NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/TGO/CO/1723 septembre 2008

Original : FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante-treizième session 28 juillet- 15 août 2008

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

TOGO

Le Comité a examiné les sixième à dix-septième rapports périodiques du Togo, présentés en un seul document (CERD/C/TGO/17), à ses 1880e et 1881e séances (CERD/C/SR.1880 et 1881), tenues les 30 et 31 juillet 2008. À sa 1897e séance (CERD/C/SR.1897), tenue le 13 août 2008, il a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport présenté par l’État partie et salue la franchise dont il fait preuve en reconnaissant certaines situations qui ont affecté gravement le Togo. Le Comité regrette toutefois que les organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme n’aient pas participé à l’élaboration du rapport.

Le Comité se félicite de pouvoir renouer le dialogue avec l’État partie après une longue interruption et l’invite à présenter dorénavant ses rapports de manière régulière. Il salue la présence d’une délégation nombreuse et de haut niveau, et exprime sa satisfaction pour les renseignements complémentaires apportés oralement et par écrit.

GE.08-44200Le Comité note avec satisfaction la présence de la Commission nationale des droits de l’homme du Togo, ainsi que les renseignements apportés par son Président.

B.  Aspects positifs

Le Comité salue le processus de réconciliation initié par le Togo, qui a abouti à la signature de l’Accord politique global (APG), le 20 août 2006, et au déroulement pacifique des élections législatives en octobre 2007. Il salue également la volonté de l’État partie d’édifier un État de droit et son engagement à respecter ses obligations internationales en matière de droits de l’homme.

Le Comité prend acte avec satisfaction de l’intention exprimée par l’État partie de mettre en place dans un avenir proche une Commission vérité, justice et réconciliation.

Le Comité salue le programme national de promotion et de protection des droits de l’homme, adopté le 31 mai 2007, qui met l’accent sur la vulgarisation des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a engagé la mise en œuvre du programme national de modernisation de la justice ainsi qu’une reforme législative du Code pénal.

Le Comité accueille avec satisfaction la suppression des dispositions discriminatoires du Code électoral.

C. Sujets de préoccupations et recommandations

Tout en tenant compte des difficultés exprimées par la délégation, le Comité souhaite obtenir des informations actualisées sur la composition ethnique et linguistique de la population du Togo. Il rappelle que les renseignements sur la composition démographique permettent au Comité aussi bien qu’à l’État partie de mieux évaluer l’application de la Convention au plan national.

Le Comité encourage l’État partie à réaliser un recensement et à lui fournir dans son prochain rapport les données résultant de celui-ci. Il lui recommande de veiller à ce que le questionnaire à utiliser à cette fin contienne les questions pertinentes permettant de mieux cerner la composition ethnique et linguistique de la population. Il appelle l’attention de l’État partie  sur les directives générales concernant la préparation du rapport spécifique pour le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, adoptées à sa soixante et onzième session (CERD/C/70/Rev.5).

Le Comité note avec préoccupation que, bien que l’État partie reconnaisse que des conflits interethniques se sont produits au Togo, il n’existe pas actuellement en droit interne une définition de la discrimination raciale correspondant à celle de l’article 1er de la Convention.

Le Comité encourage l’État partie à persévérer dans ses efforts pour mettre en œuvre rapidement la reforme de sa législation, en particulier du Code pénal prévoyant l’intégration d’une définition de la discrimination raciale qui soit pleinement conforme à l’article premier de la Convention. (Art. 1)

Le Comité note avec préoccupation que les exigences de l’article 4 de la Convention ne sont pas entièrement prises en compte dans le droit interne, notamment l’incrimination de l’assistance et du financement des activités racistes et l’interdiction des organisations de propagande raciste.

Le Comité recommande à l’État partie d’ériger en infraction pénale chacun des actes délictueux énoncés dans les paragraphes pertinents de l’article 4 de la Convention, y compris l’incrimination de l’assistance et du financement des activités racistes et l’interdiction des organisations de propagande raciste. (Art. 4 a )

Tout en tenant compte de la volonté de réconciliation nationale de l’État partie, le Comité observe avec préoccupation qu’aucune sanction pénale n’a été appliquée à l’encontre des dirigeants politiques et des auteurs d’articles journalistiques qui ont appelé à la haine ethnique et au tribalisme, alors que la gravité de leur conduite a provoqué, comme le reconnaît l’État partie, des tueries, des chasses à l’homme et des déplacements de certaines populations, notamment à la suite des élections présidentielles de 2005. Le Comité rappelle que les violations graves des droits de l’homme ne doivent pas rester impunies.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures adéquates pour combattre effectivement toute tendance, en particulier de la part des responsables politiques et des médias, à stigmatiser ou stéréotyper des personnes sur la base de la race, de la couleur, de l’ascendance ou de l’origine nationale ou ethnique. L’État partie devrait aussi veiller à ce qu’aucune violation grave des droits de l’homme ne reste impunie.  (Art. 4 b et c )

Le Comité  regrette ne pas avoir eu suffisamment d’informations sur les activités du Haut Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité nationale, créé le 11 mars 2008, ni sur les politiques menées par le Togo pour mener le pays à l’unité nationale.

Le Comité rappelle à l’État partie que l’objectif d’édifier une nation fondée sur le principe de l’égalité pour tous devrait être atteint  en tenant compte de la protection de la diversité ethnique et culturelle de tous les groupes ethniques, et en respectant les droits reconnus et protégés par la Convention. Il recommande que les activités du Gouvernement, et notamment celles du Haut Commissariat à la Réconciliation et au Renforcement de l’Unité nationale, tiennent compte du principe de non-discrimination consacré par la Convention. (Art. 5)

Le Comité est préoccupé par les tensions qui pourraient persister entre les différentes ethnies au Togo et qui pourraient constituer des entraves au processus de réconciliation.

Le Comité invite l’État partie à redoubler ses efforts pour promouvoir des relations harmonieuses entre les différents groupes ethniques et culturels existants au Togo, notamment au travers de campagnes de sensibilisation à la tolérance et à l’entente interethnique. Il l’invite également à prendre des mesures pour promouvoir l’identité culturelle de ces groupes et préserver leurs langues. (Art. 7)

Le Comité observe avec préoccupation la persistance de disparités importantes par genre, origine géographique, ethnique et sociale au Togo, notamment dans le système éducatif et l’accès aux services de santé.

Le Comité encourage l’État partie à s’employer à réduire les disparités existantes, y compris dans le système éducatif et l’accès aux services de santé, au moyen de stratégies et de mesures adaptées. (Art. 2, par. 2 et 5 e iv et v)

Le Comité note avec préoccupation que le texte applicable dans le domaine foncier, le décret du 24 juillet 1906, n’est pas adéquat pour garantir le droit des peuples autochtones de posséder, de mettre en valeur, de contrôler et d’utiliser leurs terres, leurs ressources et leurs territoires communaux.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures efficaces et adéquates pour protéger le droit des peuples autochtones à la terre et : a) d’instaurer, dans le cadre de la « Commission nationale de modernisation de la législation », une protection effective des droits forestiers des peuples autochtones; b) de répertorier au cadastre les terres ancestrales de peuples autochtones; c) de prendre en compte les intérêts des peuples autochtones et les impératifs de sauvegarde de l’environnement en ce qui concerne  l’exploitation des terres; et d) de prévoir des voies de recours internes en cas de violation des droits des peuples autochtones. En outre, le Comité invite l’État partie à tenir compte de sa recommandation générale  nº 23 (1997) concernant les droits des populations autochtones. (Art.5 e )

Tout en tenant compte des efforts déployés par l’État partie pour rééquilibrer la représentation ethnique dans le recrutement du personnel de l’appareil de l’État et au sein des forces de l’ordre et de la sécurité, le Comité note avec préoccupation qu’un déséquilibre ethnique persiste dans la fonction publique, et que le groupe Kabye-Tem-Losso est dominant dans l’armée. En revanche, certaines ethnies, telles que les peulhs, sont sous-représentées au Gouvernement, à l’Assemblée, dans la magistrature et dans les institutions publiques.

Le Comité encourage l’État partie à continuer dans ses efforts pour mettre en œuvre les recommandations de la Mission d’établissement des faits de 2005, en prenant des mesures urgentes et adéquates pour transformer en profondeur le recrutement dans l’armée et dans la fonction publique afin qu’elles reflètent la diversité culturelle et ethnique de la société togolaise et qu’aucun groupe ethnique ne subisse de discrimination. (Art.5 i )

Le Comité regrette ne pas avoir obtenu une clarification suffisante concernant le statut de la Convention en droit interne togolais, notamment la portée des articles 50 et 140 de la Constitution.

Le Comité recommande à l’État partie de lui fournir plus d’informations sur le statut de la Convention en droit interne et sur la possibilité pour les individus d’invoquer les dispositions pertinentes de la Convention devant les tribunaux. (Art. 6)

Le Comité note avec préoccupation que, selon l’État partie, la discrimination raciale est un phénomène quasi inexistant au Togo et qu’aucune plainte n’a été encore enregistrée.

Le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées pour des infractions liées à la discrimination raciale. Il lui rappelle que l’absence de plaintes et d’actions en justice de la part de victimes de discrimination raciale peut être révélatrice de l’inexistence d’une législation spécifique pertinente, de l’ignorance des recours disponibles, de la crainte d’une réprobation sociale, ou du manque de volonté des autorités chargées d’engager des poursuites. Il demande à l’État partie de veiller à ce que la législation nationale contienne des dispositions appropriées et d’informer le public de tous les recours juridiques disponibles dans le domaine de la discrimination raciale. (Art.6)

Le Comité recommande à l’État partie de tenir compte des parties pertinentes de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée (A/CONF.189/12, chap. I), lorsqu’il transposera la Convention dans son ordre juridique interne, en particulier les dispositions des articles 2 à 7. En outre, il exhorte l’État partie à inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements spécifiques sur les plans d’action adoptés et les autres mesures prises pour mettre en œuvre ces deux textes au plan national.

Le Comité prend note de la mise à l’étude par l’État partie de la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention et l’encourage à la faire aboutir rapidement.

Le Comité recommande à l’État partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties et approuvés par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 du 16 décembre 1992. À cet égard, le Comité rappelle la résolution 61/148 du 19 décembre 2006 dans laquelle l’Assemblée générale a demandé instamment aux États parties de hâter leur procédure interne de ratification de l’amendement et d’informer le Secrétaire général par écrit et dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre à la disposition du grand public ses rapports périodiques dès leur soumission et de faire connaître de la même manière les conclusions du Comité dans les langues officielles et nationales et, si possible, les principales langues minoritaires.

Le Comité recommande à l’État partie de consulter largement les organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale lors de l’élaboration du prochain rapport périodique.

Le Comité invite l’État partie à présenter son document de base conformément aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports établis au titre des instruments internationaux relatifs au droits de l’homme, en particulier celles qui ce rapportent au document de base commun, telles qu’adoptées par la cinquième réunion intercomités des organes crées en vertu des traités relatifs aux droits de l’homme tenue en juin 2006 (HRI/GEN/2/Rev.4).

En application du paragraphe 1er de l’article 9 de la Convention et de l’article 65 de son propre Règlement intérieur tel qu’amendé, le Comité demande à l’État partie de l’informer au plus tard le 15 août 2009 de la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant ci-dessus aux paragraphes 13, 17 et 18 dans l’année suivant l’adoption des présentes observations finales.

Le Comité recommande à l’État partie de présenter ses dix-huitième et dix-neuvième rapports périodiques en un seul document le 5 juillet 2011, en tenant compte des directives pour la préparation du rapport spécifique au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, adoptées à sa soixante et onzième session, et de traiter dans ce document tous les points soulevés dans les présentes observations.

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