NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/OPSC/VNM/CO/117 octobre 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante ‑troisième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE 12 DU PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, CONCERNANT LA VENTE D’ENFANTS, LA PROSTITUTION DES ENFANTS

ET LA PORNOGRAPHIE METTANT EN SCÈNE DES ENFANTS

Observations finales: Viet Nam

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Viet Nam (CRC/C/OPSC/VNM/1) à sa 1189e séance (voir le document CRC/C/SR.1189), tenue le 22 septembre 2006, et a adopté les observations finales ci‑après à sa 1199e séance, tenue le 29 septembre 2006.

A. Introduction

2.Le Comité prend acte avec satisfaction du rapport initial de l’État partie ainsi que des réponses à sa liste des points à traiter et des renseignements complémentaires fournis par écrit. Il se félicite du dialogue constructif engagé avec une délégation de haut niveau représentative de plusieurs secteurs.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles adoptées le 31 janvier 2003 à l’issue de l’examen du deuxième rapport périodique de l’État partie sur l’application de la Convention (CRC/C/15/Add.200).

B. Aspects positifs

4.Le Comité prend note avec satisfaction des mesures prises par l’État partie pour mettre en œuvre les droits visés dans le Protocole facultatif et renforcer leur protection. Il se félicite en particulier de l’adoption des programmes et du plan suivants:

a)Programme d’action national pour les enfants (2001‑2010);

b)Plan national d’action contre la traite des femmes et des enfants (2004‑2010);

c)Programme intersectoriel pour la prévention de la prostitution (2006‑2010);

d)Programme national de prévention et d’assistance en faveur des enfants des rues, des enfants victimes de violences sexuelles et des enfants astreints à des travaux pénibles et dangereux (2004‑2010).

5.Le Comité se félicite également de la ratification des instruments ci‑après:

a)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (20 décembre 2001);

b)Convention no 138 (1973) de l’OIT concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi, et Convention no 182 (1999) de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination (24 décembre 2003 et 19 décembre 2000 respectivement).

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Mesures d’application générale

Diffusion et formation

6.Le Comité note qu’en dépit des activités menées par l’État partie dans ce domaine, les mesures de sensibilisation du public et des agents de l’État aux questions visées par le Protocole facultatif demeurent insuffisantes. Le Comité s’inquiète en outre de l’insuffisance des compétences du personnel travaillant avec les victimes des infractions visées par le Protocole facultatif, notamment dans le domaine de la réadaptation et de la réintégration des enfants victimes.

7. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et de renforcer l’action qu’il mène pour diffuser les dispositions du Protocole facultatif, en particulier auprès des enfants et des parents − y compris au moyen des programmes scolaires et d’outils adaptés aux enfants − et de continuer à apporter une formation appropriée à tous les groupes de professionnels concernés, notamment ceux travaillant avec et pour les enfants victimes de la vente, de la traite, de la prostitution et de la pornographie. Le Comité recommande également à l’État partie de solliciter une assistance technique à cet effet, notamment auprès de l’UNICEF.

Collecte de données

8.Le Comité s’inquiète du fait que, même si certains progrès ont été accomplis en la matière, la collecte de données sur les questions visées par le Protocole facultatif n’est ni suffisante ni systématique et ne bénéficie pas du financement requis. Le Comité note en outre que si l’on dispose d’informations sur le problème de la traite, des recherches complémentaires seraient nécessaires pour évaluer l’étendue et la portée des problèmes de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants.

9. Le Comité recommande à l’État partie d’entreprendre des recherches sur la nature et la portée des activités se rapportant à la vente d’enfants, à la prostitution des enfants et à la pornographie mettant en scène des enfants et de veiller à ce que des données relatives à ces questions, ventilées notamment par âge, par sexe et par minorité, soient systématiquement collectées et analysées car elles constituent un outil indispensable à l’évaluation de la mise en œuvre des politiques.

2. Interdiction de la vente d’enfants, de la pornographie mettant en scène des enfants et de la prostitution des enfants

Lois et réglementations pénales existantes

10.Le Comité se félicite des amendements apportés au Code pénal en 1997 et 1999 pour y ajouter de nouvelles infractions et instituer des peines plus sévères pour les crimes liés à l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, ainsi que des autres mesures prises pour rendre la législation interne conforme au Protocole facultatif. Le Comité accueille également avec satisfaction les renseignements fournis par la délégation selon lesquels la loi sur la protection de l’enfance de 2004 et la loi sur la jeunesse de 2005 garantissent la protection de toutes les personnes de moins de 18 ans. Il est toutefois préoccupé par le fait que certaines dispositions du Code pénal (notamment les articles 254 à 256 concernant la prostitution des enfants) ne désignent comme enfants que les personnes de moins de 16 ans. Le Comité juge aussi inquiétant:

a)L’absence de disposition définissant explicitement la pornographie mettant en scène des enfants et couvrant suffisamment celle‑ci sur le plan pénal, conformément au paragraphe c) de l’article 2 et au paragraphe 1 c) de l’article 3 du Protocole facultatif;

b)Le fait que l’article 46 du Code pénal dispose que l’auteur d’une infraction peut obtenir une réduction de peine s’il offre une réparation qui est acceptée par la victime ou sa famille, y compris dans le cas des infractions visées par le Protocole facultatif.

11. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De modifier le Code pénal et − si nécessaire − les autres lois de façon à ériger spécifiquement en infraction pénale tous les actes énumérés à l’article 3 du Protocole facultatif, lorsqu’ils sont commis à l’encontre de personnes de moins de 18 ans;

b) De réexaminer l’article 46 du Code pénal afin d’établir une distinction claire entre les sanctions pouvant être imposées aux auteurs d’infractions et les réparations pouvant être réclamées par les victimes;

c) De continuer à solliciter une assistance technique dans ce domaine, notamment auprès de l’UNICEF.

3. Procédure pénale

Compétences

12.Le Comité note que le paragraphe 2 de l’article 6 du Code pénal prévoit l’exercice, dans certains cas, de la compétence extraterritoriale. Il est néanmoins difficile de savoir si cette disposition couvre toutes les situations précises visées aux paragraphes 2 et 3 de l’article 4 du Protocole facultatif.

13. Le Comité recommande à l’État partie d’inclure des renseignements précis sur ce point dans son prochain rapport, en indiquant notamment le nombre d’affaires dans lesquelles la compétence mentionnée aux paragraphes 2 et 3 de l’article 4 du Protocole facultatif a été exercée.

Extradition

14.Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements fournis par la délégation selon lesquels l’article 343 du Code de procédure pénale a été rendu conforme aux dispositions de l’article 5 du Protocole facultatif et la réserve faite à cet article au moment de la ratification, devenue inutile, sera retirée.

15. Le Comité recommande à l’ État partie de procéder sans délai au retrait de la réserve à l’article 5 du Protocole facultatif et d’utiliser cet article, lorsqu’il y a lieu, comme fondement juridique de l’extradition pour toutes les infractions visées par le Protocole facultatif.

4. Protection des droits des enfants victimes

Mesures adoptées pour protéger les droits et intérêts des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif

16.Le Comité est préoccupé par les renseignements selon lesquels la prostitution et le tourisme sexuel seraient en progression dans le pays et au moins 10 % des travailleurs du sexe au Viet Nam seraient des enfants.

17. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer son action pour lutter contre la prostitution des enfants, notamment en mettant dûment en œuvre le programme intersectoriel pour la prévention de la prostitution pour 2006 ‑2010. L’État partie devrait en outre prendre de toute urgence des mesures pour faire face à la montée de la criminalité liée au tourisme sexuel, notamment en mettant au point une stratégie ciblée s’adressant à l’industrie du tourisme, qui prévoirait en particulier la diffusion de messages sur les droits de l’enfant et sur les sanctions auxquelles s’exposent les auteurs de mauvais traitements à enfant.

18.Tout en notant qu’un certain nombre d’organismes officiels, parmi lesquels le Ministère du travail, des invalides de guerre et des affaires sociales, l’Union des femmes, l’Union des jeunes et le Comité pour la population, la famille et l’enfance, mettent en œuvre des programmes axés sur la protection des victimes, le Comité demeure préoccupé par l’insuffisance des ressources disponibles pour financer ces activités. Par ailleurs, le Comité se félicite de la création de bureaux d’accueil aux postes frontière avec la Chine et le Cambodge et de centres d’accueil pour les femmes et les enfants victimes de la traite ou d’exploitation sexuelle. Il est toutefois préoccupé par les faits suivants:

a)Les services de réadaptation et de réinsertion sont d’une portée limitée et le nombre de professionnels qualifiés est insuffisant;

b)Les mesures visant à faciliter la réunion des enfants victimes avec leur famille sont insuffisantes;

c)Compte tenu des articles 254 à 256 du Code pénal, les victimes de la prostitution âgées de 16 à 18 ans ne sont pas nécessairement considérées comme des victimes au regard de la loi et peuvent faire l’objet de sanctions administratives;

d)Il n’existe pas suffisamment d’équipes de police et de magistrats spécialisés dans les activités criminelles visées par le Protocole facultatif.

19. Le Comité recommande à l’État partie d’accorder la priorité au financement de services adéquats d’assistance aux enfants victimes et à leur famille, mettant l’accent sur la réadaptation physique et psychologique, la réinsertion sociale et le rapatriement, lorsqu’il y a lieu. Il souligne à cet égard la nécessité de renforcer la formation des personnes travaillant à la réinsertion sociale et à la réadaptation physique et psychologique des enfants victimes (voir également le paragraphe 6 ci ‑dessus).

20. Le Comité recommande en outre à l’État partie de veiller à ce que les enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif ne soient ni tenus responsables ni sanctionnés et à ce que toutes les mesures possibles soient prises pour éviter la stigmatisation et la marginalisation sociale de ces enfants. Il recommande en outre à l’État partie de continuer à prendre des mesures pour protéger les droits et intérêts des enfants victimes des pratiques visées par le Protocole facultatif à tous les stades de la procédure pénale. À cet égard, l’État partie devrait se fonder notamment sur l’article 8 du Protocole facultatif ainsi que sur les Lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels (résolution 2005/20 du Conseil économique et social, annexe). L’État partie devrait notamment:

a) Veiller à ce que les opinions, besoins et préoccupations des enfants victimes puissent être exposés et pris en compte dans les procédures ayant une incidence sur leurs intérêts personnels;

b) Recourir à des procédures adaptées aux enfants, notamment en mettant à disposition des salles d’entretien spécialement conçues pour eux et en effectuant un enregistrement audio et vidéo des déclarations des enfants victimes;

c) Faire en sorte que les procès se tiennent dès que possible, sauf s’il est dans l’intérêt de l’enfant de retarder l’échéance;

d) Créer des équipes spéciales chargées d’enquêter sur les infractions visées par le Protocole facultatif et former systématiquement les fonctionnaires de la police, les magistrats du parquet, les juges et les autres professionnels concernés aux questions visées par celui ‑ci.

5. Prévention de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants

Mesures adoptées pour prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif

21.Conscient des liens directs entre la pauvreté, le sous‑développement et le risque d’être exposé à toutes les formes d’exploitation, y compris la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le Comité se félicite de l’adoption du programme visant à lutter contre la faim et la pauvreté et à favoriser la création d’emplois et de l’attention accordée par l’État partie aux enfants dans la mise en œuvre des politiques et programmes socioéconomiques.

22. Le Comité encourage l’État partie à continuer d’attacher l’importance nécessaire, y compris au niveau financier, aux stratégies de lutte contre la pauvreté. À cet égard, il recommande à l’État partie à poursuivre ses efforts pour renforcer les capacités des familles défavorisées et vulnérables, notamment par des projets de création d’activités génératrices de revenus, particulièrement dans les zones rurales et les zones reculées. L’État partie devrait également prendre des mesures pour associer les enfants à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques et programmes sociaux visant à prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif.

23.Le Comité se félicite de la création par le Comité pour la population, la famille et l’enfance, en coopération avec Plan Viet Nam, d’un service gratuit d’assistance téléphonique aux enfants fonctionnant 14 heures par jour.

24. Le Comité recommande de renforcer ce service d’assistance téléphonique afin qu’il fonctionne 24 heures sur 24. Il encourage en outre l’État partie à prendre d’autres mesures préventives et à continuer de travailler avec les ONG à l’organisation de campagnes de sensibilisation.

Prévention de la vente d’enfants à des fins d’adoption

25.Tout en prenant note des mesures adoptées en vue de prévenir et de combattre l’adoption internationale illégale, parmi lesquelles la création du Département de l’adoption internationale au sein du Ministère de la justice et l’adoption du décret no 69 de 2006, le Comité est préoccupé par les problèmes qui persistent dans la manière dont est gérée et encadrée l’adoption nationale et internationale. Il s’inquiète également de l’existence d’un vide juridique concernant l’adoption, qui pourrait empêcher que des poursuites soient engagées et que des sanctions soient prononcées à l’encontre des personnes agissant comme intermédiaires pour l’adoption d’un enfant en violation des instruments juridiques internationaux pertinents, conformément au paragraphe 1 a) ii) de l’article 3 du Protocole facultatif.

26. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues, notamment sur le plan législatif, pour garantir que toutes les personnes impliquées dans l’adoption d’un enfant, y compris l’intermédiaire, agissent conformément aux dispositions des instruments internationaux applicables et que le placement de l’enfant ne soit pas motivé par un intérêt financier indu, en particulier dans le cas de l’adoption internationale. Il recommande à l’État partie de mener à bien le processus de ratification de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale de 1993.

6. Aide et coopération internationales

Application des lois

27.Le Comité prend note des accords régionaux et bilatéraux signés par l’État partie, notamment dans le domaine de la lutte contre la traite, parmi lesquels l’Accord bilatéral avec le Cambodge, le Mémorandum d’accord de 2004 sur la coopération aux fins de la lutte contre la traite des personnes dans la sous‑région du bassin du Mékong et le Plan d’action régional contre la traite des femmes et des enfants. Il est toutefois préoccupé par le rôle joué par le Viet Nam en tant que pays d’origine dans la traite des personnes, y compris des enfants, à des fins d’exploitation sexuelle, notamment vers la Chine et le Cambodge.

28. Le Comité recommande à l’État partie de continuer de lutter contre la traite à des fins d’exploitation sexuelle, notamment en mettant dûment en œuvre le Plan national d’action contre la traite des femmes et des enfants. Il encourage en outre l’État partie à continuer de renforcer ses activités de coopération judiciaire et policière internationale à des fins de prévention et pour que les responsables d’actes liés à la vente d’enfants, à la prostitution des enfants, à la pornographie impliquant des enfants et au tourisme sexuel impliquant des enfants soient recherchés, mis en examen, poursuivis et punis. Il recommande également à l’État partie de ratifier le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, de 2000.

7. Suivi et diffusion

Suivi

29. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les faisant parvenir aux ministères concernés, à l’Assemblée nationale et aux conseils du peuple, afin qu’elles soient dûment examinées et suivies d’effet.

Diffusion

30. Le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement, y compris mais non exclusivement par l’Internet, son rapport et ses réponses écrites ainsi que les recommandations du Comité s’y rapportant (observations finales) auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants afin de susciter un débat parmi eux et de les sensibiliser aux dispositions du Protocole facultatif, à son application et à son suivi.

8. Prochain rapport

31. Conformément au paragraphe 2 de l’article 12 du Protocole facultatif, le Comité invite l’État partie à faire figurer des informations complémentaires sur l’application dudit Protocole dans le prochain rapport périodique qu’il doit lui présenter en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant, conformément aux dispositions de l’article 44 de la Convention, le 1 er  septembre 2007.

-----