NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/OPSC/LTU/CO/116 octobre 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante-neuvième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE 12 DU PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, CONCERNANT LA VENTE D’ENFANTS, LA PROSTITUTION DES ENFANTS ET LA PORNOGRAPHIE METTANT EN SCÈNE DES ENFANTS

Observations finales: LITUANIE

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Lituanie (CRC/C/OPSC/LTU/1) à sa 1349e séance (CRC/C/SR.1349), le 18 septembre 2008, et a adopté les observations finales ci-après à sa 1369e séance (CRC/C/SR.1369), le 3 octobre 2008.

Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, ainsi que les réponses à la liste des points à traiter (CRC/C/OPSC/LTU/Q/1/Add.1), qui ont été soumises en temps voulu, mais regrette que le rapport n’ait pas été rédigé strictement conformément aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports. Il se félicite du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation pluridisciplinaire de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie qu’il convient de lire les présentes observations finales conjointement avec les précédentes observations qu’il a formulées concernant le deuxième rapport périodique (CRC/C/LTU/CO/2) et le rapport initial de l’État partie au titre du Protocole facultatif, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/LTU/CO/1).

I. Observations générales

Aspects positifs

4.Le Comité prend acte avec satisfaction de l’adoption des mesures d’ordre législatif et autre indiquées ci-après:

a)Mesures actives prises dans les domaines de la prévention de la traite et de la prostitution d’enfants et des poursuites pouvant être engagées, notamment l’adoption et la mise en œuvre du programme 2005-2008 pour la prévention et la répression de la traite des êtres humains; et

b)Mesures adoptées pour protéger les victimes de sévices sexuels ou de la prostitution, notamment le programme national 2005-2007 et 2008-2010 de prévention de la violence contre les enfants et d’assistance.

5.Le Comité note également avec satisfaction que l’État partie a signé ou ratifié:

a)La Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, le 29 avril 1998;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole, le30mars 2007;

c)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre lesdisparitions forcées, le 6 février 2007; et

d)La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, en 2008.

II. Collecte de données

6.Le Comité accueille avec satisfaction les données statistiques fournies par l’État partie dans son rapport et ses réponses écrites à la liste de questions, mais regrette qu’il n’y ait pas suffisamment de données ventilées notamment par sexe, âge, zones urbaines/rurales ni de travaux de recherche portant sur les domaines couverts par le Protocole facultatif.

7. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer et de mettre en place un mécanisme global et systématique de collecte, d’analyse et de contrôle des données relatives à tous les domaines visés par le Protocole facultatif. Ces données devraient être ventilées notamment par nature de l’infraction et par sexe, âge, zones urbaines/rurales, une attention particulière devant être portée aux groupes d’enfants vulnérables.

III. Mesures générales d’application

Plan d’action national

8.Tout en saluant le Programme pour la prévention et la répression de la traite des êtres humains pour 2005‑2008, le Comité constate avec préoccupation qu’il n’existe pas de plan d’action spécifique contre la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

9. Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer un plan d’action national destiné à traiter de manière exhaustive toutes les questions visées par le Protocole facultatif et de dégager les ressources humaines et financières nécessaires à la mise en œuvre de ce plan. Ce faisant, l’État partie devrait porter une attention particulière à l’application de toutes les dispositions du Protocole facultatif en tenant compte des Déclaration et Programme d’action et de l’Engagement mondial adoptés respectivement au premier et au deuxième Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (Stockholm 1996, Yokohama 2001).

Évaluation indépendante

10.Le Comité note avec satisfaction la création du Bureau du Médiateur chargé de la protection des droits de l’enfant en 2000 et les réponses que l’État partie a fournies à certaines des recommandations faites dans son rapport sur la question de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants. Il note également qu’en 2007, le Médiateur a formulé des propositions à l’intention du Seimas (Parlement) et du Gouvernement concernant la situation des enfants victimes de la traite et de la prostitution en Lituanie.

11. Le Comité recommande à l’État partie d’étudier sans retard les r ecommandations soumises par le M édiateur des droits de l’enfant et de continuer à lui fournir les ressources humaines et financières nécessaires à l’exercice de son mandat, y compris l’évaluation de l’application du Protocole facultatif.

Diffusion et formation

12.Tout en saluant les diverses activités de formation et de diffusion entreprises par l’État partie dans le domaine de la traite des êtres humains, notamment des enfants, le Comité demeure préoccupé par le caractère empirique des efforts déployés pour sensibiliser les catégories professionnelles concernées et l’opinion publique en général au Protocole facultatif et pour former convenablement les fonctionnaires de police, les juges, les procureurs et les travailleurs sociaux qui travaillent auprès des enfants et pour eux; il s’inquiète aussi du fait que ces efforts ne portent pas sur tous les domaines visés par le Protocole facultatif.

13. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer ses activités de diffusion et de formation, et de consacrer des ressources suffisantes à l’élaboration de matériels et de cours de formation dans tous les domaines couverts par le Protocole facultatif, à l’intention de toutes les catégories professionnelles concernées, y compris les policiers, les procureurs, les juges, le personnel médical, les médias et les autres professionnels chargés d’appliquer le Protocole facultatif. En outre, compte tenu du paragraphe 2 de l’article 9, le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement les dispositions du Protocole facultatif, en particulier auprès des enfants et de leur famille, notamment par le biais des programmes scolaires, ainsi que de campagnes de sensibilisation et d’une formation à long terme sur les mesures préventives et sur les conséquences néfastes de toutes les infractions visées dans le Protocole, en encourageant la participation de la communauté et en premier lieu celle des enfants et des enfants victimes.

Allocation de ressources

14.Le Comité note avec préoccupation les écarts quant au niveau et à la qualité des services offerts aux enfants victimes d’infractions visées dans le Protocole facultatif, en fonction des ressources humaines et financières dont la municipalité concernée dispose.

15. Le Comité encourage l’État partie à veiller à ce que des ressources suffisantes soient équitablement allouées dans tout le pays à la mise en œuvre de tous les aspects du Protocole facultatif, et à fournir, en particulier, les ressources humaines et financières nécessaires à l’élaboration et l’exécution de programmes ayant pour objet la prévention, la protection, le rétablissement physique et psychologique et la réinsertion sociale des victimes, ainsi que la réalisation d’enquêtes et l’exercice de l’action publique pour les infractions visées par le Protocole facultatif.

IV. Prévention de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants

Mesures adoptées pour prévenir les infractions visées par le Protocole

16.Le Comité note que le Parlement le cadre d’orientation des politiques de la famille, qui vise à renforcer et soutenir «l’institution traditionnelle de la famille». Le Comité relève toutefois avec inquiétude que la mise en œuvre de ce cadre d’orientation pourrait grandement entraver la mise à disposition d’informations et des services en matière de santé de la procréation à l’intention des adolescents, ce qui aurait des conséquences particulièrement néfastes pour les enfants visés par le Protocole facultatif.

17. Le Comité recommande à l’État partie, dans sa mise en œuvre du cadre d’orientation des politiques de la famille, de veiller à ce que les adolescents disposent d’informations et de services appropriés en matière de santé de la procréation , notamment pour répondre aux besoins particuliers des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif en ce qui concerne leur rétablissement et leur réadaptation, et à ce que tous leurs droits soient respectés.

18.Le Comité juge extrêmement préoccupants les renseignements fournis dans le rapport de l’État partie, à savoir que «Les mineurs de moins de 18 ans (en particulier les adolescentes), vivant en internat, dans un foyer éducatif ou en institution spécialisée, dans une maison d’enfants administrée par l’État ou une organisation non gouvernementale, ou dans une famille socialement à risque sont très vulnérables à la traite, à la prostitution et à la pornographie.».

19.Le Comité note les efforts entrepris par l’État partie pour réduire la pauvreté et l’exclusion sociale afin d’éviter que les enfants appartenant à des groupes vulnérables ne soient victimes d’infractions visées dans le Protocole facultatif. Cependant, il s’inquiète de ce que les mesures de prévention ciblées et les programmes de sensibilisation visant à lutter contre la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, de même que les mesures permettant de cerner les causes et l’étendue du problème, restent limités, notamment s’agissant des enfants vivant dans la pauvreté et des enfants vivant en institution.

20. Le Comité encourage l’État partie à:

a) Entreprendre des travaux de recherche sur les effets des actions de prévention passées et sur la nature et l’étendue de l’exploitation sexuelle des enfants, y compris la prostitution et la pornographie, pour déterminer quels enfants y sont exposés et éliminer les facteurs à l’origine du problème ;

b) Adopter, sur la base de l’étude susmentionnée, une stratégie plus générale et plus ciblées de lutte contre la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, comprenant des mesures de prévention, de rétablissement et de réadaptation à l’intention particulière des groupes d’enfants vulnérables; et

c) Demander, afin d’assurer une prévention plus efficace dans les domaines couverts par le Protocole facultatif, l’assistance technique du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et d’autres organisations et institutions internationales .

V. I nterdiction de la vente d’enfants, de la pornographie mettant en scène des enfants et de la prostitution des enfants

Lois et réglementations pénales existantes

21.Le Comité salue les modifications qui ont été apportées au Code pénal et au Code de procédure pénale pour les mettre en conformité avec le Protocole facultatif depuis sa ratification, notamment concernant la plus grande responsabilité pénale des parents naturels et des gardiens légaux en cas de prostitution d’enfants ou de pornographie mettant en scène des enfants. Il demeure cependant préoccupé par le fait que le Code pénal de l’État partie ne réprime pas l’ensemble des actes et activités énumérés au paragraphe 3 du Protocole facultatif. Il relève que le Code pénal ne donne aucune définition de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants.

22.Le Comité invite instamment l’État partie à revoir sa législation, en particulier le Cod e pénal, en vue de la mettre en conformité totale avec le Protocole facultatif, et d’y inclure notamment des définitions de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants, conformément aux alinéas b et c de l’article 3 du Protocole.

Loi de prescription

23.Le Comité prend note de la durée de prescription fixée pour les infractions visées par leProtocole facultatif, mais s’inquiète du fait que dans certaines circonstances celle‑ci soit parfois trop courte et que le jeune âge de la victime empêche toutes poursuites pénales.

24. Le Comité recommande à l’État partie de revoir la durée de prescription fixée pour les infractions visées par le Protocole facultatif , de manière à ce que celle ‑ ci ne commence à courir qu’à partir de la date à laquelle l’enfant victime atteint sa majorité .

Compétence et extradition

25.Le Comité se félicite de ce que, dans l’État partie, l’achat et la vente d’enfants relèvent de la compétence universelle, mais regrette que le champ d’application de cette compétence universelle ne s’applique pas aux autres infractions visées par le Protocole facultatif.

26. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de prendre des mesures pour étendre le champ d’application de la compétence univer selle de manière à ce que celui ‑ ci couvre toutes les infractions visées par le Protocole facultatif et de supprimer la condition de la double incrimination.

VI. Protection des droits des enfants victimes

Mesures adoptées pour protéger les droits et le s intérêts des enfants victimes d’actes interdits par le Protocole facultatif

27.Le Comité prend note avec satisfaction des diverses mesures juridiques qui ont été prises pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes et des témoins dans le cadre des procédures judiciaires et de l’existence d’un service judiciaire distinct et spécialisé pour s’occuper des enfants qui sont victimes d’infractions visées par le Protocole. Il note toutefois avec préoccupation que ces mesures sont plus discrétionnaires qu’obligatoires et regrette qu’il n’y ait pas assez d’informations sur les programmes spécifiques de réadaptation destinés aux enfants victimes, ni de données sur les indemnisations accordées aux victimes.

28. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à redoubler d’efforts pour aligner sa législation et ses procédures administratives sur les dispositions du Protocole facultatif et de s’inspirer à cet égard des Lignes directrices des Nations Unies en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels (résolution 2005/20 du Conseil économique et social). L’État partie devrait en particulier :

a) Au vu du paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif, continuer à renforcer les mesures, y compris législatives, visant à protéger les droits et les intérêts des enfants qui ont été victimes ou témoins d’actes interdits par le Protocole facultatif, à tous les stades de la procédure pénale ;

b) Poursuivre la mise en place de services spécialisés pour le traitement médical et psychologique des enfants victimes et, compte tenu de l’article 9 du Protocole facultatif, prendre les mesures nécessaires pour garantir que les enfants victimes bénéficient de toute l’aide dont ils ont besoin, en particulier pour se rétablir physiquement et psychologiquement et se réinsérer socialement, en leur permettant notamment de consulter facilement, dans tout le pays, des professionnels de l’enfance victime;

c) Prendre des mesures pour dispens er une formation appropriée, en particulier dans les domaines juridique et psychologique, aux personnes appelées à s’occuper d’enfants qui ont été victimes d’infractions visées dans le Protocole facultatif, conformément au paragraphe 4 de l’article 8 du Protocole;

d) Poursuivre et renforcer la collaboration avec les ONG afin de soutenir leurs actions de sensibilisation et leurs efforts visant à proposer des services adéquats aux enfants victimes;

e) Promouvoir la permanence téléphonique, notamment en allouant des ressources suffisantes et en faisant en sorte qu’elle soit accessible par un numéro gratuit à trois chiffres, opérationnel vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; et

f) Veiller à ce que tous les enfants victimes aient accès à des procédures leur permettant, sans discrimination, de demander réparation aux personnes légalement responsables, conformément au paragraphe 4 de l’article 9 du Protocole facultatif.

29.Le Comité s’inquiète de ce que les enfants victimes d’infractions visées dans le Protocole facultatif puissent être tenus pour responsables, notamment du cas des enfants victimes de prostitution âgés de 16 et 17 ans qui peuvent se voir imposer des amendes administratives.

30.Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre toutes les mesures possibles pour éviter la stigmatisation et la marginalisation sociale des enfants victimes d’infractions visées dans le Protocole facultatif, et de procéder aux modifications législatives néc essaires pour faire en sorte que ces enfants ne soient ni poursuivis ni sanctionnés.

VII. Aide et coopération internationales

31.Le Comité, bien que saluant les mesures que l’État partie a prises pour lutter activement contre la traite des enfants et la prostitution mettant en scène des enfants, en étroite coopération avec le Conseil des États de la mer Baltique, s’inquiète de ce qu’il soit indiqué dans le rapport de l’État partie qu’«il n’y a pas eu d’entraide judiciaire internationale en relation avec des infractions visées dans le Protocole facultatif».

32. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour continuer à renforcer la coopération internationale par le biais d’accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux, en accordant la place requise à la prévention, afin que les responsables d’actes liés à la vente d’enfants, à la prostitution des enfants, à la pornographie mettant en scène des enfants soient identifiés, recherchés, rapatriés, poursuivis et inculpés .

VIII. Suivi et diffusion

Suivi

33. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les présentes recommandations soient plei nement appliquées, notamment en les transmettant aux ministères concernés, au Seimas (Parlement) et aux autorités locales, pour examen et suite à donner.

Diffusion

34. Le Comité recommande que le rapport et les réponses écrites de l’État partie, ainsi que les recommandations y relatives adoptées (observations finales), soient largement diffusés, y compris sur l’Internet (mais pas exclusivement), auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes de professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et de sensibiliser au Protocole facultatif, à son application et à son suivi.

IX. Prochain rapport

35. Conformément au paragraphe 2 de l’article 12, le Comité invite l’État partie à donner des informations complémentaires sur l’application du Protocole facultatif dans le quatrième rapport périodique qu’il présentera au titre de l’article 44 de la Convention relative aux droits de l’enfant.

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