Nations Unies

CRC/C/OPSC/EST/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

5 mars 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante-troisième session

11-29 janvier 2010

Examen des rapports présentés par les États parties conformément au paragraphe 1 de l’article 12 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

Observations finales: Estonie

1.Le Comité a examiné le rapport initial de l’Estonie (CRC/C/OPSC/EST/1) à sa 1462e séance (voir CRC/C/SR.1462), tenue le 13 janvier 2010, et a adopté à sa 1501e séance, tenue le 29 janvier 2010, les observations finales ci-après.

Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, ainsi que ses réponses écrites à la liste des points à traiter (CRC/C/OPSC/EST/Q/1 et Add.1), qui ont été présentées en temps voulu. Il se félicite du dialogue fructueux et constructif qu’il a eu avec l’importante délégation plurisectorielle de l’État partie, qui a fait ressortir la volonté de l’Estonie d’appliquer les dispositions du Protocole facultatif dans le cadre de son engagement plus large en faveur des droits de l’enfant en général.

I.Observations générales

Aspects positifs

3.Le Comité prend acte avec satisfaction de l’adoption des mesures législatives ou autres et des évolutions positives indiquées ci-après:

a)L’attention accrue accordée par le Riigikogu (Parlement) à la détection des infractions à l’encontre des enfants, et la procédure de révision et de modification du Code pénal et du Code de procédure pénale menée au cours des dernières années;

b)La mise en place, à compter de 2010, de services de protection de l’enfant dans toutes les préfectures de police d’Estonie;

c)La participation active de l’Estonie aux travaux organisés aux niveaux international, régional et sous-régional pour lutter contre la traite des personnes, la cybercriminalité et la pédopornographie sur l’Internet en particulier.

4.Le Comité note aussi avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments suivants:

a)La Convention no 138 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi de 1973, en 2007;

b)La Convention européenne relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes, en janvier 2006;

c)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en février 2003, et son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en mai 2004;

d)La Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité, en mai 2003.

II.Données

Collecte de données

5.Tout en accueillant avec satisfaction les données fournies par l’État partie dans son rapport et ses réponses à la liste des points à traiter, en particulier concernant le nombre de poursuites et de condamnations relatives à des infractions relevant du champ d’application du Protocole facultatif, le Comité regrette l’absence d’un mécanisme systématique de collecte, d’analyse et de suivi des données pour tous les domaines visés par le Protocole facultatif. Il observe que des recherches ont été effectuées et que, notamment, une enquête a été menée sur l’ampleur du phénomène des violences sexuelles chez les adolescents et sur les attitudes des jeunes en la matière, mais déplore le manque de recherches sur les domaines spécifiques traités par le Protocole facultatif, et particulièrement sur le tourisme pédophile.

6.Le Comité recommande à l’État partie de concevoir et de mettre en œuvre un mécanisme complet et systématique de collecte, d’analyse et de suivi des données pour tous les domaines visés par le Protocole facultatif. Les données devraient être ventilées, entre autres, selon la nature de l’infraction, de même que par âge, sexe, nationalité, origine nationale et ethnique et zone d’habitation (urbaine ou rurale), et il conviendrait d’accorder une attention particulière aux catégories d’enfants les plus vulnérables. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’entreprendre des études pour déterminer la prévalence du tourisme pédophile et d’autres pratiques proscrites par le Protocole facultatif.

III.Mesures d’application générales

Principes généraux de la Convention des droits de l’enfant (art. 2, 3, 6 et 12)

7.Tout en relevant qu’il a été tenu compte des principes généraux de la Convention pour la conception et la mise en œuvre des mesures d’application adoptées par l’État partie au titre du Protocole facultatif, par exemple pour la rédaction du texte de la loi sur la protection de l’enfance, le Comité observe avec préoccupation que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas une considération primordiale dans l’application de tous les aspects des procédures pénales.

8. Le Comité recommande que les principes généraux de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, en particulier le principe de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant, soient repris dans toutes les mesures adoptées par l ’ État partie pour appliquer les dispositions du Protocole facultatif, y compris dans les procédures judiciaires ou administratives.

Législation

9.Le Comité prend note avec satisfaction de l’information donnée par l’État partie, précisant que les pratiques visées par le Protocole facultatif sont passibles de sanctions en vertu du Code pénal et que les procédures en la matière sont conduites conformément au Code de procédure pénale en vigueur. Il observe aussi que le Riigikogu est saisi de projets d’amendement du Code pénal qui tendraient à rapprocher davantage la législation nationale des dispositions du Protocole facultatif. Il est néanmoins préoccupé par le fait que l’harmonisation entre le droit interne, notamment le Code pénal, et les dispositions du Protocole facultatif reste limitée.

10. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et d ’ achever le processus d ’ harmonisation de sa législation avec le Protocole facultatif afin de donner pleinement effet à l ’ ensemble des dispositions de ce dernier et, s ’ agissant du Code pénal, de veiller à ce qu ’ il y soit fait expressément mention de tous les actes et activités constitutifs d ’ infractions en vertu du Protocole facultatif.

Plan d’action national

11.Le Comité salue l’élaboration de plusieurs instruments de politique générale, notamment la Stratégie visant à garantir les droits de l’enfant 2004-2008 (la Stratégie) et le Plan de développement visant à lutter contre la traite des êtres humains 2006-2009, ainsi que le Plan de développement visant à lutter contre la violence 2010-2014, qui comporte une rubrique relative à la violence à l’égard des enfants. Le Comité regrette toutefois l’absence d’un plan d’action spécifique qui englobe l’ensemble des domaines visés par le Protocole facultatif.

12. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer, en concertation et en coopération avec toutes les parties prenantes concernées, un plan d ’ action national visant à lutter contre la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et de veiller à ce que cet instrument prévoie un mécanisme de suivi. Ce faisant, l ’ État partie est invité à prêter une attention particulière à l ’ application de toutes les dispositions du Protocole facultatif, en tenant compte de la Déclaration et du Programme d ’ action, et de l ’ Engagement mondial adoptés aux premier, deuxième et troisième congrès mondiaux contre l ’ exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, tenus respectivement à Stockholm en 1996, à Yokohama en 2001 et à Rio de Janeiro en 2008.

Coordination et évaluation

13.Le Comité observe avec préoccupation que le groupe de travail interministériel nommé pour l’application de la Stratégie n’évalue pas l’impact des activités. Eu égard aux contraintes qui font obstacle au développement ultérieur de l’administration publique de l’État partie, le Comité se réjouit tout particulièrement de la création récente, au sein du Ministère des affaires sociales, d’un service spécifiquement chargé des politiques de l’enfance et de la famille, qui devait entrer en fonction au moment de l’examen du rapport de l’État partie. Le Comité note que ce service a pour tâche d’élaborer un plan de développement des politiques de l’enfance et de la famille, d’améliorer la loi sur la protection de l’enfance, de promouvoir l’éducation des parents et de prévenir la violence à l’égard des enfants. Il craint toutefois que cet organe ne soit pas doté du degré d’autorité, des ressources et des moyens requis pour instaurer une pleine coopération entre toutes les autorités et tous les services nationaux intervenant dans l’application du Protocole facultatif, y compris la police et l’appareil judiciaire.

14. Le Comité engage l ’ État partie à faire en sorte que le service chargé des politiques de l ’ enfance et de la famille au sein du Ministère des affaires sociales soit doté d ’ un degré d ’ autorité suffisant et des ressources humaines, techniques et financières voulues pour pouvoir remplir son rôle de mécanisme de coordination entre les différents ministères, organismes et services, y compris le Ministère de la justice, le Ministère de l ’ intérieur et la Direction de la police, de même qu ’ entre les autorités nationales et locales, dans tous les domaines concernant l ’ application du Protocole facultatif. Par ailleurs, les mesures mises en œuvre devraient être complétées par des mécanismes d ’ évaluation périodique.

Diffusion et formation

15.Le Comité salue les nombreuses actions menées par l’État partie pour former les professionnels dans les domaines relevant du Protocole facultatif et, notamment, préparer les travailleurs sociaux à l’accompagnement des enfants victimes de violences sexuelles ou de la traite, de même que l’organisation de campagnes de prévention concernant le tourisme pédophile et la pédopornographie sur Internet, de séminaires et d’un concours de rédactions sur la prévention de la traite des êtres humains et les conséquences de cette pratique. Le Comité juge néanmoins préoccupantes les attitudes sociales à l’égard des pratiques prohibées par le Protocole facultatif, et en particulier la relative tolérance dont les jeunes font preuve face à la prostitution des enfants et à la pédopornographie.

16.Le Comité s’associe aux préoccupations exprimées par la Rapporteuse spéciale sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (A/HRC/12/23/Add.2, par. 24 et 25) concernant le fait que les agents des forces de l’ordre n’assimilent pas à des actes d’exploitation sexuelle d’enfant la fourniture occasionnelle de prestations sexuelles par des enfants, filles et garçons, en échange de biens de consommation.

17. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) Compte tenu du paragraphe 2 de l ’ article 9 du Protocole facultatif, de faire largement connaître les dispositions du Protocole facultatif au grand public et aux enfants, y compris ceux qui appartiennent aux communautés russophones et leurs familles, par le biais notamment des médias, des programmes scolaires et de campagnes de sensibilisation durables menées dans différentes langues et de façon simplifiée;

b) De poursuivre et de renforcer l ’ éducation et la formation systématiques aux dispositions du Protocole facultatif à l ’ intention des membres de toutes les catégories professionnelles qui travaillent au contact d ’ enfants victimes d ’ infractions visées par le Protocole facultatif, notamment, mais non uniquement, les agents des forces de l ’ ordre.

18. Le Comité estime, comme la Rapporteuse spéciale, qu ’ il conviendrait d ’ accroître la formation des policiers concernant la législation et les politiques relatives à la protection de l ’ enfance afin qu ’ ils sachent repérer les cas d ’ exploitation sexuelle des enfants et agir en conséquence (A/HRC/12/23/Add.2, par. 25).

Affectation de ressources

19.Le Comité note avec satisfaction que, malgré les coupes générales pratiquées dans le budget de l’administration publique, indispensables à l’entrée de l’Estonie dans la zone euro, l’État partie a alloué des ressources pour la création et le fonctionnement d’un nouveau service chargé des politiques de l’enfance et de la famille au sein du Ministère des affaires sociales. Il doit néanmoins constater que certains sujets de préoccupation subsistent, au nombre desquels l’insuffisance du budget, des moyens et des ressources dont la fonction publique locale dispose pour assurer aux victimes un véritable accès à la justice, comme la Rapporteuse spéciale sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants l’a relevé dans le rapport faisant suite à la visite qu’elle a effectuée en Estonie en octobre 2008 (A/HRC/12/23/Add.2).

20. Le Comité recommande à l’État partie d’allouer, lors de la planification de son budget national, des ressources financières spécifiques à la mise en œuvre du Protocole facultatif. Il lui recommande en particulier:

a) D’allouer des ressources humaines et financières supplémentaires pour assurer la pleine mise en œuvre du Protocole facultatif sur l’ensemble du territoire national, en particulier dans chacune des 17 unités régionales de la police, en privilégiant, pour des raisons stratégiques, la formation et la spécialisation des ressources humaines;

b) De renforcer les moyens humains, techniques et financiers dont dispose la police pour mener des enquêtes pénales sur les faits de pédopornographie sur l’Internet, eu égard aux problèmes particuliers liés à la complexité et à la dimension mondiale des infractions en la matière;

c) D’accroître les ressources humaines et financières allouées aux services sociaux en vue d’augmenter l’effectif des structures de protection de l’enfance afin de répondre aux besoins des différentes autorités locales et de majorer le ratio d’agents de protection de l’enfance pour 1 000 enfants.

Suivi indépendant

21.Le Comité observe que, selon les informations qui ont été données, la surveillance des droits de l’enfant a, dans la pratique, été déléguée à une unité structurelle relevant de l’institution du Chancelier de justice, qui fait également fonction de médiateur. Il note que l’institution du Chancelier peut recevoir des plaintes émanant directement d’enfants mais il a néanmoins certaines inquiétudes quant à la conformité de cette institution avec les Principes de Paris et il regrette que les plaintes déposées par des enfants soient très peu nombreuses. Le Comité prend acte du débat en cours dans l’État partie au sujet de la possibilité de créer un poste de médiateur pour les enfants.

22. Le Comité recommande que le bureau du Chancelier, tel qu’il existe actuellement, soit accessible aux enfants et à leurs représentants et connu d’eux à l’échelon national comme à l’échelon local, qu’il soit conforme aux Principes de Paris et qu’il tienne compte de l’Observation générale n o  2 (2002) du Comité sur le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme dans la protection et la promotion des droits de l’enfant. Une autre possibilité serait que l’État partie poursuive et mène à bien son projet de créer un poste distinct de médiateur pour les enfants indépendant. En plus d’instruire les plaintes, le médiateur pour les enfants devrait avoir pour tâche de surveiller la mise en œuvre de la Convention et du Protocole facultatif et d’en promouvoir les dispositions, et il conviendrait qu’il soit doté de ressources humaines et financières suffisantes pour pouvoir s’acquitter de son mandat.

Société civile

23.Le Comité se félicite de la collaboration établie avec la société civile pour la mise en œuvre du Protocole facultatif, et notamment de la prise en compte de ses remarques dans le rapport initial, mais il regrette son faible niveau d’activité et de participation dans tous les domaines concernant l’application du Protocole facultatif.

24. Le Comité invite l’État partie à poursuivre et à renforcer sa collaboration avec la société civile dans tous les domaines visés par le Protocole facultatif, non seulement en soutenant les organisations non gouvernementales (ONG) dans les efforts qu’elles déploient pour offrir des services adéquats aux enfants victimes, mais aussi en leur attribuant un rôle accru dans la mise en place et la surveillance des politiques et des services.

IV.Prévention de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants (art. 9, par. 1 et 2)

Mesures adoptées pour prévenir les infractions visées par le Protocole facultatif

25.Le Comité salue les nombreuses initiatives menées dans l’État partie pour prévenir les pratiques visées par le Protocole facultatif, notamment la mise en place de peines plus proportionnées pour les infractions sexuelles sur mineurs et de mesures permettant de rendre des ordonnances de ne pas faire et de fixer des restrictions pour ce qui est du travail au contact d’enfants. Le Comité accueille avec une satisfaction particulière les mesures adoptées en vue d’empêcher que l’Internet soit utilisé pour commettre des infractions proscrites par le Protocole facultatif, et notamment l’élaboration d’un projet de texte de loi visant à interdire la sollicitation d’enfants à des fins sexuelles (le «grooming»), le dépôt d’une demande de projet auprès de l’Union européenne afin d’obtenir son soutien pour la mise en place de mécanismes permettant de signaler des contenus inappropriés sur l’Internet et d’offrir des services de conseil, et, enfin, la fourniture à la police des moyens nécessaires pour surveiller la pédopornographie en ligne et agir en la matière. Le Comité s’inquiète néanmoins de ce que les mesures destinées à prévenir les pratiques visées par le Protocole facultatif n’ont pas été conçues pour protéger tout spécialement les enfants particulièrement vulnérables, les enfants laissés au pays par leurs parents qui ont émigré et les enfants russophones.

26. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et de renforcer les efforts qu’il fait pour prévenir la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, eu égard notamment à l’évolution des échanges sur l’Internet, et de s’attacher davantage à identifier et à protéger les enfants particulièrement exposés à ces pratiques. Les mesures devraient être adaptées aux besoins des communautés russophones sur le plan linguistique.

27.Le Comité prend note des renseignements concernant le soutien apporté par l’État partie aux activités organisées par la société civile pour sensibiliser le public au problème du tourisme pédophile, mais regrette que cette question ne fasse pas l’objet d’une attention et d’une information suffisantes.

28. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour prévenir le tourisme pédophile, et notamment de mener des études et de recueillir des informations sur les cas connus afin de déterminer l’ampleur du phénomène et ses causes profondes, ainsi que de sensibiliser davantage le grand public au problème. L’État partie devrait en outre, par l’intermédiaire des autorités compétentes, renforcer sa coopération avec l’industrie du tourisme, les ONG et la société civile afin de promouvoir un tourisme responsable par la diffusion auprès de tous les partenaires concernés du Code de conduite de l’Organisation mondiale du tourisme pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle dans le tourisme et l’industrie des voyages.

V.Interdiction de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants (art. 3, 4 (par. 2 et 3) et 5 à 7)

Lois et réglementations pénales existantes

29.Le Comité observe avec préoccupation que toutes les infractions visées par le Protocole facultatif, notamment la vente d’enfants aux fins du transfert d’organe à titre onéreux et le fait de soumettre un enfant au travail forcé, ne sont pas encore pleinement réprimées par la loi conformément aux dispositions des articles 2 et 3 du Protocole facultatif. Il regrette en outre l’absence, à l’article 173 du Code pénal, d’une définition de l’infraction de vente d’enfants. Le Comité relève aussi avec inquiétude que le Code pénal fixe à 14 ans l’âge jusqu’auquel le mineur est protégé contre les infractions suivantes: le fait d’avoir des rapports sexuels avec un enfant (art. 145); la satisfaction du désir sexuel avec un enfant (art. 146); le vol d’enfants (art. 172); et l’utilisation de mineurs dans la production de matériels érotiques (art. 177). À ce propos, et sachant que l’âge du consentement sexuel est relativement bas (14 ans), le Comité juge particulièrement préoccupant que les mineurs âgés de plus de 14 ans ne bénéficient donc plus d’une protection.

30. Le Comité recommande à l’État partie de veiller, notamment en apportant aux textes les modifications nécessaires, à intégrer dans la législation pertinente la définition de la vente d’enfants conformément aux dispositions des articles 2 et 3 du Protocole facultatif. Il lui recommande en outre d’examiner la législation pertinente pour s’assurer que les infractions considérées sont totalement proscrites, conformément aux dispositions des articles 2 et 3 du Protocole facultatif, et pour porter à 18 ans l’âge jusqu’auquel une personne bénéficie d’une protection pour toutes les infractions visées par le Protocole facultatif, indépendamment de l’âge du consentement sexuel.

31.Le Comité est préoccupé par le fait que certaines des infractions visées par le Protocole facultatif, notamment la prostitution des enfants et la pédopornographie, sont passibles de sanctions pécuniaires, lesquelles ne constituent pas, de l’avis du Comité, une peine suffisamment lourde et dissuasive. Il s’inquiète en outre de ce que, pour les infractions relatives à la pédopornographie, telles que définies aux articles 177 et 178 du Code pénal, une distinction est établie entre les matériels pornographiques et les matériels érotiques, le Code autorisant l’utilisation de mineurs à partir de 14 ans dans la réalisation de photographies, de films ou d’autres matériels érotiques.

32. Le Comité recommande à l’État partie de veiller, par le réexamen des textes de loi pertinents et des pratiques établies, à ce que toutes les infractions visées par le Protocole facultatif soient passibles de peines appropriées, conformément aux prescriptions du paragraphe 3 de l’article 3 du Protocole. Il recommande en outre à l’État partie d’étendre à toutes les personnes âgées de moins de 18 ans la protection contre l’utilisation dans la production d’ouvrages érotiques.

33. Le Comité, tout en se félicitant des multiples activités menées pour lutter contre le risque de maltraitance des enfants par l’intermédiaire des nouvelles technologies, y compris l’Internet, recommande à l’État partie d’envisager d’adopter un texte de loi spécifique sur les obligations des fournisseurs d’accès à l’Internet en vue d’interdire la pédopornographie en ligne.

Aspects juridiques de l’adoption

34.Le Comité prend note de la législation sur l’adoption en vigueur en Estonie et regrette que le droit pénal de l’État partie ne couvre pas le fait d’obtenir indûment le consentement à l’adoption d’un enfant, comme le prescrit le paragraphe 1 a) ii) de l’article 3 du Protocole facultatif.

35. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour que le fait d’obtenir indûment le consentement à l’adoption d’un enfant soit défini dans la législation pénale, ainsi qu’il est prévu au paragraphe 1 a) ii) de l’article 3 du Protocole facultatif.

Prescription

36. Le Comité salue le fait qu’en Estonie, la prescription peut être interrompue jusqu’à ce que la victime ait atteint l’âge de 18 ans pour les infractions contre le libre arbitre sexuel d’une personne (art . 81 du Code pénal) et il recommande d’étendre cette règle à toutes les infractions visées par le Protocole facultatif.

Compétence et extradition

37.Le Comité est préoccupé par le fait que la condition de la double incrimination appliquée par l’État partie en cas d’infraction commise à l’étranger restreint la possibilité de poursuite des infractions visées par les articles 1er, 2 et 3 du Protocole facultatif, et limite donc la protection des enfants contre de telles infractions.

38. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de prendre des mesures pour supprimer la condition de la double incrimination aux fins de l’engagement de poursuites nationales contre les personnes accusées d’avoir commis des infractions à l’étranger et/ou de leur extradition.

VI.Protection des droits des enfants victimes (art. 8 et 9(par. 3 et 4))

Mesures adoptées pour protéger les droits et intérêts des enfants victimes des infractions visées par le Protocole facultatif

39.Le Comité salue les nombreuses mesures adoptées pour protéger les droits et intérêts des enfants victimes, notamment l’organisation d’une formation à l’intention des professionnels qui travaillent avec les enfants victimes d’exploitation sexuelle ou de traite et la gestion de deux centres spécialisés pour enfants victimes de violences sexuelles. Il regrette néanmoins l’absence d’une démarche globale pour l’identification et la protection des enfants victimes des infractions visées par le Protocole facultatif, et déplore en particulier des lacunes dans le partage d’information entre la police et les services sociaux. Le Comité s’inquiète en outre du manque d’indications sur les activités visant à prévenir la stigmatisation et la marginalisation des enfants victimes et est préoccupé par les cas de diffusion dans les médias d’éléments pouvant conduire à l’identification de ces enfants.

40. Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place une politique nationale de coordination, de protection et d’assistance pour les enfants victimes des pratiques visées par le Protocole facultatif, notamment en développant la coopération et le partage d’information entre la police et les services sociaux. Il recommande aussi à l’État partie d’instituer des procédures formelles de nature à permettre le repérage des victimes appartenant à des catégories de population vulnérables. Il rappelle à l’État partie que les enfants victimes d’infractions visées par le Protocole facultatif ne devraient, en tant que tels, ni être poursuivis en justice ni sanctionnés, et qu’il faut éviter leur stigmatisation et leur marginalisation sociale. Le Comité recommande en outre que, conformément au paragraphe 1 e) de l’article 8 du Protocole facultatif, l’État partie protège la vie privée et l’identité des enfants victimes et témoins et prenne des mesures, conformément à la législation nationale et avec le concours des médias, pour éviter la diffusion indue d’informations pouvant conduire à leur identification.

Mesures de protection dans le cadre du système de justice pénale

41.Le Comité se félicite des mesures qui ont été mises en place pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes et témoins dans le cadre des procédures pénales, et note ainsi qu’il existe des salles d’entretien spéciales pour les enfants victimes et qu’il est possible de tenir une audience à huis clos. Le Comité observe en outre que l’État partie a l’intention de modifier son Code de procédure pénale, notamment pour permettre l’audition des enfants témoins et victimes par vidéoconférence et limiter le nombre d’entretiens. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que la procédure actuelle relative au traitement des témoins mineurs ne prévoit pas une égale protection pour les enfants âgés de 14 ans ou plus.

42. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et de renforcer les mesures visant à protéger les droits et intérêts des enfants victimes et témoins pour tous les mineurs jusqu’à l’âge de 18 ans, notamment, mais pas uniquement, en accélérant la procédure d’adoption du projet d’amendement du Code de procédure pénale visant, entre autres, à permettre l’audition des enfants témoins et victimes par vidéoconférence et à limiter le nombre d’entreti ens, conformément au paragraphe  1 de l’article 8 du Protocole facultatif et aux Lignes directrices des Nations Unies en matière de justice dans les affaires impliquant des enfants victimes et témoins (résolution 2005/20 du Conseil économique et social).

Réadaptation et réinsertion des victimes

43.Le Comité prend acte avec satisfaction des nombreuses mesures mises en place pour protéger les enfants victimes, mais regrette qu’il subsiste des lacunes, notamment en ce qui concerne l’aide psychologique et psychiatrique spéciale ainsi que les services sociaux de réinsertion dont peuvent bénéficier les enfants victimes.

44. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer encore le dispositif destiné à assurer l’assistance appropriée aux victimes des infractions visées par le Protocole facultatif, notamment leur pleine réinsertion sociale et leur plein rétablissement physique et psychologique. Le Comité recommande en particulier à l’État partie : a) de poursuivre la mise en place de services spécialisés de prise en charge médicale et psychologique des enfants victimes, en permettant notamment à ces derniers de consulter facilement, sur l’ensemble du territoire, des professionnels de la santé mentale des enfants; b) de développer la psychiatrie de l’enfance et de l’adolescence en tant que spécialité médicale indépendante, en tenant compte du rôle important que jouent les praticiens de cette spécialité dans le processus d’évaluation, de consultation, de traitement et de réadaptation des enfants victimes; et c) d’accroître l’offre de services sociaux.

45. Le Comité recommande en outre à l’État partie de veiller à ce que tous les enfants victimes aient accès à des procédures leur permettant, sans discrimination, de réclamer réparation du préjudice subi aux personnes juridiquement responsables, conformément au paragraphe 4 de l’article 9 du Protocole facultatif.

VII.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

46. Compte tenu du paragraphe 1 de l’article 10, le Comité encourage l’État partie à continuer de renforcer la coopération internationale par des accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux, conclus notamment avec les pays voisins, y compris en renforçant les procédures et mécanismes destinés à coordonner l’application de tels accords, en vue de pouvoir mieux prévenir, identifier, poursuivre et punir les responsables de l’un quelconque des actes constitutifs des infractions visées par le Protocole facultatif, et enquêter sur de tels actes.

Autres dispositions législatives

47. Le Comité encourage l’État partie à ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, qu’il a déjà signés. Il l’engage en outre à ratifier, comme la délégation a indiqué qu’il comptait le faire, la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains et la Convention pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, signées par l’État partie en 2008.

VIII.Suivi et diffusion

Suivi

48.Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures propres à assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les transmettant aux ministères compétents, au Riigikogu ainsi qu’aux autorités nationales et locales, afin qu’elles soient dûment prises en considération et suivies d’effet.

Diffusion

49. Le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement, notamment, mais non exclusivement, par l’Internet, son rapport et ses réponses écrites, ainsi que les recommandations du Comité s’y rapportant (observations finales), auprès du grand public, des organisations de la société civile, des médias, des groupements de jeunes et des groupes professionnels, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant les dispositions du Protocole facultatif, son application et son suivi. Le Comité recommande en outre à l’État partie de diffuser largement le Protocole facultatif auprès des enfants et des parents par le biais, entre autres, des programmes scolaires et de l’éducation aux droits de l’homme.

IX.Prochain rapport

50. Conformément au paragraphe 2 de l’article 12, le Comité prie l’État partie de faire figurer des informations complémentaires concernant l’application du Protocole facultatif dans le prochain rapport périodique qu’il présentera au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant, conformément à l’article 44 de la Convention.