NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/CHE/317 décembre 2007

Original: FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES

EN VERTU DE L ’ ARTICLE 40 DU PACTE

Trois ième rapport périodique

SUISSE*

[12 octobre 2007]

TABLE DES MATIÈRES

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PREMIÈRE PARTIE: GÉNÉRALITÉS9

I.ADHÉSION DE LA SUISSE À L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES9

II.LA SUISSE AU CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME9

III.RATIFICATIONS ET SIGNATURES D’INSTRUMENTS INTERNATIONAUX10

IV.RETRAIT DES RÉSERVES12

V.RÉFORME DE LA CONSTITUTION12

VI.PRINCIPAUX PROJETS LÉGISLATIFS TERMINÉS (APERÇU)13

VII.PROJETS LÉGISLATIFS EN COURS16

1.Droit procédural16

2.Droit privé17

3.Droit pénal18

4.Droit public18

VIII.JURISPRUDENCE DU TRIBUNAL FÉDÉRAL RELATIVE AU PACTE20

DEUXIÈME PARTIE: EXAMEN ARTICLE PAR ARTICLE DE LA MISE EN ŒUVREDES DROITS GARANTIS PAR LE PACTE II21

1.Article 1: Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes21

2.Article 2: Non-discrimination dans la jouissance des droits reconnusdans le Pacte21

2.1Principe21

2.2Couples de même sexe21

2.3Interdiction de la discrimination des personnes handicapées22

2.4Interdiction de la discrimination raciale23

2.4.1Généralités23

2.4.2Service de lutte contre le racisme (SLR)25

2.4.3Projets contre le racisme et en faveur des droits de l’homme26

2.4.4Commission fédérale contre le racisme (CFR)26

2.4.5Service spécialisé Extrémisme dans l’armée27

2.4.6Jurisprudence28

2.4.7Modifications de lois aux fins de la lutte contre le racisme31

TABLE DES MATIÈRES (suite)

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2.5Intégration des étrangers31

2.6Restrictions au principe d’égalité sur la base de la nationalité34

2.7Restrictions au principe d’égalité sur la base de la langue, de l’opinion et de la religion36

3.Article 3: Égalité entre hommes et femmes36

3.1Généralités36

3.2Quotas féminins en politique, dans la formation et la vie active37

3.3Réglementations significatives pour les femmes39

3.4Exploitation des femmes42

3.5Autorités42

4.Article 4: Dérogation aux droits reconnus en cas d’état d’urgence43

5.Article 5: Interdiction de l’abus du droit; réserve du droit le plus favorable45

6.Article 6: Droit à la vie45

6.1Principe45

6.2Droit d’obtenir de l’aide dans des situations de détresse45

6.3Assistance au suicide46

6.4Jurisprudence47

7.Article 7: Interdiction de la torture47

7.1Principe47

7.2Quatrième rapport périodique de la Suisse au CAT48

7.3Communications au CAT48

7.4Troisième et quatrième visites du CPT en Suisse48

7.5Mise au secret49

7.6Expérimentation médicale49

7.7Jurisprudence51

7.8Principe du non-refoulement en matière de droit d’asile51

7.9Principe du non-refoulement en matière d’entraide judiciaire internationale54

7.10Activités de la Suisse sur le plan international54

TABLE DES MATIÈRES (suite)

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8.Article 8: Interdiction de l’esclavage et du travail forcé55

8.1Travail d’intérêt général comme sanction pénale55

8.2Traite d’êtres humains55

8.3Exploitation sexuelle des enfants59

8.4Loi fédérale sur la transplantation d’organes, de tissus et de cellules60

8.5Service civil60

9.Article 9: Droit à la liberté et à la sûreté61

9.1Principe61

9.2CPT et CAT61

9.3Internement à vie62

9.4Procédure d’asile dans les aéroports62

9.5Mesures de contrainte en matière de droit des étrangers63

9.6Privation de liberté à des fins d’assistance64

9.7Protection extraprocédurale des témoins64

9.8Saisie de matériel de propagande incitant à la violence64

9.9Prisons secrètes de la CIA en Europe65

9.10Jurisprudence65

10.Article 10: Traitement humain des personnes privées de liberté66

10.1Généralités66

10.2Jurisprudence66

11.Article 11: Interdiction de l’emprisonnement pour dettes67

12.Article 12: Droit de circuler librement et liberté d’établissement67

13.Article 13: Expulsion d’étrangers67

13.1Généralités67

13.2Jurisprudence70

TABLE DES MATIÈRES (suite)

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14.Article 14: Garantie du droit à un procès équitable70

14.1Généralités70

14.2Procédure pénale72

14.3Procédure civile74

14.4Jurisprudence74

15.Article 15: Pas de peine sans loi77

16.Article 16: Droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique77

17.Article 17: Droit au respect de la vie privée et familiale78

17.1Principe78

17.2Droit à l’autodétermination − stérilisations forcées78

17.3Vie privée − protection des données79

17.4Sécurité intérieure80

17.5Vie familiale81

17.6Jurisprudence81

18.Article 18: Liberté de pensée, de conscience et de religion83

18.1Généralités83

18.2Service civil83

18.3Éducation religieuse et morale84

18.4Jurisprudence85

19.Article 19: Liberté d’opinion et d’expression86

19.1Principe86

19.2Législation86

19.3Jurisprudence87

20.Article 20: Interdiction de la propagande en faveur de la guerre88

21.Article 21: Liberté de réunion pacifique88

22.Article 22: Liberté d’association89

22.1Liberté syndicale89

22.2Protection des travailleurs90

22.3Jurisprudence90

TABLE DES MATIÈRES (suite)

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23.Article 23: Droit au mariage91

23.1Principe91

23.2Mariage possible entre une personne et l’enfant de son ex-conjoint91

23.3Mariages forcés91

24.Article 24: Droits de l’enfant92

24.1Généralités92

24.2Protection des mineurs93

24.3Enfance maltraitée94

24.4Nom de l’enfant94

24.5Nationalité de l’enfant94

25.Article 25: Droits politiques94

25.1Principe94

25.2Droit de vote95

25.3Droit d’être élu95

25.4Déroulement des élections96

25.5Introduction de l’initiative populaire générale96

25.6Vote électronique96

25.7Droits politiques des étrangers en Suisse97

25.8Jurisprudence97

26.Article 26: Principe (général) de la non-discrimination98

26.1Partenariat enregistré98

26.2Jurisprudence99

27.Article 27: Droits des minorités100

27.1Convention‑cadre du Conseil de l’Europe sur la protection des minoritésnationales100

27.2Minorités linguistiques101

27.3Charte européenne sur les langues régionales ou minoritaires103

27.4Minorités culturelles103

27.5Jurisprudence105

27.6Minorités religieuses105

TABLE DES MATIÈRES (suite)

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TROISIÈME PARTIE: RÉPONSES AUX SUJETS DE PRÉOCCUPATION RELEVÉSPAR LE COMITÉ DANS SES OBSERVATIONS FINALES DU 12 NOVEMBRE 2001(CCPRC/CO/73/CH)107

I.RÉSERVES AU PACTE ET ADHÉSION AU PROTOCOLE FACULTATIF107

1.Réserves retirées dans la période sous revue107

2.Réserves maintenues108

3.Protocole facultatif108

II.RESPECT DES OBLIGATIONS DU PACTE PAR LES AUTORITÉS DE TOUSLES CANTONS ET COMMUNAUTÉS108

III.LÉGISLATION D’URGENCE109

IV.INCIDENTS D’INTOLÉRANCE RACIALE110

1.Protection légale et judiciaire110

2.Service de lutte contre le racisme et Commission fédérale contre le racisme110

3.Service spécialisé Extrémisme dans l’armée110

4.Organe de protection des droits de l’homme111

V.ÉGALITÉ ENTRE HOMMES ET FEMMES111

1.Égalité des chances112

2.Élimination des différences de salaire dans l’administration fédérale113

3.Marchés publics113

4.Accès aux postes de décision dans les secteurs public et privé114

VI.DISCRIMINATION DANS LE SECTEUR PRIVÉ114

VII.BRUTALITÉS POLICIÈRES115

1.Généralités116

2.Mécanismes d’enquêtes indépendants117

VIII.PROCÉDURE PÉNALE118

IX.EXPULSION D’ÉTRANGERS118

X.DÉTENTION AU SECRET119

TABLE DES MATIÈRES (suite)

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XI.DISTINCTION ENTRE CITOYENS ET ÉTRANGERS120

1.Généralités121

2.Étrangers sans permis de travail121

3.Conjoints étrangers d’étrangers risquant l’expulsion123

XII.DIFFUSION DES TEXTES123

XIII.RENSEIGNEMENTS SUR L’APPLICATION DES RECOMMANDATIONSDU COMITÉ FIGURANT AUX PARAGRAPHES 13 ET 15 DESOBSERVATIONS FINALES124

Liste des abréviations125

Documentation128

PREMIÈRE PARTIE:

GÉNÉRALITÉS

I. ADHÉSION DE LA SUISSE À L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES

1.En date du 3 mars 2002, suite à un débat démocratique intense, autant le peuple (à 54,6  %) que la majorité des cantons (11 cantons et 2 demi-cantons contre 9 cantons et 4 demi-cantons) ont approuvé l’initiative populaire «Pour l’adhésion de la Suisse à l’Organisation des Nations Unies (ONU)».

2.Le 10 septembre 2002, la Suisse est devenue membre de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Cette adhésion figurait parmi les priorités du Conseil fédéral pour la législature 1999‑2003.

II. LA SUISSE AU CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME

3.La Suisse a été élue au Conseil des droits de l’homme le 9 mai 2006 par 140 voix sur 191 et a pris une part active et constructive dans les travaux qui ont conduit à l’adoption de la Résolution A/RES/60/251. Conformément à cette résolution,

a)La Suisse s’engage à coopérer pleinement avec le Conseil des droits de l’homme dans le but d’en faire un organe fort, efficace et équitable des Nations Unies pour la promotion et la protection des droits de l’homme, notamment en s’engageant fermement à œuvrer à la réalisation des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, dont le droit au développement, et en les mettant tous sur un pied d’égalité.

b)En outre, la Suisse réaffirme son soutien au Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et aux autres fonds, programmes et agences de l’ONU concernés, notamment en contribuant aux actuels efforts de réforme du système de surveillance des traités (Treaty Body System) et en particulier en évaluant l’opportunité d’un document commun étendu (Expanded Common Core Document), complété par des rapports spécifiques à soumettre à chaque organe de surveillance des traités.

c)En outre, la Suisse s’engage à promouvoir les droits de l’homme au niveau international, en aidant les États à s’acquitter de leurs obligations en matière de droits de l’homme au travers de dialogues sur les droits de l’homme, d’échanges d’experts, d’une coopération technique et de conseils.

d)Enfin, la Suisse reconnaît son devoir de promouvoir les droits de l’homme au niveau national, notamment:

En étudiant la possibilité de retirer ses réserves concernant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention relative aux droits de l’enfant;

En ratifiant le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (voir ch. 4);

En envisageant de ratifier le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture, qu’elle a signé au mois de juin 2004 (voir ch. 4);

En ratifiant le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes;

En ratifiant dans un proche avenir le TroisièmeProtocole additionnel aux Quatre Conventions de Genève;

En coopérant pleinement avec les organes de surveillance des traités, en soumettant ses rapports dans les délais qui lui sont impartis, et en réagissant promptement et en toute bonne foi aux conclusions et recommandations de ces organes.

III. RATIFICATIONS ET SIGNATURES D’INSTRUMENTS INTERNATIONAUX

4.Depuis la mise à jour du deuxième rapport (CCPR/C/CH/98/2) datant du 30 septembre 2001, la Suisse a ratifié ou signé, sur le plan universel, lesinstruments suivants relatifs à la protection des droits de l’homme:

Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998, ratifié par la Suisse le 12 octobre 2001 (ch. 16);

Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés du 25 mai 2000, ratifié le 26 juin 2002 et entré en vigueur pour la Suisse le 26 juillet 2002;

Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 18 décembre 2002, signé le 25juin 2004 (ch. 20 et 147);

Le Protocole facultatif du 25 mai 2000 se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, ratifié le 19 septembre 2006 et entré en vigueur pour la Suisse le 19 octobre 2006 (ch. 17, 150 et 168);

La Convention contre la criminalité transnationale organisée, signée le 12 décembre 2000, son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, ainsi que son Protocole additionnel contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, ratifiés le 27 octobre 2006 et entrés en vigueur le 26 novembre 2006 (ch. 150);

La Convention contre la corruption, signée le 10 décembre 2003.

5.De surcroît, sur le plan régional, il convient de mentionner la signature, la ratification et/ou l’entrée en vigueur des instruments relatifs à la protection des droits de l’homme suivants:

Les Protocoles nos1 et 2 à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE 151 et 152), entrés en vigueur le 1er mars 2002;

Le Protocole additionnel du 18 décembre 1997 à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées, entré en vigueur pour la Suisse le 1er octobre 2004;

Le Protocole no13 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, relatif à l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances (STE 187), entré en vigueur pour la Suisse le 1er juillet 2003;

Le Protocole no14 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la Convention, ratifié le 25 avril 2006 (pas encore entré en vigueur);

La Convention sur la cybercriminalité (STE 185), signée le 23 novembre 2001 (ch. 169);

Le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques (STE 189), signé le 9 octobre 2003;

Le Protocole additionnel à la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine (STE 186), signé le 11 juillet 2002.

IV. RETRAIT DES RÉSERVES

6.La Suisse a notifié au Secrétaire Général des Nations Unies le 9 janvier 2004 qu’elle retirait sa réserve à l’article 14, paragraphe 3, lettres d et f (gratuité de l’assistance d’un avocat d’office et d’un interprète). Le retrait a été effectué le 12 janvier 2004.

7.Par décision du 4 avril 2007, notifiée au Secrétaire Général des Nations Unies le 1er mai 2007, le Conseil fédéral a décidé de retirer les réserves aux articles 10, paragraphe 2, lettre b, 14, paragraphes 1 et 14, paragraphe 5. Le retrait a été effectué le 1er mai 2007. Il sera traité dans la troisième partie du présent rapport (voir ch. 344 ss).

V. RÉFORM E DE LA CONSTITUTION

8.Comme indiqué au chiffre 7 du deuxième rapport, la réforme de la Constitution comprend trois projets: la mise à jour de la Constitution fédérale (entrée en vigueur le 1er janvier 2000), la réforme des droits populaires et la réforme de la justice.

9.La réforme des droits populaires a conduit à instaurer, le 1er août 2003, le référendum élargi aux traités internationaux (art. 141, al. 1, let. d, et 141a Cst.). Les traités internationaux qui ne sont pas dénonçables, qui prévoient l’adhésion à une organisation internationale ou qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en œuvre exige l’adoption de lois fédérales, sont désormais sujets au référendum. Le 31 mai 2006, le Conseil fédéral a approuvé, à l’intention du Parlement, le message concernant l’introduction de l’initiative populaire générale; les deux Chambres ont toutefois refusé d’entrer en matière sur les travaux législatifs nécessaires à l’introduction de l’initiative populaire générale (art. 139a Cst.), permettant à 100 000 citoyens et citoyennes autorisés à voter de demander l’adoption, la modification ou l’abrogation de dispositions constitutionnelles ou législatives.

10.La réforme de la justice vise à sauvegarder la capacité de fonctionnement du Tribunal fédéral, à améliorer la protection juridique et à jeter les fondements de l’unification de la procédure pénale suisse. Elle est réalisée en plusieurs étapes et les travaux se poursuivent (voir ch. 12 s. et 213 ss.). Sont entrées en vigueur:

Le 1er avril 2003: les bases constitutionnelles nécessaires à l’unification de la procédure pénale (art. 123 Cst.) et à la création du Tribunal pénal fédéral (art. 191a, al. 1, Cst.);

Le 1er septembre 2005: la base constitutionnelle pour la création du Tribunal administratif fédéral (art. 191a, al. 2, Cst.);

Le 1er janvier 2007: notamment la garantie de l’accès au juge (art. 29a Cst.; 191b Cst.), la garantie de l’indépendance judiciaire (art. 191c Cst.), la base constitutionnelle pour l’unification de la procédure civile (art. 122 Cst.), ainsi que des normes visant à renforcer l’autonomie du Tribunal fédéral (art. 188 à 191 Cst.).

VI. PRINCIPAUX PROJETS LÉGISLATIFS TERMINÉS (APERÇU)

11.Depuis la mise à jour du Deuxième Rapport, la Suisse a adopté les principaux projets législatifs suivants:

Révision de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (incitation à la violence et violence lors de manifestations sportives, LMSI I) du 24 mars 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (ch. 189 et 251);

Révision de la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l’acquisition et la perte de la nationalité suisse (loi sur la nationalité, LN; entrée en vigueur le 1er janvier 2006; ch. 66 et 290);

Loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr; entrée en vigueur probablement le 1er janvier 2008; ch. 64 s., 159 et 207 ss.);

Révision de plusieurs dispositions de la loi fédérale du 26 juin 1998 sur l’asile (Lasi; entrée en vigueur le 1er avril 2004 dans le cadre de la loi fédérale du 19 décembre 2003 sur le programme d’allégement budgétaire 2003; ch. 136);

Révision partielle du 16 décembre 2005 de la loi fédérale du 26 juin 1998 sur l’asile (Lasi; entrée en vigueur en partie le 1er janvier 2007 et en partie le 1er janvier 2008; ch. 113, 135, 138 ss, 184 et 414);

Révision de l’ordonnance du 13 septembre 2000 sur l’intégration des étrangers (OIE; entrée en vigueur le 1er février 2006; ch. 58);

Loi fédérale du 13 décembre 2002 sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (loi sur l’égalité pour les handicapés, Lhand; entrée en vigueur le 1er janvier 2004; ch. 32);

Loi fédérale du 17 décembre 2004 sur le principe de la transparence dans l’administration (Ltrans; entrée en vigueur le 1er juillet 2006; ch. 250 et 274);

Loi fédérale du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (Lpers; entrée en vigueur le 1er janvier 2001; ch. 282);

Loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; entrée en vigueur le 1er janvier 2007; ch. 213);

Loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF; entrée en vigueur le 1er janvier 2007; ch. 213);

Loi fédérale du 4 octobre 2002 sur le Tribunal pénal fédéral (LTPF; entrée en vigueur le 1er avril 2004; ch. 214);

Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC):

Article 28b (entrée en vigueur prévue le 1er juillet 2007; ch. 93);

Article 114 (entrée en vigueur le 1er juin 2004; ch. 288);

Loi fédérale du 17 décembre 2004 sur les conditions et la procédure régissant la stérilisation de personnes (loi sur la stérilisation; entrée en vigueur le 1er juillet 2005; ch. 243 s.);

Loi fédérale du 18 juin 2004 sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe (loi sur le partenariat; entrée en vigueur le 1er janvier 2006; ch. 28, 288 et 314 ss);

Révision partielle de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; entrée en vigueur prévue dans le courant 2007; ch. 245 ss);

Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP):

partie générale révisée du Code pénal (CP; entrée en vigueur le 1er janvier 2007; ch. 148 et 164);

art. 123, 189 et 190 (entrée en vigueur le 1er avril 2004; ch. 95);

art. 182 (entrée en vigueur le 1er décembre 2006; ch. 151 et 168);

art. 197 (entrée en vigueur le 1er avril 2002; ch. 165);

art. 386 (entrée en vigueur le 1er janvier 2006; ch. 54);

Loi fédérale du 20 juin 2003 sur le droit pénal des mineurs (droit pénal des mineurs, DPMin; entrée en vigueur le 1er janvier 2007; ch. 295);

Révision partielle de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI; entrée en vigueur le 1er octobre 2002; ch. 19 et 297);

Loi fédérale du 20 juin 2003 sur l’investigation secrète (LFIS; entrée en vigueur le 1er janvier 2005; ch. 222 et 224);

Loi fédérale du 9 mars 1978 sur la protection des animaux (LPA; entrée en vigueur prévue dès fin 2007; ch. 343);

Loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT; entrée en vigueur le 1er janvier 2002; ch. 223 s.);

Loi fédérale du 8 octobre 2004 sur la transplantation d’organes, de tissus et de cellules (loi sur la transplantation, entrée en vigueur le 1er juillet 2007; ch. 174);

Loi fédérale du 17 juin 2005 concernant des mesures en matière de lutte contre le travail au noir (LTN; entrée en vigueur prévue le 1er janvier 2008; ch. 418);

Révision de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le service civil (LSC; entrée en vigueur le 1er janvier 2004; ch. 263 s.);

Révision de la loi fédérale du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité (loi sur les allocations pour perte de gain, LAPG; entrée en vigueur le 1er juillet 2005; ch. 89);

Loi fédérale du 24 mars 2006 sur les allocations familiales (loi sur les allocations familiales, LAFam; entrée en vigueur probable le 1er janvier 2009; ch. 293).

VII. PROJETS LÉGISLATIFS E N COURS

1. Droit procédural

12.Le 21 décembre 2005, le Conseil fédéral a transmis au Parlement le message relatif à l’unification du droit de la procédure pénale (voir ch. 178 et 216 ss). Cet objet se compose de deux projets de loi, soit le code de procédure pénale suisse (CPP) et la loi fédérale régissant la procédure pénale applicable aux mineurs (PPMin). Tous deux correspondent pour l’essentiel aux avant-projets envoyés en consultation par le Conseil fédéral en juin 2001. Le CPP prévoit l’adoption d’un modèle de poursuite pénale unique (modèle «ministère public»), une définition uniforme de la compétence matérielle des tribunaux pénaux ainsi qu’une unification du système des voies de recours. Il comporte divers éléments nouveaux, actuellement inconnus ou connus que dans certains codes de procédure cantonaux. Sont notamment prévus l’instauration d’un principe de l’opportunité élargi, des possibilités d’accords entre l’auteur de l’infraction et la victime et entre le prévenu et le ministère public, un renforcement des droits de la défense, un élargissement de certains droits des victimes, une extension de la portée des mesures de protection des témoins dans le cadre de la procédure pénale, enfin une nouvelle mesure de contrainte: la surveillance des relations bancaires. Le Parlement a entamé l’examen des projets du Conseil fédéral début 2006, et leur adoption devrait avoir lieu vers la fin 2007. L’entrée en vigueur est prévue pour 2009 (Confédération) respectivement 2010 (cantons), après l’adoption des diverses lois portant introduction de la nouvelle procédure pénale unifiée.

13.L’unification de la procédure civile fait également partie intégrante de la réforme de la justice (voir ch. 225). Elle doit simplifier l’accès à la justice et donc faciliter la réalisation du droit au quotidien, contribuer à la transparence et à la prévisibilité des règles, ainsi que rendre possible l’élaboration d’une jurisprudence unifiée. Une place importante est réservée au règlement préalable ou extrajudiciaire des litiges. En outre, le projet propose une procédure simplifiée pour les petits litiges et pour les causes relevant du droit social (loyer, travail, protection des consommateurs). Cette procédure se distingue par un formalisme simplifié, par son caractère oral et par un rôle plus actif du tribunal. Le Conseil fédéral a approuvé le message relatif à cet objet en juin 2006. Le Parlement a entamé les délibérations en janvier 2007, et devrait adopter le projet vers la fin 2008. L’entrée en vigueur n’est pas prévue avant 2010.

2. Droit privé

14.Le 28 juin 2006, le Conseil fédéral a adopté le message concernant la révision totale du droit de la tutelle (voir ch. 187). La révision vise à garantir et promouvoir le droit des personnes faibles et nécessitant une aide à s’autodéterminer, tout en leur assurant le soutien nécessaire et en évitant la stigmatisation sociale de leur situation. Les mesures tutélaires actuelles ne permettent pas de prendre suffisamment en compte le principe de la proportionnalité. Les mesures standardisées seront donc remplacées par une seule institution, la curatelle. Elle est instaurée lorsqu’une personne n’est plus en mesure d’assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts, en raison d’une déficience mentale, d’un trouble psychique ou d’un autre état de faiblesse et que l’appui fourni par des proches ou par des services privés ou publics ne suffit pas. À l’avenir donc, l’autorité n’ordonnera plus une mesure standard mais une mesure adaptée au cas particulier, afin de limiter l’assistance étatique au strict nécessaire. En outre, le nouveau droit garantit une meilleure protection des personnes incapables de discernement qui vivent dans des homes ou des établissements médico-sociaux. L’assistance apportée à ces personnes devra faire l’objet d’un contrat écrit, afin de garantir une certaine transparence des prestations fournies. Le nouveau droit fixe également les conditions auxquelles les mesures de contention sont autorisées. Enfin les cantons devront assujettir les institutions susmentionnées à leur surveillance. La révision des dispositions sur la protection de l’adulte renforce également la protection juridique des personnes placées à des fins d’assistance. Elle limite en particulier la compétence du médecin d’ordonner un placement et consacre dans la loi des règles de procédure importantes. Enfin, elle soumet l’autorité à l’obligation de procéder à des examens périodiques pour déterminer si les conditions du maintien de la mesure sont remplies et si l’institution est toujours appropriée. Sous l’empire du nouveau droit, l’organisation de la tutelle sera uniforme et claire: toutes les décisions en matière de protection de l’enfant ou de l’adulte ressortiront à une seule et même autorité interdisciplinaire, les cantons étant libres d’opter entre un organe administratif ou une autorité judiciaire. Les débats parlementaires ont débutés en automne 2006.

15.Le 28 février 2007, le Conseil fédéral a adopté le message concernant la mise en œuvre des conventions sur l’enlèvement international d’enfants ainsi que sur l’approbation et la mise en œuvre des Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes. La Suisse entend continuer d’appliquer la Convention de La Haye sur l’enlèvement international d’enfants, qui contribue notablement à l’efficacité de la lutte contre les enlèvements internationaux d’enfants. Le problème tient à la durée, souvent excessive, des procédures qu’il faudrait raccourcir et simplifier. À cette fin, il est prévu que les demandes de retour d’enfants enlevés soient dorénavant traitées dans chaque canton par une instance unique, la Cour suprême. Quant à la décision de retour, elle devra régler également les modalités d’exécution et être exécutoire dans toute la Suisse. Par ailleurs, les autorités devraient mettre davantage l’accent sur les efforts visant à obtenir un règlement amiable du litige opposant les parents. En outre, les enfants devraient être davantage entendus dans le cadre de la procédure, leurs intérêts y étant représentés par un avocat. Enfin, il importe que le tribunal vérifie la situation dans laquelle se trouvera l’enfant lors de son retour. Si, par exemple, l’enfant ne peut pas être confié à celui des deux parents qui est resté dans l’État de provenance, mais devrait être placé dans une famille d’accueil, son retour ne saurait être raisonnablement exigé.

3. Droit pénal

16.Le 17 août 2005, le Conseil fédéral a envoyé en consultation publique les mesures complémentaires dans le domaine du droit pénal nécessaires à la mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (ch. 4). Cet avant-projet prévoit la concrétisation dans le code pénal des notions de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Il réorganise également les compétences en matière de poursuites pénales. Les autorités civiles de poursuite pénale de la Confédération se chargeraient en principe des procédures pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. La justice militaire interviendrait seulement en cas d’actes commis par un membre de l’armée suisse, ou dont un soldat suisse est victime, ou encore si la Suisse est engagée dans une guerre. La procédure de consultation étant close, un message du Conseil fédéral sera transmis au Parlement, dans le courant de l’année 2007.

17.Dans le cadre de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, il a été nécessaire d’étendre le champ d’application de la disposition pénale relative à la traite d’êtres humains. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour la Suisse le 19 octobre 2006 (voir ch. 4). Le nouvel article 182 CP est entré en vigueur pour la Suisse le 1er décembre 2006.

18.Le 8 février 2004, le peuple et les cantons ont accepté l’initiative populaire «Internement à vie pour les délinquants sexuels ou violents jugés très dangereux et non amendables» (art. 123a Cst.). Cette disposition constitutionnelle déjà en vigueur prévoit la possibilité d’interner pour une durée indéterminée les délinquants dangereux, jusqu’à ce qu’ils ne représentent plus de danger pour la collectivité. Elle doit encore être concrétisée au niveau de la loi (voir plus loin, ch. 181 ss.).

4. Droit public

19.La loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI) est actuellement en cours de révision. Cette loi, entrée en vigueur en 1993, a fait ses preuves dans ses grands principes (conseil, aide financière et défense des droits de la victime dans la procédure pénale). Sa révision totale vise à combler diverses lacunes, ainsi qu’à améliorer la structure de la loi. Parmi les principales modifications matérielles figure la prolongation de deux à cinq ans du délai de péremption prévu pour le dépôt d’une demande d’indemnisation et de réparation morale. Le projet instaure une réglementation spéciale pour les victimes mineures d’infractions graves, notamment d’infractions contre l’intégrité sexuelle, puisqu’il leur permet de déposer une demande jusqu’à la date de leur 25 ans. Il assure en outre une délimitation plus nette entre l’aide à plus long terme fournie par les centres de consultation et les prestations d’indemnisation. Ainsi, l’aide à plus long terme serait accordée jusqu’à ce que l’état de santé de la victime soit stationnaire et que les autres conséquences de l’infraction soient, dans toute la mesure du possible, supprimées ou compensées. Quant à l’indemnisation, elle couvrirait les coûts médicaux et de soins lorsque l’état de santé de la victime est devenu stationnaire, ainsi que la perte de gain, la perte de soutien et les frais funéraires. Les victimes d’infractions continueront de recevoir une réparation morale. Enfin, le projet supprime tout droit à une indemnisation et à une réparation morale lors d’infractions survenues à l’étranger, les victimes et leurs proches domiciliés en Suisse ayant droit comme par le passé aux prestations fournies par les centres de consultation (voir ch. 96 et 157).

20.Le 25 juin 2004, la Suisse a signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (voir ch. 4). Entre-temps le Conseil fédéral a adopté à l’intention de l’Assemblée fédérale, le 8 décembre 2006, le message sur la ratification et la mise en œuvre de ce protocole.

21.Le Conseil fédéral a transmis aux Chambres, le 18 janvier 2006, le projet de loi fédérale sur l’usage de la contrainte et des mesures policières dans les domaines relevant de la Confédération (LusC). Le projet doit réglementer de manière uniforme l’usage de la contrainte policière dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération, notamment lors des rapatriements forcés d’étrangers, et garantir le respect du principe de la proportionnalité par les autorités amenées à faire usage de la contrainte policière. Le recours à la force physique, à des moyens auxiliaires et à des armes doit être approprié aux circonstances et porter le moins possible atteinte à l’intégrité physique des personnes concernées. Selon la loi sont interdits l’usage de dispositifs incapacitants (appareils à électrochocs) ainsi que les moyens auxiliaires pouvant entraver les voies respiratoires ou causer une atteinte importante à la santé des personnes en cause. Les médicaments ne peuvent être remis ou administrés qu’à des fins médicales. Ils ne peuvent être utilisés en lieu et place de la contrainte policière, aux fins de calmer ou d’endormir une personne. Enfin, la loi oblige les autorités à ne charger de tâches pouvant impliquer l’usage de la contrainte policière que des personnes spécialement formées à cet effet. En cas d’acceptation par les Chambres, la loi pourrait entrer en vigueur en janvier 2008.

22.À la suite d’une initiative parlementaire, un projet de révision de la loi fédérale sur l’acquisition et la perte de la nationalité a été élaboré par la Commission des institutions politiques du Conseil des États. Après avoir reçu l’approbation du Conseil fédéral, le projet a été accepté par le Conseil des États en décembre 2005. Il se trouve actuellement en cours d’examen par la Commission des institutions politiques du Conseil national. Le projet confirme le principe de la compétence cantonale pour nommer les organes de décision et définir la procédure de naturalisation. Selon le projet, le vote populaire reste envisageable sous toutes les formes (scrutin, vote à main levée ou à bulletin secret en assemblée communale), mais seulement dans les cas où la demande de naturalisation a fait l’objet d’une requête de rejet et pour autant que l’organe qui rend la décision puisse fournir une motivation suffisante et conforme au droit. Le projet de loi prévoit également des voies de recours contre les décisions cantonales ou communales en matière de naturalisation ordinaire (voir également ch. 71).

23.Depuis un certain temps, un débat est lancé pour savoir si les besoins en renseignements peuvent encore être satisfaits, afin d’évaluer la situation et de prendre les décisions utiles, mais aussi de détecter à temps les dangers cachés. L’actuelle révision de la loi instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI II) doit tenir compte de l’évolution de la menace en Europe de l’Ouest. Elle vise à étendre la recherche d’informations par les services de renseignements de manière ciblée, afin qu’elle soit proche des standards européens en la matière. L’usage des nouvelles mesures fera l’objet de contrôles sévères. Le Conseil fédéral devrait approuver, encore en 2007, le message à l’intention du Parlement.

24.Les points pertinents des révisions en cours seront examinés à l’article du Pacte concerné.

VIII. JURISPRUDENCE DU TRIBUNAL FÉDÉRAL RELATIVE AU PACTE

25.Pendant la période sous revue, le Tribunal fédéral a rendu de nombreux arrêts sur les droits et garanties protégés par le Pacte (13 arrêts publiés, 92 arrêts non publiés). On constatera à cet égard non seulement le nombre élevé de ces arrêts, mais aussi l’importance accrue qu’occupe le Pacte dans la pratique du Tribunal fédéral. Les décisions les plus importantes seront évoquées en relation avec les articles du Pacte qu’elles concernent.

DEUXIÈME PARTIE:

EXAMEN ARTICLE PAR ARTICLE DE LA MISE EN ŒUVRE DES DROITS GARANTIS PAR LE PACTE  II

1. Article 1: Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes

26.Il convient de signaler à propos de l’article 1, paragraphe 2, que la liberté économique est désormais expressément inscrite à l’article 27 de la Constitution fédérale:

« Article 27 Liberté économique

1 La liberté économique est garantie.

2 Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice.».

Les autres informations données par la Suisse dans son deuxième rapport restent d’actualité.

2. Article 2: Non-discrimination dans la jouissance des droits reconnus dans le Pacte

2.1 Principe

27.Le principe de l’égalité de traitement et l’interdiction de discrimination figurent désormais expressément à l’article 8 de la Constitution fédérale:

«Article 8 É galité

1 Tous les êtres humains sont égaux devant la loi.

2 Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique.

3L’homme et la femme sont égaux en droit. La loi pourvoit à l’égalité de droit et de fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail. L’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale.

4 La loi prévoit des mesures en vue d’éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées.».

2.2 Couples de même sexe

28.La loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe (voir ch. 11) permet à deux personnes du même sexe de faire enregistrer leur partenariat à l’office de l’état civil et de lui donner ainsi une assise légale. Le partenariat enregistré crée une communauté de vie impliquant des droits et des devoirs. En matière d’impôts, de successions, d’assurances sociales et de prévoyance professionnelle par exemple, les partenaires enregistrés ont le même statut que les couples mariés. La nouvelle loi ne permet toutefois pas à deux femmes ou à deux hommes d’adopter un enfant ensemble, ni d’ailleurs de recourir à la procréation médicalement assistée .

2.3 Interdiction de la discrimination des personnes handicapées

29.En Suisse, quelque 700 000 personnes, soit près de 10 % de la population, souffrent d’un handicap. Toutes sont susceptibles d’être frappées par des inégalités dans divers domaines de la vie.

30.Le droit de l’égalité des personnes handicapées comprend un train de prescriptions destinées à l’élimination de ces inégalités. Il est le fruit de la conviction selon laquelle le handicap ne saurait être réduit à un problème de santé individuel, le contexte social ayant une influence sur lui. Le droit de l’égalité a précisément pour but de modifier les conditions cadres handicapantes.

31.La Constitution fédérale interdit toute discrimination en raison d’une déficience corporelle, mentale ou psychique (art. 8, al. 2, Cst.). Elle charge en outre le législateur de prévoir des mesures en vue d’éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées (art. 8, al. 4, Cst.).

32.La loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (loi sur l’égalité pour les handicapés, Lhand) (voir ch. 11) a pour but de prévenir, de réduire ou d’éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées. Le législateur entend éliminer les obstacles à l’accès aux constructions et aux installations, aux prestations, à la formation et à la formation continue, ainsi qu’aux transports publics. De même, l’autonomie et l’intégration des personnes handicapées doivent être encouragées.

33.Le Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées (BFEH) a été créé au début de 2004, pour contribuer à la réalisation de ces objectifs.

Le mandat du BFEH, rattaché au Département fédéral de l’intérieur, consiste à:

Exécuter des tâches fédérales concernant l’égalité pour les personnes handicapées;

Favoriser l’égalité entre les personnes handicapées et les personnes non handicapées dans les espaces publics;

S’engager en faveur d’une politique propre à éliminer les inégalités de droit ou de fait.

Les tâches du BFEH consistent avant tout à fournir informations et conseils, à mettre en œuvre et soutenir des programmes et campagnes servant à l’intégration des personnes handicapées, ainsi qu’à réaliser ou lancer des études scientifiques. Les autres tâches dans ce domaine incombent à des unités spécifiques de l’administration fédérale. À titre d’exemple, les aménagements visant à assurer l’accès des personnes handicapées aux transports publics relèvent de la compétence de l’Office fédéral des transports. Le BFEH coordonne les activités des autres unités administratives fédérales et collabore étroitement avec les organisations d’aide aux personnes handicapées.

2.4 Interdiction de la discrimination raciale

2.4.1 Généralités

34.Les 4 et 5 mars 2002, la Suisse a présenté ses deuxième et troisième rapports périodiques relatifs à la mise en œuvre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD) devant le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale. En automne 2006, elle a transmis sous la forme d’un seul et même rapport trois rapports périodiques – le quatrième (attendu le 29 décembre 2003), le cinquième (attendu le 29 décembre 2005) et le sixième. En juin 2003, elle a reconnu la procédure de communication individuelle selon l’article 14 CERD.

35.Le Gouvernement suisse considère comme une tâche permanente son engagement à combattre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Il l’a fait savoir dans de nombreuses réponses à des interpellations parlementaires ainsi que dans des avis portant sur les motions déposées à ce sujet. Les efforts de lutte contre le racisme se sont encore intensifiés dans la période sous revue. Outre le travail conséquent et engagé de divers organismes, étatiques ou non, une grande partie du mérite en revient aux deux institutions que la Confédération a créées à cet effet: le Service de lutte contre le racisme (SLR; voir ch. 39 ss), faisant partie de l’administration fédérale, et la Commission fédérale contre le racisme (CFR; voir ch. 44 ss.), organisme indépendant. Par leur activité, ces institutions ont contribué de manière substantielle à prévenir le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie et l’extrémisme de droite.

36.L’interdiction pénale de la discrimination raciale est en vigueur depuis le 1er janvier 1995 (voir deuxième rapport, ch. 19 ss.). L’article 261 bisdu code pénal (CP) a la teneur suivante:

«Article 261bis Discrimination raciale

Celui qui, publiquement, aura incité à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse;

Celui qui, publiquement, aura propagé une idéologie visant à rabaisser ou à dénigrer de façon systématique les membres d’une race, d’une ethnie ou d’une religion;

Celui qui, dans le même dessein, aura organisé ou encouragé des actions de propagande ou y aura pris part;

Celui qui aura publiquement, par la parole, l’écriture, l’image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaissé ou discriminé d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion ou qui, pour la même raison, niera, minimisera grossièrement ou cherchera à justifier un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité;

Celui qui aura refusé à une personne ou à un groupe de personnes, en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse, une prestation destinée à l’usage public;

Sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.».

37.Dans ses réponses à des interventions parlementaires qui demandaient l’abrogation de la norme pénale antiraciste, le Conseil fédéral a réaffirmé que la loi doit sanctionner celui qui, publiquement, aura incité à la haine ou à la discrimination envers des personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse, celui qui les aura abaissées d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine ou qui leur aura refusé une prestation destinée à l’usage public, de même que quiconque propage une idéologie raciste. Il a aussi rappelé que la liberté d’expression n’est pas absolue, qu’elle peut se heurter à des limites, notamment lorsqu’il s’agit de protéger la dignité ou l’honneur d’autrui. Il ne saurait être question d’abroger l’article 261 bis CP (et l’article analogue 171c du Code pénal militaire), notamment parce qu’ils sont l’expression concrète des efforts entrepris par la Suisse pour répondre à ses engagements aux termes de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. En ce moment même, un groupe de travail interne à l’administration fédérale examine l’extension des normes pénales à l’utilisation de symboles appelant à la discrimination raciale, ainsi qu’une formulation plus précise de l’infraction visée à l’article 261 bis, alinéa 4, 2e partie, du Code pénal (négation d’un génocide).

38.Sur le plan international également, la Suisse prend une part active à la lutte contre la discrimination et l’intolérance. Outre les activités mentionnées dans ses rapports périodiques au CERD (voir ch. 34), dont certaines ont été poursuivies jusqu’à ce jour, elle est notamment à l’origine des initiatives suivantes:

Dans le cadre de l’OSCE, la Suisse a, en 2002, pris en commun avec le Kirghizistan l’initiative de la Décision n° 6 du Conseil ministériel de Porto relative à la tolérance et à la non-discrimination, qui fait de la lutte contre toutes les formes d’intolérance, d’antisémitisme, de racisme et de xénophobie l’une des priorités de l’organisation. En 2003 et 2004, dans le sillage de cette décision, une délégation suisse comprenant d’éminents experts a prononcé des interventions très remarquées sur l’antisémitisme, lors de journées sur l’antisémitisme de haut rang.

En 2003 et en 2004, la Suisse a proposé à la Commission des droits de l’homme ainsi qu’au Groupe de travail pour les minorités de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme l’introduction d’une procédure spéciale destinée à encourager les États à mettre en œuvre la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités, adoptée par l’ONU en 1992. La Suisse estime qu’une telle procédure spéciale serait propre à compléter le mécanisme international de prévention du génocide, annoncé par le Secrétaire général de l’ONU au printemps 2004.

En sa qualité d’«institution nationale spécialisée», la Commission fédérale contre le racisme (CFR) a des contacts réguliers avec des représentants de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) et du Conseil de l’Europe, avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, ainsi qu’avec le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (CIC). Des membres de la présidence et du secrétariat ont en outre pris part à différentes conférences internationales consacrées aux droits de l’homme et à la lutte contre le racisme, par exemple à la deuxième Conférence de l’OSCE sur la «Tolérance et la lutte contre le racisme, la xénophobie et la discrimination», aux conférences de suivi de la Conférence mondiale de l’ONU contre le racisme ou à la Table ronde de l’ECRI sur les institutions nationales contre le racisme.

2.4.2 Service de lutte contre le racisme (SLR)

39.Exprimant sa volonté de mettre en œuvre les résultats de la Conférence mondiale contre le racisme, le gouvernement suisse a créé au sein de l’administration fédérale, par décision du Conseil fédéral du 21 février 2001, le Service de lutte contre le racisme (SLR). Ce nouvel organe a pour tâche de coordonner et de mettre en réseau les mesures de l’administration fédérale contre le racisme et l’extrémisme. Le SLR est l’interlocuteur privilégié de la Confédération dans ses rapports avec les cantons, les communes et des tiers pour les questions touchant au racisme. Il favorise la coopération et l’échange avec les organisations non gouvernementales et les instituts de recherche travaillant dans ce domaine, de même qu’avec les institutions spécialisées au niveau international (Conseil de l’Europe, ONU, UE). Il met ses connaissances spécifiques à la disposition des autorités et institutions et soutient les efforts concrets de lutte contre le racisme, la xénophobie et l’extrémisme de droite par des mesures d’aide appropriées.

40.En collaboration avec le DFAE, le SLR s’est chargé de publier en trois langues les deuxième et troisième rapports périodiques présentés par la Suisse au Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale. De concert avec la CFR, il a en outre assuré la publication des documents finaux de la Conférence mondiale contre le racisme, qui s’est tenue à Durban en 2001.

41.Contrairement à la CFR, le Service de lutte contre le racisme n’a aucun mandat lui permettant d’exercer une fonction de médiation en cas de conflit. On trouve cependant sur son site Internet un répertoire d’adresses d’antennes et de centres de conseil qui proposent leur aide aux victimes d’actes de discrimination raciale. Conformément à son mandat, le SLR soutient la formation et le perfectionnement du personnel des services de conseil aux victimes d’actes de discrimination raciale.

2.4.3 Projets contre le racisme et en faveur des droits de l’homme

42.De 2001 à 2005, le SLR s’est occupé de la gestion du Fonds de projets contre le racisme et en faveur des droits de l’homme, doté de 15 millions de francs pour soutenir des projets de formation, de sensibilisation et de prévention ainsi que des services d’aide aux victimes et de conseil en cas de conflits. Le but du Fonds était de contribuer à faire reconnaître la lutte contre le racisme et la xénophobie comme un élément douloureux, certes, mais incontournable et gérable de notre vie sociale au quotidien. Le Fonds devait s’adresser au plus de milieux possible de la société et encourager les projets les plus divers, les plus innovants et les plus expérimentaux. L’orientation thématique des appels d’offres a permis d’aborder les problèmes concrets qui se posent dans divers domaines de la société. Les organisations et institutions actives dans chacun de ces domaines ont ainsi pu se rendre compte des besoins et des possibilités qui existent en matière de lutte contre le racisme.

43.Depuis 2006, la Confédération alloue chaque année 1,1 million de francs au SLR pour son travail et pour le soutien de projets de tiers. Elle entend ainsi promouvoir un effort de prévention et de sensibilisation qui ait des effets durables à long terme. Au moyen d’activités ciblées, le SLR continuera de contribuer à l’éducation, à la professionnalisation et à la mise en réseau dans le domaine de la lutte contre le racisme. Le fait que le sujet soit désormais pris en compte dans les programmes d’autres services de la Confédération, notamment dans les domaines de l’intégration, de la santé, de la jeunesse, de l’éducation et de la recherche, apportera d’une part une plus-value substantielle et fera d’autre part apparaître le thème du racisme sous un jour nouveau, pluridisciplinaire.

2.4.4 Commi s sion fédérale contre le racisme (CFR)

44.En septembre 2005, la CFR a fêté ses dix ans d’existence. Les explications qui suivent se concentrent sur les principaux thèmes et projets d’actualité ces dernières années et sur les projets que la CFR a réalisés dans le cadre de son mandat durant cette période.

45.Après avoir consacré ces dix dernières années beaucoup d’énergie à aborder le phénomène du racisme sur les plans idéologique et symbolique, la CFR prévoit, à l’avenir, d’accorder une attention accrue à la concrétisation de l’égalité de traitement dans les faits. Dans les domaines du travail et du logement, par exemple, elle entend œuvrer en faveur d’une interdiction explicite de la discrimination entre particuliers. En outre, elle soutient les efforts visant à renforcer les instruments de droit pénal, notamment dans la perspective d’une interdiction des organisations et symboles racistes.

46.La CFR se sert de l’instrument du communiqué de presse pour se prononcer sur des événements politiques à chaque fois qu’elle perçoit ou craint des discriminations. Elle s’exprime dans le contexte de procédures de consultation portant sur des sujets qui relèvent de son mandat. La CFR a ainsi pris position par exemple dans le contexte des procédures de consultation relatives à la loi fédérale sur le Bureau fédéral de médiation, à l’ordonnance sur l’intégration des étrangers et à la révision totale de la loi sur l’aide aux victimes d’infractions. Outre son bulletin bisannuel «Tangram», la CFR a publié des rapports et des études portant sur des thèmes spécifiques, comme par exempleles études «Les Noirs en Suisse» (2004) ou «Les relations avec la minorité musulmane en Suisse» (2006). Une importance croissante revient à son site Internet et aux informations que l’on y trouve.

47.Exerçant une fonction de médiatrice, la CFR conseille les personnes qui s’estiment victimes d’actes de discrimination raciale, mais aussi des entreprises et des services de consultation confrontés à des questions de racisme. Chaque jour, un cas de conflit au moins est dénoncé à la Commission. La CFR est aussi l’organe auquel peuvent s’adresser toutes les personnes qui, au sens de l’article 14 ICERD, souhaitent présenter une communication au CERD et désirent se faire conseiller sur la procédure à suivre, l’efficacité de la démarche et les chances de succès.

2.4.5 Service spécialisé Extrémisme dans l’armée

48.Suite à l’évocation par les médias d’incidents en rapport avec l’extrême droite survenus dans des armées étrangères, la question de l’extrémisme de droite dans l’armée suisse a connu un regain d’actualité. Le chef d’alors du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) a ordonné au chef de l’État-major général de l’armée d’effectuer une enquête sur l’extrémisme de droite au sein de notre armée. Dans son rapport du 16 décembre 1998, celui-ci est parvenu à la conclusion que l’extrémisme politique à l’armée ne représentait pas un problème grave et que l’on pouvait clairement nier l’existence d’un extrémisme «estampillé Armée». Le sous-chef d’état-major du Groupe du personnel de l’armée a ensuite été chargé de la coordination d’ensemble du dossier. Dans son rapport du 15 février 2001 au chef du DDPS, il a soumis en tout huit mesures, dont la création d’un service central d’accueil et de coordination pour les affaires relatives à l’extrémisme. Le 23 mai 2002, le «Service spécialisé Extrémisme dans l’armée» a débuté son travail au sein de l’État-major de conduite de l’armée. Il a depuis été rattaché administrativement au Service de lutte contre le racisme, le 15 août 2005, de manière à optimiser les synergies et l’efficience.

La création de ce service spécialisé vise trois buts, soit la mise en place d’un service central d’accueil et de coordination pour les affaires relatives à l’extrémisme au sein du DDPS, l’acquisition d’un savoir sur le thème de l’extrémisme et la planification de mesures adéquates au sein de l’armée.

2.4.6 Jurisprudence

49.Le 13 décembre 2005, la CFR a publié sur son site Internet accessible au public une compilation de la jurisprudence de 1995 à la fin de 2003 relative à l’article 261 bisCP. On y trouve un résumé entièrement anonymisé de chaque jugement prononcé par une autorité judiciaire durant cette période. Cela permet aux personnes intéressées de rechercher des cas précis et d’avoir, grâce aux relevés statistiques, une vue d’ensemble sur l’état de la jurisprudence se rapportant à l’article 261 bis CP. Il est prévu que cette banque de données soit régulièrement mise à jour.

50.Selon le relevé figurant dans la banque de données, 241 dénonciations ont été déposées auprès d’une instance judiciaire entre 1995 et 2003. Dans 118 cas, les autorités judiciaires ont décidé de ne pas entrer en matière, tandis que dans 123 cas, une poursuite pénale a été engagée. Plus de 80 % de ces affaires se sont soldées par une condamnation de l’auteur. À titre d’exemple, cinq affaires ayant abouti à une condamnation par un tribunal sont présentées ci-après. Chacune d’entre elles se rapporte à un alinéa différent de la norme pénale antiraciste:

Article 261 bis, alinéa 1: La citation «Courbons l’échine devant l’étoile de David, le chapeau de Gessler de notre temps!» a été considérée comme une incitation à la haine et à la discrimination au sens de l’alinéa 1; les juges ont en effet estimé que le «chapeau de Gessler» constituait un symbole de l’oppression et de l’asservissement et que les juifs étaient donc accusés de vouloir assujettir d’autres peuples ou communautés religieuses. Comme il est dans l’ordre des choses que les oppresseurs soient haïs, le tribunal en a conclu que cette citation constituait un appel à la haine, au mépris, voire à l’anéantissement des juifs, tel que l’avait pratiqué Guillaume Tell avec Gessler. Le tribunal cantonal de Zurich a condamné le prévenu à une amende de 25 000 francs.

Article 261 bis, alinéa 2: En 1999, l’inscription dans un livre d’or des phrases «Fais affaire avec un juif et je te le dis, tu récolteras escroquerie et tromperie. Lis Mein Kampf d’Adolf Hitler: ce qui était vrai il y a cinquante ans l’est toujours de notre temps» a été qualifiée en 2002, par l’autorité compétente de poursuite pénale du canton de Zurich, de propagation d’une idéologie visant à rabaisser ou à dénigrer les juifs de manière systématique. Le prévenu a été condamné au paiement d’une amende de 600 francs.

Article 261 bis, alinéa 4, 1re partie de la phrase: Au cours d’une querelle, le contremaître accusé dans l’affaire en question avait traité le lésé de «cochon de Serbe», de «trou du cul» ainsi que de «salopard», ajoutant: «C’est la guerre, j’aurai ta peau». L’autorité de poursuite pénale compétente du canton de Bâle-Campagne a considéré que les termes «cochon de Serbe» tombaient sous le coup du code pénal parce qu’ils visaient à rabaisser et à discriminer une personne en portant atteinte à sa dignité humaine. En 2002, le prévenu a été condamné au paiement d’une amende de 500 francs pour discrimination raciale, tentative de menace et insultes.

Article 261 bis, alinéa 4, 2e partie de la phrase: Dans un arrêt datant de l’an 2000, le Tribunal fédéral a considéré que le fait de contester l’utilisation par le régime national-socialiste de gaz ou de chambres à gaz aux fins d’exterminer des êtres humains constituait à lui seul une minimisation grossière de l’Holocauste. Il a affirmé être parvenu à cette conclusion notamment «parce que l’extermination systématique de détenus juifs dans les chambres à gaz (fait unique dans l’histoire de l’humanité) a distingué le régime national-socialiste d’autres régimes totalitaires ayant fait régner la terreur et parce que, pour cette raison précisément, le fait de nier l’existence des chambres à gaz était utilisé par certains cercles entre autres pour offenser les juifs». Le Tribunal fédéral a ainsi confirmé le jugement rendu en 1998 en première instance par un tribunal du canton d’Argovie, par lequel l’auteur d’un ouvrage révisionniste avait été condamné à quinze mois d’emprisonnement ainsi qu’à 8000 francs d’amende.

Article 261 bis, alinéa 5: Dans un arrêt datant de 2001, la Cour suprême du canton de Zurich a condamné à 600 francs d’amende la propriétaire d’un commerce qui avait refusé de servir une cliente de couleur et qui lui avait indiqué la porte par ces mots: «I don’t want people from your country». Le tribunal a considéré que le refus d’une prestation destinée à l’usage public, qu’il s’agisse d’un service ou d’une marchandise, enfreignait la norme pénale antiraciste (art. 261 bis, al. 5, CP). La clémence de la peine a été justifiée par la légèreté de la faute.

51.Dans une décision de 2003traitant d’un déni du génocide arménien, le Tribunal fédéral a précisé la jurisprudence relative à l’article 261 bis, alinéa 4, 2e partie du Code pénal en estimant que l’infraction en question constituait une atteinte à la paix publique. Les biens juridiques individuels ne sont donc protégés que de manière indirecte. En conséquence, il n’y a pas de place pour des victimes individuelles pouvant intervenir comme parties au sens de la LAVI dans l’action pénale intentée à l’auteur, car le préjudice subi du fait de cet acte précis ne peut être qu’indirect. Sans compter que le (simple) fait de nier, de minimiser grossièrement ou de justifier un génocide au sens de l’alinéa 4 ne constitue pas un acte de discrimination raciale au sens strict du terme. S’il est vrai que les propos tenus peuvent aussi toucher des individus, le préjudice subi, même s’il peut être grave, est toujours indirect. Une personne physique n’est donc pas légitimée à prendre part au procès en qualité de partie lésée. C’est par conséquent à l’autorité cantonale de poursuite pénale qu’il revient de décider si elle entend entamer une procédure ou non, autrement dit si ses soupçons sont suffisamment fondés pour lui permettre de supposer que les éléments constitutifs de l’infraction, objectifs et subjectifs, sont réunis. Par décision du 9 mars 2007, le tribunal de district de Lausanne a condamné Dogu Perincek, politicien turc, à 90 jours-amende à 100 francs avec sursis et à une amende de 3000 francs, pour infraction à la norme antiraciste. Enoutre, il devra s’acquitter des frais de justice et verser à l’Association Suisse-Arménie (ASA) 1000 francs «symboliques». Le tribunal l’a jugé coupable d’avoir nié à plusieurs reprises le génocide arménien.

52.Selon l’article 261 bisdu Code pénal, les propos et les comportements racistes ne sont pénalement répréhensibles que s’ils ont lieu publiquement. Dans un arrêt de 2004, le Tribunal fédéral a précisé la notion de publicité. Jusque-là, il avait estimé qu’un acte devait être considéré comme public s’il avait lieu dans un groupe important de personnes qui ne sont pas liées entre elles par des relations personnelles. En raison du caractère restrictif de cette définition de la publicité, il était donc possible d’organiser en Suisse des concerts pour skinheads ou des exposés véhiculant des idées d’extrême droite. Il suffisait de simuler un cercle privé en organisant des contrôles à l’entrée et en renonçant à rendre public le lieu de réunion. Depuis qu’il a précisé sa jurisprudence, le Tribunal fédéral considère que des propos racistes ont été tenus en public au sens de l’article 261 bisdu Code pénal et sont donc pénalement répréhensibles dès le moment où ils ne sont pas destinés uniquement à un cercle privé très restreint. Des réunions, par exemple, ne sont ainsi pas considérées comme privées même si les entrées sont contrôlées et si les personnes admises sont triées sur le volet. En ce qui concerne l’infraction de la discrimination raciale au sens de l’article 171c du Code pénal militaire, les tribunaux militaires ont eux aussi repris les précisions que le Tribunal fédéral a apportées à sa jurisprudence: les actes racistes commis dans le cadre de l’armée sont, par principe, considérés comme ayant eu lieu publiquement. Le fait, par exemple, qu’ils aient été perpétrés à l’intérieur d’une caserne ou que seuls des membres de l’armée en aient été témoins ne suffit pas à exclure d’emblée leur caractère public.

53.Dans un arrêt de 2005 rendu à la lumière de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 19 du Pacte ONU II, le Tribunal fédéral a reconnu qu’il y avait lieu d’assimiler à un rabaissement ou à une discrimination au sens de l’article 261bis, al inéa  4 , du Code pénal tout comportement contestant aux membres d ’ un groupe de la population, en raison de leur race, de leur ethnie ou de leur religion, une valeur égale en tant qu’êtres humains ou l’égalité de traitement sur le plan des droits de l’homme. Toutefois le droit à la liberté d’expression interdisait de conclure à la légère à un rabaissement ou à une discrimination au sens de l’article 261bis, alinéa 4, du Code pénal dans le contexte d’un débat politique. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que faire une remarque peu flatteuse sur une frange de la population ne suffisait pas à réunir les éléments constitutifs de l’infraction tant que l’auteur de la remarque l’avait formulée dans le contexte plus large d’une critique objective fondée sur des faits.

2.4.7 Modifications de lois aux fins de la lutte contre le racisme

54.L’article 386 du code pénal, entré en vigueur le 1er janvier 2006 (voir ch. 11), a la teneur suivante:

« Article 386 Mesures préventives

1 La Confédération peut prendre des mesures d’information et d’éducation ou d’autres mesures visant à éviter les infractions et à prévenir la délinquance.

2 Elle peut soutenir des projets visant le but mentionné à l’alinéa 1.

3 Elle peut s’engager auprès d’organisations qui mettent en œuvre des mesures prévues par l’alinéa 1 et soutenir ou créer de telles organisations.

4 Le Conseil fédéral arrête le contenu, les objectifs et les modalités des mesures préventives.».

Le Conseil fédéral a expressément associé la mise en vigueur de cette disposition au soutien de projets contre le racisme.

55.La révision de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions, qui s’applique aussi à certaines conditions aux victimes d’agressions racistes, est décrite au chiffre 19.

56.Rattaché à l’Office fédéral de la police, le Service de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet (SCOCI) a vu le jour en 2003, grâce à un arrangement administratif conclu entre la Confédération et les cantons. Le SCOCI permet désormais à la Confédération et aux cantons de coordonner les mesures qu’ils prennent pour lutter contre la criminalité sur Internet. Il constitue le point de contact central pour les personnes souhaitant signaler l’existence de sites Internet suspects et entreprend lui-même des recherches sur Internet pour traquer les abus pénalement répréhensibles (voir aussi plus loin, ch. 170 ss.).

2.5 Intégration des étrangers

57.Améliorer l’intégration des étrangers vivant en Suisse est l’un des principaux défis que la politique et la société se doivent de relever. Dans la perspective de la politique d’intégration de la Suisse, l’intégration ne doit pas être considérée comme un processus à sens unique, mais suppose autant la volonté des étrangers à s’intégrer que la disposition des Suisses à les accepter.

58.La révision de l’ordonnance sur l’intégration des étrangers (OIE, voir ch. 11), souligne expressément à quel point il est important que les étrangers assument leur part de responsabilité. Ils sont ainsi priés, d’une part, de respecter l’ordre juridique ainsi que les principes démocratiques et, d’autre part, de contribuer à leur intégration. Cette contribution se traduit, entre autres, par l’apprentissage d’une langue nationale et par la volonté de participer à la vie économique et d’acquérir une formation. S’agissant des personnes provenant d’un État tiers et chargées d’assurer un encadrement religieux ou de dispenser des cours de langue et de culture de leur pays d’origine, les autorités peuvent exiger d’elles qu’elles fréquentent des cours de langue et d’intégration avant d’entrer en Suisse. Les cantons sont tenus de désigner un bureau chargé de répondre aux questions ayant trait à l’intégration. L’Office fédéral des migrations coordonne les mesures d’intégration des étrangers des différents services fédéraux, en particulier dans les domaines de l’assurance-chômage, de la formation professionnelle et de la santé, et assure l’échange d’informations et d’expériences avec les cantons.

59.Dorénavant, les services cantonaux compétents pour les questions d’intégration seront autorisés à recevoir les demandes de financement de projets d’intégration. Ils les transmettront ensuite à la Commission fédérale des étrangers (CFE) en les munissant d’une recommandation. En outre, les autorités de migration auront désormais l’obligation d’informer les immigrés des offres d’orientation professionnelle et de carrière en place.

60.La Commission fédérale des étrangers joue un rôle moteur dans l’intégration des étrangers. Par l’activité qu’elle déploie, elle soutient la mise en œuvre du programme de promotion de l’intégration de la Confédération et se penche sur les questions de la cohabitation de la population suisse et étrangère. Elle s’engage en particulier pour la promotion de l’intégration et l’instauration de l’égalité des chances.

61.La CFE approfondit des sujets en rapport avec l’intégration, émet des recommandations, accompagne les projets de recherche sélectionnés, donne son avis sur des questions relatives aux migrations ou à l’intégration, dans le contexte des procédures de consultation, et s’efforce de soutenir et de mettre en réseau les acteurs de l’État et de la société civile qui travaillent dans le domaine de l’intégration. La CFE publie en outre le magazine bisannuel «T erra cognita», qui traite de thèmes divers en rapport avec l’intégration et les migrations, et diffuse les résultats de travaux de recherche dans sa série «Documentation sur la politique d’intégration». En créant le prix suisse d’intégration, décerné pour la première fois en 2005, la CFE s’est donné les moyens de primer les meilleures initiatives et les meilleurs projets dans le domaine de l’intégration.

62.La CFE choisit chaque année des thèmes qu’elle se propose d’approfondir dans le contexte de son activité politique. En 2003, la commission s’est penchée sur la question de l’intégration dans le monde du travail. En 2004, où le thème était l’habitat, elle s’est intéressée au domaine du logement, de la politique de l’habitat et de l’aménagement du territoire. En 2005, la commission a examiné de près l’ouverture des institutions, le but étant d’inciter les administrations publiques et les organismes de la société civile à ajuster leurs offres et leurs structures à une réalité sociale imprégnée par la migration.

63.Selon une étude datant de l’automne 2004, quelque 90 000 personnes vivraient en Suisse sans autorisation (sans-papiers) (voir également ch. 410 ss.). Le groupe de travail Sans-papiers, présidé par un membre de la CFE, a été institué à l’initiative de la CFE, avec le soutien de la plate-forme «Pour une table ronde au sujet des sans-papiers». Cette instance indépendante formée d’experts se penche sur les dossiers des personnes sans statut de séjour légal et examine s’il y a lieu de recommander une régularisation aux autorités cantonales compétentes. En outre, le groupe de travail Sans-papiers s’entretient régulièrement avec les services compétents de la Confédération et des cantons et examine les possibilités d’une collaboration renforcée.

64.L’intégration est aussi l’idée maîtresse de la nouvelle loi fédérale sur les étrangers (loi sur les étrangers, Letr; voir ch. 11). Elle vise à encourager une coexistence pacifique dans le respect des valeurs de la Constitution et des principes de tolérance. Les dispositions portant sur l’intégration ont été considérablement élargies dans le cadre de la révision de la loi. Ainsi, le projet de loi comprend les objectifs fixés aujourd’hui dans l’ordonnance sur l’intégration des étrangers, les tâches de l’Office fédéral des migrations (ODM), de la Commission fédérale des étrangers (CFE) ainsi que des autorités cantonales et communales, les attentes envers les étrangers, de même que la prise en compte du degré d’intégration dans la décision d’autorisation d’établissement. Afin de favoriser l’intégration des enfants bénéficiant du regroupement familial, la Letr précise que le regroupement doit avoir lieu dans les cinq ans et même dans l’année pour les 12 à 18 ans. Cette mesure permet de garantir qu’ils soient intégrés le plus tôt possible dans le système scolaire et éducatif suisse. D’autres conditions, déjà valables auparavant, comme la cohabitation dans un appartement commun, l’indépendance économique de la famille et l’habitation d’un logement adapté aux besoins, restent applicables. La Letr facilite également la mobilité professionnelle des travailleurs étrangers en provenance d’États tiers.Àcela s’ajoute la mission d’information confiée à la Confédération, aux cantons et aux communes. Cette mission consiste à informer, d’une part, les étrangers de leurs droits et de leurs obligations, des conditions de vie et de travail en Suisse, ainsi que des mesures d’intégration dont ils peuvent bénéficier et, d’autre part, la population suisse de la situation particulière de ces étrangers. Une information fiable et objective est une condition sine qua non pour que les différentes populations cohabitent de manière pacifique, en s’acceptant réciproquement.

65.La majorité des personnes admises à titre provisoire restant d’expérience plusieurs années, voire définitivement en Suisse, leur statut a été amélioré pour ce qui est de l’accès au marché du travail et de la possibilité de bénéficier de mesures d’intégration. En outre, la Letr prévoit d’autoriser pour ce groupe de personnes le regroupement familial trois ans après le prononcé de l’admission provisoire. Ces mesures visant à encourager l’intégration doivent contribuer à ce que les personnes admises à titre provisoire soient acceptées sur les plans économique et social. En maintenant ainsi leurs compétences sociales, on facilite leur retour éventuel dans leur pays d’origine. De plus, la version révisée de l’OIE comporte des mesures d’incitation à l’intégration, du fait que le degré d’intégration est pris en compte dans la décision (dans certaines circonstances, anticipée) relative à l’octroi de l’autorisation d’établissement ou encore au renvoi ou à l’expulsion. Dans le cadre de sa fonction de coordinateur, l’Office fédéral des migrations a, en collaboration avec les offices cantonaux compétents en matière de migration, élaboré des critères propres à la notion juridique d’«intégration réussie», lesquels servent de ligne directrice aux autorités chargées d’apprécier la situation.

2.6 Restrictions au principe d’égalité sur la base de la nationalité

66.Le 26 septembre 2004, le peuple suisse s’est prononcé sur la naturalisation facilitée des jeunes étrangers. L’amendement constitutionnel et les projets de loi correspondants prévoyaient d’accorder le droit à la naturalisation aux jeunes de la deuxième génération, pour autant qu’ils remplissent les conditions matérielles prévues. En outre, il était prévu que la troisième génération obtienne la nationalité suisse par la naissance. Le projet a subi un refus net aux urnes. En dépit de cet échec, deux éléments essentiels de la révision du droit de la nationalité envisagée subsistent (voir ch. 11). D’abord, à partir du 1er janvier 2006, pour ce qui est de la naturalisation au niveau cantonal et communal, les autorités ne peuvent faire valoir plus que les frais de procédure. Ensuite, les enfants nés à partir du 1er janvier 2006, dont le père est suisse mais n’est pas marié avec la mère, acquièrent la nationalité suisse, par l’établissement du rapport de filiation avec le père. Quant aux enfants étrangers nés avant le 1er janvier 2006 d’un père suisse les ayant reconnus avant leur majorité, ils peuvent faire, avant d’atteindre l’âge de 22 ans révolus, une demande de naturalisation facilitée. Au-delà de cet âge, ils peuvent déposer une demande de naturalisation facilitée, à condition d’avoir des liens étroits avec la Suisse.

67.La Suisse ne connaît aucun droit à la naturalisation (voir ch. 215 du Deuxième Rapport). Le droit de recours et l’obligation de motiver tout refus permettent toutefois d’attaquer les décisions négatives discriminatoires et arbitraires, ou encore insuffisamment motivées.

68.Le Tribunal fédéral s’est prononcé dans plusieurs arrêts sur la constitutionnalité de décider des demandes de naturalisation par la voie des urnes. Il ressort de l’ATF 129 I 232 que l’initiative populaire «pour des naturalisations démocratiques» est illégale et donc non valable. En effet, un scrutin populaire sur les demandes de naturalisation risque de violer le droit d’être entendu et l’interdiction de discrimination, faute d’obligation de motiver la décision. Dans l’ATF 129 I 217, le Tribunal fédéral s’est prononcé sur les nombreuses demandes de naturalisation refusées en mars 2000 par le corps électoral de la commune d’Emmen. Ce scrutin avait conduit au rejet de toutes les demandes de ressortissants d’ex-Yougoslavie. Le Tribunal fédéral avait considéré comme acquis que les candidats d’ex-Yougoslavie avaient été désavantagés en raison de leur origine et invité les autorités cantonales et communales à remplacer la procédure anticonstitutionnelle du scrutin secret sur les demandes de naturalisation par une autre procédure, conforme à la Constitution.

69.Dans l’ATF 131 I 18, le Tribunal fédéral a précisé que lorsqu’une assemblée communale confirme la proposition négative du conseil communal, elle approuve en règle générale aussi sa motivation. La motivation de la décision de l’assemblée communale découle par conséquent de la motivation de la demande du conseil communal. En outre, le tribunal a souligné que les époux qui présentent chacun une demande de naturalisation ont en principe droit à un examen distinct de leur requête et, en cas de refus, à une motivation individuelle. Par ailleurs, dans l’arrêt ATF 132 I 196, le Tribunal a jugé insuffisamment motivé le rejet d’une demande de naturalisation par une assemblée communale, contre l’avis du conseil communal, au motif que les critiques qui avaient été formulées à titre personnel contre le candidat ne contenaient pas de raisons généralisables de refuser sa naturalisation.

70.Les cantons dont les communes connaissaient la naturalisation par les urnes se sont alignés sur la jurisprudence du Tribunal fédéral en adoptant différents types de mesures, notamment en modifiant ou adoptant les lois pertinentes ou en soumettant des recommandations aux communes.

71.Le projet de révision de la loi fédérale sur l’acquisition et la perte de la nationalité (voir ch. 22) confirme le principe de la compétence cantonale pour nommer les organes de décision et définir la procédure de naturalisation. Le vote populaire reste envisageable sous toutes les formes (scrutin, vote à main levée ou à bulletin secret en assemblée communale), mais seulement dans les cas où la demande de naturalisation a fait l’objet d’une requête de rejet et pour autant que l’organe qui rend la décision puisse fournir une motivation suffisante et conforme au droit. Cela signifie concrètement que la naturalisation par les urnes est autorisée par voie de référendum facultatif: le cas échéant, une demande de rejet, munie du nombre de signatures nécessaire et d’une motivation, sera envoyée aux citoyens en même temps que le matériel de vote. Il n’est par contre pas permis de soumettre les demandes de naturalisation au référendum obligatoire, car celui-ci peut conduire à un rejet de la demande sans que les motifs n’aient été expressément formulés. Le projet de loi spécifie également que les cantons sont tenus de veiller à la protection de la sphère privée des candidats à la naturalisation, en ne publiant que les informations nécessaires pour déterminer si le candidat remplit les conditions de la naturalisation, d’une part, et en tenant compte du cercle des destinataires, d’autre part. Il oblige les cantons à ouvrir une possibilité de recours devant un tribunal qui statue en dernière instance sur les décisions cantonales ou communales en matière de naturalisation ordinaire. Après épuisement des voies de recours cantonales, conformément à la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), un recours au Tribunal fédéral sera possible par le recours constitutionnel subsidiaire; seul le grief de la violation de droits constitutionnels pourra y être soulevé.

72.Cette révision pourrait faire office de contre-projet à l’initiative populaire de l’Union démocratique du centre «pour des naturalisations démocratiques», qui a été déposée le 18 novembre 2005 et a abouti le 9 janvier 2006. Cette initiative a pour objectif de donner aux communes l’entière compétence de déterminer l’organe qui accorde le droit de cité. Partant du postulat que la naturalisation est un acte strictement politique et non un acte individuel et concret de nature administrative, elle exclut toute possibilité de recours au niveau cantonal. Dans son message aux Chambres fédérales du 25 octobre 2006, le Conseil fédéral a proposé de soumettre cette initiative au peuple et aux cantons avec une recommandation de rejet.

73.Trois cantons ont également déposé une initiative cantonale à ce sujet entre novembre 2003 et novembre 2004. Constatant que son objectif était dans une large mesure semblable à celui de l’initiative susmentionnée (voir ch. 72), le Conseil des États a décidé de donner suite à l’initiative du canton de Schwyz. Celle-ci vise à ce que la naturalisation ne puisse être obtenue par la voie judiciaire; à ce que la souveraineté cantonale en matière de procédure soit garantie; à ce que cette dernière soit équitable et menée de manière à respecter la dignité et les droits de la personnalité des candidats. En revanche, l’examen des initiatives des cantons de Lucerne et d’Argovie a été suspendu jusqu’à l’examen du projet de révision de la loi sur la nationalité.

2.7 Restrictions au principe d’égalité sur la base de la langue, de l’opinion et de la religion

74.De telles restrictions sont examinées aux chapitres consacrés respectivement aux articles 18, 19 et 27.

3. Article 3: É galité entre hommes et f emmes

3.1 Généralités

75.L’égalité entre hommes et femmes est expressément définie à l’article 8, alinéa 1 à 3 de la Constitution fédérale:

« Article 8 É galité

1 Tous les êtres humains sont égaux devant la loi.

2 Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique.

3 L’homme et la femme sont égaux en droit. La loi pourvoit à l’égalité de droit et de fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail. L’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale.».

76.Une analyse du degré de réalisation des mesures en faveur de l’égalité prises par le Conseil fédéral figure dans le troisième rapport sur la mise en œuvre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Les premier et deuxième rapports de la Suisse ont été présentés en janvier 2003 au Comité pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes à New York. Dans ses remarques finales, ce comité a félicité la Suisse des progrès accomplis et a formulé à son intention des recommandations visant à améliorer encore la mise en œuvre de la convention. Lors de la conférence Pékin +10 (New York, 2005), la Suisse a entièrement complété le questionnaire sur la mise en œuvre du plan d’action de Pékin (1995), montrant ainsi ce qui avait été accompli en dix ans dans le domaine de l’égalité entre femmes et hommes.

77.À la fin de 2002, le Conseil fédéral a approuvé à l’intention du Parlement un rapport qui informe en détail sur la mise en œuvre du plan d’action national par les autorités fédérales. On y voit que la plupart des mesures adressées aux autorités fédérales ont été mises en œuvre, parfois de manière très étendue, dans des domaines comme la formation et l’économie. Autre constat, le concept d’approche intégrée de l’égalité (gender mainstreaming), dont le plan d’action a fait sa première priorité, n’est pas encore assez connu et sa pratique est très variable.

3.2 Quotas féminins en politique, dans la formation et la vie active

78.L’article 8, alinéa 3, 2ème phrase, de la Constitution fédérale charge le législateur de pourvoir à l’égalité de droit et de fait, en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et de l’emploi. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les mesures positives prévues par le législateur pour traduire l’égalité dans les faits sont admissibles. Or les propositions de règles de quotas rigides en politique n’ont pas réuni de majorité jusqu’ici, ni au plan cantonal ni au plan fédéral. En revanche, des règles de quotas flexibles privilégiant les compétences des candidats et n’accordant la préséance au sexe sous-représenté qu’à qualifications égales s’appliquent déjà, notamment dans le secteur de la formation et dans le monde du travail.

79.Dans un arrêt de 1997, le Tribunal fédéral a constaté que les règles de quotas rigides visant à assurer une représentation paritaire des femmes au sein des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire indépendamment de leurs qualifications représentent une atteinte disproportionnée à l’interdiction de discrimination entre les sexes, et donc qu’elles ne sont pas admissibles. Il a précisé que la fixation de quotas politiques est contraire aux principes du suffrage universel, libre et égal. Elle n’est admissible que si les restrictions font partie intégrante du système d’élection, ce qui n’est pas le cas des quotas basés sur le sexe. Dans un autre arrêt de principe remontant à 1999, le Tribunal fédéral a précisé qu’une règle de quotas flexible est constitutionnelle. La règle mise en cause prévoyait de garantir au moins un tiers des sièges au sexe le moins bien représenté, mais ce quota ne devait pas être immédiatement atteint, et donc elle n’excluait pas d’emblée de prendre en considération les qualifications et les compétences professionnelles des candidats présentés. Le Tribunal fédéral a admis la possibilité de limiter, lors d’élections proportionnelles, le principe de l’égalité du poids des voix et de la valeur comptable de chaque vote, même pour des raisons qui ne tiennent qu’au sens large au système d’élection (par exemple pour protéger les minorités régionales ou linguistiques). Or ce ne doit être le cas qu’à condition de respecter le principe de proportionnalité et pour autant qu’un intérêt public prépondérant l’exige. Et encore l’importance des droits politiques en jeu dicte de ne reconnaître de telles restrictions qu’avec la plus grande retenue. Le cas échéant, l’attribution des mandats sous forme de quotas lors des scrutins populaires constituerait une restriction interdite du droit de vote, qui doit être libre et égal.

80.En revanche, le Tribunal fédéral a déclaré que les quotas fondés sur le sexe sont admissibles pour les autorités qui ne sont pas élues directement par le peuple, puisqu’ils ne remettent pas en question le choix et la liberté de vote et qu’en l’espèce la réglementation était suffisamment flexible pour être jugée proportionnée, au vu de la sous-représentation constatée des femmes dans les autorités cantonales. Il a également jugé en principe admissibles les quotas électoraux (quotas de nomination) qui réalisent l’équilibre des sexes sur les listes de candidats.

81.La dernière décision en date du Tribunal fédéral, rendue en 2005, concerne un système de quotas appliqué aux rapports de travail, en l’occurrence pour l’attribution de postes de relève à l’Université de Fribourg. Selon sa jurisprudence constante pour justifier des restrictions à des droits constitutionnels (ici le droit d’un candidat masculin à bénéficier de l’égalité de traitement entre hommes et femmes), le Tribunal fédéral constate que les règles de quotas fondées sur le critère du sexe sont admissibles comme mesures de promotion des femmes, pour autant qu’elles reposent sur une base légale suffisante et soient conformes au principe de la proportionnalité. Concrètement, elles doivent être de nature à atteindre le but qu’elles visent, soit traduire dans les faits le principe d’égalité (règle d’adéquation ou d’aptitude), constituer le moyen le moins incisif pour atteindre ce but par rapport à la situation des hommes touchés dans leurs droits fondamentaux (règle de nécessité) et se présenter comme un moyen raisonnable d’atteindre le but visé au vu des intérêts en jeu (proportionnalité au sens étroit). Là encore, des règles de quotas fixes en faveur des femmes apparaissent «difficilement admissibles, vu la gravité de l ’ atteinte qu ’ elles causent au regard de l ’ interdiction formelle de discriminer à raison du sexe». Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral a expliqué que l’exclusion automatique des candidatures masculines était irrecevable, faute d’une loi formelle justifiant une telle atteinte aux droits des candidats masculins. Il a également mis en doute le caractère approprié et nécessaire de la règle de quotas rigide instaurée par l’Université de Fribourg pour promouvoir l’égalité, relevant que c’est sous l’angle de la proportionnalité au sens étroit que ce système péchait le plus.

82.Depuis août 2006, deux femmes font à nouveau partie du gouvernement fédéral suisse, composé de sept membres. Le pourcentage de femmes atteint 25 % au Conseil national et 23,9 % au Conseil des États.

3.3 Réglementations significatives pour les femmes

83.La loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (loi sur l’égalité, Leg) a pour but de promouvoir dans les faits l’égalité entre femmes et hommes dans la vie active.

84.En exécution d’une motion parlementaire, le Conseil fédéral a ordonné, pour la période allant de janvier 2004 au printemps 2005, une évaluation approfondie de l’efficacité de la loi sur l’égalité. Dans le cadre de cette évaluation, toutes les décisions rendues en matière d’égalité par les tribunaux compétents ont été recensées et systématiquement saisies et évaluées. Ce relevé exhaustif a permis d’obtenir 269 décisions exploitables. La plupart portaient sur des questions d’inégalités de salaire (57 %). Venaient ensuite des affaires de harcèlement sexuel (21 %), puis de licenciements discriminatoires (19 %).

85.En outre, toutes les affaires portées devant les offices de conciliation des cantons (355 procédures au total) ont été examinées. Il s’agissait surtout de cas de discrimination salariale (37 %), suivis de cas de harcèlement sexuel (26 %).

86.Le Conseil fédéral a présenté les résultats de cette évaluation et donné son avis dans son rapport du 15 février 2006. Ainsi il aboutit à la conclusion que la loi sur l’égalité a eu incontestablement des effets positifs depuis son entrée en vigueur il y a dix ans. Elle met à la disposition des personnes concernées par une discrimination des instruments leur permettant de faire valoir leurs droits. Néanmoins la loi ne peut pas, à elle seule, réaliser l’égalité dans les rapports de travail. Il faut pour cela modifier les conditions-cadres à différents niveaux et amener les entreprises à assumer activement leur responsabilité en la matière.

87.Sur la base de ce rapport d’évaluation, le Conseil fédéral a donné différents mandats au Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes et à l’Office fédéral de la justice. L’accent y est mis sur une information et des actions de sensibilisation ciblées. Des recommandations sur la manière d’élaborer des expertises en matière d’égalité des salaires sont prévues, dans le souci de rationaliser les procédures judiciaires. Quant aux offices de conciliation, ils doivent être habilités à demander la présentation de preuves. Il faudra en outre examiner des mesures incitatives (labels) pour les entreprises et la mise en place d’une autorité d’instruction. Dans le cadre des marchés publics, le Conseil fédéral entend définir une procédure portant sur le respect des prescriptions légales en matière d’égalité salariale. Il est toutefois opposé à une extension de la protection contre le licenciement, qui ne résoudrait pas le problème lié à la peur de perdre son emploi.

88.La Constitution fédérale prévoit en son article 116, alinéa 3, une assurance maternité:

« Article 116 Allocations familiales et assurance-maternité

1 Dans l’accomplissement de ses tâches, la Confédération prend en considération les besoins de la famille. Elle peut soutenir les mesures destinées à protéger la famille.

2 Elle peut légiférer sur les allocations familiales et gérer une caisse fédérale de compensation en matière d’allocations familiales.

3 Elle institue une assurance-maternité. Elle peut également soumettre à l’obligation de cotiser les personnes qui ne peuvent bénéficier des prestations d’assurance.

4 Elle peut déclarer l’affiliation à une caisse de compensation familiale et l’assurance-maternité obligatoires, de manière générale ou pour certaines catégories de personnes, et faire dépendre ses prestations d’une juste contribution des cantons.»

89.Suite à la révision de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité (voir ch. 11), toutes les femmes de Suisse exerçant une activité lucrative ont droit, pendant les 14 semaines (98 jours) suivant la naissance d’un enfant, à une allocation égale à 80 % de leur salaire antérieur, d’un montant maximal s’élevant à 172 francs par jour. Les paysannes et les femmes travaillant dans l’entreprise de leur mari obtiennent également une allocation pour perte de gain, pour autant qu’elles disposent d’un revenu propre. La réglementation fédérale représente un standard minimal. Des dispositions plus favorables (allocations plus élevées, période d’octroi plus longue) peuvent toujours être prévues par contrat individuel de travail, par convention collective de travail ou par d’autres dispositions de droit public, par ex. assurance-maternité cantonale. Les administrations publiques, souvent plus généreuses, ont maintenu les acquis. Dans le secteur privé, les prestations supplémentaires offertes par les employeurs ont généralement été maintenues.

90.Selon une étude comparative de l’OCDE portant sur le thème de la conciliation du travail et de la famille et réalisée en 2004, une action s’impose dans le domaine des places d’accueil extra-familial, afin d’améliorer l’accès à des structures de jour et d’accroître la participation (à temps complet) des femmes à la vie active.

91.Au niveau fédéral, un système d’aide financière a été mis en place. Il s’agit d’un programme d’impulsion d’une durée de huit ans visant à encourager la création de places d’accueil pour les enfants et ainsi permettre aux parents de mieux concilier famille et travail ou formation. Le Parlement a accordé un crédit de 320 millions de francs pour la durée du programme (voir ch. 293).

92.Depuis 2001, presque tous les cantons ont édicté des mesures relatives à la protection des victimes de violences domestiques ou s’apprêtent à le faire. Les lois sur la police ont été complétées en conséquence, les codes de procédure pénale ont été adaptés et des lois pour la protection des victimes ponctuellement créées. Les mesures le plus souvent prévues sont l’expulsion immédiate de la personne ayant exercé la violence, l’interdiction de réintégrer le domicile, parfois aussi des conseils obligatoires. Quelques cantons prévoient en outre l’interdiction de prendre contact avec la victime et, dans des cas particuliers, une garde prolongée. Les mesures cantonales visant à la protection à court terme des victimes forment un complément nécessaire de la révision, prévue au niveau fédéral, de la protection de la personnalité selon le Code civil, dont les mesures visent à garantir une protection plus étendue (voir ch. 93 ci-après).

93.La protection de la personnalité selon le Code civil a été précisée en ceci que la victime de violence, de menaces ou de harcèlement a le droit de requérir le juge d’interdire à l’auteur de l’atteinte de l’approcher, de fréquenter certains lieux ou de prendre contact avec elle. Le nouvel article 28b CC (voir ch. 11) a la teneur suivante:

«Article 28b Violence, menaces ou harcèlement

1 En cas de violence, de menaces ou de harcèlement, le demandeur peut requérir le juge d’interdire à l’auteur de l’atteinte, en particulier:

1.De l’approcher ou d’accéder à un périmètre déterminé autour de son logement;

2.De fréquenter certains lieux, notamment des rues, places ou quartiers;

3.De prendre contact avec lui, notamment par téléphone, par écrit ou par voie électronique, ou de lui causer d’autres dérangements.

2 En outre, si le demandeur vit dans le même logement que l’auteur de l’atteinte, il peut demander au juge de le faire expulser pour une période déterminée. Ce délai peut être prolongé une fois pour de justes motifs.

3 Le juge peut, pour autant que la décision paraisse équitable au vu des circonstances:

1.Astreindre le demandeur à verser à l’auteur de l’atteinte une indemnité appropriée pour l’utilisation exclusive du logement;

2.Avec l’accord du bailleur, attribuer au seul demandeur les droits et les obligations qui résultent du contrat de bail.

4 Les cantons désignent un service qui peut prononcer l’expulsion immédiate du logement commun en cas de crise, et règlent la procédure.».

94.Ces mesures ne sont pas limitées aux victimes de violences domestiques, mais permettent également aux victimes de harcèlement (stalking) d’assurer leur protection. En outre, si l’auteur de l’atteinte partage le logement de la victime, le juge pourra ordonner son expulsion pour une période déterminée. Les cantons doivent désigner un service qui peut intervenir en cas de crise. Comme signalé plus haut, la grande majorité l’ont déjà fait.

95.Depuis le 1er avril 2004, les lésions corporelles simples, la contrainte sexuelle ou le viol commis entre conjoints ou partenaires ne sont plus poursuivis sur plainte, mais d’office et sont ainsi considérés comme des délits officiels (art. 123, 189 et 190 CP; voir ch. 11).

96.Les personnes ayant subi, du fait d’une infraction, une atteinte directe à leur intégrité physique, psychique ou sexuelle, peuvent bénéficier des prestations et de l’aide prévue par la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (voir ch. 19), que l’auteur ait été ou non découvert ou que le comportement de celui-ci soit ou non fautif. La loi comprend trois volets: les conseils, la protection de la victime et ses droits dans la procédure pénale, l’indemnisation et la réparation morale. Les cantons doivent mettre à la disposition des victimes des centres de consultation, qui sont chargés d’offrir à celles-ci une aide médicale, psychologique, sociale, matérielle et juridique. Les prestations fournies par ces centres sont gratuites. Les autorités doivent protéger la personnalité de la victime à tous les stades de la procédure pénale: lors d’infractions contre l’intégrité sexuelle, une confrontation ne peut être ordonnée que si le droit du prévenu d’être entendu l’exige de manière impérieuse et le huis clos est prononcé à la demande de la victime. De plus, toute victime d’une infraction commise en Suisse a droit à une indemnisation ou à une réparation morale de l’État si elle remplit les conditions fixées par la loi.

3.4 Exploitation des femmes

97.Voir ch. 149 ss.

3.5 Autorités

98.Au cours des dernières années, le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) a traité en priorité les thèmes suivants: égalité en droit, égalité des chances dans la vie professionnelle, égalité de salaire, collaboration internationale et lutte contre la violence à l’égard des femmes. Le BFEG conseille également les autorités, les entreprises, les organisations et les particuliers, et représente le centre de compétences en matière d’égalité au sein de l’administration fédérale. Au-delà de ses publications destinées à un public spécialisé, des manifestations régulières et un centre de documentation ont pour fonction d’informer et de sensibiliser un vaste public. Enfin, le bureau soutient des projets et des services de consultation qui contribuent à la réalisation de l’égalité entre femmes et hommes.

99.La Commission fédérale pour les questions féminines a pour mandat de conseiller le Conseil fédéral sur les questions d’égalité. Elle est régulièrement amenée à se prononcer sur des questions d’actualité et participe aux procédures de consultation sur les projets de loi de la Confédération en la matière. Elle élabore des bases et des recommandations sur des thèmes touchant à l’égalité et mène un travail de relations publiques.

100.Diverses unités de l’administration fédérale disposent aujourd’hui de personnel, voir de services spécialisés dans les questions d’égalité, chargés pour la plupart le promouvoir l’égalité des chances dans la gestion du personnel. Or, selon le dernier rapport d’évaluation de l’Office fédéral du personnel (OFPER), près de 60 % des responsables du personnel interrogés confirment que leur office ne s’était pas spécifiquement donné pour but, au cours des quatre années précédentes, d’accroître la proportion de femmes occupant des postes de cadres à raison d’un pourcentage défini. Seul un quart des offices ont accordé au sexe sous-représenté la priorité prévue par les instructions en vigueur. 57 % des directions ont fait de la réalisation de l’égalité des chances entre femmes et hommes une tâche transversale importante dans leur organisation. Mais 34 % seulement des offices ont adopté un catalogue approprié de mesures et à peine la moitié d’entre eux se sont fixé des objectifs annuels concrets pour promouvoir l’égalité des chances entre femmes et hommes. De même, la moitié seulement des déléguées et des délégués à l’égalité des chances dispose des ressources et des compétences financières nécessaires ou d’un mandat concret. Enfin, la contribution personnelle à la promotion de l’égalité des chances entre femmes et hommes n’entre que rarement dans la définition des objectifs des responsables hiérarchiques, et n’est donc que rarement évaluée. Dans 86 % des offices, cela n’est jamais le cas ou seulement de manière isolée.

101.La majorité des cantons et certaines villes se sont dotés de services de l’égalité, chargés notamment des questions concernant la formation, la vie professionnelle et le marché du travail, la conciliation du travail et de la famille, la violence contre les femmes et l’intégration des migrantes. Les services de l’égalité de la Confédération, des cantons et des communes se sont regroupés au sein de la Conférence suisse des déléguées à l’égalité. Cette conférence, qui compte aujourd’hui 24 membres, soutient, coordonne, conçoit et réalise des activités d’envergure nationale ou régionale.

102.Au cours des dernières années, des mesures ont été prises dans bon nombre de domaines de l’existence, dans une optique d’amélioration de l’égalité, de lutte contre les discriminations et de promotion des femmes. La palette des instruments utilisés comprend les réformes légales susmentionnées (révisions dans les domaines de la violence domestique, de l’interruption de grossesse, de l’indemnité pour perte de gain en cas de maternité), les programmes d’égalité proprement dits, combinant diverses activités dans une politique ciblée (formation professionnelle, politique du personnel de l’administration fédérale, etc.), le financement de projets en matière d’égalité émanant d’institutions étatiques ou privées (p. ex. aides financières de la Confédération au sens de la loi sur l’égalité; incitation financière pour la création de places d’accueil pour enfants en dehors du cadre familial, voir ch. 91), ou encore le travail systématique de relations publiques mené contre les stéréotypes (p. ex. campagnes «Fairplay-at-home» et «Fai r play-at-work» du BFEG).

4. Article 4: Dérogation aux droits reconnus en cas d’état d’urgence

103.La Constitution fédérale contient différentes dispositions permettant, dans certaines circonstances, de prendre des mesures exceptionnelles:

L’article 165 de la Constitution prévoit une procédure législative accélérée pour le droit d’urgence (législation d’urgence);

Les articles 173, 184 et 185 de la Constitution permettent de prendre des mesures sur la base de la Constitution dans des situations exceptionnelles. Ces mesures doivent respecter les droits garantis par la Constitution fédérale.

104.La Constitution fédérale ne contient en revanche pas de disposition expresse se référant au «droit de nécessité» extraconstitutionnel, qui s’appliquerait lors de situations exceptionnelles de crise majeure (par ex. guerre, catastrophe naturelle de grande ampleur, etc.) empêchant le fonctionnement normal des institutions. En effet, les dispositions constitutionnelles susmentionnées s’appliquent certes en cas d’urgence, mais ne permettent pas de déroger à la Constitution.

105.En revanche, il est admis que du droit de nécessité peut être édicté lorsque l’existence même de l’État est menacée et que les procédures constitutionnelles (y compris celles qui sont décrites ci-dessus) ne sont plus à même d’écarter le danger. La doctrine reconnaît très largement que, dans de pareils cas, les plus hauts organes politiques de l’État ont à la fois le pouvoir et le devoir de prendre les mesures qui s’imposent, l’existence de l’État ne pouvant être sacrifiée, en de pareilles circonstances, au respect de la Constitution. En présence de telles situations qui mettent en péril dans leur existence les individus et l’État, il est ainsi admis que les autorités compétentes sont investies du pouvoir de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour sauvegarder l’existence et l’indépendance du pays. C’est à l’Assemblée fédérale qu’incombe en premier lieu cette compétence. Lorsque l’Assemblée fédérale instaure le droit de nécessité, les droits populaires (référendum) sont suspendus. Cette compétence appartient en second lieu au Conseil fédéral. Il est également envisageable que le Parlement délègue son pouvoir au Conseil fédéral. Une telle délégation de pouvoirs s’est produite à deux reprises dans l’histoire du pays, lors des deux guerres mondiales de 1914/1918 et 1939/1945.

106.Le droit de nécessité, tel que décrit au chiffre 105, obéit aux principes directeurs suivants:

Son instauration présuppose un véritable état de nécessité qui peut s’exprimer juridiquement par le principe de la proportionnalité; il s’ensuit notamment que les mesures qui ne sont pas exigées par l’état de nécessité doivent être adoptées selon la procédure constitutionnelle ordinaire;

L’exercice de la compétence en matière de droit de nécessité doit être soumis au contrôle politique de l’Assemblée fédérale qui doit pouvoir décider périodiquement du maintien des décisions prises. C’est en tout cas ainsi que l’on a procédé lors des deux guerres mondiales. Ce n’est que dans le cas où même une partie du Parlement ne pourrait être réunie à cette fin, qu’il faudrait renoncer à ce contrôle.

107.Le 16 juin 2003, le Conseil fédéral a abrogé 23 actes dans le domaine du droit de nécessité, actes devenus sans objet qui remontaient souvent à la période 1950-1985 et avaient été pour la plupart soit approuvés à titre provisoire, soit simplement soumis pour information au Conseil fédéral, eu égard aux événements exceptionnels de l’époque.

108.Les droits mentionnés à l’article 4, alinéa 2, du Pacte (comme c’est également le cas de ceux qu’énonce l’article 15, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales [CEDH]) ne souffrent, en Suisse, aucune atteinte à leur contenu essentiel, même en cas de danger exceptionnel menaçant l’existence de la nation. L’édiction d’un droit de nécessité extraconstitutionnel (voir ch. 104) serait en tous les cas respectueuse de ces droits. Parmi les actes abrogés le 16 juin 2003 (voir ch. 107), aucun ne violait du reste l’article 4, alinéa 2, du Pacte.

109.S’agissant en particulier du droit à la vie (art. 6 du Pacte), l’on peut relever que le législateur suisse a complètement aboli la peine de mort, laquelle sanctionnait encore dans le Code pénal militaire les crimes les plus graves commis en temps de guerre. La Suisse ayant ratifié le deuxième Protocole facultatif au présent Pacte, elle s’est engagée ainsi au niveau international à ne plus réintroduire la peine de mort (voir également le ch. 5 ci-dessus, relatif au Protocole n° 13 à la CEDH).

5. Article 5: Interdiction de l’abus du droit; réserve du droit le plus favorabl e

110.Les informations figurant au chiffre 80 du Deuxième Rapport restent d’actualité.

6. Article 6: Droit à la vie

6.1 Principe

111.Le droit à la vie et l’interdiction de la peine de mort figurent désormais explicitement à l’article 10, alinéa 1, de la Constitution fédérale:

«Tout être humain a droit à la vie. La peine de mort est interdite.».

6.2 Droit d’obtenir de l’aide dans des situations de détresse

112.Le droit à la vie mentionné au chiffre 81 du Deuxième Rapport fait désormais l’objet d’une disposition explicite, l’article 12 de la Constitution fédérale:

« Article 12 Droit d’obtenir de l’aide dans des situations de détresse

Quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.».

113.Depuis le 1er avril 2004, les personnes frappées d’une décision de non-entrée en matière passée en force n’ont plus droit aux prestations d’assistance (sous réserve de l’aide d’urgence, voir ch. 114). La révision partielle de la loi sur l’asile adoptée le 16 décembre 2005 (voir ch. 11) prévoit d’étendre cette mesure à l’ensemble des décisions matérielles négatives rendues en matière d’asile.

114.En mars 2005, le Tribunal fédéral a examiné de près l’article 12 de la Constitution fédérale. L’objet de l’arrêt était de savoir s’il est conforme à la Constitution de priver de l’aide d’urgence minimale les requérants frappés d’une décision de non-entrée en matière qui violent leur devoir de collaborer à l’exécution de leur renvoi. Le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que l’aide d’urgence comprend tous les moyens indispensables dans une situation de détresse, au sens d’une aide destinée à surmonter un passage difficile, tels que la nourriture, les vêtements, le gîte et les soins médicaux de base. Le droit constitutionnel garantit ce qui est indispensable à une existence conforme à la dignité humaine et protège du sort indigne des mendiants. En outre, le droit à l’aide d’urgence est étroitement lié à la protection de la dignité humaine au sens de l’article 7 de la Constitution Et appartient, en tant que droit de l’homme, à toute personne physique dans le besoin, quelle que soit sa nationalité et indépendamment de son statut au regard de la police des étrangers. Les personnes en séjour illégal en Suisse peuvent donc aussi se prévaloir de l’article 12 de la Constitution. Ainsi, l’aide minimale de survie indispensable à une existence conforme à la dignité humaine ne saurait en aucun cas être refusée, et en particulier le refus de l’aide urgence ne devrait pas servir de moyen de contrainte pour atteindre des buts relevant de la législation sur les étrangers.

115.Les cantons sont libres de décider de la manière dont ils entendent fournir les «moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine». La Conférence des directeurs cantonaux des affaires sociales a émis des recommandations à cet effet, afin d’assurer que les prestations soient fournies selon des critères uniformes dans toute la Suisse.

6.3 Assistance au suicide

116.L’assistance au suicide n’est pas punissable en Suisse, à condition que celui qui l’a prêtée n’ait pas été poussé par un mobile égoïste. Telle est l’interprétation a contrario de l’article 115 du code pénal:

« Article 115 Incitation et assistance au suicide

Celui qui, poussé par un mobile égoïste, aura incité une personne au suicide, ou lui aura prêté assistance en vue du suicide, sera, si le suicide a été consommé ou tenté, puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.».

117.Cette réglementation libérale a favorisé l’éclosion des organisations d’assistance au suicide. En mai 2006, le Conseil fédéral a pris acte du rapport de l’administration intitulé «Assistance au décès et médecine palliative: la Confédération doit-elle légiférer?».

118.Les conclusions de ce rapport sont les suivantes:

L’euthanasie passive (renonciation à la mise en œuvre de mesures de maintien de la vie ou interruption de telles mesures) et l’euthanasie active indirecte (administration de substances visant à soulager les souffrances mais ayant pour effet secondaire de raccourcir la durée de la vie) ne sont pas réglées expressément par le code pénal (CP). L’interdiction absolue de l’homicide statuée par le CP assure une claire délimitation entre ce qui relève de l’acte punissable, d’une part, et du comportement non punissable, de l’autre, délimitation aisée à saisir tant par les médecins praticiens que par les autorités de poursuite pénale.

Le législateur pourrait certes préciser, dans le CP ou dans une autre loi, les conditions auxquelles ces deux formes d’euthanasie ne sont pas punissables. Or une réglementation légale de portée générale ne permettrait précisément pas d’embrasser toutes les questions délicates qui se posent dans chaque cas de figure. Aussi ne serait‑elle d’aucune utilité pratique. Les règles de déontologie – notamment les directives de l’Académie suisse des sciences médicales – constituent, en revanche, un instrument plus approprié propre à garantir une réglementation détaillée de situations aussi complexes que multiples.

119.Le Conseil fédéral a donc recommandé au Parlement de renoncer à entreprendre une révision des dispositions pertinentes du Code pénal. La médecine palliative et les soins palliatifs (englobant toutes les formes de soutien qui s’adressent à des personnes atteintes d’une affection évolutive incurable) contribuent à faire baisser le nombre des personnes souhaitant recourir au suicide assisté ou à l’euthanasie active, en permettant aux personnes concernées non seulement de vivre la dernière phase de leur existence mais encore de mourir, dans la dignité. Il incombe essentiellement aux cantons de veiller à étoffer l’offre de soins palliatifs et d’améliorer les prestations en matière d’information et de conseils destinées aux personnes atteintes d’une maladie incurable et à leurs proches.

6.4 Jurisprudence

120.C’est l’arrestation d’un toxicomane par deux fonctionnaires de la police tessinoise qui est à l’origine de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 7 février 2006 dans l’affaire Scavuzzo-Hager et autres contre la Suisse. La personne en question a perdu connaissance au cours de l’intervention et est décédée trois jours plus tard à l’hôpital. Les deux policiers ayant procédé à l’arrestation ont mené eux-mêmes l’enquête pénale sur cette mort suspecte et ils n’ont ainsi jamais été interrogés par une autorité de poursuite pénale. La procédure pénale engagée contre eux a, par la suite, été suspendue. En outre, les circonstances exactes de l’intervention n’ont pas été établies de manière suffisamment claire et les autorités de poursuite pénale n’ont pas examiné la question de savoir si les fonctionnaires de police auraient dû se rendre compte de l’état de vulnérabilité de la personne décédée. Dans son arrêt, la CEDH arrive à la conclusion que les circonstances du décès n’ont pas fait l’objet d’une enquête effective, ce qui, sous l’angle de la procédure, constitue une violation de l’article 2 de la Convention (droit à la vie). Il convient de signaler ici que le Tribunal fédéral a rendu un arrêt comparable le 6 octobre 2005 (voir ch. 134).

7. Article 7: Interdiction de la torture

7.1 Principe

121.L’interdiction de la torture figure désormais expressément à l’article 10, alinéa 3, de la Constitution fédérale:

«La torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits.».

7.2 Quatrième rapport périodique de la Suisse au CAT

122.Les 6 et 9 mai 2005, le Comité contre la torture des Nations Unies (CAT) a examiné le quatrième rapport périodique de la Suisse. Dans le cadre de ses observations finales, il a notamment salué le nouveau projet de procédure pénale fédérale unifiée, l’interdiction de la mise au secret, l’élaboration de «directives relatives aux rapatriements sous contrôle par voie aérienne» ainsi que la signature du Protocole facultatif à la Convention et la ratification du Statut de Rome le 12 octobre 2001.

7.3 Communications au CAT

123.En mars 2007, le CAT était saisi de60 communications dirigées contre la Suisse. Parmi ces communications, 7 ont été déclarées irrecevables, 15 ont été rayées du rôle et 6 sont encore pendantes. Le CAT a constaté dans 5 affaires, sur les 32 tranchées sur le fond, que l’exécution des décisions de renvoyer les requérants violerait l’article 3 de la Convention.

7.4 Troisième et quatrième visites du CPT en Suisse

124.Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a effectué sa troisième visite périodique en Suisse du 5 au 15 février 2001. Pendant dix jours, la délégation a visité dans les cantons de Bâle, Berne, Fribourg, Saint-Gall, Thurgovie et Zurich des maisons d’éducation et des pénitenciers, des locaux de police, une clinique psychiatrique, un poste de garde-frontières ainsi qu’un centre de détention aux fins d’expulsion. Le CPT s’est en outre intéressé aux procédures suivies et aux moyens de contrainte utilisés lors des opérations d’éloignement d’étrangers. Le Comité a déclaré n’avoir relevé, au cours de sa visite, aucun indice laissant croire à l’application de la torture. À l’occasion de sa visite, il a pu constater que les recommandations faites lors de sa visite précédente avaient été à l’origine d’un nouveau système de transports de détenus instauré à partir du 1er janvier 2001 pour toute la Suisse, appelé «Train Street». Comme il l’avait fait en 1996, le CPT a rédigé à l’attention du Conseil fédéral un rapport qui porte essentiellement sur la situation qu’il a rencontrée dans les établissements visités.

125.La quatrième visite du CPT en Suisse a eu lieu du 20 au 24 octobre 2003 pour visiter la section de la prison de l’aéroport de Zurich Kloten qui héberge les personnes en attente d’éloignement (prison n° 2) de même que la zone de transit de l’aéroport international de Zurich. Dès la fin de sa visite, la délégation a déclaré à des représentants de la Confédération et du canton de Zurich qu’elle n’avait constaté aucun indice permettant de conclure à l’application de la torture ou de mauvais traitements graves. Dans le rapport qu’il a adressé au Conseil fédéral en mars 2004, le CPT s’est exprimé de manière circonstanciée sur la situation qui règne à la prison n° 2 et dans la zone de transit de l’aéroport de Zurich et a émis un certain nombre de recommandations, commentaires et demandes d’informations à l’adresse des autorités suisses.

126.Dans ses rapports du 27 février 2002 et du 27 octobre 2004, le Conseil fédéral a d’une part exposé les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations du CPT et, d’autre part, présenté au CPT les réponses à ses commentaires ou demandes d’informations.

7.5 Mise au secret

127.Des développements concernant la mise au secret figurent dans la troisième partie du présent rapport (Réponses aux sujets de préoccupation relevés par le Comité dans ses observations finales du 12 novembre 2001).

7.6 Expérimentation médicale

128.La législation actuelle relative à la recherche sur l’être humain dans le domaine de la santé est lacunaire. La Confédération doit recevoir une compétence étendue dans le domaine de la santé pour la réglementation de la recherche sur l’être humain. À cet effet, le Conseil fédéral a mis en consultation la disposition constitutionnelle suivante, en janvier 2006:

«Article 118aRecherche sur l’être humain

1 La Confédération légifère sur la recherche sur l’être humain dans le domaine de la santé. Ce faisant, elle veille à assurer la protection de la dignité humaine et de la personnalité en tenant compte de la liberté de la recherche.

2 Elle respecte les principes suivants:

a.La recherche sur l’être humain ne peut être réalisée que:

1.si un consentement éclairé a été donné ou que la loi permet exceptionnellement d’y renoncer;

2.si une expertise indépendante a établi que la protection de la personne concernée était garantie.

b.La recherche ne peut être réalisée sur des personnes incapables de discernement que si les exigences plus élevées qu’impose leur protection sont remplies. En particulier, les risques et les contraintes pour la personne incapable de discernement doivent être tout au plus minimes lorsque la recherche ne permet pas d’escompter une amélioration de sa santé.

c.Nul ne peut être contraint de participer à un projet de recherche. Sont réservés les projets de recherche réalisés sur une personne incapable de discernement qui permettent d’escompter une amélioration de sa santé.

d.Le corps humain et les parties du corps humain ne peuvent être ni cédés ni acquis contre rémunération à des fins de recherche.

3 Dans l’accomplissement de ses tâches, la Confédération veille à promouvoir la qualité et la transparence de la recherche sur l’être humain.».

129.Le but premier de ce projet est de protéger la dignité et la personnalité des êtres humains dans la recherche. Il repose sur une acception large de la «recherche sur l’être humain». Cette notion englobe non seulement la recherche sur des personnes, mais aussi la recherche sur du matériel biologique d’origine humaine, des données personnelles, des personnes décédées ou encore des embryons ou fœtus humains. Le projet de loi fédérale relative à la recherche sur l’être humain concrétise la disposition constitutionnelle susmentionnée. La recherche sur l’être humain – qu’elle porte sur des sujets vivants ou décédés, sur du matériel biologique d’origine humaine ou des données personnelles – n’est permise que si un consentement éclairé a été donné. La recherche sur des sujets particulièrement vulnérables (personnes incapables de discernement, personnes capables de discernement mais mineures ou sous tutelle, personnes en situation d’urgence, personnes privées de liberté, femmes enceintes) n’est permise que si des résultats équivalents ne peuvent être obtenus sans leur participation. Enfin, il est interdit de céder ou d’acquérir contre rémunération des parties du corps humain ou des cadavres à des fins de recherche.

130.Le projet d’article constitutionnel est compatible à la fois avec la Convention européenne des Droits de l’Homme et avec le Pacte ONU II. Son alinéa 2, lettre C, règle l’admissibilité de l’expérimentation forcée. Or les participants à la consultation ont critiqué la possibilité d’effectuer des recherches sur les personnes incapables de discernement, même contre leur volonté, pour autant que l’on en attende un bénéfice direct sur leur santé. Aussi le Conseil fédéral a-t-il décidé le 29 janvier 2007, en prenant acte du rapport de consultation, de réexaminer la formulation de l’interdiction d’effectuer des recherches contre la volonté des personnes concernées et de l’adapter à la Convention du Conseil de l’Europe sur les Droits de l’Homme et la biomédecine. À une exception près, le projet d’article constitutionnel satisfait aux exigences de cette Convention. Dans ses articles 16 et 17, celle-ci soumet la recherche sur l’être humain à un ensemble de conditions, dont certaines ont un caractère spécifique. Le présent projet reprend celles de ces conditions qui sont fondamentales, comme le consentement éclairé des sujets de recherche et l’examen indépendant des projets de recherche, et étend leur champ d’application à la recherche sur l’être humain au sens large (let. a). À la lettre b, il soumet en outre la recherche sur les personnes incapables de discernement à des exigences supplémentaires et fixe la condition principale, à savoir que les risques et les charges pour les personnes concernées doivent être minimaux lorsqu’un bénéfice direct pour leur santé n’est pas escompté du projet de recherche en question. Par contre, la définition des modalités de la recherche sur les personnes, comme l’exigence d’un rapport équilibré entre les bénéfices et les risques, est laissée à la responsabilité du législateur. Par analogie avec l’article 21 de la Convention précitée, la lettre d interdit la commercialisation du corps humain ou de ses parties. Selon l’article 17, paragraphe 1, de la Convention, la recherche sur des personnes n’ayant pas la capacité d’y consentir (c.-à-dire., en droit suisse, les personnes incapables de discernement) est autorisée uniquement si la personne concernée n’y oppose pas de refus, entre autres conditions.

131.Concernant l’expérimentation médicale décrite au paragraphe 96 du rapport initial, il convient de relever que lors de leur 627e réunion, les délégués des Ministres du Conseil de l’Europe ont adopté la Recommandation N° R (98) 7 relative aux aspects éthiques et organisationnels des soins de santé en milieu pénitentiaire. Cette Recommandation sera appliquée en Suisse.

132.La Suisse a soutenu l’adoption, lors de la 59e Assemblée générale des Nations Unies, d’une déclaration sur le clonage des êtres humains invitant les États membres à interdire toutes les formes de clonage humain qui seraient incompatibles avec la garantie de la dignité humaine et la protection de la vie humaine.

133.Le Parlement examine actuellement la Convention du Conseil de l’Europe sur les Droits de l’Homme et la biomédecine en vue de sa ratification par la Suisse.

7.7 Jurisprudence

134.Dans un arrêt du 6 octobre 2005, le Tribunal fédéral a considéré que celui qui prétend de manière défendable avoir été traité de façon dégradante par un fonctionnaire de police a droit à une enquête officielle effective et approfondie. Le refus d’ouvrir une telle enquête constitue une violation de l’interdiction de la torture.

7.8 Principe du non-refoulement en matière de droit d’asile

135.La loi fédérale sur l’asile du 26 juin 1998 (Lasi), entrée en vigueur le 1er octobre 1999, contient plusieurs mesures visant à lutter contre les abus en matière d’asile (voir ch. 11). Un nouveau motif de non-entrée en matière est notamment introduit, lorsque le requérant ne remet pas de documents d’identité dans un délai de 48 heures. La portée de cet article est limitée aux cas manifestement abusifs. En effet, l’interprétation qui en est faite tant par l’Office fédéral des migrations que par l’ancienne Commission suisse de recours en matière d’asile (CRA; actuellement Tribunal administratif fédéral [TAF]) est restrictive. L’autorité de recours a ainsi considéré que la notion de «persécution» devait non seulement être comprise au sens de «sérieux préjudices», mais englobait en fait tous les autres obstacles à l’exécution du renvoi, soit que cette dernière n’est pas licite, pas raisonnablement exigible ou tout simplement impossible. Cependant, dès 2003, l’autorité de recours a restreint son interprétation de la notion de «persécution» et a décidé qu’elle englobait les obstacles à l’exécution du renvoi, pour autant qu’il s’agisse de préjudices émanant de l’être humain, à l’exclusion des autres empêchements à l’exécution du renvoi. En outre, la CRA a estimé que les exigences de preuve requises par les autorités compétentes ne devaient pas être élevées. Lorsque des indices de persécution n’apparaissent pas prima facie comme étant dépourvus de crédibilité, la qualité de réfugié doit être examinée au fond. L’institution de la protection provisoire telle qu’expliquée dans le Deuxième Rapport (ch. 93) est également entrée en force, mais son application pratique ne s’est pas révélée nécessaire.

136.Par ailleurs, depuis le 1er avril 2004 (révision de la Lasi, voir ch. 11), le délai de recours contre une décision de non-entrée en matière est nouvellement de cinq jours ouvrables et le recours a en règle générale effet suspensif. Ceci permet de garantir au mieux les droits des demandeurs d’asile qui ont fait l’objet d’une décision de non-entrée en matière et de renvoi.

137.Les statistiques dans le domaine de l’asile montrent une chute nette du nombre de demandeurs au cours de ces dernières années, avec une légère exception pour 2006. En 2006, 10 537 personnes ont demandé l’asile en Suisse, soit 4,7 % de plus qu’en 2005. En 2005, 10 061 personnes ont déposé une demande d’asile en Suisse, soit 29,4 % de moins qu’en 2004 (14 248 demandes). En 2003, 21 037 personnes ont demandé l’asile en Suisse soit 21 % de moins qu’en 2002. De janvier à décembre 2006, 11 171 demandes d’asile ont été traitées en première instance (12 695 en 2005). On peut souligner qu’en 2006, 1 857 personnes ont obtenu l’asile en Suisse (1 497 en 2005, 1 555 en 2004). 1 834 décisions de non-entrée en matière ont été prises en 2006 (2 530 en 2005, 5 193 en 2004). La proportion d’octroi de l’asile est en 2006 de 19,5 %. En 2003 ce taux s’élevait à 6,7 %, en 2004 à 9,9 % et en 2005 à 13,6 %. Malgré une légère hausse des demandes en 2006, ces chiffres démontrent que la politique d’asile va dans la bonne direction et que les personnes effectivement persécutées obtiennent protection en Suisse.

138.La révision partielle de la loi sur l’asile (voir ch. 11) a prévu une nouvelle formulation des motifs de non-entrée en matière en l’absence de document d’identité. La remise de documents comme les actes de naissance ou les permis de conduire ne suffit plus pour que l’office prononce une décision matérielle, étant donné que ces documents ne permettent pas à la personne de retourner dans son pays et qu’ils sont en outre facilement falsifiables. Néanmoins, si le requérant peut rendre vraisemblable que, pour des motifs excusables, il ne peut pas remettre aux autorités des documents de voyage ou des pièces d’identité dans le délai de 48 heures, l’office est tenu d’entrer en matière. Il en va de même si la qualité de réfugié est constatée au terme de l’audition ou si l’audition fait apparaître la nécessité d’introduire d’autres mesures d’instruction pour établir la qualité de réfugié ou pour constater l’existence d’un empêchement à l’exécution du renvoi. Il convient de préciser que lors d’une décision de non-entrée en matière, un examen détaillé et approfondi de toutes les pièces du dossier a lieu à chaque fois, et qu’une telle décision est dûment motivée.

139.La révision partielle de la loi sur l’asile prévoit également que tous les recours ont en principe un effet suspensif, ce qui empêche toute exécution du renvoi durant la procédure de recours. Il s’agit là d’une garantie supplémentaire du respect du principe de non-refoulement pour les requérants.

140.Les cantons ont désormais la possibilité d’accorder une autorisation de séjour pour raisons humanitaires aux (anciens) requérants d’asile après cinq ans de séjour. L’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires aux bénéficiaires de l’admission provisoire est soumis à un examen approfondi après cinq ans.

141.Les dispositions en vigueur garantissent une protection à toute personne ayant la qualité de réfugié. En outre, suite à toute décision sur les motifs d’asile (matérielle ou de non-entrée en matière), l’Office fédéral des migrations prend une décision sur le renvoi. Celui-ci n’est pas licite si les engagements internationaux de la Suisse sont violés. Il est ici expressément fait référence à l’article 7 du Pacte, à l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme et à l’article 10, alinéa 3, de la Constitution (interdiction de la torture). Ainsi, si une personne qui n’a pas la qualité de réfugié est menacée d’une peine ou d’un traitement inhumain, elle sera admise provisoirement en Suisse et n’aura pas à retourner dans son pays d’origine ou de provenance. Ceci est également le cas si le renvoi n’est pas raisonnablement exigible car la personne serait concrètement menacée dans son pays. Il s’agit avant tout de cas de personnes malades qui ne peuvent être traitées dans leur pays ou de personnes qui seraient confrontées à une situation de violence généralisée en cas de retour chez elles.

142.La révision partielle améliore en outre le statut des personnes admises à titre provisoire, qui pourront désormais accéder plus facilement au marché du travail et auront la possibilité de bénéficier du regroupement familial après trois ans.

143.Les mineurs non accompagnés sont désormais également assistés dans la procédure à l’aéroport par une personne de confiance pendant toutes les étapes de la procédure déterminantes pour la décision.

144.Dans une décision de principe du 8 juin 2006, l’ancienne Commission suisse de recours en matière d’asile (CRA) a procédé à un revirement de sa jurisprudence relative à la pertinence de persécutions non étatiques pour la reconnaissance de la qualité de réfugié et a décidé d’adopter la théorie de la protection. Selon la pratique suivie jusqu’alors par les autorités suisses en matière d’asile, des persécutions n’étaient déterminantes pour la reconnaissance de la qualité de réfugié que si elles émanaient de l’État ou si, conformément à la théorie de l’imputabilité, celui-ci pouvait au moins en être tenu pour indirectement responsable. Dans le cas d’espèce, un requérant d’asile somalien avait été fait prisonnier par la milice privée d’un clan, qui l’avait contraint au travail forcé et mutilé en lui infligeant des mauvais traitements. La CRA est parvenue à la conclusion que l’interprétation de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés aboutit clairement à l’adoption de la théorie de la protection. La question centrale que pose cette théorie est de savoir si la personne menacée peut trouver une protection contre des persécutions dans son pays d’origine. La Commission s’est laissé guider dans sa réflexion par le but de la Convention et par le fait que les autres États signataires suivent désormais une pratique conforme à la théorie de la protection. Elle a admis le recours et ordonné à l’Office fédéral des migrations (ODM) d’accorder l’asile à l’intéressé, qui bénéficiait déjà de l’admission provisoire. Ce revirement de jurisprudence aura des conséquences surtout pour les réfugiés provenant de pays incapables d’assurer une protection ou d’États qui sont de facto inexistants («failed states»). Selon la pratique en vigueur jusqu’alors, ces personnes devaient déjà être admises provisoirement car l’exécution de leur renvoi était impossible, de sorte que ce changement n’a d’effets que sur leur statut juridique en Suisse.

145.Dans une autre décision de principe rendue le 9 octobre 2006, la CRA s’est penchée sur le phénomène du rapt nuptial en Éthiopie. Elle est parvenue à la conclusion qu’à certaines conditions, les femmes concernées remplissent les conditions liées à la qualité de réfugié. La commission souligne dans son arrêt que les victimes de rapt nuptial et de viol n’obtiennent pas, de la part de l’État éthiopien, la protection sur laquelle peuvent généralement compter les victimes masculines de violences privées. La CRA voit dans cette discrimination liée au sexe un motif de persécution pertinent au regard du droit d’asile. Dans le cas d’espèce, il s’agissait d’une jeune femme éthiopienne qui, à l’âge de 16 ans, a été enlevée, maltraitée et violée par un officier supérieur qu’elle refusait d’épouser. L’ancienne Commission suisse de recours en cas d’asile a admis le recours et ordonné à l’instance inférieure d’accorder l’asile en Suisse à la recourante.

7.9 Principe du non-refoulement en matière d’entraide judiciaire internationale

146.Dans une décision d’extradition rendue en 2003, le Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence en la matière: «Les standards minimaux de protection des droits individuels résultant de la CEDH ou du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (Pacte ONU II; RS 0.103.2) font partie de l’ordre public international. Parmi ces droits figure l’interdiction de la torture, ainsi que des traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 3 CEDH et art. 7 Pacte ONU II ; voir aussi l’art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 [RS 0.105], qui interdit l’extradition lorsque la personne visée court le risque d’être soumise à la torture, et la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du 26 novembre 1987 [RS 0.106]).».

7.10 Activités de la Suisse sur le plan international

147.Les travaux liés à la ratification et à la mise en œuvre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention de l’ONU contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont mentionnés aux chiffres 4 et 20.

8. Article 8: Interdiction de l’esclavage et du travail forcé

8.1 Travail d’intérêt général comme sanction pénale

148.L’article 37 de la nouvelle partie générale du code pénal prévoit la possibilité pour le juge d’ordonner, à la place d’une peine privative de liberté de moins de 6 mois ou d’une peine pécuniaire de 180 jours-amendes, un travail d’intérêt général de 720 heures au plus. Ceci ne peut être fait sans l’accord de l’auteur. Ce travail d’intérêt général doit être effectué au profit d’institutions sociales, d’œuvres d’utilité publique ou de personnes dans le besoin. Il n’est pas rémunéré.

8.2 Traite d’êtres humains

149.La Suisse est un pays de destination de la traite des êtres humains – et dans une moindre mesure de transit aussi. Le phénomène se déroulant dans les milieux criminels, le nombre exact de victimes n’est pas connu et reste difficile à estimer. Se basant, d’une part, sur des estimations internationales et, d’autre part, sur une estimation du nombre de prostituées illégales, l’Office fédéral de la police a jugé en 2002 que 1500 à 3000 personnes seraient victimes de la traite d’êtres humains en Suisse. Il n’existe pas d’estimations plus récentes. Les victimes des réseaux de prostitution, généralement des femmes, proviennent principalement d’Europe de l’Est et du Sud-est, des Pays baltes, du Brésil et de la Thaïlande. Au cours de ces dernières années, entre 20 et 50 cas de traite d’êtres humains ont été dénoncés par an en Suisse, et environ deux fois plus de cas d’encouragement à la prostitution (art. 195 CP). En 2005, 11 condamnations ont été prononcées pour traite d’êtres humains et 12 pour encouragement à la prostitution. Ce résultat marque une hausse par rapport aux années précédentes où le nombre de condamnations pour traite d’êtres humains oscillait entre deux et sept. Tout porte à croire qu’ici le chiffre noir de la criminalité reste élevé.

150.La lutte contre la traite d’êtres humains est l’un des buts déclarés du Conseil fédéral. Celui-ci s’engage en faveur du renforcement au plan international de la lutte contre la traite et le trafic illicite d’êtres humains. Dans cet esprit, la Suisse a ratifié en 2006 les deux protocoles additionnels à la Convention de l’ONU contre la criminalité transnationale organisée, l’un visant à réprimer la traite d’êtres humains, l’autre à lutter contre le trafic de migrants, ainsi que le protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente des enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (voir ch. 4).

151.Dans le cadre de la ratification du protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente des enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (ch. 4), l’ancien article 196 CP a été remplacé par le nouvel article 182 CP. Cette révision du code pénal, entrée en vigueur le 1er décembre 2006, permet d’étendre l’infraction de traite d’êtres humains, qui jusqu’alors ne s’appliquait qu’à la traite à des fins d’exploitation sexuelle, à la traite à des fins d’exploitation au travail ou en vue de prélèvement d’organes. La nouvelle infraction a la teneur suivante:

« Article 182 Traite d’êtres humains

1 Celui qui, en qualité d’offreur, d’intermédiaire ou d’acquéreur, se livre à la traite d’un être humain à des fins d’exploitation sexuelle, d’exploitation de son travail ou en vue du prélèvement d’un organe, est puni d’une peine privative de liberté ou d’une peine pécuniaire. Le fait de recruter une personne à ces fins est assimilé à la traite.

2 Si la victime est mineure ou si l’auteur fait métier de la traite d’êtres humains, la peine est une peine privative de liberté d’un an au moins.

3 Dans tous les cas, l’auteur est aussi puni d’une peine pécuniaire.

4 Est également punissable celui qui commet l’infraction à l’étranger. L’art. 6 bis est applicable.».

152.Le Service de coordination contre la traite d’êtres humains et le trafic de migrants (SCOTT), rattaché à l’Office fédéral de la police (fedpol), a été créé en 2003. Toutes les autorités fédérales ou cantonales travaillant dans le cadre de la lutte contre la traite d’êtres humains ou le trafic de migrants et de leur prévention sont associées au SCOTT, qui coordonne les mesures relevant des domaines de la prévention, de la poursuite pénale et de la protection des victimes. Ce service veille en particulier à la mise en œuvre des recommandations du rapport interdépartemental «Traite des êtres humains en Suisse» ainsi que des deux protocoles additionnels à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, qui visent la traite d’êtres humains et le trafic de migrants. Dans ces domaines, le service est à la fois une plaque tournante en termes d’information, de coordination et d’analyse pour la Confédération et les cantons, et l’instance de contact et de coordination pour la coopération internationale. L’objectif du SCOTT est d’améliorer les mesures en matière de prévention, de poursuite pénale et de protection des victimes.

153.Un nouveau commissariat «Pédophilie, traite d’êtres humains, trafic de migrants» a été créé en 2004. Il soutient les polices cantonales dans les investigations intercantonales ou internationales.

154.Différents cantons, notamment Zurich, Berne, Soleure, Saint-Gall et Lucerne, ont mis en place des «tables rondes» dans le but de garantir une étroite coopération entre les autorités de poursuite pénale, les services des migrants et les centres de consultation pour l’aide aux victimes.

155.Depuis janvier 2005, le bureau suisse de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à Berne met à disposition des autorités cantonales et des centres de consultation privés ou publics une offre d’assistance ajustée aux besoins des victimes de la traite d’êtres humains. Cette offre propose un soutien au retour volontaire dans le pays d’origine et intègre les victimes dans des programmes de réhabilitation et de réintégration professionnelle sur place. Les autres domaines d’action de l’OIM sont la sensibilisation et la formation.

156.S’agissant plus particulièrement de l’exploitation des femmes, le canton de Neuchâtel a adopté le 29 juin 2005 une loi sur la prostitution et la pornographie. Ce texte vise à reconnaître à chacun la liberté de disposer de son corps. Il tend à garantir que les personnes qui se prostituent – il s’agit essentiellement de femmes – ne subissent pas de restriction dans leur liberté d’action, qu’elles ne soient pas victimes de menaces, de violences ou de pressions ou que l’on ne profite pas de leur détresse ou de leur dépendance pour les déterminer à se livrer à des actes sexuels.

157.En vertu de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (voir ch. 19), toute personne ayant subi en Suisse, du fait d’une infraction, une atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique a droit à des conseils et à une aide – indépendamment de sa nationalité et de son statut de séjour. Les victimes déposant comme témoins bénéficient également des droits procéduraux prévus pour les victimes et les témoins. En principe, les victimes de la traite d’êtres humains peuvent solliciter l’aide des centres de consultation étatiques ou privés.

158.La question du statut de séjour est également déterminante pour la protection accordée aux victimes. Le droit des étrangerspermet l’octroi d’une autorisation de séjour dans un cas personnel d’extrême gravité ou en raison de considérations de politique générale. Si nécessaire, cette possibilité sera offerte aux victimes de la traite d’êtres humains pendant un délai de réflexion, puis le cas échéant pour la durée de la procédure pénale. Il n’existe toutefois aucun droit d’en bénéficier. Une enquête réalisée auprès des cantons montre qu’en 2006, les victimes ont obtenu une autorisation de séjour dans 45 cas liés à la traite d’êtres humains (2005: 46). Dans 39 d’entre eux (2005: 30), les autorités ont renoncé à ordonner des mesures de renvoi. La pratique est précisée dans une circulaire de l’Office fédéral des migrations datant du 25 août 2004.

159.La nouvelle loi sur les étrangers (ch. 11) abrogera la réglementation en vigueur, le 1er janvier 2008 probablement. L’article 30, alinéa 1, lettre E, de cette nouvelle loi prévoit expressément la possibilité de déroger aux conditions générales d’admission pour les victimes de la traite d’êtres humains. Ainsi leur séjour sera désormais réglé au niveau légal.

160.L’octroi de l’aide au retour est également possible. Les autorités fédérales ont aussi édicté de nouvelles directives pour limiter l’immigration des danseuses de cabaret et améliorer leur protection. Ces directives s’appliquent, comme précédemment, aux artistes qui présentent des spectacles sur la scène des cabarets et dont la présence en Suisse est limitée à huit mois au plus par année civile (séjour de courte durée). Elles complètent des directives antérieures sur des points de procédure et règlent en particulier les points suivants:

Restriction du nombre maximum de danseuses;

Validité restreinte des visas;

Contrôle du bien-fondé de la demande;

Conditions requises pour l’engagement;

Contrôles réguliers du respect des prescriptions relatives à l’occupation légale et à la protection due aux employés.

Le 2 février 2006, l’Office fédéral des migrations (ODM) a émis de nouvelles Directives en vue de protéger les danseuses de cabaret. Ces directives prévoient notamment:

L’obligation de verser le salaire des danseuses sur un compte libellé à leur nom, dont elles seules disposeront;

L’obligation pour l’employeur d’assurer les danseuses dès leur entrée en fonction en ce qui concerne les frais médicaux, pharmaceutiques et hospitaliers;

L’interdiction d’exiger des prestations non prévues dans le contrat;

Le renforcement des contrôles des dispositions en vigueur.

161.Il existe un modèle de contrat de travail rédigé notamment avec l’Association Suisse des cafés-concerts, cabarets, dancings et discothèques (ASCO), entré en vigueur le 1er mars 1998 et remplaçant celui de 1993. Il vise à mieux protéger les artistes de cabaret et comporte à cet effet des améliorations dans le domaine de la sécurité sociale, la plus significative d’entre elles portant sur l’introduction d’une indemnité journalière en cas de maladie. Par ailleurs, le temps d’essai est supprimé; le gérant de cabaret est lié pour toute la durée de l’engagement et ne peut plus renvoyer la danseuse sans motifs. Pour la première fois, le contrat faisait interdiction à l’employeur d’exiger qu’elle incite les clients à consommer de l’alcool. Des adaptations ultérieures ont notamment permis d’introduire dans le contrat, dès le 1er janvier 2004, des dispositions sur la durée du travail et le travail de nuit. Ainsi la danseuse doit se soumettre, lors de la prise d’emploi, à un examen médical visant à déterminer si elle est apte au travail de nuit. L’examen doit être renouvelé tous les deux ans.

162.Il y a enfin lieu de signaler que le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes a émis des feuilles d’information générale, que les consulats suisses ont mission de remettre aux danseuses de cabaret en même temps que le visa ou l’assurance d’autorisation de séjour. Ces fiches ont été traduites dans la langue des principaux pays de départ et renseignent ces personnes sur leurs droits et obligations ainsi que sur les services auxquels elles peuvent s’adresser en cas de besoin. Les danseuses ont l’obligation de lire la feuille d’information dans les locaux consulaires. Si c’est la première fois qu’elles sollicitent un tel visa, leur interlocuteur les informera, lors d’un bref entretien, sur ce qui les attend dans leur activité, de même que sur leurs droits et obligations. On relèvera enfin que les autorités cantonales, dans leur grande majorité, remettent également aux intéressées, en même temps que leur permis de séjour, une fiche d’information détaillée les renseignant sur la réglementation cantonale en vigueur et sur les services publics et associations spécialisées qui sont à leur disposition.

163.La Direction de l’aide au développement et de la coopération (DDC) et la division politique IV du DFAE soutiennent sur le plan opérationnel de nombreux projets menés à l’étranger. La Suisse joue en outre un rôle actif dans le cadre d’organisations internationales actives contre la traite des êtres humains, notamment l’ONU, l’OSCE et le Conseil de l’Europe.

8.3 Exploitation sexuelle des enfants

164.L’article 5 de la nouvelle partie générale du code pénal (voir ch. 11) reconnaît désormais la compétence des autorités suisses pour poursuivre et juger les infractions sexuelles commises à l’encontre de mineurs, à l’étranger, par quiconque se trouvant en Suisse et non extradé. Ainsi, l’exigence de double incrimination est abandonnée et la compétence quasi-universelle de la Suisse reconnue.

165.Depuis le 1er avril 2002 (révision de l’art. 197 du code pénal, voir ch. 11), l’acquisition, l’obtention, par voie électronique ou autre, ou la possession de matériel pornographique ayant pour représentation des enfants, des animaux, des actes de violence est punissable d’une peine d’emprisonnement jusqu’à un an ou de l’amende.

166.Depuis le 1er octobre 2002, la prescription des actes d’ordre sexuels commis sur des enfants, des mineurs dépendants, et des crimes exhaustivement énumérés commis contre des mineurs de moins de 16 ans (meurtre, contrainte sexuelle, séquestration et enlèvement etc.) court en tout cas jusqu’au jour où la victime atteint ses 25 ans.

167.Le 1er mars 2006, l’association «Marche Blanche» a déposé une initiative populaire, demandant que l’imprescriptibilité des actes punissables d’ordre sexuel ou pornographique sur un enfant impubère soit inscrite dans la Constitution. Estimant que cette initiative n’est pas propre à améliorer la prévention d’infractions à caractère pédophile, le Conseil fédéral a décidé de soumettre au Parlement un contre-projet indirect. À cette fin, il a mis en consultation le 28 février 2007 de nouvelles dispositions, permettant au mineurs de moins de 16 ans qui ont été victimes de graves infractions d’ordre sexuel ou d’infractions graves contre la vie et l’intégrité corporelle de bénéficier d’un délai de réflexion plus long que ce n’est le cas actuellement pour déposer une plainte pénale. Le délai de prescription pour ces infractions commencerait à courir au moment où la victime atteint sa majorité. La victime pourra ainsi déposer plainte pénale jusqu’à l’âge de 33 ans.

168.Comme déjà signalé (ch. 4), la Suisse a ratifié le 19 septembre 2006 le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Dans ce contexte, le nouvel article 182 du Code pénal est entré en vigueur le 1er décembre 2006 (ch. 11).

169.Par ailleurs, la Suisse a participé activement au sein du Conseil de l’Europe aux travaux du comité d’experts sur la criminalité dans le cyberspace. La Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité est le premier instrument international relatif aux infractions pénales commises via Internet et d’autres réseaux informatiques. Son principal objectif est de poursuivre une politique pénale commune destinée à protéger la société contre le cybercrime, notamment par l’adoption d’une législation interne appropriée et le renforcement de la coopération internationale. La Suisse a signé cette convention le 23 novembre 2001 (voir ch. 5).

170.Le Service national de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet (SCOCI), point de contact central pour les personnes souhaitant signaler l’existence de sites Internet suspects, a été créé le 1er janvier 2003, suite à divers cas graves d’abus sexuels sur des enfants, de pédopornographie et de pédophilie qui, bien souvent, tiraient leur origine d’Internet ou lui devaient leur diffusion à grande échelle. Le SCOCI soumet à un premier examen toutes les communications de soupçons – y compris celles faites anonymement – concernant des infractions commises via Internet, sauvegarde les fichiers suspects et les transmet aux autorités de poursuite pénale compétentes en Suisse et à l’étranger, avec une brève évaluation juridique de la situation. Le SCOCI est en outre chargé de rechercher des contenus illicites sur Internet.

171.Les annonces entrantes (près de 7 500 par an aujourd’hui) sont traitées au fur et à mesure, avec l’aide d’un logiciel performant. Depuis 2003, quelque 50 à 80 cas ont été transmis chaque mois aux autorités de poursuite pénale. Une grande majorité des cas (près de 90 %) ont conduit à une enquête pénale, lors de laquelle du matériel interdit est apparu la plupart du temps, et nombre de cas ont abouti à la condamnation des suspects.

172.Le SCOCI rencontre un écho positif auprès des médias. De nombreux articles spécialisés et des exposés publics mettent également en lumière son travail. Le renforcement des contacts existants et la constitution d’un réseau avec les hautes écoles spécialisées, les services de police, l’économie, les ONG, etc. revêt une importance croissante.

173.Le 9 juin 2006, le Conseil des États a adopté une motion chargeant le Conseil fédéral de compléter l’article 197, alinéa 3 bis du Code pénal pour punir la simple consommation de pédopornographie. Le Conseil national ne l’a pas encore traitée, ce qui fait que la motion n’est pas encore définitivement transmise.

8.4 Loi fédérale sur la transplantation d’organes, de tissus et de cellules

174.La loi fédérale sur la transplantation d’organes, de tissus et de cellules (loi sur la transplantation; ch. 11) règle l’interdiction de faire commerce d’organes et la gratuité des dons, la définition du critère de la mort, les exigences liées au consentement à un prélèvement d’organes, de tissus et de cellules sur des personnes décédées, les critères et la procédure d’attribution d’organes, les conditions régissant un don par des personnes vivantes, la xénotransplantation ainsi que la transplantation de tissus et de cellules embryonnaires et fœtaux d’origine humaine. L’entrée en vigueur de la loi sur la transplantation et de sa réglementation d’exécution est fixée au 1er juillet 2007.

8.5 Service civil

175.Les questions touchant à l’objection de conscience et au service civil sont traitées en détail dans les explications relatives à l’article 18 (voir ch. 262 ss).

9. Article 9: Droit à la liberté et à la sûreté

9.1 Principe

176.Le droit à la liberté personnelle est désormais explicitement garanti par l’article 10, alinéa 2, de la Constitution fédérale:

«Tout être humain a droit à la liberté personnelle, notamment à l’intégrité physique et psychique et à la liberté de mouvement.».

177.L’article 31 de la Constitution fédérale contient les dispositions suivantes sur la privation de liberté:

«1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n’est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu’elle prescrit.

2 Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d’être aussitôt informée, dans une langue qu’elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.

3 Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d’être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable.

4 Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu’un tribunal l’ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.».

9.2 CPT et CAT

178.Tant le CPT que le CAT recommandent depuis un certain temps à la Suisse d’autoriser la personne arrêtée à communiquer immédiatement avec son défenseur. Le projet de code de procédure pénale suisse (P-CPP, ch. 12) permet de répondre à ces recommandations: en effet, il autorise le défenseur à participer à tous les interrogatoires, y compris ceux devant la police, et à poser des questions, quelle que soit la situation du prévenu. Il doit aussi avoir la possibilité de s’entretenir librement avec son client avant l’interrogatoire ou durant la suspension de celui-ci (art. 156 P-CPP; voir ch. 217 ss).

179.Le P-CPP réglemente aussi les questions liées à la privation de liberté, telles que les conditions nécessaires pour imposer le port de menottes (art. 211) ou la visite domiciliaire (art. 212). Il précise qu’en cas d’arrestation ou de mise en détention provisoire, les proches doivent être immédiatement avertis, de même que l’employeur ou la représentation étrangère si la personne intéressée le souhaite (art. 213). Exceptionnellement, l’information n’est pas donnée si le but de l’instruction l’interdit ou si la personne concernée s’y oppose expressément.

180.S’agissant de la procédure applicable en cas d’arrestation, l’article 218 prévoit également que l’arrestation provisoire ne peut durer plus de 24 heures. À l’issue de ce délai, la personne arrêtée doit être amenée devant le ministère public. Celui-ci doit traduire le prévenu devant le tribunal des mesures de contrainte, qui est, entre autres, compétent pour ordonner et/ou prolonger la détention provisoire (art. 224).

9.3 Internement à vie

181.Comme indiqué au chiffre 11, l’article 123a de la Constitution fédérale est en vigueur depuis le 8 février 2004:

«1 Si un délinquant sexuel ou violent est qualifié d’extrêmement dangereux et non amendable dans les expertises nécessaires au jugement, il est interné à vie en raison du risque élevé de récidive. Toute mise en liberté anticipée et tout congé sont exclus.

2 De nouvelles expertises ne sont effectuées que si de nouvelles connaissances scientifiques permettent d’établir que le délinquant peut être amendé et qu’il ne représente dès lors plus de danger pour la collectivité. L’autorité qui prononce la levée de l’internement au vu de ces expertises est responsable en cas de récidive.

3 Toute expertise concernant le délinquant est établie par au moins deux experts indépendants qui prennent en considération tous les éléments pertinents.».

182.Comme la nouvelle disposition constitutionnelle est sujette à interprétation sur de nombreux points, le Conseil fédéral a élaboré des dispositions d’exécution, actuellement débattues au Parlement. Les adjonctions proposées à la partie générale du code pénal règlent les conditions dans lesquelles un juge peut ordonner l’internement à vie. Elles précisent, en particulier à l’aide d’une liste d’infractions, quels sont les auteurs qui doivent être considérés comme des délinquants sexuels ou violents extrêmement dangereux et non amendables. Le projet de loi indique par ailleurs comment examiner, dans un cas concret, si la poursuite de l’internement à vie est encore justifiée. La procédure retenue exclut un réexamen automatique, suivant les exigences de l’initiative populaire, tout en respectant les principes de la CEDH. L’autorité d’exécution cantonale charge officiellement ou sur demande de la personne concernée une commission fédérale spécialisée d’examiner l’internement à vie. Cette commission spécialisée, que le Conseil fédéral doit instituer, examine s’il existe de nouvelles connaissances scientifiques permettant d’envisager un traitement. Sur la base du rapport de la commission spécialisée, l’autorité d’exécution des peines décide s’il y a lieu de proposer un traitement à l’auteur. Si le traitement démontre que sa dangerosité peut être diminuée de manière décisive, le juge compétent lève l’internement à vie et ordonne sa transformation en mesure thérapeutique institutionnelle. Si l’auteur ne représente plus de danger pour cause de vieillesse, de maladie grave ou pour une autre raison, le juge peut le libérer conditionnellement même sans traitement préalable.

9.4 Procédure d’asile dans les aéroports

183.Une réglementation analogue à celle énoncée aux chiffres 112 et 114 du Deuxième Rapport figure désormais aux articles 22 et 108 de la loi sur l’asile entrée en vigueur le 1er octobre 1999:

« Article 22 Procédure à l’aéroport

1 Les personnes qui déposent une demande d’asile dans un aéroport suisse et pour lesquelles il n’est pas immédiatement possible de déterminer si les conditions d’obtention d’une autorisation d’entrée conformément à l’article 21 sont remplies, se voient refuser provisoirement l’entrée en Suisse.

2 Lorsqu’il notifie le refus provisoire aux requérants d’asile, l’office leur assigne un lieu de séjour à l’aéroport pour la durée probable de la procédure, mais pour quinze jours au plus; il leur fournit un logement adéquat.

3 Le refus provisoire et l’assignation d’un lieu de séjour à l’aéroport doivent être notifiés au requérant d’asile dans les 48 heures suivant le dépôt de sa demande; les voies de droit doivent lui être indiquées simultanément. Le requérant a le droit d’être entendu préalablement et doit avoir la possibilité de se faire représenter.

Article 108 Examen de la décision relative au refus de l’entrée en Suisse et à l’assignation de l’aéroport comme lieu de séjour

1 Le requérant d’asile peut déposer un recours contre la décision relative au refus provisoire de l’entrée en Suisse et à l’assignation de l’aéroport comme lieu de séjour (art. 22, 1er et 2e al.) jusqu’au moment de la notification du renvoi et conformément à l’article 23 alinéas 1 et 3.

2 La commission de recours se prononce sur le recours, en règle générale sur la base du dossier, dans les 48 heures.».

184.La révision partielle de la loi sur l’asile, adoptée par le Parlement en décembre 2005 (ch. 11), prévoit une nouvelle procédure à l’aéroport. La durée de l’assignation à l’aéroport ne devra pas dépasser en tout 60 jours (art. 22, al. 5). Une décision en matière d’asile – décision matérielle ou de non-entrée en matière – doit cependant être notifiée dans les 20 jours (art. 23).

185.En outre, la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) a adopté, le 11 avril 2002, une directive relative aux rapatriements sous contrainte par voie aérienne.

9.5 Mesures de contrainte en matière de droit des étrangers

186.De nouvelles mesures de contrainte ont été adoptées dans la nouvelle loi sur les étrangers (ch. 11). Elles visent notamment à inciter les personnes devant quitter la Suisse à collaborer à leur départ – prolongation de la durée maximale de la détention en vue du renvoi de 9 à 18 mois, ou encore introduction de la détention pour insoumission, d’une durée maximale de 18 mois. Cette mesure vient s’ajouter à la détention en vue du refoulement lorsque le départ est possible, légal et qu’il peut raisonnablement être exigé, mais que la personne s’y refuse. La durée maximale de la détention ne peut excéder 24 mois au total, et 12 mois pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans. Autre nouveauté, une mesure de rétention d’une durée de trois jours au maximum est prévue à des fins d’établissement de l’identité (p. ex. pour amener une personne à l’ambassade afin de lui procurer les papiers nécessaires). Les mesures d’assignation à un lieu de séjour et d’interdiction de pénétrer dans un lieu déterminé pourront désormais aussi être prises en cas de non-respect du délai de départ. Un contrôle judiciaire de la légalité et de l’adéquation de la détention est garanti.

9.6 Privation de liberté à des fins d’assistanc e

187.En 2006, le Conseil fédéral a adopté le message concernant la révision du code civil suisse (Protection de l’adulte, droit des personnes et droit de la filiation, voir ch. 14). Cette révision porte également sur la privation de liberté à des fins d’assistance (art. 397a à 397f CC). Dans ce domaine, le but de la révision est de renforcer la protection juridique des personnes placées ou retenues contre leur volonté dans une institution, parce qu’elles représentent un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. Pour ce faire, la révision règle le traitement d’un trouble psychique sans le consentement de la personne concernée placée dans une institution. Elle fixe la durée initiale du placement ordonné par un médecin à six semaines au maximum, alors que, selon le droit actuel, cette durée est illimitée. Enfin, elle prévoit que l’autorité de protection doit procéder à des examens périodiques. La révision permet d’en appeler au juge en cas de placement ordonné par un médecin, de maintien par l’institution, de rejet d’une demande de libération par l’institution, de traitement d’un trouble psychique sans le consentement de la personne concernée, ainsi que de mesures limitant la liberté de mouvement de la personne concernée (P‑art. 439).

9.7 Protection extraprocédurale des témoins

188.Tant le régime juridique suisse actuel que le futur code de procédure pénale suisse instituent des droits protecteurs, comme la garantie de l’anonymat des témoins dans la procédure. Le Conseil fédéral les juge toutefois insuffisants, lorsque l’auteur est lié à la grande criminalité et connaît le témoin ou qu’en dehors de la salle d’audience il pourrait remonter jusqu’à son identité. Il a donc chargé le Département fédéral de justice et police d’élaborer des propositions pour créer, dans le droit fédéral, les conditions permettant d’exécuter des mesures extraprocédurales en vue de protéger les témoins. Il s’agit ainsi de tout mettre en œuvre pour inciter également les personnes menacées à témoigner. Dans le même contexte, le Conseil fédéral envisage aujourd’hui l’adhésion de la Suisse à la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

9.8 Saisie de matériel de propagande incita nt à la violence

189.Lors de la révision du 24 mars 2006 de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (incitation à la violence et violence lors de manifestations sportives, LMSI I, entrée en vigueur le 1er janvier 2007), les autorités de police et les autorités douanières ont été habilitées à saisir, indépendamment de sa quantité, de sa nature et de son type, le matériel qui peut servir à des fins de propagande et dont le contenu incite, d’une manière concrète et sérieuse, à faire usage de la violence contre des personnes ou des objets. Elles transmettent le matériel à l’Office fédéral de la police, qui décide du séquestre et de la confiscation.

9.9 Prisons secrètes de la CIA en Europe

190.À la fin de novembre 2005, les médias s’étant fait l’écho des supposées prisons secrètes de la CIA en Europe, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe a usé les pouvoirs que lui confère l’article 52 CEDH pour inviter les États membres à fournir des explications sur la manière dont leur droit interne assure l’application effective et le respect de la CEDH. Il leur fallait notamment indiquer de quelle manière leur droit interne assure que les actes commis dans le cadre de leur juridiction par des agents d’un autre État sont réglés ou contrôlés, comment il prévient les privations de liberté illégales, à quelle rapidité le cas échéant une enquête peut être ouverte, quels sont les moyens de droit prévus à cet effet et si le paiement d’une réparation est assuré aux victimes. Comme le montre le rapport du Secrétaire général du 28 février 2006, la Suisse a fourni des renseignements complets et satisfaisants.

9.10 Jurisprudence

191.La Cour européenne des Droits de l’Homme a rendu pendant la période sous revue deux arrêts portant sur le droit à la liberté et à la sûreté. Elle a conclu dans les deux cas à l’absence de violation de la CEDH: dans l’affaire H.M. contre la Suisse (arrêt du 26 février 2002), parce que le placement de la requérante dans un foyer médicalisé ne pouvait être assimilé à une privation de liberté, et dans l’affaire Minjat contre la Suisse (arrêt du 28 octobre 2003), parce que le maintien en détention provisoire du requérant jusqu’à ce qu’il existe une autorisation motivée de prolongation de la détention ne pouvait être contestée au regard du droit interne et n’était pas non plus arbitraire.

192.Dans un arrêt du 2 novembre 2004, le Tribunal fédéral a conclu à la violation du droit appartenant à tout détenu d’être aussitôt traduit devant un juge. Il a établi dans le cas d’espèce que le préfet lucernois qui avait ordonné la détention concentrait les fonctions d’enquête et en partie aussi d’accusation, et qu’il était tenu de se plier aux directives du Ministère public ou des instances exécutives ou administratives dont il dépendait.

193.Le Tribunal fédéral a confirmé dans un arrêt du 30 janvier 2004 sa jurisprudence selon laquelle la détention d’un étranger en vue de son expulsion ne peut être ordonnée que si le renvoi peut effectivement être exécuté dans un avenir proche. Si l’État d’origine n’accepte pas le rapatriement forcé de ses ressortissants, l’exécution du renvoi n’est pas possible dans un délai prévisible et donc la détention ne répond pas au principe de la proportionnalité.

194.Le Tribunal fédéral a considéré, dans un arrêt du 2 juillet 2001, qu’une réglementation ne prévoyant le contrôle du placement à des fins d’assistance par le juge qu’après seulement le contrôle de cette mesure par une autorité administrative n’est pas compatible avec la garantie de l’accès rapide et direct à un tribunal.

10. Article 10: Traitement humain des personnes privées de liberté

10.1 Généralités

195.Le projet de code de procédure pénale suisse (ch. 12) prévoit à son article 234 un principe général selon lequel la liberté des personnes privées de liberté dans le cadre d’une procédure pénale ne peut être restreinte que dans la mesure requise par le but de la détention et par l’ordre et la sécurité dans l’établissement (al. 1). Cette disposition règle également les conditions dans lesquelles la personne privée de liberté peut communiquer avec des tiers (al. 2 à 4).

196.Le 11 janvier 2006, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté une nouvelle Recommandation sur les règles pénitentiaires européennes, dont les règles, notamment les règles 56 à 62 intitulées «Discipline et sanctions», sont applicables par analogie aux mesures disciplinaires dans le cadre des arrêts ou de l’exécution des peines en général.

197.Le projet pilote, mentionné au chiffre 122 du Deuxième Rapport, sur les taux de récidive et l’après-thérapie de délinquants sexuels, violents et/ou souffrant de troubles psychiques a été prolongé jusqu’à la fin d’avril 2005. Le rapport final sur le projet pilote est en cours.

198.Dans le cadre d’un mandat, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a mené en 2006 une évaluation des offres de prévention, d’examen et de traitement des maladies infectieuses ainsi que des interventions relatives à cette thématique dans le secteur de la drogue. Un autre mandat comprend une expertise juridique des responsabilités en relation avec les maladies transmissibles et les problèmes de drogue dans le cadre de la détention qui leur sont liés et les droits des détenus en matière de prise en charge sanitaire. L’OFSP a pour but de déterminer si et dans quelle mesure il est nécessaire, souhaitable et possible que la Confédération prenne des mesures pour assurer un traitement optimal des maladies infectieuses dans le cadre carcéral.

199.Depuis 2001, le Centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire dispense des cours spécifiques pour la prise en charge de détenus atteints dans leur santé mentale. Ces cours durent sept semaines chacun. En outre, cette thématique fait l’objet d’un module spécial dans la formation de base dispensée au personnel pénitentiaire.

10.2 Jurisprudence

200.Dans le cas d’un mineur né en 1986, condamné notamment pour brigandage, vol et délits en matière de stupéfiants et placé en institution fermée à cause du danger qu’il représentait pour autrui, le Tribunal fédéral a décidé que même les jeunes délinquants particulièrement difficiles ne doivent pas être détenus en prison pendant une longue période. Il est certes permis de placer temporairement des mineurs dans une maison d’arrêts en attendant de leur avoir trouvé un foyer adéquat, mais uniquement pour surmonter à court terme une situation d’urgence. L’adolescent ne devait donc pas être détenu des semaines, voire des mois entiers, dans un établissement pénitentiaire pour la seule raison que l’on ne trouvait pas d’institution adéquate. Dans le cas d’espèce, il importait peu que l’intéressé se déclare d’accord avec sa situation.

11. Article 11: Interdiction de l’emprisonnement pour dettes

201.Dans un arrêt du 12 mai 2004, le Tribunal fédéral a annulé un jugement violant l’interdiction de la contrainte par corps. Dans sa décision, il a renvoyé à l’article 11 du Pacte et affirmé que l’interdiction de la contrainte par corps est un principe de rang constitutionnel, que l’on peut rattacher aussi bien à la dignité humaine (art. 7 Cst.) qu’à la liberté personnelle (art. 10, al. 2, Cst.).

202.Dans une affaire d’escroquerie, dans laquelle la plaignante avait été maintenue en détention afin d’éviter un risque de récidive, le Tribunal fédéral a débouté la requérante qui soutenait que «tenir son surendettement pour l’un des indices de récidive propres à justifier le maintien de sa mise en détention équivalait à réinstaurer l’emprisonnement pour dettes prohibé par cet article».

12. Article 12: Droit de circuler librement et liberté d’établissement

203.L’article 24 de la Constitution fédérale garantit la liberté d’établissement exclusivement aux citoyens suisses.

204.Selon la nouvelle loi sur les étrangers (Letr; voir ch. 11), le titulaire d’une autorisation de séjour (permis B) a droit au changement de canton s’il n’est pas au chômage et qu’il n’existe pas un motif de révocation de son autorisation.

205.L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP), entré en vigueur le 1er juin 2002, s’applique aux parties contractantes. À partir du 1er juin 2007, dix-sept États (15 plus Chypre et Malte), bénéficieront de la libre circulation telle que prévue dans l’Accord. En parallèle, l’Accord du 21 juin 2001 amendant la Convention instituant l’Association européenne de libre-échange prévoit des règles sur la libre circulation des personnes équivalentes à l’ALCP, applicables aux ressortissants des États membres de l’AELE, soit l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège. En vertu de ces accords, lesdits ressortissants qui peuvent s’en prévaloir, par exemple comme travailleurs salariés, ont droit à une autorisation de séjour valable sur l’ensemble du territoire suisse.

13. Article 13: Expulsion d’étrangers

13.1 Généralités

206.Les chiffres 132 et 133 du Deuxième Rapport sont toujours pertinents.

207.La loi fédérale sur les étrangers (loi sur les étrangers; Letr) abrogera au début de l’année 2008 la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE, voir ch. 11). La nouvelle loi réglemente notamment l’admission et le séjour des ressortissants d’États non membres de l’UE et de l’AELE (ressortissants d’États tiers) dont le statut ne relève pas de la législation sur l’asile, qu’ils exercent une activité lucrative ou non. La loi table sur un système binaire d’admission. Tandis que la libre circulation entre la Suisse et les États de l’UE et de l’AELE est appliquée depuis 2002 (selon un régime transitoire jusqu’en 2014), les ressortissants des États non membres de l’UE/AELE sont soumis à des restrictions. Seuls les travailleurs qualifiés et les spécialistes sont admis sur le marché du travail, et ce de manière limitée. Ils peuvent obtenir une autorisation dans la mesure où aucun travailleur correspondant au profil requis n’a été trouvé en Suisse ou au sein de l’UE/AELE et que les critères d’admission sont remplis. La nouvelle loi sur les étrangers expose pour la première fois les principes et les objectifs de l’intégration des étrangers et crée les instruments de coordination requis. La situation des étrangers séjournant légalement et durablement en Suisse sera améliorée. Ces étrangers pourront changer plus facilement de profession ou de lieu de résidence et les conditions du regroupement familial seront allégées. Les efforts d’intégration seront encouragés – également au moyen de systèmes d’incitation. Enfin, la nouvelle loi sur les étrangers prévoit des sanctions renforcées propres à imposer l’application du droit des étrangers. Des mesures plus efficaces de lutte seront adoptées contre la criminalité et les abus en matière de droit des étrangers. Il y aura un durcissement des sanctions, notamment en ce qui concerne l’activité de passeurs, le travail au noir ou les mariages de complaisance.

208.La Commission fédérale des étrangers (CFE) apprécie positivement dans son principe la Letr, constatant différentes améliorations par rapport à la LSEE en vigueur jusque-là:

Mobilité facilitée (lieu de domicile et de travail) des personnes titulaires d’une autorisation de séjour ou d’établissement;

Base légale pour les efforts d’intégration des étrangers;

Possibilité d’obtenir une autorisation d’établissement après 5 ans déjà de séjour en Suisse lorsque l’intégration est réussie;

Possibilité du regroupement familial pour les personnes titulaires d’une autorisation de séjour de courte durée;

Amélioration des possibilités d’intégration en faveur des personnes qui ont été admises à titre provisoire (activité lucrative et regroupement familial après 3 ans);

Meilleure protection des victimes de violence domestique.

209.Quant aux inconvénients il s’agit surtout, aux yeux de la CFE, des différences entre les dispositions concernant les ressortissants des États membres de l’UE/AELE, et celles relatives aux ressortissants des États tiers:

Aucun droit inconditionnel au regroupement pour les personnes titulaires d’une autorisation de séjour;

Obligation de vie commune pour les conjoints;

Regroupement familial pour les enfants seulement jusqu’à l’âge de 18 ans révolus (la Convention sur la libre circulation des personnes le prévoit jusqu’à l’âge de 21 ans);

Regroupement familial pour les enfants de plus de 12 ans seulement dans un délai d’un an;

Aucune réglementation à caractère obligatoire pour les sans-papiers;

Pas d’autorisation de séjour indépendamment de l’état civil;

Pas de droit à l’autorisation d’établissement après 10 ans de séjour en Suisse;

Renforcement des mesures de contrainte, en particulier augmentation de la durée de détention des personnes concernées.

210.Conformément à l’article 121, alinéa 2, en relation avec l’article 185 de la Constitution, le Conseil fédéral a le droit d’expulser de son territoire les étrangers qui compromettent la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse. La pratique mise en place avec l’ancien article 70 de la Constitution demeure applicable. La mesure est prononcée par le Conseil fédéral lorsqu’il existe un danger pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse, lorsque le cas revêt une grande importance politique ou encore si des motifs de politique intérieure ou extérieure justifient une telle mesure. Cette mesure d’éloignement entraîne l’extinction de tous les droits de séjour. Elle peut également être ordonnée à l’encontre de personnes qui n’ont jamais séjourné en Suisse ou qui se trouvent à l’étranger au moment où pareille mesure est prononcée. La voie du recours n’est pas ouverte contre la décision du Conseil fédéral et les dispositions de procédure peuvent être appliquées restrictivement pour des motifs de secret de fonction. L’expulsion pour des motifs politiques est une mesure exceptionnelle du pouvoir exécutif. L’exécution de l’expulsion est assurée par l’Office fédéral de la police.

211.Le code pénal révisé (voir ch. 11) prévoit la suppression de l’expulsion pénale. En outre, avec la nouvelle loi sur les étrangers (Letr; voir ch. 11) seules les autorités fédérales pourront prononcer une expulsion. L’article 68 Letr prévoit en effet ceci:

«1 L’Office fédéral de la police peut expulser un étranger pour maintenir la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse.

2 L’expulsion est assortie d’un délai de départ raisonnable.

3 Elle est assortie d’une interdiction d’entrée d’une durée limitée ou illimitée. L’autorité qui a pris la décision peut suspendre provisoirement cette interdiction pour des raisons majeures.

4 Lorsque l’étranger attente de manière grave ou répétée à la sécurité et l’ordre publics, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure, l’expulsion est immédiatement exécutoire.».

13.2 Jurisprudence

212.Dans l’ATF 129 II 193 ss, le Tribunal fédéral a considéré qu’une décision d’interdiction d’entrée rendue, pour des raisons liées à la sauvegarde des intérêts du pays (art. 184, al. 3, Cst.), contre un étranger établi en Suisse et ayant agi pour le compte d’organisations dont les activités sont de nature à déstabiliser davantage la situation au Kosovo et dans les territoires limitrophes, et donc à compromettre les relations entre la Suisse et des États tiers, est compatible avec l’art icle  8 de la C onvention européenne des d roits de l’ H omme . Selon cet arrêt du Tribunal fédéral , même l ’ article 13 du Pacte ONU II, qui prévoit des garanties en cas de procédure d’expulsion, ne fait pas obstacle à une expulsion politique, habituellement décidée sans audition et contre laquelle il n’existe pas de droit de recours, de tels ordres étant donnés pour des raisons de sécurité nationale. Il a estimé que les mêmes considérations sont valables pour une interdiction d’entrée rendue pour des raisons comparables.

14. Article 14: Garantie du droit à un procès équitable

14.1 Généralités

213.La révision totale de l’organisation judiciaire fédérale concrétise au niveau de la loi un pan important de la réforme de la justice votée par le peuple et les cantons le 12 mars 2000 (voir ch. 12). Le Conseil fédéral a transmis le message correspondant au Parlement en février 2001. Le 17 juin 2005, après plusieurs années de délibérations, les Chambres fédérales ont adopté la loifédérale sur le Tribunal fédéral (LTF) et la loi fédérale sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF), entrées en vigueur toutes deux le 1er janvier 2007. La révision totale de l’organisation judiciaire fédérale soumet à une refonte complète la réglementation qui régit l’organisation et la procédure devant le Tribunal fédéral, ses instances précédentes et les voies de recours qui aboutissent au tribunal suprême. Les objectifs de ce projet sont d’abord d’assurer le bon fonctionnement du Tribunal fédéral en réduisant efficacement et durablement la charge excessive à laquelle celui-ci est actuellement confronté, ensuite d’améliorer la protection juridictionnelle dans certains domaines et enfin de simplifier la procédure et les voies de droit.

214.La loi fédérale sur le Tribunal pénal fédéral (LTPF) a été adoptée le 4 octobre 2002. Le nouveau Tribunal pénal fédéral a débuté son activité à Bellinzone le 1er avril 2004. La cour des affaires pénales juge en tant que première instance les cas pénaux relevant de la juridiction fédérale. La cour des plaintes est notamment compétente pour statuer sur les mesures de contrainte et sur les plaintes dirigées contre des opérations ou des omissions du procureur général de la Confédération ou du juge d’instruction fédéral dans les affaires pénales relevant de la juridiction fédérale.

215.Les garanties de procédure, les unes de nature générale, les autres plus spécialement axées sur la procédure pénale, figurent aux articles 29 à 32 de la Constitution fédérale. Au nombre des premières figurent le droit des parties à ce que leur cause soit jugée dans un délai raisonnable (art. 29, al. 1, Cst.), le droit d’être entendu (al. 2), le droit des personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes à l’assistance judiciaire gratuite (al. 3), le droit de toute personne à ce que sa cause soit portée devant un tribunal indépendant et impartial (art. 30, al. 1, Cst.) et à ce que la procédure judiciaire soit publique (al. 3). Quant aux garanties plus particulièrement axées sur la procédure pénale, elles sont statuées à l’article 31 de la Constitution (qui porte sur les droits du prévenu en cas de privation de liberté et, notamment, de mise en détention provisoire) ainsi qu’à l’article 32 de la Constitution, qui consacre le principe de la présomption d’innocence (al. 1) et reconnaît à toute personne accusée le droit d’être informée de manière détaillée des accusations portées contre elle (al. 2).

« Article 29 Garanties générales de procédure

1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.

2 Les parties ont le droit d’être entendues.

3 Toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l’assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l’assistance gratuite d’un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.

Article 30 Garanties de procédure judiciaire

1 Toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Les tribunaux d’exception sont interdits.

2 La personne qui fait l’objet d’une action civile a droit à ce que sa cause soit portée devant le tribunal de son domicile. La loi peut prévoir un autre for.

3 L’audience et le prononcé du jugement sont publics. La loi peut prévoir des exceptions.

Article 31 Privation de liberté

1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n’est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu’elle prescrit.

2 Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d’être aussitôt informée, dans une langue qu’elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.

3 Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d’être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable.

4 Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu’un tribunal l’ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.

Article 32 Procédure pénale

1 Toute personne est présumée innocente jusqu’à ce qu’elle fasse l’objet d’une condamnation entrée en force.

2 Toute personne accusée a le droit d’être informée, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre elle. Elle doit être mise en état de faire valoir les droits de la défense.

3 Toute personne condamnée a le droit de faire examiner le jugement par une juridiction supérieure. Les cas où le Tribunal fédéral statue en instance unique sont réservés.».

14.2 Procédure pénale

216.Le projet de code de procédure pénale suisse mentionné au chiffre 12 s’appuie sur ces garanties constitutionnelles, qu’il concrétise au travers de nombreuses dispositions. En ce qui concerne plus particulièrement la garantie accordée au prévenu de «pouvoir faire valoir ses droits» (art. 31, al. 2, et 32, al. 2, Cst.), les droits en question pourront dorénavant être définis de manière uniforme dans le nouveau code de procédure pénale suisse qui vaudra tant pour la Confédération que pour l’ensemble des cantons. Pour que le prévenu puisse faire valoir ses droits, encore faut-il qu’il en soit préalablement informé. L’obligation d’informer de ses droits toute personne qui est privée de sa liberté (notamment en cas de mise en détention provisoire) est, d’ores et déjà, statuée par la Constitution (art. 31, al. 2).

217.Le Pacte ONU II renferme plusieurs garanties qui doivent être respectées dans le cadre de la procédure pénale et qui sont concrétisées dans le projet de code de procédure pénale suisse. Il importe de mentionner dans ce contexte les droits de toute personne arrêtée de bénéficier de l’assistance d’un «avocat de la première heure», de pouvoir aviser l’un de ses proches, enfin de pouvoir se faire examiner par un médecin indépendant. Ces droits constituent les trois piliers de la protection contre les mauvais traitements des personnes qui ont été privées de liberté. Dans son rapport sur la visite qu’il a effectuée en Suisse en février 2001, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) s’est, à propos de ces droits, expressément référé à l’avant-projet de 2001. Il s’est félicité que ce texte rejoigne les recommandations du CPT sur les droits en questions, tout en considérant qu’il appelait des précisions supplémentaires sur plusieurs points.

218.S’agissant de «l’avocat de la première heure», le CPT avait suggéré que l’accès à un avocat soit expressément garanti dès que la personne est privée de sa liberté, autrement dit dès qu’elle a été arrêtée par la police. Dans la mesure où par «accès à un avocat» le CPT entend seulement la possibilité qui doit être donnée à la personne arrêtée de prendre contact avec un avocat, le nouveau code de procédure pénale suisse ne fait aucunement obstacle à cette possibilité. Si, en revanche, il faut entendre par là que la police n’a pas le droit d’interroger brièvement une personne arrêtée (art. 214, al. 1, let. b, P-CPP) avant que son avocat ne soit présent, une telle exigence ne pourrait être remplie. En effet, dans le cadre de l’appréhension, telle qu’elle est réglée à l’article 214 du projet, la police doit pouvoir procéder, hors de la présence de l’avocat, aux premières investigations qui s’imposent et qui ne portent que sur un nombre de points extrêmement limités. En règle générale, ces investigations devront être opérées à très brève échéance, de sorte que, pour des raisons d’ordre pratique, il est impossible de satisfaire aux exigences du CPT.

219.À propos de l’«avocat de la première heure», il convient d’ajouter que le projet ne réserve pas ce droit aux personnes arrêtées. Au contraire, le défenseur sera autorisé d’une manière générale à prendre part aux interrogatoires (de police également) et aura l’occasion d’intervenir à cette occasion (art. 156 P-CPP).

220.S’agissant de l’information des proches (art. 213, P-CPP; art. 225, AP-CPP), le CPT a relevé que la réglementation prévue répondait à ses exigences; il a même souscrit à la possibilité de renoncer à cette information (lorsque la personne concernée s’y oppose expressément ou lorsque le but de l’instruction l’interdit). Il n’en a pas moins suggéré, à propos de la seconde exception citée, qu’elle soit définie de manière plus précise dans le projet de loi et fasse l’objet de garanties appropriées (par exemple, la renonciation devrait être consignée au procès-verbal). En ce qui concerne la consignation au procès-verbal, nous renvoyons à l’article 75, lettre F, P‑CPP, qui dispose que les procès-verbaux de procédure doivent relater le déroulement de la procédure et les ordonnances rendues par les autorités pénales.

221.Quant à l’accès de la personne arrêtée à un médecin de son choix, il n’est pas réglé dans le projet, pas plus qu’il ne l’était dans l’avant-projet de 2001. Selon les points de vue concordants du CPT, du CAT et du Comité des droits de l’homme de l’ONU, toute personne arrêtée doit avoir le droit, après chaque interrogatoire de police et avant d’être déférée devant le juge d’instruction, de demander à être examinée par un médecin indépendant (et de son choix: exigence supplémentaire posée par le CPT). Dans le rapport le plus récent qu’il a adressé au CAT, le Conseil fédéral a fait observer que bien que le projet de CPP ne règle pas expressément cette question qui ne relève pas de la procédure pénale à proprement parler, mais bien plutôt du droit à la liberté personnelle, toute personne appréhendée a le droit de se faire examiner par un médecin indépendant, dès son arrestation et chaque fois qu’elle le demande. Dans toute la mesure du possible, ajoutait le Conseil fédéral, il sera tenu compte du choix du prévenu, les cas d’indisponibilité du médecin choisi et de risque de collusion manifeste étant réservés.

222.La loi fédérale sur l’investigation secrète (LFIS) est entrée en vigueur le 1er janvier 2005. L’investigation secrète consiste pour des membres de la police, qui ne sont pas identifiables comme tels, à infiltrer des milieux criminels sous une fausse identité pour enquêter sur certaines infractions. La loi fédérale tient compte des exigences de l’efficacité de la poursuite pénale tout en garantissant qu’il soit procédé de façon correcte du point de vue des règles de l’État de droit. Le recours à des agents infiltrés est limité à l’enquête sur des crimes particulièrement graves, énumérés de façon exhaustive. Les opérations impliquant des agents infiltrés doivent en outre être proportionnées aux crimes commis et avoir été approuvées par le juge.

223.La loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT)est entrée en vigueur le 1er janvier 2002. Les conditions auxquelles une telle surveillance peut être autorisée sont désormais les mêmes sur tout le territoire suisse: il faut que de graves soupçons pèsent sur la personne visée quant à la commission de l’une des infractions pénales énumérées exhaustivement dans la loi. Il faut en outre que la gravité de l’acte justifie la surveillance et que celle-ci soit ordonnée par une autorité judiciaire.

224.Les dispositions de la LFIS et de la LSCPT sont intégrées dans le code de procédure pénale unifié.

14. 3 Procédure civile

225.En juin 2006, le Conseil fédéral a adopté le message relatif au code de procédure civile suisse (voir ch. 13). Une place importante y est réservée au règlement préalable ou extrajudiciaire des litiges. Aussi, les parties doivent-elles procéder à une tentative de conciliation ou se soumettre à une médiation avant de saisir le tribunal compétent. Le passage, en principe obligé, par cette étape devrait contribuer à décharger les tribunaux, d’une part, et à faciliter l’accès à la justice pour les parties (abaissement du seuil), d’autre part. Les cantons concernés pourront continuer de confier les tâches de conciliation au juge de paix, proche du citoyen. Les autorités de conciliation se verront de plus attribuer des compétences accrues (en particulier une compétence décisionnelle dans les litiges dont la valeur est peu élevée). Les différentes procédures prévues dans le projet permettront une application souple du droit de procédure, adaptée aux besoins de la pratique. À ce titre, la procédure ordinaire correspond au schéma classique d’un procès civil: elle est dominée par la maxime des débats et l’activité du tribunal y est limitée pour l’essentiel à la conduite formelle de la procédure. Le projet propose en outre une procédure simplifiée pour les petits litiges et pour les causes relevant du droit social. Cette procédure se distingue par un formalisme simplifié, par son caractère oral et par un rôle plus actif du juge.

14.4 Jurisprudence

226.La Cour européenne des Droits de l’Homme a constaté une violation de l’article 6, paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, dans le cas Ziegler contre la Suisse. Le Tribunal fédéral n’avait pas permis au recourant de répondre aux observations de la juridiction inférieure et de la partie adverse. La Cour a considéré que ce refus violait le droit à un procès équitable. Ce droit exige que les requérants aient la faculté de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge et de la discuter. Deux arrêts ont été rendus en 2005 sur la même question juridique, à chaque fois dans une procédure devant le Tribunal fédéral des assurances. Entre-temps, le Tribunal fédéral et le Tribunal fédéral des assurances ont modifié leur pratique.

227.La Cour a également constaté une violation de l’article  6, paragraphe  1 de la Convention dans l’affaire Müller contre la Suisse. Ladite affaire portait sur la question de savoir si une durée de onze ans et demi pour une procédure d’indemnisation pour expropriation matérielle était compatible avec le critère du «délai raisonnable» (art. 6, par. 1, CEDH). La Cour a partagé l’avis du Gouvernement suisse, selon lequel la durée de la procédure était en partie justifiée par la complexité de l’affaire et le comportement du requérant. Elle a toutefois considéré que la durée de la procédure de six ans devant le Tribunal fédéral était excessive, d’autant plus que, durant cette période, hormis une inspection locale, seuls des actes procéduraux insignifiants avaient été effectués.

228.L’arrêt rendu le 1er mars 2005 par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Linnekogel contre la Suisse portait sur la confiscation et la destruction d’enregistrements en vertu de l’ancien arrêté du Conseil fédéral visant la propagande subversive. Le fait que le requérant n’ait pas pu faire examiner par un tribunal les mesures ordonnées a violé son droit d’accès à un tribunal.

229.L’arrêt rendu le 12 juillet 2005 dans l’affaire Munari contre la Suisse concernait une procédure pénale engagée dans le canton du Tessin, et qui avait duré huit ans et demi devant une seule instance. De l’avis du Tribunal fédéral, le principe de célérité n’a pas été respecté. Les autorités tessinoises ont mis fin à la procédure 18 mois plus tard. Considérant que le requérant continuait tout de même à être victime d’une violation de la Convention et qu’il avait épuisé les voies de recours nationales, la Cour s’est ralliée à l’avis du Tribunal fédéral.

230.Dans l’arrêt 131 II 169, le Tribunal fédéral a constaté d’une part que la garantie du procès équitable au sens de l’article 29, alinéa 1, de la Constitution vaut pour toute procédure judiciaire ou administrative. Elle va au-delà de celle de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et de l’article 14, paragraphe 1, du Pacte, qui ne sont applicables qu’à des procédures judiciaires relatives à une accusation en matière pénale ou à des contestations portant sur des droits ou obligations de nature civile. D’autre part, le Tribunal fédéral a rappelé que la garantie du procès équitable ne donne pas à la personne touchée un droit illimité et inconditionnel de porter le litige devant un juge. L’accès au tribunal, s’il doit être garanti, ne signifie pas que la procédure de recours ne pourrait être soumise au respect d’exigences de forme, ayant trait notamment aux délais ou à la qualité pour agir. Ces limitations ne sauraient cependant être à ce point restrictives que le droit d’accès au tribunal soit atteint dans sa substance même. Il faut qu’elles poursuivent un but légitime et soient proportionnées.

231.Dans l’ATF 130 I 126 s., le Tribunal fédéral a constaté que l’article 14, chiffre 3, lettre G, du Pacte garantit expressément que l’accusé ne peut être forcé de témoigner contre lui-même ou de s’avouer coupable. Quiconque fait l’objet de poursuites pénales peut, en usant de son droit de ne pas répondre, se taire sans en subir de préjudice. Quant au devoir d’informer, il s’agit d’une garantie de procédure à part entière. Les déclarations faites dans l’ignorance du droit de se taire ne sont en principe pas utilisables, la violation de ladite garantie équivalant à un déni de justice formel. Les exceptions à cette interdiction d’utilisation doivent faire l’objet d’une pesée d’intérêts et ne sont possibles qu’à certaines conditions. Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral a conclu à une violation du droit de se taire du prévenu fixé à l’article 14, paragraphe 3, lettre G, du Pacte ONU II, parce que ni la police ni le juge d’instruction ne l’avaient informé de son droit de se taire et de refuser de répondre. Dans l’ATF 131 IV 36 s, le Tribunal fédéral a fait savoir que la condamnation d’un conducteur pour entrave à la prise de sang, réalisée par la violation de certains devoirs après un accident ayant causé des dégâts à des tiers et par la consommation ultérieure d’alcool, n’est pas contraire à l’interdiction de l’obligation de s’incriminer soi-même.

232.Dans un arrêt remontant à 2005, le Tribunal fédéral a constaté qu’au-delà du devoir d’information inscrit à l’article 14, chiffre 3, lettre D, les autorités judiciaires doivent concrètement assurer une défense efficace, et par conséquent sont tenues de donner aux parties peu familières du droit et non représentées par un avocat des renseignement généraux sur leurs droits dans le cadre de la procédure, en leur signalant notamment qu’elles peuvent en tout temps faire appel à un défenseur.

233.Les droits de défense découlant du droit d’être entendu, selon le principe du traitement équitable, exigent que le dossier précise comment les moyens de preuve ont été produits. Aussi le Tribunal fédéral a-t-il constaté, dans le cadre d’une décision du 13 novembre 2002, que les procès-verbaux retranscrivant en allemand les écoutes de conversations téléphoniques en langue étrangère ne peuvent être utilisés que si le dossier montre qui les a établis et de quelle manière.

234.Le droit de poser des questions à un témoin à charge est absolu si son témoignage est décisif sur le plan des preuves. Le Tribunal fédéral a jugé que ce droit avait été violé dans un cas où aucune confrontation n’avait eu lieu pendant l’instruction et où la victime avait refusé, plus de quatre ans après la première audition, de répondre aux questions complémentaires de l’accusé.

235.Le Tribunal fédéral a précisé cette pratique un an plus tard. Le critère formel de l’importance, déterminante ou non, de la preuve obtenue ne saurait décider de l’admissibilité du recours à des témoins anonymes. Il faut plutôt examiner, lors d’une appréciation d’ensemble, si la réduction des droits de la défense qu’entraîne l’acceptation de témoins anonymes répond à des intérêts dignes de protection et, le cas échéant, si l’accusé a néanmoins pu se défendre efficacement et donc s’il a bénéficié d’un procès équitable. Dans le cas à examiner, le Tribunal a estimé que les droits de la défense avaient été insuffisamment compensés, ni l’accusé ni son défenseur n’ayant eu la possibilité d’interroger, au moins dans une confrontation indirecte, l’un des deux témoins à charge.

236.Dans l’ATF 129 I 281 s., le Tribunal fédéral a constaté que le droit, garanti à toute personne condamnée par l’article 2 du septième protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l’Homme et par l’article 14, chiffre 5 du Pacte, de faire examiner sa condamnation par une juridiction supérieure serait vidé de sa substance d’une manière inacceptable si la défense nécessaire se limitait à la procédure de première instance et si le condamné sans ressources suffisantes devait se charger lui-même de cette procédure de recours, alors même que la représentation par un avocat serait nécessaire à l’exercice effectif de ses droits de défense. Dans le domaine de la défense nécessaire, l’accusé – respectivement le condamné – dont l’indigence est reconnue a, en principe, un droit inconditionnel à l’assistance gratuite, et ce même dans une procédure de recours qu’il aurait soulevée lui-même.

237.Compte tenu du développement de l’assistance judiciaire gratuite et de la concurrence croissante avec d’autres groupes professionnels pour obtenir les services des avocats, le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence dans un arrêt du 6 juin 2006, estimant qu’il ne se justifiait plus de limiter la rémunération des défenseurs d’office au seul remboursement de leurs frais. L’indemnisation pour les mandats d’office doit être déterminée de telle sorte qu’il soit possible aux avocats de réaliser un gain modeste mais non uniquement symbolique.

238.Dans un arrêt de 2002, le Tribunal fédéral a constaté que le principe de l’autorité de la chose jugée (ne bis in idem) découle non seulement de la Constitution fédérale et de l’article 4 du septième protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l’Homme, mais aussi de l’article 14, paragraphe 7, du Pacte. Dans une autre décision de la même année, il a relevé que la garantie d’un moyen juridictionnel prévue à l’article 14, paragraphe 4, du Pacte n’exige pas de devoir fournir gratuitement la protection juridique.

15. Article 15: Pas de peine sans loi

239.Les renseignements fournis par la Suisse dans son Deuxième Rapport mis à jour (ch. 148) au sujet de l’article premier du projet de révision de la partie générale du Code pénal suisse sont toujours pertinents.

240.Dans le Code pénal suisse révisé (voir ch. 11 ci-dessus), le principe nulla poena sine lege est formulé de la manière suivante:

« Article 1 Pas de sanction sans loi

Une peine ou une mesure ne peuvent être prononcées qu’en raison d’un acte expressément réprimé par la loi.».

16. Article 16: Droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique

241.Les renseignements fournis par la Suisse dans son Deuxième Rapport (ch. 150), qui renvoient au rapport initial (ch. 306 à 309), sont toujours pertinents.

17. Article 17: Droit au respect de la vie privée et familiale

17.1 Principe

242.L’article 13 de la Constitution garantit expressément à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale:

« Article 13 Protection de la sphère privée

1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations qu’elle établit par la poste et les télécommunications.

2 Toute personne a le droit d’être protégée contre l’emploi abusif des données qui la concernent.».

17.2 Droit à l’autodétermination – stérilisations forcées

243.La loi fédérale sur les conditions et la procédure régissant la stérilisation de personnes (loi sur la stérilisation), entrée en vigueur le 1er juillet 2005, règle les conditions auxquelles une intervention médicale visant à supprimer les facultés reproductrices d’une personne est dorénavant autorisée. Il s’agit d’empêcher la répétition de stérilisations pratiquées jusque dans les années quatre-vingt, qui apparaissent aujourd’hui partiellement abusives. Dorénavant, la stérilisation de personnes durablement incapables de discernement n’est autorisée qu’exceptionnellement et à des conditions rigoureuses; il faut, en outre, que l’autorité tutélaire ait donné son consentement. Quant à la stérilisation de personnes majeures, capables de discernement, elle ne peut être pratiquée que si celles-ci, après avoir été informées de manière complète du déroulement et des conséquences de l’intervention, y ont consenti librement et donné leur accord par écrit.

244.En revanche, pour divers motifs, le Conseil fédéral s’est opposé à l’indemnisation des victimes de stérilisations et de castrations abusives. Il a formulé des réserves quant à l’opportunité d’instaurer un régime d’indemnisation particulier qui tout en s’inspirant de la loi sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI) prévoirait un dédommagement pour des faits qui ne seraient pas couverts par celle-ci, soit parce qu’ils étaient antérieurs à son entrée en vigueur, soit parce qu’ils ne répondaient pas à la qualification d’infraction pénale. Instaurer pour les victimes de stérilisations abusives un régime d’indemnisation différent de celui qui vaut pour les autres catégories de victimes était une mesure qui ne se justifiait guère, a estimé le Conseil fédéral, qui y voyait également une atteinte au principe de l’égalité de traitement. Le Conseil fédéral a précisé qu’il n’entendait pas minimiser les drames personnels qui se sont joués à la suite de pratiques qui aujourd’hui peuvent être considérées comme inacceptables, mais qu’il convenait de restituer ces drames dans un contexte d’évolution permanente de la société qui fait que le progrès naît des erreurs et des injustices du passé. La reconnaissance qui est due par la société aux victimes de stérilisations abusives ne doit pas nécessairement passer par une compensation financière, qui, pour une partie des victimes, arrivera de toute manière trop tard. Plutôt que de chercher à réparer en permanence les injustices passées, le Conseil fédéral a ainsi jugé qu’il était préférable d’affecter les ressources disponibles à l’amélioration de la prise en charge et de l’encadrement des personnes qui nécessitent actuellement de telles mesures. Le Parlement s’est rallié à cet avis et a refusé d’indemniser les victimes de stérilisations forcées.

17.3 Vie privée – protection des données

245.Concernant la protection des données mentionnée aux chiffres 151 à 153 du Deuxième Rapport, il convient de relever que le Parlement a adopté le 24 mars 2006 une révision partielle de la loi fédérale sur la protection des données (LPD). L’entrée en vigueur de cette révision devrait intervenir au second semestre 2007, une fois que l’ordonnance d’application aura été adaptée. La loi révisée renforce la transparence lors de la collecte des données: celle-ci et notamment la finalité du traitement doivent être reconnaissables pour la personne concernée.

246.La révision de la LPD introduit en particulier l’obligation pour les personnes privées et les organes fédéraux d’informer la personne concernée lorsqu’ils collectent des données sensibles et des profils de la personnalité à son sujet. La loi adapte en outre les dispositions régissant les flux transfrontières de données aux exigences du protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontières de données. La communication de données à l’étranger sera prohibée si le destinataire des données n’est pas soumis à une législation assurant un niveau de protection adéquat. La loi aménage cependant des exceptions au principe de l’exigence du niveau de protection adéquat.

247.La loi révisée étend également le droit d’ester en justice du préposé fédéral à la protection des données et à la transparence. Il pourra à l’avenir porter devant le Tribunal administratif fédéral les décisions des départements fédéraux ou de la chancellerie fédérale qui rejettent ses recommandations adressées aux organes fédéraux et recourir, le cas échéant, contre la décision du Tribunal administratif fédéral auprès du Tribunal fédéral. Actuellement, si une personne privée ne suit pas la recommandation du préposé, ce dernier peut porter l’affaire devant le Tribunal administratif fédéral pour décision. Le droit actuel ne précise pas si le préposé peut recourir contre cette décision. La révision LPD précise ce point.

248.La loi fait également un premier pas vers l’encouragement de l’autoréglementation en introduisant, sous forme incitative, une norme sur la certification, mesure qui permet de renforcer la sécurité des données.

249.Les accords bilatéraux entre l’Union européenne et la Suisse et notamment l’accord d’association à Schengen et Dublin ont nécessité également des modifications législatives sectorielles régissant la protection des données, en particulier en vue de transposer dans ces secteurs d’activités les dispositions pertinentes de la directive européenne 95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des données des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

250.La Suisse s’est en outre dotée d’une loi fédérale sur le principe de la transparence dans l’administration (Ltrans; ch. 11). Cette loi confère à toute personne le droit de consulter des documents officiels et d’obtenir des renseignements sur leur contenu de la part des autorités. Ce droit peut néanmoins être restreint notamment lorsque l’accès peut porter atteinte à la sphère privée de tiers et que l’intérêt public à la transparence n’est pas jugé prépondérant. L’accès à des documents officiels contenant des données personnelles est en outre régi par la loi fédérale sur la protection des données lorsque ces données n’ont pas pu être rendues anonymes.

17.4 Sécurité intérieure

251.Le 24 mars 2006, les Chambres fédérales ont adopté la révision de la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (incitation à la violence et violence lors de manifestations sportives, LMSI I). Les nouvelles dispositions créent les bases visant à juguler la violence lors de manifestations sportives et améliorent les possibilités de mettre sous séquestre le matériel de propagande incitant à la violence. Le projet prévoit notamment la saisie centralisée des données relatives aux personnes connues pour afficher un comportement violent lors de manifestations sportives dans un système d’information national (HOOGAN). Les nouvelles mesures préventives (interdiction de périmètre, interdiction de se rendre dans un pays donné, obligation de se présenter à la police, garde à vue) ont en outre pour but d’éviter que des personnes aient des comportements violents lors de manifestations sportives. Les bases juridiques de trois mesures (interdiction de périmètre, obligation de se présenter à la police, garde à vue) ont une durée de validité limitée à fin 2009. Le 30 août 2006, le Conseil fédéral a décidé de mettre en œuvre dès le 1er janvier 2007 les modifications de la loi et de son ordonnance d’exécution. Il adoptera à la mi-septembre un message relatif à une disposition constitutionnelle sur le hooliganisme, en vue de la reconduction des trois mesures temporaires. Les cantons examinent de leur côté si l’option d’un concordat serait souhaitable. Encas de décision dans ce sens, le Conseil fédéral projette de retirer son message.

252.Une autre révision de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI) II; ch. 23) vise à étendre la recherche d’informations par les services de renseignements. Dans les seuls domaines du terrorisme, du service de renseignements politiques ou militaires prohibé et du commerce illicite de substances radioactives, il sera possible, en cas de menaces concrètes, de surveiller la correspondance par poste et télécommunication à titre préventif, de procéder à des observations de personnes dangereuses dans les lieux qui ne sont pas librement accessibles, y compris au moyen d’appareils techniques, et de perquisitionner secrètement des systèmes informatiques. Le projet a donné lieu à des critiques ponctuelles lors de la procédure de consultation. Le message du Conseil fédéral à l’intention du Parlement a été adopté le 15 juin.

17.5 Vie familiale

253.Les renseignements fournis par la Suisse dans son Deuxième Rapport (ch. 153 ss) sont toujours pertinents.

17.6 Jurisprudence

254.Dans une affaire traitant de l’enlèvement d’un enfant par sa mère, la Cour européenne des droits de l’homme a reproché aux autorités cantonales un certain laxisme dans leurs efforts pour retrouver la mère et son fils. Dès lors, la Cour a conclu à la violation de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (aspect procédural).

255.En refusant que le corps du prétendu père du requérant, décédé en 1976, soit exhumé afin de permettre l’analyse de son ADN, les tribunaux suisses ont violé, selon un arrêt de la Cour du 13 juillet 2006, le droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH) du requérant. De l’avis de la majorité de la Cour, la protection de la sécurité juridique ne suffit pas à elle seule à priver le requérant du droit de connaître sa propre origine. Deux juges ont exprimé une opinion dissidente essentiellement au motif que, dans une telle affaire, les États membres devraient jouir d’une grande marge d’appréciation, et que le Tribunal fédéral avait examiné le cas soigneusement et avait bien motivé sa décision.

256.Dans ses décisions du 27 septembre 2001 sur la recevabilité de la requête G.M.B. et K.M. c. Suisse, la Cour a confirmé les décisions des tribunaux internes refusant aux parents le libre choix du nom de famille de l’enfant. Eu égard au fait que les réglementations varient d’un État à l’autre ainsi qu’aux réformes des législations nationales qui se dessinent, la Cour a estimé qu’il était nécessaire que chacun des États jouisse, en la matière, d’une marge d’appréciation conséquente. Par ailleurs, elle a reconnu que le régime suisse était conçu de manière souple puisqu’il permettait aux conjoints de choisir également le nom de la femme comme nom de famille. Enfin, la Cour a souligné que le système suisse servait à préserver l’unité de la famille, rappelant par la même occasion la jurisprudence qu’elle a développée par le passé, selon laquelle il est dans l’intérêt de l’ensemble de la communauté de conserver un droit de la famille cohérent qui se préoccupe en tout premier lieu du bien de l’enfant.

257.En rapport avec la recevabilité d’un recours, le Tribunal fédéral a considéré dans un arrêt du 11 septembre 2000 que les concubins de même sexe ne peuvent pas se prévaloir du droit au respect de leur vie familiale prévu à l’article 8 paragraphe 1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. En revanche, la protection de la vie privée au sens de l’article 13, alinéa 1, de la Constitution et de l’article 8, paragraphe 1, de la Convention confère aux couples homosexuels, dans certaines circonstances, un droit à l’octroi d’une autorisation relevant de la législation sur les étrangers, notamment lorsque des relations privées particulièrement intenses sont menacées. Toutefois, une durée de séjour de dix ans ou davantage en Suisse et les relations privées habituelles qui s’ensuivent ne suffisent pas, à elles seules, à justifier un droit à l’octroi d’une autorisation en vertu de l’article 8, paragraphe 1 de la Convention.

258.Dans un arrêt du 1er juin 2004, le Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence selon laquelle le droit au regroupement familial suppose qu’une au moins des personnes concernées dispose d’un droit de présence confirmé. Il a conclu à l’existence d’un tel droit dans le cas d’espèce, où une personne étrangère vivait en Suisse depuis 20 ans avec une autorisation de séjour et où l’on n’aurait pu raisonnablement attendre d’elle qu’elle mène ailleurs sa vie privée et familiale.

259.Le Tribunal fédéral a constaté, dans un arrêt du 29 mai 2002, que l’établissement du profil d’ADN et son exploitation par des autorités étatiques entrent dans le champ de protection du droit à l’autodétermination en matière de données personnelles au sens de l’article 13, alinéa 2, de la Constitution. En outre, le prélèvement des échantillons nécessaires à l’analyse d’ADN, en l’occurrence un frottis de la muqueuse jugale (FMJ), porte atteinte à l’intégrité corporelle. Néanmoins il s’agit dans les deux cas d’interventions légères, ne touchant pas à l’essence des garanties. Dans le cas d’un individu qui avait déjà été condamné pour des actes d’ordre sexuel commis sur des enfants et qui cherchait de nouveau à entrer en contact avec des mineurs à travers d’annonces, le tribunal a jugé que les conditions étaient réunies pour établir un profil d’ADN, pour l’exploiter et l’enregistrer. Il a toutefois chargé le Ministère public, au nom du droit à l’autodétermination en matière de données personnelles, de garantir que le FMJ soit détruit une fois le profil d’ADN dûment établi. Les dispositions particulières figurant dans des réglementations cantonales ou fédérales ne devaient pas s’appliquer sur ce point.

18. Article 18: Liberté de pensée, de conscience et de religion

18.1 Généralités

260.La liberté de conscience et de croyance est garantie à l’article 15 de la Constitution:

« Article 15 Liberté de conscience et de croyance

1 La liberté de conscience et de croyance est garantie.

2 Toute personne a le droit de choisir librement sa religion ainsi que de se forger ses convictions philosophiques et de les professer individuellement ou en communauté.

3 Toute personne a le droit d’adhérer à une communauté religieuse ou d’y appartenir et de suivre un enseignement religieux.

4 Nul ne peut être contraint d’adhérer à une communauté religieuse ou d’y appartenir, d’accomplir un acte religieux ou de suivre un enseignement religieux.».

261.La Constitution ne consacre pas explicitement le principe de la neutralité religieuse de l’État, c’est la jurisprudence qui lui a conféré valeur constitutionnelle. Ce principe interdit à l’État de s’immiscer dans les affaires religieuses, de prendre parti pour ou contre une religion ou une conviction donnée et confère le droit aux Eglises de s’autodéterminer. La neutralité religieuse de l’État trouve aussi une application en matière scolaire: les écoles publiques doivent être laïques (voir art. 62, al. 2, Cst.), laïcité que nous retrouvons notamment dans le mariage et la tenue des registres d’état civil.

18.2 Service civil

262.L’article 59, alinéa 1, de la Constitution permet à la personne qui ne peut concilier un service militaire avec sa conscience d’effectuer un service civil de remplacement.

« Article 59 Service militaire et service de remplacement

1 Tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire. La loi prévoit un service civil de remplacement.».

263.Le 21 mars 2003, l’Assemblée fédérale a approuvé le projet du Conseil fédéral concernant la modification de la loi fédérale sur le service civil (LSC). La loi révisée est entrée en vigueur le 1er janvier 2004.

264.La révision de la législation comportait entre autres la rectification des points faibles de la loi; ainsi la précision de notions juridiques indéterminées telles que «inconciliabilité du service militaire avec la conscience» était nécessaire afin de rendre la pratique transparente quant aux conditions d’admission.

265.Entre octobre 1996, date de l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur le service civil, et la fin de juillet 2001, l’organe central d’exécution du service civil a reçu 7 974 demandes d’admission au service civil, soit en moyenne 1 644 requêtes par année. La demande a été particulièrement forte en 2003 et en 2004 (1 955 et 1 805 requêtes). En 2005, les demandes ont fléchi à 1 700. Entre octobre 1996 et la fin de juillet 2001, sur les 7 164 demandes qui avaient fait l’objet d’une décision de première instance, 5 712 avaient été approuvées et 687 rejetées. Les 765 demandes restantes ont fait l’objet d’une décision de non-entrée en matière ou ont été retirées. Le taux d’admission a donc été d’environ 80 %. Sur les requérants qui ont été entendus, quelque 11 % n’ont pas été admis au service civil.

266.En 2003, 3 481 personnes astreintes au service civil ont accompli 325 181 jours de service. En 2004, 4 341 personnes astreintes au service civil ont accompli 323 809 et en 2005, 4 409 civilistes ont passé 330 608 jours en service.

267.De plus, il faut mentionner que la possibilité d’effectuer le service militaire sans arme existe toujours. Le nombre des demandes de service militaire non armé a continué à diminuer.

18.3 Education religieuse et morale

268.Le principe de la neutralité religieuse de l’État implique l’interdiction des écoles publiques confessionnelles. L’école doit être laïque, obligatoire et gratuite. Ceci ne signifie cependant pas que la religion ne puisse pas faire partie du programme d’études, mais l’enseignement religieux ne peut pas être rendu obligatoire, ce que précise expressément l’article 15, alinéa 4, de la Constitution:

«Nul ne peut être contraint d’adhérer à une communauté religieuse ou d’y appartenir, d’accomplir un acte religieux ou de suivre un enseignement religieux.».

269.L’article 20a de la loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce (loi sur le travail, LTr) est entré en vigueur le 1er août 2000. Son alinéa 2 autorise le travailleur à interrompre son travail à l’occasion de fêtes religieuses autres que celles qui sont assimilées à des jours fériés par les cantons, à condition d’en aviser son employeur à l’avance. Ainsi, les membres de communautés religieuses autres que catholiques et protestantes, en l’occurrence les travailleurs juifs ou musulmans, sont assimilés aux confessions traditionnellement ancrées en Suisse.

270.Les plus hauts dirigeants chrétiens, juifs et musulmans ont signé, en date du 15 mai 2006, l’acte de naissance du Conseil suisse des religions. Ce Conseil veut promouvoir une compréhension réciproque des religions et servir d’interlocuteur susceptible de conseiller les autorités. La paix religieuse en Suisse n’est certes pas menacée, mais la carte religieuse du pays s’est transformée et le paysage religieux est devenu plus bariolé. Le christianisme, le judaïsme et l’islam ont aujourd’hui une responsabilité particulière à l’égard de la paix sociale et religieuse en Suisse, mais rien ne s’oppose à ce que le Conseil s’ouvre à d’autres religions comme par exemple le bouddhisme ou l’hindouisme. La nouvelle institution s’occupera moins de questions théologiques que de questions actuelles de politique religieuse et sociale: les bâtiments religieux, le rapport aux symboles religieux dans l’espace public, la formation d’ecclésiastiques ou l’intégration des enfants dans les écoles publiques. Un groupe de travail intitulé «chantier islamisme» a été créé en 2004 au sein du Département fédéral des affaires étrangères pour se pencher sur la question des mouvements islamistes. Celui-ci a pour but l’analyse de ces derniers, mais aussi la recherche d’un dialogue et la mise en œuvre d’un certain nombre de projets.

271.L’article 171 de la Constitution vaudoise reconnaît expressément la communauté israélite comme «institution d’intérêt public». À leur demande, l’État peut reconnaître le même statut à d’autres communautés religieuses; il tiendra compte de la durée de leur établissement et de leur rôle dans le Canton. L’article 131 de la Constitution du canton de Zurich reconnaît expressément la Communauté Israélite et la Communauté Israélite Libérale. De même, l’article 126 de la Constitution du canton de Bâle-Ville reconnaît la communauté israélite et prévoit en outre la possibilité pour d’autres Églises ou communautés religieuses d’obtenir une telle reconnaissance, moyennant une modification de la Constitution.

18.4 Jurisprudence

272.Dans un arrêt du 13 janvier 2003, le Tribunal fédéral a examiné le recours d’un prisonnier de confession orthodoxe reconnu coupable de meurtre et de viol et incarcéré dans une section spéciale en raison du risque de fuite. Il recourait contre les décisions lui interdisant de participer à une cérémonie religieuse et le condamnant à trois jours de détention cellulaire suite au refus de travailler lors des jours de fête religieuse. Le Tribunal fédéral a relevé dans sa décision que le régime carcéral, privant dans une large mesure le détenu de contacts avec l’extérieur, pouvait entraîner des restrictions de la liberté de croyance et de conscience, et donc de la liberté de culte. De telles restrictions devaient toutefois être étroitement circonscrites. Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral a considéré que ces conditions étaient remplies, notamment parce que les représentants des Églises nationales se rendaient régulièrement dans la prison et qu’il était possible de s’entretenir tant avec l’aumônier qu’avec des représentants d’autres religions. Quant au deuxième grief soulevé par le requérant, les fêtes religieuses étaient célébrées par un représentant spirituel et la participation à la cérémonie ou le contact avec le représentant était en principe possible. En outre, le besoin de prier plus fréquemment et de se pencher plus profondément sur sa religion ces jours-là pouvait être réalisé en dehors des heures de travail. De plus, le requérant a reconnu que ces fêtes religieuses ne représentaient en principe pas un obstacle à ce que les personnes de sa confession travaillent lors de tels jours. La décision de l’autorité cantonale respectait donc les conditions de l’article 36 de la Constitution permettant une restriction aux droits fondamentaux et n’entraînait pas de violation des articles 15 de la Constitution, 9 de la Convention européenne des Droits de l’Homme et 18 du Pacte.

19. Article 19: Liberté d’opinion et d’expression

19.1 Principe

273.Les libertés d’opinion et d’information, la liberté de la science, de l’art et des médias sont expressément garanties par la Constitution:

« Article 16 Libertés d’opinion et d’information

1 La liberté d’opinion et la liberté d’information sont garanties.

2 Toute personne a le droit de former, d’exprimer et de répandre librement son opinion.

3 Toute personne a le droit de recevoir librement des informations, de se les procurer aux sources généralement accessibles et de les diffuser.

Article 17 Liberté des médias

1 La liberté de la presse, de la radio et de la télévision, ainsi que des autres formes de diffusion de productions et d’informations ressortissant aux télécommunications publiques est garantie.

2 La censure est interdite.

3 Le secret de rédaction est garanti.

Article 20 Liberté de la science

La liberté de l’enseignement et de la recherche scientifiques est garantie.

Article 21 Liberté de l’art

La liberté de l’art est garantie.».

19.2 Législation

274.La loi sur la transparence de l’administration (Ltrans; voir ch. 11) ainsi que son ordonnance d’exécution (Otrans), entrées en vigueur le 1er juillet 2006, permettent un accès facilité des particuliers aux documents de l’administration. Le passage du principe du secret au principe de la transparence a pour effet de promouvoir la transparence de l’administration et de renforcer la confiance de la population dans les institutions étatiques. Ainsi, toute personne peut exiger d’accéder à des documents administratifs sans devoir justifier d’un intérêt particulier. Il lui suffit d’adresser sa demande à l’autorité qui a produit le document ou qui l’a reçu d’un tiers qui n’est pas soumis à la loi sur la transparence. La personne peut consulter le document sur place ou demander qu’une copie lui soit envoyée. Le traitement de la demande sera en principe soumis à émolument, à moins qu’il n’exige que peu de travail. Le droit d’accès à des documents administratifs peut être limité ou refusé dans les cas énumérés de manière exhaustive par la loi. Tel est le cas, par exemple, lorsque la consultation de certains documents administratifs par des particuliers est de nature à compromettre la libre formation de l’opinion et de la volonté d’une autorité ou à menacer la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse. La loi prévoit encore d’autres exceptions au principe de la transparence: lorsque le droit d’accès risquerait d’entraîner la révélation de secrets professionnels, d’affaires ou de fabrication. Si l’autorité compétente refuse l’accès aux documents ou ne l’accorde pas dans la mesure souhaitée, la personne dont la demande n’aura pas été satisfaite pourra adresser une demande de médiation au Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence. Si cette procédure n’aboutit pas à un accord, les voies de recours ordinaires seront ouvertes, puisque l’autorité concernée rend une décision qui peut être attaquée en justice.

275.Le canton de Fribourg s’est doté d’une nouvelle Constitution, entrée en vigueur le 1er janvier 2005. Dans le but de mettre en œuvre la dite Constitution, divers travaux sont actuellement en cours, dont notamment une législation sur l’information et la transparence de l’activité étatique, qui réglera entre autres la consultation de documents officiels.

19.3 Jurisprudence

276.Dans trois affaires suisses récentes, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à une violation de la liberté d’expression (art. 10 CEDH).

La première affaire concerne la condamnation à une amende de CHF 800 d’un journaliste ayant publié des extraits d’un document diplomatique classé confidentiel, obtenu à la suite d’une violation du secret de fonction dont l’auteur est resté inconnu. La majorité de la Cour a considéré que la confidentialité des rapports diplomatiques est à priori justifiée, mais qu’elle ne saurait être protégée à tout prix. Elle a estimé que les informations contenues dans le document étaient susceptibles de soulever des questions d’intérêt général et que le public avait un intérêt légitime à obtenir ces informations. La Suisse a renvoyé l’affaire devant la Grande Chambre. L’affaire est pendante.

La seconde affaire concerne la condamnation à une amende de 500 francs du requérant pour instigation à la violation du secret de fonction (art. 24 en combinaison avec l’art. 320 du code pénal suisse). Le requérant avait demandé à une assistante administrative du parquet du canton de Zurich des indications concernant d’éventuelles condamnations antérieures des personnes suspectées dans le cadre d’un important cambriolage. Après avoir obtenu ces informations, il ne les publia pas ni ne les employa à d’autres fins. La Cour conclut à l’unanimité que la condamnation du requérant représente une ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression qui n’est pas nécessaire dans une société démocratique. La condamnation, bien que de caractère mineur, a constitué une espèce de censure.

La cause Monnat porte sur la diffusion par la Télévision suisse romande (TSR), sous la responsabilité du requérant, d’un reportage critique sur l’attitude de la Suisse pendant la Deuxième Guerre («L’honneur perdu de la Suisse»). L’Autorité indépendante d’examen des plaintes en matière de radiotélévision (Autorité de plainte) avait qualifié la diffusion de cette émission de contraire au droit des programmes découlant de la loi fédérale sur la radio et la télévision (LRTV), et avait ordonné à la TSR de prendre des mesures adéquates pour corriger cette violation. Selon la Cour, l’émission en question soulevait un sujet d’intérêt majeur, dont les médias avaient abondamment parlé. Elle critiquait l’attitude de la Suisse officielle pendant la Deuxième Guerre et non celle du peuple suisse; les limites de la critique admissibles étaient donc plus larges, comme pour les politiciens et les fonctionnaires agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. La décision de l’Autorité de plainte, confirmée par le Tribunal fédéral, était de nature à dissuader les journalistes de réaliser des reportages critiques sur des sujets de cette nature. Elle pouvait donc entraver les médias dans l’accomplissement de leur tâche d’information et de contrôle, constituant ainsi une forme de censure.

277.Dans un arrêt du 7 juillet 2004, le Tribunal fédéral a considéré que les barrages de police interdisant l’accès à Davos lors du Forum économique mondial de 2001 avaient porté atteinte à la liberté personnelle des journalistes concernés et aux libertés d’opinion, d’information et de la presse. Il a toutefois retenu qu’en lieu et place d’une base légale, les atteintes contestées pouvaient se fonder sur la clause générale de police. Un recours contre cette décision reste pendant devant la Cour européenne des droits de l’homme (voir aussi ch. 281).

20. Article 20: Interdiction de la propagande en faveur de la guerre

278.En Suisse, il n’existe toujours pas de disposition spécifique interdisant la propagande en faveur de la guerre. La réserve émise à l’article 20, paragraphe 1, est donc toujours valable.

279.Il est question de créer une nouvelle norme pénale interdisant l’exposition ou le port en public de symboles de discrimination raciale, de même que le fait de rendre de tels symboles accessibles au public de toute autre manière. Les commissions des affaires juridiques des deux Conseils ont estimé que la nouvelle disposition pénale ne devait pas être limitée à l’utilisation de symboles d’extrême droite, mais s’appliquer à tous les symboles qui font l’apologie des mouvements extrémistes appelant à la violence et à la discrimination raciale.

21. Article 21: Liberté de réunion pacifique

280.La liberté de réunion est expressément garantie par l’article 22 de la Constitution en tant que droit fondamental. Elle est garantie aussi bien aux citoyens suisses qu’aux étrangers.

« Article 22 Liberté de réunion

1 La liberté de réunion est garantie.

2 Toute personne a le droit d’organiser des réunions, d’y prendre part ou non.».

281.Suite au refus des autorités communales de Davos d’accorder une autorisation de manifester sur le domaine public à l’occasion du Forum Economique Mondial de Davos de 2001, le Tribunal fédéral a dû examiner la question de savoir sous quelles conditions la liberté de réunion pouvait être restreinte. En conclusion à la pesée des intérêts en jeu, le Tribunal fédéral a estimé que, étant donné le risque concret de violence, l’interdiction de la manifestation de Davos n’avait pas bafoué le droit de réunion ni la liberté d’expression, mais que les autorités avaient seulement empêché un rassemblement au jour, heure et lieu voulus, sans prononcer aucune interdiction absolue de manifester.

22. Article 22: Liberté d’association

22.1 Liberté syndicale

282.La loi fédérale sur le personnel de la Confédération (Lpers) est entrée en vigueur le 1er janvier 2001 pour les employés des Chemins de fer fédéraux et le 1er janvier 2002 pour l’administration fédérale, les unités administratives décentralisées, les commissions fédérales de recours et d’arbitrage, le Tribunal fédéral, les services du Parlement et la Poste. Elle règle à son article 24 la restriction des droits du personnel. Il y est notamment prévu que le Conseil fédéral peut limiter ou supprimer le droit de grève si la sécurité de l’État, la sauvegarde d’intérêts importants commandés par les relations extérieures ou la garantie de l’approvisionnement du pays en biens et services vitaux l’exigent.

283.L’ordonnance sur le personnel de la Confédération (Opers) est entrée en vigueur le 1er janvier 2002. L’exercice du droit de grève est réglé à l’article 96 Opers. Cette disposition prévoit ce qui suit:

« Article 96 Privation du droit de grève

L’exercice du droit de grève est interdit aux membres des catégories de personnel ci-après qui remplissent des tâches essentielles pour la protection de la sécurité de l’État, la sauvegarde d’intérêts importants commandés par les relations extérieures ou pour la garantie de l’approvisionnement du pays en biens et services vitaux:

a.Membres des états-majors de conduite civils et militaires des départements;

b.Autorités fédérales chargées de la poursuite pénale;

c.Personnel du DFAE soumis à la discipline des transferts qui travaille à l’étranger;

d.Corps des gardes-frontière et personnel civil des douanes;

e.Les membres de l’escadre de surveillance, du personnel militaire de la sécurité de la navigation aérienne et de la formation professionnelle de la sécurité militaire.».

22.2 Protection des travailleurs

284.En complément au chiffre 188 du précédent Rapport, il sied de mentionner l’interdiction de licencier un travailleur en raison de son affiliation ou de sa participation syndicale. Un licenciement pour de telles raisons constitue un licenciement abusif, réprimé par l’article 336 du code des obligations, et ouvre la possibilité pour le travailleur de réclamer une indemnité pouvant aller jusqu’à 6 mois de salaire (art. 336a CO).

285.L’Union syndicale suisse (USS) a déposé le 14 mai 2003 une plainte devant le Comité de la liberté syndicale (CLS) du Conseil d’administration du BIT. La plainte contenait des allégations de violation des droits syndicaux en Suisse, en application de la Convention n° 98 de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective. L’affaire a été traitée au CLS le 17 novembre 2004.À l’issue de la discussion, le CLS n’a pris aucune décision sur le fond. Il a toutefois noté qu’il lui semblait que la sanction instituée par le droit suisse n’est pas suffisamment dissuasive pour assurer une protection réellement efficace dans la pratique contre les licenciements abusifs pour motif antisyndical, la législation permettant aux employeurs, à condition de verser l’indemnité prévue par la loi pour tous les cas de licenciement injustifié, de licencier un travailleur si le motif réel en est son affiliation ou son activité syndicale. Le CLS a adopté une recommandation qui demande à la Suisse de produire un rapport présentant des informations supplémentaires sur le développement de la situation depuis le dépôt de la plainte, et sur les mesures prises après discussion avec les partenaires sociaux pour assurer une protection efficace contre les congés abusifs pour motif antisyndical. La Suisse a accepté cette recommandation. Le 16 juin 2006, le gouvernement suisse a adopté le rapport supplémentaire demandé par le CLS, dans lequel il confirme que le droit suisse garantit une protection adéquate et suffisante des salariés et qu’il établit un juste équilibre entre sanction et flexibilité du marché du travail. Le rapport conclut à ce que la plainte soit classée. Le CLS à adopté une recommandation le 17 novembre 2006, par laquelle il a prié le Gouvernement suisse de prendre des mesures pour prévoir le même type de protection pour les représentants syndicaux victimes de licenciements antisyndicaux que pour ceux victimes de licenciements violant le principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes, y compris la réintégration. Le Comité a encouragé la poursuite des discussions tripartites sur l’ensemble de la question, y compris la situation dans certains cantons relative aux indemnités pour licenciement antisyndical. Il a également demandé au Gouvernement suisse de lui soumettre dès que possible ses commentaires relatifs aux dernières allégations de l’organisation plaignante. Ces recommandations font actuellement l’objet d’un examen par la Commission fédérale tripartite pour les affaires de l’OIT, composée de représentants du Gouvernement, des employeurs et des syndicats.

22.3 Jurisprudence

286.Dans un arrêt du 15 novembre 2002, le Tribunal fédéral a constaté que la liberté syndicale ne donne pas aux organisations professionnelles le droit de participer à la procédure législative afférente aux rapports de travail de droit public. Un tel droit contredirait la souveraineté législative de l’État. Les syndicats ont toutefois le droit d’être entendus de manière appropriée en cas de modification de lois ou règlements influençant de manière significative les conditions de travail de leurs membres.

23. Article 23: Droit au mariage

23.1 Principe

287.La Constitution garantit expressément le droit au mariage:

« Article 14 Droit au mariage et à la famille

Le droit au mariage et à la famille est garanti.».

23.2 Mariage possible entre une personne et l’enfant de son ex-conjoint

288.Il convient de noter qu’afin de mettre le mariage et le partenariat enregistré en harmonie, le législateur a modifié les dispositions concernant les empêchements au mariage dans le chiffre 8 de l’annexe à la loi fédérale du 18 juin 2004 sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe (loi sur le partenariat; Lpart) (voir ch. 11). Cette révision a permis à une personne de contracter mariage avec l’enfant de son ex-conjoint. L’empêchement relatif au lien d’alliance avec l’enfant du conjoint n’empêchait certes pas les personnes concernées de vivre ensemble, mais il leur interdisait simplement de donner un cadre juridique à leur vie en commun. À l’heure actuelle, la société admet que des personnes puissent vivre ensemble sans avoir de liens juridiques entre elles. La révision préconisée a donc pris en compte l’évolution des mentalités.

En relation avec le chiffre 194 du précédent Rapport, nous pouvons mentionner le nouveau régime applicable au droit du divorce. En effet, depuis le 1er juin 2004, le délai de séparation en droit du divorce est ramené de quatre à deux ans (art. 114 s. du code civil).

2 3.3 Mariages forcés

289.Même en l’absence de statistique fiable des mariages forcés ou arrangés, tout porte à croire que le phénomène est présent en Suisse. Aujourd’hui déjà, les mariages forcés sont sanctionnés tant par le code civil que par le code pénal. Le Conseil fédéral s’est exprimé, une première fois, sur la nécessité de légiférer en Suisse dans sa réponse du 16 février 2005 à la question Banga (04.1181) «Lutter contre les mariages forcés et mieux protéger les victimes», pour conclure qu’il n’y a pas lieu de le faire. En effet, il est déjà exclu qu’une personne mineure contracte mariage (art. 94, al. 1, CC), et il existe de surcroît dans le code civil un motif d’annulation d’un mariage lorsqu’un époux a contracté mariage sous la menace d’un danger grave et imminent pour sa vie, sa santé ou son honneur, ou ceux de l’un de ses proches (art. 107, ch. 4, CC). Sur le plan du droit pénal, le Conseil fédéral a signalé que les mariages forcés peuvent déjà être couverts par la norme pénale de la contrainte (art. 181 CP); ils sont ainsi poursuivis d’office et punis de l’emprisonnement pour trois ans au plus ou de l’amende. Lorsqu’une contrainte, au sens de l’article 181 du Code pénal, en vue d’un mariage est à l’origine de troubles psychiques ou physiques, la personne concernée peut solliciter le soutien d’un centre de consultation pour l’aide aux victimes. Selon les situations, ce soutien peut aussi consister à trouver un hébergement d’urgence ou à accompagner la personne concernée tout au long de la procédure. Le Conseil fédéral transmettra au Parlement, en automne 2007, un rapport examinant sur une large échelle la problématique des mariages forcés ou arrangés et en donnant une analyse approfondie, avec le cas échéant des propositions de mesures à prendre (postulat de la Commission des institutions politiques du Conseil national «Répression des mariages forcés et des mariages arrangés» 05.3477).

24. Article 24: Droits de l’enfant

24.1 Généralités

290.L’article 30 révisé de la loi fédérale sur l’acquisition et la perte de la nationalité suisse (loi sur la nationalité, LN; ch. 11) est en vigueur depuis le 1er janvier 2006:

« Article 30 Enfant apatride

1 Un enfant apatride mineur peut former une demande de naturalisation facilitée s’il a résidé au total cinq ans en Suisse, dont l’année précédant le dépôt de la demande.

2 Il acquiert le droit de cité cantonal et communal de son lieu de résidence.».

291.Cette modification de loi rend caduque la réserve faite à l’article 7, alinéa 2, de la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant (Convention des droits de l’enfant, CDE). Le Conseil fédéral a donc décidé de la retirer le 4 avril 2007. Cette décision a été notifiée au Secrétaire général des Nations Unies le 1er mai 2007.

292.La nouvelle loi sur les étrangers (Letr; voir ch. 11) accorde le droit au regroupement familial à tous les titulaires d’une autorisation de séjour (art. 43). De même, le regroupement familial devient possible aux titulaires d’une autorisation de séjour de courte durée (art. 44). Le regroupement familial doit toutefois intervenir dans un délai d’un an pour les enfants de plus de 12 ans (et de cinq ans pour les plus jeunes). En outre, il faut disposer des moyens financiers nécessaires et d’un logement approprié. La nouvelle loi sur les étrangers introduit en outre une nouvelle disposition du code civil, en vertu de laquelle «la présomption de paternité du mari cesse lorsque le mariage est annulé du fait qu’il a été contracté pour éluder les dispositions sur l’admission et le séjour des étrangers» (nouvel art. 109, al. 3, CC). Cette disposition doit toutefois être envisagée sous l’angle restreint de l’annulation du mariage au sens du nouvel article 105, chiffre 4 du Code civil, soit lorsque l’un des époux ne veut pas fonder une communauté conjugale mais veut juste éluder les dispositions sur l’admission et le séjour des étrangers. En outre, si ce cas se présente, ce qui devrait être plutôt rare en pratique, le père peut reconnaître l’enfant. Au surplus, la mère et l’enfant peuvent intenter une action en paternité.

293.Le Parlement a adopté le 24 mars 2006 la loi fédérale sur les allocations familiales (loi sur les allocations familiales; LAFam; ch. 11), qui harmonise au plan suisse les conditions d’octroi des allocations familiales, le cercle des enfants y donnant droit, l’âge limite ainsi que les règles applicables lorsque plusieurs personnes peuvent faire valoir un droit à des allocations pour le même enfant. Les ayants droit sont les travailleurs salariés et les personnes sans activité lucrative. Pour ces dernières toutefois, les allocations sont versées sous condition de ressources et financées par les cantons. Les travailleurs indépendants ne figurent pas parmi les ayants droit au sens de la LAFam, mais les cantons peuvent leur accorder des allocations familiales. La LAFam prévoit une allocation pour enfant octroyée dès la naissance jusqu’au 16e anniversaire de l’enfant, égale à 200 francs par mois au moins, et une allocation de formation professionnelle de 250 francs par mois au moins, octroyée dès 16 ans jusqu’à la fin de la formation de l’enfant, mais au plus tard jusqu’à ce que celui-ci ait atteint l’âge de 25 ans. Seules des allocations entières sont versées, le taux d’occupation ne joue plus de rôle. Les cantons peuvent accorder des prestations plus élevées et prévoir des allocations de naissance ou d’adoption. D’autres prestations doivent être financées en dehors du régime des allocations familiales. Les enfants donnant droit aux allocations familiales sont les enfants de parents mariés ou non mariés, les enfants du conjoint, les enfants recueillis ainsi que les frères et sœurs et petits-enfants de l’ayant droit si celui-ci en assume l’entretien de manière prépondérante. Lors de la votation fédérale du 26 novembre 2006, le peuple a accepté la LAFam avec 68 % de oui. Cette loi sera probablement applicable dès le 1er janvier 2009.

294.Concernant les structures d’accueil extrafamilial, un système d’aide financière a été mis en place au niveau fédéral en février 2003. Il s’agit d’un programme d’impulsion d’une durée de huit ans visant à encourager la création de places d’accueil pour les enfants et à permettre ainsi aux parents de mieux concilier famille et travail ou formation. Pour les huit années du programme, le Parlement a accordé un crédit de 320 millions de francs. Les demandes d’aides financières acceptées jusqu’au 31 janvier 2007 ont permis la création de plus de 13 000 places d’accueil.

24.2 Protection des mineurs

295.La loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs (droit pénal des mineurs, DPMin) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007. Parmi les nouveautés qu’elle introduit, on peut citer le relèvement de la majorité pénale de 7 à 10 ans. Cette nouvelle loi est profondément imprégnée du principe selon lequel, en matière de délinquance des mineurs, l’éducation et l’intégration sociale priment la répression.

296.L’unification du droit de la procédure pénale se fera notamment par le projet de loi fédérale régissant la procédure pénale applicable aux mineurs (ch. 12). Ce projet prévoit, lui aussi, que la protection et l’éducation du mineur sont déterminantes dans l’application de la loi et que l’âge comme le degré de développement du mineur doivent peser en sa faveur (art. 4, al. 1). Il est expressément clarifié que les droits de la personnalité du mineur doivent être respectés à tous les stades de la procédure; celui-ci a notamment le droit d’être entendu et le droit au respect de sa sphère privée.

297.La révision partielle de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI) axée sur la protection de la personnalité des enfants dans la procédure pénale, annoncée au chiffre 207 du Deuxième Rapport, est entrée en vigueur le 1er octobre 2002 (voir ch. 11). Il est toutefois prévu de transférer ultérieurement dans le futur code de procédure pénale le volet consacré aux droits de la victime dans le procès pénal.

298.En ce qui concerne la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle, voir les explications données aux chiffres 165 ss. Voir également le chiffre 346 à propos du retrait de la réserve faite à l’article 10, alinéa 2, lettre B.

24.3 Enfance maltraitée

299.L’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a publié en octobre 2005 une étude intitulée «Violence envers les enfants: concept pour une prévention globale», qui se base sur un nouveau modèle de prévention globale des mauvais traitements envers les enfants. Cette étude d’experts a pour objectif de favoriser l’application coordonnée des mesures de prévention qui combleraient les lacunes existantes. Les auteurs de l’étude font une large place à la conception et à la notion même de prévention, au rôle des intervenants, à la professionnalisation de l’aide et à l’encadrement des enfants. Ils rappellent le rôle essentiel et naturel des parents dans la protection des enfants, tout en soulignant que la société est concernée directement à plusieurs niveaux par les problèmes de maltraitance infantile et de violence sexuelle.

300.Le domaine Famille, générations et société de l’OFAS, créé début 2006, se charge des tâches de coordination et d’information et accorde une attention particulière à la prévention, en collaboration avec des organisations actives dans le domaine de la protection de l’enfance. Ces tâches consistent par exemple à informer sur les possibilités en matière d’aide et de formation et à soutenir des projets de prévention de la maltraitance infantile et des travaux de recherche. C’est dans ce cadre que le présent concept de prévention a été demandé à des experts externes.

24.4 Nom de l’enfant

301.Dans l’affaire G.M.B. et K.M., les requérants faisaient valoir devant la Cour européenne des droits de l’homme que la réglementation suisse, prévoyant que l’enfant de parents mariés acquiert le nom de famille de ces derniers, est discriminatoire et qu’elle viole leur droit au respect de la vie privée et familiale (voir ch. 256).

24.5 Nationalité de l’enfant

302.Voir les explications concernant les restrictions au principe d’égalité sur la base de la nationalité (ch. 66).

25. Article 25: Droits politiques

25.1 Principe

303.L’article 34 de la Constitution garantit les droits politiques, en tant que droits fondamentaux constitutionnels, de la façon suivante:

« Article 34 Droits politiques

1 Les droits politiques sont garantis.

2 La garantie des droits politiques protège la libre formation de l’opinion des citoyens et des citoyennes et l’expression fidèle et sûre de leur volonté.».

25.2 Droit de vote

304.Les informations contenues dans les précédents Rapports sont toujours pertinentes. Cependant, avec l’introduction de la nouvelle Constitution, ce sont désormais les articles 136 et 39 qui règlent le droit de vote et son exercice:

« Article 136 Droits politiques

1 Tous les Suisses et toutes les Suissesses ayant 18 ans révolus qui ne sont pas interdits pour cause de maladie mentale ou de faiblesse d’esprit ont les droits politiques en matière fédérale. Tous ont les mêmes droits et devoirs politiques.

2 Ils peuvent prendre part à l’élection du Conseil national et aux votations fédérales et lancer et signer des initiatives populaires et des demandes de référendum en matière fédérale.

Article 39 Exercice des droits politiques

1 La Confédération règle l’exercice des droits politiques au niveau fédéral; les cantons règlent ces droits aux niveaux cantonal et communal.

2 Les droits politiques s’exercent au lieu du domicile. La Confédération et les cantons peuvent prévoir des exceptions.

3 Nul ne peut exercer ses droits politiques dans plus d’un canton.

4 Les cantons peuvent prévoir que les personnes nouvellement établies ne jouiront du droit de vote aux niveaux cantonal et communal qu’au terme d’un délai de trois mois au plus.».

25.3 Droit d’être élu

305.Les renseignements fournis dans le précédent Rapport sont toujours pertinents. Les articles 143 et 144 de la Constitution règlent l’éligibilité et les cas d’incompatibilités.

« Article 143 É ligibilité

Tout citoyen ou citoyenne ayant le droit de vote est éligible au Conseil national, au Conseil fédéral et au Tribunal fédéral.

Article 144 Incompatibilités

1 Les fonctions de membre du Conseil national, du Conseil des États, du Conseil fédéral et de juge au Tribunal fédéral sont incompatibles.

2 Les membres du Conseil fédéral, de même que les juges au Tribunal fédéral assumant une charge complète, ne peuvent revêtir aucune autre fonction au service de la Confédération ou d’un canton, ni exercer d’autre activité lucrative.

3 La loi peut prévoir d’autres incompatibilités.».

25.4 Déroulement des élections

306.Les renseignements fournis dans le précédent Rapport à ce sujet sont toujours d’actualité. Les cantons de Glaris et d’Appenzell Rhodes Intérieures connaissent toujours la «Landsgemeinde». Par conséquent, la Suisse n’est pas en mesure de retirer sa réserve faite à l’article 25, lettre B, du Pacte.

25.5 Introduction de l’initiative populaire générale

307.Le 31 mai 2006, le Conseil fédéral a adopté le message concernant l’introduction de l’initiative populaire générale. Acceptée par le peuple et les cantons le 9 février 2003, cette réforme des droits populaires permet de demander la modification de dispositions législatives en plus de la modification de dispositions constitutionnelles (voir ch. 9).

308.Le message porte également sur d’autres modifications de la législation sur les droits politiques qui concernent entre autres l’introduction par étapes du vote électronique (ch. 308), la création par les cantons d’un registre électoral central des Suisses de l’étranger et la précision de ce que l’on entend par vote par procuration. En septembre 2006, La Commission des institutions politiques (CIP) du Conseil national a décidé, sous réserve de l’approbation de la CIP du Conseil des États, de soumettre à l’Assemblée fédérale un projet de modification constitutionnelle qui permettrait de revenir sur l’introduction de l’initiative populaire générale.

2 5.6 Vote électronique

309.Le Conseil fédéral a soumis au Parlement un rapport sur les projets pilotes en matière de vote électronique. Ce type de vote permettra de créer les conditions nécessaires au maintien à long terme des institutions suisses, qui reposent sur la démocratie directe, dans une société en cours de modernisation et devrait donc être introduit par étapes. Par ce rapport, le Conseil fédéral met un terme aux analyses effectuées en réponse à diverses interventions parlementaires, analyses qui ont porté sur les chances, les risques et la faisabilité du vote électronique en Suisse. En 2004 et en 2005, la Chancellerie fédérale et les cantons de Genève, de Neuchâtel et de Zurich ont mené à bien cinq essais pilotes de vote électronique, qui se sont déroulés sans panne, lors de votations fédérales. Le vote électronique permettra aux générations futures de participer au processus démocratique même si les conditions de vie changent, et donc de garantir la légitimité des décisions politiques par un large soutien populaire. Il permettra aussi de faciliter les opérations de vote compte tenu de la mobilité croissante des électeurs et de l’augmentation permanente du nombre de Suisses de l’étranger qui ont la qualité d’électeur. L’intérêt des citoyens suisses pour le vote électronique est certain. Les enquêtes réalisées dans le cadre des essais pilotes ont montré que la majorité d’entre eux y sont favorables. Si les technologies de l’information sont une chance pour la démocratie directe, elles comportent cependant des risques. Le vote électronique requiert la prise de mesures complexes sur les plans organisationnel, technique et juridique. Les risques d’abus, de nature technique, nécessitent un contrôle et un développement permanents des mesures de sécurité. À terme, l’intérêt du vote électronique est manifeste également du point de vue économique, car il permettra, d’une part, de rationaliser les opérations de vote et de dépouillement et, d’autre part, de réaliser des économies en matière de vote par correspondance.

25.7 Droits politiques des étrangers en Suisse

310.Ce qui a été dit aux chiffres 221 s. du Deuxième Rapport reste en principe d’actualité.

311.Quatre cantons ont accordé aux étrangers, au cours de la période sous revue, le droit de vote à l’échelon communal.

25.8 Jurisprudence

312.L’ATF 129 I 185 s. a pour toile de fond une nouvelle répartition des cercles électoraux qui, de l’avis des recourants, limitait de façon déraisonnable l’expression libre de la volonté des électeurs (art. 25, let. b, Pacte ONU II) et n’était pas conforme au droit d’accéder aux fonctions publiques dans des conditions d’égalité (art. 25, let. c, Pacte ONU II). Le Tribunal fédéral a jugé que les griefs étaient infondés. En vertu de l’article 25, lettre B, du Pacte ONU II, la procédure d’élection doit être définie de manière à assurer l’expression libre et non influencée de la volonté des électeurs. Cette disposition protège notamment le droit des personnes disposant du droit de vote à ne subir ni pressions ni influence exercée de manière inadmissible, lors de la formation comme de l’expression de leur volonté. Son article 25, lettre C, garantit le droit d’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques – notion incluant toutes les fonctions (exécutives, judiciaires ou relevant de l’administration publique) disposant d’un pouvoir de souveraineté, dont le titulaire n’est pas désigné par élection mais nommé au moyen d’un acte unilatéral. Autrement dit, les droits politiques représentent dans le Pacte ONU II un plus petit dénominateur commun destiné à permettre la participation d’un maximum d’États, même peu démocratiques. On voit donc mal en quoi la répartition des cercles électoraux attaquée aurait entravé la libre formation de l’opinion des recourants ainsi que l’expression de leur volonté d’électeurs (art. 25, let. b, Pacte ONU II, art. 34, al. 2, Cst.), et de surcroît l’article 25, lettre C, du Pacte ONU II n’est pas applicable à l’accession au Parlement communal zurichois, dont la composition est définie lors d’élections et non d’une nomination au moyen d’un acte unilatéral.

26. Article 26: Principe (général) de la non-discrimination

313.La réglementation et l’application du principe de l’égalité en droit suisse ont été traitées ci-dessus, principalement dans les chapitres consacrés aux articles 2 et 3 du Pacte.

26.1 Partenariat enregistré

314.Avec l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe (loi sur le partenariat, Lpart; voir plus haut, ch. 11), les personnes du même sexe vivant en partenariat peuvent faire enregistrer leur relation par l’officier de l’état civil, donnant ainsi à celle-ci un cadre juridique. La reconnaissance par l’État du partenariat entre personnes du même sexe contribue à faire cesser les discriminations dont sont victimes les couples homosexuels au sein de la population et à atténuer les préjugés à l’égard de l’homosexualité.

315.Le partenariat est enregistré devant l’officier de l’état civil. Il atteste de l’engagement des partenaires à mener une vie commune et à assumer l’un envers l’autre les droits et les devoirs découlant de cet engagement. Ainsi, les partenaires se doivent l’un à l’autre assistance et respect. Ils contribuent, chacun selon ses facultés, à l’entretien de la communauté. Ils prennent ensemble les décisions relatives à leur demeure commune. Chaque partenaire a le devoir de renseigner l’autre sur ses revenus, ses biens et ses dettes. Il a, en outre, la possibilité d’en appeler au juge en cas de conflit sur des questions déterminées.

316.L’enregistrement du partenariat n’a pas d’effet sur le nom légal. Dans la vie de tous les jours, il est loisible aux deux partenaires de porter un nom d’alliance – chacun d’eux ajoutant le nom de l’autre à son propre nom – et de mettre ainsi en évidence la relation qui les unit. Toutefois, comme il ne s’agit pas là d’un nom officiel, celui-ci ne peut pas être inscrit dans les registres de l’état civil. Les personnes dont le partenariat a été enregistré conservent leur droit de cité cantonal et communal.

317.Si l’un des deux partenaires est de nationalité étrangère, il a droit à une autorisation de séjour délivrée par la police des étrangers. L’officier de l’état civil peut refuser d’enregistrer le partenariat lorsque les deux personnes concernées n’entendent manifestement pas mener une vie commune, mais cherchent à éluder les prescriptions sur l’admission et le séjour des étrangers.

318.La nouvelle loi accorde des conditions plus favorables pour la naturalisation ordinaire en ramenant à cinq ans la durée nécessaire de résidence en Suisse.

319.S’agissant de leurs rapports patrimoniaux, les partenaires enregistrés sont soumis à une réglementation qui correspond à celle de la séparation de biens du droit matrimonial. Ils peuvent, toutefois, convenir d’une réglementation patrimoniale particulière applicable en cas de dissolution du partenariat enregistré et, notamment, prévoir de procéder à la dissolution selon les dispositions du droit matrimonial concernant la participation aux acquêts. En ce qui concerne le droit successoral, le droit des assurances sociales ou encore la prévoyance professionnelle, les partenaires enregistrés ont le même statut que les couples mariés.

320.Les partenaires peuvent demander la dissolution de leur partenariat par une requête commune adressée au juge. En outre, l’un des partenaires peut aussi demander la dissolution s’il a vécu séparé de l’autre pendant un an au moins. En cas de dissolution, comme en cas de divorce, les prestations de sortie de la prévoyance professionnelle acquises pendant la durée de la communauté de vie sont partagées entre les partenaires.

321.L’adoption d’enfants et le recours à la procréation médicalement assistée sont exclus.

26.2 Jurisprudence

322.Dans un arrêt du 21 novembre 2003, le Tribunal fédéral a constaté que l’initiative populaire communale «D’abord les Suisses!» à Zurich, qui demandait que les communes, dans le cadre du droit supérieur, donnent la priorité aux besoins des Suisses, avait pour but de favoriser les Suisses et, ainsi, de défavoriser les étrangers aussi lorsqu’une différence de traitement n’était pas justifiée par des motifs objectifs. Elle violait ainsi les garanties constitutionnelles fédérales de l’égalité devant la loi et de l’interdiction de la discrimination.

323.L’Accord sur la libre circulation des personnes avec la Communauté Européenne prévoit dans son champ d’application une réglementation plus généreuse du regroupement familial que celle du droit suisse, au profit des proches de Suisses de l’intérieur provenant d’un État non membre (droit au regroupement familial pour les enfants jusqu’à 21 ans au lieu de 18; une relation prépondérante n’est pas nécessaire lorsque les parents sont séparés ou divorcés). Or le Tribunal fédéral s’estime lié, en vertu de la Constitution, par les dispositions légales en vigueur et ne peut aligner le régime en vigueur sur celui de l’Accord, au nom du droit à l’égalité ou de l’interdiction de discrimination. Les autorités cantonales de police des étrangers demeurent toutefois libres, conformément au pouvoir d’appréciation dont elles bénéficient en matière d’octroi d’autorisations de séjour, d’accorder aux citoyens suisses le même droit qu’aux ressortissants d’un État de la CE ou de l’AELE. En confirmation de cette jurisprudence, le Tribunal fédéral a cassé un arrêt cantonal qui s’appuyait sur le droit constitutionnel pour déduire des dispositions de l’Accord sur la libre circulation des personnes un droit analogue au regroupement familial pour un enfant de père suisse provenant d’un État non partie à l’Accord. Dans le cas d’espèce, il a constaté qu’une éventuelle inégalité (temporaire) tenait à des raisons d’ordre législatif qu’il fallait respecter, puisque le législateur entendait étudier la question lors de la révision totale des bases légales (voir ch. 206 ss). Ainsi la pratique en vigueur l’emporte sur le droit à l’égalité.

324.Le Tribunal fédéral a déclaré contraire à la Constitution, en vertu de l’interdiction de discrimination, la réglementation d’une corporation de droit public qui se fondait sur le droit à l’usage du nom et le droit de cité pour la transmission de la qualité de membre aux descendants, excluant de fait sa transmission par ses ressortissantes mariées et par ses ressortissants célibataires.

325.En vertu du principe de l’égalité de traitement, le Tribunal fédéral a constaté dans un arrêt du 16 décembre 2004, à propos de l’inscription dans le registre de l’état-civil d’un nom existant tant sous une forme masculine que féminine et transmis par une mère à son fils, qu’il fallait inscrire le nom sous sa forme masculine pour cet enfant mâle.

27. Article 27: Droits des minorités

27.1 Convention cadre du Conseil de l’Europe sur la protection des minorités nationales

326.Suite à la transmission par la Suisse de son Rapport initial et à la visite du pays du 11 au 13 novembre 2003 par une délégation du Comité consultatif afin de recueillir de plus amples informations, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a rendu une résolution (ResCMN(2003)13) sur la mise en œuvre de la Convention cadre pour la protection des minorités nationales par la Suisse le 10 décembre 2003. Le Comité a constaté que la Suisse a fait des efforts particulièrement louables, dans de nombreux domaines, à l’égard de ses minorités linguistiques. Le cadre institutionnel permet aux francophones, aux italophones et aux romanches, de même qu’aux germanophones des cantons de Fribourg et du Valais, de conserver et de développer les éléments essentiels de leur identité, notamment leur langue et leur culture. De plus, un certain nombre de mécanismes d’ordre institutionnel assurent une participation politique étendue aux minorités linguistiques à tous les niveaux. Les garanties légales en matière d’utilisation des langues minoritaires dans les rapports avec les autorités administratives sont très étendues et de nombreux efforts ont été entrepris pour renforcer la position du romanche. Une attention accrue pourrait néanmoins être accordée aux principes contenus dans la Convention lorsqu’il s’agit, dans les rapports précités, d’admettre l’usage d’une langue minoritaire au niveau infracantonal. Dans le domaine de l’éducation, les autorités devraient s’assurer que les besoins des personnes appartenant aux minorités linguistiques, en ce qui concerne la possibilité de bénéficier d’un enseignement dans une langue minoritaire en dehors de son aire d’implantation traditionnelle, soient mieux pris en considération, ce qui est particulièrement important pour les italophones et les romanches. Dans le canton des Grisons, la plus grande retenue devrait s’imposer lorsqu’il s’agit d’examiner un éventuel changement de la langue d’enseignement au niveau communal. Des progrès restent à faire pour permettre aux gens du voyage de développer les éléments essentiels de leur identité. Pour remédier aux principales difficultés auxquelles ces personnes sont confrontées, en particulier le manque d’aires de stationnement et de transit, les autorités devraient prendre des mesures supplémentaires, notamment d’ordre législatif. De plus, les mécanismes de participation des gens du voyage devraient être renforcés. Le 22 juin 2004, le Président du Comité consultatif a adressé à la Suisse un questionnaire spécifique adopté par le Comité. Sur la base des réponses apportées à ce questionnaire par les différents acteurs concernés (offices, cantons, conférences intercantonales, représentants des gens du voyage), la Suisse a élaboré son deuxième rapport sur la mise en œuvre de la Convention cadre pour la protection des minorités nationales, qu’elle présentera au cours de l’année 2007. Le rapport fait état des modalités retenues sur le plan national et régional pour l’application des résultats du premier cycle, expose les mesures prises pour améliorer la mise en œuvre matérielle de la Convention cadre et apporte des réponses aux questions spécifiques posées à la Suisse par le Comité consultatif.

27.2 Minorités linguistiques

327.La révision de la Constitution a permis de reformuler le mandat de la Confédération et des cantons en matière de langues et de l’adapter aux besoins actuels. Le mandat constitutionnel a pour objectif de sauvegarder et de renforcer le quadrilinguisme dans le pays et de promouvoir la compréhension et les échanges entre les communautés linguistiques:

« Article 4 Langues nationales

Les langues nationales sont l’allemand, le français, l’italien et le romanche.

Article 18 Liberté de la langue

La liberté de la langue est garantie.

Article 70 Langues

1 Les langues officielles de la Confédération sont l’allemand, le français et l’italien. Le romanche est aussi langue officielle pour les rapports que la Confédération entretient avec les personnes de langue romanche.

2 Les cantons déterminent leurs langues officielles. Afin de préserver l’harmonie entre les communautés linguistiques, ils veillent à la répartition territoriale traditionnelle des langues et prennent en considération les minorités linguistiques autochtones.

3 La Confédération et les cantons encouragent la compréhension et les échanges entre les communautés linguistiques.

4 La Confédération soutient les cantons plurilingues dans l’exécution de leurs tâches particulières.

5 La Confédération soutient les mesures prises par les cantons des Grisons et du Tessin pour sauvegarder et promouvoir le romanche et l’italien.».

328.Divers articles de la Constitution fédérale touchent le domaine de la politique des langues. L’article 4 de la Constitution désigne l’allemand, le français, l’italien et le romanche comme langues nationales. Il part d’une conception générale des langues nationales, qui comprend les formes écrites et orales, ainsi que les idiomes et dialectes des quatre langues mentionnées. Il consacre le principe de l’égalité des quatre langues nationales.

329.L’article 18 de la Constitution fait de la liberté de la langue un droit fondamental et il garantit par principe à chacun le droit de s’exprimer dans la langue de son choix, en particulier dans sa langue principale. L’assimilation du droit de la langue à un droit fondamental s’exprime également dans l’interdiction de faire de la langue un motif de discrimination (art. 8, al. 2, Cst.) et dans le droit, pour la personne concernée, d’être informée – dans une langue qu’elle comprend – des raisons pour lesquelles elle est privée de liberté et des droits qui sont les siens (art. 31, al. 2, Cst.), ainsi que des accusations portées contre elle (art. 32, al. 2, Cst.).

330.L’article 70, alinéa 1, de la Constitution désigne l’allemand, le français et l’italien comme langues officielles à part entière de la Confédération. Le romanche est également langue officielle pour les rapports de la Confédération avec les personnes de langue romanche. L’alinéa 2 rappelle dans sa première phrase que c’est aux cantons de déterminer leurs langues officielles. Ce faisant, ils sont tenus de respecter la répartition linguistique traditionnelle des régions et de prendre en considération les minorités linguistiques autochtones afin de préserver la bonne entente entre les communautés linguistiques. Le principe de territorialité formulé ici relativise certes la liberté de la langue, mais est lui-même relativisé par la protection des minorités garantie par la Constitution. L’objectif suprême reste la préservation de la paix des langues. L’alinéa 3 astreint la Confédération et les cantons à prendre des mesures visant à encourager la compréhension et les échanges entre les communautés linguistiques. L’exécution du mandat constitutionnel implique que la Confédération et les cantons coopèrent à l’élaboration et à l’application des mesures concrètes. L’alinéa 4 oblige la Confédération à soutenir financièrement les cantons plurilingues dans l’exécution des tâches particulières liées au plurilinguisme. L’alinéa 5 astreint la Confédération à soutenir les mesures prises par les cantons des Grisons et du Tessin en faveur de la sauvegarde et de la promotion du romanche et de l’italien. Ce soutien ne date pas de l’introduction d’une base constitutionnelle explicite en 1999. Il existait déjà autrefois au niveau fédéral des mesures de soutien s’appuyant sur l’article sur les langues de 1938. Le principe de l’égalité des langues nationales et de l’égalité des groupes linguistiques avait amené la Confédération à agir en faveur de la sauvegarde et de la promotion des langues nationales menacées.

331.D’autres articles constitutionnels prennent en compte la diversité linguistique comme étant l’expression de l’une des caractéristiques essentielles de la Suisse, par exemple en relation avec l’encouragement de la culture par la Confédération (art. 69, al. 3, Cst.), la radio et la télévision (art. 93, al. 2, Cst.), l’élection du Conseil fédéral (art. 175, al. 4).

332.Étant donné le nouveau cadre juridique, l’administration fédérale a élaboré un projet de loi sur les langues, destiné à mettre en œuvre l’extension des principes de la politique des langues contenus dans la Constitution fédérale. Elle a organisé une procédure de consultation à ce sujet et soumis à l’approbation du Conseil fédéral un projet remanié et un message tenant compte des résultats de cette consultation. Le 28 avril 2004, le Conseil fédéral a décidé de ne pas présenter aux Chambres l’avant-projet de loi sur les langues (LLC) et le message correspondant, en invoquant le mandat d’économiser qu’il a reçu du Parlement et le manque de ressources financières. Le Conseil national a réagi à cette annonce en déposant deux motions invitant le Conseil fédéral à présenter, tout de même, la loi devant le Parlement, suivies, le 7 mai 2004, d’une initiative parlementaire allant dans le même sens. Les Commissions pour la science, l’éducation et la culture des deux Conseils ont toutes deux approuvé cette initiative. En septembre 2006, La CSEC-N a proposé d’approuver le projet. En octobre 2006, le Conseil fédéral a maintenu sa décision d’avril 2004 et rejeté le projet pour les motifs évoqués ci-avant. Il a souligné qu’il était pleinement conscient de la haute importance politique du plurilinguisme comme caractéristique essentielle de notre pays et qu’il est persuadé que la Confédération possède déjà les instruments nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par la LLC et qu’elle est donc à même de remplir sa mission de manière adéquate.

333.En janvier 2003, le Conseil fédéral a mandaté le Fonds national suisse de recherche scientifique pour la réalisation d’un programme national de recherche sur le thème «Diversité des langues et compétences linguistiques en Suisse». Celui-ci doit poser les fondements scientifiques de la politique suisse en matière de langues. Le programme compte cinq composantes majeures: la clarification des conditions juridiques et politiques d’une action en matière de politique des langues, les défis actuels en matière d’enseignement des langues à l’école, les compétences linguistiques des adultes, l’usage des langues dans l’économie et les relations entre les langues et la constitution de l’identité individuelle. Les synthèses et la fin du Programme sont planifiés pour 2009.

27.3 Charte européenne sur les langues régionales ou minoritaires

334.La Charte européenne sur les langues régionales ou minoritaires du 5 novembre 1992 est entrée en vigueur pour la Suisse le 1er avril 1998. Le troisième rapport de la Suisse, datant de mai 2006, prend position de façon circonstanciée sur les recommandations faites par le Comité des Ministres lors de l’examen du deuxième rapport périodique de la Suisse, tels que le projet d’adoption d’une législation visant la mise en œuvre de l’article 70 de la Constitution (voir ch. 329), qui était alors débattu au parlement, la suppression des obstacles d’ordre pratique à l’emploi du romanche dans l’administration cantonale et dans les tribunaux et le renforcement du romanche sur les radios et télévisions privées.

27.4 Minorités culturelles

335.Suite à diverses interventions parlementaires, le Département fédéral de l’intérieur et le Département fédéral de l’économie ont travaillé ensemble depuis 2003 pour établir conjointement un rapport sur la situation des gens du voyage en Suisse. L’avant-projet du rapport a été soumis à une procédure de consultation des cantons et des milieux intéressés, qui s’est déroulée entre fin juin et fin novembre 2005. Par la suite, le DFI et le DFE ont consolidé le texte, et le Conseil fédéral l’a adopté par décision du 18 octobre 2006.Le rapport,divisé en deux parties, donne une vue d’ensemble détaillée des conditions de vie et de la situation juridique des gens du voyage en Suisse. La Partie I énumère les incidences d’une éventuelle ratification de la Convention n° 169 de l’OIT «relative aux peuples indigènes et tribaux» (C 169). Elle analyse les obligations que la Suisse devrait assumer à l’égard des gens du voyage en cas de ratification de la C 169. La partie II du rapport expose les possibilités d’action de la Confédération en matière de création d’aires de séjour et de transit pour les gens du voyage. Le rapport aboutit à la conclusion que le droit positif suisse ne satisfait pas aux exigences de la C 169 de l’OIT. Pour ces raisons, et compte tenu du fait qu’une majorité de cantons s’y opposent, le Conseil fédéral considère que la ratification de la C 169 ne se justifie pas actuellement. Mais la consultation a également démontré que des mesures visant à améliorer la situation des gens du voyage en Suisse pourraient déjà être prises sur la base du droit actuel. La proposition de convertir des places d’armes désaffectées en aires de séjour et de transit a rencontré une large adhésion lors de la consultation. Cette proposition est également soutenue par la Confédération, pour autant qu’elle n’engendre pas de coûts supplémentaires.

336.Créée en 1997 par la Confédération, la fondation «Assurer l’avenir des gens du voyage suisses» a pour mandat de garantir et d’améliorer les conditions de vie des gens du voyage en Suisse. Elle entend ainsi contribuer à la sauvegarde de l’identité culturelle d’une minorité aujourd’hui reconnue, mais qui a longtemps fait l’objet de discriminations dans notre pays. La fondation s’engage en faveur d’une cohabitation harmonieuse des gens du voyage avec la population sédentaire. En vertu de la loi fédérale du 7 octobre 1994 concernant la fondation «Assurer l’avenir des gens du voyage suisses» , elle a été dotée d’un capital de fondation d’un million de francs et a, depuis, bénéficié par deux fois d’un crédit-cadre quinquennal, se voyant attribuer une subvention annuelle de 150 000 francs pour ses coûts d’exploitation. Le message adopté par le Conseil fédéral prévoit de lui accorder pour la poursuite de ses activités un nouveau crédit-cadre de 750 000 francs pour les années 2007 à 2011.

337.La fondation fait office de forum où des représentants de la Confédération, des cantons et des communes travaillent en collaboration avec les gens du voyage à une résolution à l’amiable des questions en suspens. Depuis sa création, la fondation s’est principalement penchée sur les thèmes suivants:

Manque d’aires de séjour et de transit;

Réglementation des autorisations d’exercer une activité commerciale;

Scolarisation des enfants des gens du voyage;

Solutions en cas de transit par la Suisse de groupes isolés de gens du voyage étrangers, en particulier en été.

338.La fondation a déjà pu atteindre quelques objectifs dans différents domaines. Par exemple, le statut juridique des gens du voyage s’est amélioré.

339.Il convient par ailleurs de noter que la Confédération accorde, depuis 1986, une contribution à la «Radgenossenschaft der Landstrasse», fondée en 1975, pour assurer le maintien en continu d’une palette de services d’assistance aux gens du voyage. Il s’agit d’une contribution annuelle forfaitaire pour le cofinancement de l’exploitation du secrétariat de l’Association, avec pour mandat de fournir les services aux gens du voyage qui demandent de l’aide et de coopérer avec les autres organisations de nomades. Le montant de la contribution annuelle dépend des besoins avérés inscrits au budget et dans le programme de travail de l’association; il couvre environ 85 % des charges totales de l’association. Celle-ci sert d’intermédiaire entre les autorités et les gens du voyage, fournit d’importantes prestations en faveur des gens du voyage qui auraient des problèmes de patentes ou de scolarisation, et offre des conseils dans le domaine de l’assistance judiciaire ou de l’aide scolaire. Elle est également importante pour la sensibilisation de l’opinion publique aux préoccupations des gens du voyage. En soutenant l’association, la Confédération défend les intérêts d’une minorité culturelle suisse, grâce à une organisation indépendante de l’État, gérée par les gens du voyage eux-mêmes.

27.5 Jurisprudence

340.Dans une décision du 28 mars 2003, le Tribunal fédéral a retenu que les plans d’aménagement doivent prévoir des zones et emplacements appropriés, qui puissent servir de lieu de résidence aux gens du voyage conformément à leurs traditions. S’il faut créer une nouvelle place de stationnement d’une certaine importance, un plan d’affectation spécial doit être établi selon la législation sur l’aménagement du territoire. Le Tribunal a ainsi rejeté le recours d’un membre de la communauté des gens du voyage, qui demandait qu’une dérogation lui soit accordée pour l’aménagement d’un emplacement pour plusieurs caravanes et d’installations ouvertes à d’autres membres de la communauté sur un terrain situé en zone agricole. Suite à cette décision, les besoins des gens du voyage sont davantage pris en compte dans l’aménagement du territoire et les prescriptions juridiques en matière de construction.

27.6 Minorités religieuses

341.À l’occasion du recensement 2000 (dernier en date), la répartition de la population suisse se présentait comme suit: Eglise catholique romaine: 41,82 % (1990: 46,1 %); Église évangélique réformée: 33,04 % (1990: 38,5 %); Églises évangéliques libres: 2,21 % (1990: 2,2 %); Église catholique-chrétienne: 0,18 % (1990: 0,17 %); Églises orthodoxes: 1,81 % (1990: 1 %); communauté islamique: 4,26 % (1990: 2,2 %); communauté israélite: 0,25 % (1990: 0,25 %); autres Églises et communautés religieuses: 0,78 % (1990: 0,4 %); aucune appartenance: 11,1 % (1990: 7,4 %). L’évolution des dix dernières années montre, d’une part, le recul marqué des deux Églises chrétiennes traditionnellement implantées en Suisse (Église catholique romaine et Église évangélique réformée), lié à l’augmentation de la part de la population ne se situant dans aucune communauté religieuse et, d’autre part, la forte progression des Églises orthodoxes et de la communauté islamique. La progression des deux dernières communautés religieuses citées s’explique notamment par l’immigration en provenance des Balkans (notamment des États du territoire de l’ex-Yougoslavie).

342.Des projets de construction de minarets se sont heurtés à de la résistance dans plusieurs cantons. Des recours ont été déposés dans les cantons de Soleure et Berne; l’argumentation formulée relevait principalement du droit de la construction et de la planification. Les deux procédures sont encore en suspens. Par ailleurs, les parlements des cantons de Saint-Gall et Soleure ont refusé d’instaurer une interdiction générale des minarets. Des initiatives parlementaires exigeant une telle interdiction sont en suspens dans les cantons de Zurich et du Tessin. À Berne, le parlement cantonal a refusé une motion obligeant à soumettre au peuple la construction de tout édifice religieux. Sur le plan fédéral, la récolte de signatures pour l’initiative populaire demandant l’interdiction des minarets a débuté le 1er mai 2007.

343.Le 16 décembre 2005, le Parlement a adopté une nouvelle loi sur la protection des animaux (LPA). Lors de la mise en consultation du projet en 2000, le Conseil fédéral avait souhaité assouplir l’interdiction totale de l’abattage rituel des mammifères, qui existait en Suisse depuis 1893. Il proposait que des animaux puissent, à certaines conditions, être abattus sans étourdissement avant la saignée, de sorte à prendre en compte, dans la balance des intérêts en présence, la liberté de conscience et de religion des communautés juive et musulmane. Suite à une vive opposition de la part de la plupart des cantons et de différents groupes d’intérêts, le Conseil fédéral a dû renoncer à cette modification. La nouvelle loi sur la protection des animaux consacre en revanche expressément le droit d’importer de la viande d’animaux abattus selon les rituels juif et musulman. Elle devrait entrer en vigueur fin 2007. Une initiative populaire, intitulée «Pour une conception moderne de la protection des animaux» et prévoyant entre autres l’interdiction d’importer de la viande d’animaux abattus sans étourdissement avant la saignée, a été rejetée par le Conseil d’État en octobre 2004 et par le Conseil national en juin 2005. Une autre initiative populaire «Contre l’abattage rituel des animaux sans étourdissement préalable», lancée en 2002, n’a pas abouti faute d’avoir atteint le nombre de signatures requis.

TROISIÈME PARTIE:

RÉPONSES AUX SUJETS DE PRÉOCCUPATION RELEVÉS PAR LE COMITÉ DANS SES OBSERVATIONS FINALES DU 12 NOVEMBRE 2001 (CCPR/CO/73/CH)

I. R É SERVES AU PACTE ET ADH É SION AU PROTOCOLE FACULTATIF

344. «Le Comité demeure préoccupé de ce que l’État partie n’a pas jugé bon de retirer ses réserves au Pacte. Il note que l’administration fédérale a mandat d’examiner la question de la levée des réserves aux instruments relatifs aux droits de l’homme et exprime l’espoir que toutes les réserves au Pacte auront été retirées lorsque sera examiné le prochain rapport. En  outre, le Comité recommande de nouveau à l’État partie d’adhérer au Protocole facultatif se rapportant au Pacte.»

1. Réserves retirées dans la période sous revue

345.La réserve concernant l’article 14, paragraphe 3, lettres D et f (gratuité de l’assistance d’un avocat d’office et d’un interprète) a pu être retirée le 12 janvier 2004 (voir ch. 6).

346.La loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (voir ch. 11), prévoit que les mineurs sont placés dans un établissement spécial ou dans une division particulière d’une maison d’arrêts, où ils sont séparés des détenus adultes. L’entrée en vigueur de ces dispositions rend sans objet la réserve formulée à l’article 10, paragraphe 2, lettre B du Pacte ONU II.

347.La réserve faite à l’article 14, paragraphe 1, du Pacte ONU II est identique à celle concernant l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, levée par la Suisse le 29 août 2000. L’entrée en vigueur de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral ainsi que de la loi fédérale sur le Tribunal administratif fédéral, le 1er janvier 2007 (voir ch. 11), concrétise la garantie de procédure judiciaire énoncée à l’article 30 de la Constitution fédérale. La réserve faite à l’article 14, paragraphe 1 du Pacte ONU II, devient ainsi sans objet.

348.Le Tribunal pénal fédéral a débuté son activité le 1er avril 2004, date de l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur le Tribunal pénal fédéral (voir ch. 11). Il juge en tant que première instance les cas pénaux relevant de la juridiction fédérale et statue ainsi comme autorité précédant le Tribunal fédéral. La réserve faite à l’article 14, paragraphe 5, du Pacte ONU II devient ainsi sans objet.

349.Par décision du 4 avril 2007, notifiée au Secrétaire Général des Nations Unies le 1er mai 2007, le Conseil fédéral a décidé de retirer les réserves mentionnées aux chiffres 346 à 348.

2. Réserves maintenues

350.La réserve faite à l’article 12, paragraphe 1, du Pacte ONU II n’a pas pu être retirée dans la période du rapport. En effet, selon l’article 37, alinéa 1 de la loi fédérale sur les étrangers (Letr; FF 2002 3604 ss.), qui entrera en vigueur le 1er janvier 2008 (voir ch. 11), les titulaires d’une autorisation de courte durée ou de séjour voulant déplacer leur lieu de résidence dans un autre canton doivent solliciter au préalable une autorisation de ce dernier. Pour les ressortissants d’un État membre de l’UE, voir plus haut, chiffre 205.

351.La réserve émise à l’article 20, paragraphe 1, du Pacte ONU II n’a pas pu être retirée dans la période sous revue, faute de loi interdisant expressément la propagande en faveur de la guerre. Certaines formes de propagande en faveur de la guerre tombent toutefois sous le coup des dispositions du code pénal suisse (voir le titre 13 «Crimes ou délits contre l’État et la défense nationale» et le titre 16 «Crimes ou délits de nature à compromettre les relations avec l’étranger» du code pénal suisse). En outre, les articles 184 et 185 permettent au Conseil fédéral d’interdire la propagande en faveur de la guerre.

352.La réserve à l’article 25, lettre B du Pacte ONU II n’a pas pu être retirée dans la période sous revue, parce que dans deux cantons l’assemblée des citoyens (Landsgemeinde) est l’organe électoral suprême (Appenzell Rhodes Intérieures) ou l’autorité législative et l’organe électoral suprême (Glaris).

353.La Suisse s’est abstenue de lever, au cours de la période sous revue, la réserve émise à l’article 26 du Pacte ONU II, par souci d’éviter que le champ d’application de l’article 26 n’aille au-delà de celui de l’article 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

3. Protocole facultatif

354.L’adhésion au premier Protocole facultatif du Pacte figurait au programme de la législature 1999-2003. On y trouvait la volonté de soumettre un message au Parlement concernant sa ratification. Cet objectif n’est plus à l’ordre du jour dans le rapport de la législature de 2003‑2007.

II. RESPECT DES OBLIGATIONS DU PACTE PAR LES AUTORIT É S DE TOUS LES CANTONS ET COMMUNAUT É S

355. «Le Comité est préoccupé de ce que le respect par l’État partie des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte sur toute l’étendue de son territoire risque d’être entravé par la structure fédérale qui est la sienne. Il rappelle à l’État partie qu’en vertu de son article 50, les dispositions du Pacte «s’appliquent, sans limitation ni exception aucune, à toutes les unités constitutives des États fédératifs». L’État partie devrait prendre des mesures pour veiller à ce que les autorités de tous les cantons et communautés aient connaissance des droits énoncés dans le Pacte et de leur devoir d’en garantir le respect.»

356.La Suisse reste fidèle à la conception moniste du droit, qu’elle applique depuis de très nombreuses années déjà. Selon l’article 5, alinéa 4, de la Constitution, les normes de droit international sont donc automatiquement assimilées au droit national dès leur entrée en vigueur. Entre conventions internationales et législations cantonales ou communales, la hiérarchie des normes est donc claire puisque les traités ratifiés par la Confédération sont considérés comme droit fédéral et puisque celui-ci prime toutes les normes cantonales ou communales. En vertu de l’article 191 de la Constitution, le Tribunal fédéral et les autres autorités sont en outre tenus d’appliquer non seulement les lois fédérales, mais aussi le droit international. Enfin il importe de rappeler que le Tribunal fédéral peut contrôler la constitutionnalité des décisions cantonales, y compris leur conformité avec les droits reconnus dans le Pacte (contrôle de la constitutionnalité des lois: voir le Document de base constituant la première partie des rapports de mise en œuvre des traités des Nations Unies relatifs aux Droits de l’Homme, du 20 décembre 2000, ch. 45 et ch. 76ss).

357.L’article 54, alinéa 1, de la Constitution fédérale confère par ailleurs à la Confédération une compétence globale en matière de conclusion de traités internationaux. Les cantons sont tenus d’appliquer et d’exécuter les traités ratifiés par la Confédération au même titre que toutes les autres normes de la législation fédérale. Dans le cadre de la surveillance fédérale, la Confédération peut, si nécessaire, enjoindre aux cantons d’appliquer des traités internationaux de manière correcte et en temps utile.

358.La réforme de la justice a doté la Suisse des bases constitutionnelles pour l’unification de la procédure civile et de la procédure pénale. Le remplacement des réglementations cantonales par des codes de procédure unifiés facilitera la mise en œuvre des garanties de procédure figurant dans le Pacte.

III. L É GISLATION D’URGENCE

359. «Le Comité est préoccupé par le fait qu’une législation d’urgence «dépourvue de base constitutionnelle», autorisée en vertu de l’article 165 de la Constitution fédérale, puisse conduire à une dérogation aux droits prévus par le Pacte sans que soient satisfaites les prescriptions de l’article 4 de ce dernier. L’ État partie devrait veiller à ce que les modalités encadrant l’adoption d’une législation d’urgence garantissent le respect des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4 du Pacte.»

360.Comme déjà mentionné sous chiffre 108, les droits mentionnés à l’article 4, paragraphe 2, du Pacte ne souffrent aucune atteinte à leur contenu essentiel, même en cas de danger exceptionnel menaçant l’existence de la nation. L’édiction d’un droit de nécessité extraconstitutionnel (voir ch. 104 ss) serait en tous les cas respectueux de ces droits.

IV. INCIDENTS D’INTOL É RANCE RACIALE

361. «Le Comité est préoccupé par l’augmentation du nombre d’incidents d’intolérance raciale. Tout en louant les efforts incessants déployés par la Commission fédérale contre le racisme pour lutter contre l’antisémitisme, le racisme et la xénophobie, il note que cette commission n’a pas le pouvoir d’engager des poursuites judiciaires pour lutter contre l’incitation à la haine raciale et la discrimination raciale. L’ État partie devrait veiller à ce que ses lois contre l’incitation à la haine raciale et la discrimination raciale soient strictement appliquées. Il devrait envisager d’élargir le mandat de la Commission fédérale contre le racisme ou de créer un mécanisme de défense des droits de l’homme indépendant, habilité à ester en justice (art. 2 et 20 du Pacte).»

1. Protection légale et judiciaire

362.Pour ce qui est de la norme pénale antiraciste, voir plus haut, chiffres 36 et 37. S’agissant de la jurisprudence de l’article 261 bis du code pénal, voir chiffre 49ss. À propos des mesures de prévention, voir chiffre 54 ss.

2. Service de lutte contre le racisme et Commission fédérale contre le racisme

363.La création en 2001 du Service de lutte contre le racisme (SLR) a permis de quasiment doubler les forces engagées contre le racisme (voir ch. 39 ss.). Le SLR est chargé de coordonner et mettre en réseau les mesures adoptées par l’administration fédérale contre le racisme et l’extrémisme, et joue un rôle d’interlocuteur auprès des cantons, des communes et des tiers. Ce renfort permet à la Commission fédérale contre le racisme (CFR) de concentrer ses activités sur la sensibilisation et l’action de principe. La CFR n’est pas un organisme officiel de protection des droits de l’homme au sens des Principes de Paris, mais une institution nationale spécialisée dans la lutte contre le racisme. À ce titre, elle entretient des contacts avec d’autres organismes nationaux de lutte contre le racisme et de défense des droits de l’homme. Cela permet, d’une part, un transfert de savoir-faire et, d’autre part, la comparaison de la situation en Suisse avec la situation telle qu’elle se présente dans d’autres pays européens (voir ch. 44 ss).

3. Service spécialisé Extrémisme dans l’armée

364.Le travail du Service comporte huit mesures principales. Outre la création d’un service central de coordination, faisant office de cellule de contact, ce sont l’échange régulier d’informations entre les autorités fédérales, de nouvelles études scientifiques (notamment dans le cadre du programme du Fonds national suisse «Extrémisme de droite: causes et mesures à prendre [PNR 40+]), la sensibilisation en matière d’extrémisme, le réexamen de la politique d’information du DDPS lors de cas problématiques isolés, la participation du DDPS au groupe d’experts sur l’extrémisme (pour explorer la nécessité d’agir sur le plan du droit fédéral), le perfectionnement du processus des contrôles de sécurité relatifs aux personnes et la définition de critères d’exclusion en cas d’activités extrémistes.

365.L’expérience montre que les cas d’extrémisme sont statistiquement très rares à l’armée (< 0,1 ‰ des militaires). Bien des militaires, à commencer par les jeunes cadres, s’avèrent très sensibles à cette problématique. Après un examen approfondi de la question, le Conseil fédéral a renoncé à la création d’une norme d’exclusion pour l’extrémisme. Car il aurait fallu déterminer, à l’occasion d’une décision politique, quelles tournures d’esprit sont incompatibles avec le maintien dans l’armée, opération jugée particulièrement délicate à plus d’un titre – caractère inquisitorial, risque d’abus, système de milice.

366.Dans la pratique actuelle, les normes d’exclusion en place sont efficaces contre les personnes méritant clairement d’être exclues de l’armée. Si une exclusion ne s’avère pas nécessaire, d’autres mesures peuvent être adoptées, comme un licenciement anticipé, un changement d’incorporation ou la suspension des convocations et des promotions.

4. Organe de protection des droits de l’homme

367.La discussion relative à l’institution d’une commission fédérale des droits de l’homme a été lancée par deux initiatives parlementaires demandant la création d’un tel organisme. En outre, le Conseil fédéral a été chargé de rédiger un rapport à ce sujet. Sur la base d’une enquête menée auprès d’experts et de personnes intéressées dans l’administration fédérale, au Parlement, dans les cantons, l’économie et les milieux scientifiques, des consultants externes à l’administration ont réalisé une étude fondamentale proposant six modèles de commission fédérale des droits de l’homme, compte tenu, entre autres, des Principes de Paris. En accord avec l’auteur de l’initiative et en se fondant sur ce rapport, le Département Fédéral des Affaires Etrangères (DFAE) a étudié la possibilité d’adapter le mandat d’une commission existante œuvrant dans le domaine des droits de l’homme. Une extension du mandat de la Commission Fédéral contre le Racisme a été envisagée dans ce contexte. Le DFAE estime que les travaux entrepris jusqu’ici et les contacts noués ont montré qu’il était tout à fait possible de trouver un modèle qui repose sur une base très large et qui permette de tirer partie des effets de synergie. Les consultations menées ont également montré que les cantons sont intéressés ou potentiellement intéressés par les services que fournirait un tel organisme. Soucieux d’associer dès le départ les cantons au processus décisionnel, le DFAE a proposé la création au début de l’année 2007 d’un groupe de travail mixte Confédération – cantons, chargé de remettre un rapport au Conseil fédéral.

V. É GALITÉ ENTRE HOMMES ET FEMMES

368. «En ce qui concerne l’article 3 du Pacte, le Comité reconnaît les progrès réalisés depuis le rapport initial pour ce qui est de promouvoir l’égalité entre hommes et femmes et note en particulier le lancement du Plan d’action pour l’égalité entre hommes et femmes. Il demeure néanmoins préoccupé de ce que les femmes sont toujours défavorisées dans de nombreux domaines, notamment en ce qui concerne l’application du principe «à travail égal, salaire égal», et l’accès aux postes de décision, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. L’État partie devrait exécuter son Plan d’action et adopter une politique contraignante pour assurer le respect de l’article 3 du Pacte sur toute l’étendue de son territoire.»

1. É galité des chances

369.Au-delà des développements concernant l’article 3, les statistiques relatives au personnel de l’administration fédérale méritent d’être citées. Elles montrent que la proportion des femmes est de 28,7 % au total. Les comparaisons sur plusieurs années font ressortir sa hausse continue: depuis 1999, le pourcentage de femmes a augmenté de 5,4 % en valeur absolue. Leur répartition selon les groupes de classes de salaire donne une image différenciée. Seuls 8,1 % des employés des classes de salaire des cadres du plus haut niveau sont des femmes. Elles sont 20,2 % dans les classes de salaire élevées et 25 % dans celles du groupe intermédiaire. Les femmes sont les plus représentées (36,8 %) dans les groupes de classes de salaire inférieures. Enfin, 18,8 % des employés fédéraux – essentiellement des femmes et des personnes rangées dans des classes du bas de l’échelle – travaillent à temps partiel.

370.L’égalité des chances entre femmes et hommes est une préoccupation importante de la Confédération en tant qu’employeur. De nouvelles instructions sur l’égalité des chances sont en vigueur depuis le 1er mars 2003. Elles prévoient notamment que jusqu’à ce que la parité soit atteinte dans tous les domaines d’activité et à chaque échelon, les départements créent les conditions nécessaires permettant d’augmenter le pourcentage du sexe sous-représenté. Les unités administratives doivent prévoir les ressources financières et personnelles requises pour réaliser des mesures adéquates à tous les niveaux. Les instructions précisent par ailleurs les compétences des départements, soulignent la responsabilité et les tâches des responsables hiérarchiques, des déléguées ou délégués à l’égalité des chances dans l’administration fédérale et confèrent à l’Office fédéral du personnel (OFPER) le rôle d’instance consultative. Les départements établissent, selon leurs besoins et pour une période de quatre ans, un catalogue de mesures dont le degré de priorité respectif sera fixé chaque année. Les instructions contiennent par ailleurs des dispositions sur le recrutement, la sélection, l’engagement et l’évaluation du personnel. Il y est spécifié qu’à qualification équivalente, les personnes responsables de l’engagement tiennent compte en priorité des candidatures du sexe sous-représenté jusqu’à ce que la parité entre femmes et hommes soit atteinte au niveau de l’unité d’organisation concernée. Cela vaut notamment pour les places d’apprentissage et les postes de cadres. Les instructions assurent enfin un contrôle de gestion régulier, confié à l’OFPER. Celui-ci adresse chaque année un rapport au Conseil fédéral sur le développement quantitatif de l’égalité des chances, et résume à l’intention du Conseil fédéral les rapports que les départements sont tenus de lui présenter tous les quatre ans.

371.L’OFPER a mis au point ces dernières années, sur mandat du Conseil fédéral, un système de rapports périodiques fournissant des informations sur la répartition des sexes en fonction de l’âge et des classes de salaire. Il a également élaboré des instruments (guides et listes de contrôle) ciblés sur la réalisation de l’égalité des chances dans divers domaines de l’organisation du travail des départements ou offices.

2. É limination des différences de salaire dans l’administration fédéral e

372.Les salaires des employés de l’administration fédérale dépendent de la fonction, de l’expérience et de la prestation, conformément à l’article 15, alinéa 1, de la loi sur le personnel de la Confédération (Lpers). L’ordonnance sur le personnel de la Confédération (Opers) précise ce principe comme suit: les critères déterminants pour l’évaluation de la fonction sont la formation requise, l’étendue des tâches ainsi que le niveau d’exigences, de responsabilités et de risques inhérents à la fonction. Chaque fonction est évaluée sur la base de ces principes. Les critères utilisés, de même que la procédure d’évaluation en plusieurs étapes, tiennent compte du principe «à travail de valeur égale, salaire égal». Les classifications à caractère subjectif, établies sur des critères étrangers à la fonction, comme le sexe, n’ont pas de place dans le système d’évaluation en vigueur à la Confédération. Ainsi son utilisation correcte prévient une classification arbitrairement basse du personnel féminin ou des fonctions principalement occupées par des femmes.

373.Le salaire de départ est déterminé selon les directives générales, compte tenu du diplôme de fin d’études exigé ainsi que de l’expérience professionnelle et extra-professionnelle imputable. L’évolution salariale repose sur l’évaluation du personnel et se situe dans une fourchette de 0 à 6 %, en fonction des prestations fournies. Le reporting annuel sur l’application du système salarial montre que trois ans après l’introduction du nouveau système, on ne peut pas parler d’écart systématique entre les femmes et les hommes lors de l’attribution des échelons d’évaluation. Les hommes ont bien obtenu un peu plus souvent un A+ dans la phase initiale. Mais depuis 2004, les évaluations tendent à converger. En outre, la formation des cadres dirigeants se poursuit, de manière à rendre les évaluations du personnel non discriminatoires.

3. Marchés publics

374.Aux termes de l’article 8, alinéa 1, lettre C de la loi fédérale sur les marchés publics (LMP), les services publics d’achats ne peuvent adjuger un mandat qu’à un soumissionnaire garantissant le principe de l’égalité de salaire entre femmes et hommes. Les entreprises ne respectant pas ce principe peuvent être exclues des procédures d’achats en cours. Or cette disposition entrée en vigueur en 1996 n’a guère servi, faute d’instruments et de procédures permettant de contrôler le respect de l’égalité de salaire dans les entreprises. Un instrument de contrôle a été développé depuis, sur mandat du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) et de la Commission des achats de la Confédération (CAC). La Confédération l’a testé entre 2001 et 2003 dans une phase-pilote. Dans deux des cinq entreprises étudiées, une importante inégalité de salaire fondée sur le sexe a été constatée. Un tel contrôle requiert certes des connaissances statistiques approfondies, mais le BFEG fournit le soutien d’experts avérés pour les entreprises souhaitant procéder à des autocontrôles. Le BFEG mise en premier lieu sur la responsabilité personnelle des entreprises et mène un travail d’information et de sensibilisation pour la renforcer. Il a conçu par ailleurs un outil de test permettant aux entreprises de vérifier rapidement si elles respectent l’égalité salariale.

375.Le BFEG est également compétent, en vertu de l’ordonnance sur les marchés publics, pour contrôler régulièrement le respect de la clause d’égalité. Or il n’existe à ce jour ni procédure juridique adéquate, ni structures permettant notamment de sanctionner les entreprises en infraction. Il est toutefois prévu de compléter dans ce sens la loi sur les marchés publics, à sa prochaine révision.

376.La clause d’égalité salariale inscrite dans la loi sur les marchés publics ne vaut que pour les prestations fournies en Suisse. À ce propos, la Direction du développement et de la coopération (DDC) est en train d’intégrer une clause d’égalité salariale dans tous les marchés publics portant sur des prestations fournies à l’étranger.

4. Accès aux postes de décisions dans les secteurs public et privé

377.Comme indiqué aux chiffres 84 ss., le Conseil fédéral a adopté à l’intention du Parlement, le 15 février 2006, un rapport relatif à l’évaluation de l’efficacité de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (loi sur l’égalité; Leg). Il y conclut que la loi sur l’égalité a eu incontestablement des effets positifs depuis son entrée en vigueur il y a dix ans. Elle met à la disposition des personnes concernées par une discrimination des instruments leur permettant de faire valoir leurs droits. Néanmoins la loi ne peut pas, à elle seule, réaliser l’égalité dans les rapports de travail. Il faut pour cela modifier les conditions-cadres à différents niveaux et amener les entreprises à assumer activement leur responsabilité en la matière. Aux yeux du Conseil fédéral, les principales mesures à prendre sont une meilleure information du public et une plus grande sensibilisation à la cause de l’égalité, ainsi que la mise en place de mesures incitatives pour les entreprises.

VI. DISCRIMINATION DANS LE SECTEUR PRIV É

378. «Le Comité est préoccupé par le fait qu’une législation visant à protéger les individus de la discrimination dans le secteur privé n’existe pas sur toute l’étendue du territoire de l’État partie.

L ’ État partie devrait faire en sorte qu ’ existe sur toute l ’ étendue de son territoire une législation visant à protéger les individus contre toute discrimination dans le domaine privé, conformément aux articles 2 et 3 du Pacte.»

379.Pour ce qui est de l’interdiction de discrimination en général, voir plus haut les explications concernant les articles 2 et 3.

380.Outre les dispositions garantissant les droits fondamentaux (Constitution, CEDH, Pacte ONU II), le droit suisse contient des bases légales contribuant à prévenir les discriminations dans le cadre de lois spécifiques. En vertu de l’article 35, alinéa 3 de la Constitution, les autorités veillent à ce que les droits fondamentaux, dans la mesure où ils s’y prêtent, soient aussi réalisés dans les relations qui lient les particuliers entre eux. Les Tribunaux peuvent donc − en interprétant en conséquence les prescriptions de droit civil dans les rapports de droit privé et en invoquant le devoir de protection de l’État − obtenir l’application de l’interdiction de toute discrimination également entre personnes privées.

381.Plusieurs dispositions du droit en vigueur permettent de lutter contre les discriminations dans le secteur privé. Ainsi l’article 28 du Code civil (protection de la personnalité) s’applique non seulement à la valeur morale de l’être humain, mais aussi à sa considération professionnelle et sociale. Une diffamation à motivation raciste pouvant être considérée comme une atteinte à la dignité humaine enfreindrait donc le principe de la protection de la personnalité reconnu en droit civil. De même, les articles 328 (protection de la personnalité du travailleur) et 336 et suivants (protection contre les congés abusifs) du Code des obligations ainsi que l’article 6 de la loi sur le travail assurent une protection complète aux personnes directement atteintes dans leurs droits de la personnalité du fait d’une discrimination. En outre, en vertu de l’article 8, alinéa 1, lettre B de la loi fédérale sur les marchés publics, un marché ne peut être adjugé qu’à un soumissionnaire observant les dispositions suisses relatives à la protection des travailleurs, dont l’interdiction de toute discrimination fait partie. Le Conseil fédéral est en outre convaincu que les instruments développés et convenus par les partenaires sociaux sur la base d’une collaboration librement consentie fournissent une base solide à la prévention et à la lutte contre les discriminations.

382.Le droit privé suisse est fondé sur l’autonomie individuelle. Dans le droit des obligations, cette autonomie individuelle est matérialisée par la liberté contractuelle qui implique, entre autres, la liberté des transactions, la liberté de choisir l’autre partie au contrat, la liberté de définir le contenu du contrat, la liberté de forme, et la liberté de résiliation. Conformément à la jurisprudence et à la doctrine dominante, et à l’exception de quelques cas particuliers, un effet direct des interdictions de toute discrimination sur les relations entre particuliers est, par principe, exclu. Dans un jugement récent, le Tribunal fédérala estimé qu’en l’absence de bases légales explicites, il était possible, tout à fait exceptionnellement, de conclure à une obligation de contracter relevant du droit privé sur la base de principes généraux. Selon le Tribunal fédéral, il y a lieu d’admettre une telle obligation lorsque ces quatre conditions sont remplies cumulativement: la prestation en question est l’objet d’une offre générale et publique; l’offre se rapporte à des besoins courants, est à la disposition de pratiquement tout le monde et peut être acceptée au quotidien; en raison de la position de force de l’offreur sur le marché, les clients potentiels n’ont pas d’alternative acceptable pour couvrir leurs besoins normaux; l’offreur n’invoque pas de raisons justifiées objectivement à son refus de contracter.

VII. BRUTALIT É S POLICI È RES

383. «Le Comité est profondément préoccupé par le fait que des informations font état de brutalités policières à l’égard de personnes mises en état d’arrestation et détenues, notant que souvent ces personnes sont des étrangers. Il est également préoccupé de ce que de nombreux cantons ne possèdent pas de mécanismes indépendants d’enquête sur les plaintes concernant les violences et autres agissements répréhensibles que commettrait la police. La possibilité d’intenter une action en justice ne saurait se substituer à de tels mécanismes.

L’ État partie devrait veiller à ce que des organismes indépendants habilités à enregistrer toutes les plaintes concernant le recours à une force excessive et d’autres abus de pouvoir commis par la police et à enquêter effectivement sur ces plaintes soient établis dans tous les cantons. Les pouvoirs dont ces organismes seraient investis devraient être suffisants pour garantir que les responsables soient traduits devant les tribunaux ou, selon le cas, encourent des sanctions disciplinaires suffisamment graves pour être dissuasives et que les victimes reçoivent une indemnisation adéquate (art. 7 du Pacte).»

1. Généralités

384.À titre liminaire, il convient de préciser que les plaintes déposées à l’encontre de policiers sont en principe de la compétence des cantons. Il n’existe pas à ce jour en Suisse de base de données statistiques sur ce point. Il semblerait néanmoins, sur la base d’informations livrées par les cantons, que les régions les plus concernées seraient le Tessin et Genève, qui sont tous deux des cantons frontaliers connaissant une proportion d’étrangers résidents importante. Néanmoins, il est important de souligner que les allégations de violence policière restent très marginales. Ainsi, à Genève, en 2004, sur 4 923 arrestations, 35 ont débouché sur une plainte pénale et seule une condamnation a été prononcée.

385.Dans ce contexte, il convient aussi de signaler que, d’après les statistiques, la proportion d’étrangers en détention atteint en 2005 70,5 %. Ce montant est composé de 24,5 % d’étrangers résidant en Suisse, 17,8 % de requérants d’asile et 38,4 % d’étrangers ayant un lieu de résidence à l’étranger ou inconnu.

386.L’usage de la force par la police doit être limité à ce qui est strictement nécessaire et, dès l’instant où une personne interpellée est maîtrisée, rien ne saurait justifier qu’elle soit malmenée. Ce sont-là des principes fondamentaux repris par toutes les normes cantonales réglant l’activité de la police. Ces dernières disposent que les policiers doivent respecter les principes de la légalité, de la proportionnalité et de l’intérêt public. Ceci implique forcément l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Toutefois, presque tous les cantons ont adopté des dispositions spécifiques dans leur loi cantonale sur la police ou leur code de procédure pénale (Vaud, Argovie, Schaffhouse, Fribourg) ou des directives internes spécifiques (Genève, Appenzell Rhodes Extérieures, Argovie, Schaffhouse, Soleure, Schwyz, Uri, Obwald), voire encore des codes de déontologie (Genève, Neuchâtel, Fribourg, Bâle‑Campagne).

387.Lors de leur formation initiale, les aspirants suivent dans tous les cantons des cours sur l’«Éthique et droits de l’homme» comprenant des informations et des analyses pratiques. La problématique de la torture y est aussi abordée spécifiquement. Les intervenants et professeurs sont souvent des spécialistes en la matière, comme les représentants suisses au CPT ou le Président de l’APT (Association pour la prévention de la torture). En formation continue, des rappels sont donnés, de manière plus accrue encore pour les cadres. Finalement, certains cantons organisent régulièrement des rencontres avec des ONG actives dans le domaine, comme l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) ou Amnesty international.

388.Le Conseil fédéral a en outre transmis aux chambres, le 18 janvier 2006, le projet de loifédérale sur l’usage de la contrainte et des mesures policières dans les domaines relevant de la Confédération. En cas d’acceptationpar les Chambres, la loi pourrait entrer en vigueur en janvier 2008 (voir ch. 21).

389.Une délégation du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a visité la Suisse en octobre 2003 (voir ch. 125). Elle n’a constaté aucun indice permettant de conclure à l’application de la torture ou de mauvais traitements graves. La Délégation a confirmé que des progrès importants avaient été réalisés depuis sa dernière visite, en particulier dans le cadre des opérations d’éloignement d’étrangers par la voie aérienne.

390.Depuis 2006, des cadres de la police suisse participent à des rencontres avec des homologues de différents pays européens concernant la représentation de minorités d’une certaine importance dans les corps de police (diversity). Le concept a été mis en œuvre par la police cantonale de Bâle-Ville, qui compte des agents ayant la nationalité allemande, italienne, autrichienne, turque, française, anglaise ou polonaise. D’autres cantons examinent actuellement s’ils pourraient faire de même.

2. Mécanismes d’enquêtes indépendants

391.La protection des citoyens contre les abus de pouvoir de la police a été améliorée. Depuis 2003, le canton de Zoug possède un service de médiation cantonal, institué sous le titre de «Vermittler in Konfliktsituationen». Des services de médiation aux compétences générales existent en outre dans les cantons de Zurich, Bâle-Ville et Bâle-Campagne ainsi que dans les villes de Winterthur, Berne et Saint-Gall. Après la découverte d’une série de comportements abusifs reprochés à la police municipale, la Ville de Zurich avait institué un service de contact et de recours indépendant en matière de police. Celui-ci n’ayant pas constaté d’abus systématiques sous la forme d’agressions par la police municipale et après que le chef du service eut proposé une série de mesures destinées à limiter au minimum le recours à la violence, le service a été fusionné avec l’Office du médiateur de la Ville de Zurich au milieu de l’année 2003. Le Délégué aux recours du Département de la police et des affaires militaires du canton de Bâle-Ville n’a, pour sa part, enregistré qu’un seul cas de violence policière dirigée contre un étranger au cours de ces deux dernières années. Des sanctions ont été prises contre l’agent fautif.

392.Le canton de Genève connaît également un mécanisme spécifique, indépendant de la police, chargé d’enquêter sur les allégations de mauvais traitements à l’encontre de la police. Il s’agit du commissariat de déontologie, qui est un organe composé du commissaire à la déontologie, de deux adjoints choisis par le Conseil d’État hors de l’administration et d’un secrétariat (voir art. 38 de la loi sur la police). Chaque mois, l’État-major de la police établit une liste de l’ensemble des situations et circonstances qui nécessitèrent l’usage de la contrainte. Le commissariat examine ces rapports et s’assure que le principe de la proportionnalité a été respecté. En cas d’allégations de mauvais traitements, il diligente l’enquête administrative. Il élabore aussi des directives à usage de la police.

393.Les autres cantons, s’ils ne connaissent pas d’organe spécifique pour le traitement de ces plaintes, n’en sont pas moins sensibles aux questions d’indépendance et d’impartialité et prennent différentes mesures visant à garantir le respect de ces principes constitutionnels. Dans plusieurs cantons, la plainte est transmise directement au procureur et l’enquête est menée par un juge d’instruction (Neuchâtel, Schaffhouse, Berne, Vaud), voire même un juge d’un autre canton (Appenzell Rhodes Extérieures). Dans le canton du Valais, le juge d’instruction désigne les personnes qui vont procéder à l’enquête (en lieu et place du commandant de la police).

394.Sur ce point, il convient de souligner que le projet de procédure pénale unifiée prévoit de soumettre les décisions et les actes de procédure de la police au contrôle d’un tribunal (autorité de recours; art. 401 P-CPP).

VIII. PROC É DURE P É NALE

395. «Le Comité est préoccupé de ce que nombre des garanties énoncées aux articles 9 et 14 sont absentes des codes de procédure pénale de certains cantons, et de ce qu’un code de procédure pénale unifié n’a pas encore été adopté. En conséquence, les droits prévus aux articles 9 et 14 ne sont pas toujours respectés. Le Comité est particulièrement préoccupé par les informations qu’il continue de recevoir selon lesquelles des détenus se sont vu dénier le droit de se mettre en rapport avec un avocat au moment de leur arrestation ou d’informer un proche parent de leur détention.

L ’ État partie devrait prendre des mesures pour garantir la mise en œuvre effective de tous les droits prévus aux articles 9 et 14 du Pacte sur toute l ’ étendue de son territoire.»

396.Il convient de préciser que les droits prévus expressément aux articles 9 et 14 sont tous garantis dans le système judiciaire suisse. Ils figurent expressément dans les bases légales en vigueur ou, à défaut, les droits correspondants peuvent être déduits directement du droit supérieur (Cst., CEDH, Pacte ONU II) et de la jurisprudence déterminante du Tribunal fédéral.

397.La nouvelle Constitution fédérale contient expressément le droit à l’information des proches (art. 31, al. 2) et le droit de faire valoir les droits de la défense, dont le droit à l’assistance judiciaire (art. 32, al. 2). Le projet de Code de procédure pénal unifiée concrétise ces droits dans diverses dispositions (art. 213; art. 155 et 156 P-CPP; voir ch. 12 et 216 ss).

IX. EXPULSION D’ÉTRANGERS

398. «Le Comité est profondément préoccupé par le fait qu’au cours de l’expulsion d’étrangers, il y a eu des cas de traitement dégradant et de recours à une force excessive ayant parfois entraîné la mort de l’expulsé.

L ’ État partie devrait veiller à ce que tous les cas d ’ expulsion forcée soient traités d ’ une manière compatible avec les articles 6 et 7 du Pacte. En particulier, l ’ État partie devrait veiller à ce que les méthodes de contrainte utilisées ne mettent pas en jeu la vie et l ’ intégrité physique des personnes concernées.»

399.Ce thème a été traité dans le «follow-up» aux observations finales du Comité du 4 novembre 2002.

400.Le 18 janvier 2006, le Conseil fédéral a transmis aux chambres le projet de loi fédérale sur l’usage de la contrainte et des mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération (loi sur l’usage de la contrainte, LusC, FF 2006 2429; voir ch. 21).

401.Même si l’on doit la genèse de ce projet à la survenance d’accidents graves dans le cadre de rapatriements forcés d’étrangers, son champ d’application va bien au-delà de ces rapatriements. Entrent notamment dans le champ d’application toutes les situations où les autorités fédérales sont amenées à faire usage de la contrainte dans le cadre de l’exécution de leurs tâches (notamment police judiciaire fédérale, douanes, sécurité des bâtiments fédéraux) ainsi que lors de transports de personnes effectués sur mandat d’une autorité fédérale. Le projet concerne également les particuliers qui exécutent des tâches pour le compte des autorités en qualité d’auxiliaires.

402.Lors de sa dernière visite en Suisse, au printemps 2005, le Comité de Prévention de la Torture du Conseil de l’Europe (CPT) a salué le projet susmentionné. La seule critique exprimée par le CPT avait trait à l’admission des dispositifs incapacitants (appareils à électrochocs) qui, depuis lors, ont été biffés du projet.

403.En outre, la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) a adopté, le 11 avril 2002, une directive relative aux rapatriements sous contrainte par voie aérienne.

404.Finalement, chaque année, plusieurs cours de formation pour escortes policières sont donnés en Suisse. Plus de 200 policiers ont été formés à cet effet. Lors de ces cours, le principe de proportionnalité est développé et des directives sont données aux agents pour leur expliquer comment agir en fonction de ce principe lors de rapatriements.

X. D É TENTION AU SECRET

405. «Le Comité note les explications de la délégation selon lesquelles la détention au secret n’est pas pratiquée en Suisse, mais il est préoccupé par le fait que le Code de procédure pénale de certains cantons autoriserait une telle détention.

L ’ État partie devrait faire en sorte que ses lois n ’ autorisent nulle part dans le pays la détention au secret en violation des articles 9 et 10 du Pacte.»

406.Le terme «mise au secret» n’existe plus que dans trois codes de procédure cantonaux (Vaud, Genève, Valais). Lors du deuxième rapport périodique, la Suisse avait déjà expliqué que, même si cette expression, certes malheureuse, figure encore dans les codes précités, la mesure draconienne d’isolation totale du prévenu a été complètement abandonnée et ce par tous les cantons suisses. Seule est encore admise la limitation temporaire des contacts de la personne privée de liberté, sous contrôle judiciaire. Les relations avec les mandataires sont toujours garanties. Ainsi, la «mise au secret» n’existe définitivement plus en Suisse. Voir également ch. 195ss.

407.Il est donc logique que le projet de code de procédure pénale unifiée ne prévoie pas non plus la possibilité de la «mise au secret». Au contraire, les personnes qui ont été privées de leur liberté ont toujours le droit de communiquer librement, c’est-à-dire sans surveillance, avec leur défenseur. L’article 156 P-CPP consacre le droit du défenseur d’assister aux interrogatoires de police et de communiquer librement avec son client lors de l’arrestation provisoire (durée limitée à 24 heures). Pour la durée de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, l’article 222 prévoit que le prévenu peut communiquer en tout temps et sans surveillance avec son défenseur, que ce soit oralement ou par écrit. Dans des cas exceptionnels uniquement, la libre communication d’une personne en détention préventive avec son défenseur peut être limitée temporairement (au sens de l’art. 234, al. 4, P-CPP). Pour pouvoir agir dans ce sens, il faut qu’un risque concret d’abus existe. Ensuite, les restrictions doivent être limitées dans le temps et approuvées par un tribunal. Même lorsque des limitations sont imposées, celles-ci n’ont jamais l’effet d’une «mise au secret» parce que la communication avec le défenseur n’est pas complètement interdite mais simplement limitée. Peuvent être considérées comme des restrictions admissibles, le fait d’exiger par exemple que les contacts personnels du prévenu avec son défenseur se fassent dans un local doté d’une vitre de séparation ou encore la surveillance du courrier postal entre le défenseur et son client.

408.Quant à la correspondance avec d’autres personnes, elle est soumise (conformément à l’art. 234, al. 3, P-CPP) au contrôle du contenu par la direction de la procédure afin d’empêcher tout risque de collusion. Est exclue du contrôle la correspondance échangée avec les autorités de surveillance et les autorités pénales.

409.Il résulte de tout ce qui précède que non seulement la «mise au secret» n’existe pas dans le projet de code de procédure pénale suisse mais que les règles que celui-ci contient l’empêcheraient de toute façon d’avoir quelque effet que ce soit, puisque les contacts avec le défenseur sont garantis dès la détention préventive.

410.La réglementation du projet de code de procédure pénale suisse concrétise les exigences posées par la Constitution fédérale, la Convention européenne des Droits de l’Homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en matière de droit au respect de la sphère privée, exigences que les codes de procédure pénale cantonaux en vigueur sont déjà tenus de respecter.

XI. DISTINCTION ENTRE CITOYENS ET É TRANGERS

411. «Le Comité est préoccupé par les conséquences des distinctions faites, dans différents textes législatifs, entre citoyens et non-citoyens, ces derniers constituant une fraction considérable des effectifs de la main-d’œuvre. Les étrangers sans permis de travail risquent en particulier d’être victimes d’exploitation et d’abus. Une autre catégorie de personnes vulnérables concerne les conjoints étrangers d’étrangers titulaires d’un permis de séjour, qui risquent d’être expulsés si cesse la cohabitation de fait et peuvent donc être contraints de ne pas quitter un conjoint qui les maltraite.

L ’ État partie devrait examiner sa politique concernant les distinctions entre citoyens et étrangers et entre différentes catégories d ’ étrangers, en particulier ceux qui n ’ ont pas de papiers et les conjoints d ’ étrangers titulaires de permis de séjour, pour veiller à ce que les droits de ces personnes consacrés par le Pacte soient respectés et gar antis (art. 2, 3, 9, 12, 17  et 23).»

1. Généralités

412.Voir les développements relatifs à l’intégration des étrangers faits plus haut (ch. 57 ss) et ceux concernant les limitations au principe d’égalité sur la base de la nationalité (ch. 66 ss).

2. É trangers sans permis de travail

413.Ce thème a été traité dans le «follow-up» aux observations finales du 4 novembre 2002.

414.Selon une étude menée en automne 2004 (voir ch. 63), quelque 90 000 personnes vivraient en Suisse sans autorisation (sans-papiers). Avant sa publication, les estimations du nombre des sans-papiers vivant en Suisse se situaient entre 50 000 et 300 000. Outre ces chiffres, l’étude vient aussi rectifier les idées fausses que certains se faisaient du phénomène: la présence de sans‑papiers n’est pas tant due à la politique d’asile, mais plutôt à la situation sur le marché du travail.

415.Lorsqu’elles sont confrontées aux cas de personnes qui ne sont pas autorisées à séjourner en Suisse, les autorités se fondent sur la réglementation applicable aux cas de rigueur extrême, qui existe depuis longtemps et qui a été traitée dans le «follow-up» aux observations finales du 4 novembre 2002. La circulaire de l’Office fédéral des étrangers et de l’Office fédéral des réfugiés du 21 décembre 2001, dont il est question dans le «follow-up», a été remplacée par la Circulaire de l’Office fédéral des migrations (ODM) du 1er janvier 2007. Les demandes de dérogation à la règle des nombres maximums en cas de situation d’extrême gravité (art. 13, let. f, OLE), sont examinées individuellement et de manière approfondie par l’ODM. Cette procédure nécessite cependant un préavis favorable de la part de l’autorité cantonale compétente quant à la délivrance d’une autorisation de séjour au requérant. Lors de l’examen des cas personnels d’extrême gravité, les autorités doivent tenir compte de tous les aspects individuels. Les autorités prennent les renseignements nécessaires pour déterminer si, compte tenu de la situation personnelle, économique et sociale du requérant, on peut raisonnablement lui demander de rentrer au pays et d’y demeurer. Pour cela, sa future situation à l’étranger doit être comparée avec la situation personnelle qui est la sienne en Suisse. Le cas personnel d’extrême gravité ne peut en effet être admis que si l’étranger en question se trouve dans une situation de détresse. Ainsi, ses conditions de vie et d’existence doivent être pires que celles que connaît la moyenne des étrangers et le refus d’une autorisation de séjour aurait pour la personne concernée des conséquences graves. Les critères déterminants pour l’évaluation d’un cas de rigueur sont la durée de son séjour, la situation scolaire des enfants, le comportement irréprochable et la bonne réputation du requérant, l’intégration sociale de tous les membres de la famille, l’état de santé de tous les membres de la famille, son intégration sur le marché du travail et la présence de membres de sa famille, en Suisse ou à l’étranger. On tient également compte des possibilités de logement et d’intégration à l’étranger ainsi que, le cas échéant, des procédures antérieures d’autorisation. Finalement, on considère également l’attitude des autorités compétentes chargées de l’exécution de la législation sur les étrangers dans le cas concret. Cette pratique, qui a jusque-là donné satisfaction, doit également être poursuivie avec la Loi sur les étrangers (ch. 11).

416.Selon la circulaire précitée, l’ODM a restreint le cercle des personnes ayant la possibilité de faire valoir une situation personnelle d’extrême gravité (art. 13f OLE) à celles dont le statut est régi par la législation sur les étrangers. Les requérants d’asile vivant en Suisse depuis plusieurs années dont la demande a été rejetée ne peuvent donc plus bénéficier de l’article 13f OLE. Ils ont néanmoins la possibilité, depuis janvier 2007, d’obtenir sous certaines conditions une autorisation de séjour, conformément à l’article 14, alinéa 2, de la loi révisée sur l’asile. La personne concernée doit avoir séjourné en Suisse depuis au moins cinq ans à compter du dépôt de la demande d’asile et son lieu de séjour doit toujours avoir été connu des autorités. En outre, il doit s’agir d’un cas de rigueur grave en raison de l’intégration poussée de la personne concernée. Un cas de rigueur grave (art. 14 Lasi) pourra être examiné non seulement pour les étrangers avec une procédure d’asile en cours, mais également pour les requérants d’asile déboutés. Ces personnes devront cependant quitter la Suisse s’il n’existe pas de situation de rigueur.

417.De septembre 2001 à mai 2006, les autorités ont légalisé la situation d’environ 1900 personnes. 1168 ont fait l’objet de décisions négatives, 218 de décisions de non-entrée en matière.

418.Le groupe de travail Sans-papiers, présidé par un membre de la Commission fédérales des étrangers (CFE), a été institué à l’initiative de la CFE, avec le soutien de la plate-forme «Pour une table ronde au sujet des sans-papiers». Cette instance indépendante formée d’experts se penche sur les dossiers des personnes sans statut de séjour légal et examine s’il y a lieu de recommander une régularisation aux autorités cantonales compétentes. En outre, le groupe de travail Sans-papiers s’entretient régulièrement avec les services compétents de la Confédération et des cantons et examine les possibilités d’une collaboration renforcée.

419.L’étude de l’automne 2004 montre aussi que la plupart des sans-papiers exercent une activité lucrative, qu’ils travaillent souvent dans des conditions précaires en étant mal payés et en ayant des horaires de travail très longs. Afin de lutter contre le travail au noir, l’entrée en vigueur de la loi fédérale concernant des mesures en matière de lutte contre le travail au noir (LTN), dont il est question dans le «follow-up», est prévue pour le 1er janvier 2008.

420.À fin janvier 2006, le nombre de requérants d’asile admis en Suisse à titre provisoire était de 24 600. Leur taux d’occupation (34 %) n’atteint même pas la moitié de celui des étrangers au bénéfice d’un permis de séjour en Suisse. L’expérience a montré qu’une grande majorité de ces personnes demeurent en Suisse pendant très longtemps ou même pour toujours. Afin de permettre à ce groupe de personnes d’intégrer la vie professionnelle le plus tôt possible, mais aussi afin de faire des économies au niveau de l’aide sociale, le Conseil fédéral a, au 1er avril 2006, adapté les prescriptions en matière de priorité dans le recrutement (art. 7, al. 3, OLE): lorsqu’il s’agit de l’exercice d’une première activité, la priorité est accordée, outre aux travailleurs indigènes, aux demandeurs d’emploi étrangers se trouvant déjà en Suisse et autorisés à travailler. Les étrangers admis à titre provisoire bénéficient du même traitement.

421.La nouvelle Loi sur les étrangers (Letr), dont l’entrée en vigueur est prévue pour début 2008, facilite également la mobilité professionnelle des travailleurs étrangers en provenance d’États tiers.

422.En ce qui concerne les citoyens des pays membres de l’UE-17 ou de l’AELE, l’accord sur la libre circulation des personnes prévoit la libre circulation dès 2007, au terme d’un délai transitoire de cinq ans (voir art. 10 ALCP; voir aussi ch. 205).

3. Conjoints étrangers d’étrangers risquant l’expulsion

423.Ce thème a été traité dans le «follow-up» aux observations finales du 4 novembre 2002.

424.La nouvelle Loi sur les étrangers (Letr) (art. 50) prévoit que le conjoint étranger d’un ressortissant suisse ou d’un étranger établi en Suisse conserve le droit à l’octroi d’une autorisation de séjour, en cas de dissolution de l’union conjugale, si le mariage a duré au moins trois ans et si l’intégration est réussie. Un tel droit existe également si la poursuite du séjour en Suisse s’impose pour des raisons personnelles majeures. L’article 50 Letr précise que les raisons personnelles majeures visées sont notamment données lorsque le conjoint est victime de violence conjugale et que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise.

XII. DIFFUSION DES TEXTES

425. «L’ État partie devrait donner une large diffusion au texte de son deuxième rapport périodique, aux réponses écrites qu’il a apportées à la liste des points à traiter établie par le Comité et, en particulier, aux présentes observations finales.»

426.Le Gouvernement suisse diffuse ses rapports étatiques et les observations finales du Comité sur les sites Internet de l’Office fédéral de la justice du Département fédéral de justice et police et de la Direction du droit international public du Département fédéral des affaires étrangères. En outre, il existe aussi la possibilité de s’informer à ce sujet sur les sites de certaines ONG suisses engagées dans la défense des droits de l’homme. L’Université de Berne, avec le soutien financier de la Confédération, a développé l’Index universel des droits de l’homme. Il s’agit d’une banque de données en ligne permettant d’accéder en un coup d’œil, pour chaque pays et droit par droit, à l’information en matière de droits de l’homme émanant du système des Nations Unies. On y trouve toutes les observations et recommandations concernant la Suisse adoptées par les organes des traités (depuis 2000) et les procédures spéciales (depuis 2006).

427.Mis à part la diffusion sur Internet des rapports et des observations finales, tous les cantons en reçoivent un exemplaire, étant tous impliqués dans la préparation du rapport et concernés par son application ainsi que par les conclusions du Comité. Il en va de même pour chaque office fédéral ou toute autre instance directement impliquée.

428.Les rapports sont disponibles en français, en allemand et en italien alors que les observations finales le sont en français et en anglais.

XIII. RENSEIGNEMENTS SUR L’APPLICATION DES RECOMMANDATIONS DU COMIT É FIGURANT AUX PAR AGRAPHES 13 ET 15 DES OBSERVATIONS FINALES

429. «Il est demandé à l’ État partie, conformément au paragraphe 5 de l’article 70 du règlement intérieur du Comité, de communiquer, dans un délai de 12 mois, des renseignements sur l’application des recommandations du Comité figurant aux paragraphes 13 et 15 des présentes observations finales. Le Comité demande que les renseignements relatifs à ses autres recommandations soient inclus dans le troisième rapport périodique, qui doit lui être soumis d’ici au 1 er  novembre 2006.»

430.Les renseignements concernant l’application des recommandations du Comité figurant aux paragraphes 13 (expulsion d’étrangers) et 15 (distinction entre citoyens et étrangers) des observations finales du 12 novembre 2001 ont été rendus dans le délai le 4 novembre 2002 conformément à l’article 70, paragraphe 5 du règlement intérieur du Comité. Les renseignements concernant les autres recommandations figurant dans les observations finales se trouvent inclus dans la troisième partie du présent rapport.

L iste des abréviations

Textes légaux

ALCP

Accord sur la libre circulation des personnes, du 21 juin 1999

CC

Code civil suisse, du 10 décembre 1907

CEDH

Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du 1er novembre 1950

CO

Code des obligations suisse, du 30 mars 1911

CP

Code pénal suisse, du 21 décembre 1937

P-CPP

Projet de Code de procédure pénal suisse

Cst.

Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 29 mai 1874

DPMin

Loi fédérale sur le droit pénal des mineurs, du 20 juin 2003

EIMP

Loi fédérale sur l’entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1982

LAFam

Loi fédérale sur les allocations familiales, du 24 mars 2006

LAMal

Loi fédérale sur l’assurance-maladie, du 18 mars 1994

LAPG

Loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité, du 25 septembre 1952

LAsi

Loi fédérale sur l’asile, du 26 juin 1998

LAVI

Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions, du 4 octobre 1991

LAVS

Loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946

LEg

Loi fédérale sur l’égalité, du 24 mai 1995

Letr

Loi fédérale sur les étrangers, du 16 décembre 2005

LFIS

Loi fédérale sur l’investigation secrète, du 20 juin 2003

Lhand

Loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées, du 13 décembre 2002

LMP

Loi fédérale sur les marchés publics, du 16 décembre 1994

LMSI

Loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure, du 21 mars 1997

LN

Loi fédérale sur l’acquisition et la perte de la nationalité suisse, du 29 septembre 1952

LPA

Loi fédérale sur la protection des animaux, du 9 mars 1978

LPart

Loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe, du 18 juin 2004

LPD

Loi fédérale sur la protection des données, du 19 juin 1992

LPers

Loi fédérale sur le personnel de la Confédération, du 24 mars 2000

LSC

Loi fédérale sur le service civil, du 6 octobre 1995

LSCPT

Loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication, du 6 octobre 2000

LSEE

Loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers, du 26 mars 1931

LTAF

Loi fédérale sur le Tribunal administratif fédéral, du 17 juin 2005

LTF

Loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005

LTN

Loi fédérale concernant des mesures en matière de lutte contre le travail au noir, du 17 juin 2005

LTPF

Loi fédérale sur le Tribunal pénal fédéral, du 4 octobre 2002

LTr

Loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce, du 13 mars 1964

Ltrans

Loi fédérale sur le principe de la transparence dans l’administration, du 17 décembre 2004

LusC

Projet de loi fédérale sur l’usage de la contrainte et des mesures policières dans les domaines relevant de la Confédération

OIE

Ordonnance sur l’intégration des étrangers, du 13 septembre 2000

OJF

Loi fédérale d’organisation judiciaire, du 16 décembre 1943

OLE

Ordonnance limitant le nombre des étrangers, du 6 octobre 1986

PPF

Loi fédérale sur la procédure pénale, du 15 juin 1934

PPMin

Loi fédérale régissant la procédure pénale applicable aux mineurs

Recueils de législation et de jurisprudence, messages du Conseil fédéral

ATF

Recueil des arrêts du Tribunal fédéral suisse

FF

Feuille fédérale

RO

Recueil officiel des lois fédérales

RS

Recueil systématique du droit fédéral

JICRA

Jurisprudence et Informations de la Commission suisse de recours en matière d ’ asile

Organes fédéraux, Organisations internationales, Comités et Commissions

AELE

Association européenne de libre-échange

BFEG

Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes

BFEH

Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées

CAT

Comité contre la torture des Nations Unies

CCDJP

Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police

CERD

Comité des Nations Unies pour l’élimination pour toutes les formes de discrimination raciale

CIP

Commission des institutions politiques

CFE

Commission fédérale des étrangers

CFQR

Commission fédérale pour les questions féminines

CFR

Commission fédérale contre le racisme

CPT

Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants

CRA

Commission suisse de recours en matière d’asile

DDC

Direction de l’aide au développement et de la coopération

DDPS

Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports

DFAE

Département fédéral des affaires étrangères

DFE

Département fédéral de l’économie publique

DFI

Département fédéral de l’intérieur

DFJP

Département fédéral de justice et police

ECRI

Commission européenne contre le racisme et l’intolérance

OCDE

Organisation de coordination et de développement économiques

ODM

Office fédéral des migrations

OFAS

Office fédéral des assurances sociales

OFPER

Office fédéral du personnel

OFSP

Office fédéral de la santé publique

OIM

Organisation internationale pour les migrations

OIT

Organisation internationale du Travail

OSCE

Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

SCOCI

Service de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet

SCOTT

Service de coordination contre la traite d’êtres humains et le trafic de migrants

SLR

Service de lutte contre le racisme

UE

Union européenne

D ocumentation

La Constitution fédérale ainsi que tous les textes de loi et les documents cités ou mentionnés dans le présent rapport peuvent être obtenus auprès de l’Office fédéral de la justice, Domaine de direction Droit public, Unité Droit européen et protection des droits de l’Homme, Bundesrain 20, 3003 Berne.

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