Nations Unies

CED/C/CHL/1*

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

6 février 2018

Français

Original : espagnol Anglais, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Rapport soumis par le Chili en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention, attendu en 2012 ** , ***

[Date de réception : 30 novembre 2017]

Table des matières

Page

I.Méthodologie3

II.Introduction4

III.Renseignements sur les dispositions de fond de la Convention12

Article premier12

Articles 2 et 414

Article 317

Article 519

Article 619

Article 722

Article 825

Article 926

Article 1027

Article 1127

Article 1229

Article 1333

Articles 14 et 1534

Article 1635

Article 1735

Article 1839

Article 1941

Article 2042

Article 2143

Article 2244

Article 2344

Article 2446

Article 2550

I.Méthodologie

1.La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ci-après « la Convention ») a pour but de prévenir les disparitions forcées et de lutter contre l’impunité de ce crime, ainsi que de garantir le droit des victimes à la justice et à réparation. En application de celle-ci, il incombe à l’État partie de présenter au Comité des disparitions forcées (ci-après « le Comité ») un rapport sur les mesures prises pour donner effet à ses obligations au titre de la Convention. L’établissement du présent rapport est le fruit d’un travail coordonné et de l’application d’une méthodologie permettant de traiter les faits de manière systématique afin de fournir des renseignements sur les progrès réalisés et sur les défis que l’État partie doit encore relever. En outre, les recommandations formulées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires à l’issue de sa visite officielle dans le pays, réalisée du 13 au 21 août 2012, ont été prises en compte.

2.Les renseignements sur lesquels se fonde le présent rapport ont été obtenus grâce à la collaboration des organismes publics à qui il a été fait appel en application des directivesqui précisent les exigences du Comité concernant les renseignements à présenter sur la mise en œuvre des articles de la Convention. Un des éléments clefs de l’élaboration du présent rapport a été l’intégration de renseignements sur le coup d’état militaire du 11 septembre 1973 et sur les violations massives, systématiques et institutionnalisées des droits de l’homme dont le peuple chilien a été victime. L’État a fait le choix de présenter des renseignements sur la dictature militaire − bien que cette période ne relève pas de la compétence temporelle de la Convention − afin de décrire le contexte dans lequel des disparitions forcées ont eu lieu entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1990, ainsi que celui dans lequel se sont produites celles survenues après cette période, car ces disparitions forcées se sont inscrites dans des contextes historiques et juridiques distincts et font l’objet de réponses institutionnelles diverses. Il est fondamental de garder à l’esprit les violations passées et les réponses institutionnelles apportées pour comprendre, aujourd’hui, l’évolution qu’ont connu les politiques nationales concernant la vérité, la justice, la réparation et les garanties de non-répétition.

3.Compte tenu de ce qui précède, les institutions publiques qui exercent des fonctions liées aux enquêtes, aux sanctions, aux réparations et à la prévention touchant les disparitions forcées qui se sont produites sous la dictature ont été consultées, notamment au sujet des protocoles ou des modalités d’action applicables dans des états d’exception et pour établir des statistiques sur les fonctionnaires visés par des enquêtes pour des infractions de ce type et pour obtenirdes renseignements sur l’existence de programmes de formation visant à donner effet aux garanties de non-répétition.

4.Pour ce qui est du travail du pouvoir judiciaire concernant les cas de disparition forcée, des renseignements récapitulatifs ont été demandés sur le nombre de victimes reconnues, sur l’âge et le sexe de celles-ci, sur l’existence de procédures judiciaires en leur faveur et sur les interventions de l’État dans les enquêtes pertinentes. L’obtention de ces renseignements était liée à la base de données gérée et alimentée depuis des années par l’Unité du programme des droits de l’homme. Le pouvoir judiciaire a quant à lui traité toutes les requêtes présentées au cours des dix dernières années et a fourni les ressources nécessaires pour encourager, d’une part, des réponses judiciaires visant à établir la vérité concernant la disparition de personnes et, d’autre part, pour que les sanctions prévues soient imposées aux responsables.

5.Le Service de médecine légale et le Service de l’état civil et de l’identité, qui relèvent du Ministère de la justice et des droits de l’homme, ont également apporté des renseignements qui ont contribué à élucider des cas de disparition forcée : le premier a joué un rôle important dans l’établissement de l’identité de personnes disparues et dans la détermination des causes possibles du décès ; le second a permis le transfert des biens de personnes absentesen raison d’une disparition forcée à leurs héritiers légaux.

6.Les renseignements fournis par les institutions publiques qui ont joué un rôle dans les enquêtes sur des disparitions forcées menées au début de la transition démocratique ont été particulièrement importants pour l’établissement du présent rapport. Il s’agit notamment du ministère public, du Bureau du défenseur public aux affaires pénales, de l’Institut national des droits de l’homme et d’institutions des forces armées et des forces de l’ordre.

7.Afin de garantir la bonne élaboration du présent rapport, l’aide technique du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires a été sollicitée ; l’un des experts du Groupe de travail, Ariel Dulitzky, a effectué une visite dans le pays les 23 et 24 mars. L’objectif principal était de bénéficier de conseils techniques pour établir le cadre du suivi des recommandations formulées par le Groupe de travail à l’issue de sa visite de 2012, ainsi que pour élaborer le premier rapport à l’intention du Comité des disparitions forcées. Dans le cadre de sa visite, l’expert a participé à plusieurs réunions, notamment à une rencontre avec des représentants de la société civile organisée par l’État, qui a permis de nouer un dialogue.

8.Enfin, le 20 novembre 2017, des membresdu Sous-Secrétariat aux droits de l’homme ont rencontré des organisations de proches de victimes de la dictature et d’anciens prisonniers politiques pour leur présenter le contenu du rapport établi à l’intention du Comité des disparitions forcées et pour les informer des étapes auxquelles elles pourraient participer. Le Bureau régional du Haut-Commissariat aux droits de l’homme pour l’Amérique du Sud a appuyé cette entreprise.

II.Introduction

9.Les obligations internationales qui incombent au Chili s’agissant d’enquêter sur les cas de disparition forcée et de sanctionner les auteurs de ces infractions doivent être examinées en regard des violations massives, institutionnalisées et systématiques des droits de l’homme qui se sont produites entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1990, ainsi que des mesures que l’État a adoptées depuis la restauration de la démocratie. La présente introduction recense les initiatives menées depuis 1990 − une attention particulière étant accordée aux interventions du pouvoir judiciaire −, les réparations offertes aux proches de détenus disparuset les mesures prises pour garantir la non-répétition de ces faits. Afin de mieux comprendre les mesures adoptées par l’État, les principaux faits marquants en matière de vérité, de justice et de réparation seront exposés.

10.Comme cela a été largement attesté, la disparition forcée a été une des pratiques systématiques et généralisées qui ont fait du Chili un État criminel au regard du cadre normatif national et international. Les victimes de violations des droits de l’homme ont témoigné du contexte politique de l’époque, de la répression qui régnait pendant cette période et de la nécessité de reconstruire un régime démocratique qui garantisse le respect absolu des droits de l’homme dans le cadre de l’état de droit.

11.Les premiers gouvernements démocratiques étaient conscients que pour pouvoir gouverner et parvenir à la stabilité politique, il était fondamental de régler la question des violations des droits de l’homme. Les priorités qui ont été fixées étaient d’établir la vérité, d’offrir réparation aux victimes et à leurs proches et de rendre justice pour les violations graves des droits de l’homme, afin que les plaies du passé puissent être pansées.

1.Vérité

12.Une fois la démocratie restaurée, l’une des principales tâches de l’État a été l’établissement de politiques qui répondent à la nécessité de rechercher la vérité sur les violations des droits de l’homme commises pendant la dictature. À cet égard, il était primordial de savoir ce qui s’était passé, où se trouvaient les personnes disparues, comment elles avaient disparu et qui étaient les fonctionnaires responsables. Des commissions pour la vérité ont été établies en tant qu’institutions temporaires chargées de recueillir des renseignements sur les victimes et sur leurs proches afin de leur reconnaître officiellement la qualité de victime ou de proche et d’ainsi leur donner accès à un ensemble de réparations.

13.La Commission nationale pour la vérité et la réconciliation (communément appelée Commission Rettig) a été la première institution chargée d’œuvrer à l’établissement de la vérité. Créée par le décret suprême no 355 du 25 avril 1990, elle a achevé ses travaux le 8 février 1991 avec la présentation d’un rapport final. Pendant sa période d’activité, elle a reçu 3 550 plaintes, dans le cadre desquelles elle a reconnu la qualité de victime de violations des droits de l’homme à 2 279 personnes ayant fait l’objet d’une disparition forcée ou d’une exécution. Parmi ces cas reconnus, 979 concernaient des détenus disparus.

14.Le 8 février 1992 été publiée la loi no 19.123 portant création de l’Organisme national de réparation et de réconciliation, l’objectif étant de coordonner, d’appliquer et de promouvoir les recommandations formulées par la Commission nationale pour la vérité et la réconciliation. Cet organisme a également été chargé d’examiner les cas sur lesquels la Commission n’avait pas pu se prononcer faute de renseignements, ainsi que les cas qui ne lui avaient pas été soumis. Il a publié un rapport dans lequel il indiquait avoir reconnu la qualité de victime à 899 personnes, dont 123 détenus qui avaient disparu.

15.En 2003, une troisième institution a été créée par le décret suprême no 1040 : la Commission nationale sur l’emprisonnement politique et la torture (Commission Valech ou Commission Valech I), qui avait pour mandat unique de « déterminer, compte tenu des renseignements présentés, quelles étaient les personnes qui avaient été détenues et torturées pour des motifs politiques par des agents de l’État ou des personnes à son service pendant la période allant du 11 septembre 1973 au 10 mars 1990 ». Ce texte a été complété par la loi no 19.992, qui « établit une pension à titre de réparation et accorde d’autres avantages aux personnes visées » et prévoit ainsi que les personnes reconnues comme victimes par la Commission Valech, à savoir 27 255 personnes dont 102 étaient des enfants ou adolescents ou étaient nés pendant la détention de leur mère, bénéficient d’une pension annuelle de réparation et d’avantages en matière de santé et d’éducation. Par ailleurs, pour diverses raisons, 8 611 cas ont été rejetés par cette commission et n’ont pas été reconnus.

16.La loi no 20.405, promulguée le 10 décembre 2009, a porté création de la Commission consultative pour la reconnaissance des détenus disparus, des personnes exécutées pour des raisons politiques et des victimes d’emprisonnement politique et de torture (« Commission Valech II »), qui avait notamment pour fonction de recueillir de nouveaux témoignages et renseignements concernant les détenus disparus, les personnes exécutées pour des raisons politiques et les victimes d’emprisonnement politique et de torture qui n’avaient pas été reconnus comme tels par les précédentes institutions. Dans son rapport final publié en 2011, elle fait état de 30 nouveaux cas dont 6 cas de détenus disparus. La loi no 20.405 prévoit également que les proches de victimes reconnues peuvent eux-aussi bénéficier de réparations. Les trois commissions ainsi mandatées ont reconnu au total 1 107 personnes comme détenu disparu. Toutefois, et tout en reconnaissant le travail sérieux et professionnel accompli par ces commissions, il convient de signaler que 6 cas ont été reconnus à tort et qu’un cas a été reconnu deux fois, ce qui réduit le nombre total de détenus disparus à 1 100.

17.Le travail réalisé dans ce domaine par le Groupe de dialogue constitué en août 1999 a été considérable. Celui-ci avait pour objet de faire avancer la recherche des personnes victimes de disparition forcée pendant la dictature ; pour ce faire, il réunissait les secteurs les plus représentatifs de la vie nationale, notamment les plus hautes autorités du pays et les institutions civiles, militaires, religieuses et éthiques. Les accords conclus ont débouché, en janvier 2001, sur la remise par les forces armées et les forces de l’ordre d’une liste indiquant quel aurait été le sort final de 200 victimes (dont 180 personnes identifiées et 20 non identifiées). Les proches des victimes et l’ensemble de la société ont été marqués par ces renseignements rendus publics par le Président de la république de l’époque, qui a communiqué l’information à la Cour suprême, lui demandant de renforcer les institutions judiciaires pour faire progresser l’établissement de la vérité. La Cour suprême a désigné des magistrats enquêteurs et des juges spécialisés, les chargeant de se consacrer à temps plein et prioritairement à cette tâche et a ordonné la réouverture des dossiers, accélérant ainsi l’action des tribunaux du pays et offrant de nouvelles possibilités de déterminer quel avait été le sort des victimes de la période 1973-1990. Il convient de signaler que par la suite des incohérences ont été constatées dans les renseignements fournis par les forces armées et par les forces de l’ordre.

2.Justice

18.Conformément aux obligations internationales du Chili, les violations des droits de l’homme doivent faire l’objet d’enquêtes, leurs auteurs doivent être sanctionnés et les victimes doivent se voir offrir des réparations. Le Chili a pris des mesures pour s’acquitter de ces obligations, ce qui, pendant les premières années qui ont suivi la dictature, ne s’est pas fait sans rencontrer d’obstacles dus, notamment, à l’appui dont continuait de bénéficier le régime dictatorial et de contraintes réglementaires héritées de la dictature.

2.1Programme d’application de la loi n° 19.123 ou action de l’Unité du programme des droits de l’homme

19.Dans le domaine de la justice, il convient de signaler le travail accompli par l’Unité du programme des droits de l’homme et les progrès réalisés dans les procédures judiciaires. L’Unité du programme des droits de l’homme a été créée par le décret suprême no 1005 du 9 juin 1997 du Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique, qui, en son article premier, dispose que l’Unité a pour fonctions de fournir une aide juridique et sociale aux proches des victimes reconnues par la Commission nationale pour la vérité et la réconciliation et par l’Organisme national de réparation et de réconciliation, afin qu’elle puisse tant accéder aux avantages prévus par la loi no 19.123 qu’exercer le droit consacré dans l’article 6 de ce même décret. Avec l’entrée en vigueur de la loi no 20.885, qui a porté création du Sous-Secrétariat aux droits de l’homme, l’Unité du programme des droits de l’homme a été transférée du Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique au Ministère de la justice et des droits de l’homme, qui lui a donné son nom actuel (antérieurement « Programme des droits de l’homme »), et a acquis une stabilité institutionnelle grâce à cette loi organique, qui lui donne des bases plus solides pour l’exécution de son mandat. L’Unité dispense en outre une aide juridique et sociale aux proches de détenus disparus et de personnes exécutées pour des raisons politiques et est chargée de favoriser une culture du respect des droits de l’homme en encourageant, en appuyant et en faisant connaître les mesures de réparation symbolique d’ordre culturel et éducatif (voir la partie « Réparation symbolique »). Au cours de ses vingt années d’existence, l’Unité a étendu ses domaines d’action, lesquels comprennent certains aspects sociaux, la mémoire et l’aide psychosociale aux victimes et aux proches. Ainsi, l’Unité est chargée :

D’établir les circonstances de la disparition et du décès des victimes reconnues et de mettre en œuvre le droit des proches des victimes de disparition forcée et de la société chilienne de bénéficier d’une aide ;

De gérer les renseignements provenant de la Commission nationale pour la vérité et la réconciliation et de l’Organisme national de réparation et de réconciliation ;

De soutenir les initiatives à caractère symbolique visant à contribuer à l’édification d’une culture de respect des droits de l’homme.

20.L’Unité du programme des droits de l’homme participe en qualité de tiers intervenant aux procédures judiciaires concernant des victimes de disparition forcée et des personnes exécutées pour des raisons politiques dont les restes n’ont pas été restitués. La loi n° 19.980 du 9 novembre 2004 a porté modification de la loi no 19.123, élargissant les compétences de l’Unité et prévoyant de nouveaux avantages pour les proches de ces victimes. De la même manière, la loi no  20.405 mentionnée précédemment élargit les compétences de l’Unité en ce sens qu’elle peut « [...] réaliser toutes les actions juridiques nécessaires, y compris se constituer partie civile pour des infractions d’enlèvement ou de disparition forcée, selon le cas, et d’homicide ou d’exécution sommaire, selon le cas ». La reconnaissance juridique de telles compétences a permis à l’Unité de se constituer partie civile pour des détenus disparus et des victimes d’exécution reconnus ; de se constituer partie dans des recours en amparo et en protection en matière de libération conditionnelle ; ainsi que de former un recours en inapplicabilité devant le Tribunal constitutionnel.

2.2Tribunaux

21.Le pouvoir judiciaire a dû faire face à divers éléments qui, au cours des premières années, ont compliqué sa tâche dans le cadre du processus national de justice transitionnelle. Au cadre réglementaire issu de la dictature, tel que le décret-loi d’amnistie, se sont ajoutés des éléments d’ordre social tel que le sentiment, au sein de certains secteurs, que la réconciliation ne serait possible que si les cas de violations des droits de l’homme ne faisaient pas l’objet d’enquêtes. En vingt-sept ans, le pouvoir judiciaire a intégré les normes relatives aux droits de l’homme dans ses décisions concernant des affaires relatives à la dictature et ces normes sont devenues un fondement essentiel de ses décisions.

22.Il convient de mettre en relief le travail des tribunaux supérieurs s’agissant d’appliquer les normes internationales relatives aux droits de l’homme, lesquels tiennent compte du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et de la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes, entre autres. La jurisprudence nationale a été influencée par les normes internationales s’agissant, par exemple, du caractère imprescriptible et non amnistiable des crimes contre l’humanité, progressant ainsi vers le plein respect du droit à la vérité et à la justice. Cette influence majeure s’est traduite par l’intégration dans le raisonnement juridique des normes de jus cogens et de la jurisprudence internationale et de celle de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Il a ainsi été possible d’intégrer le droit pénal international dans la jurisprudence chilienne.

23.Au 31 décembre 2016, l’Unité du programme des droits de l’homme participait à 943 procédures qui concernaient 1 741 victimes reconnues, dont 999 étaient des détenus disparus. En outre, on comptait 150 condamnations exécutoires dans des affaires de disparition forcée ouvertes entre 1995 et 2016, portant sur 307 victimes. En 2001, la Cour suprême avait désigné pour la première fois 9 juges chargés d’enquêter à temps plein sur 114 disparitions forcées commises pendant la dictature. Actuellement, 32 juges de cours d’appel de tout le pays désignés par la Cour suprême conduisent 1 269 procès pour disparition forcée, exécution ou torture. Pour plus de précisions, voir l’analyse des articles 3 et 12 de la Convention.

3.Réparation

24.L’État chilien a mis en place une politique de réparation intégrale au moyen de diverses compensations matérielles et immatérielles afin d’assurer aux proches des victimes la réparation des conséquences des violations des droits de l’homme perpétrées par la dictature. Pour ce faire, l’État a eu recours à diverses mesures de réparation.

25.Par l’intermédiaire de l’Unité du programme des droits de l’homme, un soutien social est fourni aux proches des victimes pour tout ce qui a trait à l’accès aux droits consacrés dans la législation sur la réparation et à l’octroi d’une aidesociale dans le contexte des procédures judiciaires liées à l’identification des restes. Sont couverts les frais liés aux cérémonies funéraires des victimes, une fois leurs restes remis ou restitués − après identification par analyse de l’ADN nucléaire −, ainsi que les frais découlant des enquêtes ordonnées dans le cadre des procédures judiciaires.

26.La loi no 19.123 et la loi no 19.980 portant modification de ce texte prévoient des avantages pour les proches des victimes reconnues par la Commission nationale pour la vérité et la réconciliation et par l’Organisme national de réparation et de réconciliation, avantages qui ont été étendus aux cas reconnus par la Commission Valech II. En résumé, les avantages ci-après sont prévus :

Une pension de réparation pour le ou la conjoint(e), la mère de la victime ou le père de celle-ci en cas de renonciation ou de décès de la mère, la mère des enfants de la victime nés hors mariage ou le père de ceux-ci quand la victime est leur mère, ainsi que les enfants de moins de 25 ans ou les enfants de tout âge présentant un taux d’incapacité physique et/ou mental de 50 % ;

Un versement à titre de réparation pour les enfants de victimes âgés de plus de 25 ans qui, au moment de la promulgation de la loi, n’avaient pas eu accès à une pension ;

Deux cents versements compensatoires pour les proches non visés par la loi, pour les cas particuliers dans lesquels il y a eu une victime, donnant ainsi droit à une pension, mais pas de bénéficiaires, et pour les concubins, entre autres ; des avantages éducatifs comme le paiement des frais d’inscription et de scolarité pour les enfants de victimes, paiement qui peuvent être demandés jusqu’à l’âge de 35 ans ;

Des avantages médicaux tels que le droit de bénéficier gratuitement des prestations médicales prévus par la loi n° 18.469, à savoir des prestations de médecine préventive, de médecine curative et de soins dentaires, et des avantagespour les femmes enceintes ;

Des avantages en matière d’éducation comme le paiement des frais d’inscription et de scolarité pour les étudiants des universités et des instituts professionnels, sous forme de subvention directe et de bourse mensuelle équivalant à 1,24 unité fiscale mensuelle pour les étudiants au niveau du secondaire de même que pour ceux des universités ou des instituts professionnels, avec ou sans subvention directe ;

Une exemption du service militaire obligatoire pour les enfants de personnes reconnues victime de violations des droits de l’homme ou de violence politique, qu’ils soient légitimes, nés hors mariage ou adoptés ; enfin, il convient de rappeler la loi n° 19.980 portant modification de la loi n° 19.123 portant création du Programme de réparation et de prise en charge sanitaire intégrale, qui relève administrativement du Ministère de la santé.

27.En ce qui concerne les victimes reconnues par la Commission Valech I, des mesures de réparation ont été établies par la loi n° 19.992, qui peuvent être résumées comme suit :

En matière de santé, en plus d’être couvertes par le Programme de réparation et de prise en charge sanitaire intégrale, elles ont droit, de la part de l’État, au soutien technique et aux moyens de réadaptation physique nécessaires pour se remettre des lésions corporelles consécutives à l’emprisonnement politique ou à la torture subie, lorsque ces lésions ont un caractère permanent et entravent la capacité de se former, de travailler ou de s’intégrer socialement ;

En matière d’éducation, l’État garantit la gratuité des études aux niveaux élémentaire, secondaire ou supérieur aux personnes qui ont dû les interrompre en raison d’un emprisonnement politique ou de faits de torture. De même, les bénéficiaires qui suivent des études de niveau supérieur dans des institutions publiques ou privées reconnues par l’État ont droit à la prise en charge des frais d’inscription et de scolarité ;

Pour ce qui est de la réparation financière, la Commission nationale sur l’emprisonnement politique et la torturea établi, dans son rapport, une pension annuelle pour chaque victime identifiée d’un montant de 1 353 798 pesos chiliens pour les personnes de moins de 70 ans ; de 1 480 284 pesos chiliens pour les personnes de plus de 70 ans et de moins de 75 ans et de 1 549 422 pesos chiliens pour les personnes de plus de 75 ans.

28.En réponse aux cas dans lesquels la situation juridique de la victime de disparition forcée n’avait pas été établie, laissant les proches sans protection patrimoniale, la loi n° 20.377 relative à la déclaration d’absence pour causede disparition forcée a été adoptée. Cette loi dispose qu’une disparition forcée s’entend de l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes ayant agi avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État et qui s’est produit entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1990, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve.

29.Le Programme de réparation et de prise en charge sanitaire intégrale témoigne des nombreux efforts déployés par l’État pour fournir une assistance en matière de santé aux victimes de la répression et à leurs proches. Les personnes prises en charge par le Programme ont droit à la gratuité des prestations médicales dans tous les centres de santé du réseau d’assistance (cabinets et hôpitaux publics).

30.Ce programme s’inscrit dans le cadre d’une politique publique de réparation qui est assurée à vie aux bénéficiaires. Chacun des 29 centres de santé du pays dispose d’une équipe du Programme. Il s’agit d’équipes multidisciplinaires composées principalement de médecins généralistes, de psychologues, de psychiatres et d’assistants sociaux chargés d’évaluer le préjudice subi et d’élaborer un plan d’intervention complet en matière de santé. Peuvent bénéficier du Programme :

Les proches de détenus disparus et de personnes exécutées pour des raisons politiques ;

Les personnes viséesdans le rapport de la Commission nationale sur l’emprisonnement politique et la torture  ;

Les personnes désignées comme bénéficiaires jusqu’au 30 août 2003 compris ;

Les personnes qui ont œuvré pour la protection des droits de l’homme pendant une période continue de dix ans ;

Les personnes qui ont été privées de leur emploi pour des raisons politiques ;

Les personnes rentrées au pays après un exil politique ;

Les personnes se trouvant dans d’autres situations que l’équipe du Programme considère prioritaires compte tenu de la norme technique, et après consultation avec le Ministère de la santé.

3.1Réparation symbolique

31.Jusqu’en 2002, les actions de l’État en matière de réparation symbolique n’avaient été que ponctuelles. En réponse aux demandes d’associations de proches et des recommandations figurant dans le rapport de la Commission nationale pour la vérité et la réconciliationtendant à ce qu’il y ait des lieux destinés à honorer la mémoire des victimes, de manière individuelle et collective, l’Unité du programme des droits de l’homme consacre une partie de son budget à l’érection de monuments commémoratifs, à l’entretien de sites historiques commémoratifset à d’autres formes de réparation symbolique. Ces diverses initiatives visent à asseoir la coexistence sociale et une culture plus respectueuse des droits de l’homme, porteuse de garanties de non-répétition.

32.Il convient de signaler le travail accompli dans ce domaine par le Sous-Secrétariat aux droits de l’homme, par l’intermédiaire de l’Unité du programme des droits de l’homme, qui s’emploie à réaliser des œuvres de réparation symbolique tels qu’aménagement de sites en souvenir des crimes commis, et à réaliser des œuvres culturelles comme des expositions ou des documentaires qui impliquent un engagement de large portée et par lequel l’État s’impose l’obligation de respecter strictement les droits de l’homme. D’autres entités publiques ayant des compétences en matière de construction, d’archives et de sites historiques contribuent à cette entreprise. À ce jour, 132 projets d’œuvres symboliques de réparation ont été approuvés, pour un coût de 1 577 812 041 pesos chiliens (annexe I). Jusqu’en 2016, un seul système permettait d’affecter directement des fonds aux organisations de la société civile, dans le cadre duquel n’étaient pas fixés des critères techniques et objectifs d’affectation. À partir de 2017, et grâce à l’établissement de deux normes techniques, un système de fonds octroyés sur concours a été conçu afin de mettre fin au caractère discrétionnaire de l’affectation des ressources publiques et de favoriser la professionnalisation des associations de proches qui concourent pour ces allocations.

4.Mémoire

33.Pour achever cette partieintroductive, il convient de préciser que l’État chilien a intégré progressivement une série de mesures institutionnelles suite au rétablissement de la démocratie, afin non seulement d’empêcher que se produisent des violations graves et massives des droits de l’homme, mais aussi de mettre en place une coordination interinstitutionnelle dans le pays, de sorte que, tirant les enseignements du passé, ces infractions puissent faire l’objet d’enquêtes et donner lieu à des sanctions conformément aux normes internationales.

34.En 2014 a été établi le Groupe de travail interinstitutionnel sur la mémoire, dont les travaux sont coordonnés par l’Unité du programme des droits de l’homme. Une de ses premières tâches a été d’établir un état de la situation de la mémoire au Chili. Cette même année a été créé le Groupe de travail technique sur les sites de mémoire, dont les activités sont aussi coordonnées par l’Unité et dont font partie plusieurs institutions publiques actives dans le domaine. Après la publication de son premier rapport, le Groupe de travail interinstitutionnel a poursuivi ses activités, s’efforçant d’assurer une coordination constante entre les organes publics en vue d’une collaboration dans la mise en œuvre des plans d’exécutiondans le domaine.

35.Dans le cadre de la politique de mémoire, en 2010, le Musée de la mémoire et des droits de l’homme a été inauguré, lequel a pour but de mettre en lumière les violations des droits de l’homme commises par l’État chilien entre 1973 et 1990, de rendre leur dignité aux victimes et à leurs proches, ainsi que d’encourager la réflexion et la discussion sur l’importance du respect et de la tolérance, afin que de tels faits ne se reproduisent jamais.

36.En vertu du décret no 121 du 10 octobre 2006, le 30 août a été déclaré Journée nationale du détenu disparu ; ce texte réaffirmait également la nécessité d’adopter des mesures pour la mémoire et la justice afin d’empêcher que des faits constitutifs de disparition forcée ne se reproduisent et de contribuer à la réparation et à la construction d’une mémoire historique commune.

III.Renseignements sur les dispositions de fond de la Convention

Article premierMesures juridiques et administratives établissant l’interdiction de soumettre quiconque à une disparition forcée

37.Le respect absolu des droits de l’homme est garanti par la Constitution chilienne. En effet, le deuxième paragraphe de l’article 5 de la Constitution dispose ce qui suit : « L’exercice de la souveraineté est limité par le respect des droits essentiels inhérents à la nature humaine. Les organes de l’État ont le devoir de respecter et de promouvoir ces droits garantis par la Constitution, ainsi que par les instruments internationaux ratifiés par le Chili qui sont en vigueur. » Le Chili a ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes, et a voté en faveur de l’adoption de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

38.Dans le système juridique chilien, la Constitution ne consacre pas expressément l’interdiction de la disparition forcée. Cependant, ses dispositions de fond traitent de la privation de liberté et définissent des règles spécifiques que doit suivre quiconque est juridiquement habilité à imposer des restrictions au droit à la liberté. Le droit à la liberté est la règle générale pour tous, y compris les personnes faisant l’objet d’une enquête pénale. Le septième paragraphe de l’article 19 de la Constitution revêt une importance capitale, car il garantit le droit à la liberté et à la sécurité de sa personne et n’autorise pas à y apporter des restrictions en cas de circonstances exceptionnelles, sauf lorsqu’un mandat d’arrêt est délivré par une autorité compétente ou lorsqu’une personne est prise en flagrant délit.

39.Sur le plan juridique, la loi n° 20.357 a érigé la disparition forcée des personnes en crime contre l’humanité, mettant ainsi la législation nationale en conformité avec le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Son application est liée au caractère général ou systématique que doit revêtir cette infraction pour constituer un crime international. Un projet de loi visant à ériger la disparition forcée en infraction de droit commun a été présenté le 17 décembre 2014, par voie de motion parlementaire.

40.La Constitution chilienne prévoit des états d’exception qui sont régis par la loi n°18415 et sont soumis à un numerus clausus rigoureux, ce qui signifie qu’il ne peut y en avoir d’autres que ceux énoncés dans les articles 39 et suivants de la Constitution. Il s’agit de l’état d’alerte générale, de l’état de siège, de l’état d’urgence et de l’état de catastrophe. Chacun de ces états d’exception entraîne une restriction des droits des individus ; cependant, leur application doit répondre à certaines conditions fondamentales, à savoir être temporaire, recueillir l’approbation du Congrès national et du Président de la République et pouvoir faire l’objet en tout temps d’un recours judiciaire en protection des droits consacrés par la Constitution.

41.En ce qui concerne l’existence de lois contre le terrorisme pouvant être contraire à l’interdiction de la disparition forcée, le Chili dispose d’une loi qui définit les actes de terrorisme et fixe les peines applicables, régit la détention des personnes soupçonnées de telles infractions et prévoit une prolongation du délai dans lequel elles doivent être traduites devant les tribunaux. La mesure de placement en détention doit toujours être approuvée par le tribunal des garanties (Juzgado de Garantía) compétent sur la base d’une décision motivée, avec l’assistance d’un médecin désigné par le tribunal, et peut être révoquée d’office par le juge s’il l’estime nécessaire. Cette même loi prévoit des sanctions pénales dans le cas où un juge fait preuve de négligence dans la protection d’un détenu.

Articles 2 et 4Définition de la disparition forcée et érection en infraction autonome

42.Le Chili a érigé la disparition forcée en crime contre l’humanité dans l’article 6 de sa loi no 20.357 de 2009, qui incrimine les crimes contre l’humanité, le génocide et les crimes de guerre, mettant ainsi sa législation nationale en conformité avec le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

43.Étant donné que la plupart des cas de disparition forcée sont survenus avant l’entrée en vigueur de la loi qui l’érige en crime contre l’humanité, les tribunaux ont eu recours à d’autres qualifications pénales s’appliquant à des faits considérés comme similaires à la disparition forcée :

a)Enlèvement simple et aggravé :Ces infractions sont visées à l’article 141 du Code pénal, qui définit l’enlèvement simple comme « le fait d’enfermer ou de détenir une autre personne, la privant de sa liberté, sans en avoir le droit » et le punit d’une peine d’emprisonnement correctionnel d’une durée maximale (de trois ans et un jour à cinq ans), la même peine étant infligée à quiconque fournit le lieu où la victime est enfermée. Lorsque l’infraction a pour objet d’obtenir une rançon ou d’imposer des conditions ou des décisions, elle est passible d’une peine de réclusion criminelle d’une durée moyenne à maximale (de cinq ans et un jour à quinze ans). Si la victime est enfermée pendant plus de quinze jours ou si elle subit un préjudice physique ou matériel grave du fait de sa détention, l’infraction est passible d’une peine de réclusion criminelle d’une durée moyenne à maximale (de dix ans et un jour à vingt ans). Enfin, on parle d’enlèvement aggravé lorsque l’infraction s’accompagne d’un homicide, d’un viol, d’un viol par sodomie ou de lésions corporelles graves, la peine encourue allant alors de la réclusion criminelle d’une durée maximale à la réclusion criminelle à perpétuité aggravée (au moins quinze ans et un jour) ;

b)Soustraction de mineurs: L’article 142 du Code pénal définit simplement cette infraction comme la soustraction d’un mineur de moins de 18 ans et établit une distinction entre la soustraction simple, qui est passible d’une peine de réclusion criminelle d’une durée moyenne ou maximale (de dix ans et un jour à vingt ans), et la soustraction qui a pour objet d’obtenir une rançon, d’imposer des exigences ou d’arracher une décision, ou qui cause un préjudice grave au mineur, laquelle est passible d’une peine allant de la réclusion criminelle d’une durée maximale à la réclusion criminelle à perpétuité (au moins quinze ans et un jour). Il existe également une infraction de soustraction aggravée ; les conditions sont les mêmes que celles de l’enlèvement aggravé et elle est passible de la même peine ;

c)Détention illégale d ’ un individu : Cette infraction est prévue et punie par l’article 143 du Code pénal. S’en rend coupable toute personne qui, en dehors des cas légalement autorisés, appréhende une personne afin de la présenter à l’autorité. Cette infraction est passible d’une peine de réclusion criminelle mineure d’une durée minimale (de soixante et un à cinq-cent-quarante jours) ou d’une amende de six à dix unités fiscales mensuelles ;

d)Détention arbitraire ou illégale : Cette infraction est prévue par l’article 148 du Code pénal. S’en rend coupable tout agent public qui expulse, arrête ou détient illégalement ou arbitrairement une personne. Elle est passible d’une peine de réclusion criminelle mineure et d’une suspension des fonctions d’une durée minimale à moyenne (soixante et un jours à trois ans) ;

e)Infractions liées à la restriction des droits des personnes privées de liberté : Ces infractions sont prévues et punies par l’article 149 du Code pénal, qui fixe des peines de réclusion criminelle mineure et des suspensions de fonctions d’une durée minimale à moyenne (soixante et un jours à trois ans) dans les cas suivants :

i) Lorsque les responsables d’un établissement pénitentiaire accueillent un individu en tant que condamné ou détenu sans remplir les conditions prévues par la loi ;

ii) Lorsqu’ils reçoivent un détenu sans s’adresser au tribunal compétent dans un délai de vingt-quatre heures ;

iii) Lorsqu’ils empêchent un détenu de communiquer avec le juge en charge de son affaire et une personne condamnée de communiquer avec les juges chargés de visiter les différents établissements pénitentiaires ;

iv) Lorsque les responsables d’un lieu de détention refusent de satisfaire à la demande d’un prisonnier tendant à ce qu’une copie de l’ordonnance de placement détention soit transmise au tribunal, ou de demander qu’une telle copie soit fournie, ou de fournir eux-mêmes un document attestant du placement en détention de l’individu ;

v) Lorsque les personnes qui ont le pouvoir de faire cesser une détention arbitraire ne le font pas et que ceux qui n’en ont pas le pouvoir n’informent pas l’autorité supérieure compétente de cette détention ;

vi) Lorsque les personnes qui font arrêter un individu ne s’adressent pas au tribunal compétent dans un délai de quarante-huit heures pour mettre la personne arrêtée à sa disposition ;

f)Infractions relatives à la détention au secret et à la détention secrète: Ces infractions plus spécifiques sont prévues et punies par l’article 150 du Code pénal. Toute personne qui empêche une personne privée de liberté de communiquer ou fait preuve d’une sévérité injustifiée à son égard se rend coupable de l’infraction de détention au secret. La détention secrète désigne quant à elle l’arrestation ou la détention arbitraire d’une personne dans un lieu autre que ceux prévus par la loi. Ces infractions sont passibles d’une peine de réclusion criminelle mineure durée moyenne (de soixante et un jours à cinq ans). Si elles sont commises par des personnes autres que des agents publics, la peine encourue est l’emprisonnement correctionnel ou la réclusion criminelle mineure d’une durée minimale à moyenne (de soixante et un jours à trois ans) ;

g)Torture: Cette infraction est prévue par l’article 150 du Code pénal, selon lequel le terme « torture » désigne « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques, sexuelles ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements, une déclaration ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle, ou en raison d’une discrimination fondée sur des motifs tels que l’idéologie, les opinions politiques, la religion ou les croyances de la victime ; la nationalité, la race, l’appartenance ethnique ou le groupe social ; le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’âge, la filiation, l’apparence physique, l’état de santé ou le handicap ». Le terme « torture » désigne aussi « la mise en œuvre intentionnelle de méthodes tendant à annihiler la personnalité de la victime ou à affaiblir sa volonté ou sa capacité de discernement ou de décision, à l’une quelconque des fins visées à l’alinéa précédent » ;

h)Torture aggravée: L’infraction de torture est aggravéelorsqu’elle s’accompagne des infractions visées à l’article 150 B du Code pénal. Dans ces cas, les peines sont alourdies ;

i)Contrainte illégale non constitutive de torture: Cette infraction est prévue et punie par l’article 150 D du Code pénal, qui réprime les faits ne pouvant être qualifiés d’actes de torture. Il est ainsi prévu que l’agent public qui, abusant de ses fonctions, pratique, ordonne ou autorise des actes de contrainte illégitime ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas constitutifs de torture est passible d’une peine d’emprisonnement correctionnel d’une durée moyenne à maximale (de cinq-cent-quarante et un jours à cinq ans). La même peine s’applique à l’agent public qui, informé de pareils agissements, n’empêche pas ou ne fait pas cesser l’acte de torture, alors qu’il a la faculté de le faire, a l’autorité nécessaire pour le faire ou est en mesure de le faire. La peine est alourdie si la victime est une personne mineure ou vulnérable en raison d’un handicap, d’une maladie ou de la vieillesse, ou si elle a été confiée aux soins de l’agent public ou se trouve sous sa garde ou son contrôle ;

j)Contrainte illégale aggravée: Lorsque la contrainte illégale s’accompagne d’une infraction supplémentaire visée à l’article 150 E du Code pénal, la peine est alourdie et peut aller jusqu’à la réclusion à perpétuité en cas d’homicide ;

k)Infraction commise par des personnes autres que celles visées par les articles 150 D et  E du Code pénal: Cette infraction est prévue par l’article 150 F du Code pénal, qui fixe des sanctions pour les personnes qui sont impliquées dans les infractions susmentionnées mais n’ont pas le statut d’agent public.

44.Afin de satisfaire à l’obligation de mettre la législation en conformité avec les normes internationales, le Congrès national a commencé à travailler sur un projet de loi portant modification du Code pénal de façon à y inscrire l’infraction de disparition forcée. Les députés à l’origine du projet de loi ont veillé à respecter les traités ratifiés par le Chili en la matière. Il convient de souligner que le projet de loi « (...) est le fruit d’un travail permanent et systématique avec différents groupes de défense des droits de l’homme, en particulier des groupes de familles de détenus disparus (...) ».

45.En mai 2017, la Commission des droits de l’homme et des peuples autochtones de la Chambre des députés a adopté à l’unanimité, en première lecture, le projet de loi visant à inscrire l’infraction de disparition forcée dans la législation ordinaire. Le texte original du projet a été considérablement modifié au cours de la procédure.

46.Le projet de loi a fait l’objet d’un vif débat à la suite duquel, compte tenu des échanges auquel il a donné lieu et des contributions des personnes qui y ont pris part, une autre proposition de projet de loi a été présentée, dont il convient de mettre en relief les points suivants :

Dans la description de l’infraction pénale (art. 148 A), il est établi que l’auteur de la disparition forcée doit être un agent public − ce qui ne figurait pas dans le projet de loi initial − ou un particulier qui agit avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État ;

La peine prévue pour l’infraction de base est plus lourde que celle fixée dans le projet de loi initial : peine de réclusion criminelle d’une durée moyenne (dix ans et un jour à quinze ans) ;

La même peine est appliquée à l’agent public qui, informé des faits, n’empêche pas ou ne fait pas cesser la disparition forcée, alors qu’il a la faculté de le faire, a l’autorité nécessaire pour le faire ou est en mesure de le faire ;

Plusieurs infractions aggravées sont prévues ;

L’action pénale et les peines sont imprescriptibles ;

Le fait que la victime de disparition forcée soit une femme enceinte, un mineur de moins de 18 ans, une personne âgée de plus de 65 ans ou une personne handicapée constitue une circonstance aggravante ;

Si l’infraction est commise par un membre des forces armées ou des carabiniers à l’encontre d’un autre membre des forces armées ou des carabiniers, l’affaire est portée devant la juridiction ordinaire ;

Une modification est apportée à l’article 335 du Code de justice militaire: en matière de crimes contre l’humanité, de génocide, de torture, de traitements cruels, inhumains ou dégradants ou de disparition forcée, toute personne qui reçoit des ordres qui prescrivent, autorisent ou encouragent la commission de ces infractions a le droit et le devoir de ne pas y obéir.

Article 3Mesures prises pour enquêter sur les disparitions forcées et traduire les responsables en justice

47.Les enquêtes pénales sur les cas de disparition forcée sont menées exclusivement par le ministère public, qui exerce l’action pénale pour tous les faits postérieurs à l’entrée en vigueur de la réforme de la procédure pénale, conformément aux dispositions de la Constitution et de la loi organique constitutionnelle pertinente, et ce, sans préjudice de l’existence de l’Institut national des droits de l’homme et de son mandat, énoncé dans la loi no 20.405, qui l’autorise à engager des poursuites judiciaires en cas de disparition forcée.

48.En ce qui concerne les disparitions forcées survenues après 1990, il n’existe pas de données concluantes permettant de recenser les procédures judiciaires engagées pour enquêter sur ces agissements entre 1990 et 2016. Depuis le passage à la démocratie, l’État a cessé d’avoir systématiquement recours à la disparition forcée et, par conséquent, le problème n’a pas été traité de manière expresse. La disparition forcée ne constituant pas une infraction (elle a été érigée en crime contre l’humanité en 2009 et en infraction de droit commun dans le projet de loi à l’examen), il est très compliqué pour les organismes publics de recenser les procédures engagées en la matière. Malgré ces difficultés, le pouvoir judiciaire a recensé au moins trois cas de disparitions forcées au cours de cette période : ceux de José Vergara Morales (survenue en 2015, et sur laquelle le ministère public enquête actuellement), de José Huenante (survenue en 2005, l’enquête étant menée par le ministère public en ce qui concerne l’implication de civils et par le parquet militaire en ce qui concerne celle de carabiniers) et de Hugo Arispe Carvajal (survenue en 2001, l’instruction préparatoire et l’enquête étant conduites par le troisième tribunal criminel d’Arica). Pour plus d’informations, voir la partie du présent rapport relative aux renseignements sur l’article 12.

49.À ce jour, 281 cas de disparitions forcées survenus pendant la période allant de 1973 à 1990 ont été traités ou sont en cours de traitement. Parmi ceux-ci, 146 sont au stade de l’instruction préparatoire, 42 sont en instance, 91 ont été jugés et 2 en sont à d’autres stades de la procédure, le nombre total de de victimes concernées étant de 584.

50.Dans le cadre de ces affaires, le Sous-Secrétariat aux droits de l’homme joue un rôle de coordination dans les poursuites judiciaires relatives à la période de la dictature militaire (1973-1990), par l’intermédiaire de l’Unité du programme des droits de l’homme. En 2017, à la suite d’une augmentation budgétaire, une équipe chargée des enquêtes et des recherches a été créée au sein de cette Unité pour élucider le sort des personnes qui ont été victimes de disparition forcée sous le régime de facto. La principale tâche qui incombe à cette équipe consiste à mener des enquêtes pour faire la lumière sur l’opération « retiro de televisores ». En outre, le Sous-Secrétariat aux droits de l’homme encourage l’élaboration et la conclusion d’accords avec d’autres institutions et est responsable de l’élaboration de politiques publiques dans ce domaine. L’un des sujets dont devra impérativement traiter le Plan national des droits de l’homme, en cours d’élaboration par le Sous-Secrétariat aux droits de l’homme, est la promotion de l’ouverture d’enquêtes pour crimes contre l’humanité, crimes de génocide et crimes de guerre, de l’application de sanctions aux responsables et de l’octroi de réparations aux victimes.

51.En 2016 a été créé le Groupe de travail interinstitutionnel chargé d’assister la justice dans la recherche de victimes de disparitions forcées dans le contexte de la dictature. Ce groupe a pour objectif premier d’établir un protocole de travail coordonné et de se réunir de manière ponctuelle lorsqu’un cas donné l’exige. Il est composé de l’Unité spéciale d’identification médico-légale du Service de médecine légale (organe coordonnateur), de l’Unité du programme des droits de l’homme, des magistrat enquêteurs spéciauxchargés d’enquêter sur les violations des droits de l’homme dans les juridictions de Santiago (M. Mario Carroza) et de San Miguel (Mme Marianela Cifuentes), de l’Unité des droits de l’homme du Service de l’état civil et de l’identité, de la Brigade d’enquête sur les atteintes aux droits de l’homme de la police judiciaire nationale et du ministère public.

52.Le Groupe de travail interinstitutionnel Patio 29, en place depuis octobre 2015, constitue un autre exemple de coordination. Il est composé de l’Unité spéciale d’identification médico-légale du Service de médecine légale (organe coordonnateur), de l’Unité du programme des droits de l’homme, de deux magistrats enquêteurs spéciauxchargés d’enquêter sur les infractions commises pendant la dictature, de l’Unité des droits de l’homme du Service de l’état civil et de l’identité et de la Brigade d’enquête sur les atteintes aux droits de l’homme de la police judiciaire nationale. Pour plus d’informations, voir la partie du présent rapport relative aux renseignements sur l’article 19.

53.S’agissant des mesures prises par le pouvoir judiciaire en matière d’enquêtes et de sanctions, en 2001, la Cour suprême a nommé pour la première fois neuf juges chargés d’enquêter à temps plein sur 114 disparitions forcées commises pendant la dictature. Il a été procédé à de nouvelles nominations en 2002 et en 2004, et, en 2009, un juge de la Cour suprême a été nommé pour la première fois pour coordonner ces enquêtes. La Cour suprême a récemment chargé 32 juges de cours d’appel de tout le pays d’engager des poursuites concernant 1 269 cas de disparition forcée, d’exécution ou de torture.

54.Le Service de médecine légale est un organisme relevant du Ministère de la justice et des droits de l’homme qui collabore avec le pouvoir judiciaire pour fournir une expertise médico-légale dans des cas où on cherche à identifier une victime et à déterminer la cause d’un décès. Il collabore aux recherches de dépouilles ordonnées par les tribunaux.

55.La police judiciaire dispose d’une unité chargée d’enquêter sur les cas de violation des droits de l’homme, laquelle est mise à la disposition des tribunaux et traite les informations visant à faire la lumière sur les circonstances d’une infraction donnée et l’éventuelle participation d’agents à la commission de celle-ci. Cette unité est spécialisée dans les droits de l’homme et fait partie des institutions dont les fonctionnaires et le personnel reçoivent régulièrement des formations de l’Institut national des droits de l’homme. Elle est en place depuis le début des années 1990 et relève directement du Département V des affaires internes de la police judiciaire nationale. En 2004, l’unité est devenue la Brigade d’enquête sur les affaires spéciales et les droits de l’homme. En plus d’enquêter sur les cas survenus pendant la dictature, la Brigade enquête sur les cas actuels d’actes de violence injustifiés, d’arrestation illégale et d’enlèvement. Elle travaille également en collaboration avec le ministère public pour enquêter sur les cas de ce type qui se sont produits dans des établissements pénitentiaires.

Article 5 La disparition forcée en tant que crime contre l’humanité

56.En adoptant la loi no 20.357, publiée le 18 juillet 2009, le Chili a ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (le « Statut de Rome ») et a rendu sa législation interne conforme à ses obligations internationales. L’objectif consistait à harmoniser la législation chilienne en réprimant des comportements constitutifs de crimes internationaux et à faire écho au préambule du Statut de Rome en ce qui concerne le devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux.

57.S’agissant du modèle adopté par le Chili, il a été signalé lors du débat général au Sénat que la motion parlementaire s’appuyait sur l’exemple allemand, lequel faisait référence audit Statut de Rome et reprenait les comportements qui y étaient définis. L’article 6 de la loi érige la disparition forcée en crime contre l’humanité lorsque l’infraction est commise dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique lancée contre la population civile, et la sanction prévue est celle applicable à l’enlèvement aggravé, défini à l’article 141 du Code pénal.

Article 6 Responsabilité pénale et ordres du supérieur hiérarchique

58.Le Code pénal chilien définit différents modes de participation à une infraction, dont la participation physique ou directe, l’utilisation d’un instrument ou participation médiate et la commission conjointe ou coaction. En outre, les articles 211 et 214 du Code de justice militaire énoncent une règle spéciale qui prévoit la reconnaissance expresse de la responsabilité du supérieur hiérarchique puisqu’elle rend pleinement responsable d’un acte illicite la personne qui en a ordonné la commission. La règle repose sur l’hypothèse qu’il y a une entente préalable entre le supérieur hiérarchique et le subordonné ou que celui-ci ne signale pas que l’ordre est illicite ou qu’il outrepasse cet ordre, et elle prévoit que l’un et l’autre sont passibles d’une sanction.

59.Conformément aux principes de responsabilité pénale énoncés au paragraphe précédent, on peut affirmer que le Chili définit comme il se doit la responsabilité du supérieur hiérarchique et qu’il s’est doté des outils juridiques permettant de rendre celui-ci responsable de ses actes, indépendamment de son degré de participation ou de son grade, sans préjudice des règles particulières permettant, dans certains cas, à un subordonné de contester légitimement un ordre de commettre une infraction donné par un supérieur (ou de signaler que l’ordre est illicite).

60.En ce qui concerne les crimes internationaux, la loi no 20.357 contient des règles expresses qui rendent responsables de leurs actes les chefs militaires ou les autorités qui n’ont pas empêché la commission d’une infraction ou qui ont omis de la signaler alors qu’ils avaient la possibilité de le faire.

61.Dans les affaires de disparition forcée dont elle a été saisie depuis 2004, la Cour suprême a considéré, quant à elle, que les autorités militaires ne pouvaient s’exonérer de leur responsabilité pénale pour des actes commis par des subordonnés. En réponse aux arguments à décharge fondés sur les dispositions du Code de justice militaire, le pouvoir judiciaire a déclaré que les disparitions de personnes, les exécutions extrajudiciaires et les actes de torture ne constituaient pas des « actes liés aux nécessités du service ».

62.Tout ordre auquel un subordonné a l’obligation d’obéir conformément à la législation nationale doit répondre aux conditions suivantes : 1) émaner d’un supérieur hiérarchique ; 2) être lié au service (selon l’article 421 du Code de justice militaire, on entend par « acte lié au service » tout « acte lié aux fonctions exercées par chaque soldat en qualité de membre des forces armées ») ; 3) être donné dans le cadre de fonctions légitimes ; 4) lorsqu’il est notoire que l’ordre conduit à la commission d’une infraction, le subordonné doit signaler que l’ordre est illicite et le supérieur hiérarchique doit renouveler cet ordre.

63.L’État chilien reconnaît qu’en matière de justice militaire certains textes normatifs ne sont toujours pas conformes aux règles internationales. Des précisions concernant la juridiction militaire figurent dans le paragraphe consacré à l’article 11. Outre ce qui précède, il convient de souligner que, dans l’arrêt Palamara Iribarne vs.Chili, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a établi que les tribunaux militaires devaient connaître exclusivement d’infractions portant atteinte à des biens juridiques militaires commises par des membres de l’armée, et que tous les autres cas relevaient de la compétence des tribunaux ordinaires, soit parce que l’auteur était un civil, soit parce que le bien juridique en cause était un bien commun.

64.Le projet de loi portant modification du Code pénal et incrimination de la disparition forcée apporte une modification au Code de justice militaire en y ajoutant la disposition suivante : « S’agissant des crimes contre l’humanité et de génocide et des crimes de guerre visés par la loi no20.357, ainsi que des infractions constitutives de torture, de traitements cruels, inhumains ou dégradants ou de disparition forcée visées par le Code pénal, toute personne recevant des ordres qui prescrivent, autorisent ou encouragent la commission de ces infractions a le droit et le devoir d’y désobéir ».

65.Des différences existent entre les divers règlements internes de l’armée, des forces de l’ordre et des forces de sécurité. La police judiciaire n’a pas institué parmi ses procédures une règle permettant de refuser légitimement d’obéir à l’ordre de commettre des actes conduisant à une disparition forcée.

66.Le Code de justice militaire dispose, en son article 214, que si une infraction est commise comme conséquence de l’exécution d’un ordre donné dans le cadre du service, le supérieur qui a donné cet ordre en est le seul responsable, à moins d’un accord préalable entre les auteurs, auquel cas toutes les personnes qui ont agi d’un commun accord voient leur responsabilité engagée. En ce qui concerne en particulier les circonstances dans lesquelles un subordonné peut légitimement s’opposer à un ordre de commettre des actes conduisant à une disparition forcée, l’article 334 du Code de justice militaire prévoit la règle générale selon laquelle « [s]auf cas de force majeure, tout militaire a l’obligation d’obéir à un ordre lié à l’exercice au service que lui a donné un supérieur hiérarchique dans le cadre de ses fonctions légitimes ». L’article 335 du même code prévoit quant à lui que, si un ordre conduit manifestement à la commission d’une infraction, le subordonné peut en suspendre l’exécution, voire le modifier dans les cas urgents, et en rendre compte immédiatement à son supérieur. Au cas où le supérieur hiérarchique renouvelle son ordre, le subordonné est tenu d’obtempérer. Le même raisonnement s’applique en matière disciplinaire, le Règlement disciplinaire des forces armées, applicable à l’armée de terre et aux forces aériennes, régissant le devoir d’obéissance et les exceptions à ce principe en son article 20, dans les mêmes termes que le Code de justice militaire. Le Règlement disciplinaire de la marine est différent en ce qu’il prévoit, en son article 612, que tout subordonné qui reçoit un ordre qu’il juge non conforme à la législation doit, avec le respect qui s’impose, en avertir oralement ou par écrit l’officier qui l’a donné. Si l’officier renouvelle son ordre, le subordonné doit obtempérer immédiatement, tout en ayant le droit de rendre compte de la situation par écrit aux supérieurs hiérarchiques respectifs.

67.L’invocation du « devoir d’obéissance » comme argument à décharge au pénal se fait sur la base des articles 334 et 335 du Code de justice militaire mentionnés au paragraphe précédent.

68.Dans le domaine réglementaire, il est nécessaire d’établir une distinction entre les corps des forces armées. L’ordonnance générale de l’armée de terre (décret suprême no 86 de 2006 du Ministère de la défense nationale) dispose, en son article 22, que l’autorité qui a pris une décision donnée en est responsable devant divers organismes, entités et instances, et que les subordonnés doivent s’y conformer pour autant qu’elle ne conduise pas à la commission d’une infraction. L’ordonnance générale de la marine (décret suprême no 487 de 1988 du Ministère de la défense nationale), elle, dispose, en son article 172, que le principe de subordination s’applique non seulement vis-à-vis des personnes, mais aussi des lois, règlements et prescriptions à respecter. L’ordonnance précise que ce qui est prescrit par une norme ne peut être modifié, et que l’on ne saurait demander d’accomplir un acte prohibé par une norme. Enfin, l’ordonnance générale de l’armée de l’air (approuvée par la décision E‑160 du commandant en chef de cette institution) dispose, en son article 176, que les ordres doivent être exécutés sans discussion, sauf lorsqu’il est manifeste qu’ils conduisent à la commission d’une infraction, auquel cas les procédures définies par le Code de justice militaire s’appliquent. Ainsi, tous les corps des forces armées définissent de manière différente des exceptions au « devoir d’obéissance » dans les cas où le respect d’un ordre entraîne une violation de la loi. À l’évidence, ces règles générales s’appliquent en cas de disparition forcée, étant donné que cette infraction constitue une violation d’une ou de plusieurs dispositions légales, comme cela a déjà été expliqué dans les sections portant sur les articles 2 et 4 de la Convention.

Article 7 Sanction et proportionnalité de la peine

69.Les sanctions énoncées à l’article 7 de la loi no 20.357 pour l’infraction de disparition forcée sont les mêmes que celles prévues à l’article 141 du Code pénal. L’enlèvement simple est puni d’une peine d’emprisonnement correctionnel d’une durée maximale (de trois ans et un jour à cinq ans), alors que l’enlèvement aggravé est puni de la réclusion criminelle d’une durée minimale à la réclusion criminelle à perpétuité aggravée (d’au moins cinq ans et un jour). La peine maximale prévue par le droit interne est la réclusion criminelle à perpétuité aggravée, soit une peine incompressible de quarante ans d’emprisonnement sans possibilité de bénéficier d’une libération conditionnelle.

70.En ce qui concerne la prise en compte de circonstances aggravantes, notamment lorsque la victime de disparition forcée est décédée ou qu’elle est une femme enceinte ou une personne mineure, handicapée ou particulièrement vulnérable, il convient de signaler que, dans un cas comme dans l’autre, le droit interne ne comporte aucune disposition qui soit en tous points conforme à celles prévues par la Convention. Toutefois, selon le projet de loi en cours d’examen, qui vise à ériger la disparition forcée en infraction pénale, le fait que la victime appartienne à un groupe vulnérable constitue une circonstance aggravante.

71.En ce qui concerne les violations graves des droits de l’homme commises pendant la dictature civilo-militaire, qui doivent être jugées conformément à la loi pénale en vigueur à l’époque des faits, lorsque le décès d’une victime est constaté, elles constituent un concours d’infractions entre l’enlèvement et l’homicide, qui peut être réel ou idéal, et qui doit être soumis au régime des articles 74 et 75 du Code pénal. Le concours d’infractions est sanctionné par une peine plus lourde. Lorsque la victime est une femme enceinte, par exemple, la règle susmentionnée s’applique, et l’infraction d’avortement violent peut être retenue en sus.

72.L’article 12 du Code pénal prévoit un catalogue de circonstances aggravantes ordinaires, qui a été récemment complété par un nouveau cas de figure afin d’alourdir la responsabilité pénale des auteurs d’infractions qui prennent pour cible des personnes appartenant à des groupes vulnérables. Des déclarations de culpabilité fondées sur cette circonstance aggravante ont déjà été prononcées.

73.En ce qui concerne les circonstances atténuantes, la seule dont l’application serait conforme à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées est celle prévue au paragraphe 9 de l’article 11 du Code pénal, car elle a trait à la contribution à l’établissement des faits.

74.Pour ce qui est de la sanction applicable à la disparition forcée, l’État chilien a pris note de l’obligation faite aux États membres de sanctionner cette infraction d’une extrême gravité par des peines appropriées. C’est pourquoi le projet de loi qui s’y rapporte prévoit des peines de réclusion criminelle de d’une durée minimale à moyenne (de cinq ans et un jour à quinze ans) pour l’infraction simple ; une peine de réclusion criminelle d’une durée minimale à moyenne (de dix ans et un jour à vingt ans) en cas de préjudice grave causé à la victime et une peine de réclusion criminelle allant de la durée maximale à la perpétuité (à partir de quinze ans et un jour) en cas de concours entre la disparition forcée et un homicide, des actes de torture, un viol ou des blessures graves.

75.Les personnes condamnées à des peines afflictives ont la possibilité de demander l’application des peines de substitution prévues par la loi no 18.216, ce qui permet de remplacer une peine privative de liberté par une autre mesure. Étant donné que jusqu’en 2012, les tribunaux supérieurs appliquaient souvent le principe de la prescription partielle prévu par l’article 103 du Code pénal, accordant ainsi des remises de peine et des mesures de substitution de peine, les personnes reconnues coupables de crimes commis sous la dictature ont pu bénéficier de ces peines de substitution. La jurisprudence changeante de la Cour suprême concernant l’application de ce principe a été qualifiée de « violation de la Déclaration » par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, qui a ajouté que « si la prescription partielle avait pour effet d’empêcher la sanction effective exigée par la Déclaration, elle ne devait pas être appliquée ».

76.Les règles permettant d’obtenir une remise de peine sont énoncées dans la loi no 19.856. La procédure administrative comprend deux étapes : premièrement, un groupe de travail qualifie le comportement de la personne condamnée concernée en se référant aux critères énoncés à l’article 7 de la loi (études, travail, réhabilitation, comportement). Seules celles qui obtiennent la mention « excellent » peuvent demander une remise de peine. Deuxièmement, la demande est adressée au Ministère de la justice et des droits de l’homme, qui est seul compétent pour évaluer le respect de questions de forme et déterminer s’il existe un des motifs d’exclusion énoncés à l’article 17. En cas d’obtention de la mention « excellent » et d’absence de motif d’exclusion, la remise de peine est accordée. Les motifs d’exclusion, qui sont limitatifs, sont notamment les suivants : non-respect de la peine infligée, évasion, non-respect du régime de libération conditionnelle, commission d’une infraction pendant l’exécution de la peine et condamnation à une peine de réclusion à perpétuité. Le fait que la peine en cours d’exécution ait été imposée pour violation des droits de l’homme n’est pas un motif d’exclusion.

77.En 2016, cinq demandes de remise de peine ont été présentées. Le service de réinsertion sociale du Ministère de la justice et des droits de l’homme les a rejetées en s’appuyant essentiellement sur les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par le Chili et sur l’obligation faite aux personnes reconnues coupables de violations graves, massives et systématiques des droits de l’homme de purger effectivement leurs peines. Quatre personnes condamnées ont formé un recours en amparo contre le rejet de leur demande. La cour d’appel de Santiago et la Cour suprême ont tranché en faveur des personnes condamnées au motif que les exclusions énoncées à l’article 17 de la loi étaient limitatives.

78.Pour aborder la question de la libération conditionnelle, il est nécessaire de la distinguer de celle des mesures d’aménagement de peine. Au sein du système pénitentiaire chilien, il est d’usage d’obtenir, dans un premier temps, des aménagements de peine, après quoi on peut demander une libération conditionnelle, pour autant que l’on puisse justifier d’une bonne conduite et d’une utilisation correcte de ces mesures. En application des dernières modifications apportées au Règlement des établissements pénitentiaires par le décret no 924 du Ministère de la justice et des droits de l’homme du 22 février 2017, l’octroi de mesures d’aménagement de peine aux personnes condamnées pour violation des droits de l’homme a été limité. En conséquence, seules peuvent obtenir ces avantages les personnes qui, outre qu’elles remplissent les conditions générales, répondent aux critères suivants : 1) elles ont exprimé un repentir pour les actes commis ; 2) le comité technique compétent a établi à leur sujet un rapport favorable, adopté à l’unanimité ; 3) leur demande d’aménagement de peine a été approuvée par le chef de l’établissement et confirmée par le directeur régional concerné ; 4) elles ont établi par tout moyen approprié qu’elles avaient fourni en matière pénale des informations sérieuses et pertinentes sur des infractions de même nature. À cette fin, il est tenu compte du fait que la personne condamnée a collaboré à une affaire en cours d’enquête ou de jugement ou à son propre procès, et ce, même si cette collaboration est postérieure au prononcé de la condamnation. La même règle s’applique en cas de coopération dans des procédures de même nature engagées contre d’autres personnes.

79.Un débat public s’est engagé au sujet des aménagements de peine et des mesures de substitution à la détention accordés à des personnes reconnues coupables de violations des droits de l’homme. Les projets de loi proposés reflètent des positions qui vont de la suppression totale des aménagements de peine ou des mesures de substitution à la détention à la mise en place d’une réglementation qui fixerait des limites à l’octroi de tels aménagements ou mesures, conformément aux dispositions du Statut de la Cour pénale internationale. À cet égard, différents projets de loi ont été présentés, parmi lesquels se distingue le projet de loi qui remplace le décret-loi no 321 de 1925 instituant un régime de libération conditionnelle pour les détenus (Bulletin n°10696-07) ; la procédure d’adoption de ce projet est celle qui est la plus avancée (examen en troisième lecture). Ce projet de loi revêt un certain intérêt car c’est sur le régime de la libération conditionnelle − et le règlement qui l’institue − que reposent pour l’essentiel les aménagements de peine accordés aux personnes détenues, ce régime fixant les normes de conduite à observer pour se voir accorder un tel aménagement. Le projet de loi a vu le jour grâce à une motion parlementaire déposée en mai 2016 devant le Sénat. Après que celui-ci a rejeté les amendements proposés par la Chambre des députés, le projet a été envoyé à la Commission mixte en décembre dernier, mais celle-ci n’a pas encore siégé.

80.En mai 2017, le Chili a envoyé au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires le cadre de suivi des recommandations formulées à l’issue de la visite que le Groupe a effectuée dans le pays en 2012. Dans ce document, il est demandé au Groupe de travail de communiquer des directives donnant des orientations sur l’élaboration de règles pertinentes concernant l’octroi approprié d’aménagements de peine et le recours à des peines de substitution conformément aux normes internationales. À cet égard, l’État chilien considère qu’il s’agit d’une question complexe qui fait appel à des principes tels que la proportionnalité de la sanction en cas de violations systématiques des droits de l’homme et le droit des personnes détenues de bénéficier de mesures d’aménagement de peine et de substitution à la détention ; par conséquent, il adresse une requête identique au Comité.

Article 8Délai de prescription de l’infraction de disparition forcée

81.Bien qu’elle reconnaisse l’infraction de disparition forcée en droit, la loi no 20.357, qui réprime les crimes contre l’humanité, le crime de génocide et les crimes de guerre, ne couvre pas les crimes commis avant son entrée en vigueur.

82.Le pouvoir judiciaire a enquêté sur les cas de disparition forcée survenus lors de la dictature civilo-militaire. Les jugements rendus montrent que les magistrats tendent à appliquer de plus en plus les normes internationales. Jusqu’à il y a dix ans, le principe de la prescription pénale était appliqué dans les décisions. Les magistrats l’ont appliqué pour la dernière fois en 2008, dans l’affaire concernant Jacqueline Binfa Contreras. Depuis lors, les juridictions supérieures intègrent directement les normes de jus cogens dans leur raisonnement, normes qui obligent les États à enquêter sur les cas de violations graves des droits de l’homme, ainsi qu’à poursuivre et à sanctionner les auteurs de tels actes, indépendamment du temps écoulé. Ainsi, la prescription de l’action pénale ne constitue pas, à ce jour, un obstacle à la poursuite de la procédure.

83.Deux projets de loi visent à modifier la législation à la lumière des normes internationales en matière de prescription en établissant l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité : i) le projet de loi portant modification de la Constitution en vue d’établir le caractère imprescriptible et non amnistiable des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et du crime de génocide (Bulletin no 9748-07 ; projet de loi présenté le 10 décembre 2014 par la Présidente, actuellement en première lecture) ; ii) le projet de loi portant mise en adéquation de la législation pénale en matière d’amnistie, de grâce, de prescription de l’action pénale et de peine avec les dispositions du droit international relatives au crime de génocide, aux crimes contre l’humanité ou aux crimes de guerre (Bulletin no9773-07 ; projet de loi présenté le 10 décembre 2014 par la Présidente ; actuellement en première lecture). Ces deux projets de loi sont considérés comme prioritaires dans le programme du Gouvernement et font partie du groupe de projets auxquels le Sous-Secrétariat aux droits de l’homme a accordé rang de priorité.

84.De plus, un projet de loi portant ratification de la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, par la résolution no 2391 (XXIII) du 26 novembre 1968 (Bulletin no 1265-10), a été présenté.

85.En ce qui concerne le régime juridique actuellement applicable aux cas de disparition forcée et compte tenu du fait que cette infraction figure parmi celles ayant un caractère continu, selon la doctrineet la jurisprudence dominante, de tels actes sont imprescriptibles, même s’ils n’ont pas été commis dans un contexte de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, pour autant qu’il s’agisse d’infractions consommées qui se poursuivent dans le temps.

86.Le nouveau Code de procédure pénale de 2000 reprend ce point en son article 250, qui énonce un motif qui interdit de prononcer un non-lieu définitif, disposant que le juge ne peut rendre de non-lieu définitif pour les infractions qui, conformément aux instruments internationaux ratifiés par le Chili en vigueur, sont imprescriptibles ou non amnistiables, sauf dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2 de l’article 93 du Code pénal. 

87.En ce qui concerne les procédures civiles engagées par les proches de victimes de disparition forcée pour demander une indemnisation à l’État, la jurisprudence de la Cour suprême va de la déclaration de la prescription de l’action civile engagée aux fins d’indemnisation, eu égard aux normes établies dans le Code civil, à son contraire, à savoir l’affirmation du caractère imprescriptible de l’action civile dans la mesure où s’appliquent les articles 1.1 et 63.1 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme, la Cour considérant que l’État a pour obligation d’accorder une réparation aux victimes de violations graves et massives des droits de l’homme sans s’en exonérer au moyen de sa législation, car sa responsabilité internationale est engagée. Outre ce qui précède, la Cour suprême a indiqué que l’octroi de pensions prévu par la loi no 19.123 n’empêchait pas les victimes d’obtenir des indemnisations au titre du préjudice moral subi.

88.En ce qui concerne les recours qui peuvent être formés pour contester une décision appliquant la prescription, au civil et au pénal, les victimes peuvent interjeter appel ou se pourvoir en cassation pour vice de forme ou quant au fond, afin que les juridictions supérieures contrôlent l’établissement des faits et l’application de la loi en l’espèce.

Article 9Enquête et sanction en cas d’acte de disparition forcée sur le territoire placé sous la juridiction de l’État

89.Au Chili, la juridiction est établie selon le principe de territorialité de la législation pénale visé à l’article 5 du Code pénal, qui dispose que la loi chilienne s’impose à tous les habitants de la République, y compris aux étrangers. Ainsi, toute infraction commise sur le territoire chilien, y compris en mer territoriale et dans la zone contiguë, font l’objet d’une enquête du ministère public, quelle que soit la nationalité de l’intéressé.

90.L’article 6 du Code de l’organisation judiciaire indique dans quels cas les tribunaux sont saisis des crimes et infractions simples commis à l’étranger. En particulier, le paragraphe 4 de cet article dispose que les infractions commises par des Chiliens ou des étrangers à bord d’un navire chilien en haute mer ou à bord d’un navire de guerre chilien ancré dans les eaux d’une autre puissance relèvent de la juridiction chilienne.

Article 10Obligation d’informer un État de la détention de l’un de ses ressortissants

91.L’État chilien a constitué un groupe de travail chargé de faire respecter le droit de chacun de recevoir une assistance consulaire en cas de détention. Le Groupe de travail interinstitutions sur l’accès des migrants à la justice a été constitué en 2014. Il réunit des représentants du Bureau du défenseur public (entité coordinatrice), du ministère public, du Ministère de la justice et des droits de l’homme, des Carabiniers, de la Police judiciaire, de l’Institut national des droits de l’homme et du Ministère des relations extérieures. Il est né d’un accord conclu en 2013 par lequel ont été approuvés les engagements pris pour adapter et concevoir une série d’instruments visant à améliorer l’accès des étrangers au système de justice pénale.

92.En ce qui concerne la détention des étrangers, un protocole interinstitutions, établi par le groupe de travail précité, dispose que les agents de police doivent informer les accusés ou détenus étrangers, dès le début de leur détention, de leur droit de demander l’assistance consulaire, en vertu de l’article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963, à laquelle le Chili est partie.

93.En particulier, des formulaires uniques concernant la détention d’étrangers ont été établis en plusieurs langues. Ils contiennent la liste des droits des étrangers garantis en droit interne, y compris le droit de faire immédiatement connaître sa situation au représentant consulaire concerné et de bénéficier de l’assistance consulaire, à la demande de l’intéressé. Lorsqu’un étranger est placé en détention, arrêté ou emprisonné, ou lorsqu’un étranger a été victime d’un fait illicite, les autorités de police remplissent ce formulaire, qui existe en plusieurs langues, et informent le ministère public et le Bureau du défenseur public de la situation, dans un courriel auquel elles joignent ce document. Dans le même temps, le département des affaires juridiques et consulaires du Ministère des relations extérieures et la personne désignée par la représentation consulaire compétente sont informés de la situation.

Article 11Juridiction et compétence pour ce qui concerne l’enquête sur l’infraction de disparition forcée et la sanction des auteurs

94.L’État chilien ne dispose pas d’une réglementation spécifique permettant aux tribunaux nationaux d’appliquer le principe de la compétence universelle en ce qui concerne l’infraction de disparition forcée. Le ministère public est chargé d’exercer l’action pénale, et les juges pénaux de première instance sont saisis des affaires concernant des cas antérieurs à la réforme du système de justice pénale de 2000. Depuis 2001, la Cour suprême en formation plénière a décidé que les magistrats enquêteurs spéciaux de cour d’appel seraient saisis des affaires de violations des droits de l’homme commises entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1990.

95.Le ministère public est chargé de diriger la phase d’enquête de la procédure pénale, en collaboration avec la police. Il peut se tourner vers le juge des garanties pour examiner les mesures qui portent atteinte aux droits de l’accusé. Les enquêtes sont menées dans le plein respect des principes de la présomption d’innocence, de la publicité des débats, de l’immédiateté et du débat contradictoire. Les accusés ont le droit de bénéficier des services d’un conseil dès le début de la procédure, d’intervenir à tous les stades de la procédure et d’être jugés, lors d’un procès oral et public, par un tribunal impartial qui statue sur leur responsabilité conformément à la loi.

96.En ce qui concerne la possibilité, pour les autorités militaires, d’enquêter sur des faits constitutifs de disparition forcée et de les poursuivre, la législation militaire en temps de paix (art. 5 du Code militaire de justice) prévoit que la juridiction militaire connaît : 1) des affaires relevant d’infractions à la loi militaire, à savoir les infractions visées dans le Code de justice militaire, à l’exception des infractions commises par des civils visées aux articles 284 et 417, qui relève de la justice ordinaire dans tous les cas, des affaires relevant des tribunaux militaires en vertu de lois spéciales et des affaires concernant des infractions visées dans le Code aéronautique, dans le décret-loi no 2306 de 1978 sur le recrutement et la mobilisation et dans la loi no 18953 sur la mobilisation, même lorsque les agents sont exclusivement des civils ; 2) des questions visées aux paragraphes 1 à 4 de la deuxième partie de l’article 3 ; 3) des affaires concernant les infractions de droit commun commises par des militaires pendant l’état de guerre, lors de campagnes militaires, dans l’exercice du service militaire ou à l’occasion du service militaire, dans les casernes, campements, bivouacs, forts, ouvrages militaires, entrepôts, bureaux, locaux, fonderies, places d’armes, usines, parcs, académies, écoles, bateaux, arsenaux, phares et autres enceintes militaires ou policières, ou établissements ou locaux des institutions armées ; 4) des actions civiles engagées suite aux infractions visées aux alinéas 1) à 3) ci-dessus pour obtenir restitution de la chose ou de sa valeur (art. 5 du Code de justice militaire).

97.En 2010 a été adoptée la loi no 20477 portant modification de la compétence des tribunaux militaires. Son article premier exclut les civils et les mineurs de la compétence de la justice militaire. Toutefois, ce texte a été interprété comme excluant uniquement les civils accusés et non les civils victimes puisque, si l’accusé est un militaire, la règle relative à la compétence énoncée par l’article 5 du Code de justice militaire doit primer. Cela a eu pour conséquence principale qu’il était entendu qu’en cas de plainte pour violences policières commises par les carabiniers sur des civils, le tribunal compétent était le tribunal militaire, de sorte que les faits faisant l’objet de ce type de plainte restaient systématiquement impunis. À cet égard, grâce à la jurisprudence du Tribunal constitutionnel et de la Cour suprême de ces dernières années, la juridiction militaire a pu être dessaisie d’affaires concernant des infractions de droit commun commises par des carabiniers contre des civils. Le Tribunal constitutionnel a jugé recevables deux recours en inapplicabilité attaquant le paragraphe 3 de l’article 5 du Code de justice militaire, ce qui a permis de régler le conflit de compétence. De manière générale, les décisions rendues reprennent les normes énoncées par la Cour interaméricaine des droits de l’homme, à savoir que la justice militaire n’est pas compétente pour ce qui concerne les civils et qu’elle peut uniquement enquêter sur les atteintes aux intérêts légitimes de l’armée juridiquement protégés et en condamner les auteurs. Ainsi, le Tribunal constitutionnel a conclu que l’application conjointe des éléments contestés portait atteinte au droit d’être d’entendu par un juge compétent, à la publicité de la procédure et au droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial, qui sont des garanties que la Constitution et les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par le Chili reconnaissent aux civils et aux militaires. De la même manière, la Cour suprême a affirmé que l’incompétence de la justice militaire figurant dans la loi no 20.477 ne concernait pas uniquement les cas dans lesquels les responsables présumés des actes illicites étaient des civils ou des mineurs, mais également les victimes de tels actes. Cela tient au fait que les victimes de faits illicites et de violations des droits de l’homme jouissent d’un plus grand nombre de prérogatives dans le cadre de la procédure suivie par la justice ordinaire, essentiellement la possibilité d’engager une action pénale.

98.Même s’il se dégageait de la jurisprudence une tendance à transférer les affaires concernant des civils à la justice ordinaire, l’absence de norme expresse maintenait l’incertitude. Pour y mettre fin, dans le cadre de l’adoption de la loi no 20.968 qui établit l’infraction de torture, l’article premier de la loi no 20.477 a été modifié afin qu’il soit disposé qu’un civil ne doit jamais comparaître devant les tribunaux militaires, en quelque qualité que ce soit.

Article 12Mécanismes visant à élucider l’infraction de disparition forcée et garanties en matière d’accès à la justice

99.L’État chilien s’est acquitté de son obligation d’enquêter sur les disparitions forcées survenues pendant la dictature. L’Unité du Programme des droits de l’homme, rattachée au Sous-Secrétariat aux droits de l’homme, est l’organisme public compétent en la matière. Son mandat, défini dans la loi no 19123, dispose expressément qu’elle peut intenter une action en justice pour qu’une enquête soit ouverte sur les cas de disparition forcée et les exécutions extrajudiciaires reconnus par les commissions pour la vérité. Ainsi, depuis le milieu de la décennie des années 1990, l’objectif est de porter la totalité des cas de disparition devant les tribunaux, cas qui, d’après les données officielles figurant à l’annexe II, concernent 1 101 victimes, dont 73 femmes et 1 028 hommes.

100.Jusqu’en 2016, l’Unité du Programme des droits de l’homme est intervenue dans 582 procédures, représentant 999 victimes de disparition forcée. Des informations détaillées sur chaque victime et sur le nom du tribunal, le numéro de l’affaire et le stade de la procédure figurent à l’annexe III. Des mesures sont actuellement mises en œuvre pour traiter l’ensemble des cas de disparition forcée, étant donné que l’État n’est pas partie dans 55 cas énoncés à l’annexe IV.

101.Le pouvoir judiciaire est, avec l’Unité du Programme des droits de l’homme, un acteur important dans la conduite des procédures judiciaires pour disparition de personnes pendant la dictature. Dans le cadre d’un traitement coordonné des affaires concernant des violations des droits de l’homme, il a pris des mesures administratives permettant d’enquêter et de condamner effectivement les responsables de tels actes. Étant donné qu’elle peut s’auto-réglementer, la Cour suprême en formation plénière répartit les affaires entre ses membres et désigne en outre l’un d’entre eux coordonnateur national pour les affaires concernant des violations des droits de l’homme commises pendant la dictature. Par l’intermédiaire de ses différents organes, l’État a reconnu qu’il n’y avait pas eu d’enquête pour disparition forcée pendant la dictature entre 1973 et 1990 et que, au cours des premières années de la transition, les gouvernements démocratiques n’avaient pas pris les mesures qui s’imposaient eu égard aux normes internationales.

102.En 2010, la Cour suprême siégeant en formation plénière a adopté la décision no 81-10, qui dispose qu’un magistrat enquêteur spécial de la cour d’appel sera saisi des affaires de violations des droits de l’homme survenues entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1990, liées à la mort et à la disparition de personnes, et que ce magistrat sera chargé de statuer sur ces affaires. Cette décision a récemment été mise à jour ; au vu de l’avancée des procédures, la Cour suprême a décidé de regrouper les affaires et de les confier à des magistrats de différentes villes du pays.

103.En ce qui concerne la façon dont l’État a traité les actes définis à l’article 2 de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, la Cour suprême, sur l’ensemble des décisions rendues dans des affaires portant sur des violations des droits de l’homme survenues pendant la dictature, a prononcé 176 condamnations pour l’infraction d’enlèvement, 16 condamnations pour détention illégale ou arbitraire et 10 condamnations pour disparition forcée. D’après les statistiques des autorités judiciaires, en octobre 2015, 1 422 personnes avaient fait l’objet de poursuites, 744 personnes avaient été inculpées et 399 personnes avaient été condamnées pour violation grave des droits de l’homme.

104.Il convient d’indiquer au Comité que le modèle de procédure applicable dans les enquêtes pour violations des droits de l’homme commises pendant la dictature est celui fixé par l’ancien Code de procédure pénale. Cette procédure prévoit une instruction préparatoire (information pénale), suivie du procès proprement dit (procédure de jugement), puis de la décision (prononcé du jugement). La Cour suprême a disposé que ces enquêtes devaient être menées par des magistrats de cour d’appel, compte tenu de leur importance et du fait qu’il était nécessaire de s’acquitter des obligations internationales. Ainsi, en 2011, la procureure de la cour d’appel de Santiago a adressé plus de 700 réquisitions pour des affaires d’exécution extrajudiciaire et de disparition n’ayant jamais fait l’objet d’enquête auparavant. Au total, jusqu’en 2016, 1 092 affaires étaient en instance dans tout le pays et 178 jugements définitifs avaient été rendus. Quant aux affaires relatives à des disparitions forcées, 281 affaires sont en instance, lesquelles concernent 584 victimes.

105.En ce qui concerne l’accès des plaignants à des autorités judiciaires indépendantes et impartiales, il convient d’indiquer que le Chili est une république démocratique qui respecte pleinement la séparation des compétences et des fonctions de ses institutions. Le pouvoir judiciaire est l’un des trois piliers de l’état de droit démocratique qui régit le pays, les deux autres étant le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Il se compose de tribunaux ayant compétence dans des matières différentes (civile, pénale, prud’homale et familiale), qui doivent rendre en temps opportun une justice de qualité. Il convient de souligner que l’Unité du Programme des droits de l’homme est l’organisme public juridiquement chargé d’engager l’action en justice pour les infractions de disparition et d’exécution et qu’elle représente les intérêts de l’État en ce qui concerne l’obligation qui est faite à celui-ci de poursuivre les auteurs de graves violations des droits de l’homme. Les familles peuvent faire représenter leurs intérêts directement par un avocat au cours de la procédure.

106.Une liste des jugements rendus dans les affaires de disparition forcée pendant la dictature militaire est jointe au présent rapport (annexe V). Elle énumère les 150 condamnations définitives et exécutoires rendues dans des affaires ouvertes entre 1995 et 2016, concernant 307 victimes.

107.À l’heure actuelle, pour les cas de disparition forcée survenus pendant la démocratie, il revient au ministère public d’engager l’action pénale. La Constitution et la législation lui attribuent deux fonctions importantes dans le système de justice pénale : la première consiste à diriger l’enquête et à exercer l’action pénale publique pour les infractions relevant de sa compétence, et la deuxième consiste à adopter les mesures de protection des victimes et des témoins. Le ministère public peut agir d’office en cas d’infraction entraînant la mise en mouvement de l’action publique, notamment l’enlèvement, l’enlèvement de mineurs ou la détention illicite, ce qui englobe la disparition forcée d’un individu au Chili, en l’absence d’incrimination spécifique.

108.À ce sujet, il convient de mentionner le cas de José Huenante Huenante, survenu 2005, dont l’affaire a été renvoyée de la justice ordinaire à la justice militaire et vice-versa. Le 21 décembre 2009, le ministère public a retiré l’accusation portée contre trois carabiniers. Une question de compétence ayant été soulevée, la cour d’appel de Puerto Montt a jugé que parquet de la juridiction militaire de Puerto Varas était compétent. Elle a demandé au juge des garanties de transmettre le dossier à cette juridiction, qui a prononcé un non-lieu quelque temps plus tard. En dépit de ce qui précède, par une note du 4 octobre 2012 de la justice militaire, la justice ordinaire a de nouveau été déclarée compétente pour enquêter sur l’infraction d’enlèvement de mineurs, mais uniquement en ce qui concerne la responsabilité de civils.

109.L’affaire de la disparition de José Vergara Espinoza, survenue en 2015, a été ouverte suite à une plainte déposée auprès de la justice militaire. En date du 6 octobre 2015, le ministère public a ouvert un dossier au bureau local du parquet d’Alto Hospicio (parquet régional de Tarapacá). Le 27 octobre, une instruction a été ouverte contre quatre carabiniers du poste de police no 3 d’Alto Hospicio pour enlèvement qualifié et usage malveillant d’acte authentique. Les inculpés ont été placés en détention provisoire, mesure à laquelle ils sont encore soumis. Une fois énoncés les chefs d’accusation, la question de la compétence a été examinée. La Cour suprême a finalement jugé que l’affaire relevait de la justice ordinaire et a ordonné à la justice militaire de remettre l’ensemble du dossier au ministère public.

110.Hugo Arispe Carvajal, gardien de voitures dans la rue, a été arrêté par les carabiniers le 10 janvier 2001, pour ivresse publique et manifeste. Comme il n’avait pas d’argent pour payer l’amende, il a été emmené au centre pénitentiaire d’Acha à Arica. Cependant, quatre jours plus tard, on a perdu sa trace. Cette affaire ne fait pas l’objet d’une enquête du ministère public car les faits sont survenus avant l’entrée en vigueur de la réforme de la procédure pénale dans la région. La troisième chambre du tribunal pénal d’Arica est chargée de mener l’enquête et l’Institut national des droits de l’homme a déposé une plainte.

111.Bien que l’infraction de disparition forcée ne soit pas encore prévue, le ministère public compte une unité spécialisée dans les infractions violentes, notamment l’enlèvement et la soustraction de mineur, qui conseille le Procureur général.

112.Les victimes ou plaignants disposent de recours permettant de contester un refus par les autorités compétentes d’ouvrir une enquête sur leur cas. Seul le ministère public peut engager des poursuites pénales et peut donc décider de l’ouverture ou non d’une enquête. L’article 168 du Code de procédure pénale régit les cas dans lesquels le ministère public a le droit de ne pas ouvrir d’enquête. Ainsi, tant que le juge n’a pas connu de l’affaire, le procureur peut ne pas enquêter si les faits ne sont pas constitutifs d’une infraction ou si les éléments d’information et données fournis permettent d’établir que la responsabilité pour ces faits est éteinte. Cette décision doit toujours être motivée et approuvée par le juge. Le classement provisoire, en cas d’infraction passible de peine afflictive, doit toujours être soumis à l’accord du procureur régional. La victime peut demander la réouverture du dossier et présenter sa demande aux autorités du ministère public.

113.En ce qui concerne les mesures de protection des plaignants et des témoins, le ministère public est tenu par la loi de les prendre. La loi no 19.640 porte création de la Division d’aide aux victimes et aux témoins au sein du Bureau du Procureur général, ainsi que d’une unité régionale d’aide aux victimes et aux témoins au sein de chaque bureau du procureur régional. Cette Division et ces unités jouent ainsi un rôle très important en aidant les procureurs à mettre en place des mesures de protection et en leur fournissant des conseils à ce sujet. Le Code de procédure pénale impose au ministère public d’apporter une protection spécifique aux victimes, du début de l’enquête à la fin de la procédure, y compris de manière autonome. Toutefois, le ministère public doit lui-même ordonner les mesures visant à éviter que les victimes ne fassent l’objet de harcèlement, de menaces ou d’atteinte, ou demander au tribunal de les prendre.

Article 13 Extradition pour infraction de disparition forcée

114.En vertu des articles 351 et suivants du Code de droit international privé, il ne peut être donné suite à une demande d’extradition que si les conditions ci-après sont réunies :

Les faits reprochés constituent une infraction pénale et sont punissables tant dans la législation de l’État requérant que dans celle de l’État requis ;

Ils emportent une peine minimale d’un an de privation de liberté ;

Il ne s’agit pas d’une infraction politique ou connexe ;

Ni l’action pénale ni la peine ne sont prescrites.

115.Comme cela a déjà été dit, l’infraction de disparition forcée est qualifiée de crime contre l’humanité à l’article 6 de la loi no20.357 et est passible d’une peine de réclusion criminelle d’une durée moyenne à maximale (de dix ans et un jour à vingt ans). Le critère de sévérité de la peine encourue prévu par les normes relatives à l’extradition est donc bien rempli.

116.Pour déterminer l’autorité chargée de traiter une demande d’extradition, il faut établir si l’on est dans un cas d’extradition active ou d’extradition passive. En cas d’extradition passive, c’est-à-dire quand l’État chilien reçoit une demande d’extradition, l’autorité responsable est la Cour suprême. En première instance, c’est un membre de la Cour qui traitera la demande, et en deuxième instance c’est une chambre de la Cour. Lorsque le Chili adresse une demande d’extradition à un autre État (extradition active), c’est le ministère public qui présente la demande au juge des garanties saisi de l’affaire, à qui il revient de la transmettre à la cour d’appel compétente. Si les conditions requises légalement sont remplies, la cour d’appel fera droit à la demande et fera suivre sa décision au Ministère des relations extérieures, lequel devra prendre les mesures nécessaires pour la faire exécuter.

117.S’agissant des cas précis de demandes d’extradition présentées par les juridictions supérieures chiliennes susmentionnées dans des affaires de disparitions forcées datant de la dictature, on peut citer le cas d’Adriana Elcira Rivas González, dont l’extradition a été demandée à la République d’Australie (Cour suprême, affaire no 8915-2013) pour enlèvement aggravé sur les personnes de Fernando Alfredo Navarro Allendes, Lincoyán Yalu Berríos Cataldo, Horacio Cepeda Marinkovic, Juan Fernando Ortiz Letelier, Héctor Véliz Ramírez et Reinalda del Carmen Pereira Plaza, en qualité d’auteur des faits (annexe VI). On peut citer également la demande d’extradition adressée aux États-Unis d’Amérique concernant Armando Fernandez Larios, pour sa responsabilité en tant qu’auteur de l’enlèvement aggravé de David Silberman Gurovich (demande approuvée par la Cour suprême en date du 27 septembre 2006). Au moment d’écrire ces lignes, les autorités des pays requis n’avaient pas procédé à la remise des intéressés.

Articles 14 et 15 Coopération internationale en matière de disparition forcée

118.Les demandes de coopération internationale en matière de procédure pénale parviennent au Ministère des relations extérieures par voie diplomatique ou sont envoyées directement par l’autorité centrale de l’État requérant. Elles sont ensuite transmises au ministère public pour suite à donner. Le Chili a signé une série d’accords de coopération judiciaire. Plusieurs d’entre eux sont applicables à l’infraction de disparition forcée.

Les accords bilatéraux applicables dans ce domaine sont :

Le traité d’entraide judiciaire en matière pénale conclu avec l’Italie (Rome, 2002) ;

L’accord sur l’égalité de traitement procédural et les commissions rogatoires conclu avec l’Uruguay (Montevideo, 1981) ;

L’accord sur l’échange de renseignements concernant les antécédents judiciaires conclu avec l’Uruguay (Montevideo, 1981).

Les traités multilatéraux auxquels le Chili a adhéré sont les suivants :

Code de droit international privé, en particulier le titre V de son livre IV, relatif aux commissions rogatoires ;

Convention interaméricaine sur l’obtention des preuves à l’étranger (Panama, 30 janvier 1975) ;

Convention interaméricaine sur l’entraide juridique en matière criminelle (Bahamas, 1992) et son Protocole facultatif (Nicaragua, 1993) ;

Accord d’entraide judiciaire en matière pénale entre les États parties du MERCOSUR, la République de Bolivie et la République du Chili (Buenos Aires, 2002) ;

Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (Strasbourg, 1959) et ses deux Protocoles additionnels (1978 et 2001).

119.À la suite de la visite du Groupe de travail sur les disparitions forcées en 2012, la République du Chili a signé des mémorandums d’accord sur l’échange de renseignements dans le contexte de l’élucidation de cas de violations graves des droits de l’homme avec la République d’Argentine (13 mai 2014), la République fédérative du Brésil (12 juin 2014) et la République orientale de l’Uruguay (12 septembre 2014) (annexe VII).

120.Le Chili est partie au mémorandum d’accord sur l’échange de renseignements dans le contexte de l’élucidation de violations graves des droits de l’homme, auquel tous les pays du MERCOSUR sont parties. Ce mémorandum d’accord, élaboré dans le cadre de la Réunion des hautes autorités compétentes en matière des droits de l’homme et des ministres des affaires étrangères, vise à créer un mécanisme multilatéral d’échange d’informations et de documents dans le but d’élucider des cas de violations graves des droits de l’homme commises par les dictatures à la tête de pays de la région dans un passé récent. Ce mécanisme devrait permettre de progresser dans les enquêtes judiciaires et contribuer à élucider le sort des victimes de disparition forcée.

Article 16 Principe de non-refoulement

121.Il n’y a pas, à ce jour, de cas recensé d’individu qui aurait été expulsé, renvoyé ou extradé vers un autre État où il y aurait eu des motifs sérieux de croire qu’il risquait d’être soumis à la disparition forcée. Dans les affaires mentionnées plus haut, le Ministère des relations extérieures n’a pas pris de mesures de suivi, le suivi étant du ressort soit de l’autorité judiciaire requérante, soit de l’autorité compétente dans l’État requis. Il n’y a pas eu au cours de la période dernière période écoulée de cas de demande d’extradition passive dans lequel le Chili − en tant qu’État requis − aurait demandé et accepté des garanties ou des assurances diplomatiques.

Article 17 Interdiction de la détention arbitraire

122.Le paragraphe 6 c) de l’article 19 de la Constitution garantit que nul ne peut être arrêté ou détenu si ce n’est sur l’ordre d’un fonctionnaire expressément habilité par la loi, cet ordre devant en outre avoir été donné de manière légale. Un individu peut cependant être placé en garde à vue s’il a été pris en flagrant délit, et ce, dans le seul but d’être mis à la disposition du juge compétent dans les vingt-quatre heures. En vertu de l’article 125 du Code de procédure pénale, les tribunaux sont les seuls organes compétents pour délivrer un mandat d’arrestation et ce dernier est délivré uniquement dans le but de présenter l’intéressé à l’autorité compétente en première instance.

123.Ainsi, la Constitution fixe un délai dans lequel toute personne privée de liberté doit être déférée à un juge compétent aux fins du contrôle de sa détention. Le Code de procédure pénale précise ce délai, en distinguant les placements en détention sur décision d’un tribunal − cas dans lesquels l’intéressé doit être mis à la disposition du juge immédiatement, ou, si cela n’est pas possible, dans les vingt-quatre heures − et les placements en garde à vue à la suite d’un flagrant délit − cas dont le ministère public doit être avisé dans un délai de douze heures, l’intéressé devant être présenté à un juge pour qu’il contrôle la légalité de sa détention dans un délai maximum de vingt-quatre heures.

124.L’article 10 du Code de procédure pénale régit aussi la procédure dite de « demande de protection des garanties » (cautela de garantías), en ces termes : « Si, à une quelconque étape de la procédure, le juge des garanties estime que l’accusé n’est pas en mesure d’exercer les droits que lui confèrent les garanties judiciaires inscrites dans la Constitution, la législation ou les traités internationaux qui ont été ratifiés par le Chili et qui sont en vigueur, il adoptera, d’office ou à la demande de l’une des parties, les mesures qui s’imposent pour permettre à l’accusé d’exercer ces droits. Si ces mesures ne suffisent pas à empêcher une atteinte substantielle aux droits de l’accusé, le tribunal ordonne la suspension de la procédure et convoque les intervenants à une audience, en présence de leur défenseur ».

125.L’article 135 du Code de procédure pénale fait obligation au fonctionnaire responsable de la garde à vue d’un individu d’informer ce dernier du motif de sa privation de liberté et des droits qui sont les siens. Le Code de procédure pénale lui garantit en particulier le droit d’être assisté d’un avocat dès le début de l’enquête (al. b) de l’article 93) et le droit de recevoir des visites et de communiquer par écrit ou par tout autre moyen (al. h) de l’article 94).

126.L’ancien Code de procédure pénale, applicable aux faits antérieurs à la réforme de la procédure pénale, dispose en son article 253 que nul ne peut être détenu si ce n’est en application de la décision d’un fonctionnaire expressément habilité par la loi où à la suite d’un flagrant délit − auquel cas l’intéressé sera placé en garde à vue, dans le seul but d’être conduit devant le juge compétent. Selon l’article 269, les individus placés en garde à vue doivent être mis immédiatement à la disposition du juge ; si la garde à vue intervient en dehors des horaires de fonctionnement du tribunal, ils le sont le lendemain matin. Enfin, l’article 270 fixe le délai maximum de garde à vue à vingt-quatre heures pour les infractions en flagrance et à quarante-huit heures pour les autres. Pour ce qui est de la protection des victimes et témoins, en vertu de l’article 7 et dans le cadre des premiers actes de l’instruction, le juge peut ordonner que les victimes soient prises en charge à titre prioritaire dans les services publics idoines et qu’elles bénéficient, tout comme les témoins, d’une protection policière si nécessaire.

127.Il convient de souligner le statut spécial conféré par la loi no 18.314, relative aux actes de terrorisme et aux peines qu’ils emportent, aux enquêtes portant sur des actes de cette nature. En effet, l’article 11 de cette loi autorise le juge des garanties à porter, par une décision motivée et à la demande du ministère public, à dix jours le délai maximum dans lequel l’intéressé doit être mis à sa disposition.

128.Pour ce qui est des conditions dans lesquelles les ressortissants étrangers peuvent communiquer avec les autorités consulaires de leur pays, se reporter aux réponses relatives à l’article 10.

129.Il existe au moins deux institutions que la loi habilite expressément à inspecter des prisons ou autres lieux de privation de liberté : le pouvoir judiciaire et l’Institut national des droits de l’homme. Les larges pouvoirs de la première de ces institutions permet aux juges de visiter et d’inspecter les centres pénitentiaires, en vertu de la procédure de demande de protection des garanties (prévue par le Code de procédure pénale), ou aux magistrats des Cours d’appel ou de la Cour suprême d’user de leur faculté d’inspecter personnellement le lieu de détention concerné dans le cadre d’une procédure en hábeas corpus (prévue par la Constitution). L’Institut national des droits de l’homme est quant à lui spécifiquement mandaté pour mener à bien des visites de prévention, de manière aléatoire, dans les établissements publics de privation de liberté, conformément à l’article 4 de la loi no 20.405. Il convient d’ajouter que la loi précitée permet à l’Institut national des droits de l’homme de créer un espace confidentiel réservé aux témoignages, informations et documents recueillis et produits dans le cadre de sa mission de promotion et de protection. L’Institut national des droits de l’homme a en outre demandé aux Service du contrôleur de la République de se prononcer sur la question de savoir s’il lui était loisible d’entrer dans tout type de lieu fermé se trouvant sous la responsabilité de fonctionnaires susceptibles d’accueillir des personnes privées de liberté, y compris les fourgons de police. Le 21 septembre 2012, cet organe de contrôle a rendu sa décision no 058070, dans laquelle il a indiqué que l’Institut national des droits de l’homme pouvait accéder à ce type de lieu, sous réserve que l’autorité compétente au sein des carabiniers en ait été dûment avisée. En outre, dans sa circulaire no 516 du 17 décembre 2014, le Directeur national de l’administration pénitentiaire a donné des instructions sur les contrôles à effectuer et la collaboration à apporter dans le cadre des visites rendues aux détenus dans les établissements pénitentiaires par des membres de l’Institut national des droits de l’homme.

130.Toute autre personne ou institution autre que l’administration pénitentiaire doit, pour pouvoir inspecter un lieu de détention, en faire la demande auprès de la direction nationale ou régionale correspondante, ces deux entités étant habilitées à autoriser l’accès de particuliers, de fonctionnaires et d’entités privées, nationales ou internationales.

131.Enfin, le 30 mai 2017, le Gouvernement a présenté devant le Congrès national le projet de loi désignant l’Institut national des droits de l’homme comme Mécanisme national de prévention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Bulletin no 11245-17). Ce projet est actuellement examiné en première lecture. Il précise qu’aux fins de l’exécution de ce mandat l’Institut national des droits de l’homme agit exclusivement par l’intermédiaire du Comité de prévention de la torture, lequel obéit aux principes d’indépendance de son personnel, d’autonomie fonctionnelle, de confidentialité de ses travaux et de réserve quant aux informations obtenues dans l’exercice de ses fonctions. Le projet de loi prévoit que le Comité soit composé d’au moins neuf experts, hommes et femmes nommés par le Conseil de l’Institut national des droits de l’homme suivant la procédure de sélection du Système de la haute fonction publique. Il entrera dans le cadre des fonctions de ce Comité d’examiner régulièrement le traitement des personnes privées de liberté et d’adresser des recommandations aux autorités. Pour ce faire, il aura, entre autres, la faculté d’accéder aux lieux de privation de liberté, le droit de demander des informations et la possibilité de rencontrer les personnes privées de liberté et d’entretenir des relations de coopération avec le Comité contre la torture et le Sous-Comité pour la prévention de la torture. Parallèlement à sa mission principale que sont les visites, le Comité se voit attribuer d’autres tâches : proposer des modifications à la législation ou à la réglementation dans le domaine de la lutte contre la torture, élaborer un rapport annuel public présentant le travail effectué et les recommandations précises formulées pour prévenir et éradiquer la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et promouvoir et organiser des actions de formation, d’information et de sensibilisation de la population. Des mesures sont prévues pour permettre au Comité de s’acquitter de sa mission, telles que l’interdiction pour toute autorité ou tout fonctionnaire de faire obstruction à la réalisation d’une visite ou de prendre ou d’autoriser des mesures de représailles à l’encontre du Comité ou de ceux qui s’entretiennent avec lui. En outre, les membres du Comité jouissent de l’immunité et sont dispensés de l’obligation de signalement des crimes et délits dont ils pourraient avoir connaissance (annexe VIII).

132.Le Bureau du défenseur public n’est pas habilité à inspecter les prisons et autres lieux de privation de liberté mais dispose dans toutes les régions du pays de défenseurs pénitentiaires, qui, eux, ont accès aux centres de détention dans les mêmes conditions que tous les avocats, surveillent le traitement réservé aux personnes privées de liberté et, lorsqu’ils constatent la moindre anomalie, engagent les actions administratives et/ou judiciaires qui s’imposent.

133.En ce qui concerne le droit des détenus de communiquer avec leur famille, leur avocat ou toute autre personne, conformément aux articles 39 et suivants du Règlement des établissements pénitentiaires (décret no 518 de 1998 du Ministère de la justice et des droits de l’homme), les personnes privées de liberté ont le droit de s’entretenir personnellement, par téléphone, avec les membres de leur famille ou la personne de leur choix, afin de les informer de leur incarcération. Si le tribunal a ordonné une détention au secret, l’information est transmise par un travailleur social ou, à défaut, par le personnel chargé de l’incarcération, dans un délai maximum de vingt-quatre heures suivant l’incarcération.

134.Les visites des avocats sont régies par le Règlement relatif aux visites des avocats et autres personnes autorisées dans les établissements pénitentiaires, qui érige en principe que les plus grandes facilités possibles sont accordées aux personnes privées de liberté pour qu’elles puissent obtenir des conseils juridiques, non seulement en matière pénale, mais aussi pour toute autre affaire juridique ou judiciaire qui, de par sa nature, nécessite l’intervention d’un avocat.

135.La détention et la privation de liberté des mineurs est un cas particulier. Au Chili, les mineurs bénéficient d’un statut spécial en matière de responsabilité pénale, régi principalement par la loi no 20.084 portant établissement d’un système de responsabilité pénale des adolescents en conflit avec la loi pénale, en vigueur depuis le 8 juin 2007, et par son règlement d’application (décret no 1378 de 2007 du Ministère de la justice et des droits de l’homme). Ce statut est applicable à toute personne âgée de 14 à 17 ans au moment de la commission de l’infraction. Il permet de bénéficier de certains changements et ajouts par rapport aux dispositions relatives aux conditions de détention susmentionnées, en application du principe général d’intérêt supérieur de l’enfant, consacré à l’article 2 de la loi.

136.En cas de flagrant délit, l’article 31 de cette même loi énonce que la police doit mettre l’adolescent à la disposition du juge des garanties dans un délai qui doit être aussi bref que possible et ne peut excéder vingt-quatre heures. De ce fait, l’audience d’un mineur est prioritaire. L’adolescent ne peut témoigner devant le procureur qu’en présence d’un avocat, dont la participation est obligatoire à tous les stades de la procédure.

137.Pour ce qui est des autorités habilitées à ordonner le placement en détention, l’article 34 du règlement d’application de la loi précitée dispose qu’un adolescent ne peut être admis dans un centre ou un programme en exécution d’une peine ou d’une sanction que sur décision d’un tribunal compétent. L’article 29 de la loi précise en outre que les juges, procureurs et avocats intervenant dans l’affaire doivent être spécialisés, c’est-à-dire avoir suivi une formation et avoir reçu des informations d’ordre criminologique sur les infractions concernées, sur la Convention des droits de l’enfant, sur les caractéristiques et spécificités de l’adolescence et sur le système d’exécution des peines établi dans ladite loi.

138.En ce qui concerne les lieux de privation de liberté, cette même loi établit le principe de la séparation systématique des adolescents et des adultes, aussi bien en garde à vue que dans le cadre d’une privation de liberté consécutive à une condamnation. En son article 31, elle dispose en outre que si un juge ordonne la détention provisoire, celle-ci doit être effectuée dans un centre directement administré par le Service national des mineurs, qui soit distinct des centres de détention provisoire pour adultes. En ce qui concerne l’exécution des peines, il convient d’établir une distinction entre les régimes fermés et semi-fermés, deux modalités différentes.

139.Les droits des mineurs en détention sont énoncés à l’article 49 de la loi. En son alinéa e) iv), celui-ci consacre ainsi le droit à la confidentialité et à la régularité de leurs communications, en particulier avec leur avocat. Une des principales caractéristiques du statut pénal spécifique des mineurs est que ce droit ne peut connaître aucune exception. Le droit aux services d’un avocat est consacré dans le même alinéa, et détaillé à l’article 11 du règlement, qui insiste sur le droit de rester en relation avec lui de manière constante et confidentielle. Les conditions concrètes de cette garantie sont énoncées aux articles 76, 77 et 78 du règlement d’application. S’agissant d’un ressortissant étranger, l’article 15 du règlement d’application prévoit que l’admission dans le centre concerné est portée à la connaissance des autorités consulaires de son pays s’il a sa résidence habituelle hors du territoire chilien, ou à la demande d’une partie.

140.En ce qui concerne l’admission des autorités compétentes dans les lieux de privation de liberté établis par la loi no 20.084, les articles 90 et suivants du règlement d’application de cette loi prévoient la visite d’une commission consultative interinstitutionnelle chargée de superviser ces établissements, de contrôler les conditions dans ceux-ci au moins deux fois par an et de formuler, dans un rapport au Ministère de la justice et des droits de l’homme, des recommandations quant aux moyens de garantir le respect des droits des adolescents privés de liberté. Cette commission est composée de représentants d’institutions publiques et d’organisations de la société civile ; des représentants du pouvoir judiciaire, du ministère public et du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) sont également invités à prendre part à ses travaux.

141.En ce qui concerne l’enregistrement des personnes privées de liberté, la gendarmerie dispose d’un système numérique interne. Le registre le plus complet est celui contenant la fiche unique du condamné, qui regroupe les informations sur toutes les personnes privées de liberté. Les fiches qu’il contient comportent les rubriques suivantes :

Identification du détenu : coordonnées personnelles, organisation criminelle, établissement pénitentiaire dans lequel il est détenu, date d’incarcération et motif de la détention ;

Classification : données relatives au lieu où se trouve la personne condamnée dans l’établissement ;

Historique judiciaire : dates du début et de la fin de la peine, notamment ;

Libération conditionnelle (le cas échéant) ;

Affaires et infractions associées : affaires pénales liées à la personne condamnée, avec indication des tribunaux de première instance et des juridictions supérieures qui sont intervenues dans celles-ci et date à laquelle la peine est devenue exécutoire ;

Liens de parenté : informations personnelles supplémentaires et noms de certains membres de la famille ;

Signes particuliers : caractéristiques physiques permettant de reconnaître le condamné ;

Antécédents médicaux ; une copie d’une de ces fiches uniques du condamné est jointe au présent rapport (annexe IX) ; les dossiers de l’administration pénitentiaire sont donc conformes à la plupart des conditions fixées au paragraphe 3 de l’article 17 de la Convention. En particulier, les prescriptions énoncées aux alinéas c), d), e), f) et h) sont respectées.

Article 18Droit à l’information

142.Le ministère public est chargé de fournir des informations sur la procédure aux intervenants dans une affaire qui en font la demande. L’alinéa a) de l’article 93 du Code de procédure pénale prévoit à cet égard que l’accusé a le droit d’être informé de manière claire et précise des faits qui lui sont reprochés et des droits que lui reconnaissent la Constitution et la législation. La législation chilienne prévoit des sanctions pour les fonctionnaires ayant des personnes privées de liberté placées sous leur responsabilité et qui portent atteinte aux droits liés aux informations que leur avocat ou des tiers intéressés pourraient solliciter.

143.Selon l’article 150 du Code pénal, « est passible d’une peine d’emprisonnement correctionnel ou de réclusion criminelle mineure et d’une peine accessoire correspondante : 1) toute personne qui empêche une personne privée de liberté de communiquer ou fait preuve d’une sévérité injustifiée à son égard ; 2) toute personne qui ferait arrêter ou détenir arbitrairement une personne dans des lieux autres que ceux prévus par la loi ». En outre, le dernier paragraphe de l’article prévoit la possibilité de punir les personnes ayant participé à de telles infractions qui ne sont pas des fonctionnaires.

144.Le ministère public est tenu de par la législation et la Constitution de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les victimes et les témoins pendant la procédure pénale. Le paragraphe a) de l’article 17 de la loi no 19.640 dispose qu’il revient au Procureur général d’émettre des instructions générales visant à garantir la bonne exécution des activités de protection ; c’est dans cette optique que la loi no 19.640 porte création de la Division d’aide aux victimes et aux témoins au sein du Bureau du Procureur général et prévoit l’établissement d’unités régionales dans tout le pays.

145.En conclusion, l’accès aux informations figurant dans le dossier d’enquête d’une affaire pénale n’est soumis à aucune restriction administrative de la part du ministère public, à l’exception de celles prévues à l’article 182 du Code de procédure pénale. Ainsi, le proche de la personne privée de liberté qui acquiert le statut de victime indirecte et le représentant ou l’avocat de la victime peuvent accéder sans restriction aux informations relatives à l’enquête.

146.S’agissant des disparitions forcées survenues entre 1973 et 1990, ces affaires sont examinées par des juges à la cour chargés à temps plein de cette question, lesquels collaborent activement avec les proches des victimes et l’Unité du Programme des droits de l’homme. Cette dernière, qui, de manière centralisée, intente des actions en justice dans les affaires de disparitions forcées, dispose d’une quantité importante de renseignements juridiques et historiques, qu’elle fournit à la demande des proches et du pouvoir judiciaire. De leur côté, les juges en charge des affaires s’entretiennent chaque jour avec des victimes et des proches afin de les informer de l’état d’avancement des enquêtes et des affaires. En ce qui concerne les progrès accomplis par le Chili sur la question de l’accès à l’information, il convient d’évoquer le projet de loi portant modification de la loi no 19.992, qui vise à permettre aux tribunaux d’accéder aux renseignements, aux documents et aux témoignages compilés par la Commission sur l’emprisonnement politique et la torture (Commission Valech I), qui, conformément à la loi en vigueur, sont classés confidentiels pour une période de cinquante ans. Le projet de loi, proposé par le pouvoir exécutif au moyen d’une procédure d’urgence et examiné en deuxième lecture, a été approuvé par la Commission des droits de l’homme du Sénat (annexe X, Bulletin no 10883-17).

147.S’agissant de l’accès à l’information, il convient de mentionner le projet de loi portant modification du décret no 5200 de 1929 du Ministère de l’éducation publique, ayant force de loi. Ce projet de loi, présenté le 20 mars 2015, vise à mettre fin à la suppression d’archives et de renseignements par le Ministère de la défense nationale, les forces armées, les forces de l’ordre et les forces de sécurité publique (Bulletin no 9958-17). Il a pour but d’abroger la loi no 18.771, adoptée en 1989 pendant la dictature militaire, qui autorise l’archivage et la suppression des documents appartenant au Ministère de la défense nationale, aux forces armées, aux forces de l’ordre et aux forces de sécurité publique. Il est indiqué dans les attendus du projet de loi que, conformément aux dispositions en vigueur du décret no 5.200 du 10 décembre 1929 ayant force de loi, les documents et archives des ministères qui datent d’il y a plus de cinq ans doivent être versés chaque année aux archives nationales. Ce décret a été modifié par la loi no 18.771, laquelle prévoit des exceptions pour le Ministère de la défense nationale et les forces armées, qui peuvent supprimer des documents sans avoir à demander une autorisation préalable au Directeur des archives nationales, au Président de la République ou à tout autre pouvoir ou organisme de l’État.

148.Enfin, il convient de souligner que différents organismes publics ont activement collaboré afin de collecter des renseignements pour faire la lumière sur les violations des droits de l’homme dont les tribunaux ont eu à connaître. À titre d’exemple, le 18 octobre 2016, le Ministère de la justice et des droits de l’homme a envoyé au Ministre, M. Mario Carroza, des fiches concernant des décisions rendues par les conseils de guerre, qui se trouvaient dans les locaux du Ministère.

Article 19 Obtention de données génétiques ou de renseignements médicaux

149.Le Service de médecine légale, qui relève du Ministère de la justice et des droits de l’homme, a travaillé à établir l’identité des victimes de disparitions forcées et à déterminer les causes des décès. Afin de mener à bien ces travaux, l’Unité spéciale d’identification médico-légale a été créée, laquelle est habilitée à assister la justice dans le cadre des enquêtes sur les violations des droits de l’homme. Le groupe interinstitutionnel Patio 29 constitue un exemple de ses travaux. Ce groupe est composé de l’Unité du Programme des droits de l’homme, de deux magistrats enquêteurs spéciaux chargés d’enquêter sur les infractions commises pendant la dictature, de l’Unité des droits de l’homme du Service de l’état civil et de l’identité et de la Brigade d’enquête sur les atteintes aux droits de l’homme de la police judiciaire nationale. Il se réunit depuis un an et a permis de coordonner efficacement les institutions qui en font partie.

150.S’agissant des bases de données génétiques, l’Unité spéciale d’identification médico-légale en utilise deux : la banque d’ADN et d’échantillons de référence et la banque d’échantillons osseux. La première contient l’ADN extrait d’échantillons sanguins et osseux ou dentaires des proches de victimes de violations des droits de l’homme, vivants ou décédés. Les échantillons sanguins sont collectés sur une base volontaire ou sur ordre des tribunaux. De 2007 à aujourd’hui, un total de 3 697 échantillons et de 83 échantillons prélevés post mortem ont été enregistrés. Pour sa part, la banque d’échantillons osseux comprend les échantillons collectés en extrayant l’ADN de restes osseux dont on suppose qu’ils sont ceux de victimes de violations des droits de l’homme. De 2007 à aujourd’hui, un total de 1 619 échantillons osseux ont été enregistrés. Les procédures de l’Unité spéciale du Service de médecine légale sont régies par des protocoles élaborés sur la base des recommandations d’un groupe d’experts internationaux qui, à partir de 2007, a fixé les normes que doit suivre l’État en matière d’identification des personnes disparues. On compte trois protocoles relatifs à l’identification.

151.Les renseignements médicaux sur les victimes sont obtenus lors d’un entretien avec leurs proches, qui doivent remplir un questionnaire sur les données ante mortem des personnes disparues. Ce questionnaire contient les renseignements donnés par la personne interrogée sur la généalogie de la victime, ses données personnelles, les circonstances de sa disparition, ses caractéristiques physiques, ses habitudes, ses antécédents médicaux et les vêtements et effets personnels qu’elle portait au moment de sa disparition, ainsi que des photos de la victime. Depuis 2007, 333 entretiens avec des proches de personnes disparues fondés sur ce questionnaire ont été réalisés.

152.Les données génétiques collectées par l’Unité spéciale d’identification médico-légale sont traitées par les laboratoires et permettent de confirmer ou d’infirmer une identification. Les renseignements médicaux donnés lors des entretiens viennent compléter les résultats obtenus par les laboratoires en ce qui concerne la détermination des causes de la mort.

153.La loi no 19.970 et son règlement d’application portent création et réglementation du Système national de banques de données ADN, qui contient les empreintes génétiques prélevées dans le cadre d’enquêtes pénales. Les informations obtenues revêtent un caractère confidentiel et ne peuvent être consultées directement que par le ministère public et les tribunaux. La loi en question prévoit que le Système ne peut en aucun cas servir à exercer une discrimination, à stigmatiser ou à porter atteinte à la dignité, à l’intimité, à la vie privée ou à l’honneur d’une personne. Comme en dispose la loi no 19.628 sur la protection de la vie privée, les informations contenues dans le Système et, en particulier, les échantillons biologiques et empreintes génétiques sont considérés comme des données personnelles sensibles. En outre, des sanctions pénales sont prévues pour toute personne qui divulgue ou utilise indûment les informations figurant dans les registres ou les examens, ou en donne l’accès à des personnes non autorisées.

154.Les échantillons sanguins, osseux et/ou dentaires prélevés post mortem et ceux prélevés sur des restes osseux de victimes de violations des droits de l’homme sont conservés de la manière suivante : d’une part, les échantillons sanguins sont prélevés sous forme de gouttes, qui sont déposées sur des cartes FTA. Depuis 2015, deux échantillons sont conservés par le Service de médecine légale, et les autres sont conservés par le Comité international de la Croix-Rouge à Genève (Suisse). D’autre part, les profils génétiques sont stockés dans une base de données spécialement prévue à cet effet. Les échantillons osseux et/ou dentaires, quant à eux, sont stockés dans le même lieu que les échantillons sanguins. Ce lieu est administré par une entreprise sous contrat avec le Service de médecine légale, laquelle est soumise à des normes strictes en matière de confidentialité. Seules les équipes d’experts et les experts en génétique étrangers chargés d’homologuer les résultats et qui font partie du groupe de professionnels intervenant dans l’identification des restes des victimes ont accès aux échantillons.

155.Le Service de médecine légale a identifié 291 victimes de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires, dont 153 ont été identifiées grâce à une analyse génétique (ADN nucléaire) et 123 grâce à une analyse traditionnelle (anthropologie, empreintes digitales ou odontologie). Enfin, 15 personnes ont été identifiées au moyen d’une analyse de l’ADN mitochondrial. Les tableaux détaillant le lieu où se trouvait le corps, la nationalité de la victime et la région figurent à l’annexe XI.

Article 20 Restriction du droit à l’information

156.S’agissant de la restriction de l’accès à l’information, il convient de mentionner que la nouvelle procédure pénale se fonde sur les principes de l’oralité, de l’immédiateté et de la publicité. Les restrictions à l’accès à l’information sur les procédures sont imposées à titre exceptionnel. Ainsi, l’article 182 du Code de procédure pénale énonce comme règle générale que les mesures prises par le ministère public et la police ne peuvent pas être divulguées à des personnes étrangères à la procédure. L’accusé et les autres intervenants peuvent consulter les registres et les documents relatifs à l’enquête et en obtenir des copies. Une exception à cette règle est prévue : s’il estime que cela est nécessaire pour garantir le bon déroulement de l’enquête, le procureur peut décider que certaines mesures, certains registres et certains documents revêtent un caractère confidentiel pour l’accusé. Celui-ci ou toute autre intervenant peut demander au juge des garanties de lever la confidentialité, de la limiter dans le temps ou de restreindre les pièces ou les personnes concernées par cette mesure. Le procureur ne peut pas déclarer confidentiel pour l’accusé ou son défenseur la déclaration de l’accusé ou toute autre acte auquel il a pris part ou avait le droit de prendre part, les actes impliquant le tribunal ou les rapports d’experts. Cette dernière disposition répond à la norme établie à l’article 20 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, étant donné que certaines actes accomplis dans le cadre de l’enquête ne peuvent être déclarés confidentiels par le ministère public qu’à titre exceptionnel et pour une durée limitée, que la défense de l’accusé a la possibilité de faire annuler cette décision administrative par un juge et, enfin, que les pièces de l’enquête établies avec la participation de l’accusé ne peuvent en aucun cas être déclarées confidentielles.

Article 21 Fondements de la liberté

157.L’article 1er de la Constitution dispose que « toutes les personnes naissent libres et égales en dignité et en droits ». Même si, comme il a été indiqué plus haut, ce droit peut faire l’objet de limitations dans le contexte des états d’exception constitutionnels, la réglementation qui régit ces états d’exception prévoit qu’il doit en être fait un usage restrictif. Le Code de procédure pénale prévoit les règles selon lesquelles les différents organismes qui interviennent dans la privation de liberté d’une personne doivent garantir à tout moment que sa remise en liberté soit officiellement consignée tout en prenant les mesures nécessaires pour assurer son intégrité physique et le plein exercice de ses droits. Dans le cadre de l’exécution de la mesure de détention préventive, ce sont les tribunaux et l’administration pénitentiaire qui sont chargés de superviser la remise en liberté des inculpés.

158.Lorsque la détention d’une personne condamnée arrive à son terme, l’administration pénitentiaire émet un ordre de remise en liberté dans lequel la personne est identifiée et qui contient des informations sur la remise en liberté, notamment les autorités responsables, les raisons de la remise en liberté (fin d’exécution de la peine, remise de peine ou liberté conditionnelle) et les motifs de la peine, et établit une attestation d’exécution de la peine.

159.Le Bureau du défenseur public dispose d’un système informatique (SIGDP) permettant d’enregistrer toutes les personnes se trouvant en détention provisoire qui sont représentées par un défenseur public au pénal. En outre, ce système compte des registres en ligne des personnes recevant une aide juridique qui purgent des peines privatives de liberté.

Article 22Droit d’introduire un recours et d’obtenir des informations

160.L’article 21 de la Constitution consacre le « recours en amparo », qui peut être comparé à l’habeas corpus. Ce recours, prévu par la Constitution, permet à toute personne arrêtée, détenue ou emprisonnée, ou quiconque agit en son nom, d’intenter une action auprès de la cour d’appel concernée pour que celle-ci ordonne que les formalités légales soient respectées et que les mesures nécessaires pour rétablir la règle de droit et garantir la protection adéquate de la personne en question soient prises d’urgence. La Cour peut ordonner aux personnes chargées de la détention que la personne lui soit présentée. Les objectifs de ce recours, qui fait l’objet d’une procédure simplifiée, sont la réparation des vices juridiques, la mise en liberté immédiate de la personne ou sa mise à disposition d’un juge compétent. Ce recours peut également être introduit par toute personne dont le droit à la liberté personnelle et à la sécurité de sa personne est illégalement menacé ou fait l’objet d’une atteinte, ou qui se trouve privée de ce droit.

161.L’article 95 du Code de procédure pénale consacre le recours en protection des garanties (amparo de garantías) devant le juge des garanties, qui prévoit que toute personne privée de liberté a le droit d’être présentée sans délai au juge des garanties pour que celui-ci examine la légalité de sa privation de liberté et les conditions dans lesquelles elle se trouve. La demande peut être introduite par la personne concernée, son avocat, ses proches ou toute autre personne agissant en son nom auprès du juge qui connaît de l’affaire ou celui du lieu où la personne se trouve. Le juge peut ordonner la libération de la personne ou adopter des mesures appropriées.

162.S’agissant des dispositions permettant de punir les privations de liberté illégales, le Code pénal prévoit les infractions de détention illégale de particulier (art. 143) et de détention arbitraire ou illégale (art. 148), des infractions en lien avec la restriction des droits des personnes privées de liberté (art. 149) et, enfin, des infractions relatives à la détention au secret (art. 140), qui sont expliquées plus en détail dans les parties du présent rapport portant sur les articles 2 et 4.

Article 23 Actes des agents de l’État et des personnes intervenant dans les enquêtes sur l’infraction de disparition forcée et répression de tels faits

163.L’État chilien ne dispose pas de programmes spécifiques d’éducation en matière de prévention des disparitions forcées dans les institutions civiles et militaires habilitées à appliquer la loi. Cependant, des programmes généraux relatifs aux droits de l’homme ont été mis en place pour rendre la formation du personnel de police plus adaptée.

164.Les Carabiniers ont engagé un processus visant à intégrer les droits de l’homme aux différents domaines dans lesquels s’exerce la fonction de police, prévoyant l’inscription de cours sur les droits de l’homme dans ses programmes d’enseignement et de formation professionnelle.

165.En novembre 2011, les Carabiniers ont créé un département des droits de l’homme, chargé de promouvoir la mise en œuvre des normes relatives aux droits de l’homme applicables à la fonction de police énoncées par la législation chilienne et le droit international. Ils ont également intégré, en 2013, un nouveau module d’enseignement des droits de l’homme dans les programmes de formation et de perfectionnement, portant notamment sur les normes internationales régissant l’emploi de la force, les obligations envers les personnes privées de liberté, l’interdiction de la torture et la protection des groupes vulnérables. Sans tenir compte des carabiniers diplômés entre 2013 et aujourd’hui, 184 instructeurs ont été formés dans des domaines relatifs aux droits de l’homme afin qu’ils puissent à leur tour dispenser des formations, ainsi que 11 000 agents d’opération entre janvier et décembre 2016 et 9 000 entre janvier et août 2017.

166.La police judiciaire nationale dispose d’une expérience solide en matière de formation dans le domaine des droits de l’homme. Depuis 1992, ses fonctionnaires bénéficient régulièrement de cours et de programmes sur ce sujet, lesquels ont été consolidés et actualisés depuis 2010 dans le cadre d’une collaboration avec l’Institut interaméricain des droits de l’homme (IIDH). Les programmes sont dispensés à tous les niveaux de la formation. Dans le cas de l’École de police judiciaire, l’éthique et les droits de l’homme sont enseignés pendant les trois années de formation, sur le plan tant théorique que pratique. Ainsi, dans le cadre du programme de formation des enquêteurs, la promotion 2015-2018 suivra pendant trois semestres le cours intitulé « Éthique, droits de l’homme et sécurité du public et des citoyens ». Ces cours sont dispensés à environ 250 personnes par année. Les officiers de police ayant le grade de commissaire qui fréquentent l’Académie supérieure des études de police, pour leur part, suivent un cours sur les droits de l’homme d’une durée d’un semestre. Ce cours est dispensé à environ 80 personnes par année. De plus, la police judiciaire nationale dispose de deux documents importants : un code de déontologie professionnelle, mis à jour en 2008, ainsi qu’un module et guide méthodologique complémentaire sur les droits de l’homme, la sécurité des citoyens et les fonctions de police, qui a été élaboré en collaboration avec l’Institut interaméricain des droits de l’homme. Pour ce qui est de la formation spécialisée, l’unité pédagogique de la police judiciaire a mis au point deux versions de la formation internationale diplômante intitulée « Droits de l’homme et sécurité des citoyens dans le cadre du travail de la police », qui peut être suivie de manière virtuelle ou présentielle, et qui est fondée sur la résolution de cas hypothétiques et la simulation de situations réelles. La police judiciaire nationale a en outre conclu des accords de coopération avec l’Institut national des droits de l’homme et le Bureau du défenseur public dans le domaine de l’éducation et de la formation.

167.En juin 2012, l’administration pénitentiaire a créé l’Unité de protection et de promotion des droits de l’homme, organe placé sous la responsabilité du Directeur national de l’administration pénitentiaire et qui a pour mandat de fournir des conseils pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques et plans relatifs au respect, à la protection et à la promotion des droits de l’homme, ainsi que pour l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Cette unité a pu améliorer son rayon d’action au niveau national avec l’ouverture de bureaux régionaux, ce qui a permis la mise en place de formations et d’activités de sensibilisation permanentes destinées au personnel institutionnel, parmi lesquelles : i) l’intégration au programme de l’école de l’administration pénitentiaire d’un cours sur les droits de l’homme et les normes internationales, qui aborde la question de la torture et des mauvais traitements ; ii) un cours annuel sur les droits de l’homme, en partenariat avec l’Université Diego Portales, destiné aux fonctionnaires et aux professionnels du service qui travaillent au contact direct de la population carcérale ; iii) des séminaires spécialisés sur les droits de l’homme consacrés notamment aux droits des personnes privées de liberté et à la violence sexiste ; iv) l’élaboration de brochures sur le thème des droits et des devoirs, traduites en anglais, en mapudungún, en aymara et en rapanui. À la fin 2015, 1 539 fonctionnaires travaillant dans différents centres pénitentiaires de tout le pays avaient bénéficié d’une formation de cette unité. Cette dernière a également mis en place un service de suivi qui enregistre les plaintes et dénonciations pour violation des droits de l’homme et les transmet aux instances compétentes pour qu’elles soient traitées.

168.Le Sous-Secrétariat aux droits de l’homme est investi d’un mandat spécifique en matière d’éducation aux droits de l’homme. La loi no 20.885, qui porte sur la formation et l’éducation aux droits de l’homme, met l’accent sur la formation des agents de la fonction publique dans ce domaine, en particulier des membres des forces armées, des forces de l’ordre et de la sécurité publique, ainsi que de l’administration pénitentiaire.

169.En 2016, le Ministère de la défense nationale a instauré une politique institutionnelle en matière de droits de l’homme, par voie d’arrêté ministériel. Conformément à cette politique, et dans le but d’assurer la coordination des politiques sectorielles concernant le personnel de la défense nationale, notamment en matière d’éducation, le Sous-Secrétariat aux forces armées est chargé de définir l’ensemble des notions fondamentales relatives aux droits de l’homme qui doivent être intégrées aux plans et programmes d’études des institutions militaires. La première proposition, faite en 2016, devra être analysée par les forces armées, et sera intégrée aux programmes d’études des écoles de formation des officiers et des sous-officiers.

170.Depuis 2000, l’armée chilienne a mis en place un processus d’amélioration de ses programmes d’enseignement du droit fondé sur une conception intégrée du droit militaire. Le Programme d’enseignement du droit, adopté en 2003, a deux objectifs : i) centraliser et harmoniser les connaissances juridiques sur le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire afin d’actualiser le contenu de l’enseignement à la lumière des obligations internationales contractées par le Chili ; ii) mettre en place un programme de formation continue. Ce programme a été conçu pour être utilisé tant pour la formation d’officiers que pour celle des cadres permanents de l’armée. En termes quantitatifs, la formation des officiers comprend vingt heures d’enseignement sur le droit international et la théorie générale des droits de l’homme, dispensées en deuxième année de l’école militaire, et trois heures d’enseignement dans ces mêmes matières dans le cours d’officiers des services. La formation des cadres permanents de l’armée comprend quant à elle vingt heures d’enseignement sur les droits de l’homme et le droit humanitaire dispensées dans le cadre du cours destiné aux sous-officier spéciaux appartenant à la fanfare, dix heures d’enseignement dispensées dans le cadre du cours de sous-officiers d’armes et de services destiné aux premiers sergents et vingt heures d’enseignement dispensées dans le cadre du cours de renseignement de combat, mention exploration.

171.Le programme de base de toutes les écoles de formation des forces aériennes comprend des modules d’enseignement des droits de l’homme, destinés tant à la formation des officiers qu’à la spécialisation des cadres permanents. Ainsi, l’ensemble des officiers et des cadres permanents acquièrent les connaissances nécessaires dans le domaine des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

172.L’armée chilienne s’emploie actuellement à mettre à jour sa formation aux droits de l’homme afin de pouvoir dispenser, dans toutes ses écoles de formation, le même programme de base d’enseignement dans ce domaine. Ce dernier sera utilisé dès 2018.

Article 24 Droit des victimes

173.Comme expliqué dans la partie introductive et dans celle consacrée à l’article 12, la loi no 19.123 reprend la large définition donnée du terme « victime » afin de fournir une assistance et des orientions s’agissant des mesures prises par l’État en matière de réparation. Elle a porté création de l’Unité du programme des droits de l’homme, qui a pour but de poursuivre les travaux et les actions visant à déterminer le lieu où se trouvent les détenus disparus ou des personnes dont le décès a été légalement reconnu, mais dont la dépouille n’a pas été retrouvée, ainsi que les circonstances de leur disparition ou de leur décès. L’article 6 de cette loi consacre le caractère inaliénable du droit des proches des victimes et de la société en général à la vérité, et le législateur a chargé l’Unité du programme des droits de l’homme de veiller à l’effectivité de celui-ci. Pour ce qui est des mesures garantissant le droit des victimes et de leur famille à la vérité, il importe de mentionner les commissions pour la vérité qui ont été créées successivement, comme expliqué dans la partie introductive du présent rapport et dans celle consacrée à l’article 3. L’État a pris des mesures pour aider autant que possible les familles à déterminer le sort des victimes de disparition forcée et l’endroit où elles se trouvent. À ce sujet, il convient de signaler que la recherche des personnes disparues fait pour l’instant l’objet de procédures judiciaires.

174.Le pouvoir judiciaire s’emploie à déterminer le lieu où se trouvent les victimes des disparitions forcées survenues sous la dictature militaire, ainsi que leur sort, en collaboration avec les organismes publics qui lui prêtent assistance, comme le Service de médecine légale et la police judiciaire nationale, avec sa Brigade d’enquête sur les atteintes aux droits de l’homme, ainsi que l’Unité du Programme des droits de l’homme, comme suite aux demandes de mesures d’enquête adressées aux tribunaux, dont l’exécution est financée par son budget. Une coordination est assurée entre ces institutions, qui se sont associées avec l’Unité du Programme des droits de l’homme pour créer le Groupe interinstitutionnel chargé d’assister la justice dans la recherche de victimes de disparitions forcées dans le contexte de la dictature, dont le fonctionnement a été décrit dans la partie consacrée à l’article 3. Ainsi, l’État a commencé à mettre en œuvre les recommandations formulées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires tendant à ce que soient déployées des activités relevant d’une politique publique globale et soutenues par les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. De plus, le Sous-Secrétariat aux droits de l’homme, préoccupé par la situation, a souhaité établir, par l’intermédiaire de l’Unité du programme des droits de l’homme, une structure institutionnelle administrative pour soutenir la recherche des victimes de disparition forcée, initiative qui s’est concrétisée en 2017 avec l’acceptation, par le Congrès national, d’une demande tendant à ce qu’une augmentation soit inscrite dans la loi relative au budget. Les ressources supplémentaires dégagées ont permis la création de l’équipe chargée des enquêtes et des recherches, qui a déjà été évoquée au paragraphe 48.

175.Le Service de médecine légale intervient directement lorsqu’il s’agit d’identifier des victimes de disparition forcée et de déterminer la cause de leur décès, et a pour tâche d’organiser, en collaboration avec les magistrats enquêteurs spéciaux, la restitution des restes aux familles dans ses locaux, avec l’aide de l’équipe sociale de l’Unité du Programme des droits de l’homme et en présence des spécialistes ayant participé à l’identification de la victime. Il convient de signaler que, même s’il n’existe pas de procédure réglementée à ce sujet, les travailleurs sociaux et l’équipe du Service de médecine légale collaborent étroitement lorsqu’il s’agit d’accomplir un acte qui, de par sa nature, constitue une forme de réparation de la part de l’État, tel que déterminer le lieu de restitution de la dépouille si la famille souhaite y assister, aider cette dernière dans les démarches funéraires, restituer officiellement une dépouille au nom de l’État ou choisir de quelle manière sera restituée la dépouille, sur la base de critères ethniques, religieux ou culturels. Pour ce qui est du prélèvement d’échantillons ante mortem sur les personnes portées disparues et leur famille à des fins d’identification, il convient de rappeler les explications données dans la partie du présent rapport consacrée à l’article 19.

176.Au sujet des mesures de réparation en faveur des victimes de disparition forcée, il convient de mentionner que le Chili dispose d’un système universel de pensions qui a trouvé son origine dans les recommandations formulées par les commissions pour la vérité. En effet, la loi no 19.123 a porté création de l’Organisme national de réparation et de réconciliation, chargé de mettre en œuvre les mesures de réparation proposées par la Commission nationale pour la vérité et la réconciliation ayant trait à des questions pécuniaires, médicales et éducatives. Cependant, l’État ne dispose pas de procédure permettant aux victimes d’accéder à une indemnisation par voie administrative. Les familles des victimes de violations des droits de l’homme présentent leurs demandes d’indemnisation aux tribunaux. Le résultat de ces demandes a varié car, dans un premier temps, la Cour suprême les a rejetées au motif que l’action civile était prescrite eu égard à de l’article 2332 du Code civil. En outre, le Conseil de défense de l’État a fait valoir qu’il n’y avait pas lieu d’indemniser les victimes qui avaient déjà obtenu réparation en vertu de la loi no 19.123 et qu’il convenait donc de retenir les exceptions de paiement invoquées. Comme cela est expliqué dans la partie du présent rapport consacrée à l’article 8, le pouvoir judiciaire a modifié le critère applicable et, suite aux décisions rendues par la Chambre pénale de la Cour suprême, a jugé recevable les demandes présentées par les victimes de disparition forcée, ainsi que d’exécution et de torture.

177.La loi no 19.980, publiée au Journal officiel le 9 novembre 2004, a établi des prestations en faveur des familles des victimes reconnues de violations des droits de l’homme et de violences politiques et a étoffé les prestations existantes. Les aides à l’éducation ont été prolongées d’un semestre pour les cursus de durée inférieure à cinq semestres, et de deux semestres pour les cursus d’une durée égale ou supérieure à cinq semestre dans les cas où une année supplémentaire est nécessaire pour obtenir le diplôme correspondant. Ces aides peuvent être reçues pendant dix mois par année lorsqu’un seul cursus est suivi. Les enfants des victimes ont droit, à titre de réparation, à une somme de 10 000 000 pesos chiliens, bien que le montant reçu à titre de pension de réparation soit déduit de cette somme. Un montant d’argent a également été octroyé à titre de réparation aux enfants des victimes qui ne recevaient pas la pension mensuelle de réparation. L’article 6 de la loi no 19.980 prévoit que le Président de la République est habilité à attribuer à titre gracieux 200 pensions s’élevant à 40 % du montant de la réparation. En outre, il donne la possibilité aux concubins qui n’ont pas eu d’enfants avec la victime, mais qui ont cohabité avec elle pendant longtemps et en dépendaient économiquement, et aux frères et sœurs et autres parents jusqu’au troisième degré de consanguinité (par exemple arrière-petits-enfants, neveux, oncles et tantes) d’obtenir une telle pension.

178.Dans le cadre du Programme de réparation et de prise en charge sanitaire intégrale a été mise en place une prise en charge psychosociale en tant que mesure de réadaptation en faveur des victimes indirectes de disparition forcée. Il est prévu que ces personnes aient le droit de bénéficier gratuitement des prestations médicales prévues par la loi no 18.469, à savoir des soins de médecine préventive, des services de médecine curative et des traitements dentaires, et que les femmes enceintes aient droit à des prestations. Ainsi, un type de réparation prenant en compte les besoins individuels de chaque personne a été mis en place. Pour ce qui est des recommandations formulées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires au sujet des problèmes potentiels de soins de santé rencontrés dans le cadre du Programme de réparation et de prise en charge intégrale, il convient de mentionner que le montant affecté au poste budgétaire correspondant a été augmenté de 25,86 %, conformément aux dispositions légales en vigueur, l’objectif étant de donner la priorité à l’assistance technique mentionnée à l’article 10 de la loi no 19.992, de réduire les délais d’attente, de garantir l’accès à des médicaments qui n’étaient pas disponibles dans les réseaux régionaux et de disposer de davantage de personnel spécialisé ayant le profil voulu en matière de modalités de la réparation intégrale.

179.La reconnaissance de la situation légale des personnes disparues est une des préoccupations de l’État. La loi no 20.377 relative à la déclaration d’absence pour cause de disparition forcée a été élaborée en faveur des familles des victimes de disparition forcée (annexe XII). La demande de déclaration peut être effectuée par le conjoint ou les enfants de la personne portée disparue. En leur absence, les descendants de cette dernière peuvent introduire la demande. Si la personne portée disparue n’a pas de descendants, ses ascendants peuvent effectuer la démarche et, en l’absence de ces derniers, ses parents collatéraux. Conformément à l’article 11 de la loi no 20.377, le juge communique officiellement la déclaration au Service de l’état civil et de l’identité, qui prend les mesures nécessaires pour l’enregistrement de la dissolution du mariage et le transfert de l’ensemble des biens de la personne disparue. À ce jour, 68 décisions non soumises au contrôle de légalité portant sur le transfert de biens en raison d’une disparition forcée ont été adoptées, et 3 dissolutions de mariage ont été prononcées à la demande du conjoint de la victime de disparition forcée.

180.Bien que le Service de l’état civil et de l’identité ne dispose pas d’un registre officiel des déclarations d’absence pour cause de disparition forcée et que la tenue d’un tel registre ne relève pas de ses fonctions, il convient de signaler un projet révision de la loi no 20.377 visant à consacrer le devoir qu’ont les organes de l’État de considérer comme victimes de disparition forcée les détenus disparus mentionnés dans les rapports des commissions pour la vérité et de créer un registre à cet effet (Bulletin no 9593-17, annexe XIII).

181.Pour garantir le droit des victimes de former des associations s’occupant des disparitions forcées et d’autres groupements de défense des droits de l’homme en général, le paragraphe 3 de l’article premier de la Constitution chilienne reconnaît et protège les groupes intermédiaires par lesquels la société s’organise et se structure, et leur garantit l’autonomie nécessaire pour atteindre leurs objectifs particuliers. En outre, la loi no 20.500 a établi un cadre général pour les associations et, entre autres innovations, a créé les associations d’utilité publique, qui doivent être inscrites au registre des associations d’utilité publique pour pouvoir accéder au financement accordé par le Fonds d’assistance aux organisations d’intérêt public.

Article 25 Enfants et adolescents concernés par la disparition forcée

182.Le Service national des mineurs, qui relève du Ministère de la justice et des droits de l’homme, est l’institution publique chargée d’adopter et de mettre en œuvre toutes les mesures juridiques ou administratives et techniques visant à assurer la protection et la sécurité des enfants et des adolescents dont les droits ont été violés. Son mandat et sa structure sont définis dans le décret-loi no 2456 de 1979, dans la loi no 20.032, qui prévoit la mise en place d’un système de prise en charge des enfants et des adolescents reposant sur un réseau de collaborateurs du Service national des mineurs, et dans la loi no 19.968, qui a porté création des tribunaux des affaires familiales. Le Service national des mineurs est notamment chargé de réglementer et de contrôler l’adoption et de mettre en œuvre les instructions données par les différents tribunaux dans l’ensemble du pays concernant des questions s’y rapportant.

183.Pour ce qui est des procédures prévues pour garantir les droits des enfants et adolescents disparus à voir rétablie leur véritable identité, le Service national des mineurs est l’institution compétente pour les enfants et adolescents dont les droits ont été violés et pour ceux qui pourraient avoir perdu leur identité après avoir été victimes d’infractions telles qu’abandon, traite, trafic ou d’enlèvement. Face à de telles situations, il doit donner suite à l’ordonnance de protection délivrée par un tribunal des affaires familiales par l’intermédiaire des centres qu’il administre directement ou d’organismes partenaires. En particulier, un plan d’intervention individuel et familial est élaboré pour rétablir l’enfant ou l’adolescent concerné dans ses droits, notamment le droit à l’identité.

184.Pour ce qui est des adultes qui pensent être l’enfant de parents disparus, le Service national des mineurs dispose d’un sous-programme de recherche des origines destiné aux personnes majeures qui ont été adoptées. Ce sous-programme fournit une assistance technique à quiconque souhaite retrouver sa famille biologique, conformément à l’article 27 de la loi no 19.620. Il convient de souligner que la loi relative à l’adoption repose sur le principe fondamental de l’intérêt supérieur de l’enfant. À chacune des grandes étapes de la procédure visant à déterminer si l’enfant est adoptable, l’intervention de sa famille est prise en compte. Par exemple, une fois la procédure entamée, le tribunal des affaires familiales doit convoquer les ascendants et autres personnes ayant un lien de sang avec l’enfant à l’audience préparatoire, où ils ont la possibilité d’exprimer leur opposition. En cas d’opposition, la procédure devient contentieuse. Par ailleurs, l’article 30 de la loi no 19.620 prévoit que l’adoption à l’étranger n’est possible que lorsqu’il n’y a pas de couple chilien, ou de couple étranger résidant de manière permanente au Chili, souhaitant adopter l’enfant et remplissant les conditions prévues par la loi. L’objectif est d’éviter le trafic d’enfant entre différents pays.