Nations Unies

CAT/C/POL/CO/7

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

29 août 2019

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le septième rapport périodique de la Pologne *

1.Le Comité contre la torture a examiné le septième rapport périodique de la Pologne (CAT/C/POL/7) à ses 1759e et 1762e séances (voir CAT/C/SR.1759 et 1762), les 23 et 24 juillet 2019, et a adopté les présentes observations finales à sa 1776e séance, le 5 août 2019.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite du dialogue qu’il a eu avec la délégation de l’État partie ainsi que des réponses apportées oralement et par écrit aux préoccupations qu’il avait exprimées.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après :

a)Le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, en 2014 ;

b)La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, en 2015 ;

c)La Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, en 2015.

4.Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour réviser sa législation dans des domaines intéressant la Convention, notamment : 

a)Les modifications apportées au Code de procédure pénale, entrées en vigueur le 1er juillet 2015, qui visaient à supprimer la possibilité de refuser la communication des dossiers en rapport avec la détention provisoire ou sa prolongation, à faire en sorte que les recours formés contre une décision de placement en détention provisoire soient examinés dans les sept jours suivant leur dépôt, à prolonger le délai autorisé pour le dépôt de la caution, ce qui peut avoir pour effet de transformer la détention provisoire en mesure de substitution, à garantir que la détention provisoire ne soit pas prolongée au-delà de douze mois, lorsque la peine privative de liberté encourue n’excède pas trois ans, ou au-delà de deux ans lorsque ladite peine n’excède pas cinq ans, et à permettre au suspect ou à l’accusé de bénéficier de l’assistance d’un interprète pour s’entretenir avec son avocat ;

b)Les modifications qui ont été apportées en 2014 à la législation pénale afin que les infractions sexuelles visées aux articles 197 à 199 du Code pénal soient poursuivies d’office, et qui ont abrogé l’article 205 dudit Code, abolissant ainsi les modalités de poursuite appliquées dans les affaires de viol avant le 27 janvier 2014.

5.Le Comité salue en outre les mesures que l’État partie a prises pour modifier ses politiques, programmes et mesures administratives en vue de donner effet à la Convention, notamment :

a)L’adoption par le Conseil des ministres, en 2014, du programme national de lutte contre la violence familiale pour la période 2014‑2020, et du plan national d’action pour l’égalité de traitement ;

b)La publication par le Procureur général, en 2014, de directives à l’intention du ministère public, sur la conduite de la procédure pénale dans les affaires relatives à des cas de privation de la vie ou de peines ou traitements inhumains ou dégradants impliquant des policiers ou d’autres agents de l’État ;

c)L’adoption par le Parlement, en 2016, du programme de modernisation de l’administration pénitentiaire pour la période 2017-2020 ;

d)La publication par le chef de la Police du règlement no 14 sur les activités de lutte contre la traite des êtres humains, en 2016 ;

e)La mise en place d’un système de surveillance électronique comme forme de peine privative de liberté pour les personnes condamnées à moins d’un an d’emprisonnement, et la mise en liberté de 2 735 personnes équipées d’un tel système, en 2016 ;

f)L’entrée en vigueur d’un document réglementant l’utilisation des armes à impulsion électrique par la police, en août 2018.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

6.Dans ses précédentes observations finales (CAT/C/POL/CO/5-6, par. 29), le Comité avait demandé à l’État partie de lui faire parvenir des renseignements complémentaires sur certains points suscitant des préoccupations particulières, notamment sur le renforcement des garanties juridiques pour les personnes privées de liberté (par. 8), la protection des demandeurs d’asile (par. 13), l’ouverture sans délai d’enquêtes impartiales et efficaces sur toutes les allégations d’actes de torture et de mauvais traitements (par. 18), et les voies de recours et les réparations offertes aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements (par. 21). Le Comité remercie l’État partie des informations qu’il a fournies sur ces points le 19 novembre 2014 (CAT/C/POL/CO/5-6/Add.1). Il note toutefois avec regret que l’État partie n’a pas donné suite à la demande d’informations complémentaires qui figurait dans la lettre envoyée le 29 août 2016 par le Rapporteur chargé du suivi des observations finales. À la lumière des informations reçues et des sujets de préoccupation exposés ci-après (voir les paragraphes 12, 15, 16, 18, 25, 26, 31, 32, 34, 36 et 38), le Comité considère que les recommandations formulées aux paragraphes 8, 13, 18 et 21 de ses précédentes observations finales ont été partiellement mises en œuvre.

Définition de la torture en tant qu’infraction pénale distincte

7.Le Comité note avec préoccupation :

a)Que ses précédentes recommandations visant à remédier à l’absence, dans le Code pénal de l’État partie, de disposition érigeant la torture en infraction distincte conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention (A/55/44, par. 92 à 95, CAT/C/POL/CO/4, par.6 et CAT/C/POL/CO/5-6, par.7) n’ont pas été appliquées à ce jour ;

b)Qu’il n’existe toujours pas, dans la législation de l’État partie, de définition de la torture qui englobe tous les éléments figurant à l’article premier de la Convention et prévoie des peines à la mesure de la gravité de cette infraction ;

c)Que les différentes dispositions du Code pénal citées par la délégation de l’État partie qui continuent d’être « appliquées dans les cas de torture » se rapportent à toutes sortes d’infractions − atteintes à l’intégrité physique, menaces, violences à l’égard d’une personne dépendante, actes causant des dommages corporels, contrainte par la violence ou la menace, usage de la violence physique ou psychologique et de la menace par un agent de l’État pour obtenir des aveux − qui sont sans commune mesure avec la gravité de l’infraction de torture, ce qui empêche l’ouverture sans délai d’enquêtes impartiales et la condamnation des auteurs à des peines appropriées ;

d)Que le projet visant à incorporer une définition de la torture dans le Code pénal présenté par le Ministre de la justice en 2017 a été rejeté en première lecture par le Sejm (chambre basse du Parlement) ;

e)Que le délai de prescription n’a pas été expressément aboli pour les actes de torture (art. 1er, 2 et 4).

8. Le Comité :

a) Réitère ses précédentes recommandations et invite instamment l’État partie à prendre des mesures législatives concrètes pour ériger expressément la torture en infraction distincte dans son Code pénal et adopter une définition de la torture qui englobe tous les éléments figurant à l’article premier de la Convention ;

b) Engage vivement l’État partie à faire en sorte que la torture soit punie de peines à la mesure de la gravité de cette infraction, ainsi que le prévoit le paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention, ce qui permettrait en outre d’établir une distinction entre les actes de torture et les mauvais traitements. L’État partie devrait aussi veiller à ce que les auteurs d’actes de torture soient condamnés à des peines à la mesure de la gravité de ces actes, conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention ;

c) Appelle à nouveau l’attention de l’État partie sur son observation générale n o  2 (2007) relative à l’application de l’article 2, dans laquelle il souligne que, si la définition de la torture en droit interne est trop éloignée de celle énoncée dans la Convention, le vide juridique réel ou potentiel qui en découle peut ouvrir la voie à l’impunité (par. 9) ;

d) Prie instamment l’État partie de faire en sorte que l’interdiction absolue de la torture ne soit susceptible d’aucune dérogation, que les actes de torture soient imprescriptibles et qu’ils ne se limitent pas aux actes commis dans le contexte de crimes contre l’humanité ou aux souffrances extrêmes infligées par un agent de l’État ;

e) Demande à l’État partie de lui faire parvenir des informations concernant l’état d’avancement et les résultats de la réflexion lancée par le Ministre de la justice quant à l’opportunité d’incorporer l’incrimination de torture dans le Code pénal.

Place de la Convention dans l’ordre juridique interne

9.Le Comité prend note de l’affirmation selon laquelle la Convention est directement applicable sur le territoire de l’État partie, mais il constate avec préoccupation :

a)Que, selon les informations dont il dispose, la Convention a été citée comme source du droit pour la première et unique fois dans la décision d’un juge du tribunal régional de Lublin en 2018 ;

b)Que la mise en œuvre de la Convention dans l’État partie va nécessairement être entravée par les réformes du système judiciaire, notamment celles concernant le Tribunal constitutionnel, qui portent atteinte au principe de l’indépendance judiciaire consacré par la Constitution et permettent aux pouvoirs législatif et exécutif de s’immiscer dans l’administration de la justice, comme le relève le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats dans son rapport sur sa mission en Pologne (A/HRC/38/38/Add.1) (art. 1er, 2 et 4).

10. L’État partie devrait :

a) Préciser la place de la Convention dans l’ordre juridique interne et garantir que les dispositions de la Convention sont pleinement applicables en tant que source du droit ;

b) Veiller à ce que les juges, les magistrats, les procureurs, les avocats et autres agents de l’État concernés reçoivent une formation sur l’application de la Convention afin qu’ils soient en mesure d’invoquer les droits consacrés par ses dispositions, de les faire valoir et de les appliquer directement devant les tribunaux ;

c) Faire parvenir au Comité des informations détaillées sur les affaires dans lesquelles les dispositions de la Convention ont été invoquées et directement appliquées par les juridictions nationales ;

d) Réexaminer la réforme judiciaire en cours pour s’assurer qu’elle soit conforme aux normes internationales relatives à l’indépendance du pouvoir judiciaire, aux principes de l’état de droit et de la séparation des pouvoirs, et à la Constitution de l’État partie.

Utilisation de preuves obtenues par des moyens illégaux

11.Le Comité est gravement préoccupé par le fait qu’au regard de l’article 168a du Code de procédure pénale, les preuves obtenues illégalement, y compris par des actes constitutifs d’une infraction pénale, ne sont considérées comme irrecevables que dans les cas où il a été recouru au meurtre, à des atteintes délibérées à la santé d’autrui ou à la privation illégale de liberté pour les obtenir. Il est en outre préoccupé par l’absence de statistiques concernant les affaires dans lesquelles des preuves ou des témoignages ont été déclarés irrecevables au motif qu’ils avaient été obtenus par la torture ou des mauvais traitements, et par le fait que des aveux obtenus par la contrainte peuvent encore être invoqués comme preuve devant les tribunaux (art. 2, 15 et 16).

12. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures législatives concrètes pour établir expressément l’irrecevabilité, dans tout e procédure judiciaire, de preuves obtenues par la torture ou des mauvais traitements, conformément à l’article 15 de la Convention, et d’abroger l’article 168a du Code de procédure pénale ;

b) De veiller à ce que les tribunaux examinent les circonstances dans lesquelles ont été obtenus les déclarations et les aveux invoqués dans la procédure, notamment les déclarations par lesquelles des personnes interrogées en qualité de témoins se sont accusées elles-mêmes, et de s’assurer qu’ils suspendent la procédure jusqu’à ce qu’une enquête approfondie ait été menée à ce sujet, s’il est allégué que des aveux ont été obtenus par la contrainte ;

c) De prendre sans attendre des mesures pour faire en sorte que, dans la pratique, toute déclaration obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme élément de preuve dans une procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture pour établir que la déclaration a été obtenue par ce moyen ;

d) De veiller à ce que soient réexaminés les verdicts de culpabilité fondés exclusivement sur des aveux, en particulier en cas d’aveux obtenus par la torture, et à ce que des enquêtes impartiales sur les affaires concernées soient menées sans délai afin que les personnes déclarées coupables sur la base de preuves obtenues par la contrainte puissent être rejugées et obtenir une réparation appropriée et que les auteurs soient poursuivis et condamnés, y compris en application du principe de la responsabilité du supérieur hiérarchique ;

e) De dispenser aux juges et aux procureurs une formation pour leur apprendre à reconnaître les signes de torture et de mauvais traitements et à enquêter efficacement sur toute allégation relative à des aveux obtenus par la torture ;

f) De collecter des informations statistiques sur des cas de témoignages qui ont été déclarés irrecevables au motif qu’ils avaient été obtenus par la torture ou par des mauvais traitements, et d’en faire part au Comité dans le prochain rapport périodique.

Modifications récentes du Code pénal

13.Le Comité est gravement préoccupé par les modifications du Code pénal que le Sejm a approuvées en mai 2019 après seulement deux jours de discussion et qui, selon le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, ont eu des répercussions négatives sur certaines catégories de détenus, ont durci les peines prévues pour un grand nombre d’infractions, ont allongé la durée minimale des peines d’emprisonnement et leur durée maximale, qui a été portée à trente ans, ont restreint la capacité d’appliquer des peines non privatives de liberté, ont prorogé le délai requis pour pouvoir présenter une demande de libération conditionnelle, ont fait passer de vingt-cinq à trente-cinq ans la période d’emprisonnement au terme de laquelle les condamnés à la réclusion à perpétuité ou à une peine d’au moins vingt ans d’emprisonnement peuvent présenter une demande de libération conditionnelle et ont instauré l’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle (art. 2, 4, 11, 13 et 16).

14. Le Comité engage le Sénat à examiner très attentivement la teneur et les répercussions possibles des modifications du Code pénal approuvées par le Sejm en mai 2019, notamment à la lumière des obligations internationales de l’État partie. Si elles sont adoptées, ces modifications pourraient notamment entraîner une augmentation considérable de la population carcérale du pays et compromettre le respect du princip e de la dignité humaine et de l’approche axée sur le traitement humain et la réadaptation des prisonniers que préconisent la Constitution et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels la Pologne est partie.

Garanties juridiques fondamentales

15.Le Comité note avec préoccupation :

a)Que, dans la pratique, les personnes privées de liberté ne bénéficient pas de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de la privation de liberté, notamment de l’accès à un avocat ou à un conseil juridique avant le premier interrogatoire ;

b)Que les agents des commissariats de police semblent ignorer qu’ils sont tenus de fournir aux personnes qui ont droit à l’assistance gratuite d’un conseil une liste des avocats et conseils juridiques de permanence désignés au titre de l’aide juridictionnelle, de sorte que les défenseurs publics, qui d’après certaines informations sont contactés plusieurs jours, voire plusieurs semaines après le début de la détention, ne peuvent généralement pas assister au premier interrogatoire ;

c)Qu’en raison de dysfonctionnements dans la tenue des registres de la police, les avocats ont du mal à localiser leurs clients avant le premier interrogatoire et que certains commissariats sont dépourvus de salles garantissant la confidentialité des entretiens, lesquels se tiennent dans les couloirs et en présence de policiers ;

d)Que le Code de procédure pénale contient toujours des dispositions prévoyant des restrictions à la confidentialité des échanges entre l’avocat et son client, restrictions dont l’application peut durer jusqu’à quatorze jours sans faire l’objet d’un examen par un juge ;

e)Que le procureur peut autoriser l’interrogatoire d’un suspect en l’absence de son avocat ;

f)Que les amendements qu’il est proposé d’apporter au Code d’exécution des peines limiteraient l’accès des personnes privées de liberté à un avocat et autoriseraient les fouilles corporelles, pratique pouvant être considérée comme dégradante, y compris par des personnes du sexe opposé et que le droit des personnes privées de liberté d’être examinées sans délai par un médecin n’est pas toujours respecté (art. 2).

16. L’État partie devrait prendre des mesures concrètes pour faire en sorte que, conformément aux normes internationales, tous les détenus bénéficient, en droit et dans la pratique, de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de la privation de liberté, notamment des garanties mentionnées aux paragraphes 13 et 14 de l’observation générale n o  2 (2008) du Comité. L’État partie devrait en particulier :

a) Prendre des mesures concrètes pour garantir à tous les détenus l’accès à un conseil, y compris les avocats et conseils juridiques de permanence désignés au titre de l’aide juridictionnelle, avant le premier interrogatoire ;

b) Veiller à ce que les agents des commissariats de police s’acquittent de l’obligation qui leur incombe de fournir aux personnes qui ont droit à l’assistance gratuite d’un conseil une liste des avocats et conseils juridiques de permanence désignés au titre de l’aide juridictionnelle ;

c) Faire en sorte que toute privation de liberté soit dûment consignée dans un registre national aux différents stades de la procédure, y compris tout transfèrement d’un lieu de détention à un autre, et que les avocats et les conseils juridiques aient accès à ces informations et qu’ils puissent communiquer sans délai avec leurs clients et s’entretenir avec eux en privé dans des locaux appropriés ;

d) Revoir les dispositions du Code de procédure pénale qui autorisent des restrictions à la confidentialité des échanges entre l’avocat et son client, subordonner l’application de ces dispositions à l’examen d’un juge et rendre les décisions en la matière susceptibles de recours, et veiller à ce que les suspects ne soient pas interrogés hors de la présence de leur avocat ;

e) Faire en sorte que les personnes placées en détention soient examinées en toute confidentialité par un médecin indépendant dans les vingt-quatre heures suivant leur arrivée dans le lieu de détention, qu’elles puissent à tout moment demander à voir un médecin et être examinées hors de portée de voix et hors de la vue des policiers, à moins que le médecin ne demande qu’il en soit autrement, et qu’elles ne soient pas soumises à des fouilles assimilables à un traitement dégradant par des personnes du sexe opposé ;

f) Prendre des mesures concrètes pour mettre sa législation et sa pratique en conformité avec les instruments internationaux auxquels il est partie, notamment la Convention, ainsi qu’avec la directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil.

Détention provisoire

17.Le Comité note avec préoccupation :

a)La fréquence du recours à la détention provisoire et le fait que le Code d’exécution des peines ne précise pas la durée maximale de cette mesure ;

b)Que la détention provisoire peut être prolongée sans justification, que les tribunaux ont des difficultés à justifier les prolongations et que le Code de procédure pénale autorise la prolongation de la détention provisoire pour une durée de six mois après la décision initiale du tribunal de première instance ;

c)Que le Code de procédure pénale dispose que la détention provisoire n’est pas appliquée lorsque l’infraction considérée emporte une peine privative de liberté ne dépassant pas un an, et que les appels interjetés contre les décisions relatives à la détention provisoire aboutissent rarement (art. 2, 14 et 16).

18. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que la détention provisoire soit utilisée à titre exceptionnel, en dernier ressort et pour une durée limitée, et qu’elle soit soumise à une durée maximale prescrite par la loi pouvant faire l’objet d’un contrôle juridictionnel ;

b) Prendre des mesures pour mettre fin à la pratique consistant à prolonger la détention provisoire, et en particulier la prolongation de six mois après la décision initiale du tribunal de première instance autorisée par le Code de procédure pénale ; veiller à ce que la détention provisoire ne soit pas prolongée arbitrairement et à ce que les personnes en détention provisoire soient séparées des condamnés ;

c) Envisager de remplacer la détention provisoire par des mesures non privatives de liberté, en particulier lorsque la peine encourue ne dépasse pas deux ans d’emprisonnement, et prévoir des mesures de substitution à la détention, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) ;

d) Veiller à ce que toute personne ayant été maintenue en détention provisoire de manière prolongée et injustifiée obtienne réparation et reçoive une indemnisation.

Brutalités policières

19.Le Comité est gravement préoccupé par :

a)Les informations dénonçant un usage excessif de la force par la police, y compris au moyen d’armes à décharge électrique (pistolets taser), contre des personnes arrêtées qui avaient été menottées ou immobilisées, alors que la loi ne prévoit le recours à la force que pour faire respecter des ordres de la police ;

b)Les informations selon lesquelles aucune condamnation n’a été prononcée contre les policiers qui ont été inculpés, que dans un cas il était impossible de déterminer l’identité des policiers responsables, et que les personnes blessées par la police ne peuvent généralement obtenir justice que lorsqu’elles saisissent la Cour européenne des droits de l’homme et que celle-ci statue en leur faveur ;

c)Le cas crédible d’une personne qui s’est vu refuser l’accès à un médecin alors qu’elle présentait des ecchymoses et des gonflements après avoir été battue et qu’elle avait signalé à la police qu’elle souffrait de problèmes de santé, et dont les blessures n’ont pas été consignées dans le procès-verbal d’arrestation ;

d)La mort d’Igor Stachowiak dans un poste de police de Wroclaw en mai 2016, après que quatre policiers ont utilisé un pistolet paralysant contre lui alors qu’il était menotté, et le fait que les policiers, bien qu’accusés d’avoir commis une infraction à l’article 247 du Code pénal, ont réintégré leur poste après une courte suspension, et n’ont pas été suspendus de leurs fonctions bien que l’affaire soit toujours pendante (art. 2, 12 à 14 et 16).

20. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que toutes les allégations d’actes de torture et de mauvais traitements par des responsables de l’application des lois et tous les décès en détention donnent rapidement lieu à une enquête effective et impartiale menée par un mécanisme qui soit structurellement et opérationnellement indépendant, à ce qu’il n’y ait aucun lien institutionnel ou hiérarchique entre les enquêteurs et les auteurs présumés des faits et à ce que ces derniers, s’ils sont reconnus coupables, soient condamnés à une peine proportionnée à la gravité de leurs actes ;

b) Garantir que toutes les personnes visées par une enquête pour des actes de torture ou des mauvais traitements soient immédiatement suspendues de leurs fonctions et le restent pendant toute la durée de l’enquête, tout en veillant au respect du principe de la présomption d’innocence ;

c) Donner effet aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, accélérer les poursuites pénales contre les quatre policiers présumés responsables de la mort d’Igor Stachowiak et informer le Comité de leur issue ;

d) Veiller à ce que soient tenus des registres des blessures dans lesquels les cas de torture et de mauvais traitements peuvent être enregistrés, et à ce que toutes les salles d’interrogatoire dans toutes les régions du pays soient équipées de systèmes de télévision en circuit fermé et du matériel nécessaire pour assurer l’enregistrement vidéo et audio des interrogatoires ;

e) Veiller à ce que l’utilisation d’armes à décharge électrique (pistolets t aser ) obéisse strictement aux principes de nécessité, de subsidiarité, de proportionnalité, d’avertissement préalable (si possible) et de précaution, et s’assurer que ces armes ne font pas partie de l’équipement régulier du personnel de surveillance dans les prisons et autres lieux de privation de liberté, y compris les postes de police ; fournir des informations sur les 23 entités habilitées qui, conformément à la réglementation nationale, sont autorisées à utiliser des armes à décharge électrique, ainsi que sur les caractéristiques des « balles non pénétrantes », les modalités de leur utilisation et leurs effets sur le corps humain ;

f) Dispenser systématiquement à tous les responsables de l’application des lois une formation concernant le recours à la force, y compris dans le contexte du maintien de l’ordre, et les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, l’ordonnance du 17 septembre 1990 sur le recours aux mesures coercitives par la police et la loi du 24 mai 2013 sur les mesures coercitives et les armes à feu.

Programme de transfèrement et autres pratiques internationales

21.Le Comité est préoccupé par le fait que plus d’une décennie après l’achèvement des programmes de transfèrement et de détention secrète de la Central Intelligence Agency (CIA) des états-Unis d’Amérique (de 2001 à 2008), dans le cadre desquels des personnes soupçonnées de crimes liés au terrorisme auraient été soumises à la torture et à des mauvais traitements, l’État partie n’a pas réussi à faire la lumière sur la complicité et les abus de pouvoir des fonctionnaires qui ont permis l’installation de centres de détention dans différentes villes de Pologne entre de 2001 et 2005. Il relève également avec préoccupation que le Parquet régional de Cracovie n’est pas parvenu à rendre une décision dans l’affaire no PR II Ds. 16.2016. Le Comité regrette en outre de ne pas avoir reçu les informations demandées concernant les cas de renvoi, d’extradition et d’expulsion dans lesquels l’État partie a accepté ou offert des assurances diplomatiques ou des garanties équivalentes pendant la période considérée (art. 2, 3, 12 et 13).

22. Le Comité recommande de nouveau à l’État partie de mener à bien l’enquête sur les allégations selon lesquelles il aurait participé au programme de transfèrement et de détention secrète de « détenus de grande valeur » exécuté par la CIA de 2001 à 2008 et de faire en sorte que les personnes impliquées dans les crimes présumés de torture et de mauvais traitements aient à répondre de leurs actes. Il prie instamment l’État partie d’accélérer, dans la mesure du possible, l’enquête du Parquet régional de Cracovie sur l’affaire n o PR II Ds. 16.2016. De plus, l’État partie devrait fournir des informations à jour sur les mesures qu’il a prises comme suite aux arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme dans les affaires Al Nashiri et Husayn (Abu Zubaydah), qui sont devenus définitifs le 16 février 2016, compte tenu notamment de sa ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Enfin, l’État partie devrait fournir des informations sur toutes les assurances diplomatiques qu’il a reçues ou données au cours de la période considérée.

Commissaire aux droits de l’homme et mécanisme national de prévention

23.Le Comité est préoccupé par :

a)Les informations selon lesquelles le Bureau du Commissaire aux droits de l’homme, qui fait également office de mécanisme national de prévention, n’a pas reçu de ressources financières suffisantes pour lui permettre de s’acquitter pleinement et efficacement de son mandat et d’effectuer des visites dans tous les lieux de privation de liberté ;

b)Les informations selon lesquelles le mécanisme national de prévention manque de ressources humaines, institutionnelles et financières et de visibilité et reste mal connu du grand public et des services de police et de justice, ce qui l’a empêché de prendre des mesures de suivi après ses visites dans les lieux de détention et de recruter du personnel spécialisé supplémentaire ;

c)Les attaques personnelles et les critiques qui ont visé l’actuel Commissaire aux droits de l’homme (Médiateur), Adam Bodnar, en particulier après les déclarations qu’il a faites au sujet des événements qui se sont produits en juin et juillet 2019 ;

d)Les informations crédibles selon lesquelles le Commissaire aux droits de l’homme, qui avait été nommé par le Parlement, a été invité à démissionner par l’un des Vice-Ministres de la justice au lendemain de l’examen du septième rapport périodique de la Pologne, dans le cadre duquel le Bureau du Commissaire aux droits de l’homme avait soumis un rapport parallèle qui a été affiché sur la page Web du Comité, ce qui peut être assimilé à un acte de représailles et qui constituerait une ingérence du pouvoir exécutif dans le fonctionnement d’une institution créée par le pouvoir législatif (art. 2).

24. L’État partie devrait :

a) Doter le Bureau du Commissaire aux droits de l’homme des ressources financières dont il a besoin pour pouvoir s’acquitter de son mandat et accroître sensiblement les ressources allouées au mécanisme national de prévention pour lui permettre de fonctionner efficacement, d’engager le personnel spécialisé nécessaire et de s’acquitter pleinement de son mandat conformément au Protocole facultatif se rapportant à la Convention, notamment pour ce qui est d’assurer le suivi de ses visites dans les lieux de privation de liberté. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur les Directives concernant les mécanismes nationaux de prévention élaborées par le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CAT/OP/12/5), selon lesquelles les États parties doivent affecter des ressources suffisantes aux mécanismes nationaux de prévention pour permettre leur fonctionnement effectif, garantir leur entière autonomie financière et opérationnelle afin qu’ils puissent s’acquitter de leurs fonctions et veiller à l’impartialité et à l’indépendance de leurs membres ;

b) Mener une campagne de sensibilisation afin de mieux faire connaître au grand public, aux services de police et de justice et aux institutions médicales le mandat et les activités du mécanisme national de prévention ;

c) Garantir l’indépendance, la sécurité et la capacité d’action du Commissaire aux droits de l’homme afin qu’il puisse s’acquitter pleinement de son mandat constitutionnel, conformément aux normes internationales.

Non-refoulement et modification de la loi sur la protection des ressortissants étrangers

25.Le Comité constate avec préoccupation :

a)Que les personnes ayant besoin d’une protection internationale n’ont pas toujours accès au territoire polonais, en particulier au poste frontière de Terespol avec le Bélarus et au poste frontière de Medyka avec l’Ukraine, même lorsqu’il s’agit de personnes vulnérables ;

b)Que le projet de modification de la loi sur la protection des ressortissants étrangers, adopté en février 2019, pourrait limiter encore davantage l’accès au territoire de l’État partie du fait de l’introduction d’une procédure accélérée à la frontière permettant de rendre une décision dans un délai de vingt jours, qui déboucherait sur le rejet de demandes d’asile, et que les recours devant les tribunaux contre les décisions rendues dans le cadre de la procédure à la frontière n’auraient pas un effet suspensif ;

c)Que les familles avec enfants et les mineurs non accompagnés de plus de 15 ans sont placés dans des centres surveillés pour étrangers où les conditions laissent à désirer ;

d)L’insuffisance des moyens permettant d’identifier les demandeurs d’asile, les réfugiés et les autres personnes ayant besoin d’une protection internationale qui ont été victimes de torture et l’absence de protection et de soins adaptés pour les survivants de violences sexuelles et fondées sur le genre (art. 2, 3, 11 à 13 et 16).

26. L’État partie devrait :

a) Consacrer dans sa législation le principe selon lequel les demandeurs d’asile, et en particulier les enfants et les personnes vulnérables, ne devraient être placés en détention qu’en dernier ressort, pour une période aussi brève que possible et dans des structures adaptées à leur statut ;

b) Veiller à s’acquitter pleinement des obligations qui découlent de l’article 3 de la Convention et faire en sorte que les individus relevant de sa juridiction soient traités avec la considération voulue par les autorités compétentes, qu’ils bénéficient d’un réexamen équitable et impartial de leur situation par un mécanisme décisionnel indépendant dans les cas d’expulsion, de renvoi ou d’extradition, avec effet suspensif, et qu’ils aient accès à une aide juridique ;

c) S’abstenir de placer des personnes ayant besoin d’une protection internationale, et en particulier des enfants, dans des centres surveillés pour étrangers ;

d) Faire en sorte que les personnes vulnérables, notamment les victimes de torture et de mauvais traitements ainsi que les victimes de violences sexuelles et fondées sur le genre, soient repérées rapidement et de manière fiable, et leur permettre de bénéficier de soins de santé et de services psychologiques ;

e) S’abstenir de toute mesure de refoulement, et mettre en place des systèmes d’entrée accessibles et tenant compte des besoins de protection des personnes aux points de passage de la frontière ;

f) Envisager de ratifier la Convention sur le statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie.

Formation

27.Le Comité note avec préoccupation que les membres des forces de l’ordre, les militaires, le personnel pénitentiaire, les gardes frontière, les juges, les procureurs, les médecins légistes et le personnel médical ne reçoivent pas de formation sur les dispositions de la Convention, en particulier sur l’interdiction absolue de la torture. Il est aussi inquiet de constater que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) n’est pas inclus dans la formation obligatoire du personnel médical et des agents de la fonction publique qui peuvent intervenir dans la garde, l’interrogatoire ou le traitement de tout individu arrêté, détenu ou emprisonné de quelque façon que ce soit (art. 10).

28. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que les membres des forces de l’ordre et les militaires, le personnel pénitentiaire, les gardes frontière, les juges, les procureurs, les médecins légistes et le personnel médical reçoivent une formation sur les dispositions de la Convention, et en particulier sur l’interdiction absolue de la torture ;

b) Veiller à ce que le personnel médical et les agents de la fonction publique qui peuvent intervenir dans la garde, l’interrogatoire ou le traitement de tout individu arrêté, détenu ou emprisonné de quelque façon que ce soit reçoivent une formation obligatoire sur le Protocole d’Istanbul ;

c) Élaborer et appliquer une méthode permettant d’évaluer l’efficacité des programmes d’éducation et de formation relatifs à la Convention et au Protocole d’Istanbul ;

d) Veiller à ce que tous les membres des forces de l’ordre, les juges civils et militaires et les procureurs suivent des stages obligatoires mettant l’accent sur le lien entre les techniques d’interrogatoire non coercitives, l’interdiction de la torture et des mauvais traitements et l’obligation pour les organes judiciaires de ne pas tenir compte des aveux obtenus par la torture.

Conditions de détention dans les locaux de détention de la police et les établissements pénitentiaires

29.Le Comité note avec préoccupation :

a)Les informations signalant de mauvaises conditions matérielles dans les locaux de détention de la police, notamment pour ce qui est des installations sanitaires, des cours de promenade et de la qualité de la nourriture, et plus particulièrement les informations selon lesquelles les agents travaillant au poste de police municipal de Bialystok auraient déclaré que les conditions de vie dans ces locaux, notamment l’interdiction officieuse de nettoyer les draps, couvertures, oreillers et matelas utilisés par les détenus, mettaient en danger la vie et la santé des détenus et des policiers ;

b)Que toutes les cellules de détention de la police sont situées en sous-sol et manquent de ce fait d’aération et de lumière ;

c)Que la population carcérale a augmenté au cours de la période considérée, portant le taux d’occupation à environ 92 %, et que certains prisonniers sont logés dans des installations qui ne respectent pas la norme nationale légale de 3 m2 par personne, dans des cellules trop étroites ;

d)Que l’on constate la présence de moisissures sur les murs et les plafonds des cellules qui se trouvent dans des bâtiments historiques et des établissements pénitentiaires anciens, ce qui expose les détenus aux risques liés aux spores de moisissure, que les annexes sanitaires n’ont pas été enlevées de toutes les cellules, que tous les blocs sanitaires ne disposent pas de douches cloisonnées et de toilettes offrant une intimité suffisante aux détenus, et que les personnes en détention provisoire et les prisonniers détenus dans des établissements pénitentiaires fermés restent dans leur cellule vingt-trois heures par jour ;

e)Que le personnel médical dispensant les soins de santé dans les prisons est employé par l’administration pénitentiaire, ce qui peut compromettre son indépendance clinique et la relation de confiance entre médecin et patient, d’autant que la loi exige pour le placement de détenus en cellule disciplinaire que les médecins établissent des certificats attestant que l’état de santé de l’intéressé est compatible avec cette mesure, qui est contraire à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) ; que le personnel médical est largement en sous-effectifs, notamment pour ce qui est des psychiatres, que l’orientation des détenus vers un spécialiste extérieur se fait très lentement et que les diagnostics posés par le personnel médical des prisons sont souvent erronés et superficiels et sont à l’origine de décès en détention ;

f)Que les prisonniers sont classés non pas en fonction du danger qu’ils présentent pour les autres détenus mais en fonction de la durée de leur peine, ce qui peut conduire à des violences entre détenus.

30. L’État partie devrait :

a) Garantir des conditions matérielles satisfaisantes dans tous les locaux de détention de la police, y compris une aération et un éclairage suffisants, une literie propre et des conditions sanitaires appropriées, et, dans la mesure du possible, veiller à ce que ces locaux ne soient pas situés en sous-sol ;

b)Appliquer rigoureusement le programme de modernisation de l’administration pénitentiaire pour la période 2017-2020 ; fournir au Comité des renseignements à jour sur les résultats des travaux de l’équipe spéciale chargée d’élaborer des solutions pour réformer l’administration pénitentiaire ; envisager d’accroître le recours à des mesures non privatives de liberté et à des solutions de substitution à la détention, conformément aux Règles de Tokyo ;

c) Lutter contre la surpopulation carcérale afin de rendre les conditions de détention conformes aux normes internationales énoncées dans les Règles Nelson Mandela et les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok), et veiller à ce que les détenus disposent d’espaces de vie conformes à la norme nationale ;

d)Construire de nouveaux établissements pénitentiaires et rénover et moderniser les établissements historiques et anciens, compte tenu de l’état des installations sanitaires, des toilettes, de l’éclairage, de la ventilation et du chauffage ; transférer tous les détenus occupant des cellules où ont été trouvées des moisissures ; donner à toutes les personnes privées de liberté la possibilité d’avoir une occupation utile et de faire suffisamment d’exercice ;

e)Garantir l’indépendance clinique du personnel médical intervenant dans les établissements pénitentiaires en le plaçant sous l’autorité du Ministère de la santé ; engager davantage de personnel médical qualifié, notamment des psychiatres et des psychologues ; permettre que les détenus qui ont besoin de soins spécialisés soient adressés à des établissements médicaux extérieurs, sans retard dû à des motifs administratifs et au manque de personnel pénitentiaire susceptible d’assurer leur escorte ;

f)Mettre en place un outil d’évaluation des risques dans l’ensemble du système pénitentiaire ; dispenser au personnel pénitentiaire des formations sur la gestion des prisonniers et sur la prévention de la violence, de l’automutilation et des suicides ; mener sans délai des enquêtes approfondies et impartiales sur tous les cas de violence et de décès en détention, en veillant à ce qu’il soit procédé à des examens médico-légaux indépendants.

Enquêtes sur les actes de torture et mécanisme de plainte indépendant

31.Le Comité note avec préoccupation :

a)Le faible nombre d’affaires relatives à des actes de torture infligés à des personnes privées de liberté, en particulier par des responsables de l’application des lois, dans lesquelles les poursuites ont abouti, en dehors de celles qui ont été portées devant la Cour européenne des droits de l’homme, et l’écart entre le nombre de plaintes déposées par des victimes d’actes de torture et de mauvais traitements et le nombre de condamnations prononcées, malgré la publication, par le Procureur général, de directives concernant les infractions relatives à la privation de la vie ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants qui ont été commises par un policier ou un autre agent de l’État ;

b)Que la fusion des fonctions de Ministre de la justice et de Procureur général pourrait avoir un effet négatif sur les enquêtes relatives à des violations de la Convention ;

c)Que, sur les 39 000 plaintes déposées en 2016 par des détenus, dénonçant pour la plupart le traitement qui leur était infligé par des agents de l’administration pénitentiaire, les conditions de vie et les soins de santé en prison, seules 377 ont été jugées fondées ;

d)Que les contraintes budgétaires et le manque de personnel limitent la capacité du mécanisme national de prévention de surveiller tous les lieux de privation de liberté, de la réception et du traitement des plaintes.

32. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que toutes les allégations de torture ou de mauvais traitements donnent lieu à une enquête, et mettre en place un mécanisme indépendant qui soit en mesure de mener des enquêtes pénales efficaces sur les allégations d’actes de torture et de mauvais traitements commis par des agents de l’État, et d’engager des poursuites contre les auteurs ces actes ;

b)Veiller à ce que les plaignants soient protégés contre tout mauvais traitement et tout acte d’intimidation ou de représailles, à ce qu’ils soient dûment informés des mesures prises pour donner suite à leur plainte et à ce que les victimes obtiennent une réparation et une indemnisation ;

c) Identifier les raisons de l’écart existant entre le nombre de plaintes déposées concernant les conditions de vie et les soins de santé en prison et le nombre d’entre elles qui ont été jugées fondées ;

d) Tenir un registre centralisé des plaintes pour torture et mauvais traitements, comportant des informations sur les enquêtes menées, les procès instruits et les sanctions pénales ou disciplinaires prononcées ;

e)Allouer des ressources financières supplémentaires au mécanisme national de prévention pour lui permettre de mieux s’acquitter de ses fonctions et d’effectuer davantage de visites dans tous les lieux de privation de liberté, y compris les établissements psychiatriques et les foyers sociaux, sans préavis ; veiller à ce que les membres du mécanisme national de prévention puissent s’entretenir en privé avec les détenus ; aborder avec les autorités la question des conditions de détention et des comportements constitutifs d’actes de torture et de mauvais traitements dans les lieux de détention et veiller à ce que les recommandations et rapports qu’il adresse aux autorités soient rendus publics ;  

f) Permettre aux organisations indépendantes, notamment aux organisations de la société civile nationales et internationales, d’accéder à tous les lieux où des personnes sont privées de liberté, y compris les établissements psychiatriques et les centres de détention de migrants, à des fins de contrôle ;

g) Recueillir des données statistiques sur le nombre de plaintes pour actes de torture et mauvais traitements, les enquêtes et les poursuites auxquelles ces plaintes ont donné lieu, et les condamnations et les peines prononcées.

Violence fondée sur le genre, violence familiale et autres formes de violence, et accès à l’avortement légal

33.Le Comité note avec préoccupation :

a)Que les actes de violence familiale, notamment le viol conjugal, ne sont pas inscrits dans le Code pénal en tant qu’infractions distinctes ;

b)Que le nombre de condamnations pour actes de violence familiale est relativement faible, que ces actes doivent être récurrents pour que des poursuites soient envisagées et que la procédure ne peut être conduite qu’avec le consentement de la victime ;

c)Qu’il n’existe pas de services de soutien adaptés pour les victimes de violence familiale, et que du fait des actions ou omissions des pouvoirs publics ou d’autres entités, qui engagent la responsabilité de l’État partie au regard de la Convention, le nombre de centres d’accueil offrant une prise en charge spécialisée est insuffisant et aucune assistance n’est proposée aux victimes pour trouver un hébergement loin de l’auteur des violences ;

d)Que, bien que l’avortement soit légal en Pologne jusqu’à douze semaines dans trois cas de figure, la possibilité pour les médecins de refuser de pratiquer un avortement pour des raisons de conscience n’est pas réglementée de manière effective, il n’existe pas de directives expliquant comment avoir accès à l’avortement légal et aucune information n’est fournie quant à l’absence d’obligation de solliciter l’avis médical d’un spécialiste, une consultation conjointe ou une confirmation d’un chef de service lorsque le refus de pratiquer cet acte entraînera des douleurs et des souffrances physiques et mentales d’une intensité telle qu’elles seront assimilables à des actes de torture, et que la période de trente jours accordée à la Commission médicale pour rendre sa décision est d’une durée excessive, ce qui peut aussi être considéré comme relevant des actions ou omissions des pouvoirs publics ou d’autres entités qui engagent la responsabilité internationale de l’État partie au regard de la Convention.

34. L’État partie devrait :

a) Modifier sa législation pour inclure dans le Code pénal les actes de violence familiale, y compris le viol conjugal, en tant qu’infractions spécifiques donnant lieu à des poursuites d’office et veiller à ce que tous les cas de violence fondée sur le genre commis contre des femmes et des filles, en particulier ceux qui sont liés à des actes ou des omissions des pouvoirs publics ou d’autres entités qui engagent la responsabilité internationale de l’État partie au regard de la Convention, fassent l’objet d’une enquête approfondie, à ce que les auteurs présumés de tels actes soient poursuivis et, s’ils sont condamnés, dûment sanctionnés, et à ce que les victimes obtiennent réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation appropriée ;

b) Veiller à la pleine mise en œuvre du programme national de lutte contre la violence familiale, notamment par la collecte de données sur l’ampleur de ce phénomène, ainsi que du plan national d’action pour l’égalité de traitement et s’abstenir de menacer de se retirer de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ;

c) Inciter les victimes à signaler les violences aux autorités et faire en sorte que toutes les allégations de violence à l’égard des femmes, notamment de violence familiale et de violence sexuelle, soient enregistrées par la police et fassent dans les meilleurs délais l’objet d’enquêtes impartiales et approfondies ;

d) Veiller à ce que toutes les victimes de violence fondée sur le genre et de violence familiale bénéficient d’une protection, notamment d’ordonnances d’éloignement, et aient accès à des services médicaux, sociaux et juridiques, y compris à des services d’accompagnement, à des voies de recours et à des mesures de réparation et de réadaptation, ainsi qu’à des centres d’accueil sûrs et suffisamment financés par l’État, sur tout le territoire, et à une assistance pour trouver un autre hébergement ;

e)Envisager de dépénaliser l’avortement et de publier des directives expliquant comment bénéficier d’un avortement légal, compte tenu des conséquences physiques et mentales graves que peut avoir l’impossibilité d’avorter, y compris du fait du refus d’un médecin de pratiquer un tel acte pour des raisons de conscience , sans que soient appliquées des conditions qui ne sont pas énoncées dans la loi  ; veiller à ce que les commissions médicales rendent leur décision dans un délai de dix jours ; garantir aux femmes l’accès à des soins postavortement, que l’avortement pratiqué ait été légal ou illégal, et veiller à ce que ni les patientes ni leurs médecins ne s’exposent à des sanctions pénales ou ne soient inquiétés par ailleurs pour avoir demandé ou fourni ces soins.

Situation des personnes vulnérables et infractions motivées par la haine

35.Le Comité note avec préoccupation :

a)Que des personnes présentant un handicap intellectuel ou psychosocial ont été placées dans des hôpitaux psychiatriques et d’autres institutions et y ont été détenues pendant de longues périodes − pouvant aller jusqu’à quarante-deux voire quarante-neuf ans dans certains cas − ou pendant une période supérieure à dix ans pour de petits délits qui auraient entraîné une peine d’emprisonnement d’une durée beaucoup plus courte, que ces personnes sont souvent arbitrairement privées de la capacité juridique et que leur placement dans les établissements susmentionnés et les soins qu’elles y ont reçus ont été décidés sans leur consentement, en l’absence de garanties appropriées ;

b)Que des femmes et des filles présentant un handicap intellectuel ont été stérilisées de force ou sous la contrainte, sans avoir donné leur consentement libre et éclairé, tant à l’initiative d’établissements de soins qu’à la demande de proches ;

c)Que les personnes présentant un handicap psychosocial qui ont exécuté une peine de prison peuvent être placées dans le Centre national de prévention des comportements antisociaux sur demande du directeur de l’établissement pénitentiaire concerné, et qu’elles peuvent y être détenues pour une période susceptible d’être prolongée indéfiniment, et être ainsi doublement punies pour la même infraction ;

d)Les cas d’agressions physiques et les discours de haine visant les migrants originaires d’Afrique, d’Asie et de pays arabes ainsi que les Roms et les Ukrainiens, même si l’État partie a déclaré que le Bureau du Procureur général et la police accordaient une « attention particulière » à toutes les infractions motivées par la haine, le fait qu’un nombre considérable d’infractions de ce type ne sont pas signalées en raison d’un manque de confiance dans la police, selon le récent rapport sur la nature et l’ampleur de ces infractions établi conjointement par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et le Bureau du Commissaire aux droits de l’homme, et le fait que des actes de violence contre des lesbiennes, des gays, des bisexuels, des transgenres et des intersexes continuent d’être signalés, mais ne font pas l’objet d’enquêtes ni de poursuites ;

e)Les lacunes que comportent les règles régissant le recours à la contention mécanique et à l’isolement, qui ne s’appliquent pas à la contention chimique, et le fait que ces règles ne prévoient pas la surveillance constante, directe et individualisée des patients immobilisés par un membre du personnel de santé.

36. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que les personnes présentant un handicap intellectuel ou psychosocial ne soient pas privées de leur capacité juridique, sauf sur décision judiciaire , à l’issue d’une évaluation approfondie de leur état de santé mentale réalisée dans le cadre d’une procédure indépendante prévoyant l’accès à la prise de décision s assistée et la possibilité d’un contrôle juridictionnel, et à ce que ces personnes ne soient pas placées en hôpital psychiatrique et n’y reçoivent pas des traitements sans leur consentement, sauf sur décision judiciaire, en dernier ressort, à l’issue d’une évaluation psychiatrique médico-légale approfondie, à condition qu’elles aient accès à la prise de décisions assistée et que les décisions les concernant puissent être soumises à un contrôle juridictionnel ;

b)Enquêter sans tarder, de manière impartiale et efficace sur toutes les allégations de stérilisation involontaire, poursuivre les auteurs présumés de ces actes et les punir s’ils sont reconnus coupables. Le personnel médical qui a procédé à des stérilisations sans le consentement libre, entier et éclairé des personnes concernées devrait être tenu pénalement responsable de ces actes, poursuivi et puni. Il devrait également recevoir une formation sur les moyens appropriés d’obtenir le consentement libre et éclairé des femmes avant que celles-ci ne subissent une stérilisation. L’État partie devrait mettre en place un mécanisme efficace d’indemnisation grâce auquel les victimes de stérilisation involontaire pourraient obtenir une réparation équitable et adéquate, et envisager d’allonger le délai fixé pour le dépôt des plaintes ;

c) Veiller à ce que chaque placement dans le Centre national pour la prévention des comportements antisociaux fasse l’objet d’un contrôle juridictionnel strict et d’un examen rigoureux par une commission médicale et à ce que les personnes placées dans ce centre aient accès à une aide juridique et disposent d’un droit de recours ;

d) Veiller à ce que tous les établissements de soins fassent l’objet d’une surveillance régulière et à ce que les recommandations formulées par les organes de contrôle, notamment le mécanisme national de prévention, soient pleinement appliquées ;

e) Faire en sorte que toutes les infractions motivées par la haine soient signalées et que des mesures soient prises d’urgence pour s’attaquer aux raisons pour lesquelles ces infractions sont rarement dénoncées, notamment par la formation des policiers et la réalisation d’activités visant à renforcer la confiance à l’égard de la police . Le Comité réitère sa recommandation précédente invitant l’État partie à prendre toutes les mesures voulues pour lutter contre la discrimination et la violence visant les personnes d’origine arabe, asiatique et africaine, les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transsexuels et les personnes appartenant à la communauté rom, et à prendre des mesures efficaces pour prévenir les infractions motivées par la haine, sous toutes leurs formes, et faire en sorte que des enquêtes efficaces soient menées sans tarder sur toutes les infractions de ce type et que des poursuites soient engagées contre leurs auteurs ;

f) Modifier les règles régissant le recours à la contention mécanique et à l’isolement ainsi que la surveillance de l’utilisation des moyens de contention chimique, veiller à ce que les patients immobilisés fassent l’objet d’une surveillance constante et directe et dispenser au personnel de santé une formation à l’utilisation des moyens de contrainte dans les établissements psychiatriques.

Traite des personnes

37.Le Comité salue l’adoption, en 2016, du règlement de police sur les activités de lutte contre la traite des personnes, mais relève avec préoccupation que l’État partie ne dispose pas d’un mécanisme central permettant de repérer les victimes de la traite, en particulier les victimes du travail forcé dans les secteurs de la construction navale, de l’agriculture et du bâtiment. Si des enquêtes sont parfois ouvertes, comme cela a été le cas récemment pour 107 ressortissants de la République populaire démocratique de Corée, celles-ci se révèlent inefficaces et manquent d’impartialité, en particulier du fait de l’insuffisance des services d’interprétation et de lacunes dans la procédure formelle au stade de l’enquête. Le Comité regrette en outre que le Code pénal ne contienne pas de définition claire du travail forcé et que les membres des forces de l’ordre ne soient pas suffisamment formés au repérage des victimes de travail forcé (art. 2, 10, 12 à 14 et 16).

38. L’État partie devrait :

a) Faire appliquer les lois et politiques relatives à la lutte contre la traite, prendre des mesures efficaces pour prévenir la traite d’êtres humains et renforcer la protection des victimes de la traite, y compris les victimes du travail forcé dans les secteurs de l’agriculture, de la construction navale et du bâtiment ;

b) Ouvrir rapidement des enquêtes efficaces et impartiales sur les infractions de traite et sur les pratiques connexes, et poursuivre et punir les trafiquants, et veiller à ce que les garanties d’une procédure régulière, telles que la mise à disposition d’interprètes indépendants, soient respectées pendant l’enquête ;

c) Offrir une réparation aux victimes de la traite, sous la forme notamment d’une assistance juridique, médicale et psychologique et de services de réadaptation, mettre à leur disposition des lieux d’accueil appropriés et les aider à signaler les cas de traite à la police ;

d) Dispenser à tous les magistrats et à tous les responsables de l’application des lois une formation continue obligatoire sur la traite ;

e) Suivre et évaluer de manière systématique les effets des mesures prises pour lutter contre la traite, et collecter des données sur les enquêtes menées, les poursuites engagées et les peines prononcées contre les trafiquants.

Procédure de suivi

39. Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir au plus tard le 9 août 2020 des renseignements sur la suite qu’il aura donnée à ses recommandations concernant l’indépendance, la sécurité et la capacité d’action du Commissaire aux droits de l’homme, la prévention des brutalités policières et les poursuites engagées contre les policiers auteurs de violences, l’indépendance clinique du personnel médical et l’amélioration des soins médicaux dispensés aux détenus ( voir par .  24 a) et c), 20 a) et 30 e) ) . Dans ce contexte, l’État partie est invité à informer le Comité des mesures qu’il prévoit de prendre pour mettre en œuvre, d’ici la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

40. Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie.

41. L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales, et à informer le Comité de ses activités de diffusion.

42. Le Comité prie l’État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le huitième, le 9 août 2023 au plus tard. Compte tenu du fait que l’État partie a déclaré lors de l’examen ayant donné lieu aux présentes recommandations qu’il avait accepté d’établir son rapport selon la procédure simplifié e , le Comité lui adressera en temps voulu une liste préalable de points à traiter.