NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/OPSC/FRA/CO/115 octobre 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante ‑sixième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE 12 DU PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, CONCERNANT LA VENTE D’ENFANTS, LA PROSTITUTION DES ENFANTS

ET LA PORNOGRAPHIE METTANT EN SCÈNE DES ENFANTS

Observations finales: France

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la France (CRC/C/OPSC/FRA/1) à ses 1270e et 1271e séances, tenues le 26 septembre 2007, et a adopté les observations finales ci‑après à sa 1284e séance, tenue le 5 octobre 2007.

I. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial complet présenté par l’État partie mais regrette qu’il ne contienne pas d’informations sur les départements et territoires d’outre‑mer (DOM-TOM). Il se félicite des réponses écrites (CRC/C/OPSC/FRA/Q/1/Add.1) à sa liste de points à traiter, ainsi que du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation, représentative de nombreux secteurs de la société.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales devraient être rapprochées de ses précédentes observations finales, adoptées à l’issue de l’examen du deuxième rapport périodique de l’État partie, le 4 juin 2004, qui figurent dans le document CRC/C/15/Add.240.

A. Aspects positifs

4.Le Comité prend acte avec satisfaction de l’adoption par l’État partie de nombreuses lois et réglementations ayant trait au Protocole facultatif, notamment:

a)La loi no 2004‑1 du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et la protection de l’enfance portant création de l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED);

b)La loi no 2004‑575 du 21 juin 2004 portant modification de certaines dispositions du Code pénal relatives à la pédopornographie;

c)La loi no 2005‑744 du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption et portant création de l’Agence française de l’adoption;

d)La loi no 2006‑399 du 4 avril 2006 de transposition de la décision‑cadre no 2004/68/JAI du Conseil de l’Europe du 22 décembre 2003, relative à la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie;

e)La loi no 2007-291 du 5 mars 2007 relative au recueil du témoignage des mineurs victimes d’une infraction à caractère sexuel;

f)La loi no 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.

5.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié des instruments internationaux et régionaux ayant un lien avec le Protocole facultatif, notamment:

a)La Convention no 182 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, en septembre 2001;

b)Le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en octobre 2002;

c)Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en octobre 2002;

d)La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, en mai 2007.

B. Principes généraux de la Convention relative aux droits de l’enfant (art. 2, 3, 6 et 12)

6.Le Comité regrette que les principes généraux de la Convention relative aux droits de l’enfant n’aient pas été suffisamment pris en considération dans les mesures d’application adoptées par l’État partie au titre du Protocole facultatif. Il est particulièrement préoccupé par les méthodes employées à l’égard des demandeurs d’asile et des enfants isolés placés dans les zones d’attente des aéroports.

7.Le Comité recommande que les principes généraux de la Convention relative aux droits de l’enfant, en particulier le principe de non-discrimination, soient repris dans toutes les mesures adoptées par l’État partie pour appliquer les dispositions du Protocole facultatif, y compris les procédures judiciaires ou administratives.

II. Données

8.Le Comité note que l’Observatoire national de l’enfance en danger a pour mission de recueillir, d’analyser, d’évaluer et de diffuser les données chiffrées, études, recherches et pratiques de prévention et d’intervention dans le domaine de la protection de l’enfance. Cependant, il regrette que le rapport de l’État partie ne contienne guère de données et d’informations sur les recherches relatives aux domaines visés par le Protocole facultatif.

9. Le Comité recommande à l’ État partie de faire en sorte que des données, ventilées notamment par âge, sexe et origine ethnique ou sociale, soient recueillies et analysées systématiquement, car elles constituent un outil indispensable pour formuler et mettre en œuvre des politiques. À cet égard, il encourage l’ État partie à entreprendre des études approfondies sur les questions visées par le Protocole, notamment la vente, la prostitution, la pornographie et le tourisme sexuel, afin d’avoir une vue d’ensemble claire des problèmes, d’identifier leurs causes profondes et d’élaborer des politiques efficaces pour les prévenir et les combattre.

III. Mesures d’application générales

Coordination et évaluation de la mise en œuvre du Protocole facultatif

10.Le Comité prend note du rôle que jouent différents ministères et commissions interministérielles dans la mise en œuvre du Protocole facultatif et de la responsabilité des conseils régionaux ainsi que de la participation de la société civile à cet égard. Cependant, il regrette qu’il n’existe pas d’organe spécialement chargé de coordonner et d’évaluer la mise en œuvre du Protocole facultatif.

11. Le Comité recommande à l’ État partie de mettre en place un organe spécialement chargé de coordonner et d’évaluer la mise en œuvre du Protocole facultatif. Il le prie instamment de veiller, par l’intermédiaire de cet organe, à la coordination effective de la mise en œuvre du Protocole facultatif entre les niveaux national et régional ainsi qu’avec les DOM-TOM.

Diffusion et formation

12.Le Comité prend note avec satisfaction des actions de sensibilisation menées par l’État partie dans les domaines visés par le Protocole facultatif et en particulier des campagnes contre l’exploitation sexuelle des enfants dans le cadre du tourisme.

13. Le Comité encourage l’ État partie à poursuivre les campagnes de sensibilisation qu’il mène contre l’exploitation sexuelle des enfants dans le cadre du tourisme et à en assurer un suivi régulier. Il lui recommande également de consacrer les ressources nécessaires à l’organisation de campagnes de sensibilisation et à la mise au point de matériels pédagogiques et de cours à l’intention des professionnels qui travaillent avec et pour les enfants, en particulier les membres des forces de l’ordre ainsi que les parlementaires, les juges, les conseillers juridiques, le personnel de santé et le personnel des collectivités locales, les professionnels des médias, les travailleurs sociaux, les enseignants, les administrateurs des écoles et autres personnes qui, le cas échéant, sont chargés de l’application du Protocole facultatif.

Allocation de ressources

14.Tout en prenant note des mesures prises par les différents ministères concernés par l’application du Protocole facultatif en vue d’allouer des ressources aux activités menées dans ce domaine, notamment du budget consacré à la permanence téléphonique et à l’Observatoire national de l’enfance en danger, le Comité regrette qu’il ne soit pas indiqué si ces ressources sont ou non suffisantes pour mettre en œuvre le Protocole facultatif.

15. Le Comité invite l’ État partie à donner plus de renseignements sur l’allocation de ressources aux activités liées à la mise en œuvre du Protocole facultatif. L’État partie devrait accorder une importance particulière à l’allocation de ressources, éventuellement au moyen de crédits budgétaires affectés à la prévention, aux enquêtes menées rapidement et à la répression effective des infractions visées par le Protocole facultatif, ainsi qu’à la protection, aux soins et à la réinsertion sociale des enfants victimes.

IV. Prévention de la vente d’enfants, de la prostitution des enfantset de la pédopornographie

Mesures adoptées pour prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif

16.Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie, en collaboration avec des professionnels, des organisations non gouvernementales et la société civile, pour prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif. Il regrette cependant l’absence de stratégie systématique et globale permettant de faire face au problème de la pédopornographie.

17. Le Comité recommande à l’ État partie:

a) D’appliquer des mesures concrètes fondées sur les recommandations figurant dans le rapport intitulé «Les enfants du Net-II: pédopornographie et pédophilie sur l’Internet», publié en 2005;

b) D’élaborer un programme global de lutte contre la pédopornographie et les risques associés à l’Internet, qui comprendrait des informations et une formation destinées aux partenaires concernés, c’est-à-dire les enfants;

c) De mettre en œuvre des campagnes et des programmes pédagogiques spécialisés pour faire face au problème de la demande d’enfants aux fins d’exploitation sexuelle, que révèle la circulation croissante d’images pédopornographiques.

V. Interdiction de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pédopornographie et questions connexes

Lois et dispositions pénales existantes

18.Tout en prenant note des mesures prises par l’État partie pour incriminer la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pédopornographie, le Comité regrette que l’incrimination de l’adoption internationale irrégulière ne soit pas prévue en tant qu’acte de vente d’enfants.

19. Le Comité recommande à l’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour que la législation nationale soit conforme aux articles 2 et 3 du Protocole facultatif, en particulier pour que les définitions de la vente d’enfants (art. 2 a)) et du fait d’obtenir indûment le consentement à l’adoption d’un enfant (art. 3, par. 1 a) ii)) énoncées par le Protocole facultatif soient incorporées dans le droit interne.

Compétence concernant les infractions visées au paragraphe 1 de l’article 3 du Protocole facultatif

20.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a établi sa compétence extraterritoriale pour les infractions relatives à la prostitution des enfants et à la pédopornographie. Il constate cependant avec inquiétude que cette compétence extraterritoriale ne couvre pas tous les cas visés à l’article 4 du Protocole facultatif.

21. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître de toutes les infractions visées dans le Protocole facultatif conformément à son article 4.

VI. Protection des droits des enfants victimes

Mesures adoptées pour protéger les droits et intérêts des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole

22.Le Comité regrette qu’aucune information ne soit disponible sur le nombre d’enfants victimes ayant bénéficié d’une aide à la réadaptation et d’une indemnisation telles que définies aux paragraphes 3 et 4 de l’article 9 du Protocole facultatif.

23. Le Comité recommande à l’ État partie:

a) De recueillir systématiquement des données ventilées, notamment par sexe, âge et lieu géographique (y compris les DOM-TOM), sur le nombre d’enfants victimes ayant bénéficié d’une aide à la réadaptation et d’une indemnisation;

b) De collaborer avec des organisations non gouvernementales pour veiller à ce que les enfants victimes aient accès aux services appropriés, en vue notamment de leur rétablissement physique et psychologique et de leur réinsertion sociale, conformément au paragraphe 3 de l’article 9 du Protocole;

c) De mettre en place des formations systématiques et continues pour tous les acteurs de la protection des enfants victimes;

d) De garantir à tous les enfants victimes des infractions décrites dans le Protocole l’accès à des procédures leur permettant, sans discrimination, de réclamer réparation du préjudice subi aux personnes juridiquement responsables, en application du paragraphe 4 de l’article 9 du Protocole, et d’allouer des crédits suffisants aux programmes et mesures nécessaires à la réadaptation des enfants victimes;

e) De tenir compte des Lignes directrices des Nations Unies en matière de justice dans les affaires impliquant des enfants victimes et témoins (résolution 2005/20 du Conseil économique et social).

24.Le Comité est profondément préoccupé par la situation des enfants isolés placés dans les zones d’attente des aéroports français et par le fait que la décision de placement n’est pas susceptible de recours, par le fait que l’obligation légale de désigner un administrateur ad hoc n’est pas respectée systématiquement et que ces enfants qui sont particulièrement exposés au risque d’exploitation ne bénéficient pas d’une assistance psychologique. Il s’inquiète également de ce que ces enfants soient souvent renvoyés, sans que les situations soient dûment évaluées, dans des pays où ils risquent d’être victimes d’exploitation.

25. Le Comité prie instamment l’ État partie de prendre des mesures pour mettre en place une procédure de recours contre les décisions de placement en zone d’attente, d’appliquer pleinement les dispositions légales relatives à la désignation d’un administrateur ad hoc, de respecter son obligation de veiller à ce que les enfants isolés puissent bénéficier d’une assistance psychologique appropriée et de protéger les enfants contre l’exploitation dans les zones d’attente, en particulier en assurant une stricte surveillance de l’accès à ces zones. Il lui recommande en outre, compte dûment tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant, de ne pas renvoyer les enfants qui ont besoin d’une protection internationale et qui risquent d’être de nouveau victimes de la traite dans les pays où ce danger existe. À cet égard, il recommande à l’ État partie de s’appuyer sur son Observation générale n o  6 (CRC/GC/2005/6) relative au traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine.

VII. Assistance et coopération internationales

Prévention et répression

26.Le Comité prend note avec satisfaction des divers accords bilatéraux et mémorandums d’accord signés par l’État partie dans le domaine de la coopération judiciaire et en matière de sécurité.

27. Le Comité encourage l’État partie à poursuivre et à renforcer sa coopération bilatérale, régionale et multilatérale en matière de prévention, de recherche et d’enquête, ainsi que de poursuites et de sanctions contre les auteurs d’actes comprenant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pédopornographie, en particulier avec les organismes chargés de l’application des lois des États qui ont des problèmes dans ce domaine.

Assistance financière et autre

28.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie apporte son concours à de nombreuses initiatives dans le cadre de la coopération internationale et de ses relations bilatérales avec des pays en développement.

29. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’intensifier ses efforts pour promouvoir l’application du Protocole facultatif à l’échelle internationale.

VIII. Suivi et diffusion

Suivi

30 . Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures propres à assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les communiquant aux ministères compétents, à l’Assemblée nationale et au Sénat, ainsi qu’aux autorités régionales et départementales, y compris dans les DOM-TOM, afin qu’elles soient dûment prises en considération et suivies d’effet .

Diffusion

31. Le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement, y compris mais non exclusivement par Internet, son rapport initial et ses réponses écrites, ainsi que les recommandations du Comité s’y rapportant (observations finales), auprès du grand public, des organismes de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant les dispositions du Protocole facultatif, son application et son suivi.

IX. Prochain rapport

32. Conformément au paragraphe 2 de l’article 12, le Comité prie l’État partie de faire figurer des informations complémentaires concernant l’application du Protocole facultatif dans son prochain rapport périodique sur l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant, conformément aux dispositions de l’article 44 de la Convention. Ce rapport devrait contenir des informations sur la mise en œuvre du Protocole facultatif dans les départements et territoires français d’outre-mer.

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