NATIONS

UNIES

CRC

Convention relative aux

droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/OPSC/TUR/CO/19 juin 2006

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANTQuarante-deuxième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE 12 DU PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, CONCERNANT LA VENTE D’ENFANTS, LA PROSTITUTION DES ENFANTS ET LA PORNOGRAPHIE METTANT EN SCÈNE DES ENFANTS

Observations finales: Turquie

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Turquie (CRC/C/OPSC/TUR/1) à sa 1129e séance (voir le document CRC/C/SR.1129), tenue le 17 mai 2006, et a adopté les observations finales ci-après à sa 1157e séance, tenue le 2 juin 2006.

A. Introduction

2.Le Comité exprime sa satisfaction à l’État partie pour son rapport initial complet et ses réponses détaillées et rapides à la liste des points à traiter (CRC/C/OPSC/TUR/Q/1). Il apprécie le dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles adoptées le 8 juin 2001 après l’examen du rapport initial de l’État partie sur l’application de la Convention, et contenues dans le document CRC/C/15/Add.152.

B. Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction:

a)Les amendements apportés au Code pénal (loi no 5237) et au Code de procédure pénale (loi no 5271), qui sont entrés en vigueur le 1er juin 2005;

b)La loi sur la protection de l’enfance (loi no 5395), qui est entrée en vigueur le 3 juillet 2005 et vise à intégrer les normes internationales dans les procédures et principes applicables aux enfants qui ont besoin d’une protection;

c)La désignation de la Direction générale de l’Agence des services sociaux et de la protection de l’enfance (ASSPE) en tant qu’organisation coordonnatrice chargée du suivi de la mise en œuvre des principes et des dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant et du Protocole facultatif s’y rapportant;

d)La création d’une équipe spéciale nationale visant à lutter contre la traite des êtres humains, et l’adoption d’un plan national d’action en 2003;

e)Les amendements apportés à la Constitution qui permettent l’application directe du Protocole facultatif dans la législation interne;

f)Les activités de formation entreprises par l’État partie afin de mieux faire connaître les questions couvertes par le Protocole facultatif.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Mesures d’application générales

Coordination et évaluation de l’application du Protocole facultatif

5.Tout en prenant note du rôle joué par la Direction générale de l’Agence des services sociaux et de la protection de l’enfance (ASSPE) en tant qu’organisation coordonnatrice chargée du suivi de la mise en œuvre des principes et des dispositions du Protocole facultatif, le Comité demeure préoccupé par le fait que les activités de coordination et de suivi sont insuffisantes.

6. Le Comité engage l’État partie à renforcer les activités de coordination et de suivi, tant au niveau central que local, afin d’adopter une approche plus cohérente et systématique des questions couvertes par le Protocole facultatif, et d’utiliser les activités de coordination pour élaborer des politiques et des stratégies.

Plan d’action national et budget

7.Le Comité se félicite du plan national d’action visant à lutter contre la traite des êtres humains, mais note avec préoccupation que ce plan ne couvre pas toutes les questions visées par le Protocole facultatif et qu’il n’existe pas de plan d’action spécifique concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pédopornographie.

8. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour élaborer, adopter et mettre en œuvre, en consultation et en coopération avec les partenaires compétents, notamment la société civile, un plan d’action national traitant des questions couvertes par le Protocole facultatif, y compris des activités de prévention et de réhabilitation.

9.Le Comité se félicite également de l’existence d’un plan d’action national pour 2005‑2015 concernant l’utilisation d’Internet et d’un projet de loi sur la cybercriminalité, mais regrette l’absence d’informations concernant la mise en œuvre des mesures prévues dans le plan afin de prévenir la diffusion de la pornographie infantile sur Internet.

10. Le Comité recommande à l’État partie de fournir des renseignements précis dans son prochain rapport sur la mise en œuvre du plan d’action national concernant l’utilisation d’Internet, en particulier ses effets sur la prévention de la diffusion de la pédopornographie et l’accès à la pédopornographie, et sur les progrès réalisés dans l’adoption et l’application du projet de loi sur la cybercriminalité.

11.Tout en prenant note des renseignements fournis sur les techniques et les allocations budgétaires, le Comité note avec préoccupation que la mise en œuvre du plan d’action visant à combattre la traite des être humains n’a fait l’objet d’aucune allocation budgétaire directe et que, par conséquent, les ressources nécessaires à sa mise en œuvre sont prélevées sur les budgets des différentes institutions de l’État.

12. Le Comité invite l’État partie à doter le plan d’action de son propre budget, à faire en sorte que ce budget soit suffisant pour permettre l’exécution des activités prévues dans le plan et à n’épargner aucun effort pour que les futurs plans d’action soient également dotés de leur propre budget.

Diffusion et formation

13.Tout en notant les efforts déployés pour organiser des activités de formation à l’intention de nombreux groupes professionnels, le Comité craint que les initiatives visant à sensibiliser tant l’opinion publique que les responsables de l’État et les secteurs de l’administration publique (sécurité, services sociaux, éducation et santé) aux questions traitées dans le Protocole facultatif ne restent insuffisantes.

14. Le Comité recommande que des ressources supplémentaires soient allouées aux campagnes de sensibilisation et à l’élaboration de matériels pédagogiques et de cours de formation, afin de mettre en place des programmes de formation systématique à l’intention des fonctionnaires chargés de l’application du Protocole facultatif. Il recommande en outre à l’État partie de faire connaître aussi largement que possible les dispositions du Protocole facultatif, en particulier auprès des enfants, notamment dans le cadre des programmes scolaires.

Collecte de données

15.Tout en se félicitant des informations fournies par l’État partie dans ses réponses à la liste des points à traiter concernant le nombre d’enfants victimes de la traite, le Comité demeure préoccupé par le manque d’informations sur la situation réelle et sur l’application pratique de toutes les dispositions du Protocole facultatif, par exemple l’absence de données ventilées (par âge, sexe et groupe minoritaire) et l’absence de recherche concernant l’ampleur de la traite des enfants, de la prostitution des enfants et de la pédopornographie dans le pays.

16. Le Comité recommande à l’État partie d’entreprendre des travaux de recherche approfondis sur les questions évoquées dans le Protocole facultatif, de recueillir systématiquement des données ventilées notamment par âge, sexe et groupe minoritaire et de les analyser car elles sont très utiles pour mesurer l’état d’avancement de l’exécution des politiques.

2. Interdiction de la vente d’enfants, de la pornographie mettant en scène des enfants et de la prostitution des enfants

Lois et réglementations pénales existantes

17.Le Comité note que les dispositions relatives à la vente d’enfants, à la prostitution des enfants et à la pédopornographie ont été reconnues et incluses dans le Code pénal et que les amendements apportés au Code pénal de 2005 prévoient notamment des sanctions plus efficaces et des circonstances aggravantes plus élaborées pour les crimes liés à la vente d’enfants, à la prostitution d’enfants et à la pédopornographie. Toutefois, le Comité note qu’il reste encore des lacunes dans le cadre normatif, en particulier celles évoquées par l’État partie concernant la pédopornographie sur Internet.

18. Le Comité engage l’État partie à envisager d’amender la législation actuelle et/ou d’en adopter une nouvelle afin de renforcer les dispositions relatives à la criminalité sur Internet et d’inclure une référence directe à la pédopornographie.

19. Le Comité exhorte l’État partie à renforcer son cadre législatif en ratifiant la Convention sur la cybercriminalité de 2001 et la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains de 2005, du Conseil de l’Europe.

Mise en œuvre de nouvelles lois

20.Le Comité prend note des amendements apportés au Code pénal et au Code de procédure pénale afin de renforcer le cadre juridique concernant les infractions visées par le Protocole facultatif. À cet égard, le Comité demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport une évaluation de l’application et de l’utilisation des dispositions renforcées touchant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pédopornographie, y compris des mesures prises pour revoir les dispositions mentionnées aux paragraphes 17 et 18.

3. Protection des droits des enfants victimes

Mesures adoptées pour protéger les droits et intérêts des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif

21.Le Comité est préoccupé par l’augmentation signalée des cas d’exploitation sexuelle d’enfants. Il s’inquiète également de l’absence d’information exhaustive et de mécanisme de suivi systématique et de plainte, ce qui explique la difficulté à évaluer l’ampleur des problèmes et à en connaître les causes profondes.

22. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en place un suivi efficace et un mécanisme indépendant de plainte afin de s’attaquer efficacement à tous les problèmes visés par le Protocole facultatif. Le mécanisme de plainte devrait être facilement accessible aux enfants.

23.Le Comité prend note de l’entrée en vigueur, en juillet 2005, de la nouvelle loi sur la protection de l’enfance (loi no 5395) et des efforts déployés par l’État partie pour répondre aux préoccupations concernant le cadre juridique applicable aux enfants impliqués dans des procédures pénales.

24. Le Comité invite l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire appliquer la nouvelle loi sur la protection de l’enfance et veiller à ce que les droits et intérêts des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif soient protégés à toutes les étapes de la procédure pénale. À cet égard, il recommande à l’État partie de suivre les Lignes directrices des Nations Unies en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels (résolution 2005/20 du Conseil économique et social).

25.Le Comité prend note des informations figurant dans le rapport de l’État partie sur les services fournis par un certain nombre de prestataires de services aux enfants victimes des infractions visées par le Protocole facultatif. Il s’inquiète toutefois du fait que la fourniture de ces services ne soit pas toujours systématique et ne couvre pas l’ensemble du pays. Il est également difficile de savoir qui a la responsabilité des services fournis et quelle est la réglementation applicable aux prestataires de services.

26. Le Comité demande à l’État partie de fournir dans son prochain rapport des renseignements plus détaillés sur les services fournis, notamment l’aide juridictionnelle gratuite, les soins médicaux et l’aide psychologique, l’accès à un foyer ou à un logement temporaire, etc., ainsi que sur l’organisme public chargé de fournir ces services et les modalités de coopération dans ce domaine avec les organisations non gouvernementales (ONG).

27. Le Comité invite également l’État partie à trouver des moyens de développer le service d’assistance téléphonique mis en place par la Direction générale de l’Agence des services sociaux et de la protection de l’enfance afin de pouvoir toucher les populations marginalisées et les zones rurales. À cet égard, il invite en outre l’État partie à collaborer avec les ONG et les services de télécommunication.

4. Prévention de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants

Mesures adoptées pour prévenir les infractions visées par le protocole facultatif

28.Le Comité est préoccupé par l’absence de débat public sur les questions relatives à la vente d’enfants, à la prostitution des enfants et à la pédopornographie, et par le fait que la sensibilisation du grand public à ces questions reste très limitée.

29. Le Comité engage l’État partie à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris à entreprendre des campagnes, en collaboration avec la société civile, afin de sensibiliser l’opinion publique aux questions traitées dans le Protocole facultatif, et, en particulier, à prendre des mesures complémentaires de prévention axées sur les enfants et à accorder une attention particulière aux enfants des groupes vulnérables.

30.Tout en prenant note de l’établissement de la Cellule de prévention, de protection et d’intervention psychosociales et du déploiement de ses équipes sur tout le territoire en vue d’améliorer la prévention et la protection psychosociales notamment dans les situations d’exploitation, de violence et de maltraitance, et de l’adoption du Plan d’urgence du Gouvernement qui vise notamment à prévenir le travail des enfants, le Comité est préoccupé par l’absence d’information sur les effets de ces mesures.

31. Le Comité recommande à l’État partie de fournir des renseignements précis et ventilés sur les activités et les services de la Cellule et de ses équipes ainsi que sur la mise en œuvre du Plan d’urgence, en particulier sur les mesures prises au titre du plan afin de prévenir et de combattre la prostitution infantile et autres formes d’exploitation sexuelle.

D. Aide et coopération internationales

Application des lois

32.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour renforcer sa coopération avec les diverses organisations intergouvernementales et non gouvernementales régionales et internationales, qui couvrent différents aspects de la Convention relative aux droits de l’enfant. Le Comité regrette toutefois l’absence d’information sur les accords régionaux et, en particulier, bilatéraux visant à prévenir et à identifier les infractions visées par le Protocole facultatif, à enquêter sur de telles infractions, et à en poursuivre et punir les auteurs.

33. Le Comité engage l’État partie à renforcer ses activités de coopération bilatérale et régionale dans les domaines de la justice et de la police, ainsi que ses activités de formation et de sensibilisation concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pédopornographie, et à fournir des informations plus détaillées sur ces questions dans son prochain rapport.

E. Suivi et diffusion

Suivi

34. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les faisant parvenir au Conseil des ministres ou au Cabinet ou à un organe similaire, au Parlement et aux gouvernements et parlements des provinces ou des États, selon qu’il convient, afin qu’elles soient dûment examinées et suivies d’effet.

Diffusion

35. Le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement, y compris (mais non exclusivement) par l’Internet, son rapport et ses réponses écrites, ainsi que les recommandations du Comité s’y rapportant (observations finales) auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat parmi eux et de les sensibiliser aux dispositions de la Convention, à son application et à son suivi.

F. Prochain rapport

36. Conformément au paragraphe 2 de l’article 12 du Protocole facultatif, le Comité invite l’État partie à faire figurer des informations complémentaires sur l’application du Protocole dans le prochain rapport périodique qu’il doit lui présenter en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant, conformément à l’article 44 de la Convention.

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