Nations Unies

CRC/C/OPSC/GIN/CO/1

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

26 octobre 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le rapport soumis par la Guinée en application du paragraphe 1 de l’article 12 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport de la Guinée (CRC/C/OPSC/GIN/1) à sa 2243e séance (voir CRC/C/SR.2243), le 25 septembre 2017, et a adopté les présentes observations finales à sa 2251e séance (voir CRC/C/SR.2251), le 29 septembre 2017.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie et les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPSC/GIN/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a formulées au sujet du deuxième rapport périodique que l’État partie a soumis au titre de la Convention (CRC/C/GIN/CO/2), adoptées le 13 juin 2013, et au sujet du rapport qu’il a soumis au titre du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/GIN/CO/1), adoptées le 29 septembre 2017.

II.Observations d’ordre général

Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié le Protocole facultatif à la Convention concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés le 8 avril 2016.

5.Le Comité accueille également avec satisfaction les progrès accomplis en ce qui concerne la création d’institutions, l’adoption de plans et de programmes nationaux et la mise en place de plusieurs organismes propres à faciliter la mise en œuvre du Protocole facultatif, notamment :

a)La politique nationale de promotion et de protection des droits et du bien-être de l’enfant en Guinée et son premier plan triennal pour la période 2017‑2019, adoptés respectivement en 2015 et en 2016 ;

b)Le protocole de coopération entre la Guinée et le Sénégal signé en 2017 dans le cadre du plan d’action de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) contre la traite des personnes ;

c)La réforme du système judiciaire en 2014 ;

d)La Commission de l’adoption internationale créée en 2013 ;

e)Les institutions destinées aux enfants telles que le Parlement des enfants de Guinée, qui organise depuis 2011 des activités de sensibilisation et de mobilisation sociale en vue de la réalisation des droits de l’enfant ;

f)L’Office de protection du genre, des enfants et des mœurs, institué en 2009.

III.Données

Collecte de données

6.Le Comité prend note de la collecte de données sectorielles réalisée par l’Institut national de la statistique ainsi que par les organismes du système de protection de l’enfance en Guinée. Il note toutefois avec préoccupation qu’il n’existe pas de mécanisme global de collecte de données ventilées concernant toutes les infractions visées par le Protocole facultatif, en particulier des données sur la prostitution des enfants, ce qui limite la capacité de l’État partie de suivre et d’évaluer les progrès réalisés au sujet de ces infractions.

7. Rappelant ses précédentes observations finales au titre de la Convention, le Comité invite instamment l’État partie à :

a) Élaborer et mettre en œuvre un système global, coordonné et efficace de collecte de données sur toutes les questions visées par le Protocole facultatif, à savoir la vente d’enfants, la prostitution des enfants, la pornographie mettant en scène des enfants et l’adoption illégale, aussi bien sur le territoire national qu’en dehors de celui-ci, afin de pouvoir analyser la situation des enfants, effectuer un suivi efficace des mesures prises et en évaluer l’incidence. Les données devraient être ventilées, entre autres, par sexe, âge, nationalité, origine ethnique, région géographique et situation socioéconomique ;

b) Allouer les ressources humaines, techniques et financières nécessaires au bon fonctionnement du système de collecte de données ;

c) Réaliser une étude sur la vente d’enfants, notamment sur ses liens avec le mariage d’enfants, les mutilations génitales féminines, la pornographie mettant en scène des enfants, la prostitution des enfants, la traite d’enfants et la migration clandestine ;

d) Recueillir des données sur le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées pour des infractions visées par le Protocole facultatif, et les ventiler en fonction de la nature de l’infraction.

IV.Mesures d’application générales

A.Législation

8.Le Comité note que le Code de l’enfant interdit la traite d’enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Il relève cependant avec préoccupation que la législation de l’État partie ne définit ni n’incrimine toutes les formes de vente d’enfants, notamment le travail forcé, qui est une infraction apparentée mais non identique à celle de la traite des personnes. Il est également préoccupé par le fait que le Code pénal n’érige pas en infractions la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, qui sont visées par les articles 2 et 3 du Protocole facultatif. Il prend note en outre avec préoccupation du retard pris dans l’harmonisation du Code de l’enfant avec le nouveau Code pénal et qui aboutit à l’existence de dispositions contradictoires quant aux sanctions applicables.

9. Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte, dans le cadre de la révision de la législation nationale qui est en cours, que tous les actes et toutes les activités visés par le Protocole facultatif, notamment toutes les formes de vente d’enfants, de prostitution des enfants et de pornographie mettant en scène des enfants, soient pleinement couverts par le Code de l’enfant et le droit pénal. Il lui recommande également d’accélérer l’harmonisation du Code de l’enfant avec le nouveau Code pénal.

B.Politique et stratégie globale

10.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas pris de mesures stratégiques pour prévenir la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et protéger les enfants victimes d’exploitation sexuelle dans le cadre de la politique nationale de promotion et de protection des droits et du bien-être de l’enfant en Guinée. Il est également préoccupé par le peu d’intérêt que suscitent les objectifs de la politique nationale chez les partenaires chargés de sa mise en œuvre.

11. Le Comité recommande à l’État partie de réviser la politique nationale de promotion et de protection des droits et du bien-être de l’enfant en Guinée afin d’y intégrer la lutte contre la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. À cet égard, l’État partie devrait tenir compte des résultats du Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. Le Comité lui recommande également de renforcer la collaboration entre tous les acteurs concernés par la révision et la réalisation des objectifs de la politique nationale de promotion et de p rotection des droits et du bien ‑ être de l’enfant en Guinée.

C.Coordination et évaluation

12.Le Comité prend note de la création de mécanismes visant à assurer la coordination intersectorielle entre les institutions et les organisations non gouvernementales chargées de la réalisation des droits de l’enfant. Il prend cependant note avec préoccupation du nombre d’institutions, de divisions et de subdivisions qui prennent part à la mise en œuvre du Protocole facultatif et du manque de ressources humaines, techniques et financières allouées au Comité guinéen de suivi de la protection des droits de l’enfant, chargé de coordonner et de surveiller la mise en œuvre, au niveau national, des conventions internationales ayant trait aux droits de l’enfant, au Comité national de lutte contre la traite des personnes et à la Commission de l’adoption internationale.

13. Se référant à ses observations finales au titre de la Convention, le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre les mesures voulues pour garantir que le Comité guinéen de suivi de la protection des droits de l’enfant soit le principal coordonnateur de la mise en œuvre des droits de l’enfant et des dispositions du Protocole facultatif, et de définir clairement les responsabilités incombant à tous les autres acteurs concernés ;

b) D’intensifier la collaboration entre le Comité guinéen de suivi de la protection des droits de l’enfant et toutes les autres institutions, divisions et unités qui prennent part à la mise en œuvre de la Convention et de ses protocoles facultatifs ;

c) De fournir au Comité guinéen de suivi de la protection des droits de l’enfant, au Comité national de lutte contre la traite des personnes et à la Commission de l’adoption internationale les ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour qu’ils puissent suivre et évaluer effectivement les activités menées dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention et de ses protocoles facultatifs dans différents secteurs et à tous les niveaux.

D.Diffusion et sensibilisation

14.Le Comité prend note des initiatives qui ont été prises pour sensibiliser les populations et les familles à la traite et à l’exploitation des enfants, en particulier dans le cadre du Mois de l’enfant guinéen et de la Journée internationale de la fille, et note avec satisfaction qu’elles ont permis de déceler un certain nombre d’infractions visées par le Protocole facultatif. Il regrette toutefois que les activités de sensibilisation à destination du grand public ne traitent pas suffisamment de l’exploitation sexuelle des enfants, du transfert d’organes, du travail forcé, de l’adoption illégale et de la pédopornographie.

15. Le Comité encourage l’État partie à redoubler d’efforts pour faire connaître toutes les dispositions du Protocole facultatif au grand public, et notamment à :

a) Concevoir et mettre en œuvre des programmes de sensibilisation spécifiques et durables, y compris en partenariat avec les médias et les responsables communautaires afin que ces programmes aient une incidence aux niveaux national, régional et local, en mettant particulièrement l’accent sur les mesures de prévention, les programmes d’accompagnement et les mécanismes de signalement pour toutes les infractions visées par le Protocole facultatif, notamment l’exploitation sexuelle, le transfert d’organes, le travail forcé, l’adoption illégale et la pornographie mettant en scène des enfants ;

b) Veiller à ce que les programmes adoptés fassent l’objet d’évaluations de suivi, afin de recenser les lacunes potentielles et d’y remédier ;

c) Faire en sorte que les questions relevant du Protocole facultatif soient abordées dans les programmes scolaires à tous les niveaux d’enseignement au moyen de supports adaptés créés spécialement pour les enfants.

E.Formation

16.Le Comité salue l’organisation de formations relatives à la traite d’enfants à l’intention d’acteurs intermédiaires, tels que les transporteurs, et des forces armées postées le long des frontières, ainsi que la mise en place de modules de formation harmonisés sur la gestion des affaires portant sur la traite. Il note toutefois avec préoccupation que les juges, les procureurs, les travailleurs sociaux et les enquêteurs chargés des questions liées à la traite d’enfants n’ont pas encore reçu de formation sur le Protocole facultatif et la législation nationale correspondante.

17. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer et d’étendre ses activités de formation. Celui-ci devrait veiller à ce que les formations soient pluridisciplinaires, à ce qu’elles traitent de tous les domaines visés par le Protocole facultatif et la législation nationale correspondante, et à ce qu’elles soient systématiquement dispensées à tous les professionnels qui travaillent avec ou pour les enfants, notamment les agents de l’immigration, les juges, les procureurs, les travailleurs sociaux et les enquêteurs chargés de questions en rapport avec la traite d’enfants.

F.Allocation des ressources

18.Le Comité se félicite de l’évolution de l’investissement public en faveur des enfants. Toutefois, il prend note avec préoccupation :

a)De l’absence d’informations sur les ressources affectées à l’exécution de la politique nationale de promotion et de protection des droits et du bien-être de l’enfant, et de l’insuffisance des ressources humaines, techniques et financières allouées au suivi de la mise en œuvre des dispositions du Protocole facultatif par l’Office de protection du genre, des enfants et des mœurs, le Comité guinéen de suivi de la protection des droits de l’enfant, le Comité national de lutte contre la traite des personnes et la Commission de l’adoption internationale ;

b)Des répercussions de la mauvaise gestion des fonds et de la corruption sur la mise en œuvre du Protocole facultatif.

19. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’allouer les ressources humaines, techniques et financières nécessaires à l’exécution de la politique nationale de promotion et de protection des droits et du bien-être de l’enfant et au bon fonctionnement des structures chargées de suivre et de mettre en œuvre les dispositions du Protocole facultatif dans tous les domaines auxquels il s’applique ;

b) De renforcer les mesures de prévention et de lutte contre la corruption pour faire en sorte que les ressources nécessaires à la réalisation des droits de l’enfant soient disponibles.

V.Prévention de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants (art. 9 (par. 1 et 2))

A.Mesures adoptées pour prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif

20.Le Comité note qu’une procédure a été mise au point pour permettre aux antennes locales du système de protection de l’enfance d’identifier les enfants vulnérables, qu’un fonds national de relance et de résilience post-Ébola a été créé et que des projets d’intégration professionnelle et sociale ont été réalisés à l’intention des populations vulnérables. Il est toutefois préoccupé par l’insuffisance des fonds alloués aux projets d’intégration et par la portée limitée de ces derniers. Il prend également note avec préoccupation de l’absence de stratégies pour remédier aux causes profondes des infractions visées par le Protocole facultatif, en particulier compte tenu :

a)Du niveau élevé de pauvreté des ménages, de la détérioration des services sociaux et du nombre considérable d’orphelins, circonstances qui font qu’un grand nombre d’enfants, y compris les plus jeunes, sont soumis au travail forcé dans ses formes les plus graves (dans les mines, comme travailleurs domestiques, dans l’agriculture, dans les rues et, pour les enfants mendiants, comme guides d’aveugles). Le Comité est en outre préoccupé par l’augmentation du nombre d’enfants vendus à des fins d’exploitation sexuelle ;

b)De la persistance de pratiques préjudiciables telles que les mariages d’enfants et les mutilations génitales féminines ;

c)De l’absence de réglementation des pratiques, telles que le confiage, qui rendent les enfants encore plus vulnérables, et du manque de sensibilisation dans les communautés ;

d)De la nature transnationale des pratiques susmentionnées, étant donné le nombre croissant d’enfants guinéens non accompagnés qui émigrent vers l’Europe.

21. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une stratégie globale de lutte contre les causes profondes et les facteurs de risque des infractions visées par le Protocole facultatif et d’inclusion sociale des enfants vulnérables, et de prévoir les ressources nécessaires à la mise en œuvre de cette stratégie. Celle-ci devrait cibler les enfants les plus vulnérables qui sont susceptibles d’être victimes des infractions visées par le Protocole facultatif, en particulier les enfants dont la famille a été touchée par l’épidémie d’Ébola, les enfants issus de familles défavorisées, les enfants handicapés, les enfants atteints d’albinisme, les jumeaux, les enfants mariés, les enfants employés comme travailleurs domestiques, les enfants des rues, ainsi que les enfants migrants, réfugiés, demandeurs d’asile ou sans papiers ;

b) De multiplier les initiatives visant à mettre fin aux pratiques préjudiciables qui s’apparentent à la vente d’enfants, en accordant une attention particulière aux groupes d’enfants vulnérables ;

c) De réglementer les pratiques qui rendent les enfants vulnérables, telles que la pratique informelle du confiage, afin de prévenir la maltraitance et les violences sexuelles, de protéger les enfants contre ces actes et de faire connaître la réglementation correspondante dans les communautés ;

d) D’intensifier la coopération internationale dans le cadre des accords bilatéraux et multilatéraux de lutte contre la traite d’enfants en Afrique de l’Ouest et de conclure de nouveaux accords, notamment avec la Sierra Leone, pour prévenir et faire cesser les pratiques contraires aux dispositions du Protocole facultatif.

B.Adoption

22.Le Comité se félicite de la création de la Commission de l’adoption internationale et des mesures qui ont été prises pour mettre en œuvre la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Il note toutefois avec préoccupation que les ressources allouées à cette commission sont insuffisantes et que le Code de l’enfant ne réglemente pas tous les aspects de l’adoption internationale.

23. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures législatives et d’élaborer des directives contre l’adoption illégale, de sensibiliser le public à la question et de veiller à ce que toutes les personnes qui interviennent dans la procédure d’adoption d’un enfant agissent conformément aux instruments juridiques internationaux applicables et à l’intérêt supérieur de l’enfant ;

b) D’allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes à la Commission de l’adoption internationale afin qu’elle puisse appliquer le Code de l’enfant révisé, et de veiller à ce qu’elle puisse remplir sa fonction de manière optimale ;

c) D’intensifier son action pour faire en sorte que toutes les adoptions soient pleinement conformes aux principes et aux dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant, de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale et des autres instruments internationaux applicables.

C.Tourisme pédophile

24.Le Comité note avec satisfaction que le Code de l’enfant interdit le tourisme pédophile. Il est néanmoins préoccupé par le manque d’études et de données spécifiques sur l’exploitation sexuelle des enfants dans le tourisme et l’industrie des voyages.

25. Le Comité demande instamment à l’État partie d’entamer un dialogue avec les professionnels du tourisme sur les effets préjudiciables de l’exploitation sexuelle des enfants dans le tourisme et l’industrie des voyages, de diffuser largement le Code mondial d’éthique du tourisme de l’Organisation mondiale du tourisme auprès des voyagistes et des agences de voyage s et de les encourager à signer le Code de conduite pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle dans le tourisme et l’industrie des voyages. En outre, il engage l’État partie à prononcer des peines appropriées à l’encontre des personnes reconnues coupables d’exploitation sexuelle d’enfants dans le tourisme et l’industrie des voyages.

D.Mesures prises pour prévenir et combattre l’exploitation sexuelle et la violence sexuelle dont les enfants peuvent être victimes sur Internet

26.Le Comité est préoccupé par l’absence de mesures de prévention de l’exploitation et de la violence sexuelles dont les enfants peuvent être victimes sur Internet.

27. Se référant à la résolution 31/7 du Conseil des droits de l’homme, qui traite des technologies de l’information et de la communication et de l’exploitation sexuelle des enfants, et aux textes adoptés lors des sommets que l’Alliance mondiale WePROTECT, qui s’efforce de mettre fin à l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet, a tenus à Londres en 2014 et à Abou Dhabi en 2015, le Comité recommande à l’État partie d’adopter un plan d’action national pour prévenir et combattre l’exploitation sexuelle et la violence sexuelle dont les enfants peuvent être victimes sur Internet, en collaboration étroite avec les secteurs et les organisations compétents. Ce plan d’action devrait prévoir, au minimum :

a) Une politique nationale de prévention et de répression de l’exploitation sexuelle et de la violence sexuelle dont les enfants peuvent être victimes sur Internet, qui reposerait sur une législation adaptée, un organe de coordination et de supervision spécialisé et des outils spécifiques d’analyse, de recherche et de suivi ;

b) Une stratégie visant à prévenir l’exploitation sexuelle et la violence sexuelle dont les enfants peuvent être victimes sur Internet, notamment grâce à un programme de sensibilisation du grand public aux comportements à adopter pour être en sécurité sur Internet, à faire savoir en quoi consistent ces infractions et en promouvoir le signalement ;

c) Un système de justice pénale spécialisé, à la fois capable d’anticipation et réactif et centré sur les victimes, doté de fonctionnaires de police, de procureurs et de personnel judiciaire formés, et d’une base de données nationale reliée à celle de l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL).

VI.Interdiction de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants et questions connexes (art. 3, 4 (par. 2 et 3) et 5 à 7)

A.Législation et réglementation pénales en vigueur

28.Le Comité se félicite de l’adoption des nouveaux Code pénal et Code de procédure pénale, et prend note du processus d’harmonisation entre le Code pénal et le Code de l’enfant. Cependant, il relève avec préoccupation que le nouveau Code pénal :

a)N’incrimine ni la vente, ni la prostitution d’enfants ;

b)Ne protège de l’attentat à la pudeur que les enfants de moins de 16 ans et subordonne la protection des enfants de plus de 16 ans à leur situation conjugale ;

c)Permet l’application de sanctions plus légères pour les actes de vente ou de traite d’enfants, notamment des amendes au lieu de l’incarcération.

29. Le Comité recommande à l’État partie de modifier le Code pénal et :

a) D’incriminer la vente d’enfants et la prostitution d’enfants, conformément aux articles 2 et 3 du Protocole facultatif ;

b) D’étendre la protection contre l’attentat à la pudeur à toutes les personnes de moins de 18 ans ;

c) De veiller à ce que les sanctions soient proportionnelles à la gravité de l’infraction.

30.En outre, le Comité est préoccupé par le fait que le Code pénal :

a)Ne fait pas de distinction entre les délinquants adultes et les délinquants mineurs et prévoit que les enfants qui communiquent des images d’eux-mêmes de leur plein gré peuvent être reconnus coupables d’avoir produit, fourni et diffusé des images à caractère pédopornographique ;

b)N’incrimine la pornographie mettant en scène des enfants que lorsque celle‑ci est diffusée par des moyens de communication électroniques ;

c)Ne contient pas une définition complète de la pornographie.

31. Le Comité recommande à l’État partie, conformément aux articles 2 et 3 du Protocole facultatif, de modifier son Code pénal et :

a) De dépénaliser la communication consentie d’images produites par les enfants eux-mêmes et de faire en sorte que le traitement des délinquants mineurs soit de nature à favoriser leur sens de la dignité et qu’il soit pleinement conforme aux dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant et du Protocole facultatif ;

b) De concevoir des programmes de sensibilisation des enfants aux risques liés à l’utilisation des médias numériques et des technologies de l’information et de la communication pour produire leurs propres contenus, et de renforcer les programmes existants ;

c) D’établir une définition complète de la pornographie et d’incriminer la pornographie mettant en scène des enfants sous toutes ses formes.

B.Impunité

32.Le Comité est vivement préoccupé par le très faible nombre d’enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de condamnations prononcées pour des infractions liées à la mendicité forcée et à la prostitution d’enfants. Il est également préoccupé par le recours à la médiation dans des affaires d’exploitation sexuelle d’enfants et de violences sexuelles à l’égard d’enfants. Il est en outre préoccupé par le fait que des dirigeants communautaires et des agents de l’État s’immiscent dans les procédures judiciaires et par la défiance de la population à l’égard du système judiciaire.

33. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte :

a) Que toutes les affaires de vente d’enfants, de prostitution d’enfants et de pornographie mettant en scène des enfants fassent l’objet d’une enquête ;

b) Qu’il ne soit pas recouru à la médiation dans des affaires d’exploitation sexuelle d’enfants ou de violences sexuelles à l’égard d’enfants ;

c) Que tous les auteurs soient poursuivis et condamnés à des peines appropriées et proportionnelles à la gravité de leurs actes ;

d) Que les personnes qui s’immiscent dans les procédures judiciaires aient à répondre de leurs actes.

C.Responsabilité des personnes morales

34.Le Comité prend note du projet d’instaurer la responsabilité des personnes morales pour la traite des personnes dans la version révisée du Code de l’enfant. Il est toutefois préoccupé par l’absence de dispositions sur la responsabilité des personnes morales dans le nouveau Code pénal.

35. Le Comité recommande à l’État partie d’inscrire expressément dans le Code pénal le principe de responsabilité des personnes morales impliquées dans l’une quelconque des infractions visées par le Protocole facultatif, conformément au paragraphe 4 de l’article 3 du Protocole. Il lui recommande également d’adopter des lois qui encadrent la conduite des agences de recrutement et fixent des peines proportionnelles à la gravité de l’infraction commise.

D.Compétence extraterritoriale et extradition

36.Le Comité prend note de la ratification de la Convention de la CEDEAO relative à l’entraide judiciaire en matière pénale et de la Convention d’extradition de la CEDEAO. Il se félicite de l’établissement de la compétence extraterritoriale dans le Code de l’enfant et dans le nouveau Code de procédure pénale, mais regrette que l’extradition soit soumise au critère de la double incrimination.

37. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’inclure les infractions visées par le Protocole facultatif dans tous les traités d’extradition à venir ;

b) De veiller à ce que l’extradition pour des infractions visées par le Protocole facultatif ne soit pas entravée par le critère de la double incrimination.

VII.Protection des droits des enfants victimes (art. 8 et 9 (par. 3 et 4))

A.Mesures adoptées pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif

38.Le Comité prend note des dispositions du Code de l’enfant qui régissent la protection des victimes et des témoins cités dans des procédures judiciaires, mais reste préoccupé par les informations selon lesquelles des enfants victimes feraient l’objet de menaces et d’actes d’intimidation. Il note également avec préoccupation qu’en raison de menaces, les enfants victimes craignent pour la sécurité de leurs parents s’ils portent plainte. En outre, le Comité est préoccupé par l’insuffisance des ressources allouées à l’assistance juridique et aux tuteurs, qui empêche les enfants victimes de bénéficier effectivement de l’appui offert par ces services, alors même que ceux-ci sont prévus par le Code de l’enfant.

39. Compte tenu du paragraphe 3 de l’article 9 du Protocole facultatif et renvoyant à ses observations finales au titre de la Convention, le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire en sorte que les enfants victimes ou témoins d’infractions visées par le Protocole facultatif ne fassent pas l’objet d’une nouvelle victimisation et que les éléments de preuve tels que les enregistrements vidéo de témoignages soient toujours acceptés dans les procédures judiciaires ;

b) De prévoir des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour que tous les enfants victimes aient accès à une aide juridique gratuite et au soutien de pédopsychologues et de travailleurs sociaux, et de veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit la considération première.

B.Réadaptation et réinsertion des victimes

40.Le Comité prend note de l’élaboration d’une politique nationale de protection sociale. Il est toutefois préoccupé par :

a)Le très faible nombre de services de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale ;

b)Le fait que la plupart des refuges et des centres sont dirigés par des organisations non gouvernementales et que l’État partie leur fournit un appui très limité ;

c)L’absence de procédures pour la prise en charge des enfants dans leur communauté, la non-application des protocoles existants quant à la prise en charge des enfants victimes de la traite et le manque d’harmonisation des procédures de repérage et de protection des enfants victimes de la traite ;

d)Le manque de coordination quant à la protection et à l’accompagnement des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif.

41. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De créer un fonds national de lutte contre la traite d’enfants ainsi qu’une procédure de consultation des organisations de la société civile pour l’élaboration et le suivi des budgets alloués à la fourniture de services destinés aux enfants ;

b) Dans le cadre de la politique nationale de protection sociale, d’intégrer les services et centres de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion totale des enfants victimes aux structures de soutien du système de protection de l’enfance, et de leur allouer les ressources humaines, techniques et financières nécessaires à leur bon fonctionnement ;

c) De définir et d’harmoniser les procédures de soutien aux victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif et de s’assurer de leur application par l’intermédiaire des structures centrales et décentralisées du système de protection de l’enfance, d’une part, et des services communautaires, d’autre part ;

d) D’ encourager les structures nationales et préfectorales du système de protection de l’enfance à collaborer étroitement avec le Comité guinéen de suivi de la protection des droits de l’enfant, le Comité national de lutte contre la traite des personnes et la Commission de l’adoption internationale dans la mise en œuvre de la politique nationale de protection sociale et des procédures correspondantes.

VIII.Assistance et coopération internationales (art. 10)

Accords multilatéraux, bilatéraux et régionaux

42. À la lumière du paragraphe 1 de l’article 10 du Protocole facultatif, le Comité encourage l’État partie à continuer d’intensifier la coopération internationale au moyen d’accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux, en particulier avec les pays voisins, notamment en renforçant les procédures et les mécanismes visant à coordonner la mise en œuvre de ces accords, en vue de réaliser des progrès pour ce qui est de prévenir et de détecter les infractions visées par le Protocole facultatif, d’enquêter sur ces infractions et d’en poursuivre et punir les responsables.

IX.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

43. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier le Protocole facultatif établissant une procédure de présentation des communications, afin de renforcer encore le respect des droits de l’enfant.

X.Mise en œuvre et soumission de rapports

44. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre, et notamment qu’elles soient transmises aux ministères concernés, au Parlement et aux autorités nationales et locales pour examen et suite à donner.

45. Le Comité recommande que le rapport et les réponses écrites à la liste de points soumis par l’État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés, notamment par l’intermédiaire des médias, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi.

XI.Prochain rapport périodique

46. Conformément au paragraphe 2 de l’article 12 du Protocole facultatif, le Comité prie l’État partie de faire figurer des informations complémentaires sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et sur la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra en application de l’article 44 de la Convention.