Nations Unies

CRC/C/OPSC/COD/CO/1

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

28 février 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le rapport soumis par la République démocratique du Congo en application du paragraphe 1 de l’article 12 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants *

I.Introduction

Le Comité a examiné le rapport de la République démocratique du Congo (CRC/C/OPSC/COD/1) à sa 2170e séance (voir CRC/C/SR.2170), le 19 janvier 2017, et a adopté les présentes observations finales à sa 2193e séance, le 3 février 2017.

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie, mais regrette de ne pas avoir reçu de réponses écrites à la liste de points à traiter puisque des réponses lui auraient permis de mieux appréhender la mise en œuvre du Protocole facultatif en République démocratique du Congo. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie.

Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales sont à lire conjointement avec celles concernant le rapport de l’État partie valant troisième à cinquième rapports périodiques soumis en application de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/COD/CO/3-5), adoptées le 3 février 2017, et celles concernant le rapport soumis en application du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/COD/CO/1), adoptées le 3 février 2012.

II.Observations générales

Aspects positifs

Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification par l’État partie des instruments internationaux ci-après :

a)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2005 ;

b)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2005 ;

c)Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2005.

Le Comité prend note avec satisfaction des mesures législatives prises par l’État partie dans des domaines relatifs à l’application du Protocole facultatif, en particulier de l’adoption des textes suivants :

a)La loi portant modification du Code de la famille de 1987, le 15 juillet 2016 ;

b)La loi no 06/018 de 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais ;

c)La loi no 06/019 de 2006 modifiant et complétant le décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale congolais.

III.Données

Collecte de données

Le Comité est vivement préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de mécanisme de collecte systématique de données relatives aux infractions visées par le Protocole facultatif, ainsi que par l’absence d’informations fiables sur les cas signalés, les poursuites engagées et les déclarations de culpabilité prononcées et sur la situation générale des enfants particulièrement exposés au risque de devenir victimes de telles infractions.

Le Comité engage instamment l’État partie  :

a) À élaborer et mettre en œuvre un mécanisme complet et coordonné permettant de recueillir et d’analyser des données sur tous les domaines couverts par le Protocole facultatif, et notamment sur le nombre de poursuites engagées et de déclarations de culpabilité prononcées pour des infractions liées à la vente d’enfants, la prostitution des enfants, la pornographie mettant en scène des enfants et la traite d’enfants  ;

b) À ventiler ces données par sexe, âge, nationalité, origine ethnique, région et situation socioéconomique, entre autres facteurs, en accordant une attention particulière aux enfants qui risquent d’être victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif  ;

c) À utiliser les renseignements recueillis aux fins de la prise de décisions de politique générale, de la réalisation d’études d’impact et du suivi de la mise en œuvre du Protocole facultatif.

IV.Mesures d’application générales

Législation

Le Comité constate que la législation interne interdit la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Il s’inquiète toutefois de ce que la législation pénale en vigueur ne couvre pas expressément toutes les infractions visées par le Protocole facultatif telles qu’elles sont définies à l’article 3. Il est particulièrement préoccupé par le fait qu’aucune loi ne définisse ni n’incrimine expressément toutes les formes de vente d’enfants, phénomène qui est similaire, mais pas identique, à la traite d’enfants.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que l’ensemble des actes et des activités visés par le Protocole facultatif, notamment toutes les formes de vente d’enfants, soient couverts par la législation pénale interne.

Politique et stratégie globales

Le Comité est préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de cadre de politique générale permettant de coordonner les diverses lois et politiques se rapportant à la mise en œuvre du Protocole facultatif ni de stratégie visant à prévenir la vente d’enfants et à protéger les enfants victimes d’exploitation sexuelle.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’établir une politique et une stratégie globales de protection des droits de l’enfant couvrant l’ensemble des questions visées par le Protocole facultatif et d’allouer des moyens humains et financiers suffisants à leur mise en œuvre. L’État partie devrait à cette fin prêter une attention particulière à l’application de toutes les dispositions du Protocole facultatif, en tenant compte des textes issus du Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales  ;

b) De faire en sorte que les enfants, les populations locales et les organisations de la société civile participent activement et véritablement à la formulation des politiques.

Coordination et évaluation

Le Comité constate avec préoccupation que le conseil national pour l’enfance n’est toujours pas opérationnel et regrette qu’aucun renseignement ne soit disponible concernant les efforts faits pour coordonner toutes les mesures prises aux fins de l’application du Protocole facultatif.

Au regard du paragraphe 9 des observations finales qu’il a formulées relativement à la Convention (voir CRC/C/COD/CO/3-5), le Comité recommande à l’État partie de hâter la signature du décret devant rendre le conseil national pour l’enfance opérationnel. Le Comité recommande également à l’État partie de faire en sorte que le conseil se voie confier un mandat clairement défini et dispose de l’autorité et des moyens humains, techniques et financiers nécessaires pour assurer la coordination, la direction et la supervision globale du suivi et de l’évaluation des activités se rapportant aux droits de l’enfant menées au titre du Protocole facultatif.

Diffusion, sensibilisation et formation

Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas systématiquement mené d’activités de formation et d’information relatives au Protocole facultatif à l’intention des juges, des agents des forces de l’ordre et des professionnels travaillant avec et pour les enfants. Il est en outre préoccupé par la stigmatisation persistante et les risques de représailles auxquels sont exposés les enfants victimes de violence et d’exploitation sexuelles et les membres de leur famille, ainsi que par la méconnaissance du Protocole facultatif parmi les responsables locaux, les enfants et leurs familles et la société dans son ensemble.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour faire largement connaître le Protocole facultatif et  :

a) De concevoir et d’organiser des formations pluridisciplinaires, y compris des formations portant expressément sur la manière de traiter les enfants victimes, et des programmes de développement des capacités à l’intention des juges, des agents des forces de l’ordre, en particulier les policiers, les militaires et les soldats de maintien de la paix des Nations Unies, et des autres personnes travaillant avec et pour les enfants, afin qu’ils puissent véritablement protéger les enfants contre les infractions visées par le Protocole facultatif  ;

b) De fournir aux personnes et aux institutions dont le travail a trait aux infractions visées par le Protocole facultatif des outils opérationnels, notamment des règles et des directives, leur permettant d’appliquer les lois, politiques et programmes liés à l’application du Protocole facultatif  ;

c) De mener régulièremen t et systématiquement des campagnes d’information intensives sur les dispositions du Protocole facultatif, notamment dans les médias, y compris les radios locales, d’y associer les populations locales et leurs dirigeants et enseignants, les mouvements de jeunesse et les familles comprenant des jeunes et des enfants, et d’en évaluer l’effet. Les activités menées devraient mettre l’accent sur la prévention de l’exploitation sexuelle et la lutte contre la stigmatisation des victimes et encourager l’appui aux victimes au niveau local en insistant sur l’importance qu’il revêt.

Allocation de ressources

Le Comité regrette que le budget national ne comporte aucune rubrique consacrée à l’application du Protocole facultatif, et plus particulièrement à l’adoption de mesures de prévention des infractions et de lutte contre la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants telles que la création de services de police et de justice spécialisés dans l’enfance et la fourniture de services de protection, d’appui, de réadaptation et de réinsertion des enfants victimes. Le Comité est en outre préoccupé par les conséquences négatives de la mauvaise gestion du budget et de la corruption sur la mise en œuvre du Protocole facultatif.

Au regard du paragraphe 10 des observations finales qu’il a formulées relativement à la Convention (voir CRC/C/COD/CO/3-5), le Comité recommande à l’État partie de faire tout le nécessaire pour allouer des ressources techniques, humaines et financières suffisantes à l’élaboration et à l’exécution de programmes destinés à promouvoir la prévention des infractions et la protection, la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale des victimes. Le Comité recommande en outre à l’État partie de prendre des mesures pour prévenir et combattre la corruption et ainsi libérer des ressources aux niveaux du pays, des régions et des districts.

Société civile

Le Comité relève que bon nombre des services d’aide aux enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif sont assurés par des organisations de la société civile travaillant aux niveaux national et international. Il est préoccupé par le fait que ces organisations ont des difficultés à se faire enregistrer en tant qu’associations, et donc à recevoir des subventions, notamment de la part de l’État partie, et s’inquiète de l’insuffisance des fonds publics alloués aux services susmentionnés et du manque de coopération entre les institutions dans ce domaine.

Au regard du paragraphe 13 des observations finales qu’il a formulées relativement à la Convention (voir CRC/C/COD/CO/3-5), le Comité rappelle que c’est à l’État partie qu’il incombe au premier chef de fournir les services de protection de l’enfance et les services sociaux nécessaires à la protection des enfants contre les infractions visées par le Protocole facultatif, et recommande à l’État partie  :

a) De faciliter l’enregistrement des organisations de la société civile qui fournissent des services de protection et d’appui aux enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif  ;

b) De s’assurer que les fonds alloués aux pouvoirs publics et aux organisations de la société civile pour la prestation de ce type de services sont suffisants  ;

c) De renforcer la coopération avec les organisations de la société civile en ce qui concerne l’élaboration, l’exécution et le suivi de programmes d’assistance, de réadaptation psychologique et de réinsertion sociale des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif.

V.Prévention de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants (art. 9 (par. 1 et 2))

Mesures adoptées pour prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif

Le Comité constate avec inquiétude que les initiatives actuellement menées pour prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif sont insuffisantes, demeurent peu coordonnées et sous-financées et ne reposent pas sur une stratégie visant expressément à éliminer les causes profondes de la perpétration et de la répétition de ces infractions, parmi lesquelles la discrimination et la violence sexistes, l’insécurité persistante, la pauvreté, le travail domestique forcé des enfants, le travail forcé dans le secteur minier et les secteurs connexes, les déplacements internes et les migrations de population, le manque d’accès à l’éducation et le fait que des enfants soient contraints de travailler, voire de vivre dans la rue. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni suffisamment d’informations sur les programmes visant à prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif et leurs effets et constate avec préoccupation :

a)Qu’il n’existe aucun mécanisme permettant de repérer, d’identifier et de suivre les enfants qui risquent d’être victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif ;

b)Que des pratiques préjudiciables telles que le mariage des enfants et le mariage forcé sont encore très répandues et culturellement tolérées ;

c)Qu’en dépit des efforts déployés pour améliorer l’enregistrement des naissances, certains enfants ne sont toujours pas enregistrés, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux infractions visées par le Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l’État partie de mener une étude visant à analyser et à évaluer la nature, l’ampleur et les causes profondes des infractions visées par le Protocole facultatif commises sur son territoire, ainsi que les conséquences de ces infractions sur les enfants, afin élaborer et d’adopter une stratégie globale de prévention de plusieurs fléaux, notamment la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Le Comité recommande également à l’État partie d’allouer les ressources humaines et financières nécessaires à l’exécution de pareille stratégie et de pleinement appliquer les recommandations qu’il lui a faites relativement à la Convention (voir CRC/C/COD/3-5), particulièrement celles qui concernent la non-discrimination (par. 15), les enfants privés d’environnement familial (par. 32), le niveau de vie (par. 38), l’éducation et ses buts (par. 40), les enfants réfugiés et déplacés (par. 41) et les enfants des rues (par. 43). Il recommande en outre à l’État partie  :

a) De redoubler d’efforts pour repérer, signaler et soutenir les enfants qui sont ou risquent d’être victimes d’une infraction visée par le Protocole facultatif et leur famille, notamment par l’intermédiaire des organisations de la société civile et des organisations locales  ;

b) D’intensifier l’action qu’il mène en vue d’éliminer les pratiques préjudiciables culturellement admises qui s’apparentent à la vente d’enfants, en prêtant une attention particulière aux groupes d’enfants les plus vulnérables  ;

c) De maintenir et de renforcer les mesures prises pour que tous les enfants soient enregistrés à la naissance.

Adoption

Le Comité est préoccupé par le fait que le cadre législatif régissant l’adoption internationale ne protège pas suffisamment les enfants et peut donner lieu à la vente d’enfants aux fins de la perpétration d’une infraction visée par le Protocole facultatif. Il est également préoccupé par l’insuffisance des mesures juridiques et autres adoptées afin d’empêcher des intermédiaires d’employer la contrainte ou d’autres formes d’incitation pour persuader des familles biologiques de consentir à l’adoption de leur enfant. Le Comité s’inquiète en outre des activités des réseaux organisés qui pratiquent la vente d’enfants sous le couvert de l’adoption.

Au regard du paragraphe 33 des observations qu’il a formulées relativement à la Convention (voir CRC/C/COD/3-5), le Comité rappelle à l’État partie qu’il lui incombe, en application du paragraphe 5 de l’article 3 du Protocole facultatif, de prendre toutes les mesures juridiques et administratives appropriées pour s’assurer que toutes les personnes intervenant dans l’adoption d’un enfant agissent conformément aux dispositions des instruments juridiques internationaux applicables, et qu’il lui incombe également de faire en sorte que l’adoption soit compatible avec l’intérêt supérieur de l’enfant. En particulier, le Comité recommande instamment à l’État partie  :

a) De fixer et de faire respecter des critères stricts en ce qui concerne l’adoption des enfants et de veiller à ce que, dans toutes les affaires d’adoption, l’épuisement de tous les moyens visant à prévenir la déchéance de la responsabilité parentale et la séparation de l’enfant d’avec ses parents soit un critère exprès  ;

b) De prendre toutes les mesures qui s’imposent pour que l’adoption ne donne lieu à aucune rémunération ou autre forme de contrepartie  ;

c) De se doter rapidement d’une législation sur l’adoption internationale, en veillant à associer les organisations de la société civile et les organisations de protection de l’enfance à son élaboration  ;

d) D’enquêter sur tous les cas d’adoption illicite, de vente et de traite d’enfants et sur toutes les situations où les parents ont été indûment incités à renoncer à leurs responsabilités parentales et à proposer leur enfant à l’adoption, et de mener des programmes de sensibilisation à l’échelon local  ;

e) D’envisager de ratifier la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.

Mesures adoptées pour prévenir et combattre l’exploitation et la violence sexuelles commises en ligne contre des enfants

Le Comité se félicite que des formations à la lutte contre la cybercriminalité aient été récemment organisées dans l’État partie. Il est néanmoins préoccupé par l’absence d’informations sur une éventuelle stratégie nationale visant à prévenir et combattre l’exploitation et la violence sexuelles commises en ligne contre des enfants.

Se référant à la résolution 31/7 du Conseil des droits de l’homme, intitulée « Droits de l’enfant  : les technologies de l’information et de la communication et l’exploitation sexuelle des enfants », et aux textes issus des conférences « We Protect » tenues à Londres en 2014 et à Abou Dhabi en 2015, le Comité recommande à l’État partie de se doter d’une stratégie nationale visant à prévenir et combattre l’exploitation et la violence sexuelles commises en ligne contre des enfants élaborée en étroite collaboration avec les organisations et les secteurs d’activité concernés et assortie  :

a) D’une politique nationale visant à prévenir et réprimer l’exploitation et la violence sexuelles commises en ligne contre des enfants grâce à l’adoption d’un cadre juridique adapté, à la création d’une entité expressément chargée de la coordination et de la supervision des activités pertinentes et à l’établissement de mécanismes d’analyse, de recherche et de suivi  ;

b) D’une stratégie de prévention de l’exploitation et de la violence sexuelles commises en ligne contre des enfants assortie d’un programme destiné à sensibiliser et à informer le public afin d’améliorer le taux de signalement de ces infractions et d’un programme de formation destiné aux services de police et aux magistrats du siège et du parquet.

VI.Interdiction de la vente d’enfants, de la pornographie mettant en scène des enfants et de la prostitution des enfants et questions connexes (art. 3, 4 (par. 2 et 3), 5, 6 et 7)

Lois et réglementations pénales en vigueur

Le Comité se félicite que certaines des dispositions du Protocole facultatif aient été incorporées dans la législation nationale et prend note du fait que le droit pénal est en cours de réforme. Il est néanmoins vivement préoccupé par :

a)Le fait que les lois existantes visant à protéger les enfants ne soient pas dûment appliquées et que la législation nationale, en particulier la loi de protection de l’enfance et le Code pénal, ne définissent pas et n’incriminent pas toutes les formes d’infractions visées par le Protocole facultatif ;

b)Le fait qu’aucune disposition juridique particulière ne définisse ni n’interdise la vente d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle en dépit du nombre élevé d’enfants, particulièrement de filles, victimes de ce type d’infraction, une lacune qui entraîne l’impunité des auteurs ;

c)Le fait que la législation, en particulier la loi de protection de l’enfance, ne comporte aucune disposition incriminant l’exploitation et le harcèlement sexuels des enfants au moyen des technologies de l’information et de la communication ;

d)Le fait que le respect de la législation existante ne soit pas dûment assuré que les autorités manquent de moyens pour arrêter et poursuivre les délinquants.

Le Comité engage instamment l’État partie à accélérer la réforme de son droit pénal et lui recommande de définir et d’incriminer la vente d’enfants, conformément aux articles 2 et 3 du Protocole facultatif. Il engage l’État partie à veiller à ce que toute nouvelle loi prévoit expressément la traduction en justice et la condamnation des coupables, la protection des victimes et l’octroi d’une réparation suffisante. En particulier, l’État partie devrait expressément définir et incriminer  :

a) La pornographie mettant en scène des enfants, en application de l’article 3 du Protocole facultatif  ;

b) La vente d’enfants à des fins d’adoption illégale  ;

c) Le fait de transférer les organes d’un enfant à titre onéreux et le fait de soumettre des enfants au travail forcé, qui sont des formes de vente d’enfant  ;

d) La vente d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle  ;

e) La manipulation psychologique d’un enfant en vue de le faire participer à des activités sexuelles facilitées par Internet ou d’autres technologies de l’information et de la communication. L’État partie devrait également élaborer des programmes destinés à sensibiliser les enfants aux risques liés à l’utilisation des médias numériques et des technologies de l’information et de la communication pour produire leurs propres contenus et renforcer les programmes existants.

Impunité

Le Comité constate avec préoccupation que peu d’informations sont disponibles concernant le nombre de cas aboutissant véritablement à une enquête et le nombre de personnes traduites en justice et condamnées. Relevant que les plaintes portant sur des infractions visées par le Protocole facultatif sont rares et ne donnent lieu qu’à un petit nombre d’enquêtes, de procédures judiciaires et de déclarations de culpabilité, il s’inquiète de ce que l’impunité soit généralisée. Le Comité est en outre préoccupé par le niveau élevé de corruption au sein des forces de sécurité, y compris dans l’armée et la police des frontières, qui fait que les infractions visées par le Protocole facultatif ne sont pas toujours signalées.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre l’impunité et de faire en sorte que toutes les infractions visées par le Protocole facultatif donnent lieu à de véritables enquêtes et que les auteurs présumés de toute infraction établie soient traduits en justice et, si les accusations portées contre eux sont fondées, condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs crimes  ;

b) D’accroître les ressources humaines et financières mises à la disposition des services de police et de justice afin de renforcer leur capacité de traiter les infractions visées par le Protocole facultatif d’une manière adaptée aux enfants  ;

c) De prendre des mesures pour prévenir la corruption, notamment d’établir des mécanismes de gouvernance transparents fondés sur le respect du principe de responsabilité, de renforcer l’éthique personnelle des fonctionnaires et d’élargir l’accès des organisations de la société civile et des médias à l’information, ainsi que des mesures permettant de repérer les cas de corruption, d’enquêter à leur sujet et de traduire les auteurs en justice.

Responsabilité des personnes morales

Le Comité regrette que la législation de l’État partie n’établisse pas la responsabilité des personnes morales qui commettent des infractions visées par le Protocole facultatif.

À la lumière du paragraphe 4 de l’article 3 du Protocole facultatif, le Comité recommande à l’État partie d’établir la responsabilité des personnes morales pour toutes les infractions visées par le Protocole facultatif.

Compétence et extradition

Le Comité constate que l’État partie est partie à des accords de coopération judiciaire internationale, mais regrette néanmoins que la législation interne n’établisse pas expressément sa compétence extraterritoriale pour toutes les infractions visées par le Protocole facultatif et que l’exercice de cette compétence suppose la double incrimination de l’auteur. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que l’État partie ne reconnaisse pas le Protocole facultatif comme la base juridique de l’extradition en ce qui concerne les infractions visées par le Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour que sa législation nationale l’autorise expressément à établir et à exercer une compétence extraterritoriale à l’égard de toutes les infractions visées par le Protocole facultatif. Il recommande également à l’État partie de supprimer l’exigence de la double incrimination en ce qui concerne l’exercice de cette compétence et d’envisager d’utiliser le Protocole facultatif comme la base juridique de l’extradition pour les infractions visées par cet instrument lorsqu’il n’existe pas de traité bilatéral d’extradition avec le pays requérant.

VII.Protection des droits des enfants victimes (art. 8 et 9 (par. 3 et 4))

Mesures adoptées pour protéger les droits et intérêts des enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif

Le Comité prend note des pratiques innovantes adoptées avec l’appui d’organisations de la société civile, notamment la tenue d’audiences devant des tribunaux mobiles dans le but d’améliorer l’accès à la justice dans les régions reculées et marginalisées de l’État partie. Il est toutefois vivement préoccupé par :

a)Le manque de ressources et de procédures adaptées aux enfants pour ce qui est de repérer les enfants victimes et témoins d’infractions visées par le Protocole facultatif ;

b)Le fait qu’il ne soit pas dûment tenu compte des droits et intérêts des enfants victimes et témoins et que les mesures visant à protéger les enfants et leur famille avant, pendant et après la procédure pénale soient insuffisantes ;

c)L’absence de dispositif d’aide juridictionnelle et le fait que les psychologues et travailleurs sociaux chargés d’aider les enfants pendant les procédures judiciaires sont en nombre insuffisant et ne fournissent pas tout l’appui voulu ;

d)L’absence de mécanisme clair et accessible de signalement des infractions visées par le Protocole facultatif.

Compte tenu du paragraphe 3 de l’article 9 du Protocole facultatif, le Comité engage l’État partie à prendre les mesures qui s’imposent pour protéger les droits et intérêts des enfants victimes et témoins de pratiques prohibées par le Protocole facultatif à tous les stades de la procédure pénale et à établir des mécanismes de signalement clairs et accessibles. En particulier, le Comité recommande à l’État partie  :

a) De prendre des mesures explicites en vue de repérer les enfants victimes de la vente, de la prostitution et de la pornographie, de faire en sorte que ces enfants soient secourus et rapatriés et bénéficient de services de réadaptation et de réinsertion et de veiller à ce que la police et la justice les traitent comme des victimes et non comme des délinquants  ;

b) D’adopter des procédures de poursuites et d’enquête, et notamment des techniques d’interrogatoire, adaptées aux enfants  ;

c) De protéger la vie privée des enfants victimes et témoins lors des enquêtes et des procès et de prendre des mesures juridiques et pratiques visant à garantir aux enfants témoins une protection nécessaire et suffisante contre l’intimidation et les représailles  ;

d) De permettre aux enfants victimes de bénéficier de l’aide juridictionnelle et d’un soutien médical, psychologique et social adapté pendant la procédure judiciaire.

Réadaptation et réinsertion des victimes

Le Comité est préoccupé par :

a)Le fait qu’il n’existe pas de procédure clairement définie et de services d’aiguillage visant à garantir protection et assistance aux enfants victimes d’exploitation ou de violence sexuelles, ni de disposition générale à cet effet ;

b)La participation limitée de l’État partie aux initiatives de réinsertion sociale et de rétablissement physique et psychologique, ces initiatives étant presque exclusivement le fait d’organisations de la société civile ;

c)L’absence d’une approche centrée sur la victime, particulièrement en ce qui concerne les enfants victimes d’exploitation sexuelle.

Le Comité recommande à l’État partie d’établir des mécanismes permettant aux enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif de bénéficier de services de protection et d’assistance, notamment d’une aide psychologique et d’un suivi médical. Il engage l’État partie à allouer des moyens humains, financiers et techniques suffisants à la pleine réinsertion sociale et au plein rétablissement physique et psychologique des enfants victimes, en application du paragraphe 3 de l’article 9 du Protocole facultatif, et à assurer la sécurité et le bien-être de chaque enfant.

Le Comité regrette que l’État partie n’ait fourni aucune information sur les mesures expressément adoptées pour protéger les enfants victimes et témoins contre tous actes de violence sexuelle et d’exploitation sexuelle de la part de membres du personnel de maintien de la paix de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo. Il constate avec inquiétude que rien n’a été fait pour recueillir des données sur l’issue des affaires dont l’État partie a été saisi et sur les mesures prises pour prévenir et punir ce type d’infractions.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les enfants victimes et témoins de violence sexuelle et d’exploitation sexuelle bénéficient en temps voulu d’une assistance et d’un appui suffisants, notamment d’une assistance juridique, médicale et psychologique et d’une indemnisation ou d’une autre forme de réparation. Le Comité recommande également à l’État partie d’enquêter avec diligence sur toutes les allégations de violence sexuelle et de traduire en justice les auteurs de toute infraction établie. Il recommande en outre à l’État partie de recueillir les données qui lui manquent pour se faire une idée précise des mesures prises et renforcer la prévention de façon à ce que les droits de l’enfant soient respectés et protégés.

Le Comité est préoccupé par le nombre important de filles que les groupes armés continuent de soumettre à l’exploitation sexuelle et au travail forcé.

Se référant à la recommandation contenue au paragraphe 48 des observations finales qu’il a formulées relativement à la Convention (voir CRC/C/COD/3-5), le Comité recommande à l’État partie de prendre de nouvelles mesures pour garantir la pleine réinsertion sociale et le plein rétablissement physique et psychologique des filles victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif et perpétrées par des membres des groupes armés. Il recommande également à l’État partie  :

a) De faire en sorte que les filles victimes bénéficient des programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion et des programmes locaux en faveur des anciens enfants soldats en faisant en sorte que ces programmes soient accessibles, appropriés et durables et qu’ils tiennent compte de la situation particulière des filles  ;

b) De renforcer les initiatives de sensibilisation afin de permettre aux filles victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif et perpétrées par des membres de groupes armés d’être réinsérées et acceptées dans la société.

VIII.Assistance et coopération internationales (art. 10)

Accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux

Compte tenu du paragraphe 1 de l’article 10 du Protocole facultatif, le Comité encourage l’État partie à continuer de resserrer la coopération internationale dans le cadre d’accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux, en particulier avec les pays voisins, notamment en renforçant les procédures et mécanismes visant à coordonner l’application de ces accords, afin de mieux prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif et d’être plus efficace pour ce qui est d’enquêter sur les infractions commises et d’identifier, de poursuivre et de punir leurs auteurs.

IX.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre, et notamment de communiquer celles-ci aux ministères et organismes gouvernementaux compétents, au Parlement et aux autorités nationales et locales, pour examen et suite à donner.

Le Comité recommande que le rapport et toutes réponses écrites présentés par l’État partie, ainsi que les présentes observations finales, soient largement diffusés auprès du grand public, des organisations de la société civile, des mouvements de jeunesse, des associations professionnelles et des enfants, l’objectif étant de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi.

B.Prochain rapport

Conformément au paragraphe 2 de l’article 12 du Protocole facultatif, le Comité prie l’État partie de faire figurer des informations complémentaires sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra conformément à l’article 44 de la Convention.