Nations Unies

CAT/OP/12/6

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

30 décembre 2010

Français

Original: anglais

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Douzième session

Genève, 15-19 novembre 2010

Approche du Sous-Comité pour la prévention de la torture concernant la notion de prévention de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants au sens du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

I.Introduction

1.Il ne fait aucun doute que les États parties au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants («le Protocole facultatif») ont l’obligation juridique de «prévenir» la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention, à laquelle tous les États parties au Protocole facultatif doivent aussi être parties, dispose que «tout État partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction». Le paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention élargit cette obligation en disposant que «tout État partie s’engage à interdire dans tout territoire sous sa juridiction d’autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture…». Comme l’a expliqué le Comité contre la torture dans son Observation générale no 2 «les dispositions du paragraphe 1 de l’article 2 obligent chaque État partie à prendre des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres qui renforceront l’interdiction de la torture». Même si l’obligation de prévenir la torture et les mauvais traitements vient renforcer l’interdiction de la torture, elle reste aussi une obligation à part entière et le fait, pour un État, de ne pas prendre les mesures préventives appropriées qui sont en son pouvoir pourrait engager sa responsabilité internationale si des actes de torture étaient commis dans des circonstances où l’État n’aurait pas été autrement responsable.

2.Appelant l’attention sur l’article 2 de la Convention, la Cour internationale de Justice a fait observer que «le contenu de l’obligation de prévention varie d’un instrument à l’autre, selon le libellé des dispositions pertinentes et en fonction de la nature même des actes qu’il s’agit de prévenir». Le Comité a noté que l’obligation de prévention était «de portée large» et que le contenu de cette obligation n’était pas immuable puisque «les mesures que le Comité considère efficaces et recommande d’adopter sont en constante évolution» et ne se limitent donc pas aux «mesures énoncées dans les articles 3 à 16».

3.Le Sous-Comité pour la prévention de la torture est d’avis que, comme ces observations le donne à penser, il n’est pas possible d’énoncer de manière exhaustive ce qu’entraîne in abstracto l’obligation de prévenir la torture et les mauvais traitements. Il est bien sûr possible et important de déterminer la mesure dans laquelle un État respecte les engagements juridiques pris officiellement en vertu d’instruments internationaux et qui ont une visée préventive mais, bien que nécessaires, ils sont rarement suffisants pour remplir l’obligation de prévenir la torture: tout autant que le contenu des mesures législatives, administratives, judiciaires ou autres d’un État, c’est la pratique qui est au cœur de l’action de prévention. En outre, la prévention de la torture et des mauvais traitements nécessite plus que le respect des engagements juridiques. En effet, la prévention de la torture et des mauvais traitements englobe − ou devrait englober − le plus grand nombre possible des éléments qui, dans une situation donnée, peuvent contribuer à réduire la probabilité ou le risque de torture ou de mauvais traitements. Une telle approche suppose non seulement de respecter les obligations et les normes internationales pertinentes tant du point de vue de la forme que du fond, mais aussi de s’intéresser à un ensemble d’autres facteurs en rapport avec l’expérience et le traitement des personnes privées de liberté et qui, de par leur nature même, dépendront du contexte.

4.C’est pour cette raison que le Protocole facultatif vise à renforcer la protection des personnes privées de liberté, non en établissant des obligations de fond supplémentaires en matière de prévention, mais en contribuant à la prévention de la torture par la création, aux niveaux international et national, d’un système préventif de visites régulières donnant lieu à l’élaboration de rapports et des recommandations. Ces rapports et ces recommandations tendent non seulement à favoriser le respect des obligations et des normes internationales, mais aussi à apporter des suggestions et des avis concrets sur les moyens de réduire la probabilité ou le risque de torture ou de mauvais traitements et seront solidement étayés et fondés sur les faits constatés et les situations rencontrées au cours des visites. Par conséquent, le SPT estime qu’il est mieux à même de contribuer à la prévention en développant sa réflexion sur la meilleure manière de remplir son mandat au titre du Protocole facultatif plutôt qu’en présentant ses vues sur ce que la prévention peut ou non nécessiter soit du point de vue des notions abstraites, soit en ce qui concerne les obligations juridiques. Toutefois, l’approche du SPT concernant son mandat de prévention obéit à un certain nombre de principes fondamentaux qu’il est utile d’exposer.

II.Principes directeurs

5.Les principes directeurs sont les suivants:

a)L’incidence de la torture et des mauvais traitements dépend d’un large éventail de facteurs, notamment du niveau général d’exercice des droits de l’homme et de respect de la légalité, des niveaux de pauvreté, d’exclusion sociale, de corruption, de discrimination, etc. Si un niveau globalement élevé de respect des droits de l’homme et de la légalité dans une société ou une communauté ne constitue pas une garantie contre la pratique de la torture et les mauvais traitements, il offre les meilleures perspectives pour une prévention efficace. En ce sens, le SPT s’intéresse vivement à la situation générale des pays en ce qui concerne l’exercice des droits de l’homme et son incidence sur la situation des personnes privées de liberté;

b)Dans ses travaux, le SPT doit prendre en considération, de manière plus large, les cadres réglementaires et la politique générale concernant le traitement des personnes privées de liberté et établir un dialogue avec ceux qui en sont responsables. Il doit aussi s’intéresser à la manière dont ces dispositions sont appliquées au moyen des divers mécanismes institutionnels mis en place à cette fin, à la manière dont ces derniers sont dirigés et administrés et à leur fonctionnement dans la pratique. Il convient donc d’adopter une approche globale de la situation, alimentée notamment mais non exclusivement par l’expérience acquise au cours des visites dans les différents lieux de détention;

c)Il conviendra, dans le cadre de la prévention, de veiller à ce qu’une grande diversité de garanties procédurales pour les personnes privées de liberté soient reconnues et appliquées dans la pratique. Elles concerneront tous les stades de la détention, depuis l’arrestation jusqu’à la libération définitive. Comme ces garanties visent à réduire la probabilité ou le risque de torture ou de mauvais traitements, elles sont intéressantes, qu’il existe ou non des informations faisant état de la pratique de la torture ou des mauvais traitements;

d)Les conditions de détention peuvent non seulement soulever la question des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants mais, dans certaines circonstances, peuvent aussi constituer un moyen de torture si elles sont utilisées d’une manière qui correspond aux dispositions de l’article premier de la Convention. Par conséquent, les recommandations relatives aux conditions de détention sont fondamentales pour une prévention efficace et porteront sur une grande diversité de questions, notamment les conditions matérielles, les taux d’occupation et les causes de taux élevés, l’existence d’équipements et de services suffisants et l’accès à ces équipements et ces services;

e)Les visites dans les États parties et les inspections de lieux de détention précis devraient être soigneusement préparées à l’avance, compte tenu de tous les facteurs pertinents, notamment les cadres juridiques et administratifs généraux, les droits fondamentaux, les garanties procédurales et les garanties d’une procédure équitable applicables à la détention ainsi que les contextes concrets. La manière dont les visites sont menées, leur objet principal et les recommandations faites à l’issue des visites peuvent varier en fonction de ces facteurs et selon les situations rencontrées afin de mieux atteindre l’objectif premier de la visite, qui est de maximiser le potentiel et l’effet préventifs de la visite;

f)Les rapports et les recommandations seront plus efficaces s’ils sont fondés sur une analyse rigoureuse et sur des faits bien établis. Les recommandations figurant dans les rapports de visite du SPT devraient être adaptées aux situations traitées afin d’apporter les conseils les plus concrets possibles. Lorsqu’il formule ses recommandations, le SPT est conscient qu’il n’existe pas de limite logique à l’éventail de questions qui, si elles sont explorées, peuvent avoir un effet préventif. Toutefois, il estime approprié de se concentrer sur les questions qui, compte tenu de la visite dans l’État partie concerné comme de son expérience plus générale, lui paraissent plus urgentes, pertinentes et réalisables;

g)Les mécanismes nationaux de contrôle efficaces, notamment les mécanismes de plainte, constituent un aspect essentiel de l’appareil de prévention. Ces mécanismes prendront diverses formes et fonctionneront à de nombreux niveaux. Certains seront internes, intégrés à l’organe, d’autres exerceront un contrôle externe tout en appartenant à l’appareil gouvernemental alors que d’autres encore, comme le mécanisme national de prévention, dont le Protocole facultatif impose la mise en place, exerceront un contrôle totalement indépendant;

h)La prévention de la torture et des mauvais traitements est plus aisée si le système de détention est ouvert à la surveillance extérieure. Les mécanismes nationaux de prévention, ainsi que les institutions nationales de défense des droits de l’homme et les services du médiateur jouent un rôle essentiel pour faire en sorte que cette surveillance soit exercée. Leur action est appuyée et complétée par la société civile, qui aide aussi grandement à assurer la transparence et la responsabilité en surveillant les lieux de détention, en examinant la façon dont les détenus sont traités et en fournissant des services pour répondre aux besoins de ces derniers. Le contrôle juridictionnel constitue un moyen de surveillance complémentaire. Ensemble, le mécanisme national de prévention, la société civile et le système de contrôle juridictionnel offrent des moyens de prévention essentiels, qui se renforcent mutuellement;

i)Il ne doit pas y avoir d’exclusivité dans l’action de prévention. La prévention est une entreprise multiforme et interdisciplinaire. Elle doit être fondée sur les connaissances et l’expérience de personnes d’horizons très divers − par exemple juridique, médical, éducatif, religieux, politique, milieux de la police et systèmes de détention.

j)Toutes les personnes placées en détention forment un groupe vulnérable mais certains groupes sont particulièrement exposés: les femmes, les jeunes, les membres de groupes minoritaires, les étrangers, les handicapés et les personnes présentant une dépendance ou une pathologie physique ou psychologique grave. Des connaissances portant sur toutes ces vulnérabilités sont nécessaires pour réduire le risque de mauvais traitements.