Nations Unies

CED/C/CHL/Q/1/Add.1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

7 février 2019

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Liste de points concernant le rapport soumis par le Chili en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention

Additif

Réponses du Chili à la liste de points*

[Date de réception : 25 janvier 2019]

1.Le présent rapport répond à la liste des points remise le 20 novembre 2018 à la Mission permanente du Chili auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, concernant le rapport soumis par le Chili en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Il a été établi par le Sous‑Secrétariat aux droits de l’homme du Ministère de la justice et des droits de l’homme, en collaboration avec 14 institutions. Pour ce qui est des thèmes qui n’y ont pas été abordés, l’État s’engage à donner une réponse appropriée au Comité lors du dialogue qui aura lieu les 9 et 10 avril.

I.Renseignements d’ordre général

Paragraphe 1

2.En ce qui concerne le paragraphe 8 du rapport de pays, le Sous-Secrétariat aux droits de l’homme ne possède pas d’autres informations que celles déjà communiquées auComité, la consultation du 20 novembre 2017 étant la seule activité qui ait été organisée à cet égard.

Paragraphe 2

3.En réponse à la demande d’informations adressée par le Sous-Secrétariat aux droits de l’homme à l’Institut national des droits de l’homme, celui-ci a indiqué qu’en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, il communiquerait directement sa contribution au titre du dialogue qui aura lieu prochainement avec le Comité.

II.Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1 à 7)

Paragraphe 3

4.Selon la police judiciaire, 8 429 personnes ont été signalées disparues en 2018, et près de 94 % d’entre elles ont été retrouvées. On trouvera dans l’annexe no 2 les données pertinentes ventilées par sexe, âge et nationalité.

5.Concernant la possible implication de l’État dans les cas qualifiés de disparition forcée, la police judiciaire enquête sur deux cas survenus avant l’entrée en vigueur de la Convention (évoqués dans le rapport de l’État) : celui de José Gerardo Huenante Huenante, disparu le 2 septembre 2005, et celui de Víctor Hugo Arispe Carvajal, disparu le 14 janvier 2001. Un cas, celui de José Antonio Vergara Espinoza, disparu à Alto Hospicio le 13 septembre 2015, soit après l’entrée en vigueur de la Convention, a été qualifié de disparition forcée. On trouvera dans le paragraphe 14 de plus amples renseignements concernant l’état d’avancement de ces affaires.

6.Pour ce qui est des cas de « disparition en détention », comme l’a indiqué le service médico-légal, en janvier 2019, 302victimes avaient été identifiées. Dans l’annexe3 sont indiqués leurs noms, le numéro de l’affaire correspondante et le lieu où elles ont été découvertes.

Paragraphe 4

7.Les états d’exception constitutionnelle sont strictement réglementés par la législation chilienne. Pour ce qui est de l’état de catastrophe et d’urgence, les procédures de détention et de mise à disposition de l’autorité judiciaire compétente du détenu par les forces armées sont suffisamment réglementées : elles interdisent les mauvais traitements ou les actes abusifs à l’encontre des détenus, et imposent l’obligation de leur dispenser des soins médicaux et de leur fournir un abri et de la nourriture en suffisance. En outre, le premier paragraphe de l’article 45 de la Constitution garantit que, quel que soit l’état d’exception constitutionnel déclaré, « s’agissant des mesures particulières qui ont une incidence sur les droits constitutionnels » il existera toujours la possibilité de s’adresser aux autorités judiciaires. De même, l’État a ratifié la Convention américaine relative aux droits de l’homme, qui dispose que même dans des circonstances exceptionnelles, les États ne peuvent pas supprimer certaines garanties, comme le droit à la vie. Cette limitation du pouvoir de supprimer ces garanties est entièrement applicable dans le cas du Chili. Outre les interdictions constitutionnelles et juridiques, l’État a démontré sa volonté de renforcer l’interdiction de la disparition forcée en proposant un projet de loi qui est actuellement examiné par le Congrès national. Ce projet de loi (no 9818-7) modifie le Code pénal en érigeant la disparition forcée en infraction et réforme le Code de justice militaire (CJM) afin d’interdire aux forces armées d’invoquer les ordres d’un supérieur pour justifier une disparition forcée. Cette réforme prévoit en outre qu’en cas d’état d’exception constitutionnelle, l’interdiction de la disparition forcée comme crime contre l’humanité ne peut être limitée ou supprimée et qu’il est toujours possible de s’adresser aux tribunaux en intentant une action en protection des garanties établies par la Constitution.

Paragraphe 5

8.Selon le registre de la Cour suprême, entre le 1er janvier 2002 et le 31 octobre 2018, neuf arrêts de la Cour suprême en lien avec l’infraction de « disparition » et une décision concernant un « emprisonnement/accident présumé » ont été réexaminés.

9.Six de ces arrêts de la Cour suprême portaient sur des pourvois en cassation contre des décisions de cour d’appel confirmant des décisions de non-lieu définitif rendues en première instance dans des affaires concernant des disparitions forcées présumées commises sous la dictature. La Cour suprême a annulé les jugements rendus et ordonné la poursuite de l’enquête. Ces arrêts ne portaient pas sur la qualification des infractions présumées mais sur le fait que les décisions avaient été rendues avant la conclusion des enquêtes. Dans trois autres arrêts, la Cour suprême s’est prononcée sur le bien-fondé de demandes d’indemnisation pour préjudice subi au titre de crimes commis sous la dictature (1973‑1990), sans toutefois se prononcer sur la qualification des infractions à l’origine du préjudice, ces affaires relevant du civil et non du pénal.

10.Dans son arrêt du 21 janvier 2016 (affaire no 13.170-2015), la Cour suprême s’est prononcée sur le pourvoi en cassation formé par un représentant du Trésor public chilien. S’appuyant sur la définition de la disparition forcée telle qu’on la trouve dans le droit international, elle rejette les exceptions prévues en matière de prescription et d’indemnisation que le Trésor public souhaitait invoquer dans le cadre de demandes d’indemnisation présentées au civil pour préjudice subi du fait d’actes illicites.

11.Il convient de noter que l’arrêt du 25 septembre 2018 (affaire no 36.731-17), dans lequel la Cour suprême a décidé que les intéressés ne pouvaient pas bénéficier de la liberté surveillée, compte tenu du fait que l’infraction d’enlèvement aggravé pour laquelle ils avaient été condamnés constituait un crime contre l’humanité au regard des dispositions de l’article 2 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, entre autres normes du droit international.

Paragraphe 6

12.Le projet de loi no 9818-17 de 2014, qui a été évoqué aux paragraphes 39 et 44 à 46 du rapport et qui modifie le Code pénal en érigeant la disparition forcée en infraction, est actuellement examiné en deuxième lecture par la Commission sénatoriale sur la constitution, la législation, la justice et le règlement. Il convient de noter qu’il a été présenté à l’initiative de parlementaires.

13.Ce projet de loi, s’il est approuvé dans sa forme actuelle, définit l’infraction de disparition forcée, disposant que « tout agent public ou toute personne qui, avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, prive une autre personne de sa liberté, puis ne donne aucune information, ou refuse de reconnaître la privation de liberté ou dissimule le sort réservé à la personne disparue ou le lieu où elle se trouve, se voit imposer une peine de réclusion criminelle d’une durée moyenne ».

14.L’infraction décrite reprend certains éléments de la Convention (art. 2), à savoir la « privation de liberté » par un agent public ou toute personne agissant avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État (« agents de l’État » dans la Convention), suivie de l’absence d’informations ou « du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve ».

15.La peine encourue pour l’infraction de disparition forcée fait partie des peines prévues pour les crimes, à savoir, au minimum, une peine de réclusion criminelle d’une durée moyenne. Est passible d’une telle peine « l’agent public qui, informé de pareils agissements, ne les empêche pas ou ne les fait pas cesser, alors qu’il dispose de la faculté ou de l’autorité nécessaires pour le faire ou est en mesure de le faire ».

16.Le troisième paragraphe de l’article 148 A du projet de loi dispose que « si la privation de liberté excède quinze jours, ou si elle cause un préjudice grave à la personne ou aux intérêts de la victime, la peine encourue est la réclusion criminelle d’une durée maximale ». Il est à noter que la peine encourue pour cette infraction entre dans la catégorie des peines les plus lourdes du système pénal chilien.

17.Pour ce qui est de l’introduction de circonstances aggravantes de l’infraction de disparition forcée, le projet de loi prévoit d’ajouter un article 148 B au Code pénal, en vertu duquel sera considéré comme circonstance aggravante le fait de commettre ladite infraction à l’encontre « de femmes enceintes, de mineurs de moins de 18 ans, de personnes de plus de 65 ans et de personnes handicapées ». En pareil cas, la peine sera supérieure d’un degré à celle prévue pour l’infraction simple.

18.Le projet de loi prévoit également d’ajouter un article 148 C au Code pénal, en vertu duquel le fait de contribuer à retrouver une personne disparue en vie et de communiquer des informations déterminantes permettant de faire effectivement la lumière sur des affaires de disparition forcée pourra être considéré comme une circonstance atténuante, réduisant de deux degrés et d’un degré respectivement la peine encourue par les personnes dont la responsabilité pénale pourrait être engagée dans ce type d’affaire.

19.Concernant les dispositions de la loi d’amnistie de 1978, celles-ci n’ont plus été appliquées par les tribunaux chiliens depuis 1998. La présence de ce texte, qui existe formellement mais ne revêt plus d’importance de fond dans l’ordonnancement juridique, n’a toutefois pas entravé la recherche de la vérité et de la justice dans les affaires de disparition forcée survenues entre 1973 et 1990.

Paragraphe 7

20.L’article 6 de la loi no 20357, qui figure au chapitre du Code pénal relatif aux crimes contre l’humanité et aux génocides, énonce tous les éléments constitutifs d’une disparition forcée. Pour être considérée comme telle, une disparition forcée doit comporter les éléments énoncés à l’article premier de ladite loi, qui définit les crimes contre l’humanité comme une attaque généralisée ou systématique contre la population civile par l’État, ses agents ou des groupes armés ou organisés qui exercent un pouvoir de fait favorisant l’impunité de leurs actes ; la soustraction d’une personne à la protection de la loi en la privant de sa liberté, sans donner suite aux demandes d’information sur le lieu où elles se trouvent, soit en les rejetant soit en fournissant des informations erronées. Ces éléments reprennent la définition de la disparition forcée donnée à l’article 2 de la Convention.

21.Les dispositions communes de la loi no 20357 prévoient des sanctions pour les autorités ou les responsables militaires qui ont ordonné que soient commis des actes constitutifs d’infractions au regard de cette loi, ou qui ont ordonné une omission ou qui ont ordonné de ne pas empêcher la commission de l’infraction. La loi dispose expressément que l’action pénale et les peines encourues pour ces infractions sont imprescriptibles.

22.Conformément aux dispositions de la loi no 20357, la commission de l’infraction entraîne l’ouverture d’une procédure pénale dans le cadre de laquelle une enquête est menée afin d’identifier les responsables de ces actes contraires à la loi et de les condamner. La peine encourue pour cette infraction est la privation de liberté.

23.Les peines prévues sont la réclusion criminelle d’une durée pouvant aller de cinq ans et un jour à vingt ans, conformément aux dispositions de l’article 5 de la loi par renvoi à l’article 6, et celles prévues aux deux derniers paragraphes de l’article 141 du Code pénal pour les actes constitutifs d’enlèvement simple et d’enlèvement aggravé, à savoir la réclusion criminelle d’une durée moyenne à maximale et la réclusion criminelle d’une durée maximale ou à perpétuité, respectivement.

Paragraphe 8

24.Le Code pénal n’érigeant pas les actes constitutifs de disparition forcée en infraction de droit commun, les autorités judiciaires ne disposent pas de données ventilées sur les affaires en lien avec les actes définis à l’article 2 de la Convention ou sur leurs auteurs.

25.Ces actes ne constituant pas, à ce jour, des infractions, le Ministère public a publié à l’intention des procureurs la directive ordinaire no 37 du 15 janvier 2019 portant instruction générale sur les modalités d’action dans les affaires de violence institutionnelle. En plus d’établir les modalités d’action en cas d’actes de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Ministère public a élargi les cas de violence institutionnelle aux décès de personnes qui étaient sous la garde de l’État et aux disparitions forcées. Il souligne dans la directive que la qualification sous laquelle peuvent être poursuivis les faits de disparition forcée se limitent à celles d’enlèvement et de détention illégale, infractions réprimées par les articles 141 et 148 du Code pénal, respectivement. La disparition forcée ne constituant pas encore une infraction distincte dans le Code pénal, le Ministère public s’est efforcé d’établir des critères d’application générale afin qu’elle puisse faire l’objet de poursuites pénales.

Paragraphe 9

26.Le projet de loi susmentionné visant à ériger la disparition forcée en infraction prévoit les peines générales applicables aux personnes ayant pris part à la commission de l’infraction, les peines particulières applicables aux auteurs des faits, aux complices et aux complices par recel étant déterminées conformément au droit interne chilien. Le deuxième paragraphe de l’article 148 A du projet de loi dispose qu’est engagée la responsabilité pénale de tout agent public qui, informé de pareils agissements, ne les empêche pas ou ne les fait pas cesser, alors qu’il dispose de la faculté ou de l’autorité nécessaires pour le faire ou est en mesure de le faire. On peut affirmer que la question de la responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques dans les affaires de disparition forcée est couverte de manière adéquate par le projet de loi.

27.À cet égard, l’article 2 de ce projet de loi porte modification du Code de justice militaire, à savoir qu’il supprime la possibilité d’invoquer l’ordre d’un supérieur hiérarchique pour justifier la commission d’une disparition forcée et de crimes contre l’humanité en général, et qu’il dispose que toute personne a le droit et le devoir de refuser d’exécuter un ordre demandant, autorisant ou encourageant la commission de cette infraction.

III.Procédure judiciaire et coopération en matière pénale (art. 8 à 15)

Paragraphe 10

28.Dans sa récente jurisprudence, la Cour suprême a estimé que les actes commis sous la dictature et constitutifs d’enlèvement aggravé relevaient de la catégorie des crimes contre l’humanité, raison pour laquelle il ne saurait y avoir prescription pour ceux-ci, conformément aux normes pertinentes du droit international, .

29.La Cour suprême a souligné que la prescription progressive des crimes contre l’humanité était contraire au principe de proportionnalité de la peine, et, compte tenu de la gravité de tels faits, commis avec l’implication d’agents de l’État, elle a estimé que la peine imposée aux responsables devait correspondre à l’atteinte portée au droit protégé et au degré de culpabilité de l’intéressé. Elle a également estimé que les normes du Code pénal relatives à la prescription partielle en tant que circonstance atténuante (art. 65 et suivants et 103 du Code pénal), donnaient simplement la possibilité aux juges, et non l’obligation, de réduire la sévérité de la peine compte tenu de circonstances atténuantes, toutes choses qui n’entrent pas dans le champ du recours en cassation.

30.Depuis 2011, la Cour suprême considère systématiquement que les actions civiles pour préjudice causé par une disparition sont imprescriptibles. Il convient de noter l’arrêt du 21 janvier 2016 (affaire no 13.170-2015), dans lequel la Cour suprême, conformément au droit international des droits de l’homme, fait référence au caractère continu du préjudice causé par la disparition forcée.

31.Les projets de lois visant à établir l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité qui sont évoqués aux paragraphes 83 et 84 du rapport, à savoir le projet de loi (nº 9748-07) portant modification de la Constitution en vue d’établir le caractère imprescriptible et non amnistiable des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et du crime de génocide, et le projet de loi (nº 9773-07) portant mise en adéquation de la législation pénale en matière d’amnistie, de grâce, de prescription de l’action pénale et de la peine avec les dispositions du droit international relatives au crime de génocide, aux crimes contre l’humanité ou aux crimes de guerre, sont actuellement examinés en première lecture par la Commission sénatoriale sur la Constitution, la législation, la justice et le règlement. Le projet de loi (nº 1265-10) portant approbation de la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, adoptée par l’Assemblée des Nations Unies par la résolution 2391 (XXIII) du 26 novembre 1968, est actuellement examiné en deuxième lecture par la Chambre des députés. Cependant, l’examen en cours de ces projets de loi n’empêche pas les tribunaux chiliens de poursuivre et de punir les auteurs d’actes de disparition forcée commis sous la dictature.

32.Le Bureau de l’assistance judiciaire de la région métropolitaine défend les victimes de l’infraction de disparition forcée. Bien que la compétence pour connaître de ces affaires ne se limite pas aux actes constitutifs de disparition forcée commis sous la dictature, à ce jour, aucune plainte n’a été déposée au pénal ou au civil concernant des faits qui se seraient produits après la fin de la dictature.

Paragraphe 11

33.Selon les autorités judiciaires, il n’existe aucune affaire dans laquelle l’État chilien aurait exercé sa compétence pour connaître d’un cas de disparition forcée visé par l’article 9.1 b) et c). Il convient de préciser que, dans l’affaire nº 17393-2015, la Cour suprême a rappelé les conditions d’exercice de la compétence universelle en matière de droits de l’homme.

34.Concernant « les cas de disparitions forcées dans lesquels l’aide de l’État partie aurait été sollicitée, ou dans lesquels lui-même aurait sollicité l’aide d’un autre État », on trouvera dans la réponse au paragraphe 17 des informations détaillées pertinentes.

35.Pour ce qui est des infractions pénales, le Chili peut poursuivre l’auteur d’une infraction commise dans le territoire relevant de sa juridiction, eu égard au principe de territorialité de la loi pénale, y compris la territorialité fictive.

36.L’article 9.2 de la Convention porte sur les mesures que l’État doit prendre sur son territoire pour poursuivre l’auteur présumé d’une disparition forcée commis à l’étranger si celui-ci se trouve dans tout territoire sous sa juridiction. À cet égard, le Chili applique le principe de territorialité de la loi pénale. Aussi, les tribunaux chiliens ne sont compétents que pour connaître d’infractions commises dans le territoire relevant de la juridiction chilienne. Hormis les exceptions au principe de la territorialité prévues par l’article 6 du Code de l’organisation judiciaire, le Chili n’a pas compétence pour connaître d’actes commis en dehors du territoire relevant de sa juridiction. Son droit interne ne prévoit pas l’application du principe de compétence universelle, sauf dans les cas énoncés dans la jurisprudence récente de la Cour suprême, qui ont été évoqués précédemment.

37.L’article 6 du Code pénal, quant à lui, dispose que « les crimes ou les infractions simples commis hors du territoire de la République par un Chilien ou un étranger ne peuvent faire l’objet de poursuites au Chili, à l’exception des cas prévus par la loi » (voir l’article 6 du Code de l’organisation judiciaire susmentionné).

38.Si l’auteur présumé d’une infraction de disparition forcée se trouve au Chili, l’État dans lequel l’infraction a été commise peut déposer une demande d’extradition. Comme il est expliqué au paragraphe 16, il n’existe aucun obstacle à l’extradition des personnes ayant commis ce type d’infraction.

39.S’il rejette la demande d’extradition, le Chili doit juger la personne recherchée, conformément au principe aut dedere aut judicare. Dans la législation ou les pratiques internes, il n’existe aucune restriction qui fasse obstacle à l’application de ce principe à certaines infractions simples ou à des crimes particuliers.

40.Comme indiqué précédemment, la législation chilienne ne prévoit pas l’infraction de disparition forcée. Cependant, il existe trois autres infractions pénales au titre desquelles ce type de faits peut faire l’objet d’enquêtes, notamment l’enlèvement. Le Ministère public a indiqué qu’il n’existait aucune demande de commission rogatoire internationale active ou passive concernant ce type de faits.

41.Au Chili, la loi s’applique à tous de manière égale, sans distinction fondée sur la nationalité. D’après l’article 5 du Code pénal, « la loi chilienne a force obligatoire pour tous les habitants de la République, y compris les étrangers […] ». Conformément au principe de territorialité de la loi pénale, les tribunaux chiliens n’ont pas compétence pour connaître d’une infraction commise en dehors du territoire relevant de la juridiction chilienne. Si une infraction de disparition forcée est commise par un Chilien à l’étranger, les seules exceptions à cette règle sont celles prévues par l’article 6 du Code de l’organisation judiciaire. Si un étranger commet une infraction en dehors du territoire chilien, le Chili n’a pas compétence pour connaître de l’affaire, à moins qu’une demande d’extradition ne lui ait été adressée par l’État dans lequel les faits ont été commis.

Paragraphe 12

42.L’article 5 de la loi no 20968, qui érige les actes de torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants en infraction et porte modification du premier paragraphe de l’article premier de la loi no 20477, dispose qu’« en aucun cas les civils et les mineurs, qu’ils soient victimes ou accusés, ne sont soumis à la compétence des tribunaux militaires. Ils relèvent toujours des tribunaux de droit commun compétents en matière pénale ». Donnant effet à cette disposition, la Cour suprême s’est prononcée sur des conflits de compétence dans différents domaines, affirmant que les tribunaux militaires n’avaient pas compétence pour connaître d’affaires dans lesquels étaient impliqués des civils et des mineurs, que ce soit comme accusés ou comme victimes, et que celles-ci étaient du ressort des tribunaux de droit commun.

43.Concernant des cas présumés d’actes liés à une disparition forcée, le 2 octobre 2017, la Cour suprême réunie en formation plénière a décidé de demander au tribunal des garanties de Puerto Montt de lui faire rapport sur l’état de la procédure relative à la soustraction du mineur José Huenante (affaire no 1571-2017), qui avait été confiée à un tribunal militaire. Le 12 juin 2018, la Cour suprême réunie en formation plénière a déclaré d’office que le tribunal des garanties de Puerto Montt avait compétence pour connaître d’une affaire portant sur une infraction présumée de soustraction de mineur, et ce, que les éventuels responsables soient des civils ou des militaires.

44.Comme indiqué précédemment, le Ministère public a compétence pour connaître de toutes les enquêtes dans lesquelles des civils et des enfants et des adolescents ont qualité de victime ou d’inculpé. Les parquets n’ont donc légalement pas le droit de se déclarer incompétent en la matière ou de renvoyer ces affaires devant les tribunaux militaires. Ils ont l’obligation de s’opposer à toute demande émanant d’autres acteurs du système judiciaire qui irait à l’encontre de cette règle et de faire appel de toute décision de justice qui ferait droit à une telle demande.

Paragraphe 13

Paragraphe 13 a)

45.Dans le cas où l’auteur présumé d’une infraction de disparition forcée commise à l’étranger se trouve au Chili, l’État dans lequel l’infraction a été commise a la possibilité de demander son extradition au Chili.

46.Dans le cadre d’une procédure d’extradition, la législation chilienne autorise les États à demander le placement d’une personne en détention provisoire ou en garde à vue. Cette possibilité est prévue par l’article 442 du Code de procédure pénale, en vertu duquel un État peut demander le placement en détention provisoire avant d’avoir officiellement présenté une demande d’extradition.

47.S’il est fait droit à cette demande, un juge de la Cour suprême peut ordonner le placement en détention de la personne recherchée et décider de mesures de sûreté à son encontre afin de s’assurer qu’elle ne se soustraira pas à la procédure d’extradition engagée au Chili, et ce jusqu’à ce que ce dernier la remette à la délégation de la police de l’État requérant, s’il en a été ainsi décidé.

48.Rien dans la loi chilienne ne permet de détenir une personne ayant commis une infraction à l’étranger ou de limiter ses déplacements sans une demande officielle de la part d’un État et sans éléments solides attestant l’infraction commise à l’étranger.

Paragraphe 13 b)

49.Conformément aux instruments internationaux relatifs à l’extradition, et dans le cadre de la coopération internationale entre les États, si un État apprend qu’une personne se trouvant sur son territoire est recherchée par un autre État pour une infraction, celui-ci doit en avertir l’État intéressé par les canaux officiels, par l’intermédiaire du Ministère des relations extérieures, voire par l’intermédiaire du Bureau central national d’Interpol à Santiago, afin que cet État puisse demander rapidement son placement en détention provisoire ou son extradition.

50.Les informations relatives à l’assistance consulaire figurent dans la réponse de l’État. Le Chili respecte scrupuleusement son obligation d’appuyer les autorités consulaires chargées de fournir une aide juridique aux ressortissants étrangers qui en font la demande auprès des autorités compétentes.

51.La décision rendue concernant la demande d’extradition doit indiquer si l’État entend exercer sa juridiction ou non. S’il décide de l’exercer, l’extradition pourra être reportée jusqu’à ce que la personne recherchée réponde de ses actes au pénal ou soit acquittée à l’issue d’un procès. Si les faits ayant incité l’État à exercer sa juridiction sont les mêmes que ceux à l’origine de la demande d’extradition, alors la règle non bis in idem s’applique.

Paragraphe 13 c)

52.À cet égard, la loi no 21080 dispose que la décision que doit prendre la Direction générale des affaires consulaires est fonction de la situation dans laquelle pourrait se trouver un Chilien se trouvant à l’étranger, lequel doit se voir appliquer les dispositions de l’article 5, paragraphes a), e), g) et j) de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, sans préjudice des dispositions de l’article 36 (Communication avec les ressortissants de l’État d’envoi), paragraphes a), b) et c) de cet instrument.

Paragraphe 14

Paragraphe 14 a)

53.En ce qui concerne les cas mentionnés au paragraphe 48 du rapport national, il convient de signaler ce qui suit :

Cas de José Huenante : Le 12 juin 2018, à la suite de la demande d’avis adressée par le tribunal des garanties de Puerto Montt, la Cour suprême réunie en formation plénière a déclaré d’office que le tribunal des garanties de Puerto Montt était compétent pour connaître d’une affaire de soustraction de mineur présumée, indépendamment du statut, civil ou militaire, des auteurs d’une telle infraction. La Cour a tenu compte, à cet égard, des modifications législatives introduites par les lois no 20477 et no 20968, qui établissent que les civils et les mineurs sont exclus de la compétence des tribunaux militaires. Après avoir reçu l’avis de la Cour suprême, le tribunal des garanties de Puerto Montt a ordonné qu’il soit transmis au Ministère public aux fins de poursuite de l’enquête pénale ;

Cas de José Vergara : Le 28 septembre 2018, le tribunal pénal oral d’Iquique a condamné les quatre accusés à une peine d’emprisonnement correctionnel d’une durée maximale de quatre ans, assortie d’une interdiction générale à perpétuité d’exercer leurs droits politiques et d’une interdiction générale d’exercer des charges et des fonctions publiques pendant la durée de la peine, après les avoir reconnus coupables de l’infraction consommée d’enlèvement, prévue et punie par le premier paragraphe de l’article 141 du Code pénal (ils avaient initialement été accusés d’enlèvement aggravé), commise contre José Vergara Espinoza dans la commune d’Alto Hospicio, le matin du 13 septembre 2015 ; le tribunal a aménagé la peine privative de liberté en peine de liberté surveillée renforcée, avec obligation de suivre un programme de réinsertion sociale dans la sphère privée, communautaire et professionnelle, au moyen d’activités personnalisées ;

Cas de Hugo Arispe : Comme indiqué en 2017, cette affaire est traitée selon les anciennes règles de procédure pénale, étant donné que l’enquête a été ouverte avant l’entrée en vigueur de la réforme de la procédure pénale. C’est pourquoi l’état de la procédure n’est pas accessible en ligne, le seul élément consigné dans le système électronique en lien avec cette affaire étant un recours déposé par l’Institut national des droits de l’homme le 28 novembre 2018 auprès de la Cour d’appel d’Arica, qui n’a pas encore statué (affaire no 512-2018). Un complément d’information sur ce cas sera demandé au tribunal de première instance.

54.S’agissant des données actualisées demandées au sujet des affaires portant sur de graves violations des droits de l’homme survenues pendant la dictature, évoquées au paragraphe 103 du rapport national, il convient d’indiquer qu’en octobre 2018, 1 901 personnes étaient visées par une procédure ; 1 497 d’entre elles ont été mises en accusation et 968 condamnées en première instance.

55.En octobre 2018, 1 346 affaires étaient pendantes en première instance dans l’ensemble du pays et 140 nouvelles affaires avaient été enregistrées. On ne dispose pas d’informations ventilées sur les affaires relatives à des disparitions forcées survenues pendant la période en question qui ont été traitées en première instance.

56.En ce qui concerne la Colonie Dignidad, la police judiciaire chilienne, qui s’est penchée sur les actes commis pendant la dictature, a établi que la Colonie avait servi de lieu de détention de prisonniers politiques. En attestent les divers éléments de preuve saisis au cours d’une deuxième rafle effectuée en 2005, éléments qui permettent de démontrer l’existence d’un lien entre la « Colonie Dignidad » et la DINA. En conséquence, en 2006, le juge de la Cour d’appel de Santiago, Jorge Zepeda, a engagé des poursuites contre 18 personnes, dont Paul Schaefer et le Général Manuel Contreras, tous deux aujourd’hui décédés.

Paragraphe 14 b)

57.S’agissant de la procédure que suivent les autorités pour établir les faits en rapport avec une disparition forcée commise hors du cadre de la dictature, il convient d’indiquer que la police judiciaire enquête non seulement sur les cas survenus pendant la dictature, mais aussi sur les affaires actuelles de violations des droits de l’homme, tels que les actes de torture, de violence injustifiée et d’arrestation illégale, notamment.

58.La police judiciaire travaille en liaison permanente avec l’Unité du programme des droits de l’homme, qui relève du Ministère de la justice et des droits de l’homme, avec lequel elle coopère uniquement sur les cas de violations des droits de l’homme commises pendant la dictature, et collabore avec le Ministère public, avec lequel elle coordonne les enquêtes en cours sur des violations des droits de l’homme.

59.S’agissant des ressources humaines, financières et techniques allouées aux enquêtes pour disparition forcée, le Ministère public a élargi la compétence de l’ancienne Unité spécialisée dans les infractions à caractère sexuel et la violence intrafamiliale aux droits de l’homme et à la violence sexiste, afin d’appuyer l’action des procureurs dans les enquêtes sur les infractions ayant en commun des actes de violence commis par des agents de l’État. À cette fin, le Ministère public a mis en place un système de « spécialistes des droits de l’homme », afin de désigner, dans tous les parquets régionaux du pays, des conseillers spécialisés qui ont pour mission de soutenir les activités menées par les procureurs régionaux et les procureurs adjoints dans le cadre d’enquêtes pénales.

Paragraphe 14 c) et d)

60.En janvier 2019, le Ministère public a promulgué l’Instruction générale no 37, qui définit les conditions de l’action des procureurs dans les enquêtes sur des actes de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, des décès survenus sous la garde d’organismes publics (ou d’organismes privés exerçant une mission de service public) et des disparitions forcées.

61.Bien que la disparition forcée ne soit pas érigée en infraction pénale, l’Instruction générale susmentionnée pourrait être appliquée dans les premiers actes de l’instruction et en matière de protection des victimes et des témoins.

Paragraphe 15

62.En 2018, aucune commission rogatoire internationale ni aucune demande d’entraide judiciaire internationale en matière pénale (active ou passive) fondée sur les articles 14 et 15 de la Convention n’a été enregistrée. On n’a pas connaissance non plus de demandes de cette nature concernant d’autres infractions relatives à la disparition de personnes.

63.Le Ministère public, par le truchement de l’Unité de la coopération internationale et des extraditions, a été désigné en 2018 comme l’autorité centrale pour tout un ensemble d’instruments internationaux connexes. En ce qui concerne les informations contenues dans le rapport national de 2017, il convient de préciser que la Convention interaméricaine sur l’obtention des preuves à l’étranger (adoptée à Panama en 1975) ne s’applique pas en matière pénale. Le Chili transmet de façon électronique les documents d’entraide internationale en matière pénale au Pérou, à l’Argentine, au Brésil et aux États-Unis d’Amérique, ce qui permet d’accélérer sensiblement la procédure.

64.Outre les moyens formels de traitement des demandes d’entraide judiciaire, les autorités judiciaires ont aussi recours aux points de contact désignés dans les réseaux internationaux de coopération et d’entraide judiciaire internationale (comme, par exemple, Eurojust, le Réseau des points de contact traitant de génocide, et le Réseau ibéro-américain d’aide juridique internationale (IberREd)), ce qui permet une communication rapide et fluide dans le cadre des commissions rogatoires.

65.S’agissant de l’assistance aux victimes, le Ministère public est tenu de prendre des mesures pour protéger les victimes et les témoins. La Division nationale de prise en charge des victimes et des témoins et ses unités régionales sont chargées de prendre des mesures efficaces et adaptées aux victimes et aux témoins, tant sur le plan de la protection que des conseils relatifs à la procédure pénale. C’est en vertu de cette obligation que, pour apporter une assistance aux victimes dans le cadre des enquêtes relatives à d’autres types d’infractions commises contre des ressortissants étrangers, la Division de prise en charge des victimes et des témoins du Bureau du Procureur général a mis en place un réseau de coordination qui vise à garantir le retour dans leur pays des victimes ressortissantes de pays étrangers et à veiller à ce que des mesures de protection ou d’autres dispositifs leur soient proposés en matière d’assistance. Ce type de mesures et ce mécanisme de coordination pourraient être utilisés dans les affaires relatives à d’autres types infractions faisant l’objet d’une enquête.

66.En ce qui concerne la localisation, la libération et la recherche des personnes disparues, le Ministère public travaille directement en liaison avec Interpol en utilisant de manière efficace et en temps voulu les outils et dispositifs établis par le Règlement d’Interpol, tels que le système des notices ; ces notices qui ont joué un rôle utile par le passé dans d’autres affaires, pourraient être utilisées dans les enquêtes sur d’autres infractions de ce type.

67.En outre, le Ministère public a fréquemment recours aux mécanismes de coopération internationale, grâce auxquels des mesures de protection ont été accordées à des victimes étrangères dont le retour a été assuré moyennant une concertation et une coopération interétatique.

IV.Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Paragraphe 16

68.La procédure d’extradition active telle que prévue par les anciennes règles de procédure pénale est régie par le Code de procédure pénale et s’applique pour des faits commis antérieurement à l’entrée en vigueur du Code de procédure pénale, conformément aux articles 483 et suivants de cet instrument.

69.Lorsqu’une personne se trouvant hors du territoire national est reconnue coupable d’une infraction passible, en vertu de la loi, d’une peine privative de liberté d’une durée supérieure à un an, le juge de la cause transmet à la Cour suprême le dossier ou les pièces qu’il contient afin que celle-ci détermine si l’extradition de l’intéressé(e) doit être demandée au Gouvernement du pays où il se trouve. Une fois que la Cour suprême a reçu le dossier, elle le transmet à son parquet afin que celui-ci statue sur le fond de la demande d’extradition, conformément aux accords conclus avec le pays dans lequel vit l’intéressé(e) ou, à défaut, conformément aux principes du droit international.

70.Une fois que le parquet de la Cour suprême a rendu son avis, le dossier est transmis aux autorités compétentes afin d’être porté à la connaissance des ministres qui, compte tenu des pièces versées au dossier, du rapport établi par le parquet et des accords en vigueur, décident s’il convient ou non de demander l’extradition.

71.Si la décision de demander l’extradition est prise, la Cour suprême avise le Ministère des affaires étrangères auquel il transmet une copie du dossier et demande que les démarches diplomatiques nécessaires à l’extradition soient effectuées. À cet égard, il convient d’indiquer que les garanties reconnues dans la Constitution et les instruments relatifs aux droits de l’homme en vigueur et ratifiés par le Chili seront respectées.

72.Si la Cour suprême juge non recevable la demande d’extradition ou si les autorités du pays dans lequel la personne visée se trouve s’y opposent, l’affaire est renvoyée au juge de la cause afin qu’il prenne les mesures voulues, selon les termes prévus par la loi.

L’extradition passive en application de la procédure révisée est régie par les articles 440 et suivants du Code de procédure pénale.

73.Les garanties accordées à la personne dont l’extradition est demandée sont énoncées à l’article 449 b). Les infractions politiques, militaires ou religieuses sont exclues de la procédure d’extradition. La personne dont l’extradition est demandée peut se faire représenter par l’avocat de son choix ; dans le cas contraire, elle peut toujours bénéficier des services d’une défense spécialisée.

74.La décision prise en réponse à la demande d’extradition est susceptible d’appel ou de recours en annulation.

75.Si l’extradition est approuvée, la personne visée est mise à la disposition des autorités de l’État requérant par l’intermédiaire du Ministère des affaires étrangères ; la remise effective est assurée par Interpol, qui confie l’intéressé(e) à son homologue dans l’État requérant.

76.La procédure d’extradition passive est régie par les articles 644 et suivants du Code de procédure pénale.

77.À cet égard, une fois que l’enquête est close, la demande d’extradition doit être jugée recevable ou non au regard des accords conclus avec l’État requérant ou, en l’absence de tels accords, en application des principes du droit international.

78.Si la demande d’extradition est déclarée recevable, la remise de la personne visée s’effectue selon les modalités prévues dans la procédure révisée.

79.Le principe de non-refoulement n’est pas expressément reconnu en droit interne mais, attendu que le Chili a ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, les dispositions de cet instrument peuvent être invoquées et appliquées à une procédure d’extradition.

80.Les assurances diplomatiques, en tant que conditions requises pour procéder à une extradition, sont acceptées au Chili. Dans les affaires d’extradition active, le Chili a souvent dû donner aux États requérants les assurances adéquates qu’ils sollicitaient pour que l’extradition ait lieu. Le Chili peut, à son tour, demander des assurances avant d’autoriser une extradition et invoquer les dispositions de l’article 16 de la Convention pour justifier son refus.

Paragraphe 17

81.L’extradition est régie par la législation interne et par les instruments internationaux relatifs à l’extradition ou les principes généraux du droit. Toute demande d’extradition est examinée sur la base des critères établis dans les instruments internationaux invoqués. Elle fait l’objet d’une analyse exhaustive à la lumière des instruments internationaux relatifs à l’extradition afin de veiller au respect des normes établies.

82.S’agissant des risques auxquels une personne dont l’extradition est demandée pourrait être confrontée, il convient de souligner que celle-ci est assistée dès les premiers stades de l’examen de la demande par un défenseur spécialisé, lequel peut présenter des requêtes afin que la sécurité de la personne visée soit garantie.

83.Le Ministère public représente les intérêts des États requérants en matière d’extradition passive. Il applique toutefois, pour ce faire, des critères objectifs et veille à la bonne application de la loi.

84.En 2018, deux demandes d’extradition active de personnes mises en cause dans des affaires présumées de disparition forcée ont été présentées, à savoir :

a)Affaire no 8600-2018 : Demande d’extradition de Carlos Humberto Minoletti Arriagada pour enlèvements et homicides aggravés et pour complicité d’enlèvements aggravés (premier paragraphe de l’article 141 et article 391 du Code pénal), faits commis le 19 octobre 1973 dans le secteur de Topater à Calama (Chili) ;

b)Affaire no11.990-2018: Demande d’extradition d’ArmandoFernándezLarios pour enlèvement aggravé (premier paragraphe de l’article141 du Code pénal), commis le 19octobre 1973 dans le secteur de Topater à Calama (Chili).

Paragraphe 18

85.Si la disparition forcée n’est actuellement pas érigée en infraction dans le Code pénal, elle est définie à l’article 6 de la loi no 20357.

86.Il n’existe pas de cas dans lequel un État se serait fondé sur la Convention pour demander l’extradition d’une personne au seul motif qu’elle a commis un acte de disparition forcée. Sans préjudice de ce qui précède, les sources de droit retenues lorsqu’aucun accord d’extradition n’a été conclu sont le Code de droit international privé (Code Bustamante), les principes généraux du droit international et, à titre supplétif, la Convention de Montevideo de 1933.

87.En droit chilien, la disparition forcée est passible d’une peine de réclusion criminelle d’une durée moyenne à maximale (dix ans et un jour à vingt ans) ; le critère de sévérité minimale de la peine (peine privative de liberté supérieure à un an) auquel est subordonnée l’approbation de toute demande d’extradition est donc rempli. De plus, même si elle est demandée par un État qui n’est pas partie à la Convention, l’extradition est possible à partir du moment où la condition de la double incrimination est remplie. En outre, le Chili ne subordonne pas l’extradition à l’existence d’un traité en la matière : l’extradition reste possible même s’il n’existe pas d’accord avec l’État requérant, puisque l’autorité judiciaire s’en remet aux principes généraux du droit international.

88.Il n’existe pas, dans la législation nationale, les traités d’extradition ou les accords avec des pays tiers, d’obstacle à l’extradition en ce qui concerne les disparitions forcées.

89.S’agissant des cas pour lesquels le Comité a sollicité des renseignements actualisés (voir le paragraphe 117 du rapport national), le Chili a demandé à l’Australie d’extrader Adriana Elcira Rivas González (Cour suprême, affaire no 8915-2013) pour l’enlèvement aggravé de six personnes, en qualité d’auteure des faits. La demande est en cours de traitement par les autorités compétentes de l’État requis.

90.Les autorités américaines n’ont pas donné suite à la demande d’extradition que le Chili avait adressée aux États-Unis d’Amérique concernant Armando FernándezLarios, pour sa responsabilité en tant qu’auteur de l’enlèvement aggravé de DavidSilbermanGurovich (Cour suprême, affaire no 5367-2005), et que la Cour suprême avait approuvée le 4 janvier 2006, au motif que l’extradition de M. Fernández Larios ne pouvait être autorisée au regard des dispositions d’un accord judiciaire conclu entre celui-ci et les États-Unis. Le Chili a toutefois continué à demander aux États-Unis l’extradition d’Armando Fernández Larios pour l’enlèvement ou le meurtre aggravé d’autres personnes, .

91.Enfin, il convient de souligner que la disparition forcée n’est pas considérée comme un délit politique ou une infraction inspirée par des mobiles politiques.

Paragraphe 19

Paragraphe 19 a)

92.Les articles 93 b), 94 h) et 135 du Code de procédure pénale, qui traitent du moment à partir duquel commence la privation de liberté et des exceptions éventuelles aux dispositions qu’ils énoncent, s’appliquent tous dès le début de la privation de liberté.

93.En ce qui concerne le droit à l’assistance consulaire, il existe un accord interinstitutionnel et un protocole en vertu duquel la police doit informer le Ministère des affaires étrangères du placement en détention de toute personne étrangère. La police est donc également tenue d’informer la personne détenue qu’elle dispose de ce droit. Le Bureau du défenseur public aux affaires pénales ne dispose pas d’un registre des plaintes pour non-respect de ces dispositions.

94.Selon les registres de l’administration pénitentiaire, aucun détenu étranger n’a déposé de plainte pour violation des droits susmentionnés.

95.La loi no 20084 et son règlement d’application prévoient qu’il incombe au Service national des mineurs d’exécuter les sanctions et mesures ordonnées dans les décisions rendues par les juges compétents. L’article 31 de la loi no 20084 régit l’arrestation en flagrant délit et dispose qu’un adolescent en détention peut à tout moment exercer les droits consacrés par les articles 93 et 94 du Code de procédure pénale et par les articles 37 et 40 de la Convention relative aux droits de l’enfant. De plus, dans le contexte de l’exécution des peines et mesures privatives de liberté, l’article 49 de ladite loi énonce notamment les droits suivants : droit de recevoir des visites, au moins une fois par semaine et en personne, et droit à la vie privée et à des communications régulières, en particulier avec un avocat. Ces droits sont également énoncés dans le Règlement d’application de la loi, en particulier aux articles 11 et 49 et aux paragraphes 4 et 5 du Titre V. S’agissant des exceptions, l’article 80 régit la suspension des visites. Concernant les visites médicales, l’alinéa d) de l’article 49 énonce le droit de recevoir des soins conformes à ses besoins en matière de santé.

96.En ce qui concerne la manière d’assurer la communication prévue à l’alinéa e) de l’article 94 du Code de procédure pénale, le Service national des mineurs a conclu un protocole de coopération avec l’administration pénitentiaire sur la base duquel des dispositions similaires ont été établies pour les deux institutions. Le Chili s’est également doté de lignes directrices sur les droits des adolescents et des jeunes détenus dans des centres fermés qui traitent des droits des adolescents de manière transversale. Un certain nombre de textes ont été publiés à ce sujet.

97.L’article 15 du Règlement d’application de la loi no 20084 dispose que lorsqu’un adolescent étranger est admis dans un centre ou prend part à un programme chilien, les autorités consulaires de son pays d’origine doivent en être notifiées si la résidence habituelle de l’intéressé n’est pas située au Chili ou si celui-ci le demande. Le Service national des mineurs n’a pas eu connaissance de plaintes relatives au non-respect de ce droit.

98.Le libellé actuel de la loi no 18314, qui définit les actes terroristes et fixe les peines correspondantes, ne limite pas expressément les garanties énoncées aux alinéas d), e) et f) de l’article 17 de la Convention. L’article 14 énonce les mesures spéciales qui peuvent être prescrites pendant l’audience au cours de laquelle il est signifié au détenu qu’il fait l’objet d’une enquête (formalización) ou après si une mesure de détention provisoire a été ordonnée. Ces mesures consistent à restreindre les visites ou à intercepter ou enregistrer les communications téléphoniques ou informatiques de l’accusé, sachant que ces mesures ne peuvent en aucun cas viser les échanges de l’intéressé avec ses avocats. Elles doivent être ordonnées par une décision de justice motivée et sont susceptibles de recours.

99.En outre, la loi no 18314 prévoit l’application des règles énoncées dans l’article 236 du Code de procédure pénale concernant l’exécution d’actes de procédure à l’insu de la partie concernée, exécution qui doit être autorisée par décision de justice et uniquement lorsque cela est indispensable pour assurer l’efficacité de la procédure. L’article 182 du Code de procédure pénale suit la même logique en ce qu’il établit le caractère secret de certains actes à l’égard de l’accusé et d’autres parties prenantes lorsque cela est nécessaire à l’efficacité de l’enquête. En résumé, la loi qui définit les actes terroristes et fixe les peines correspondantes fait référence aux règles générales énoncées dans le Code de procédure pénale concernant les mesures spéciales qui doivent être adoptées à l’égard de l’accusé dans le cadre d’une enquête pénale.

Paragraphe 19 b)

100.L’administration pénitentiaire ne restreint pas l’entrée des autorités et institutions habilitées dans les établissements pénitentiaires qui sont sous son contrôle et sa surveillance.

101.L’Institut national des droits de l’homme a accès à tous les lieux dans lesquels des personnes sont ou pourraient être détenues. Il peut entrer dans tous les établissements gérés par l’administration pénitentiaire sans demander d’autorisation. La circulaire no 516 de l’administration pénitentiaire dispose que le personnel pénitentiaire doit faire preuve de déférence et de souplesse et se montrer coopératif à l’égard des représentants de l’Institut. De son côté, l’Institut envoie tous les six mois à l’Unité de protection et de promotion des droits de l’homme de l’administration pénitentiaire la liste des agents chargés d’effectuer des visites.

102.Le Chili compte 16 établissements pénitentiaires pour adultes dotés d’installations accueillant uniquement des adolescents (loi no 20084).

103.L’admission dans les centres pour adolescents délinquants directement gérés par le Service national des mineurs est régie par le Code de l’organisation judiciaire, ainsi que par les articles 90 et 91 du Règlement d’application de la loi no 20084. S’agissant de l’Institut national des droits de l’homme, c’est la règle générale qui s’applique puisqu’il n’existe pas de directive spéciale qui réglemente ses visites dans les centres de détention. Toutefois, la décision non soumise au contrôle de légalité no 312/B, mentionnée plus haut et qui aborde l’admission des groupes de la société civile à son point2.VIII.1, reste en vigueur.

104.S’agissant des restrictions d’accès aux lieux de privation de liberté, le Bureau du défenseur public aux affaires pénales a fait état de quelques difficultés ponctuelles dans certains centres pénitentiaires. Pour remédier à ce problème, il a conclu un accord avec l’administration pénitentiaire en décembre 2018.

105.Le Congrès national a achevé l’examen du projet de loi désignant l’Institut national des droits de l’homme comme mécanisme national de prévention de la torture et l’a approuvé et transmis le 8 janvier 2019 à l’exécutif pour que celui-ci poursuive les formalités indispensables à sa promulgation en tant que loi.

106.L’article 4 de la loi no 20405 définit les attributions de l’Institut national des droits de l’homme, notamment les moyens dont celui-ci dispose pour entrer dans des établissements publics dans lesquels des personnes sont ou pourraient être détenues.

107.Afin de souligner que les deux institutions auront compétence pour pénétrer dans des lieux de privation de liberté, l’alinéa b) de l’article 3 du projet de loi susmentionné dispose que la capacité du mécanisme national de prévention de la torture de procéder régulièrement à des visites de prévention non programmées et à des visites de contrôle ne remet pas en question les attributions de l’Institut national des droits de l’homme.

Paragraphe 19 c)

108.En ce qui concerne la consultation des registres des personnes détenues, l’accès au système informatique interne de l’administration pénitentiaire est limité aux seuls membres de son personnel qui disposent d’une autorisation d’accès accordée par le Département du contrôle pénitentiaire de la sous-direction opérationnelle.

109.S’agissant des mesures prises pour faire en sorte que chacun des registres contienne toutes les informations énumérées au paragraphe 3 de l’article 17 de la Convention et soit tenu à jour, y compris les mesures de suivi, il convient de noter que l’administration pénitentiaire dispose de registres pour les éléments du paragraphe 3 de l’article 17 suivants.

L’identité de la personne privée de liberté ;

Consignée dans un registre

La date, l’heure et l’endroit où la personne a été privée de liberté et l’autorité qui a procédé à la privation de liberté ;

L’administration pénitentiaire dispose du mandat de dépôt émis par le tribunal compétent sur lequel sont indiquées la date et l’autorité qui ordonne la privation de liberté ; elle consigne également l’heure d’arrivée de la personne à l’établissement pénitentiaire mais ne tient pas de registre reprenant la date et l’heure de la détention ni l’autorité qui a délivré le mandat.

L’autorité ayant décidé la privation de liberté et les motifs de celle-ci ;

Consignée dans un registre

L’autorité contrôlant la privation de liberté ;

Consignée dans un registre

Le lieu de privation de liberté, la date et l’heure de l’admission dans ce lieu et l’autorité qui en est responsable ;

Consignés dans un registre

Les éléments relatifs à l’état de santé de la personne privée de liberté ;

Afin de garantir le bon état de santé des personnes détenues, celles-ci sont catégorisées et séparées en fonction de leurs caractéristiques à leur arrivée.

En cas de décès pendant la privation de liberté, les circonstances et les causes du décès et la destination des restes de la personne décédée ;

Toute personne qui décède au cours de sa détention est retirée du système informatique interne pour cause de « décès ».

La date et l’heure de la libération ou du transfert vers un autre lieu de détention, la destination et l’autorité chargée du transfert.

Consignées dans un registre

110.Ces registres sont quotidiennement mis à jour en fonction des événements qui se sont produits.

111.Concernant les sanctions prévues par la loi en cas d’absence avérée de registre ou de registre manifestement incomplet, le législateur a prévu la possibilité d’ouvrir une instruction administrative en vue d’établir la responsabilité administrative du fonctionnaire. Si sa responsabilité est avérée, le fonctionnaire en question peut faire l’objet d’une mesure disciplinaire, indépendamment de toute responsabilité pénale

112.Le système informatique interne n’enregistre pas d’informations concernant les plaintes.

113.Le Service national des mineurs tient à jour un système informatique enregistrant tous les adolescents qui, sur ordre d’un tribunal, sont admis dans un centre de détention ou prennent part à un programme dans le but d’exécuter la mesure ou la peine prononcée. Il s’agit d’un registre indépendant de celui que doit tenir l’administration pénitentiaire en application de l’article 150 du Règlement d’application de la loi no 20084. L’avant-dernier paragraphe de l’article 35 de cette loi établit qui peut avoir accès à ce registre. La circulaire no 19 du 7 juin 2007 contient des instructions sur le droit des adolescents à la confidentialité et à la discrétion s’agissant des informations les concernant.

114.En ce qui concerne les sanctions prévues, c’est la norme générale sur la responsabilité administrative, à savoir le Statut administratif mentionné en note, qui s’applique. À cet égard, on a constaté, à l’occasion de la révision du système de suivi des procédures, qu’aucune procédure disciplinaire n’avait été instruite concernant la situation précédemment exposée.

115.Parallèlement à ces mesures et grâce au système informatique de gestion de la défense pénale (à usage interne au Bureau du défenseur public aux affaires pénales), il est possible d’obtenir des informations sur toutes les personnes qui ont été représentées par un défenseur public et qui purgent une peine privative de liberté prononcée à l’issue du procès pénal.

Paragraphe 19 d)

116.Le Code de procédure pénale énonce les droits de l’accusé privé de liberté (art. 94) et ceux de son avocat (art. 96), conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 18 de la Convention. Les proches de l’accusé, ou toute personne intéressée, peuvent obtenir les informations souhaitées, conformément à la procédure prévue par la loi no 20285 relative à l’accès à l’information publique. Ladite loi garantit à toute personne le droit de demander et d’obtenir des informations sur tout organe administratif de l’État. Dans le même temps, le règlement des établissements pénitentiaires autorise l’accusé à communiquer et à se tenir informé de certains éléments visés par la Convention.

117.Enfin, la voie de recours énoncée à l’article 95 du Code de procédure pénale, tout comme celle énoncée à l’article 21 de la Constitution, est conforme aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention.

Paragraphe 19 e)

118.Le Bureau du défenseur public aux affaires pénales ne prévoit pas de mécanisme de protection des personnes ayant un intérêt légitime à accéder aux informations. Toutefois, le Code de procédure pénale reconnaît le droit des témoins de demander une protection (art. 308) et le droit de l’avocat de la défense d’user des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi pour obtenir des informations, tout en garantissant son intégrité.

119.Le Service national des mineurs a établi la procédure à suivre en cas de faits de violation des droits des adolescents se trouvant en centre de détention et la procédure de communication de ces informations aux autorités administratives compétentes, au Ministère public ou à la police, selon qu’il convient.

Paragraphe 19 f)

120.Plusieurs circulaires de l’administration pénitentiaire régissent la remise en liberté effective des personnes détenues. En outre, le Bureau du défenseur public aux affaires pénales est informé de la remise en liberté d’une personne par la circulaire envoyée par l’administration pénitentiaire au tribunal. En application du manuel des procédures minimales de défense pénitentiaire, l’avocat de la défense est dans l’obligation d’exposer les raisons pour lesquelles il n’a pas pu interroger la personne détenue lors de sa remise en liberté.

121.Les tribunaux et le Service national des mineurs sont chargés de superviser la remise en liberté des adolescents placés en détention provisoire. En ce qui concerne les renseignements fournis au paragraphe 158 du rapport national, il convient de tenir compte des dispositions de l’article 37 du règlement d’application de la loi no 20084.

Paragraphe 20

122.La police judiciaire n’a pas mis en place de programmes d’enseignement spécialement consacrés aux disparitions forcées. Toutefois, conformément aux priorités établies dans le premier Plan national des droits de l’homme pour la période 2018-2021, la police judiciaire a mis à jour le contenu de ses programmes liés à ces questions. La question des disparitions forcées et la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes ont été intégrées aux programmes des cours portant sur les thèmes suivants : « Déontologie policière », « Procédures policières I », « Introduction aux droits de l’homme » et « Droits de l’homme et fonction de police ».

123.Depuis 2018, un programme d’enseignement des notions élémentaires concernant les droits de l’homme est dispensé dans les écoles de formation de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air.

V.Mesures de réparation et mesures de protection des enfants contre les disparitions forcées (art. 24 et 25)

Paragraphe 21

124.Il est établi à l’article 108 du Code de procédure pénale que, dans le cadre d’une enquête pénale, on entend par « victime » aussi bien la personne disparue que sa famille proche.

125.En l’absence de définition de la disparition forcée dans la législation chilienne, divers instruments internationaux sont employés pour définir les actes constitutifs de cette infraction. Ainsi, l’affaire concernant José Vergara et José Huenante a été traitée en s’appuyant sur la définition de la disparition forcée donnée dans la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes (art. II) et dans la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (art. 4) et, plus particulièrement, sur les recommandations du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires.

126.Grâce aux mesures prises pour que les victimes de disparition forcée puissent obtenir réparation par voie de justice (dans le cas des disparitions postérieures à la dictature), il est aujourd’hui possible d’entreprendre, au moment de la conduite de la procédure pénale, toute action ayant pour objet d’engager la responsabilité civile découlant de l’infraction commise (art. 59 du Code de procédure pénale). Il est également possible de former un recours directement auprès d’un tribunal civil.

127.En ce qui concerne les mesures de réparation, la loi no 20.377 relative à la déclaration d’absence pour cause de disparition forcée prévoit que, lorsqu’une décision de justice est rendue, par laquelle une personne est déclarée absente pour cause de disparition forcée, le Service de l’état civil et de l’identité rend une ordonnance de transfert des biens de la personne disparue et de dissolution du mariage à la demande expresse du conjoint. Cette loi donne un statut juridique aux droits des proches s’agissant des biens et du mariage de la personne absente pour cause de disparition forcée, sans effet sur la procédure pénale.

128.Pour ce qui est de la législation en vigueur concernant la situation juridique des personnes disparues et de leurs proches, il incombe au Service de l’état civil et de l’identité, conformément au mandat que lui confie la loi no 20377, de rendre l’ordonnance de transfert des biens de la personne disparue, .

129.En ce qui concerne la liste des victimes reconnues par l’Unité du programme des droits de l’homme du Ministère de la justice et des droits de l’homme, 174 personnes ont été déclarées présumées décédées par décision judiciaire à la demande de leurs proches, produisant les effets juridiques du décès, tels que la dissolution du mariage ou la succession.

Paragraphe 22

130.Les autorités judiciaires ne tiennent pas de registre des demandes d’indemnisation visées au paragraphe 176 du rapport national ni des arrêts par lesquels la Cour suprême aurait rejeté ces demandes, et ne savent donc pas si celles-ci ont par la suite été jugées recevables. Elles sont toutefois en mesure de communiquer le montant total des indemnisations accordées par les tribunaux entre le 1er janvier 2002 et le 31 octobre 2018 pour préjudices subis au titre des graves violations des droits de l’homme commises pendant la dictature, qui s’élève à 53 288 000 000 dollars (montant calculé sur la base des arrêts de la Cour suprême infirmant ou confirmant les jugements prononcés).

Paragraphe 23

131.Le projet de loi portant modification de la loi no 19992 est actuellement examiné en deuxième lecture par le Sénat. Il convient toutefois de souligner que l’obligation de secret prévue par la loi n’interdit nullement l’engagement de poursuites pénales contre les auteurs d’infractions constitutives d’actes de torture commises pendant la dictature. Ainsi, dans l’arrêt qu’elle a rendu concernant l’affaire Maldonado et al. c. Chili, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a affirmé que le principe de proportionnalité était respecté s’agissant du devoir de secret.

132.Le projet de loi portant modification du décret no 5.200 (1929), ayant force de loi, visant à mettre fin à la suppression d’archives et de renseignements par le Ministère de la défense nationale, les forces armées, les forces de l’ordre et les forces de sécurité publique est actuellement examiné en deuxième lecture par le Sénat.

Paragraphe 24

133.Les opérations de recherches de personnes disparues sont lancées sur instruction du Ministère public ou des tribunaux comme suite à une plainte ou à un recours présenté par un particulier ou une institution. Le Ministère public ou les tribunaux ordonnent alors la participation des institutions auxiliaires à l’enquête, parmi lesquelles le Service de médecine légale. Le Service de médecine légale dispose d’une équipe pluridisciplinaire, l’Unité spéciale d’identification médico-légale, habilitée à effectuer des recherches, des fouilles et des exhumations de restes biologiques et non biologiques prélevés sur les victimes de disparitions afin de procéder à des analyses en vue de leur identification, d’établir des rapports et de restituer les restes aux familles. D’autres mesures sont prévues à cet effet dans le Plan national des droits de l’homme 2018-2021. De plus, pour faciliter l’identification des personnes disparues dans le cadre de l’Opération Condor, le Service de médecine légale a conclu avec l’Équipe argentine d’anthropologie médico-légale un accord de coopération scientifique qui permet au Chili et à l’Argentine d’échanger des informations génétiques sur les victimes et leurs proches.

134.L’Unité spéciale d’identification médico-légale tient à jour une banque d’échantillons de référence et une base de données sur les victimes contenant des profils génétiques des restes osseux des victimes de la dictature ainsi que des échantillons de référence (sanguins et osseux) de leurs proches. Ces profils sont établis à partir des analyses effectuées par des laboratoires internationaux, certifiés selon la norme ISO 17025, qui sont transmises au Chili par l’intermédiaire d’une base de données dont l’accès est restreint aux membres de l’Unité spéciale d’identification médico-légale, et qui font l’objet de comparaisons permanentes et systématiques permettant d’informer les tribunaux saisis de ces affaires en cas de correspondance. Les échantillons sont collectés sur une base volontaire ou sur ordre des tribunaux, selon des procédures normalisées en voie de certification. Les profils génétiques sont utilisés exclusivement aux fins de l’identification des victimes mais ne sont pas enregistrés dans le fichier ADN national, dans lequel il conviendrait toutefois d’enregistrer, à titre de référence, les profils génétiques des proches des personnes disparues qui pourraient correspondre à ceux des victimes de disparitions forcées postérieures à mars 1990.

135.La remise ou la restitution des restes et des effets personnels des victimes à leurs proches est effectuée sur décision de justice. L’Unité du programme des droits de l’homme participe à cette procédure et respecte la volonté de la famille quant à la date, au lieu, aux personnes présentes, à la médiatisation ou à toute autre exigence de sa part. Si les familles le souhaitent, l’Unité spéciale d’identification médico-légale et l’Unité du programme des droits de l’homme organisent des réunions en amont de la restitution des restes afin d’accompagner les familles, de recueillir leurs demandes et de les tenir informées des conclusions des autopsies, sur autorisation judiciaire.

Paragraphe 25

136.Parmi les arrêts rendus par la Cour suprême dans le domaine des droits de l’homme entre 2002 et le 26 décembre 2018, seules deux affaires portaient sur des enlèvements de mineurs et une affaire portait sur un avortement ou une soustraction de mineur, comme il apparaît ci-dessous :

a)L’affaire no 3587 (2005), appelée « Episodio Parral », menée par le magistrat enquêteur Alejandro Solís Muñoz et jugée par la Cour suprême le 27 décembre 2007 ;

b)L’affaire no 46.483 (2016), jugée par la Cour suprême, concernant un enlèvement de mineur sur la personne de Claudio Santiago Venegas Lazzaro, commis en septembre 1974 dans la commune de Santiago ;

c)L’affaire no 2.182-98 (enlèvement de Diana Frida Arón Svigilsky).

137.Onze affaires de soustraction de mineurs sont en cours de traitement au niveau national et se trouvent actuellement au stade de l’enquête, excepté l’une d’entre elles qui se trouve déjà au stade du jugement.

138.Le système juridique chilien ne prévoit pas de dispositions applicables expressément à la soustraction de mineurs soumis à une disparition forcée. Toutefois, la loi no 19620 dispose, aux articles 41 et 42, que le fait d’obtenir ou de remettre un enfant sans se soumettre aux procédures réglementaires prévues dans la loi relative à l’adoption constitue une infraction passible de sanctions.

139.En ce qui concerne la falsification, la dissimulation ou la destruction de documents attestant la véritable identité des enfants et les procédures d’adoption non conformes aux dispositions légales, il convient de distinguer l’adoption illégale (qui suppose une infraction ou la violation expresse de la législation en vigueur au moment de l’adoption) et l’adoption irrégulière (qui ne suppose pas de violation de la législation en vigueur mais qui est fondée sur un vide juridique ou sur l’absence de dispositions applicables).

140.Des enquêtes sont en cours sur des cas d’« adoption illégale » qui ont eu lieu avant la promulgation de la loi no 19620 et qui sont liées à l’adoption d’enfants au Chili ou à leur sortie du territoire aux fins de leur adoption.

141.En ce qui concerne les procédures légales prévues pour garantir le droit des enfants et des adultes, qui pensent être nés de victimes de disparition forcée, de voir rétablie leur véritable identité, dans le cadre d’une adoption, le Service national des mineurs a élaboré un sous-programme de recherche des origines destiné aux personnes majeures qui ont été adoptées et qui souhaitent en savoir plus sur leurs origines.

142.La nullité d’une adoption ne peut être demandée que par la personne adoptée dès lors qu’elle est âgée de plus de 18 ans et que son adoption a été obtenue de manière illicite ou frauduleuse.