inquiète de constater que l’application de ces lois est limitée au territoire de l’État de la Cité du Vatican et qu’elles ne s’appliquent pas à l’ensemble des personnes et institutions agissant sous l’autorité suprême du Saint-Siège. Le Comité est également préoccupé par le fait que le Saint-Siège n’a toujours pas révisé et continue d’appliquer les dispositions du droit canonique qui sont contraires au Protocole facultatif, s’agissant en particulier de la qualification pénale de ces infractions et de la procédure applicable à leur traitement.

Le Comité invite instamment le Saint-Siège à mettre l’ensemble de ses normes et règles, y compris le droit canonique, en conformité avec le Protocole facultatif et à faire en sorte que les mêmes lois soient applicables à l’État de la Cité du Vatican et aux personnes et institutions agissant sous son autorité suprême. Le Comité engage aussi le Saint-Siège à réviser sans délai toutes les dispositions du droit canonique qui sont en contradiction avec le Protocole facultatif, en particulier l’instruction Crimen Sollicitationis de 1962 et le motu proprio Sacramentorum Sanctitatis Tutela de 2011.

Coordination et évaluation

Le Comité estime préoccupant que le Saint-Siège ne dispose pas d’un organe de coordination chargé de prendre des initiatives et d’exercer une supervision générale en ce qui concerne le suivi et l’évaluation des activités de mise en œuvre du Protocole facultatif.

Le Comité recommande au Saint-Siège de créer un organe de coordination capable de suivre et d’évaluer les activités de mise en œuvre du Protocole facultatif.

Diffusion et sensibilisation

Le Comité accueille avec satisfaction la publication et la distribution aux éducateurs, par des institutions catholiques spécialisées, d’une documentation sur les droits des enfants et le Protocole facultatif, mais il s’inquiète de constater qu’il n’a pas été pris de mesures analogues par le Saint-Siège pour mener une action de sensibilisation au Protocole facultatif auprès des enfants, de leurs familles et du grand public et, en particulier, informer les enfants sur les moyens de se protéger et de signaler des infractions.

Le Comité recommande au Saint-Siège de tirer pleinement parti de son autorité morale et d’adopter une démarche globale pour diffuser largement les dispositions du Protocole facultatif auprès du grand public, y compris auprès des enfants, de leurs familles et des communautés et, à cette fin, de concevoir, en étroite collaboration avec les organisations de la société civile, les médias, le secteur privé, les communautés et les enfants eux-mêmes, des programmes de sensibilisation, notamment des campagnes d’information sur toutes les questions visées par le Protocole facultatif. Le Saint-Siège devrait aussi veiller à ce que les personnes et les institutions agissant sous son autorité dans le monde, y compris les écoles catholiques, jouent un rôle actif à cet égard, notamment en traduisant le Protocole facultatif dans les langues locales et en le diffusant sous des formes accessibles aux enfants.

Formation

Le Comité considère comme un élément positif les programmes élaborés par des institutions catholiques à l’échelon national, comme le Programme de sensibilisation pastorale catholique mis en place au Kenya pour former les enseignants d’écoles catholiques à déceler et traiter les situations dans lesquelles des enfants courent le risque d’être victimes d’abus et d’exploitation. Le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que le Saint-Siège n’a pas mis en place ni diffusé des programmes analogues auprès de toutes les personnes et institutions agissant sous son autorité, et qu’il continue de se référer exclusivement à la lettre circulaire de 2011 destinée à aider les conférences épiscopales à établir des directives pour le traitement des cas d’abus sexuel commis par des clercs à l’égard de mineurs, qui a fait la preuve de son inefficacité pour protéger les enfants et pour offrir aux personnes et aux institutions des directives appropriées pour traiter les infractions de ce type.

Le Comité engage le Saint-Siège à fournir des directives et des matériels de formation adaptés concernant la prévention, la détection et le traitement approprié des infractions relevant du Protocole facultatif à toutes les personnes et institutions agissant sous son autorité. Le Saint-Siège devrait veiller à ce que les enseignants et le personnel des écoles et des institutions catholiques reçoivent systématiquement une telle formation et à ce que les ressources nécessaires soient prévues à cette fin.

Allocations de ressources

Le Comité constate avec préoccupation que le Saint-Siège n’a pas prévu d’enveloppe budgétaire pour l’élaboration et l’exécution de programmes destinés à prévenir les infractions visées dans le Protocole facultatif, protéger les enfants et offrir aux enfants victimes d’infractions commises par des personnes relevant de son autorité une assistance pour leur rétablissement physique et psychologique et leur insertion sociale. Le Comité est également inquiet de voir que le Saint-Siège n’attribue pas de dotation budgétaire spécifique aux activités visant à promouvoir le Protocole facultatif à l’échelon international.

Le Comité recommande au Saint-Siège d’accorder un degré élevé de priorité à l’allocation de ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour la conception et l’exécution de programmes relatifs à la prévention des infractions visées par le Protocole facultatif, et à la protection et la réadaptation des enfants victimes.

V.Prévention de la vente d’enfants, de la prostitutiondes enfants et de la pornographie mettant en scènedes enfants (art. 9 (par. 1 et 2))

Mesures prises pour prévenir les infractions viséespar le Protocole facultatif

Le Comité salue les diverses initiatives prises par les congrégations et organisations catholiques à travers le monde pour aider les enfants particulièrement exposés, et se félicite d’apprendre que le Saint-Siège se sert de l’autorité morale dont il jouit dans le monde pour s’attaquer aux facteurs qui contribuent à la commission des infractions visées par le Protocole facultatif. Le Comité est cependant inquiet de constater que le Saint-Siège n’a pas adopté une démarche analogue à l’égard des personnes relevant de son autorité, et qu’il n’a pas pris en temps voulu les mesures appropriées pour empêcher des prêtres et des religieuses de commettre des infractions visées par le Protocole facultatif. Il est particulièrement préoccupé en ce qui concerne les cas de prêtres qui ont produit, possédé et diffusé du matériel pédopornographique, mais que l’on a maintenus, en connaissance de cause, au contact d’enfants.

Le Comité invite instamment le Saint-Siège à faire en sorte que tous les prêtres soupçonnés d’être impliqués dans des faits de pornographie mettant en scène des enfants et dans d’autres infractions visées par le Protocole facultatif soient immédiatement révoqués, et à adopter sans tarder des règles, directives et mécanismes propres à empêcher effectivement des enfants de devenir victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif. Le Comité engage le Saint-Siège à veiller à ce que la Commission pastorale pour la protection des mineurs, qui a été créée en décembre 2013, entreprenne une évaluation globale des politiques et des pratiques appliquées par le Saint-Siège pour traiter les cas de pédopornographie impliquant des personnes relevant de son autorité, et à ce que les résultats de cette évaluation soient rendus publics et accessibles à tous, notamment aux victimes.

Vente d’enfants et adoption

Le Comité exprime sa vive préoccupation en raison de la découverte, en 2011, du fait que des milliers de bébés avaient été enlevés à leurs mères dans des maternités en Espagne et vendus par l’intermédiaire de réseaux de médecins, de prêtres et de religieuses à des couples sans enfant qui étaient considérés comme des parents plus appropriés. Le Comité est également préoccupé par le fait que des pratiques analogues ont également sévi dans d’autres pays, comme l’Irlande, où des bébés étaient systématiquement enlevés à des filles et des femmes détenues dans les «blanchisseries Madeleine».

Le Comité invite instamment le Saint-Siège à faire en sorte que les personnes et les institutions relevant de son autorité qui ont organisé l’enlèvement de bébés à leurs mères et la remise de ces bébés contre rémunération ou toute autre contrepartie à des couples sans enfant, des personnes ou des institutions, ou qui ont participé ou aidé à de telles pratiques soient tenues de rendre des comptes. Le Comité engage le Saint ‑ Siège à garantir la pleine divulgation de toutes les informations rassemblées par les institutions et les personnes impliquées dans ces infractions, afin de faciliter l’accès des victimes aux renseignements concernant leur filiation biologique.

Le Comité est préoccupé par le fait que, bien que de nombreuses institutions et organisations catholiques prennent part à des adoptions internationales, le Saint-Siège n’a pas pris les mesures voulues pour que les institutions catholiques ne participent pas à des adoptions illégales.

À la lumière de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité invite instamment le Saint-Siège à adopter, à titre de priorité, les mesures juridiques et administratives appropriées pour que toutes les personnes et institutions relevant de son autorité qui participent à l’adoption d’un enfant agissent conformément aux instruments juridiques internationaux applicables. Le Comité recommande au Saint-Siège d’envisager de ratifier la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

VI.Interdiction de la vente d’enfants, de la pornographie mettant en scène des enfants et de la prostitutiondes enfants et questions connexes(art. 3, 4 (par. 2 et 3), 5, 6 et 7) 

Lois et réglementations pénales en vigueur

Tout en accueillant avec satisfaction l’adoption, en juillet 2013, des lois de l’État de la Cité du Vatican no VIII contenant les normes complémentaires en matière pénale, Titre II: Crimes contre les enfants, et no IX contenant les modifications du Code pénal et du Code de procédure pénale, le Comité constate avec préoccupation que:

a) Les lois no VIII et no IX ne s’appliquent qu’à l’État de la Cité du Vatican et ne visent pas les infractions commises par des personnes ou des institutions relevant de l’autorité du Saint-Siège, qui continuent d’être soumises aux dispositions du droit canonique;

b) La lettre circulaire de 2011 destinée à aider les conférences épiscopales à établir des directives pour le traitement des cas d’abus sexuel commis par des clercs à l’égard de mineurs fait prévaloir les procédures du droit canonique sur les procédures pénales nationales pour traiter les infractions visées par le Protocole facultatif.

Le Comité engage le Saint-Siège à:

a) Étendre l ’ application des lois n o VIII et n o IX à toutes les personnes et institutions agissant sous son autorité;

b) Adopter des règles claires quant au renvoi immédiat aux services nationaux de répression de tous les cas de soupçon d ’ infractions visées par le Protocole facultatif, même lorsque la législation nationale ne rend pas obligatoire le signalement de telles infractions.

Poursuites et impunité

Le Comité est vivement préoccupé par le fait que, pour une grande majorité d’entre eux, les prêtres et ecclésiastiques qui ont commis des actes liés à la pédopornographie, ainsi que ceux qui ont dissimulé de telles infractions, ont bénéficié de l’impunité. Il est particulièrement inquiet de constater que:

a)Les dispositions et procédures du droit canonique qui ont permis aux auteurs d’échapper à la justice en imposant une obligation de silence aux victimes, ont empêché le signalement d’actes liés à la pédopornographie aux services nationaux de répression et ont abouti au prononcé de peines sans aucun rapport avec la gravité des infractions commises, restent en vigueur et sont toujours appliquées;

b) Le Saint-Siège a, en de nombreuses occasions, refusé de coopérer avec les services de répression et de divulguer des informations demandées par des procureurs et des commissions d’enquête nationales;

c) Le Saint-Siège a signé avec certains États, notamment l’Italie, des conventions qui garantissent une immunité de poursuites dans certains domaines à des responsables du Vatican, y compris des évêques et des prêtres accusés d’infractions visées par le Protocole facultatif.

Le Comité engage le Saint-Siège à abroger sans tarder toutes les dispositions du droit canonique qui ont créé une situation propice à l’impunité pour les auteurs d’infractions visées par le Protocole facultatif. Le Saint-Siège devrait aussi réviser ses directives internes et garantir une coopération transparente et efficace avec les services nationaux de répression. Le Comité invite aussi instamment le Saint-Siège à abroger les parties des conventions qu’il a signées avec des États qui contribueraient à l’impunité des auteurs d’abus sexuels sur des enfants.

Extradition

Le Comité note que si le Saint-Siège ne demande pas l’extradition de personnes aux fins de poursuites, il accepte d’extrader des personnes pour les remettre aux autorités italiennes conformément à l’article 22 des Accords de Latran, sur le fondement de la règle de double incrimination. Le Comité est particulièrement préoccupé d’apprendre que le Saint-Siège, en janvier 2014, a refusé de donner suite aux demandes d’un procureur polonais tendant à l’extradition d’un archevêque du Vatican vers la Pologne pour qu’il y réponde de certaines accusations, y compris de pornographie mettant en scène des enfants.

Le Comité engage le Saint-Siège à prendre les mesures voulues pour faire en sorte que toutes les i nfractions visées au paragraphe  1 de l’ article  3 du Protocole facultatif constituent des cas d’extradition et que la condition de double incrimination aux fins d’extradition et/ou de poursuites en cas d’infraction commise à l’étranger soit abolie. Le Comité invite en outre le Saint-Siège à utiliser selon que de besoin le Protocole facultatif comme base juridique de l’extradition, ainsi que le prévoit l’ article  5 du Protocole facultatif, et à procéder à l’extradition de tout ecclésiastique ayant à répondre d’accusations d’abus sexuels sur enfant à l’étranger.

VII.Protection des droits des enfants victimes(art. 8 et 9 (par. 3 et 4))

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif

Le Comité est préoccupé par le fait que malgré les nombreux obstacles auxquels se heurtent les enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif pour dénoncer les actes délictueux auxquels ils ont été soumis de la part de prêtres catholiques, le Saint‑Siège n’estime pas nécessaire, en tant qu’obligation légale imposée par le paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif, de créer un mécanisme adapté aux besoins des enfants permettant à ceux-ci de porter plainte. Le Comité est également vivement préoccupé de constater que:

a)Le droit canonique, qui a été et continue d’être appliqué aux infractions relevant du Protocole facultatif, ne contient aucune disposition relative à la protection des droits et intérêts des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif;

b)Dans de nombreux cas, les enfants victimes et leurs familles ont été de nouveau victimisés par les autorités de l’Église catholique, comme cela a été relevé par plusieurs commissions d’enquête nationales.

À la lumière du paragraphe  3 de l’ article  9 du Protocole facultatif, le Comité invite instamment le Saint-Siège à prendre toutes les mesures voulues pour protéger les droits et intérêts des enfants victimes de toutes les infractions visées par le Protocole facultatif, et à veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit la considération première dans la manière dont le système de justice pénale traite les enfants victimes. Le Comité engage le Saint-Siège à:

a) Instituer, sans plus tarder, en tenant compte des besoins particuliers des enfants, un mécanisme et des procédures de plainte, de recours et de réparation pour toutes les infractions visées par le Protocole;

b) Élaborer des directives sur la protection des enfants à l ’ intention de toutes les personnes et institutions agissant sous l ’ autorité du Saint-Siège et veiller à ce qu ’ une formation soit dispensée sur ces directives;

c) Mettre en place des mécanismes et des procédures permettant l ’ identification rapide des enfants victimes d ’ infractions visées par le Protocole facultatif, y compris en établissant des mécanismes de coopération avec les services nationaux de répression;

d) Veiller à ce que les enfants victimes ne soient plus traités de façon injuste par les autorités ecclésiastiques lorsqu ’ ils dénoncent des infractions relevant du Protocole facultatif.

Rétablissement et réinsertion des victimes

Tout en notant que le Saint-Siège s’efforce d’inciter les États parties au Protocole facultatif à fournir une assistance aux enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif, et que l’Église catholique vient en aide aux enfants victimes d’exploitation sexuelle, le Comité s’inquiète du fait que le Saint-Siège n’a pas pris de mesures appropriées pour fournir une aide aux enfants victimes d’infractions commises par des ecclésiastiques en ce qui concerne leur rétablissement physique et psychologique et leur réinsertion sociale. Le Comité est également particulièrement préoccupé de constater que:

a)Le droit canonique, qui a été utilisé pour traiter les cas d’infractions de pédopornographie commises par des prêtres catholiques, ne comporte aucune disposition relative au rétablissement et à la réinsertion des victimes;

b)Le Saint-Siège n’a pas directement coopéré avec les États parties pour fournir une assistance aux enfants, comme cela est indiqué dans ses réponses écrites au Comité;

c)La confidentialité et le silence ont été imposés aux victimes et à leurs familles comme condition de la réparation financière allouée aux enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif.

Le Comité exhorte le Saint-Siège à prendre toutes les mesures appropriées pour assurer le rétablissement physique et psychologique et la réinsertion sociale des enfants victimes de toutes les infractions visées par le Protocole facultatif, et à veiller à ce que ces mesures soient mises en œuvre dans des conditions qui favorisent le respect de soi et la dignité de l’enfant. Le Comité engage aussi le Saint-Siège à s’acquitter de son obligation d’accorder réparation aux victimes d’infractions commises par des personnes ou des institutions agissant sous son autorité sans imposer aucune obligation de confidentialité aux victimes. À cette fin, le Saint-Siège devrait établir un système d’indemnisation des victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif commises par des ecclésiastiques.

VIII.Assistance et coopération internationales (art. 10)

Accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux

À la lumière du paragraphe  1 de l’ article  10 du Protocole facultatif, le Comité encourage le Saint-Siège à continuer de renforcer la coopération internationale dans le cadre d’accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux, en renforçant les procédures et mécanismes assurant une coordination avec les services de répression et permettant de mieux prévenir et détecter toute infraction visée par le Protocole facultatif, mener des enquêtes et des poursuites, et punir les auteurs. Dans cette perspective, le Comité invite instamment le Saint-Siège à exclure les infractions visées par le Protocole facultatif de tout accord d’immunité conclu avec des États. Le Comité engage aussi le Saint-Siège à envisager de ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels.

IX.Suivi et diffusion

Le Comité recommande au Saint-Siège de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les communiquant au Pape, à la Curie, à la Congrégation pour la doctrine de la foi, à la Congrégation pour l’éducation catholique, aux établissements de soins catholiques, au Conseil pontifical pour la famille, aux conférences épiscopales et aux personnes et institutions agissant sous l’autorité du Saint-Siège, pour examen et suite à donner.

L e Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites du Saint-Siège, ainsi que les présentes observations finales, soient largement diffusés, notamment par Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des mouvements de jeunesse, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, ainsi que son application et son suivi.

X.Prochain rapport

Conformément au paragraphe  2 de l’ article  12 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le Comité invite le Saint-Siège à donner un complément d’information sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et des recommandations figurant dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant, conformément à l’ article  44 de la Convention.