Nations Unies

CRC/C/OPSC/BEN/CO/1

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

28 novembre 2018

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le rapport soumis parle Bénin en application du paragraphe 1 de l’article 12du Protocole facultatif à la Convention relative aux droitsde l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitutiondes enfants et la pornographie mettant en scène des enfants *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport du Bénin (CRC/C/OPSC/BEN/1) à ses 2325e et 2326e séances (voir CRC/C/SR.2325 et 2326), le 26 septembre 2018, et a adopté les présentes observations finales à sa 2340e séance, le 5 octobre 2018.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie et les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPSC/BEN/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a formulées au sujet du rapport valant troisième à cinquième rapports périodiques que l’État partie a soumis au titre de la Convention (CRC/C/BEN/CO/3-5), adoptées le 29 janvier 2016, et au sujet du rapport qu’il a soumis au titre du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/BEN/CO/1), adoptées le 5 octobre 2018.

II.Observations d’ordre général

Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié en 2018 la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

5.Le Comité salue les diverses mesures que l’État partie a prises dans des domaines touchant à l’application du Protocole facultatif, notamment l’adoption en 2018 du Code pénal modifié.

III.Données

Collecte de données

6.Le Comité prend note de l’existence de bases de données contenant des informations sur les enfants vulnérables et sur l’analyse de la situation des enfants, ainsi que des méthodes utilisées pour repérer les enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif. Il est toutefois préoccupé par l’absence d’un système centralisé de collecte de données ventilées pour tous les domaines qui relèvent du Protocole facultatif. Il est également préoccupé par le fait que les données et les informations sur la protection de l’enfance ne sont pas intégrées dans les systèmes d’information nationaux, tels que le système d’information et de données de l’Observatoire de la famille, de la femme et de l’enfant et le système global de production, d’analyse et de gestion des statistiques.

7. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ élaborer et de mettre en œuvre un système complet, coordonné et efficace de collecte et d ’ analyse de données , de suivi et d ’ étude d ’ impact dans tous les domaines relevant du Protocole facultatif, notamment la prostitution des enfants, la pornographie mettant en scène des enfants et l ’ exploitation sexuelle des enfants dans le secteur d es voyage s et du tourisme, qui s ’ appuie sur des indicateurs convenus concernant les enfants  ;

b) De ventiler les données, notamment par sexe, âge, nationalité et origine ethnique, région et situation socioéconomique ;

c) D ’ intégrer le système de collecte de données dans les systèmes d ’ information nationaux existants sur les questions de protection de l ’ enfance ;

d) De recueillir systématiquement des données sur les auteurs d ’ infractions contre les enfants et sur le nombre de poursuites et de condamnations, ventilées par type d ’ infraction, et de redoubler d ’ efforts pour mettre en place un système d ’ échange d ’ informations entre les organismes publics compétents, tels que le Ministère de la justice, de la législation et des droits de l ’ homme, la Direction de la famille, de l ’ enfance et de l ’ adolescence, l ’ Office central de protection des mineurs et l ’ Office central de répression de la cybercriminalité, qui soit conforme à la Convention et au droit de l ’ enfant à ce que sa vie privée soit pleinement respectée ;

e) D ’ utiliser les informations recueillies pour planifier la mise en œuvre du Protocole facultatif, mettre en place des politiques, élaborer des lois prendre des décisions, réaliser des étude s d’impact et suivre les progrès accomplis en se fondant sur des données factuelles, et notamment pour éclairer les décisions concernant l ’ affectation des ressources budgétaires.

IV.Mesures d’application générales

Législation

8.Le Comité prend note de l’adoption en 2018 du Code pénal modifié, mais est préoccupé par l’application insuffisante de la législation se rapportant au Protocole facultatif en raison de normes et d’attitudes sociales qui favorisent l’exploitation sexuelle des enfants et la violence à leur égard.

9. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour appliquer pleinement et efficacement la législation se rapportant au Protocole facultatif et pour modifier les normes et attitudes sociales qui favorisent l ’ exploitation sexuelle des enfants et la violence à leur égard.

Politique et stratégie globales

10.Le Comité salue la mise en place de la Politique nationale de protection de l’enfant et de la Politique nationale de développement de la justice, ainsi que des plans d’action connexes. Il constate néanmoins avec préoccupation qu’il n’existe pas de plan ou de programme global portant sur l’ensemble des questions visées par le Protocole facultatif.

11. Se référant à ses observations finales de 2016 au titre de la Convention (CRC/C/BEN/CO/3-5, par. 11), le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ élaborer une stratégie globale visant à traiter spécifiquement toutes les questions visées par le Protocole facultatif ;

b) De prévoir des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour la mise en œuvre de cette stratégie.

Coordination et évaluation

12.Le Comité constate avec préoccupation que les mandats de la Commission nationale des droits de l’enfant, de la Cellule nationale de coordination et de suivi pour la protection de l’enfant et du Comité directeur national de lutte contre le travail des enfants manquent de clarté et se chevauchent. Il note aussi avec préoccupation que la coordination aux plans central, régional et communautaire prévue par la Politique nationale de protection de l’enfant n’a pas encore été pleinement réalisée.

13. Se référant à ses observations finales de 2016 au titre de la Convention (CRC/C/BEN/CO/3-5, par. 12 et 13), le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ assurer une coordination efficace entre les divers organismes et comités chargés de la mise en œuvre des politiques relatives aux droits de l ’ enfant, notamment ceux qui relèvent du Ministère de la justice, de la législation et des droits de l ’ homme, du Ministère de la famille, des affaires sociales, de la solidarité nationale, des handicapés et des personnes de troisième âge et de la Direction de la famille, de l’ enfan ce et de l’ adolescen ce ;

b) D ’ assurer la pleine mise en œuvre des mécanismes de coordination énumérés dans la P olitique nationale de protection de l ’ enfant et de faire en sorte qu ’ils disposent des ressources financières, humaines et techniques nécessaires à leur fonctionnement effectif aux plans central, régional et local ;

c) D ’ envisager de créer, à un niveau interministériel élevé, un mécanisme doté d ’ un mandat clair et d e pouvoirs suffisant s pour coordonner, superviser et évaluer toutes les activités liées à l ’ application de la Convention et de s Protocoles facultatifs concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et l ’ implication d ’ enfants dans les conflits armés, aux plans intersectoriel, national, provincial et municipal.

Diffusion et sensibilisation

14.Le Comité relève avec préoccupation que le Protocole facultatif n’est pas suffisamment diffusé et que les fonctionnaires, les enfants et les membres des organisations de la société civile concernées n’en ont qu’une connaissance limitée.

15. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De diffuser plus largement des informations sur les infractions visées par le Protocole facultatif et sur les mesures de prévention auprès des fonctionnaires et du grand public , en particulier l es enfants en situation de vulnérabilité, l es parents, l es personnes s ’ occupant d ’ enfants et tous les groupes professionnels, les chefs communautaires et les chefs religieux concernés, notamment en associant les médias au x activités de sensibilisation ;

b) D ’ adopter dans les meilleurs délais une stratégie nationale d ’ éducation aux droits de l ’ homme, comme recommandé dans le cadre du Programme mondial d ’ éducation dans le domaine des droits de l ’ homme, et de veiller à ce que les principes et les dispositions du Protocole facultatif y figurent en bonne place.

Formation

16.Le Comité note qu’un atelier sur la protection de l’enfance a été organisé à l’intention des policiers et des militaires par l’école nationale de police en 2017 et que des activités de formation sur la protection des enfants par la justice ont été organisées pour les professionnels du système judiciaire en 2013 et 2014. Il relève toutefois avec préoccupation que les mesures prises ne sont pas systématiques et ne couvrent pas de manière adéquate toutes les infractions visées par le Protocole facultatif. Il s’inquiète également de ce que la formation au Protocole facultatif n’ait pas été systématiquement dispensée à tous les principaux groupes professionnels chargés de l’application de cet instrument.

17. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ inclure systématiquement tous les domaines couverts par le Protocole facultatif − notamment la prévention des infractions et la poursuite de leurs auteurs, les procédures judiciaires adaptées aux enfants et les programmes de traitement et de réinsertion des enfants victimes des infractions visées par le Protocole  − dans la formation de tous les groupes professionnels concernés, en particulier les juges, les procureurs, les membres des forces de l ’ ordre, les agents de l ’ immigration, les travailleurs sociaux et les enquêteurs.

Allocation de ressources

18.Le Comité est préoccupé par l’absence de lignes budgétaires spécifiquement consacrées à la mise en œuvre complète et efficace de toutes les dispositions du Protocole facultatif, ainsi que par le suivi insuffisant de l’exécution du budget.

19. Se référant à ses observations finales de 2016 au titre de la Convention (CRC/C/BEN/CO/3-5, par. 14), le Comité recommande à l ’ État partie d e veiller à ce que des ressources suffisantes et ciblées soient allouées à l ’ application effective de toutes les dispositions du Protocole facultatif, notamment en consacrant davantage de ressources financières aux secteurs chargés de la protection de l ’ enfance et en veillant à ce que les ressources nationales soient équitablement réparties , de manière à protéger les enfants qui sont particulièrement exposés aux infractions visées par le Protocole facultatif.

V.Prévention de la vente d’enfants, de la prostitutiondes enfants et de la pornographie mettant en scènedes enfants (art. 9 (par. 1 et 2))

Mesures adoptées pour prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif

20.Le Comité prend note des mesures législatives et administratives prises par l’État partie pour prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif, notamment de l’adoption du Code de l’enfant de 2015, de la Politique nationale de développement de la justice et de la stratégie connexe, du Plan national de lutte contre la traite des personnes (2018-2025), du Plan d’action national pour l’élimination des pires formes de travail des enfants (2012-2015), de la Politique nationale pour la protection de l’enfance (2014-2025) et de la campagne tolérance zéro au mariage des enfants (2017). Toutefois, le Comité est préoccupé par :

a)La pauvreté généralisée qui touche de manière disproportionnée les enfants et les expose particulièrement aux infractions visées par le Protocole facultatif et à la traite des personnes ;

b)Le faible taux d’enregistrement des naissances, s’agissant en particulier des enfants qui vivent dans les zones reculées et les zones rurales, des enfants issus de familles défavorisées et des enfants placés en institution ;

c)Les violences sexuelles infligées aux enfants, en particulier aux filles, par des enseignants en échange de meilleures notes, et les faveurs sexuelles accordées par des enfants en échange d’argent à des hommes plus âgés qui agissent comme leurs « protecteurs » ;

d)L’exploitation des enfants dans le cadre d’un travail forcé ou dangereux, en particulier dans les secteurs du travail domestique et de l’agriculture ;

e)La persistance de pratiques préjudiciables qui peuvent constituer des infractions au regard du Protocole facultatif, telles que le vidomegon (placement des enfants dans des familles qui sont traditionnellement chargées de les élever et de les éduquer, notamment), le placement des enfants dans des couvents vaudou et les agressions et meurtres d’« enfants sorciers » et d’enfants albinos à des fins de prélèvement d’organes ;

f)Le fait que la traite d’enfants en provenance et à destination des pays voisins est répandue, en particulier à des fins de servitude domestique et d’exploitation sexuelle à des fins commerciales s’agissant des filles, et de travail forcé dans les mines, carrières, marchés et fermes s’agissant des garçons, notamment dans les zones d’extraction de diamants ;

g)L’inefficacité des stratégies de prévention, notamment l’absence de repérage précoce des groupes d’enfants exposés à la vente, à la prostitution ou à la pornographie, et l’insuffisance des mesures destinées à combattre les causes profondes de ces infractions ;

h)Le nombre élevé d’enfants en situation de rue, d’enfants migrants, d’enfants abandonnés et d’orphelins dans l’État partie ;

i) La question des enfants disparus et le manque de données récentes à leur sujet.

21. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer ses mesures de prévention pour couvrir tous les domaines visés par le Protocole facultatif, et en particulier :

a) De privilégier des politiques qui mettent l ’ accent sur la prévention des infractions visées par le Protocole facultatif et de sensibiliser le grand public et les populations les plus vulnérables et les plus pauvres, notamment en diffusant des informations sur les effets néfastes de ces infractions et sur les sanctions applicables, et de suivre et d ’ évaluer l ’ efficacité de ces politiques ;

b) De veiller à ce que l es centres d ’ enregistrement des naissances soient efficaces et opérationnels dans tout le pays et de redoubler d ’ efforts pour sensibiliser le public à l ’ importance de l ’ enregistrement des naissances et à la procédure d ’ obtention d ’ un certificat de naissance ;

c) De mettre en place des mécanismes et des directives adaptés aux enfants pour le signalement obligatoire des cas de violence sexuelle et d ’ exploitation sexuelle d ’ enfants, en particulier dans les écoles, et de veiller à ce que les auteurs de tels actes soient tradui ts en justice ;

d) De lutter contre la vente d ’ enfants à des fins de travail forcé, d ’ appliquer les dispositions du Code du travail relatives au travail des enfants, de faire respecter l ’ interdiction des types de travail considérés comme dangereux pour les enf ants en application du décret n o 2011-029 et de renforcer les mécanismes communautaires visant à prévenir et combattre l ’ exploitation économique des enfants ;

e) D e mener des enquête s et d’engager des poursui tes concernant les personnes responsables de pratiques préjudiciables susceptibles de constituer des infractions au titre du Protocole facultatif, et de collaborer étroitement avec les chefs traditionnels et les organisations communautaires pour sensibiliser la population aux effets néfastes de ces pratiques et les éliminer ;

f) D ’ adopter une politique et une stratégie globales couvrant toutes les infractions visées par le Protocole facultatif, d ’ élaborer des procédures systématiques de repérage des enfants victimes, de former les forces de l ’ ordre aux procédures de repérage et d ’ orientation et d ’ apporter un soutien adéquat aux enfants victimes de la traite ;

g) D ’ élaborer des programmes de prévention adaptés aux enfants de manière à traiter les causes profondes et les nombreux facteurs de vulnérabilité qui fragilisent les enfants, les familles et les communautés, et de promouvoir des normes sociales de protection de l ’ enfance en s ’ appuyant sur des projets de développement communautaire et sur les organisations de la société civile , comme les groupes de jeunes, les organisations confessionnelles et les médias, y compris les réseaux sociaux ;

h) De renforcer les procédures d ’ orientation et de suivi et les mécanismes spécialisés permettant de repérer les enfants qui risquent de devenir victimes ou qui sont victimes d ’ infractions visées par le Protocole facultatif, en particulier les enfants en situation de vulnérabilité tels que ceux qui vivent dans la pauvreté ou dans les zones rurales ;

i) D ’ apporter une attention soutenue à la question des enfants disparus ; de recueillir régulièrement d es statistiques et de les analyser et d ’ adopter des stratégies efficaces pour recevoir des signalements et intervenir rapidement , pour accroître les chances de retrouver ces enfants et éviter qu ’ ils ne deviennent victimes d ’ infractions visées par le Protocole facultatif ;

j) De solliciter l ’ assistance technique du Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance et d ’ autres institutions spécialisées.

Adoption

22.Le Comité prend note de la création de l’autorité centrale pour l’adoption internationale en juin 2018, mais est préoccupé par le fait que les enfants ne sont pas suffisamment protégés contre la vente dans le contexte de l’adoption internationale.

23. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ appliquer les dispositions du Code des personnes et de la famille , qui prévoient une procédure d ’ adoption stricte , et d ’ allouer des ressources suffisantes à l ’ autorité centrale pour l ’ adoption internationale nouvellement créée.

Exploitation sexuelle des enfants dans le secteur des voyages et du tourisme

24.Le Comité est préoccupé par le nombre croissant d’enfants victimes d’exploitation sexuelle dans le secteur des voyages et du tourisme dans l’État partie, en particulier le long des côtes des départements du Mono et du Littoral.

25. Le Comité engage instamment l ’ État partie à continuer à sensibiliser les professionnels du tourisme aux effets néfastes de l ’ exploitation sexuelle des enfants dans le secteur des voyages et du tourisme, à diffuser largement le Code mondial d ’ éthique du tourisme de l ’ Organisation mondiale du tourisme auprès des voyagistes et des agences de voyages et à encourager ceux-ci à signer le Code de conduite pour la protection des enfants contre l ’ exploitation sexuelle dans le tourisme et l ’ industrie des voyages. Le Comité exhorte également l ’ État partie à imposer des sanctions appropriées aux auteurs d ’ exploitation sexuelle d ’ enfants dans le secteur des voyages et du tourisme.

Mesures visant à prévenir et à combattre l’exploitation sexuelle et les violences sexuelles auxquelles les enfants sont exposés sur Internet

26.Le Comité est préoccupé par le risque croissant d’exploitation sexuelle des enfants et de violences sexuelles à l’égard des enfants sur Internet, en particulier en raison de l’accès plus aisé à des sites Web néfastes dans les cybercafés et de la faible capacité de l’Office central de répression de la cybercriminalité à surveiller l’accès à ces sites. Le Comité est en outre préoccupé par le nombre de cas signalés de diffusion de photographies d’enfants nus par téléphone mobile.

27. Se référant à la résolution 31/7 du Conseil des droits de l ’ homme, intitulée «  Droits de l ’ enfant : les technologies de l ’ information et de la communication et l ’ exploitation sexuelle des enfants  » , et aux résultats des sommets «  WeProtect  » tenus à Londres en 2014 et à Abou D h abi en 2015, le Comité recommande à l ’ État partie d’adopter , en étroite collaboration avec les secteurs économiques et les organisations concernés, une stratégie nationale visant à prévenir et à combattre l ’ exploitation sexuelle et les violences sexuelles auxquelles les enfants sont exposés sur Internet, qui repose au minimum sur :

a) U ne politique nationale de prévention et de répression de l ’ exploitation sexuelle et d es violences sexuelles visant l es enfants sur Internet , fondée sur un cadre juridique adapté, une entité de coordination et de supervision spé cialisée et des capacités d ’ analyse, de recherche et de suivi ;

b) U ne stratégie de prévention de l ’ exploitation sexuelle et des violences sexuelles visant l es enfants sur Internet , fondée notamment sur un programme de sensibilisation de l ’ opinion publique et sur l’organisation de cours obligatoires dans les écoles concernant le comportement à adopter sur Internet et les règles de sécurité à observer, le but étant de mieux faire connaître ces infractions et d’en améliorer le taux de signalement ; la participation des enfants à l ’ élaboration des politiques et des pratiques ; l’engagement pris par les professionnels du secteur privé de bloquer et retirer les contenus en ligne liés à l ’ exploitation sexuelle denfants et aux violences sexuelles à l’ égard d’enfants , de signaler les faits de cette nature aux autorités compétentes et de mettre au point des solutions innovantes ; de s mesures spéciales visant à traiter les infractions commises sur Internet par l es enfants et les adolescents eux-mêmes, qui mett e nt l ’ accent sur l ’ éducation plutôt que sur les sanctions ; une coopération étroite avec les organisations qui s’emploient à mettre fin à l ’ exploitation sexuelle d es enfants sur Internet ; et la diffusion d’informations fiables, dans le respect de la déontologie, par les médias ;

c) U n appui financier et technique suffisant permett ant à l ’ Office central de répression de la cybercriminalité de s ’ acquitter efficacement de son mandat ;

d) De s services d ’ appui appropriés pour les enfants, y compris des services intégrés pendant les enquêtes, les poursuites et le suivi ultérieur ; de s professionnels formés travaillant avec et pour les enfants ; et de s procédures accessibles pour les plaintes, l ’ indemnisation et les recours ;

e ) U n système de justice pénale spécialisé, proactif , réactif et axé sur les victimes, qui s’appuie sur des force s de police, un parquet et d es juges dûment formés ; l’encadrement des délinquants, notamment un encadrement spécial pour les enfants auteurs d’infractions, en vue de prévenir la récidive, aux niveaux national ou international ; et une base de données nationale reliée à la banque d ’ images de l ’ Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) sur l ’ exploitation sexuelle des enfants.

VI. Interdiction de la vente d’enfants, de la prostitutiondes enfants et de la pornographie mettant en scènedes enfants et questions connexes (art. 3, 4 (par. 2 et 3)et 5 à 7)

Impunité

28.Le Comité est préoccupé par le manque d’informations disponibles sur le nombre de cas qui donnent lieu à une enquête en bonne et due forme et sur le nombre de personnes qui sont traduites en justice et condamnées. Il relève aussi avec préoccupation que l’impunité est largement répandue en raison des croyances et des coutumes traditionnelles et que la plupart des cas de vente d’enfants, de prostitution des enfants et de pornographie mettant en scène des enfants sont réglés à l’amiable et non conformément au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

29. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour que tous les cas de vente d ’ enfants, de prostitution des enfants et de pornographie mettant en scène des enfants donnent lieu à des enquêtes efficaces et que les auteurs d ’ infractions soient traduits en justice et condamnés à des peines appropriées et proportionnées à la gravité des actes commis.

Compétence extraterritoriale et extradition

30.Le Comité se félicite des accords de coopération conclus entre l’État partie et le Nigéria, le Congo et d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, mais regrette l’insuffisance de la coordination internationale, qui se traduit par un faible nombre d’extraditions des auteurs d’infractions visées par le Protocole facultatif.

31. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures pour améliorer la coordination avec le Nigéria, le Congo et les autres pays d ’ Afrique de l ’ Ouest en matière d ’ extradition concernant les infractions visées par le Protocole facultatif  ; de faire figurer les infractions visées par le Protocole facultatif dans tous ses futurs accords d ’ extradition et d ’ envisager d ’ utiliser le Protocole facultatif comme fondement juridique de l ’ extradition pour les infractions visées par le Protocole lorsqu ’ il n ’ existe aucun traité bilatéral d ’ extradition avec le pays concerné.

VII.Protection des droits des enfants victimes (art. 8 et 9 (par. 3 et 4))

Mesures adoptées pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif

32.Le Comité prend note de l’existence d’un service d’assistance téléphonique pour les enfants victimes, de la création des comités locaux chargés de suivre les mécanismes d’orientation permettant aux enfants d’accéder à la justice, et des 10 centres de coordination chargés de la protection de l’enfance, qui disposent de registres pour consigner toutes les infractions commises contre des enfants. Toutefois, le Comité demeure préoccupé par le fait que :

a)Le système en place pour repérer les victimes de la pornographie mettant en scène des enfants, de la prostitution des enfants et de la vente d’enfants, y compris la traite, est inadapté et inefficace ;

b)L’Office central de protection des mineurs n’a ni les moyens ni les ressources nécessaires pour mener ses activités en dehors de la capitale ;

c)Des tribunaux adaptés aux enfants n’ont été créés que dans 2 des 14 tribunaux existants.

33. À la lumière du paragraphe 3 de l ’ article 9 du Protocole facultatif, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre en place des mécanismes et des procédures de repérage précoce des enfants victimes d ’ infractions visées par le Protocole facultatif et de faire en sorte que les personnes chargées du repérage de ces victimes, notamment les membres des forces de l ’ ordre, les autorités chargées du contrôle des frontières et de l ’ immigration, les juges, les procureurs, les travailleurs sociaux et le personnel médical, soient formées aux droits de l ’ enfant, à la protection des enfants et aux techniques d ’ entretien adaptées aux enfants et que leurs mandats bénéficient du soutien financier et technique voulu ;

b) D ’ allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour que tous les enfants victimes aient accès à une aide juridi que gratuite ou subventionnée et au soutien, gratuit ou subventionné, de pédopsychologues, de travailleurs sociaux ou d ’ autres personnes dûment qualifiées ; de veiller à ce que des procédures appropriées soient en place pour que les victimes puissent , sans discrimination, obtenir réparation et être indemnisées  ; et de veiller à ce que l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant soit une considération primordiale ;

c) De doter l ’ Office central de protection des mineurs de ressources suffisantes pour lui permettre d’augmenter ses capacités et d’assurer ses services dans toutes les régions de l ’ État partie ;

d) De continuer à renforcer les tribunaux adaptés aux enfants qui existent déjà en leur allouant le s ressources budg é t aires nécessaire s et de créer de nouveaux tribunaux adaptés aux enfants dans les 12 juridictions qui n’en disposent pas encore .

Réadaptation et réinsertion des victimes

34.Le Comité prend note de la création du centre d’accueil et de transit pour enfants et des autres mesures prises pour favoriser la réadaptation et la réinsertion des victimes, mentionnées dans les réponses écrites de l’État partie à la liste de points (CRC/C/OPSC/BEN/Q/1/Add.1, par. 55 à 60). Toutefois, le Comité constate avec préoccupation :

a)Que l’État partie n’apporte pas une réponse adéquate aux enfants victimes des infractions visées par le Protocole facultatif et que la plupart des services, y compris les foyers d’accueil et les centres d’hébergement temporaire pour les enfants victimes, sont assurés par des organisations non gouvernementales, avec un appui très limité de l’État ;

b)Que l’État partie dispose de très peu de services pouvant se charger de la réadaptation physique et psychologique et de la réinsertion sociale des victimes ;

c)Que l’État partie n’applique pas le décret no 2012-416 établissant les normes et règles applicables aux foyers et aux centres de protection pour enfants.

35. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De renforcer la participation du secteur public à l ’ accroissement et au suivi des ressources financières allouées à la prestation de services aux enfants victimes d ’ infractions visées par le Protocole facultatif et de soutenir les activités des organisations de la société civile dans ce domaine ;

b) De renforcer les services existants assurés par la police, les travailleurs sociaux, les magistrats et les professionnels de la santé en fournissant les ressources humaines, financières et techniques nécessaires ;

c) De rechercher d es familles d ’ accueil afin d e développer et d’encourager d’autres mesures de protection en faveur des enfants victimes de traite ou d’ exploitation ;

d) D ’ intégrer les services et les centres mis en place pour appuyer la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion complète des enfants victimes dans les structures d ’ aide du système de protection de l ’ enfance, et d’ allouer les ressources humaines, techniques et financières nécessaires à leur bon fonctionnement ;

e) De veiller à l ’ application des normes et règles pertinentes aux foyers et centres de protection pour enfants et d ’ assurer une surveillance régulière de ces centres.

Service d’assistance téléphonique

36.Le Comité note avec préoccupation que le service d’assistance téléphonique fourni par l’Office central de protection des mineurs n’est pas pleinement opérationnel et que les enfants victimes ne connaissent pas suffisamment les numéros de téléphone concernés.

37.Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ allouer les ressources humaines, financières et techniques suffisantes pour que le service national d ’ assistance téléphonique dédié aux enfants soit pleinement opérationnel et accessible, et d ’ investir dans des programmes visant à mieux faire connaître sa fonction et à accroître son accessibilité.

VIII.Assistance et coopération internationales (art. 10)

Accords multilatéraux, bilatéraux et régionaux

38. À la lumière du paragraphe 1 de l ’ article 10 du Protocole facultatif, le Comité encourage l ’ État partie à continuer d ’ intensifier la coopération internationale au moyen d ’ accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux, en particulier avec les pays voisins, tels que le Nigéria, ainsi qu ’ avec le Gabon et le Congo, notamment en renforçant les procédures et les mécanismes visant à coordonner la mise en œuvre de ces accords, en vue de réaliser des progrès pour ce qui est de prévenir et de détecter les infractions visées par le Protocole facultatif, d ’ enquêter sur ces infractions et d ’ en poursuivre et punir les responsables .

IX.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

39. Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier le Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications, afin de renforcer encore le respect des droits de l ’ enfant.

X.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

40. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre, et notamment qu’elles soient transmises au M inistère de la justice, de la législation et des droits de l’homme, au Ministère de la famille, des affaires sociales, de la solidarité nationale, des handicapés et des personnes de troisième âge, au Conseil consultatif national des enfants, à la Commission nationale des droits de l’enfant, à la Direction de la famille, de l’enfance et de l’adolescence et à l’Office central de protection des mineurs , pour examen et suite à donner.

41. Le Comité recommande que le rapport et les réponses écrites à la liste de points soumis par l ’ État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés, notamment sur Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi.

B.Prochain rapport périodique

42. Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 12 du Protocole facultatif, le Comité prie l ’ État partie de faire figurer des informations complémentaires sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et sur la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il soumettra en application de l ’ article 44 de la Convention.