Nations Unies

CRPD/C/JOR/CO/1

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

15 mai 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits des personnes handicapées

Observations finales concernant le rapport initialde la Jordanie *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Jordanie (CRPD/C/JOR/1) à ses 310e et 311e séances (voir CRPD/C/SR.310 et 311), les 28 et 29 mars 2017. Il a adopté les observations finales ci-après à sa 324e séance, le 6 avril 2017.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la Jordanie, qui a été établi conformément aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports, et remercie l’État partie des réponses écrites (CRPD/C/JOR/Q/1/Add.1) apportées à la liste de points établie par le Comité (CRPD/C/JOR/Q/1).

3.Le Comité se félicite du dialogue fructueux qu’il a eu avec la délégation de l’État partie dans le cadre de l’examen du rapport et remercie l’État partie d’avoir dépêché une délégation de haut niveau.

II.Aspects positifs

4.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour assurer la réalisation des droits des personnes handicapées consacrés par la Convention. Il prend note de l’interdiction expresse, dans la législation interne, de la discrimination fondée sur le handicap, et des initiatives prises pour sensibiliser l’opinion et promouvoir une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme dans les médias nationaux. Le Comité prend également note de l’introduction de normes d’accessibilité dans la loi nationale no 7 de 1993 relative à la construction. Il accueille avec satisfaction la fatwa interdisant la stérilisation forcée des filles handicapées et établissant la responsabilité de la société à leur égard, qui figure dans la décision no 194-02 de 2014 du Département chargé de la publication des fatwas.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Principaux généraux et obligations générales (art. 1er à 4)

5.Le Comité constate que l’État partie n’a pas ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

6. Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier, dans les meilleurs délais, le Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

7.Le Comité constate avec préoccupation que la législation nationale est contraire à la Convention en ce qu’elle contient des dispositions discriminatoires à l’égard des personnes handicapées, telles que les articles 127 et 128 du Code civil (loi no 43 de 1976), l’article 467 du Code pénal (loi no 16 de 1960), les articles 12, 206, 211 et 212 de la loi no 36 de 2010 relative au statut personnel et les articles 2, 4 et 12 de la loi no 6 de 1954 relative à la nationalité. Le Comité juge également préoccupant que le projet de loi sur les droits des personnes handicapées n’énonce pas de critères clairs pour la participation effective des organisations représentant les personnes handicapées aux travaux du Conseil supérieur des personnes handicapées.

8. Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ attacher dans les plus brefs délais à  :

a) Veiller, avant que ne soit adopté le projet de loi sur les droits des personnes handicapées, à ce qu ’ il soit conforme aux dispositions de la Convention, à ce qu ’ il prévoie des sanctions judiciaires en cas de non-respect et à ce qu ’ il garantisse, conformément au paragraphe 3 de l ’ article 4 de la Convention, la participation accrue et effective des organisations représentant les personnes handicapées ;

b) Abroger toutes les dispositions législatives qui établissent une discrimination fondée sur le handicap, notamment les articles 127 et 128 du Code civil (loi n° 43 de 1976), l ’ a rticle 467 du Code pénal (loi n o 16 de 1960), les articles 12, 206, 211 et 212 de la loi n o 36 de 2010 relative au statut personnel et les articles 2, 4 et 12 de la loi n o 6 de 1954 relative à la nationalité, veiller à l ’ application uniforme de la définition de la personne handicapée qui découle des articles 1 er et 3 de la Convention, et mentionner expressément les obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées ;

c) Revoir la dénomination et l ’ objet de la carte qui est délivrée aux seules personnes handicapées et veiller à ce que son utilisation soit conforme à la Convention.

9.Le Comité constate avec préoccupation qu’aucune stratégie nationale pour les personnes handicapées n’a encore été adoptée pour remplacer la stratégie précédente, qui a pris fin en 2015.

10. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter une nouvelle stratégie nationale pour les personnes handicapées, assortie d ’ un plan d ’ action, et de veiller à ce qu ’ elle soit dotée des moyens financiers, techniques et humains nécessaires à sa mise en œuvre ;

b) De préciser quels mécanismes sont appelés à assurer la mise en œuvre et le suivi de cette stratégie, et de garantir la pleine participation des organisations représentant les personnes handicapées.

B.Droits particuliers (art. 5 à 30)

Égalité et non-discrimination (art. 5)

11.Le Comité constate avec préoccupation que :

a)Dans la législation en vigueur, le refus d’aménagement raisonnable ne figure pas expressément au nombre des actes discriminatoires interdits dans tous les domaines ;

b)Les employeurs et les prestataires de services ne maîtrisent pas bien la notion d’« aménagement raisonnable », si bien que l’exercice par les personnes handicapées de leurs droits, sur la base de l’égalité avec les autres, n’est pas assuré.

12. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De modifier sa législation afin d ’ interdire expressément le refus d ’ aménagement raisonnable en le considérant, dans tous les domaines, comme un acte discriminatoire à l ’ égard des personnes handicapées, et de garantir l ’ application de sanctions en cas de non-respect ;

b) De faire œuvre de sensibilisation, notamment auprès des employeurs et des prestataires de services, au sujet de l ’ obligation d ’ apporter des aménagements raisonnables.

13.Le Comité est préoccupé par l’absence de coordination et de suivi efficace dans les cas de discrimination fondée sur le handicap, et s’inquiète notamment de ce qu’il n’y ait pas de mécanisme chargé de collecter et de vérifier les données concernant les cas de refus d’aménagement raisonnable.

14. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre en place le Comité de l ’ égalité des chances, comme le prévoit le projet de loi sur les droits des personnes handicapées, et de l ’ habiliter à recevoir les plaintes pour acte de discrimination fondée sur le handicap, notamment les plaintes pour refus d ’ aménagement raisonnable dans le secteur public comme dans le secteur privé, à imposer des sanctions aux auteurs de tels actes et à offrir des recours aux victimes ;

b) De renforcer la Commission nationale des droits de l ’ homme et le Conseil supérieur des personnes handicapées, et de régir avec précision la procédure de dépôt de plainte auprès de ces organes et du Comité de l ’ égalité des chances ;

c) De renforcer les capacités des personnes handicapées et des organisations qui les représentent pour les encourager à se prévaloir des mécanismes de recours judiciaire disponibles.

Femmes handicapées (art. 6)

15.Le Comité est préoccupé par l’absence de cadre coordonné et stratégique de lutte contre les manifestations de discrimination croisée à l’égard des femmes et des filles handicapées, telles que le préjugé culturel concernant leur capacité de se marier et de fonder une famille. Il constate que les éléments de la Stratégie nationale pour les femmes (2013‑2017), notamment les plans stratégiques pour la prestation de services de santé procréative dans l’État partie, ne tiennent pas compte de la question du handicap.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter un cadre législatif de lutte contre la discrimination croisée à l ’ égard des femmes et des filles handicapées, ainsi qu ’ une stratégie coordonnée pour sa mise en œuvre ;

b) De systématiquement tenir compte des droits des personnes handicapées dans les stratégies et plans d ’ action nationaux en fav eur des femmes et des filles, y  compris dans les stratégies relatives à la santé procréative  ;

c) De mener des campagnes de sensibilisation visant à faire évoluer les attitudes culturelles à l ’ égard des femmes et des filles handicapées.

Enfants handicapés (art. 7)

17.Le Comité est profondément préoccupé par les violences que les filles et les garçons handicapés subiraient tant en foyer d’accueil que dans le cadre familial. Il constate que les politiques nationales relatives aux enfants, notamment la Stratégie pour le développement de la petite enfance et la Stratégie nationale en faveur de la famille, ne tiennent pas compte de la question du handicap.

18. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter le projet de réforme du Code pénal qui prévoit un durcissement des peines encourues pour acte de négligence ou de maltraitance envers un enfant handicapé ;

b) De veiller à ce que tous les cas de violence à l ’ égard d ’ enfants handicapés soient signalés et donnent lieu à une enquête approfondie, à ce que les auteurs soient poursuivis et sanctionnés comme il convient, et à ce que les victimes bénéficient de mesures d ’ accompagnement et de réparation adéquates, notamment d ’ une indemnisation et de services de réadaptation ;

c) De systématiquement tenir compte des droits des personnes handicapées dans les stratégies et plans d ’ action en faveur des enfants.

Accessibilité (art. 9)

19.Le Comité constate avec préoccupation que le Code national de la construction, promulgué par la loi nationale no 7 de 1993 relative à la construction, qui fixe des normes d’accessibilité pour les installations, les bâtiments et les routes, n’est pas effectivement appliqué. Il relève que les fonctions des entités chargées de délivrer les permis et d’assurer le suivi de l’application du Code se chevauchent, si bien que les normes d’accessibilité ne sont pas uniformément respectées et que les sanctions ne sont pas suffisamment appliquées en cas de non-respect.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer l ’ application des normes d ’ accessibilité et son contrôle en veillant notamment à préciser quelles entités sont chargées de ce dernier, à organiser des activités de renforcement des capacités et de formation continue des fonctionnaires et des experts chargés du contrôle, à faire participer aux activités de contrôle les personnes handicapées par l ’ intermédiaire des organisations qui les représentent, et à sanctionner les contrevenants aux normes d ’ accessibilité.

21.Le Comité constate avec préoccupation que les personnes aveugles, les personnes sourdes et les personnes présentant un handicap intellectuel et/ou psychosocial se heurtent à des difficultés pour accéder aux bâtiments publics, aux installations, aux moyens de transport et aux services d’information et de communication, en raison de l’absence de services d’interprétation en langue des signes, de dispositifs de communication améliorée et alternative, de supports faciles à lire et d’autresmoyens, modes et formes accessibles de communication, tels que les pictogrammes.

22. Le Comité recommande à l ’ État partie de systématiser la signalisation en braille et dans des formats faciles à lire, et de prévoir une aide humaine, des services de médiateurs, des guides, des lecteurs et des kiosques d ’ information, des distributeurs automatiques de billets, des sites Web et des applications mobiles accessibles, ainsi que des services professionnels et certifiés d ’ interprétation en langue des signes, afin de faciliter l ’ accès aux bâtiments publics, aux installations, aux transports et aux services d ’ information et de communication, conformément à l ’ observation générale n o 2 (2014) du Comité sur l ’ accessibilité.

Situations de risque et situations d’urgence humanitaire (art. 11)

23.Le Comité constate que l’État partie accueille un nombre considérable de réfugiés. Il est préoccupé par l’absence de stratégie complète de gestion des risques de catastrophe qui tienne compte des personnes handicapées et leur soit accessible. Le Comité est également préoccupé par le fait que les personnes sourdes ne peuvent utiliser qu’un certain type de téléphone portable pour joindre les services d’urgence.

24. Le Comité recommande à l ’ État partie de tenir compte du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030) au moment d ’ adopter et d ’ appliquer une stratégie complète et des procédures d ’ urgence et de réduction des risques de catastrophe qui prennent pleinement en considération les personnes handicapées, notamment celles qui sont réfugiées, et qui leur soient pleinement accessibles. Le Comité recommande également de faire en sorte que les personnes handicapées, en particulier les personnes sourdes, puissent joindre les services d ’ urgence, au moyen de la plate - forme informatique indépendante.

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

25.Le Comité constate avec préoccupation que les articles 44 et 128 du Code civil (loi no 43 de 1976) et les articles 204 et 212 de la loi no 36 de 2010 relative au statut personnel privent les personnes handicapées, notamment celles qui présentent un handicap intellectuel et/ou psychosocial, de leur capacité juridique, ce qui est contraire à l’article 12 de la Convention.

26. Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier la législation interne, en particulier le Code civil et la loi relative au statut personnel, en vue de reconnaître la pleine capacité juridique des personnes handicapées, quel que soit leur handicap, sur la base de l ’ égalité avec les autres, et de mettre en place des mécanismes d ’ aide à la prise de décisions, conformément à l ’ observation générale n o 1 (2014) du Comité sur la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d ’ égalité.

Accès à la justice (art. 13)

27.Le Comité s’inquiète de ce que l’article 3 du Code de procédure pénale (loi no 9 de 1961) exclue la possibilité pour les personnes qui présentent un handicap intellectuel et/ou psychosocial de déposer une plainte directement auprès des autorités judiciaires. Il est préoccupé par le nombre insuffisant d’interprètes en langue des signes formés et agréés qui sont disponibles pour assister les personnes sourdes dans le cadre des procédures administratives et judiciaires, ainsi que par l’absence de documents dans des formats accessibles, qui empêche les personnes aveugles et les personnes présentant un handicap intellectuel et/ou psychosocial de participer aux procédures.

28. Le Comité recommande à l ’ État partie, compte tenu de l ’ article 13 de la Convention et de la cible 16.3 des objectifs de développement durable :

a) De modifier dans les meilleurs délais le Code de procédure pénale de façon à supprimer toutes les dispositions qui restreignent l ’ accès des personnes handicapées aux tribunaux ;

b) De veiller à ce que toutes les personnes handicapées aient accès à des services professionnels et agrées d ’ interprétation en langue des signes et à des documents dans des formats accessibles afin de garantir leur pleine participation à toutes les procédures judiciaires et administratives.

Liberté et sécurité de la personne (art. 14)

29.Le Comité constate avec préoccupation que, conformément au paragraphe 5 de l’article 233 du Code de procédure pénale (loi no 9 de 1961) et aux articles 14 et 15 de la loi no 47 de 2008 relative à la santé publique, les personnes handicapées peuvent être privées de liberté au motif qu’elles « constituent un danger pour elles-mêmes ou pour la société » en raison de leur handicap.

30. Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ abroger les dispositions pertinentes du Code de procédure pénale et de la loi relative à la santé publique afin d ’ interdire la détention au motif du handicap, y compris le placement d ’ office en milieu hospitalier, institutionnel ou carcéral, conformément aux principes directeurs du Comité (2015) concernant le droit des personnes handicapées à la liberté et à la sécurité de la personne (art. 14 de la Convention).

Droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 15)

31.Le Comité est préoccupé par les cas présumés de mauvais traitements, notamment de violences physiques et psychologiques, constitutifs d’actes de torture et de traitements cruels et dégradants, commis à l’encontre de personnes handicapées dans des « foyers ». Il est également préoccupé par la pratique de la « détention à des fins de protection » qui consisterait à restreindre la liberté de circulation des femmes handicapées pour les protéger de la violence.

32. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que :

a) Des enquêtes soient diligentées sur les cas signalés de traitements cruels ou dégradants infligés à des personnes handicapées dans des « foyers », afin d ’ établir les responsabilités administratives et pénales ;

b) Les personnes qui courent un risque de torture et de mauvais traitements aient accès à des mécanismes de plainte indépendants et à ce que les victimes aient droit à une réparation ainsi qu ’ à une indemnisation et à des moyens de réadaptation adéquats, et les obtiennent ;

c) La détention « à des fins de protection » soit remplacée par des mesures qui protègent efficacement les femmes handicapées contre la violence tout en respectant leur liberté de circulation.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (art. 16)

33.Le Comité est préoccupé par le fait que les articles 8 et 62 du Code pénal (loi no 16 de 1960) sur la « discipline et ce qui est admis par la loi et autorisé par les coutumes » peuvent être utilisés dans la pratique pour justifier d’actes de violence commis contre des femmes, des filles et des garçons handicapés.

34. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ abroger les articles 8 et 62 du Code pénal pour interdire totalement les châtiments corporels ;

b) D ’ intégrer les considérations relatives aux droits des personnes handicapées dans les travaux de l ’ Équipe spéciale nationale pour la protection contre la violence familiale, créée en 2016, et dans le projet de loi sur la protection contre la violence familiale.

Protection de l’intégrité de la personne (art. 17)

35.Le Comité est profondément préoccupé par la pratique consistant à stériliser des personnes handicapées, en particulier les femmes et les filles présentant un handicap mental ou psychosocial alors que cette pratique est interdite par la fatwa publiée dans la décision no 194-02 de 2014.

36. Le Comité exhorte l ’ État partie à :

a) Mettre fin à la pratique consistant à stériliser des personnes handicapées sans recueillir leur consentement libre et éclairé ;

b) Adopter le projet de réforme du Code pénal qui prévoit l ’ interdiction de la stérilisation forcée , poursuivre et sanctionner les auteurs de cette pratique, comme il convient, et offrir une réparation, y compris une indemnisation et des moyens de réadaptation adéquats, aux personnes qui ont été stérilisées de force.

Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

37.Le Comité est préoccupé par le fait que les personnes handicapées ne connaissent pas bien les services d’appui à l’autonomie de vie dont ils peuvent bénéficier, ni les moyens de les obtenir au niveau local.

38. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter la stratégie d ’ abandon du placement en milieu fermé en veillant à ce qu ’ elle soit dotée des fonds suffisants pour promouvoir, conformément à l ’ objectif fixé, les droits à l ’ autonomie de vie et à l ’ inclusion dans la société dont jouissent les personnes handicapées, et de donner aux personnes handicapées et aux membres de leur famille des informations sur les moyens d ’ accéder aux services d ’ accompagnement et d ’ aide qui leur permettraient de vivre de manière autonome selon leur propre choix, tout en étant intégrées dans la société et dans leur famille.

Mobilité personnelle (art. 20)

39.Le Comité constate l’absence de cadre systématique et de fonds publics spécialement consacrés à l’acquisition par les personnes handicapées des aides à la mobilité et des technologies d’assistance nécessaires à leur mobilité personnelle sans entrave.

40. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter un cadre systématique et un budget ad hoc pour faire en sorte que les personnes handicapées puissent acquérir, à un coût abordable, les aides à la mobilité et les appareils et accessoires, technologies et services d ’ assistance de qualité dont elles ont besoin pour assurer leur mobilité personnelle sans entrave.

Liberté d’expression et d’opinion et accès à l’information (art. 21)

41.Le Comité constate qu’aucune norme ne garantit l’accès de tous aux informations communiquées au grand public, y compris au moyen des médias. Il s’inquiète de ce que l’État partie n’ait pas reconnu officiellement la langue des signes.

42. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter des dispositions législatives pour faire en sorte que les informations communiquées au grand public soient également accessibles aux personnes handicapées, sans tarder et sans frais supplémentaires pour celles-ci, sous des formes accessibles et au moyen de technologies adaptées aux différents types de handicap ;

b) De reconnaître officiellement la langue des signes et de promouvoir son utilisation, notamment en renforçant les programmes de formation et de certification consacrés à l ’ interprétation en langue des signes.

Respect du domicile et de la famille (art. 23)

43.Le Comité s’inquiète de ce que l’article 12 de la loi relative au statut personnel (loi no 36 de 2010) impose aux personnes atteintes d’un handicap mental ou psychosocial l’obligation d’obtenir l’autorisation judiciaire de se marier.

44. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ abroger l ’ article 12 de la loi relative au statut personnel pour que les personnes atteintes d ’ un handicap mental ou psychosocial puissent exercer, sur la base de leur libre et plein consentement, le droit de se marier et celui de fonder une famille.

Éducation (art. 24)

45.Le Comité note l’absence de collecte systématique de données sur l’inscription et l’abandon scolaires des enfants handicapés à la fois dans les établissements d’enseignement général et dans les établissements d’éducation spécialisée. Il est préoccupé par le fait que nombre d’enfants handicapés n’ont pas accès à un enseignement inclusif et de qualité. Il s’inquiète également de ce que les enseignants ne sont pas formés pour dispenser les cours de mathématiques et d’informatique sous une forme accessible à tous, les élèves sourds et aveugles étant, de ce fait, privés de ces cours.

46. Le Comité recommande à l ’ État partie :

  a) De fonder son système éducatif sur le principe de l ’ éducation inclusive, conformément à l ’ observation générale n o 4 (2016) du Comité sur le droit à l ’ éducation inclusive ;

b) D ’ adopter le projet de loi sur le plan national pour une éducation inclusive et d ’ associer les personnes handicapées − en particulier les enfants − , par l ’ intermédiaire des organisations qui les représentent, à son adoption et à sa mise en œuvre ;

c) D ’ allouer des ressources financières et humaines suffisantes pour garantir la fourniture d ’ une aide individualisée et d ’ un aménagement raisonnable aux enfants handicapés, y compris ceux qui présentent un handicap mental, pour leur permettre de recevoir une éducation inclusive de qualité dans toutes les matières  ;

d) De veiller à ce que des données sur l ’ inscription et l ’ abandon scolaires des enfants handicapés, ventilées par âge, sexe, handicap et origine géographique, soient systématiquement recueillies à la fois dans les établissements d ’ enseignement général et dans les établissements d ’ éducation spécialisée.

Santé (art. 25)

47.Le Comité relève avec préoccupation les restrictions à l’accès aux assurances de santé privées des personnes handicapées, en particulier celles qui présentent un handicap psychosocial ou des troubles neurologiques. Il est également préoccupé par le fait que les professionnels de la santé ne reçoivent pas de formation sur les droits de l’homme des personnes handicapées, en particulier celles qui présentent un handicap intellectuel et/ou psychosocial.

48.  Conformément à l ’ article 25 de la Convention et à l ’ objectif de développement durable n o 3, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter une loi qui reconnaisse expressément le droit des personnes handicapées d ’ accéder à tous les services d ’ assurance de santé privée offerts par les compagnies d ’ assurance privées, sur la base de l ’ égalité avec les autres ;

b) D ’ intégrer l ’ approche du handicap fondée sur les droits de l ’ homme dans les programmes de formation de tous les professionnels de la santé en mettant l ’ accent sur le fait que les services et traitements médicaux doivent être dispensés avec le consentement libre, préalable et éclairé de toutes les personnes handicapées concernées .

Travail et emploi (art. 27)

49.Le Comité est gravement préoccupé par le taux élevé de chômage des personnes handicapées dans l’État partie (76 %). Il s’inquiète de ce que certaines lois et certains règlements discriminatoires, notamment l’article 13 de la loi de 2010 sur le travail, l’annexe I de la loi no 58 de 1977 sur le Système des comités médicaux et le règlement d’application no 13 de 2014 y relatif, ainsi que l’article 4 du statut de la fonction publique, soient toujours en vigueur et empêchent les personnes atteintes de certains types de handicap d’accéder à l’emploi. Le Comité est préoccupé par la discrimination à l’embauche des personnes handicapées, en particulier les femmes.

50. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ abroger les lois et les règlements discriminatoires pour abandonner la notion « d ’ aptitude médicale » et de faire en sorte que des évaluations individualisées soient menées pour déterminer si les exigences professionnelles réelles sont satisfaites ;

b) De sensibiliser les employeurs et le grand public au droit des personnes handicapées au travail ;

c) De promouvoir l ’ emploi des personnes handicapées dans les secteurs privé et public, notamment en adoptant des mesures d ’ action positive et des règles régissant l ’ aménagement raisonnable.

Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)

51.Le Comité est préoccupé par le faible niveau de vie des personnes handicapées.

52. Le Comité recommande à l ’ État partie, conformément à l ’ article 28 de la Convention et à la cible 10.2 des objectifs de développement durable, de redoubler d ’ efforts pour élever le niveau de vie des personnes handicapées en s ’ employant en particulier, conformément à l ’ engagement volontaire souscrit par l ’ État partie lors de l ’ Examen périodique universel de 2013, à défendre leurs droits d ’ être intégrées à la société et autonomes .

53.Le Comité note l’absence de collecte systématique de données sur les personnes handicapées qui bénéficient d’une allocation-logement et d’un financement permettant l’aménagement de l’habitation en fonction du handicap, et de données sur le taux de pauvreté des personnes handicapées.

54. Le Comité recommande à l ’ État partie de collecter systématiquement, en étroite collaboration avec les organisations de personnes handicapées, des données actualisées et correctement ventilées, y compris des données statistiques et des résultats de recherche, sur le taux de pauvreté des personnes handicapées et sur celles qui bénéficient d ’ une allocation-logement et d ’ un financement leur permettant d ’ aménager leur habitation en fonction de leur handicap.

Participation à la vie politique et à la vie publique (art. 29)

55.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les personnes aveugles et celles qui présentent un handicap mental auraient rarement accès aux matériels électoraux et les bureaux de vote leur seraient souvent physiquement inaccessibles. Il s’inquiète du faible nombre de personnes handicapées qui se présentent à des fonctions électives.

56. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller, par des mesures d ’ ordre législatif et autres, à ce que les personnes handicapées aient accès aux bulletins de vote, aux matériels électoraux et aux bureaux de vote, et à ce qu ’ elles soient autorisées à se faire assister d ’ une personne de leur choix pour voter ;

b) De promouvoir la participation des personnes handicapées, en particulier celles qui présentent un handicap sensoriel et mental, à la vie civique et politique.

Participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports (art. 30)

57.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas ratifié le Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées qui énonce des dispositions relatives à l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées.

58. Le Comité encourage l ’ État partie à prendre toutes les mesures voulues pour ratifier et appliquer le Traité de Marrakech dès que possible.

C.Obligations particulières (art. 31 à 33)

Statistiques et collecte des données (art. 31)

59.Le Comité relève l’absence de collecte systématique d’informations à jour, notamment de données statistiques et de résultats de recherche adéquatement ventilés, qui faciliteraient la formulation et la mise en œuvre de politiques visant à donner effet à la Convention.

60. Le Comité recommande à l ’ État partie de collaborer étroitement avec les personnes handicapées, les organisations qui les représentent et le Groupe de Washington sur les statistiques des incapacités, afin de créer une base centralisée et régulièrement mise à jour de données ventilées par sexe, âge, origine ethnique, population rurale ou urbaine et type de handicap, pour que des politiques visant à donner effet à la Convention puissent être formulées et mises en œuvre dans le respect des droits de l ’ homme et des libertés fondamentales, de l ’ éthique, des garanties juridiques, de la protection des données, de la confidentialité et de l ’ intimité.

Coopération internationale (art. 32)

61.Le Comité note que la problématique du handicap n’est pas suffisamment prise en compte dans les stratégies nationales d’application et de suivi du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

62. Le Comité recommande à l ’ État partie de collaborer étroitement avec les personnes handicapées, par l ’ intermédiaire des organisations qui les représentent, pour que leurs droits soient pris en considération dans l ’ application et le suivi du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030.

Application et suivi au niveau national (art. 33)

63.Le Comité note avec préoccupation l’absence de mécanisme national de coordination indépendant, conforme aux dispositions énoncées au paragraphe 2 de l’article 33 de la Convention.

64. Le Comité recommande à l ’ État partie de désigner un mécanisme indépendant de contrôle de l ’ application de la Convention, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 33 de celle-ci et dans le respect des Prin cipes concernant le statut des i nstitutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), de lui allouer les ressources nécessaires à l ’ exécution de son mandat et de veiller à ce que les personnes handicapées y participent.

IV.Suivi

Diffusion de l’information

65. Le Comité demande à l ’ État partie de lui faire parvenir, dans un délai de douze mois, des renseignements sur l ’ adoption des présentes observations finales et, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 35 de la Convention, sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations figurant aux paragraphes 18 (violence à l ’ égard des enfants handicapés) et 35 (protection de l ’ intégrité de la personne) ci ‑ dessus.

66. Le Comité demande à l ’ État partie de mettre en œuvre ses recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il lui recommande de transmettre les présentes observations finales, pour examen et suite à donner, aux membres du Gouvernement et du Parlement, aux responsables des différents ministères, au système judiciaire et aux membres des professions concernées, tels les professionnels de l ’ éducation, de la santé et du droit, ainsi qu ’ aux autorités locales et aux médias , en utilisant pour ce faire les stratégies de communication sociale modernes .

67. Le Comité encourage vivement l ’ État partie à associer les organisations de la société civile, en particulier les organisations de personnes handicapées, à l ’ élaboration de ses rapports périodiques .

68. Le Comité prie l ’ État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organisations non gouvernementales et des organisations de personnes handicapées, ainsi qu ’ auprès des personnes handicapées elles-mêmes et de leurs proches, dans les langues nationales et minoritaires, notamment en langue des signes, et sous des formes accessibles, y compris des formats faciles à lire, et de les diffuser sur le site Web public consacré aux droits de l ’ homme .

Prochain rapport périodique

69. Le Comité prie l ’ État partie de lui soumettre son rapport valant deuxième, à quatrième rapports périodiques le 30 avril 2022 au plus tard et d ’ y faire figurer des renseignements sur la mise en œuvre des présentes observations finales.

70. Le Comité invite l ’ État partie à envisager de soumettre ce rapport selon la procédure simplifiée de présentation des rapports, dans le cadre de laquelle le Comité établit une liste de points au moins un an avant la date prévue pour la soumission du rapport. Les réponses de l ’ État partie à cette liste de points constituent son rapport périodique.