Nations Unies

CED/C/JPN/CO/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

5 décembre 2018

Français

Original : anglais

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumispar le Japon en application du paragraphe 1 de l’article 29de la Convention *

1.Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport soumis par le Japon en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention (CED/C/JPN/1) à ses 257e et 258e séances (voir CED/C/SR.257 et 258), les 5 et 6 novembre 2018. À sa 271e séance, le 14 novembre 2018, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par le Japon en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention, qui a été élaboré conformément aux directives pour l’établissement des rapports, ainsi que les informations qui y figurent. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau.

3.Le Comité remercie l’État partie de ses réponses écrites (CED/C/JPN/Q/1/Add.1) à la liste de points (CED/C/JPN/Q/1).

B.Aspects positifs

4.Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié la quasi-totalité des principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme, ainsi que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

5.Le Comité se félicite de ce que l’État partie ait reconnu la compétence du Comité pour examiner des communications émanant d’États, en application de l’article 32 de la Convention.

6.Le Comité salue en outre les mesures prises par l’État partie dans des domaines relevant de la Convention, notamment :

a)L’adoption du plan d’action de 2014 pour la lutte contre la traite des personnes et la création du Conseil pour la promotion de mesures de lutte contre la traite des personnes ;

b)La révision en 2014 de la loi sur la répression des activités relatives à la prostitution des enfants et à la pornographie mettant en scène des enfants et la protection des enfants.

7.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adressé une invitation permanente à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Renseignements d’ordre général

8.Le Comité considère qu’au moment de l’adoption des présentes observations finales, la législation en vigueur dans l’État partie pour prévenir et réprimer les disparitions forcées n’était pas conforme à certaines des obligations qui incombent aux États ayant ratifié la Convention. Il engage l’État partie à mettre en œuvre ses recommandations, qui ont été formulées dans un esprit constructif et dans le but de l’aider, pour que le cadre juridique existant et la manière dont il est appliqué par les autorités de l’État partie soient pleinement conformes aux droits et obligations consacrés par la Convention.

Communications individuelles

9.Le Comité prend note de la déclaration de la délégation selon laquelle le Japon mène une étude approfondie sur la pertinence des mécanismes de plainte individuelle au sein du système des organes conventionnels, mais demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas encore reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers conformément à l’article 31 de la Convention.

10. Le Comité encourage l ’ État partie à reconnaître dès que possible sa compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers conformément à l ’ article 31 de la Convention, en vue de renforcer le régime de protection contre les disparitions forcées prévu dans ladite Convention.

2.Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1 à 7)

Indérogeabilité de l’interdiction de la disparition forcée

11.Le Comité constate avec préoccupation que le droit interne ne dispose pas expressément qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ne peut être invoquée pour déroger à l’interdiction de la disparition forcée (art. 1).

12. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour inscrire dans le droit interne l ’ interdiction absolue de la disparition forcée, conformément au paragraphe 2 de l ’ article 1 de la Convention.

Incrimination de la disparition forcée

13.Le Comité est préoccupé par le fait que la disparition forcée n’est pas incriminée en tant que telle dans la législation nationale, contrairement à ce qu’exige l’article 2 de la Convention. Il estime que les différentes infractions punies par le Code pénal japonais ne couvrent pas l’ensemble des éléments constitutifs et des particularités du crime de disparition forcée définis à l’article 2 de la Convention, et que le Japon ne respecte donc pas l’obligation découlant de l’article 4, qui est étroitement liée à d’autres obligations conventionnelles relatives à la législation interne, notamment celles découlant des articles 6, 7 et 8. En règle générale, le Comité estime que renvoyer à diverses infractions existantes ne suffit pas à satisfaire à l’obligation faite à l’article 4, la disparition forcée n’étant pas le cumul de diverses infractions, mais une infraction complexe à part entière commise par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes agissant avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État qui se rendent coupables de divers actes criminels portant atteinte à plusieurs droits. Le Comité est préoccupé en outre par le fait que la législation nationale ne qualifie pas expressément la disparition forcée de crime contre l’humanité, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 5 de la Convention (art. 2 et 4 à 8).

14. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter dès que possible les mesures législatives qui s ’ imposent pour que la disparition forcée soit considérée comme une infraction à part entière dans la législation interne, soit définie suivant les termes de l ’ article 2 de la Convention , et soit qualifiée de crime contre l ’ humanité, comme l ’ exige l ’ article 5 de cet instrument.

Sanctions appropriées et circonstances atténuantes et aggravantes

15.Le Comité s’inquiète de ce que les peines prononcées pour les infractions au titre desquelles la disparition forcée peut être poursuivie diffèrent considérablement, allant de trois mois d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité, ne sont pas suffisamment uniformes et ne tiennent pas compte de l’extrême gravité du crime de disparition forcée. Il est également préoccupé par le fait que la législation nationale ne prévoit pas les circonstances atténuantes ou aggravantes applicables à la disparition forcée qui sont énumérées au paragraphe 2 a) de l’article 7 de la Convention.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie, une fois que la disparition forcée aura été incriminée en droit interne :

a) De prévoir des peines qui tiennent dûment compte de l ’ extrême gravité du crime de disparition forcée, conformément à l ’ article 7 de la Convention, tout en excluant la peine de mort ;

b) De définir les circonstances atténuantes et aggravantes applicables au crime de disparition forcée qui sont visées au paragraphe 2) de l ’ article 7 de la Convention, tout en veillant à ce que les circonstances atténuantes ne donnent en aucun cas lieu à l ’ absence de sanction appropriée.

Responsabilité pénale du supérieur hiérarchique et devoir d’obéissance

17.Le Comité s’inquiète de ce que la législation nationale n’incrimine pas expressément le fait d’ordonner ou de commanditer une disparition forcée et ne reprend pas expressément la notion de responsabilité du supérieur hiérarchique prévue au paragraphe 1 b) de l’article 6 de la Convention. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’informations claires et suffisantes sur les dispositions législatives qui garantissent que les personnes qui refusent d’obéir à des ordres ou instructions qui prescrivent, autorisent ou encouragent la disparition forcée n’encourent aucune sanction (art. 6 et 23).

18. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures législatives qui s ’ imposent pour que la législation pénale incrimine le comportement de toute personne visée au paragraphe 1 b) de l ’ article 6 de la Convention.

3.Responsabilité pénale et entraide judiciaire en matière de disparition forcée(art. 8 à 15)

Prescription

19.Le Comité constate avec satisfaction que l’article 253 du Code de procédure pénale dispose que le délai de prescription de l’action pénale commence à courir lorsque cesse le crime. Il est toutefois préoccupé par la très courte durée du délai de prescription qui serait applicable à la disparition forcée (cinq à vingt ans), ainsi que par le fait que la législation nationale ne garantit pas le droit des victimes de disparition forcée à un recours utile pendant le délai de prescription étant donné que, selon la déclaration faite par la délégation de l’État partie au cours de l’examen du rapport, l’action en responsabilité délictuelle se prescrit par vingt ans à compter du jour où l’acte a été commis (art. 8).

20. Le Comité invite l ’ État partie à prendre des mesures pour qu ’ une fois incriminée, la disparition forcée soit imprescriptible ; à défaut, il lui recommande de veiller à respecter les dispositions de l ’ article 8 de la Convention en faisant en sorte que :

a) Le délai de prescription de l ’ action pénale en ce qui concerne la disparition forcée soit de longue durée et proportionné à l ’ extrême gravité de ce crime ;

b) Les victimes de disparition forcée se voient garantir le droit à un recours utile pendant le délai de prescription.

Compétence pour connaître de l’infraction de disparition forcée

21.Le Comité fait observer que le paragraphe 2 de l’article 4 du Code pénal dispose que l’État a compétence pour connaître de l’infraction de disparition forcée quelle que soit la nationalité de l’auteur ou de la victime et même lorsque l’infraction est commise hors du territoire japonais. Il constate toutefois avec préoccupation que cette disposition ne s’applique qu’aux infractions faisant l’objet d’un traité (art. 9).

22.Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures qui s ’ imposent afin que les tribunaux soient pleinement compétents pour connaître du crime de disparition forcée, en application de l ’ article 9 de la Convention et, en particulier, du principe aut dedere aut judicare qui y est énoncé. L ’ État partie devrait de surcroît s ’ assurer qu ’ aucune condition autre que celles posées dans la Convention ne vient entraver l ’ exercice de la compétence que les tribunaux nationaux tiennent de l ’ article 9.

Signalement des disparitions forcées et enquêtes

23.Le Comité observe que, selon l’État partie, aucune plainte pour disparition forcée n’a été déposée. Il demeure néanmoins préoccupé par le fait que la législation nationale ne garantit pas le droit de toute personne, quelle que soit sa relation avec la personne disparue, de signaler une disparition forcée présumée aux autorités compétentes. Il est en outre préoccupé par certains éléments qui pourraient entraver la rapidité, l’efficacité et l’impartialité des enquêtes sur les allégations de disparition forcée, à savoir : selon la législation interne, ce sont les autorités militaires qui ont compétence pour enquêter sur les personnes accusées de disparition forcée ; la décision d’enquêter ou non est à la discrétion du policier chargé du dossier ; et la législation nationale restreint l’accès aux informations et documents pertinents lorsqu’ils sont confidentiels ou que leur divulgation peut porter atteinte aux intérêts nationaux. Le Comité s’inquiète également du manque d’information sur les dispositions pertinentes du droit interne qui habilitent les autorités d’enquête à accéder à tous les lieux de détention et aux autres lieux où il y a lieu de penser qu’une personne disparue pourrait se trouver ; il n’y a pas de ressources humaines et financières expressément affectées aux enquêtes sur les disparitions forcées ; les autorités chargées d’enquêter sur les disparitions forcées ne sont pas expressément formées pour ce faire (art. 11 et 12).

24. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures législatives et autres nécessaires pour :

a) Garantir le droit de toute personne, quelle que soit sa relation avec la personne disparue, de signaler une disparition forcée présumée aux autorités compétentes, et faire en sorte que le plaignant ait accès à des mécanismes d ’ appel si lesdites autorités refusent d ’ enquêter sur ses allégations ;

b) Mener rapidement une enquête approfondie et impartiale lorsqu ’ il existe des motifs raisonnables de croire qu ’ une personne a été victime de disparition forcée, même si aucune plainte n ’ a officiellement été déposée ;

c) Faire en sorte que la disparition forcée soit toujours expressément exclue de la compétence des tribunaux militaires et relève des seuls tribunaux ordinaires ;

d) Veiller à ce que les autorités chargées d ’ enquêter sur une disparition forcée puissent accéder à toutes les informations et à tous les documents utiles à l ’ enquête ;

e) Garantir que les autorités et institutions compétentes aient accès à tout lieu de privation de liberté, quelle qu ’ en soit la nature, lorsqu ’ il existe des motifs raisonnables de croire qu ’ une victime de disparition forcée peut s ’ y trouver ;

f) Fournir aux autorités chargées d ’ enquêter sur les disparitions forcées des ressources financières et humaines suffisantes ;

g) Dispenser aux autorités chargées d ’ enquêter sur les disparitions forcées la formation nécessaire pour ce faire.

Situation des femmes « de réconfort » victimes de disparition forcée

25.Rappelant les articles 8, 12 et 24 de la Convention, le Comité tient à souligner que la disparition forcée est un crime qui s’inscrit dans la durée, et à réaffirmer que les victimes ont le droit d’obtenir justice et réparation, de connaître la vérité sur les circonstances d’une disparition forcée et d’être informées du déroulement et des résultats de l’enquête et du sort de la personne disparue, indépendamment du moment où la disparition a eu lieu. Le Comité s’inquiète du manque de statistiques sur le nombre de femmes « de réconfort » qui auraient pu être victimes de disparition forcée, et du fait que ces disparitions ne donnent pas lieu à des enquêtes, à des poursuites et à des déclarations de culpabilité. Il s’inquiète également du fait que, selon certaines informations, ces femmes se voient soustraire leur enfant à la naissance et l’État refuse d’enquêter sur ce problème. De surcroît, il demeure préoccupé par les informations selon lesquelles l’État partie a dissimulé ou omis de divulguer certains faits et pièces relatifs aux femmes « de réconfort ». Le Comité constate en outre avec préoccupation que les victimes n’obtiennent pas dûment réparation, contrairement à ce qui est prévu au paragraphe 5 de l’article 24 de la Convention, et regrette que l’État partie ait décidé de considérer la question comme définitivement et irréversiblement réglée. Cela perpétue l’impunité et prive les victimes de leur droit de connaître la vérité et d’obtenir justice et réparation, notamment sous la forme de garanties de non-répétition (art. 1, 8, 12, 24 et 25).

26. Le Comité rappelle que le crime de disparition forcée s ’ inscrit dans la durée et invite instamment l ’ État partie :

a) À produire des statistiques fiables sur le nombre de femmes « de réconfort » qui auraient pu être victimes de disparition forcée à mener des enquêtes sur ces disparitions et à garantir le droit de connaître la vérité et d ’ obtenir réparation ;

b) À veiller à ce que tous les cas dans lesquels des femmes « de réconfort » auraient pu être victimes de disparition forcée et notamment se voir soustraire leur enfant à la naissance fassent rapidement l ’ objet d ’ une enquête approfondie et impartiale, quel que soit le temps écoulé depuis les faits et même si aucune plainte officielle n ’ a été déposée ;

c) À faire en sorte que tous les auteurs présumés soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à une peine proportionnée à la gravité de leurs actes ;

d) À prendre les mesures nécessaires pour rechercher et identifier tous les enfants nés d ’ une femme « de réconfort » victimes de soustraction illégale, de disparition forcée ou de substitution d ’ identité et les rendre à leur famille d ’ origine, comme prévu au paragraphe 2 de l ’ article 25 de la Convention ;

e) À divulguer toutes informations et pièces pertinentes ;

f) À veiller à ce que toutes les victimes reçoivent une réparation adéquate, comme prévu aux paragraphes 4 et 5 de l ’ article 24 de la Convention, et à faire en sorte que cette réparation soit adaptée aux besoins particuliers des femmes ;

g) À garantir le droit de connaître la vérité.

Coopération judiciaire en matière pénale

27.Le Comité est préoccupé par les restrictions et les conditions définies dans la législation nationale en ce qui concerne les demandes d’entraide ou de coopération judiciaires faites dans les conditions fixées par les articles 14 et 15 de la Convention. En particulier, étant donné que le crime de disparition forcée n’est pas codifié dans la législation nationale, le Comité constate avec préoccupation qu’en vertu du droit interne l’entraide n’est pas accordée lorsque l’acte constituant l’infraction pour laquelle elle est demandée ne constituerait pas une infraction en droit japonais s’il était commis au Japon.

28. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à accorder l ’ entraide judiciaire nécessaire aux autorités des autres États parties qui la demandent dans le cadre d ’ enquêtes sur de possibles disparitions forcées. Il encourage l ’ État partie à veiller à ce que ses autorités accordent toute l ’ entraide possible lorsqu ’ elles reçoivent des demandes relevant de l ’ article 15 de la Convention.

4.Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Mécanismes d’expulsion, de refoulement, de remise et d’extradition

29.Le Comité est préoccupé par les obstacles à l’extradition qui existent en ce qui concerne le crime de disparition forcée, parmi lesquels : a) la disparition forcée n’est pas une infraction pouvant donner lieu à extradition dans les traités d’extradition conclus avec des États qui ne sont pas parties à la Convention, étant donné que l’État partie n’impose pas l’obligation énoncée au paragraphe 2 de l’article 13 de la Convention ; b) l’exigence du principe de la double incrimination dans les traités d’extradition, compte tenu du fait que le Code pénal japonais ne fait pas de la disparition forcée un crime à part entière ; c) l’exigence du principe de réciprocité en l’absence d’un traité d’extradition. Le Comité regrette l’absence d’informations sur les critères et procédures appliqués pour évaluer et vérifier le risque qu’une personne fasse l’objet d’une disparition forcée dans le pays de destination avant de procéder à son expulsion, son renvoi ou son extradition (art. 13 et 16).

30. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour :

a) Supprimer tous les obstacles à l ’ extradition qui existent dans la législation nationale, conformément aux paragraphes 2, 3, 4 et 5 de l ’ article 13 de la Convention ;

b) Veiller à ce que des critères et procédures clairs et précis soient mis en place pour évaluer et vérifier le risque qu ’ une personne fasse l ’ objet d ’ une disparition forcée dans le pays de destination avant de procéder à son expulsion, son renvoi ou son extradition, et que, si un tel risque existe, la personne concernée ne soit pas expulsée, extradée ou renvoyée.

Garanties juridiques fondamentales

31.Le Comité est profondément préoccupé par les conditions et restrictions imposées par la législation nationale à l’exercice des droits garantis par le paragraphe 2 d) de l’article 17 de la Convention dans les lieux de privation de liberté et par les informations faisant état du non-respect de ces droits. Il s’agit notamment de la possibilité restreinte pour la personne privée de liberté de communiquer avec toute personne de son choix et, dans le cas des étrangers, avec les autorités consulaires, dès le début de la privation de liberté ; la limitation des visites d’un avocat à certains jours, certaines heures et certaines circonstances ; la restriction des visites rendues par la famille ou toute autre personne de son choix ; la présence du personnel pénitentiaire et l’enregistrement des conversations durant les visites ; la restriction, l’interdiction et l’examen de la correspondance, y compris celle d’un avocat de la défense ; et l’interdiction des visites, des communications et de la correspondance lorsque celles-ci sont dans une langue autre que le japonais et que la personne privée de liberté ne peut s’acquitter des frais de traduction ou d’interprétation. Le Comité est en outre préoccupé par l’absence de mesures visant à garantir que les organismes autorisés à visiter les lieux de privation de liberté sont indépendants et compétents et ont accès sans restriction à tous les lieux de privation de liberté (art. 17).

32. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De garantir que toute personne privée de liberté ait accès à un conseil dès le début de la privation de liberté et puisse communiquer sans délai avec ses proches, son avocat ou toute autre personne de son choix et recevoir la visite de ces personnes et, s ’ il s ’ agit d ’ une personne étrangère, qu ’ elle puisse communiquer avec les autorités consulaires ;

b) De veiller à ce que les organismes autorisés à visiter les lieux de privation de liberté soient indépendants, notamment grâce à des critères objectifs fixés pour la sélection de leurs membres, à ce qu ’ ils aient accès sans restriction à tous les lieux de privation de liberté et à ce qu ’ une formation à la Convention leur soit dispensée.

Recours permettant de contester la légalité de la détention

33.Le Comité constate avec préoccupation que, contrairement à ce que prévoit le paragraphe 2 f) de l’article 17 de la Convention, les voies de recours disponibles pour contester la légalité d’une privation de liberté sont inexistantes, y compris pour les personnes placées dans des établissements médicaux ou retenues dans des centres de détention pour migrants. Il prend note de ce que la loi sur l’habeas corpus permet de contester la légalité d’une détention mais s’inquiète des obstacles à l’exercice de ce moyen de droit prévus par cette loi, notamment par l’article 4, et du fait qu’un recours en habeas corpus ne peut être formé que par la personne privée de liberté et par son conseil (art. 17 et 22).

34.Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter les mesures qui s ’ imposent pour établir que le droit de déposer un recours en habeas corpus ne peut être restreint en aucune circonstance, et de veiller à ce que toute personne ayant un intérêt légitime ait qualité pour agir, quel que soit son lieu de détention.

Registres de personnes privées de liberté

35.Le Comité prend note des informations concernant l’existence de plusieurs registres de personnes privées de liberté. Il fait toutefois observer avec préoccupation que ces registres ne contiennent pas toutes les informations visées au paragraphe 3 de l’article 17 de la Convention et regrette l’absence d’informations suffisantes sur les mesures prises pour que tous les dossiers des personnes privées de liberté soient complétés et mis à jour immédiatement et fassent l’objet d’un suivi. Le Comité constate avec préoccupation que la législation nationale ne garantit pas l’accès aux informations énumérées au paragraphe 1 de l’article 18 de la Convention, étant donné que la fourniture de ces informations dépend de la personne privée de liberté. Il regrette de ne pas avoir reçu suffisamment d’informations sur la manière dont la législation nationale traite tous les points décrits aux alinéas b) et c) de l’article 22 de la Convention, à savoir le défaut d’enregistrement d’une privation de liberté, le refus de fournir des informations et la fourniture d’informations inexactes (art. 17, 18, 20 et 22).

36. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures qui s ’ imposent pour que :

a) Tous les cas de privation de liberté, sans exception, soient inscrits dans des registres officiels ou des dossiers actualisés contenant au moins les informations visées au paragraphe 3 de l ’ article 17 de la Convention ;

b) Les registres ou dossiers concernant des personnes privées de liberté soient complétés et mis à jour avec diligence et précision, et fassent l ’ objet de contrôles réguliers, et que soient dûment sanctionnés les fonctionnaires responsables en cas d ’ irrégularités ;

c) Quiconque ayant un intérêt légitime puisse avoir facilement et rapidement accès aux informations visées au paragraphe 1 de l ’ article 18 de la Convention ;

d) Des mesures soient prises pour prévenir, et sanctionner s ’ il y a lieu, les agissements décrits aux alinéas b) et c) de l ’ article 22 de la Convention.

Formation sur la Convention

37.Le Comité constate que certains agents de l’État sont formés aux droits de l’homme, mais s’inquiète de ce que cette formation ne porte pas précisément sur les disparitions forcées (art. 23).

38. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre ses efforts pour dispenser une formation aux droits de l ’ homme aux agents de l ’ État et, en particulier, de veiller à ce que tous les personnels militaires et civils chargés de l ’ application de la loi et de la sécurité, le personnel médical, les fonctionnaires et les autres personnes susceptibles d ’ intervenir dans la garde ou le traitement des personnes privées de liberté, telles que les juges, les procureurs et autres fonctionnaires chargés de l ’ administration de la justice, reçoivent une formation spécifique et régulière sur les dispositions de la Convention, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 23 de la Convention.

5.Mesures de réparation et mesures de protection des enfants contre la disparition forcée (art. 24 et 25)

Définition de la victime et droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate

39.Le Comité constate avec préoccupation que la définition de la victime figurant au paragraphe 2 de l’article 290 du Code de procédure pénale n’inclut pas toutes les personnes visées au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention, et regrette que la délégation ait affirmé que le Japon n’a pas l’intention de revoir la définition de la victime en matière pénale. Il relève en outre avec préoccupation que la législation interne n’établit pas un système de réparation globale sous la responsabilité de l’État, qui comprenne toutes les mesures de réparation prévues au paragraphe 5 de l’article 24 de la Convention. Le Comité regrette l’absence d’informations sur le type d’indemnisation et de réparation accordées par l’État aux victimes de disparition forcée dans les cas où il n’y a pas eu décès et l’absence d’informations sur les mécanismes mis en place pour garantir le droit de connaître la vérité sur les circonstances d’une disparition forcée et le sort de la personne disparue ou sur les mesures prises pour instaurer de tels mécanismes, ainsi que sur la manière dont ces mécanismes garantissent le droit des victimes d’être informées du déroulement et des résultats des enquêtes et de participer aux poursuites engagées (art. 24).

40. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour :

a) Établir une définition de ce qu ’ est une « victime » dans la législation nationale qui soit conforme au paragraphe 1 de l ’ article 24 de la Convention, afin que quiconque a subi un préjudice direct du fait d ’ une disparition forcée puisse exercer les droits énoncés dans cet article ;

b) Mettre en place un système complet de réparation qui prenne en considération la situation de chaque victime et tienne compte, par exemple, de son sexe, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de son origine ethnique, de sa situation sociale et, le cas échéant, de son handicap, et soit pleinement conforme aux dispositions des paragraphes 4 et 5 de l ’ article 24 de la Convention, qui relève de la responsabilité de l ’ État et qui soit applicable même lorsqu e aucune procédure pénale n ’ a été ouverte ;

c) Veiller à ce que toutes les victimes de disparition forcée puissent exercer leur droit de connaître la vérité et d ’ obtenir justice et réparation, notamment sous la forme de garanties de non-répétition.

Situation juridique des personnes disparues et de leurs proches

41.Le Comité constate avec inquiétude que le droit civil exige que la personne disparue soit présumée décédée même si son sort n’a pas été élucidé, et qu’une période allant jusqu’à sept ans se soit écoulée depuis la disparition pour régulariser la situation des membres de sa famille dans des domaines tels que la protection sociale, les questions financières, le droit de la famille et les droits de propriété. Il est en outre préoccupé par le fait qu’au cours de ces sept années, les cotisations de retraite et d’assurance de la personne disparue doivent toujours être réglées (art. 24).

42. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour régulariser, conformément au paragraphe 6 de l ’ article 24 de la Convention, la situation juridique des personnes disparues dont on ignore le sort ou le lieu où elles se trouvent, ainsi que celle de leurs proches, dans des domaines tels que la protection sociale, les questions financières, le droit de la famille et les droits de propriété, sans avoir à déclarer la mort présumée de la personne disparue. À cet égard, le Comité encourage l ’ État partie à prévoir dans sa législation une déclaration d ’ absence pour disparition forcée.

Législation relative à la soustraction d’enfants

43.Le Comité constate avec préoccupation que la législation nationale ne prend pas suffisamment en compte et ne réprime pas expressément les actes liés à la soustraction d’enfants visés au paragraphe 1 de l’article 25 de la Convention. Il regrette le manque de renseignements sur les procédures mises en place pour réexaminer et, le cas échéant, annuler toute adoption d’enfant qui trouve son origine dans une disparition forcée et pour garantir le droit des enfants disparus à voir leur véritable identité rétablie (art. 25).

44. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De revoir sa législation pénale en vue d ’ ériger en infractions distinctes les actes visés au paragraphe 1 de l ’ article 25 de la Convention et de prévoir des peines appropriées pour ces actes, à la mesure de leur extrême gravité ;

b) De mettre en place des procédures spécifiques pour réexaminer et, le cas échéant, annuler toute adoption, tout placement ou toute tutelle qui trouve son origine dans une disparition forcée.

D.Diffusion et suivi

45. Le Comité tient à rappeler les obligations auxquelles les États ont souscrit en devenant parties à la Convention et, à ce propos, engage l ’ État partie à veiller à ce que toutes les mesures qu ’ il adopte, quelles que soient leur nature et l ’ autorité dont elles émanent, soient pleinement conformes aux obligations qu ’ il a acceptées en devenant partie à la Convention et à d ’ autres instruments internationaux pertinents. Il engage tout particulièrement l ’ État partie à garantir la conduite d ’ une enquête efficace sur toutes les disparitions forcées ainsi que la satisfaction sans réserve des droits des victimes tels qu ’ ils sont consacrés par la Convention.

46. Le Comité tient également à souligner que les disparitions forcées ont des effets particulièrement cruels sur les droits fondamentaux des femmes et des enfants. Les femmes victimes de disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence sexiste. Lorsqu ’ elles sont les parentes d ’ une personne disparue, les femmes sont particulièrement exposées à des conséquences sociales et économiques graves ainsi qu ’ à la violence, aux persécutions et aux représailles du fait des efforts qu ’ elles font pour localiser leurs proches. Pour leur part, les enfants victimes de disparition forcée, qu ’ ils soient eux-mêmes soumis à une disparition ou qu ’ ils subissent les conséquences de la disparition de membres de leur famille, sont particulièrement exposés à de multiples violations des droits de l ’ homme, notamment la substitution d ’ identité. C ’ est pourquoi le Comité insiste sur la nécessité, pour l ’ État partie, de tenir compte des questions de genre et de la sensibilité des enfants dans l ’ application des droits et obligations qui découlent de la Convention.

47.L ’ État partie est invité à diffuser largement la Convention, le rapport qu ’ il a soumis en application du paragraphe 1 de l ’ article 29, ses réponses écrites à la liste de points élaborée par le Comité et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales qui sont actives dans le pays , et le grand public. Il est également invité à promouvoir la participation de la société civile, en particulier les associations de familles de victimes, aux mesures prises en application des présentes observations finales .

48. Conformément au règlement intérieur du Comité, l ’ État partie devrait communiquer, le 16 novembre 2019 au plus tard, des informations sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 12 (interdiction de la disparition forcée), 14 (incrimination de la disparition forcée) et 32 (garanties juridiques fondamentales).

49. En application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention, le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, au plus tard le 16 novembre 2024, des informations précises et actualisées sur la mise en œuvre de toutes les recommandations formulées, ainsi que tous renseignements nouveaux concernant l’exécution des obligations découlant de la Convention, dans un document conforme aux prescriptions énoncées dans les Directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l’article 29 de la Convention (voir CED/C/2, par. 39). Le Comité encourage l’État partie à promouvoir et à faciliter la participation de la société civile, en particulier les associations de familles de victimes, à la compilation de ces informations.