Nations Unies

CRC/C/OPSC/PHL/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

26 juin 2013

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le rapport initial soumis par les Philippines en application de l’article 12 du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants,adoptées par le Comité à sa soixante-deuxième session(14 janvier-1er février 2013)

Le Comité a examiné le rapport initial des Philippines au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/PHL/1) à sa 1769e séance (voir CRC/C/SR.1769), le 22 janvier 2013, et a adopté à sa 1784e séance, le 1er février 2013, les observations finales ci‑après.

I.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, riche d’enseignements, et ses réponses écrites à la liste des points à traiter (CRC/C/OPSC/PHL/Q/Add.1). Il se félicite en outre du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation pluridisciplinaire de l’État partie.

Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues conjointement avec les observations finales concernant les troisième et quatrième rapports périodiques de l’État partie au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant, présentés en un seul document (CRC/C/PHL/CO/3-4, 2009), ainsi qu’avec celles concernant le rapport initial de l’État partie au titre du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/PHL/CO/1, 2008).

II.Observations générales

Aspects positifs

Le Comité prend acte avec satisfaction de l’adoption des textes législatifs ci-après concernant la mise en œuvre du Protocole facultatif:

a)Loi de la République no 9775 (loi contre la pornographie mettant en scène des enfants), le 13 octobre 2009;

b)Loi de la République no 9231 (loi sur l’élimination des pires formes de travail des enfants et sur le renforcement de la protection des enfants qui travaillent), le 19 décembre 2003; et

c)Loi de la République no 9208 (loi sur la lutte contre la traite des êtres humains), le 26 mai 2003.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après:

a)Convention (no 189) de l’Organisation internationale du Travail sur le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, en septembre 2012;

b)Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en mai 2002;

c)Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en décembre 2000;

d)Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, en 1996; et

e)Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, en juillet 1995.

Le Comité note par ailleurs avec satisfaction les progrès réalisés sur la plan de la création d’institutions et de l’adoption de plans et de programmes nationaux facilitant la mise en œuvre du Protocole facultatif, et note en particulier:

a)Le Conseil interinstitutions de lutte contre la pornographie mettant en scène des enfants et le Plan d’action stratégique triennal 2011-2013 s’y rapportant;

b)Le Plan conjoint d’action stratégique 2012-2016 élaboré par le Conseil interinstitutions de lutte contre la traite et le Conseil de la justice pour mineurs et de la protection des mineurs et adopté lors du Sommet des conseils et comité interinstitutions tenu en juillet 2012;

c)Le Cadre stratégique national et plan pour le développement des enfants 2000‑2025; et

d)Le Comité pour la protection spéciale des enfants, relancé par le décret no 53, série de 2011.

III.Collecte des données

Le Comité note que plusieurs institutions, dont la police nationale, le Ministère de la justice et le Ministère de la protection sociale et du développement, sont chargées de collecter des données. Cependant, il est préoccupé par l’absence de système global de collecte de données concernant l’ensemble des infractions visées par le Protocole facultatif, système qui permettrait à l’État partie de connaître l’ampleur de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants et les formes qu’elles prennent. Il est également préoccupé par l’absence de données ventilées et d’études concernant les groupes spécifiques d’enfants susceptibles de devenir victimes des infractions visées par le Protocole facultatif, tels que les enfants des rues, les enfants déscolarisés et exploités au travail, les enfants vivant dans la pauvreté et les enfants touchés par le conflit armé à Mindanao.

Le Comité recommande à l ’ État partie de créer avec l ’ appui de ses partenaires un système intégré et cen tralisé de collecte des données qui lui permettra de connaître précisément les causes, les formes et l ’ importance de la vente d ’ enfants, de la prostitution des enfants ou de la pornographie mettan t en scène des enfants, d ’ éclairer ses décisions et d ’ évaluer les progrès de la mise en œuv re du Protocole facultatif. Les  données devraient être actualisées régulièrement et ventilées par âge, par sexe, par région géographique, par appartenance ethnique et par catégorie socioéconomique. Il convient également de collecter des données sur le profil des auteurs d ’ infractions et sur le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées, avec une ventilation en fonction de la nature des infractions.

IV.Mesures d’application générales

Législation

Le Comité réitère ses préoccupations (CRC/C/PHL/CO/3-4, par. 10, 2009) concernant l’âge minimum du consentement à des relations sexuelles, qui a été fixé à 12 ans, une précocité qui contribue à renforcer la vulnérabilité des enfants face à la prostitution et à la pornographie. Il est également préoccupé par le fait que les projets de loi nos 681 et 3049, qui visent à relever l’âge minimum du consentement à des relations sexuelles pour les infractions commises contre des mineurs n’ont toujours pas été promulgués, et regrette que les lois de protection de l’enfance ne soient pas convenablement appliquées.

Le Comité réitère sa recommandation an térieure (CRC/C/PHL/CO/3-4, par.  10, 2009) et engage vivement l ’ État partie à promulguer les lois nécessaires en matière de protection des enfants, no tamment les projets de loi n os 681 et 3049, et à relever l ’ âge minimum du consentement à des relations sexuelles. Il lui recommande en outre de prendre des mesures énergiques pour faire en sorte que les lois sur la protection des enfants soient appliquées de façon efficace, notamment en faisant mieux connaître les lois de protection de l ’ enfance aux niveaux provincial et local et en élaborant des lignes directrices, des protocoles et des procédures détaillés destinés à orienter l ’ action des collectivités locales.

Plan national d’action

Tout en notant avec satisfaction l’adoption du Plan national d’action en faveur des enfants pour 2011-2016, le Comité s’inquiète de l’insuffisance des ressources allouées au financement des interventions et activités menées dans le cadre du Plan et de l’absence de mécanisme de surveillance périodique au niveau local permettant d’évaluer sa mise en œuvre et son impact.

Le Comité engage l ’ État partie à procéder à une évaluation globale des besoins de financement et à établir des crédits budgétaires précis destinés à financer l es activités prévues pour mettre en œuvre le Plan national d ’ action en faveur des enfants. Il lui recommande en outre de créer un mécanisme de surveillance et d ’ évaluation périodiques , notamment au niveau local et à l ’ échelle des communautés, afin de pouvoir évaluer les difficultés rencontrées et les progrès accomplis dans la mise en œuvre.

Coordination et évaluation

Le Comité note avec satisfaction que le Conseil de la protection de l’enfance est l’organe interinstitutions chef de file chargé de coordonner la mise en œuvre des politiques et des programmes de protection des enfants. Toutefois, il s’inquiète de la capacité du Conseil à coordonner et évaluer les activités prévues aux fins de l’application du Protocole facultatif aux niveaux national, régional, provincial et local. Il regrette en outre que divers organes interinstitutions aient été créés à la suite de l’adoption de nouvelles lois et dotés de plans d’exécution et de suivi et de budgets séparés dans le domaine de la protection de l’enfance, ce qui entraîne un chevauchement d’activités. S’il note avec satisfaction que le Conseil de la protection de l’enfance a organisé, en juillet 2012, un sommet des conseils et du comité interinstitutions ayant pour but d’élaborer et d’adopter un système de collaboration et de coordination entre les divers conseils et comités, le Comité regrette toutefois l’absence d’évaluation systématique de la mise en œuvre des plans interinstitutions et des relations de travail entre les conseils interinstitutions et le Conseil de la protection de l’enfance.

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De mettre en place un organe national doté des capacités et de l ’ autorité requis es pour coordonner la mise en œuvre et l ’ évaluation des activités menées au titre du Protocole facultatif et de doter cet organe des moyens humains, techniques et financiers nécessaires pour lui permettre de s ’ acquitter de son mandat à tous les niveaux;

b) D ’ évaluer périodiquemen t et de façon approfondie l ’ organisation des comités interinstitutions existants en charge de la protection de l ’ enfance, ainsi que de leurs activités de mise en œuvre, afin de mettre en évidence les principales réalisations et les enseignements tirés et d ’ élaborer des stratégies communes visant à renforcer la coordination entre les divers organismes et comités chargés de mettre en œuvre les politiques et les activités au titre du Protocole facultatif; et

c) D e rationaliser l ’ action des divers organes de protection de l ’ enfance en les dotant des moyens humains, techniques et financiers nécessaires pour leur permettre de jouer efficacement leur rôle.

Diffusion et sensibilisation

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a accentué ses efforts pour faire connaître le Protocole facultatif mais regrette que le public, et plus particulièrement les enfants eux-mêmes, ne soient pas suffisamment informés au sujet du Protocole facultatif et que le public méconnaisse les infractions dont sont victimes les enfants, une situation qui se traduit par le fait que ces infractions sont largement acceptées au sein de la société et, de ce fait, insuffisamment signalées, notamment en ce qui concerne les cas d’exploitation sexuelle des enfants.

Le Comité recommande à l ’ État partie de promouvoir et d ’ organiser des programmes de sensibilisation, notamment des campagnes dans les médias et sur Internet, afin de diffuser d es messages de sensibilisation importants concernant les disposition s du Protocole facultatif et les mécanismes de plainte et de signalement auprès de la population, des familles, des communautés et des enfants, particulièrement des enfants vulnérables.

Formation

S’il prend note des activités menées pour former les différents intervenants du système de protection de l’enfance, tels que les agents des forces de l’ordre, les juges, les procureurs spécialisés et les travailleurs sociaux, le Comité regrette que dans bien des cas, ces activités ne soient pas suivies ou systématiques, notamment en raison de l’absence de planification systématisée. Il regrette en outre que, de ce fait, les efforts de formation n’atteignent pas tous les groupes et entités ciblés aux différents niveaux de l’administration.

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les activités visant à renforcer les capacité s , y compris la formation des agents des forces de l ’ ordre, des procureurs, du personnel judiciaire, des agents des services de l ’ immigration, des inspecteurs du travail, des travailleurs sociaux et des professionnels des médias soient systématiquement planifié e s, pérennisé e s et coordonné e s, et que leur impact soit systématiquement évalué.

Allocation de ressources

Le Comité regrette que les moyens financiers affectés à la mise en œuvre du Protocole facultatif soient insuffisants et ne répondent pas aux orientations et aux priorités générales adoptées par l’État partie. Il regrette, en particulier, que la création du Conseil interinstitutions de lutte contre la pornographie mettant en scène des enfants, établi en application de la loi de 2009 contre la pornographie mettant en scène des enfants et chargé de coordonner, surveiller et superviser la mise en œuvre de la loi, ne se soit accompagnée d’aucun crédit budgétaire. Il regrette en outre qu’en raison d’un degré élevé de corruption dans l’État partie les financements initialement affectés à la protection de l’enfant aient été réduits, notamment les moyens destinés à prévenir et combattre la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Le Comité engage l ’ État partie à:

a) Accroître, grâce à des lignes budgétaires claires , les crédits budgétaires affectés à la mise en œuvre du Protocole facultatif, notamment en affectant des moyens humains, techniques et financiers bien définis prélevés sur le budget de l ’ État à tous les niveaux, et en assurant le financement des programmes concernant les dispositions du Protocole facultatif, notamment en matière de prévention, de protection et de réinsertion des enfants victimes;

b) Réaliser une évaluation complète des besoins financiers du Conseil interinstitutions de lutte contre la pornographie mettant en scène des enfants et doter cet organe de moyens humains, techniques et financiers suffisants pour lui permettre de mener à bien sa mission; et

c) Prendre des mesures immédiates pour prévenir et combattre efficacement la corruption et poursuivre les agents de l ’ État et des collectivités locales coupables de corruption.

V.Prévention de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants (art. 9, par. 1 et 2)

Mesures adoptées pour prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a intensifié sa coopération avec les pays de la région pour prévenir la traite des enfants. Néanmoins, il est profondément préoccupé par le fait que de 60 000 à 75 000 enfants sont exploités dans l’industrie du sexe et que l’utilisation des enfants dans le tourisme pédophile demeure un problème important dans l’État partie. Il constate en outre avec préoccupation que:

a)Les politiques et programmes existants sont insuffisants et inefficaces pour traiter les causes sous-jacentes de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants, telles que la pauvreté, les migrations dans des conditions d’insécurité et la discrimination à l’égard des filles;

b)Bien que le taux d’enregistrement des naissances ait été porté à 95 %, le nombre d’enfants non déclarés demeure élevé, particulièrement à Mindanao, les enfants en question étant ainsi particulièrement vulnérables face aux infractions visées par le Protocole facultatif;

c)Malgré le nombre élevé d’enfants déplacés et d’enfants des rues contraints de se prostituer, particulièrement à Manille, l’État partie n’a défini aucune mesure prioritaire en faveur des enfants les plus exposés;

d)Le manque d’information de la société, notamment des parents et des enfants eux-mêmes touchant les infractions impliquant l’exploitation sexuelle des enfants, et la tolérance sociale et culturelle dont bénéficie l’exploitation sexuelle des enfants au sein des communautés empêchent le signalement de ces infractions et la poursuite des délinquants;

e)Les adolescents ont un accès très limité à l’information et aux services en matière de santé sexuelle et reproductrice, notamment concernant la planification familiale et la contraception, les risques de grossesse précoce, et la prévention et le traitement des infections sexuellement transmissibles et du VIH/sida.

Le Comité engage l ’ État partie à adopter une approche globale pour traiter les causes sous-jacentes des infractions visées par le Protocole facultatif et à cibler les familles et les enfants les plus exposés. Il lui recommande en particulier de développer ses stratégies de lutte contre la pauvreté et les mesures d ’ accompagnement social des familles démunies et marginalisées, en particulier de mettre en place des programmes d ’ intervention précoce auprès des enfants pour aider les parents à mieux s ’ acquitter de leurs obligations de soins et de protection. En outre, il engage l ’ État partie à:

a) Étudier les causes sous-jacentes et l ’ ampleur de l ’ exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, de la vente d ’ enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants, repérer les enfants en danger, évaluer l ’ ampleur du phénomène et élaborer des politiques et des programmes ciblés. Dans ce contexte, les mesures de protection destinées à combattre l ’ exploitation sexuelle des enfants doivent être étroitement liées aux mesures de réduction de la pauvreté;

b) Maintenir et renforcer les mesures destinées à faire en sorte que tous les enfants soient déclarés à la naissance;

c) Élaborer des programmes de prévention ciblant les enfants les plus exposés et, en particulier, prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre aux enfants déplacés et aux enfants des rues de recevoir un hébergement décent et sûr, de s soins de santé, une éducation et de s vêtements. Il conviendra de mettre un accent particulier sur la protection de ces enfants contre les brutalités policières, les violences physiques et sexuelles et l ’ abus de drogue s ;

d) Entreprendre des activités de sensibilisation soutenues faisant appel aux médias et à la participation des communautés, notamment à la mobilisation des chefs de communautés, des enseignants et des groupes d ’ enfants et d ’ adolescents, afin de faire évoluer les comportements face à l ’ exploitation sexuelle des enfants et, en particulier, à la pornographie mettant en scène des enfants; et

e) Renforcer l ’ éducation en matière de santé sexuelle et reproductrice et mettre en place de s services spécialisés au sein de tous les établissements d ’ enseignement, chargés notamment de la sensibilisation sur la prévention du VIH/sida et les dangers de l ’ exploitation sexuelle des enfants.

Adoption

Le Comité note que l’État partie s’est doté d’un cadre juridique interne solide régissant l’adoption, notamment à travers la loi no 8552 sur l’adoption nationale de 1998, la loi no 8043 sur l’adoption internationale de 1995, et les modifications des articles 183 à 193 du Code de la famille, en février 1998. Cependant, le Comité demeure préoccupé par le phénomène encore très répandu dans l’État partie des ventes d’enfants aux fins d’adoption illégale et des falsifications des registres de l’état civil par des individus désireux de faire apparaître un enfant comme leur enfant biologique (ou ce qu’on appelle le simulacre d’accouchement).

Le Comité réitère ses recommandations anté rieures (CRC/C/PHL/CO/3-4, par.  50, 2009) et engage l ’ État partie à faire le maximum pour garantir que toutes les adoptions respectent pleinement les principes et dispositions de la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d ’ adoption internationale, de la Convention relative aux droits de l ’ enfant et des autres instruments internationaux pertinents. Le Comité recommande par ailleurs à l ’ État partie de prendre toutes les mesures requises pour prévenir et combattre efficacement les «naissances simulées», notamment à travers des campagnes de sensibilisation sur cette pratique, la promotion des adoptions légales et l ’ ouverture de poursuites judiciaires à l ’ enc ontre des auteurs de «simulacres d ’ accouchement ».

Tourisme pédophile

S’il prend note avec satisfaction des efforts faits par l’État partie en coopération avec les institutions nationales et les organisations non gouvernementales pour lutter contre le tourisme pédophile, en particulier de la mise en œuvre du Programme de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants par le tourisme, le Comité s’inquiète toutefois du grand nombre d’enfants qui sont encore exploités sexuellement par des pédophiles étrangers dans l’État partie, notamment dans les régions de Sabang, Puerto Galera, Cebu, Angeles et Pasay. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que:

a)Les enfants qui vivent dans les bidonvilles ou dans la rue sont particulièrement exposés à cette forme de violence et d’exploitation sexuelles;

b)La production de matériel pornographique mettant en scène des enfants, notamment par les touristes, ne cesse de se développer dans l’État partie;

c)L’État partie n’intervient pas suffisamment auprès du secteur privé, particulièrement l’industrie du voyage, de l’hôtellerie et du tourisme, et n’a pas suffisamment réglementé ces branches d’activité, pour prévenir et combattre le tourisme pédophile, notamment par des mesures de prévention, de surveillance et de signalement des cas de traite et d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

Le Comité engage l ’ État partie à:

a) Prendre des mesures pour détecter les enfants particulièrement exposés au risque de devenir les victimes des infractions visées dans le Protocole facultatif, tels que les enfants des rues et les enfants pauvres, et lier ces mesures aux programmes de protection de l ’ enfance et aux stratégies de réduction de la pauvreté;

b) Prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer la surveillance de la pédopornographie sur Internet, des structures d ’ hébergement touristiques non déclarées et des activités clandestines liées à l ’ exploitation sexuelle des enfants;

c) Prévoir une réglementation et des interventions auprès du secteur privé, en particulier l ’ industrie du tourisme, afin de prévenir, surveiller et signaler aux autorités compétentes les cas de traite et d ’ exploitation sexuelle d ’ enfants à des fins commerciales. L ’ État partie devrait également faire en sorte que le Ministère du tourisme contrôle effectivement que les hôtels, agents de voyage et opérateurs touristiques respectent les contrats qu ’ il a signés avec eux en vue d ’ interdire le tourisme pédophile et de protéger les enfants en général; et

d) Renforcer son travail d ’ information auprès de l ’ industrie du tourisme concernant les effets néfastes du tourisme pédophile, diffuser largement la Charte d ’ honneur pour le tourisme et le Code mondial d ’ éthique du tourisme établi par l ’ Organisation mondiale du tourisme auprès des agents de voyage et des agences de tourisme, et les encourager à souscrire au Code de conduite pour la protection des enfants contre l ’ exploitation sexuelle dans le tourisme et l ’ industrie des voyages.

VI.Interdiction de la vente d’enfants, de la pornographie mettant en scène des enfants et de la prostitution des enfants et questions connexes (art. 3, 4, par. 2 et 3, 5, 6 et 7)

Lois et réglementations pénales en vigueur

Le Comité prend note avec satisfaction des efforts faits pour intégrer les diverses dispositions du Protocole facultatif à la législation de l’État partie, mais s’inquiète de ce que la législation nationale n’intègre pas pleinement toutes les infractions visées par le Protocole. Il s’inquiète en outre du fait que les infractions en question soient placées sous le régime juridique applicable à la traite et non définies et incriminées séparément, conformément au Protocole facultatif, et plus particulièrement à ses articles 2 et 3.

Le Comité engage l ’ État partie à réviser son Code pénal et à le rendre pleinement conforme aux articles 2 et 3 du Protocole facultatif. En particulier, il  recommande à l ’ État partie de définir et d ’ interdire toutes les formes de vente d ’ enfants, de prostitution d ’ enfants et de pornographie mettant en scène des enfants, en application du Protocole.

Poursuites et impunité

Comme il l’avait fait précédemment (CRC/C/PHL/CO/3-4, par. 78, 2009), le Comité constate avec préoccupation que des milliers d’enfants continuent à être victimes de la traite à partir et à l’intérieur de l’État partie ou en transit sur son territoire à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé mais que le nombre de poursuites et de condamnations de trafiquants pour les infractions visées par le Protocole facultatif est extrêmement faible, une situation qui favorise l’impunité. Le Comité en particulier est préoccupé par le fait que:

a)L’impunité pour des faits liés à la pornographie mettant en scène des enfants et aux enquêtes et poursuites judiciaires en matière de traite reste généralisée, principalement en raison de la complicité des agents des forces de l’ordre, du personnel judiciaire et des agents de l’immigration qui participent eux-mêmes à la traite et à la corruption;

b)Malgré le nombre élevé d’enfants exploités sexuellement par des pédophiles étrangers, l’État partie continue à expulser les pédophiles étrangers sans engager de poursuites pénales contre eux; et

c)Les agents des forces de l’ordre et les procureurs ne disposent pas de moyens suffisants pour pouvoir enquêter sur les infractions visées dans le Protocole facultatif et engager des poursuites, et ils doivent en grande partie compter sur la participation des enfants victimes pour poursuivre les criminels, ce qui se traduit fréquemment par le non‑signalement des affaires, des retraits de plaintes ou des rétractations de dépositions.

Le Comité engage l ’ État partie à:

a) S ’ attaquer sans délai et en priorité au problème de la corruption et de l ’ impunité, en menant des enquêtes rigoureuses sur les plaintes faisant état de la complicité d ’ agents de l ’ État et en engageant des poursuites contre les auteurs de tels crimes;

b) Prendre toutes les mesures juridiques et institutionnelles requises pour améliorer l ’ identification des pédophiles étrangers et développer les enquêtes et des poursuites à leur encontre;

c) Alléger le fardeau qui pèse sur les enfants victimes en faisant en sorte que les services de police s ’ appuient dans leurs enquête sur des éléments de preuve obtenus à partir de documents, de témoins, de professionnels et autres moyens et techniques, et non en se fondant uniquement sur les seules dépositions des enfants; et

d) Renforcer les capacités de la police et de la justice pour leur permettre de mieux détecter et poursuivre les infractions visées dans le Protocole facultatif en mettant en place une formation spécialisée, comprenant notamment une participation accrue du Bureau national d ’ enquête et de l ’ Académie judiciaire (Judicial Academy) des Philippines.

Responsabilité des personnes morales

Le Comité regrette que la législation de l’État partie n’établisse pas clairement la responsabilité pénale des personnes morales pour les infractions spécifiques visées dans le Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir clairement la responsabilité pénale des personnes morales pour toutes les infractions visées dans le Protocole facultatif, conformément au paragraphe 4 de l ’ article 3 du Protocole.

Compétence extraterritoriale

Le Comité regrette que la législation de l’État partie n’autorise pas de façon explicite l’exercice de la compétence extraterritoriale dans tous les cas spécifiés au paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, en particulier lorsque le délinquant présumé est ressortissant de l’État partie. Il est également préoccupé par le fait que l’exercice de la compétence extraterritoriale pour les crimes commis par un ressortissant philippin à l’étranger est soumis à l’exigence de la double incrimination.

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures pour faire en sorte que sa législation nationale lui permette d ’ établir et exercer sa compétence extraterritoriale pour les infractions visées dans le Protocole facultatif, sans qu ’ il soit nécessaire de recourir à la double incrimination.

Extradition

S’il note avec satisfaction les efforts faits par l’État partie pour renforcer sa coopération avec les pays de la région afin de lutter contre la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle des enfants, le Comité regrette toutefois que le Protocole facultatif ne soit pas invoqué comme fondement juridique motivant l’extradition et que l’extradition soit subordonnée à l’existence d’un traité entre l’État partie et l’État requérant.

Le Comité recommande à l ’ État partie de considérer le Protocole facultatif comme constituant un fondement juridique de l ’ extradition sans qu ’ il soit nécessaire d ’ invoquer l ’ existence d ’ un traité bilatéral.

VII.Protection des droits des enfants victimes(art. 8; 9, par. 3 et 4)

Mesures adoptées pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif

Le Comité note avec satisfaction l’adoption du Règlement relatif à l’audition d’un témoin mineur, mais se déclare préoccupé par le fait que les droits et intérêts des enfants victimes ne sont pas suffisamment protégés durant la procédure pénale. Dans ce contexte, il relève avec inquiétude que:

a)Les services de police ne disposent pas des capacités requises pour appliquer des méthodes d’investigation qui tiennent compte des spécificités de l’enfant, ou ils n’appliquent pas ces méthodes de façon systématique;

b)Les services qui assurent la protection des enfants victimes et témoins sont insuffisants au niveau local, et l’appui et l’accompagnement par des professionnels au cours de la procédure judiciaire sont inexistants;

c)Les enfants victimes, philippins ou étrangers, qui acceptent de témoigner, de même que les membres de leur famille, ne sont pas suffisamment protégés contre le risque de représailles de la part des délinquants présumés;

d)Il n’existe pas de tribunaux des affaires familiales dans toutes les provinces, ce qui limite les possibilités d’investigation et d’examen par des professionnels des affaires concernant les infractions visées par le Protocole facultatif et impliquant des enfants victimes;

e)La protection de la vie privée et de la sécurité des enfants victimes n’est pas systématiquement assurée dans les médias et les procédures de la justice pénale, et malgré les interdictions en vigueur, la sexualisation des enfants, notamment à la télévision, est monnaie courante.

Le Comité engage l ’ État partie à adopter des mesures appropriées pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes à tous les niveaux de la procédure pénale, conformément aux dispositions du Protocole facultatif. En particulier, le Comité engage l ’ État partie à:

a) Mobiliser des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour permettre aux services de police, aux procureurs et aux juges d ’ appliquer des procédures adaptées aux enfants, en particulier d ’ interroger les enfants dans des salles spécialement conçues, de mettre en place des services de soutien complets pour les enfants victimes en un même lieu, de modifier la configuration des tribunaux et de limiter au maximum les comparutions des enfants victimes à l ’ audience. En outre, toutes les mesures doivent être prises pour éviter le contact direct entre l ’ enfant victime et le suspect au cours de l ’ investigation, de l ’ instruction et du procès;

b) Fournir aux enfants victimes l ’ appui de psychologues spécialisés et faire en sorte qu ’ un référent soit désigné pour orienter et accompagner les enfants victimes pendant toute la procédure pénale, en attendant qu ’ une solution durable et fondée sur l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant soit trouvée et appliquée;

c) Étendre les programmes de protection des enfants victimes et témoins aux niveaux régional, provincial et municipal, et doter les collectivités administratives locales des moyens techniques et financiers suffisants pour leur permettre de mettre en œuvre ces programmes;

d) Prendre toutes les mesures juridiques et pratiques nécessaires, y compris en coopération avec les services compétents d ’ autres pays, pour protéger efficacement les enfants victimes et les membres de leur famille;

e) Renforcer la présence et les capacités des tribunaux chargés des affaires familiales dans toutes les provinces. Entre ‑ temps, il conviendrait de former l ’ ensemble des procureurs et des juges des tribunaux régionaux et provinciaux qui ne sont pas encore dotés de chambres de la famille ou qui n ’ ont pas encore une bonne connaissance du Règlement relatif à l ’ audition d ’ un témoin mineur; et

f) Prendre les mesures appropriées pour garantir le respect de la vie privée des enfants dans les médias et durant la procédure pénale, et chercher à limiter la sexualisation des enfants dans les médias généralistes par une surveillance renforcée des programmes et reportages sur les enfants et par l ’ éducation et la sensibilisation aux effets nuisibles de ce phénomène.

Réadaptation et réinsertion des victimes

Le Comité note avec satisfaction que divers lois et règlements établissent le droit à la réadaptation, à la rééducation et à la réinsertion des enfants victimes de la vente, de la prostitution et de la pornographie. Le Comité salue en outre les mesures que l’État partie a prises pour renforcer les services et l’aide aux victimes fournis par le Ministère de la protection sociale et du développement. Le Comité est néanmoins préoccupé par le fait que les services de réadaptation et de réinsertion des enfants, notamment les services médicaux, psychosociaux et psychologiques, les services juridiques, les centres d’hébergement d’urgence et les professionnels correctement formés restent encore très insuffisants en nombre dans l’État partie, et que leur développement reste considérablement limité par les contraintes budgétaires. Le Comité est en outre préoccupé par:

a)L’absence de procédures et de règles claires régissant la prise en charge et la protection des enfants victimes de prostitution et de pornographie, notamment la prise en charge psychosociale, l’évaluation au cas par cas en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et son suivi jusqu’à sa majorité;

b)L’absence de procédures de surveillance et de suivi permettant d’éviter que les enfants arrachés aux réseaux de traite ne retombent aux mains des trafiquants;

c)Le fait que les enfants victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales se heurtent à de multiples obstacles pour accéder aux services d’appui et autres en raison de la stigmatisation et des préjugés culturels dont fait toujours l’objet l’exploitation sexuelle des enfants; et

d)L’absence de procédures de rapatriement et de protection spéciale pour les enfants étrangers victimes de la traite ou d’exploitation sexuelle.

Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour développer l ’ accès des enfants victimes d ’ exploitation sexuelle à des services spécialisés, notamment en définissant des procédures de prise en charge claires et en assurant le suivi psychosocial des enfants jusqu ’ à leur pleine récupération;

b) De faire en sorte que tous les enfants victimes des infractions visées par le Protocole facultatif bénéficient de voies de recours appropriées, en l ’ absence de discrimination, et de limiter les risques de voir ces enfants devenir à nouveau victimes de traite et d ’ exploitation sexuelle en établissant un mécanisme de surveillance et de suivi efficace;

c) D ’ engager un vaste effort de sensibilisation et de mobilisation collective afin de faire évoluer les attitudes à l ’ égard des enfants victimes d ’ exploitation sexuelle, et d ’ informer les enfants et les familles de l ’ assistance et de l ’ appui proposés aux enfants victimes; et

d) De prendre des mesures claires pour orienter le sauvetage , le  rapatriement, la réadaptation et la réinsertion des enfants victimes de traite, de la prostitution et de la pornographie, comportant des procédures claires d ’ assistance spéciale et de rapatriement pour les enfants étrangers, en fonction de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant, ainsi que pour le suivi de ces enfants.

VIII.Assistance et coopération internationales (art. 10)

Accords multilatéraux, bilatéraux et régionaux

À la lumière du paragraphe 1 de l ’ article 10 du Protocole facultatif, le Comité encourage l ’ État partie à continuer de renforcer la coopération internationale dans le cadre d ’ accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux, en particulier avec les pays voisins, notamment en renforçant les procédures et mécanismes visant à coordonner la mise en œuvre de ces accords, en vue de mieux prévenir tout acte visé dans le Protocole facultatif, d ’ en identifier les auteurs, d ’ enquêter sur eux, de les poursuivre et de les punir. Dans ce contexte, le Comité encourage l ’ État partie à promouvoir la mise en œuvre de la Déclaration de 2004 contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, adoptée par l ’ Association des pays d ’ Asie du Sud-Est (ASEAN).

IX.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

Le Comité recommande à l ’ État partie, en vue de renforcer le respect des droits de l ’ enfant, de signer et ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant établissant une procédure de présentation de communications.

X.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les communiquant aux ministères concernés, au Parlement et aux autorités nationales, régionales et locales, pour examen et suite à donner.

Le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites de l ’ État partie et les recommandations adoptées à cet égard (observations finales) soient largement diffusés, notamment − mais pas exclusivement − par Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des associations de jeunes, des organisations professionnelles, des médias et des enfants, afin de susciter le débat et une prise de conscience au sujet du Protocole facultatif , de sa mise en œuvre et de son  suivi.

XI.Prochain rapport

Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 12, le Comité prie l ’ État partie de faire figurer des renseignements sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et la suite donnée aux présentes observations finales dans les cinquième et sixième rapports périodiques qu ’ il soumettra en un seul document au titre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, conformément à l ’ article 44 de la Convention, au plus tard le 19 septembre 2017.