Nations Unies

CAT/C/54/2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

26 mars 2015

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Cinquante-quatrième session

20 avril-15 mai 2015

Point 3 de l’ordre du jour provisoire

Questions d ’ organisation et questions diverses

Huitième rapport annuel du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Résumé

Le huitième rapport annuel du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants («le Sous-Comité») rend compte des travaux menés par le Sous-Comité en 2014.

Après une brève introduction, le chapitre II rend compte des faits nouveaux relatifs au système issu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, notamment en ce qui concerne les visites et l’augmentation du nombre d’États parties et de mécanismes nationaux de prévention désignés, et contient des informations détaillées concernant le fonctionnement du Fonds spécial établi conformément au Protocole facultatif.

Le chapitre III met en évidence les domaines de coopération entre le Sous-Comité et d’autres organisations internationales et régionales et la société civile, et donne un aperçu des travaux qu’ils ont entrepris ensemble.

Au chapitre IV figurent des informations de fond concernant l’évolution des pratiques de travail du Sous-Comité, notamment quelques réflexions préliminaires sur diverses questions de fond.

Le chapitre V expose les vues du Sous-Comité au sujet de la détention avant jugement et de la prévention de la torture et autres mauvais traitements.

Enfin, le chapitre VI porte sur le programme de travail du Sous-Comité pour 2015 et les problèmes pratiques qui doivent être réglés pour que les activités du Sous-Comité continuent de se développer.

Table des matières

Paragraphes Page

I.Introduction13

II.Bilan de l’année2−323

A.Participation au système issu du Protocole facultatif2−43

B.Questions d’organisation et composition du Sous-Comité5−103

C.Visites effectuées pendant la période considérée11−174

D.Dialogue découlant des visites, y compris la publication des rapportsdu Sous‑Comité par les États parties et les mécanismes nationaux de prévention18−225

E.Faits nouveaux relatifs à la mise en place de mécanismes nationauxde prévention23−306

F.Fonds spécial établi conformément aux dispositions de l’article 26 du Protocole facultatif31−327

III.Collaboration avec d’autres organes dans le domaine de la préventionde la torture33−428

A.Coopération internationale33−408

B.Coopération régionale4110

C.Société civile4210

IV.Questions notables découlant de l’action menée par le Sous‑Comitépendant la période considérée43−7210

A.Nouveaux membres43−4510

B.Suspension de la visite en Azerbaïdjan4611

C.Perfectionnement des méthodes de travail47−7211

V.Questions thématiques: détention avant jugementet prévention de la tortureet autres mauvais traitements73−9615

A.Définitions73−7415

B.Corrélation entre le recours excessif et abusif à la détention avant jugementet la prévention de la torture et autres mauvais traitements75−8216

C.Principes clefs de l’approche préventive du Sous‑Comité en matièrede détention avant jugement83−9517

D.Observations finales9621

VI.Perspectives97−10422

Le défi permanent des ressources98−10422

I.Introduction

Le paragraphe 3 de l’article 16 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants prévoit que le Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants présente chaque année un rapport public sur ses activités au Comité contre la torture. Conformément à cette disposition, le projet de huitième rapport annuel, rendant compte des travaux menés par le Sous-Comité au cours de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2014, a été examiné et adopté par le Sous-Comité à sa vingt‑quatrième session.

II.Bilan de l’année

A.Participation au système issu du Protocole facultatif

Au 31 décembre 2014, 76 États étaient parties au Protocole facultatif. En 2014, six États ont ratifié cet instrument ou y ont adhéré: la Lituanie (20 janvier), la Grèce (11 février), le Mozambique (1er juillet), la Finlande (8 octobre), le Niger (7 novembre) et le Maroc (24 novembre).

La répartition par région se présente comme suit:

Afrique

16

Asie et Pacifique

8

Europe orientale

19

États d’Amérique latine et des Caraïbes

14

États d’Europe occidentale et autres États

19

La répartition par région des 20 États signataires s’établit comme suit:

Afrique

11

Asie et Pacifique

2

Europe orientale

0

États d’Amérique latine et des Caraïbes

1

États d’Europe occidentale et autres États

6

B.Questions d’organisation et composition du Sous-Comité

Pendant la période considérée (1er janvier-31 décembre 2014), le Sous-Comité a tenu trois sessions d’une semaine à l’Office des Nations Unies à Genève: la vingt-deuxième session (24‑28 février), la vingt-troisième session (2-6 juin) et la vingt-quatrième session (17‑21 novembre).

La composition du Sous-Comité a changé en 2014. À la vingt-deuxième session, Margarete Osterfeld et Catherine Paulet ont succédé à Christian Pross et Olivier Obrecht, dont les sièges étaient restés vacants après leur démission l’année précédente. Le 23 octobre 2014, à la cinquième réunion des États parties au Protocole facultatif, 13 membres ont été élus pour remplacer ceux dont le mandat prenait fin le 31 décembre 2014. Le mandat des nouveaux élus, d’une durée de quatre ans, prendra effet le 1er janvier 2015 et s’achèvera donc le 31 décembre 2018.

La composition du Bureau du Sous-Comité est restée inchangée, les mandats actuels se poursuivant jusqu’à la vingt-cinquième session (février 2015). Le Président était Malcolm Evans et les Vice-Présidents, Suzanne Jabbour (mécanismes nationaux de prévention), Aisha Shujune Muhammad (jurisprudence et Rapporteuse du Sous-Comité), Wilder Tayler Souto (visites), Fortuné Gaétan Zongo (relations extérieures).

Les chefs d’équipe régionale n’ont pas changé pour l’Afrique (Paul Lam Shang Leen), pour l’Asie et le Pacifique (Lowell Goddard), et pour l’Europe (Mari Amos). À la vingt‑troisième session, Enrique Font a succédé à Judith Salgado Alvarezas pour l’Amérique latine. Les équipes régionales, qui sont une des pierres angulaires de l’action menée par le Sous-Comité, examinent la mise en œuvre du Protocole facultatif dans les États parties de leur région. Elles font rapport au Sous-Comité réuni en plénière et présentent des recommandations s’il y a lieu. Elles font également des recommandations au Sous-Comité en formation plénière au sujet du programme de visites de l’année suivante, en veillant à ce que le programme de visites universelles soit établi de manière raisonnée et participative, et corresponde à des critères opérationnels stratégiques appliqués de manière impartiale.

Les groupes de travail permanents et spéciaux du Sous-Comité, dont il sera plus amplement question au chapitre IV, se sont réunis à chaque session de 2014.

Ces méthodes de travail illustrent le fait que le Sous-Comité préfère se réunir en sous‑groupes et en groupes de travail, ce qui permet d’examiner un éventail plus large de questions, de manière plus approfondie, plus ciblée et plus ouverte que dans d’autres conditions.

C.Visites effectuées pendant la période considérée

Le Sous-Comité a effectué sept visites officielles en 2014.

Trois visites, qui relevaient du mandat du Sous-Comité défini à l’article 11 a) du Protocole facultatif, ont été effectuées au Nicaragua (7‑16 mai), en Azerbaïdjan (8‑14 septembre) et au Togo (1er‑10 décembre).

Deux visites, qui relevaient du mandat du Sous-Comité défini aux articles 11 b) et 12 du Protocole facultatif, ont été effectuées en Équateur (1er‑4 septembre) et à Malte (6‑9 octobre).

Une visite, qui relevait du mandat du Sous-Comité défini au paragraphe 4 de l’article 13 du Protocole facultatif, a été effectuée aux Maldives (8-11 décembre).

Pour la première fois, le Sous-Comité a mené un nouveau type de visites, à savoir une «visite de conseil sur le Protocole facultatif», visant à faciliter la pleine application du Protocole facultatif (voir chap. IV.Cplus bas). Cette visite a eu lieu au Nigéria (1er‑3 avril2014).

Des résumés de ces visites figurent dans les communiqués de presse publiés à l’issue de chacune d’entre elles.

Le Sous-Comité appelle l’attention sur le fait qu’il a malheureusement dû suspendre sa visite en Azerbaïdjan, faute de pouvoir accéder librement à tous les lieux de privation de liberté. Il compte la reprendre dès qu’il estimera possible de la poursuivre conformément au mandat que lui confère la Convention. Le Sous-Comité a publié une déclaration (CAT/OP/24/1) dans laquelle il a exposé sa position à l’égard de ce type d’expériences.

D.Dialogue découlant des visites, y compris la publication des rapportsdu Sous‑Comité par les États parties et les mécanismes nationauxde prévention

Les aspects fondamentaux du dialogue découlant des visites sont soumis à la règle de la confidentialité. Les rapports ne sont rendus publics qu’avec l’accord de l’État partie ou du mécanisme national de prévention concerné. À la fin de 2014, le Sous-Comité avait adressé au total 33 rapports de visite aux États parties et aux mécanismes nationaux de prévention: 20 rapports sur des visites au titre de l’article 11 a) du Protocole facultatif, dont 3 au cours de la période considérée, concernant le Gabon, le Nicaragua et le Pérou, 2 rapports établis à l’issue de visites de suivi au titre du paragraphe 4 de l’article 13 du Protocole facultatif, dont 1 au cours de la période considérée concernant le Cambodge, 10 rapports établis à l’issue d’une visite de conseil à des mécanismes nationaux de prévention, conformément aux articles 11 b) et 12 du Protocole facultatif, et 1 rapport relatif à une visite de conseil sur le Protocole facultatif au cours de la période considérée concernant le Nigéria. Au total, 19 rapports de visite ont été rendus publics à la demande des États parties, conformément au paragraphe 2 de l’article 16 du Protocole facultatif, ou des mécanismes nationaux de prévention. Un rapport, établi à l’issue d’une visite de conseil au mécanisme national de prévention de la République de Moldova, a été rendu public en 2014 à la demande de l’État partie concerné, pendant la période considérée.

Conformément à la pratique établie, les États parties sont priés d’adresser au Sous‑Comité une réponse concernant le rapport de visite dans un délai de six mois après que celui-ci leur a été transmis, en décrivant toutes les mesures qu’ils ont prises pour donner suite aux recommandations formulées dans le rapport. À la fin de 2014, le Sous‑Comité avait reçu 12 réponses d’États parties concernant des rapports de visite au titre de l’article 11 a) du Protocole facultatif, dont un au cours de la période considérée, sur la Nouvelle-Zélande. Les réponses de l’Argentine, du Bénin, du Brésil, du Mexique (deux réponses), de la Nouvelle-Zélande, du Paraguay et de la Suède ont été rendues publiques, tandis que celles de l’État plurinational de Bolivie, du Liban, de Maurice et de l’Ukraine demeurent confidentielles. Le Sous-Comité considère que les réponses des huit États suivants sont en retard: Cambodge (visite en 2009), Gabon, Honduras, Kirghizistan, Libéria, Maldives (visite en 2007), Mali et Pérou.

Le Sous‑Comité rédige une réponse confidentielle à chaque réponse reçue. Toutes ces réponses restent à ce jour confidentielles, à l’exception de la réponse envoyée au Brésil. Il convient de noter que, pendant la période considérée et pour la première fois, le Sous‑Comité a reçu une réaction d’un État, le Brésil, à sa propre réponse. Ce document a également été rendu public.

Le Sous-Comité a effectué deux visites au titre du paragraphe 4 de l’article 13 du Protocole facultatif, au Cambodge et au Paraguay. Le rapport sur la visite au Cambodge reste confidentiel. Le rapport sur la visite de suivi et la réponse faisant suite à la visite précédente au Paraguay au titre du paragraphe 4 de l’article 13 ont tous deux été rendus publics à la demande de l’État partie.

Le Sous-Comité a fait parvenir aux mécanismes nationaux de prévention et aux États parties concernés les rapports établis à l’issue des visites de conseil au titre des articles 11 b) et 12 du Protocole facultatif, qu’il a effectuées en Allemagne, en Arménie, au Honduras, en République de Moldova et au Sénégal. Les rapports transmis à ces États parties restent confidentiels, à l’exception des rapports sur l’Allemagne et la République de Moldova, qui ont été publiés au cours de la période considérée. Les rapports communiqués aux mécanismes nationaux de prévention de l’Allemagne, du Honduras, de la République de Moldova et du Sénégal sont publics, tandis que celui adressé au mécanisme national de prévention de l’Arménie est confidentiel. Deux réponses d’États parties ont été reçues au cours de la période considérée, l’une de l’Arménie (publique) et l’autre de l’Allemagne (publique). Au cours de la période considérée, trois réponses de mécanismes nationaux de prévention ont été reçues, de l’Arménie (confidentielle), de l’Allemagne (publique) et du Sénégal (publique). Le Sous‑Comité a répondu aux mécanismes nationaux de prévention de l’Allemagne et du Sénégal au cours de la période considérée. Il estime que les réponses des États partiessuivants auraient dû être reçues: Honduras, République de Moldova et Sénégal. Il en est de même pour les réponses des mécanismes nationaux de prévention du Honduras et de la République de Moldova.

E.Faits nouveaux relatifs à la mise en place de mécanismes nationaux de prévention

Cinquante-quatre des 76 États parties au Protocole facultatif ont officiellement informé le Sous‑Comité de la désignation de leur mécanisme national de prévention. On trouvera des informations à ce sujet sur le site Web du Sous-Comité.

En 2014, le Sous-Comité a reçu des sept pays suivants une notification officielle l’informant de la désignation d’un mécanisme national de prévention: Finlande, Grèce, Italie, Lituanie, Mauritanie, Norvège et Turquie.

À la fin de 2014, le délai d’un an imparti pour informer le Sous-Comité de la désignation du mécanisme national de prévention, conformément à l’article 17 du Protocole facultatif, n’avait pas encore expiré pour trois États parties: le Maroc, le Mozambique et le Niger. De plus, en vertu des déclarations faites au titre de l’article 24 du Protocole facultatif, le délai dans lequel les États parties sont tenus de désigner un mécanisme national de prévention n’avait pas encore expiré pour la Bosnie-Herzégovine.

Ainsi, au 31 décembre 2014, 19 États parties ne s’étaient pas officiellement acquittés de l’obligation prévue à l’article 17 du Protocole facultatif. Si elle s’est quelque peu améliorée par rapport à 2013, cette situation reste néanmoins une source de vive préoccupation, étant donné que certains États parties ne progressent guère dans l’exécution de leurs obligations. À chaque session du Sous-Comité, les équipes régionales passent en revue les progrès réalisés par chaque État partie dans la mise en œuvre de ses obligations et font au Sous‑Comité plénier des recommandations sur la manière dont celui-ci peut le plus utilement apporter conseils et assistance aux États parties concernés, conformément au mandat défini au paragraphe b) i) de l’article 11 du Protocole facultatif.

Dans le cadre de ses sessions, le Sous-Comité a continué à échanger avec des États parties au sujet de la désignation ou du fonctionnement de leur mécanisme national de prévention. À sa vingt-deuxième session, il a rencontré des représentants des Missions permanentes de la République démocratique du Congo, du Chili, de l’Italie et de la République de Moldova et, à ses vingt-troisième et vingt-quatrième sessions, avec des représentants de la Mission permanente du Panama. Le Sous‑Comité a tenu des réunions non plénières avec des représentants des Missions permanentes de l’Équateur et de Malte, dans la perspective de visites de conseil aux mécanismes nationaux de prévention. Les membres du Sous-Comité sont également en contact avec d’autres États parties qui ont entrepris de créer leur mécanisme national de prévention. Le Sous-Comité a continué d’appuyer la mise en place des mécanismes nationaux de prévention récemment créés. Le Président du Sous-Comité a tenu une vidéoconférence avec le mécanisme national de prévention de la Turquie, récemment mis en place, à laquelle ont participé un large éventail de parties prenantes, dont le Bureau régional du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme pour l’Europe, le Bureau du Programme des Nations Unies pour le développement en Turquie, et diverses missions permanentes. Dans le cadre du projet conjoint du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme, du Sous-Comité et de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), s’est tenue à Paris les 23 et 24 juin 2014 une manifestation consacrée aux problèmes, difficultés et perspectives des mécanismes nationaux de prévention des pays africains de langue française (voir chap. III.A.2). À cette occasion, le Sous-Comité a fourni un appui conceptuel et pratique aux États parties de la région concernant l’application efficace des dispositions du Protocole facultatif relatives aux mécanismes nationaux de prévention. Cette manifestation a aussi été pour le Sous‑Comité l’occasion d’établir des partenariats avec l’OIF et un certain nombre d’États parties de la région de l’Afrique, conformément à l’esprit de coopération voulu par le Protocole facultatif.

Le Sous-Comité a établi et entretenu des contacts directs avec les mécanismes nationaux de prévention, comme le prévoit le paragraphe b) ii) de l’article 11 du Protocole facultatif. À sa vingt-troisième session, il a tenu pour la première fois deux vidéoconférences par Skype, l’une avec le mécanisme national de prévention de la Bulgarie, l’autre avec celui de Chypre, à laquelle ont participé des représentants de la Mission permanente et du Ministère des affaires étrangères de Chypre. L’équipe régionale a en outre rencontré le mécanisme national de prévention de la Norvège. Conformément à sa pratique habituelle, le Sous-Comité a fait part de son analyse et de ses commentaires aux mécanismes nationaux de prévention au sujet de leurs rapports annuels. À cet égard, il note avec satisfaction qu’en 2014, 20 mécanismes nationaux de prévention lui ont fait parvenir leur rapport annuel; ces rapports ont été publiés sur son site Web.

Le Sous-Comité et ses membres ont continué de recevoir des invitations à participer à de nombreuses réunions organisées aux niveaux national, régional et international concernant la désignation, la mise en place et le développement des mécanismes nationaux de prévention ou, plus généralement, le Protocole facultatif. Des informations concernant ces manifestations ont été publiées sur le site Web du Sous-Comité.

Le Sous-Comité exprime sa gratitude aux organisateurs de ces réunions et de toutes les autres manifestations auxquelles il a été invité. Il regrette que la participation de ses membres qu’il ne peut financer lui‑même puisqu’il ne dispose de moyens propres, reste subordonnée à l’appui financier fourni par des tiers.

F.Fonds spécial établi conformément aux dispositions de l’article 26du Protocole facultatif

Le Fonds spécial établi en application du paragraphe 1 de l’article 26 du Protocole facultatif a pour objet d’aider à financer la mise en œuvre des recommandations formulées par le Sous-Comité, à l’issue de ses visites dans les États parties, ainsi que les programmes didactiques des mécanismes nationaux de prévention. Le Sous-Comité souhaite exprimer sa gratitude aux donateurs pour leur générosité. Il constate cependant que de nouvelles contributions devront être versées d’urgence pour soutenir et renforcer le Fonds spécial et son action.

Le Sous-Comité est convaincu que l’actuelle gestion du Fonds spécial, qui repose sur la collaboration, reflète les aspirations des auteurs du Protocole facultatif. En particulier, il estime que l’orientation ciblée et spécifique qu’il peut fournir à chaque pays dans ses recommandations est essentielle pour maximiser la portée préventive des subventions accordées. Il espère que le Fonds continuera de soutenir des projets essentiels pour prévenir efficacement la torture et les mauvais traitements, et engage les États à continuer d’apporter leur appui financier au Fonds. Il est convaincu que l’action et la visibilité du Fonds seraient renforcées si son administration était repensée et si un conseil d’administration indépendant était créé pour en superviser le fonctionnement. Entre-temps, le Sous‑Comité est disposé à contribuer, par une collaboration utile et adaptée aux besoins, au bon fonctionnement du Fonds.

III.Collaboration avec d’autres organes dans le domainede la prévention de la torture

A.Coopération internationale

1.Coopération avec d’autres organismes des Nations Unies

Le Président du Sous-Comité a présenté le septième rapport annuel du Sous‑Comité (CAT/C/52/2) au Comité contre la torture réuni en séance plénière le 9 mai 2014. Le Sous‑Comité et le Comité contre la torture se sont également réunis à Genève en novembre 2014 pour débattre d’une série de questions de fond et de procédure d’intérêt commun.

En application de la résolution 68/156 de l’Assemblée générale, en collaboration avec le Président du Comité contre la torture et le Rapporteur spécial sur la torture, et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui ont chacun présenté leur rapport, le Président du Sous-Comité a présenté le septième rapport annuel du Sous-Comité à l’Assemblée générale à sa soixante-neuvième session, le 21 octobre 2014.

Comme les années précédentes, le Sous-Comité a participé activement à la réunion annuelle des Présidents des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le Président du Sous-Comité a été élu Président de la vingt-sixième réunion, qui s’est tenue du 23 au 27 juin 2014. Au cours de l’année, le Sous-Comité a aussi adopté une déclaration sur le renforcement des organes conventionnels (disponible sur le site Web du Sous‑Comité) et examiné la mise en œuvre de la résolution 68/268 de l’Assemblée générale. Il continue de veiller à ce que ses activités soient conformes aux Principes directeurs relatifs à l’indépendance et à l’impartialité des membres des organes créés en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme. Il a aussi participé à de nombreuses autres activités du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH).

Le Sous-Comité a signé, avec le Rapporteur spécial sur la question de la torture, le Comité contre la torture et le Conseil d’administration du Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture, une déclaration qui a été publiée dans le cadre de la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture (26 juin 2014). Au cours de sa vingt-quatrième session, il a également rencontré le Rapporteur spécial et les membres du Comité contre la torture en séance publique. Il convient de noter que le Sous‑Comité envoie désormais systématiquement au Comité contre la torture ses recommandations concernant les États parties au Protocole facultatif dont les rapports doivent être examinés par le Comité à sa session suivante.

Le 4 avril 2014, le Sous-Comité a participé à une séance plénière du Comité des droits des personnes handicapées afin d’évoquer son expérience concernant la collaboration avec les mécanismes nationaux de prévention et d’examiner d’éventuels domaines de coopération. Le Sous-Comité a aussi échangé des renseignements d’intérêt commun avec le Groupe de travail sur la détention arbitraire lors de la consultation qui a eu lieu du 1er au 3 septembre 2014.

Le Sous-Comité a poursuivi sa coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (notamment par une réunion dans le cadre de sa vingt‑troisième session), l’Organisation mondiale de la Santé et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (un membre du Sous-Comité a participé à la troisième réunion du Groupe d’experts intergouvernemental à composition non limitée sur l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus qui s’est tenue à Vienne en mars 2014).

2.Coopération avec d’autres organisations internationales

Le Sous-Comité note avec satisfaction que sa coopération avec l’OIF a abouti à une réunion de haut niveau OIF-HCDH‑Sous‑Comité sur les défis et perspectives des mécanismes nationaux de prévention dans les États africains de langue française, qui s’est tenue les 23 et 24 juin 2014 au siège de l’OIF à Paris. La réunion visait à aider les États parties d’Afrique francophone à s’acquitter des obligations qui leur incombent au titre du Protocole facultatif, notamment la désignation et la mise en place des mécanismes nationaux de prévention, et à fournir des conseils et une assistance aux mécanismes nationaux de prévention en place. Plus de 60 personnes − membres de l’OIF, du HCDH, du Sous-Comité, de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, et du Comité africain pour la prévention de la torture, parlementaires et représentants des États parties, des mécanismes nationaux de prévention et de la société civile − ont participé à cette réunion, qui a permis de mieux cerner les résultats obtenus par les mécanismes nationaux de prévention des États africains de langue française et les difficultés auxquelles ceux-ci se heurtent. Par l’intermédiaire de son équipe régionale pour l’Afrique, le Sous‑Comité s’est engagé à collaborer étroitement avec les États parties et leurs mécanismes nationaux de prévention, notamment dans le cadre de consultations pendant les sessions, de missions de conseil organisées conjointement avec, par exemple, l’OIF, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et les organisations non gouvernementales (ONG), ou encore par le biais d’autres contacts permanents avec les rapporteurs de pays du Sous-Comité. Tous les acteurs de la lutte contre la torture devront s’engager activement à l’occasion du sommet de l’OIF qui se tiendra à Dakar en novembre 2014 et tout au long de 2016, année africaine des droits de l’homme, dans le contexte des sessions de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Le Sous-Comité souhaite remercier tout spécialement l’OIF pour sa participation active à ces initiatives en faveur de la prévention de la torture.

Le Sous-Comité a poursuivi sa coopération avec le Comité international de la Croix‑Rouge, notamment dans le cadre de ses visites sur le terrain et à sa vingt‑deuxième session.

B.Coopération régionale

Par l’intermédiaire des chefs d’équipe régionale, le Sous-Comité a poursuivi sa coopération avec d’autres partenaires dans le domaine de la prévention de la torture, notamment la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, la Commission interaméricaine des droits de l’homme, le Conseil de l’Europe, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et la Commission européenne.

C.Société civile

Le Sous-Comité a continué de bénéficier du soutien des acteurs de la société civile, en particulier l’Association pour la prévention de la torture et le Groupe de contact du Protocole facultatif, ainsi que d’institutions universitaires dont le Human Rights Implementation Centre de l’Université de Bristol. Ses relations avec la société civile ont également été un atout majeur dans le cadre de son programme de visites. Le Sous‑Comité souhaite remercier tous ses partenaires pour leur contribution à la promotion du Protocole facultatif et le soutien qu’ils lui apportent dans ses activités. Il souhaite en particulier remercier l’Open Society Foundation et le Human Rights Implementation Centre de l’Université de Bristol pour leur contribution à la rédaction d’un document sur la détention avant jugement et la prévention de la torture et autres formes de mauvais traitements. Il adresse également des remerciements particuliers à l’Association pour la prévention de la torture pour le soutien précieux qu’elle lui apporte et pour son action en faveur de la mise en œuvre du Protocole facultatif.

IV.Questions notables découlant de l’action menée par le Sous‑Comité pendant la période considérée

A.Nouveaux membres

À la cinquième réunion des États parties au Protocole facultatif tenue à Genève le 23 octobre 2014, 13 membres ont été élus pour la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2018. Le Sous‑Comité souhaite manifester sa profonde gratitude aux six membres qui terminent leur mandat, pour le travail qu’ils ont accompli. Le Protocole facultatif ne permettant que deux mandats consécutifs, les trois derniers membres fondateurs du Sous‑Comité font partie des six membres sortants. Cette étape marque la fin du premier cycle complet de participation au Sous-Comité; celui-ci souhaite donc remercier ses membres fondateurs pour leur contribution unique à la mise en place du Sous‑Comité en tant qu’organe conventionnel.

Le Sous-Comité estime cependant que les élections sont l’occasion de rajeunir l’équipe, de brasser de nouvelles idées et de dégager de nouvelles perspectives pour développer son mandat, dont le fondement consiste à établir un dialogue constructif sur les changements à apporter pour mieux prévenir la torture et autres formes de mauvais traitements. Le changement et le renouvellement sont donc au cœur de l’action du Sous‑Comité. C’est dans cet esprit que celui-ci accueille chaleureusement ses nouveaux membres et félicite ceux qui ont été réélus pour un nouveau mandat.

Le Sous-Comité a beaucoup à faire et il est convaincu que l’engagement et l’indépendance de ses membres sont autant d’atouts inestimables qui lui permettront de progresser vers ses objectifs.

B.Suspension de la visite en Azerbaïdjan

Le Sous-Comité a suspendu sa visite en Azerbaïdjan en raison des difficultés qu’il a rencontrées dans l’exécution de son mandat: en effet, l’accès à plusieurs lieux de détention lui a été refusé et il n’a pas pu effectuer son travail dans les lieux où il a pu se rendre, malgré ses multiples tentatives et l’accès sans restriction que lui avaient promis les autorités azerbaïdjanaises. Face à ces violations graves du Protocole facultatif, la délégation a conclu que sa mission, prévue du 8 au 17 septembre, était compromise dans une mesure telle qu’elle devait être suspendue.

C.Perfectionnement des méthodes de travail

1.Visites de conseil sur le Protocole facultatif

Depuis plusieurs années, le Sous-Comité effectue des visites de conseil aux mécanismes nationaux de prévention; lorsque de tels mécanismes n’existent pas ou qu’aucune coopération efficace n’est établie avec une entité désignée, ces visites doivent être repensées pour avoir une quelconque utilité. C’est à cette fin qu’en 2014, le Sous‑Comité a décidé d’entreprendre sa première visite de conseil sur le Protocole facultatif au Nigéria. Cette visite visait à combler l’absence de mise en œuvre du Protocole facultatif, en appliquant, dans le contexte d’une visite de prévention, l’article 11 b) i) du Protocole, qui prévoit que le Sous‑Comité offre des avis et une assistance aux États parties, le cas échéant, aux fins de la mise en place de mécanismes nationaux de prévention efficaces et conformes au Protocole facultatif. Les visites de conseil sur le Protocole facultatif visent à permettre au Sous‑Comité de cerner la situation exacte du pays visité et de s’acquitter pleinement des mandats que lui confèrent les dispositions de l’article 11 b) i) et iv) du Protocole facultatif. Les visites de ce type, qui doivent être brèves, sont particulièrement utiles à cette fin.

2.Groupes de travail

Le Groupe de travail sur les représailles a élaboré une stratégie sur les représailles qui est utilisée par le Sous-Comité comme outil de travail provisoire; ayant achevé ses travaux, il a cessé ses activités. Il en va de même pour le Groupe de travail sur l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, qui a établi une note concernant la position du Sous-Comité sur cette question.

En concertation avec les organes et experts concernés, le Groupe de travail sur les questions médicales poursuit l’élaboration d’un document exposant la position du Sous‑Comité sur la protection des droits des personnes placées en institution et faisant l’objet d’un traitement médical sans avoir donné leur consentement éclairé. Il élabore aussi une approche stratégique visant à ce que le Sous-Comité puisse avoir l’accès aux informations médicales pertinentes pendant ses visites. En outre, il envisage de créer un groupe de conseil médical qui assisterait les mécanismes nationaux de prévention, et étudie la possibilité d’organiser un atelier sur les techniques d’entretien.

Le Groupe de travail sur les questions de procédure a revu les directives sur les visites du Sous-Comité, lequel, à sa vingt‑quatrième session, a adopté le document intitulé «Directives du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants concernant les visites menées dans les États parties au titre de l’article 11 a) du Protocole facultatif» (CAT/OP/5), qui intègre les différents types de visites menées actuellement, ainsi que d’autres nouveaux aspects des méthodes de travail. Le Groupe de travail souhaite élaborer un manuel de procédures qui décrira les fonctions et les responsabilités des membres du Sous-Comité, compte tenu des Principes directeurs relatifs à l’indépendance et à l’impartialité des membres des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Le Sous‑Comité a créé un Groupe de travail sur la jurisprudence et les questions thématiques appelé à rédiger une série de documents thématiques sur des questions transversales, en se fondant sur les travaux du Sous-Comité. Ce groupe s’attache actuellement à l’élaboration de notes sur la position du Sous-Comité concernant les liens entre la torture et les transferts et déplacements des détenus, et entre la discrimination et la prévention de la torture, en s’intéressant plus particulièrement aux femmes et aux personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées.

Le Groupe de travail spécial intersessions sur l’outil d’auto‑évaluation pour les mécanismes nationaux de prévention procède actuellement à l’examen de l’outil d’auto‑évaluation et de la matrice relative aux mécanismes nationaux de prévention pour les rendre plus clairs et plus conviviaux, et les adapter à l’approche du Sous-Comité.

3.Équipes régionales

Comme prévu, la formation d’équipes régionales obtenue en fusionnant les points de contact régionaux et les équipes de mécanismes nationaux de prévention s’est avérée positive, le dialogue et la communication avec les mécanismes nationaux de prévention s’étant enrichis. Au cours de l’année, il y a eu un renforcement et une intensification sensibles des échanges, grâce aux contacts établis tant par le Sous-Comité que par divers mécanismes nationaux de prévention, qui ont porté sur un large éventail de questions et ont facilité l’échange d’informations et de conseils. Les équipes régionales contribuent désormais de manière dynamique et distincte à l’objectif général de prévention énoncé dans le Protocole facultatif.

Compte tenu de la charge de travail croissante, le Sous-Comité a alloué du temps de réunion supplémentaire aux équipes régionales afin que les travaux qu’elles effectuent entre les sessions fassent l’objet d’un suivi et que les actions à prévoir puissent être planifiées et approuvées. Les charges de rapporteur de pays dans les équipes régionales ont été redistribuées; ces changements sont indiqués sur la page Web du Sous-Comité.

4.Élaboration de documents directifs et d’observations du Sous‑Comité sur des questions de fond

On trouvera dans les paragraphes ci-après un résumé des travaux menés sur des questions de fond par le Groupe de travail sur la jurisprudence et les questions thématiques. Ces travaux doivent se poursuivre et, comme les années précédentes, le Sous‑Comité accueillera avec satisfaction toute observation et toute contribution à cet égard.

a)Liens entre la torture et les transferts et déplacements de détenus

Le Sous-Comité a constaté que des détenus, aussi bien des prévenus que des condamnés, sont transférés dans des cellules ou des quartiers différents de la même prison, ou sont déplacés dans d’autres établissements, soit en groupe, soit individuellement. Les autorités expliquent que ces mesures répondent à des objectifs divers; elles peuvent être prises notamment à des fins disciplinaires, pour assurer la sécurité du détenu ou le protéger des autres détenus, dans le cadre d’un programme spécialement conçu pour répondre aux besoins d’un détenu, ou pour répartir les détenus en fonction de leurs antécédents judiciaires. Ces mesures peuvent également être nécessaires lorsqu’une prison manque de ressources ou est surpeuplée.

Le transfert ou le déplacement de détenus n’est pas, en soi, répréhensible dès lors que l’administration carcérale en fait un usage éclairé. En revanche, lorsqu’une telle mesure est arbitraire, disproportionnée ou motivée par des considérations politiques, elle peut être considérée comme une forme illicite et extrajudiciaire de châtiment administratif. Qui plus est, de tels transferts ou déplacements peuvent être assimilés à des mauvais traitements ou donner lieu à de tels traitements, et avoir de nombreuses répercussions sur les détenus, leur famille et, parfois, la communauté. Il est donc impératif que la décision de transférer ou de déplacer un détenu soit prise de manière transparente, par une autorité indépendante et compétente ou sous le contrôle des autorités judiciaires, et qu’elle puisse faire l’objet d’un recours.

Le Sous-Comité s’efforce de tirer profit des constatations qu’il a faites dans différents pays pour analyser les pratiques les plus fréquentes en matière de transfert ou de déplacement de détenus, évaluer les limites et les garanties existantes et envisager celles qui devraient être établies pour que la décision de transférer ou de déplacer des détenus soit juste, raisonnable et licite.

b)Rapport entre discrimination et prévention de la torture: femmes et personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées

Au cours de ses visites, le Sous-Comité a été confronté à des situations particulières qui touchent des personnes privées de liberté appartenant à des populations, communautés ou groupes qui sont victimes de discrimination depuis longtemps. Il estime que le principe d’égalité et de non‑discrimination suppose non seulement l’interdiction de tout traitement différencié lorsque celui-ci est arbitraire, pénalise une personne ou un groupe de personnes et limite ou annule leurs droits fondamentaux, mais aussi l’obligation de mettre en place des mesures différenciées raisonnables, nécessaires et proportionnelles, précisément pour garantir le respect des droits de l’homme.

Le Sous-Comité est convaincu que pour renforcer la protection des personnes privées de liberté et assurer le plein respect de leurs droits fondamentaux, il est indispensable de recenser les formes de discrimination qui existent et de définir les mesures législatives, administratives et judiciaires nécessaires pour y mettre un terme.

Le Sous-Comité tiendra compte de cet aspect dans ses activités; cette année, il accordera une attention particulière à la torture et aux mauvais traitements infligés aux femmes et aux personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées.

c)Femmes privées de liberté et prévention de la torture

En huit ans d’activité, le Sous-Comité a accumulé une vaste expérience à travers les visites de lieux de détention qu’il a effectuées dans des États parties des différentes régions du monde. C’est indéniablement un avantage qu’un organe conventionnel puisse recueillir pour les analyser des renseignements de première main sur la situation des personnes privées de liberté par des moyens directs tels que l’observation et des entretiens individuels ou collectifs avec les détenus, les autorités et les ONG, et établir à partir de ces informations des rapports contenant des recommandations concrètes adaptées au contexte visant à prévenir la torture et les mauvais traitements.

Dans le cas des femmes privées de liberté, le Sous-Comité a constaté les situations préoccupantes suivantes: utilisation de la violence sexuelle comme une forme de torture (y compris contre les personnes transgenres); négligence de leur droit à des soins de santé, y compris sexuelle et procréative; situation précaire des femmes enceintes et des enfants vivant avec leur mère détenue; non-respect de la règle de séparation des hommes et des femmes; manque de personnel pénitentiaire féminin; pratique d’examens invasifs, notamment des parties génitales; dénudement en public; discrimination dans l’accès au travail, à l’éducation et aux activités récréatives; limitation des contacts avec les proches, y compris des visites intimes et des contacts avec les enfants, utilisée comme une forme de châtiment; et discrimination à l’égard des lesbiennes, qui se traduit par la criminalisation de leur orientation sexuelle, l’interdiction des contacts physiques avec leur partenaire, le non‑respect du droit aux visites intimes et l’exclusion des activités religieuses et éducatives.

La torture en détention suscite certes de graves préoccupations, mais ses aspects touchant spécifiquement les femmes n’ont pas été suffisamment examinés et les risques particuliers de mauvais traitements et de torture auxquels les détenues sont exposées n’ont reçu qu’une attention limitée.

Dans ce contexte, le Sous-Comité analyse la manière dont il a abordé, lors de ses visites, les risques particuliers de torture et de mauvais traitements auxquels sont exposées les femmes privées de liberté et le moyen d’intégrer une approche différenciée en fonction du sexe aux visites qu’il effectue dans les lieux de détention des États parties, pour améliorer sa capacité de protéger ces femmes contre la torture et les mauvais traitements.

d)Personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuéeset prévention de la torture

Le Rapporteur spécial sur la question de la torture a noté que «les personnes qui appartiennent à des minorités sexuelles sont plus souvent victimes de torture et d’autres formes de sévices, parce qu’elles ne correspondent pas aux schémas sexuels habituels. En fait, la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre contribue souvent à la déshumanisation de la victime, qui précède généralement les actes de torture et les sévices» (A/HRC/22/53, par. 79).

À l’instar du Rapporteur spécial, le Sous-Comité a noté que, dans les lieux de détention, il existe généralement une hiérarchie stricte et que ceux qui se trouvent au bas de cette hiérarchie, comme les personnes gays, lesbiennes, bisexuelles et transgenres, font en général l’objet d’une double ou triple discrimination (A/HRC/19/41, par. 34). D’après les informations que le Sous‑Comité a reçues, ces personnes sont souvent victimes de passages à tabac, de sévices sexuels, de mise à l’isolement et de formes de violence ciblées, comme le viol collectif pour «réformer» les lesbiennes ou encore les coups infligés sur les seins et les pommettes des femmes transgenres dans le but de faire éclater les implants pour que leur contenu toxique se diffuse dans le corps. Les mauvais traitements englobent la discrimination fondée sur les perceptions ou les préjugés, comme dans la pratique qui consiste à soumettre les hommes soupçonnés d’homosexualité à un examen anal non consenti pour «prouver» leur homosexualité. Des examens de ce type, sans aucune utilité médicale, ont été signalés au Sous‑Comité et ont également été condamnés par le Comité contre la torture, le Rapporteur spécial sur la question de la torture et le Groupe de travail sur la détention arbitraire. Ce dernier a indiqué que cette pratique était contraire à l’interdiction de la torture et des mauvais traitements.

Le Sous-Comité relève avec une préoccupation particulière la situation d’abandon total dans laquelle se trouvent les détenus transgenres, hommes ou femmes. Faute de moyens adéquats d’identification et d’enregistrement et de structures de détention appropriées, les femmes transgenres sont parfois placées dans des établissements pour hommes où elles sont exposées à un risque élevé de viol, souvent avec la complicité du personnel pénitentiaire. Lors de ses visites, le Sous-Comité a appris que les détenues transgenres étaient souvent forcées de jouer des parodies de rapports sexuels devant les autres détenus et que ces pratiques étaient souvent encouragées par les gardes qui faisaient payer les spectateurs. Le Sous-Comité a été informé de décès de détenues transgenres, notamment après pénétration anale avec une batte.

Comme l’a indiqué le Rapporteur spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mental possible, les sanctions imposées par les États renforcent les préjugés et légitiment les violences communautaires ainsi que les brutalités policières (A/HRC/14/20, par. 20). Les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales ont mis en évidence les liens qui existent entre incrimination et crimes homophobes, violences policières, actes de torture et violence intrafamiliale ou communautaire, et ont appelé l’attention sur les difficultés qu’entraîne l’incrimination pour les défenseurs des droits de l’homme qui s’emploient à protéger les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées.

Le Sous-Comité estime que l’abrogation des lois incriminant les relations sexuelles entre adultes consentants de même sexe et les autres lois qui pénalisent les individus au motif de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre constitue une condition impérative de la prévention de la torture contre les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées.

Des mauvais traitements peuvent aussi être infligés par des professionnels de la santé, notamment dans les établissements médicaux. Ils peuvent prendre diverses formes: refus de traitement médical adapté au sexe, insultes et humiliation publique, évaluations psychiatriques, stérilisation, thérapie hormonale et interventions chirurgicales de normalisation génitale dites «thérapies de réparation». Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et le Rapporteur spécial sur la question de la torture ont noté avec préoccupation que des femmes homosexuelles, bisexuelles, transgenres et intersexuées étaient «victimes de sévices et de maltraitance de la part des prestataires de services de santé» (A/HRC/19/41, par. 56). Le Rapporteur spécial sur la question de la torture a exprimé des préoccupations analogues.

Le Sous-Comité encourage les États parties à mettre au point et à appliquer des politiques de santé publique destinées à assurer des soins appropriés tenant compte du genre, obligation qui comprend en particulier la prise en charge des besoins très spécifiques des femmes et des hommes transgenres et des personnes intersexuées.

V.Questions thématiques: détention avant jugementetprévention dela torture et autres mauvais traitements

A.Définitions

Le Sous-Comité note que la catégorisation et la définition de la «détention avant jugement» qui figurent dans les dispositions constitutionnelles et législatives des États parties varient d’un État à l’autre. Cette pluralité des définitions reflète les différences qui existent entre les étapes de la privation de liberté selon le système pénal considéré. Le Sous-Comité note également que, dans certains cas, les autorités compétentes n’ont en réalité aucune intention de juger les personnes privées de liberté dans le cadre du système pénal. Il arrive que les autorités exploitent les ambiguïtés du droit national ou donnent une interprétation délibérément erronée de certains termes pour imposer la détention avant jugement et la prolonger, exposant ainsi les détenus à un risque de torture ou autres mauvais traitements. Le Sous-Comité considère par conséquent qu’il n’est ni nécessaire ni utile de mettre au point ou d’appliquer sa propre définition; se fondant sur les principes directeurs relatifs à la notion de prévention de la torture et autres mauvais traitements (voir CAT/OP/12/6), il adopte au contraire une approche adaptée au pays visité et examine le cadre juridique national et la manière dont il est appliqué dans chaque pays. Aux fins de l’examen de cette question, le Sous-Comité utilisera les expressions génériques «détention avant jugement» et «détenu en attente de jugement» pour couvrir les diverses catégorisations juridiques des détenus en attente de jugement qui existent dans les systèmes de justice pénale des États parties.

Le Sous-Comité ne souhaite pas fixer de normes sur la détention avant jugement, mais plutôt expliquer l’approche préventive qu’il a adoptée pour renforcer l’objectif général visé par les normes existantes de manière à les rendre plus facilement applicables par les États parties.

B.Corrélation entre le recours excessif et abusif à la détention avant jugement et la prévention de la torture et autres mauvais traitements

Le Sous-Comité a observé qu’aux différentes étapes de la privation de liberté dans le contexte de la justice pénale, le risque de torture et autres mauvais traitements peut être lié à toute une série de facteurs et de conditions locales. Au cours des premières étapes d’une enquête pénale, la volonté d’obtenir des «aveux» et des renseignements peut exposer les personnes interrogées à un risque particulier de torture. Après l’enquête, les détenus en attente de jugement sont parfois soumis à des conditions de détention assimilables à une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant; ils peuvent aussi être détenus au secret, ou victimes de sévices physiques ou psychologiques de la part du personnel, de violences entre détenus et d’autres violations des droits de l’homme. Le Sous‑Comité est préoccupé par le fait que, dans certains cas, ces détenus sont gardés dans des lieux de détention non officiels ou secrets, où ils sont particulièrement exposés au risque d’être torturés ou soumis à des mauvais traitements. Le Sous‑Comité rappelle que toute personne privée de liberté doit être gardée dans des lieux officiels de détention et que la détention non officielle ou secrète constitue une violation du droit international des droits de l’homme.

Le principe selon lequel la détention avant jugement ne doit être utilisée qu’en dernier recours, pendant la période la plus brève possible et seulement pour les infractions les plus graves est une norme reconnue du droit international. Elle doit être appliquée dans le respect de l’intégrité physique et mentale de l’individu et conformément aux autres normes internationales relatives aux droits de l’homme. Cependant, certains États continuent d’agir au mépris de ces normes, et les détenus en attente de jugement sont souvent nombreux, voire majoritaires, parmi les personnes privées de liberté dans le contexte de la justice pénale de ces États. Le Sous-Comité a constaté que les conditions sont souvent pires dans les lieux de détention avant jugement que dans les autres lieux de détention et que les détenus en attente de jugement se voient souvent refuser certains droits et garanties qui devraient leur être accordés en vertu du principe juridique de la présomption d’innocence, qui tient compte de leur «statut spécial» de prévenu. De plus, certains États appliquent le concept de «traitement progressif» et refusent à des détenus le plein accès aux services fournis par l’institution, en violation du droit international, qui prévoit que toute personne privée de liberté doit pouvoir jouir sans restriction ni discrimination de la totalité des droits et des chances que lui reconnaît le droit international relatif aux droits de l’homme.

En particulier, il est un fait que le recours excessif à la détention avant jugement et la prolongation indue de celle-ci sont dans une large mesure responsables de la surpopulation carcérale constatée dans de nombreux États parties. Cette surpopulation pèse lourdement sur le fonctionnement et la gestion des lieux de détention et constitue l’une des principales causes des mauvaises conditions de détention. Elle a aussi un effet non négligeable sur les conditions de travail du personnel des lieux de détention, et contribue notablement au non‑respect des droits à la santé et à la propagation des maladies contagieuses dans la population carcérale, laquelle constitue une menace non seulement pour la santé des détenus, mais aussi pour la santé publique, les détenus pouvant contaminer des tiers au moment des visites ou après leur libération.

L’existence d’un lien entre pauvreté, discrimination et détention avant jugement est également reconnue. Les personnes ou les groupes les plus pauvres et les plus marginalisés de la société risquent davantage d’avoir maille à partir avec le système pénal et, donc, de se retrouver en détention avant jugement. Ces personnes ou groupes peuvent être désavantagés ou victimes de discrimination dans le système de justice pénale de différentes façons, par exemple s’ils n’ont pas les moyens de s’assurer les services d’un avocat ou de payer pour être libérés sous caution ou bénéficier d’autres mesures de substitution à la détention, ou s’ils n’ont pas de quoi payer la nourriture, les vêtements, le couchage ou encore les médicaments pendant leur détention. Lesattitudes discriminatoires peuvent aussi les exposer à des conditions de détention plus strictes que celles qui sont appliquées aux autresdétenus.

Le Sous-Comité note en outre que la corruption viole les droits de tous ceux qui la subissent et que tous les détenus y sont exposés, mais qu’elle porte surtout préjudice aux individus les plus désavantagés et les plus marginalisés de la société (CAT/C/52/2, par. 80). Ceux‑ci sont plus vulnérables en détention avant jugement, car ils ne sont parfois pas en mesure de payer des pots-de-vin, par exemple pour obtenir l’assistance d’un conseil ou le droit de recevoir la visite de proches, d’être examinés par un médecin ou avoir des contacts avec d’autres personnes, ou pour être libérés ou transférés dans un autre lieu de détention, ou encore pour s’assurer de meilleures conditions de détention ou un meilleur traitement.

Le Sous-Comité rappelle aussi que les obligations en matière de garantie d’une procédure régulière ne sont pas limitées à l’action pénale et au procès. L’État est tenu de veiller à ce que les droits des prévenus et des condamnés soient dûment protégés tout au long de la détention. Il faut donc que tous les détenus puissent, par des procédures efficaces, contester des actes ou omissions du personnel ou des autorités pénitentiaires dont ils estiment qu’ils vont au-delà de ce qui a été sanctionné par le droit, ainsi que leurs conséquences indirectes (ibid., par. 54 et 55).

Le Sous-Comité a aussi constaté dans de nombreux États parties que des personnes étaient gardées en détention avant jugement dans des postes de police ou d’autres lieux qui ne sont pas spécifiquement conçus à cette fin, parfois pendant de longues périodes. Il a exprimé un certain nombre de préoccupations au sujet de cette pratique, car ces lieux ne sont pas dotés des infrastructures, des équipements ni du budget nécessaires pour garder des personnes en détention pendant de longues périodes, et leur personnel n’a pas la formation requise à cette fin. Il peut en résulter pour ces détenus des conditions de détention médiocres ou un risque accru d’être soumis à la torture.

Le recours excessif et abusif à la détention avant jugement ne fait pas qu’exposer les personnes détenues au risque d’être torturées ou de subir des mauvais traitements; il peut aussi s’accompagner de violations d’autres droits, en particulier du droit à un procès équitable.

C.Principes clefs de l’approche préventive du Sous‑Comité en matière de détention avant jugement

Le Sous‑Comité sait que son mandat de prévention ne lui commande pas uniquement de s’occuper des problèmes observés dans des établissements particuliers, mais qu’il doit aussi s’intéresser plus largement au contexte politique, juridique et sociopolitique dans lequel s’inscrivent les actes de torture et autres mauvais traitements constatés dans les États parties. Cela s’applique à tous les aspects de son action, mais la prise en compte des caractéristiques juridiques et systémiques générales est peut‑être encore plus importante dans le contexte de la détention avant jugement. Le recours excessif et abusif à la détention avant jugement est un problème complexe aux causes multiples − cadre juridique, problèmes structurels et manque de ressources du système pénal, corruption, atteintes à l’indépendance du système judiciaire et persistance d’attitudes profondément ancrées non seulement dans le système pénal mais aussi dans la société en général. Par conséquent, le Sous‑Comité et les mécanismes nationaux de prévention doivent considérer le système pénal dans son ensemble, tenir compte des conditions locales qui influent sur son fonctionnement concret et collaborer avec tous les organismes et autres partenaires concernés. Les paragraphes ci‑après définissent certains principes clefs visant à remédier aux difficultés liées à des facteurs précis que le Sous‑Comité a identifiés dans le contexte de la phase précédant le procès.

Les visites dans les lieux de détention permettent en premier lieu à la délégation de déterminer si des individus particuliers doivent ou non être maintenus en détention. Le Sous‑Comité rappelle que la privation de liberté avant jugement ne devrait être utilisée qu’en dernier ressort.

Les visites ne permettent pas seulement de recenser les dysfonctionnements et les problèmes structurels au sein d’établissements particuliers; elles peuvent aussi contribuer à repérer ou confirmer l’existence de problèmes systémiques susceptibles d’accroître le risque de torture et de mauvais traitements. Le Sous‑Comité rappelle que l’objectif de ses rapports et de ses recommandations est de proposer des conseils pratiques sur la manière de réduire ce risque et que ces rapports et ces recommandations sont solidement étayés et fondés sur les faits constatés et les situations rencontrées au cours des visites (CAT/OP/12/6, par. 4). Le Sous-Comité ne prescrit pas de méthode pour mener ces visites et n’en définit pas non plus l’objet principal; il fait au contraire preuve de souplesse, afin de s’adapter à chaque contexte national et de maximiser ainsi le potentiel et les effets préventifs de la visite (ibid., par. 5 e)). Dans le contexte particulier de la détention avant jugement, les visites peuvent contribuer à obtenir des renseignements − et à les vérifier − non seulement sur les conditions de détention et le traitement des détenus en attente de jugement, mais aussi sur les problèmes systémiques de l’ensemble du système pénal, qui ont un impact sur le recours excessif et abusif à la détention avant jugement. Ces problèmes sont notamment le manque de ressources découlant d’une mauvaise gestion, le manque de formation et de ressources des enquêteurs et des équipes médico‑légales de la police, le nombre insuffisant d’avocats, le manque de formation et de ressources au sein de l’appareil judiciaire, l’absence, dans la législation, de dispositions prévoyant des mesures de substitution à la détention avant jugement ou la non‑application de ces mesures, et la corruption. Il est donc crucial que des visites soient effectuées dans les locaux de détention de la police et les lieux de détention avant jugement. Le Sous‑Comité est préoccupé par le fait que certains mécanismes nationaux de prévention et d’autres acteurs nationaux intéressés n’accèdent que difficilement à ces lieux de détention. Les États doivent prendre des mesures pour garantir leur accès aux locaux de détention de la police et aux lieux de détention avant jugement, conformément au Protocole facultatif.

Par ailleurs, si les entretiens avec les détenus en attente de jugement et le personnel qui en a la responsabilité demeurent une source importante d’information, il n’en reste pas moins que la réalisation d’une évaluation approfondie de la pratique de la détention avant jugement dans un État partie nécessite aussi des renseignements qui doivent être recueillis auprès d’autres interlocuteurs tels que les ministères de la justice, de la santé et des finances, les procureurs, les juges, les magistrats, les associations professionnelles, les prestataires d’aide juridictionnelle, les syndicats de la police et les gardiens de prison, les institutions nationales des droits de l’homme, les organisations de la société civile, les organisations religieuses, les médias et, bien sûr, les mécanismes nationaux de prévention.

Il est crucial de préparer minutieusement chaque visite; à cet égard, les renseignements dont le Sous‑Comité a particulièrement besoin en ce qui concerne la détention avant jugement ne concernent pas seulement le cadre législatif et réglementaire de la détention avant jugement et la manière dont il s’applique dans la pratique, mais aussi les dispositions budgétaires relatives au système pénal, les obstacles géographiques ou financiers entravant le fonctionnement du système pénal, l’accès à un avocat ou à des services médicaux, ou toute autre particularité locale ayant une incidence sur la détention avant jugement dans les États parties.

Le Sous‑Comité note que les systèmes de justice pénale ne génèrent pas de revenus et qu’ils sont coûteux. Il est donc conscient des difficultés auxquelles doivent faire face les États parties qui disposent de ressources limitées. Néanmoins, le manque de ressources ne peut servir d’excuse aux États pour ne pas s’acquitter de leur obligation de prévenir la torture et autres mauvais traitements. Certaines solutions aux problèmes liés au recours excessif et abusif à la détention avant jugement peuvent être appliquées d’une manière rationnelle et durable pour un coût minime. De plus, il est admis que cette pratique a des répercussions sociales et économiques considérables sur l’ensemble de la communauté, en ce qu’elle accentue lapauvreté et entraîne un gaspillage des ressources de l’État. Le Sous‑Comité s’emploie à formuler des recommandations concrètes et exécutables afin d’aider les États parties à identifier les mesures les mieux à même de renforcer le cadre de prévention dans leur contexte national. Lorsqu’il élabore ses recommandations, le Sous‑Comité tient donc compte de la situation locale sur les plans notamment du nombre d’avocats disponibles, de la distance entre les tribunaux, les postes de police et les prisons, de l’offre de soins et de services médicaux et la proximité des membres de la famille des détenus.

En ce qui concerne la détention avant jugement, la priorité du Sous‑Comité est la nécessité impérative que les États parties réduisent le nombre des détenus en attente de jugement, respectent la présomption contre cette pratique et appliquent des mesures de substitution à la détention. L’application de ces mesures est un moyen clair de soustraire les personnes concernées à la détention. À cet égard, le Sous‑Comité appelle l’attention des États parties sur les Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo). Lorsque des poursuites pénales sont engagées, différentes mesures peuvent être appliquées en remplacement de la détention avant jugement. Néanmoins, toute mesure de substitution doit être appliquée de manière non discriminatoire et être ouverte à tous. Le Sous‑Comité a exprimé sa préoccupation quant au fait que les mesures de substitution à la détention avant jugement, en particulier la libération sous caution ou les mesures de cautionnement, même si elles sont accordées, sont dans les faits hors de la portée de nombreux détenus, entre autres raisons parce qu’elles sont trop coûteuses pour eux ou qu’ils n’ont pas accès à un avocat qui pourrait présenter une demande en leur nom. Dans le cadre de son mandat, le Sous‑Comité examinera donc les mesures de substitution à la détention avant jugement non privatives de liberté prévues par les lois des États parties, ainsi que la manière dont elles sont appliquées dans la pratique. Le Sous‑Comité est également préoccupé par les cas de «justice populaire» et de représailles contre les juges et autres responsables qui peuvent appliquer des mesures de substitution à la détention avant jugement. Les États parties, les mécanismes nationaux de prévention et les autres acteurs nationaux doivent veiller à ce que nul ne subisse de représailles pour avoir appliqué ou avoir bénéficié de telles mesures. À cette fin, il faudra non seulement mettre en place des dispositifs pour protéger les personnes qui risquent d’être visées, mais aussi mener des activités de sensibilisation d’une portée plus large, pour expliquer en quoi consistent les mesures de substitution à la détention avant jugement.

En outre, dans certains cas, le temps passé en détention avant jugement dépasse la durée de la peine d’emprisonnement la plus lourde prévue pour l’infraction considérée. Les personnes dans cette situation devraient être libérées. Des mécanismes de contrôle et des procédures efficaces de gestion des affaires devraient être mis en place pour prévenir de telles situations. Le Sous‑Comité note aussi que la présence d’infractions obsolètes dans le droit national peut contribuer au fait qu’un nombre excessif de personnes sont placées en détention avant jugement et se révéler discriminatoire, les populations les plus défavorisées et les plus marginalisées étant plus particulièrement visées. L’abrogation d’infractions obsolètes peut donc être un moyen efficace et peu coûteux de limiter la détention avant jugement; le Sous‑Comité collaborera avec les États parties, les mécanismes nationaux de prévention et les autres parties prenantes en vue du réexamen des lois nationales, pour recenser toutes les infractions obsolètes à abroger.

Le droit des détenus d’être assistés d’un avocat dès le début de la détention est essentiel pour prévenir la torture et autres mauvais traitements, et garantir le respect du droit à une procédure régulière. Néanmoins, dans de nombreux États parties, le nombre des avocats en exercice est insuffisant et il peut être difficile, pour les personnes privées de liberté, dans le contexte de la justice pénale, d’avoir accès à l’assistance d’un avocat. Dans son approche préventive de la détention avant jugement, le Sous‑Comité tient compte des Principes et Lignes directrices des Nations Unies sur l’accès à l’assistance juridique dans le système de justice pénale, qui prévoit au paragraphe 9 que les premiers prestataires d’assistance juridique sont les avocats, mais qu’un grand nombre d’autres acteurs peuvent aussi intervenir en tant que prestataires de services d’assistance juridique, comme les organisations non gouvernementales, les organisations locales, les organisations caritatives religieuses et non religieuses, les organismes et associations professionnels et les universités. Élément fondamental de la protection contre la torture et autres mauvais traitements, l’accès à un avocat pendant les périodes de détention avant jugement est important pour préparer le procès et garantir le respect du droit à un procès équitable. Dans certains États, les espaces où les détenus peuvent rencontrer un avocat en toute confidentialité sont rares ou inexistants dans les lieux de détention avant jugement. Le Sous‑Comité et les mécanismes nationaux de prévention ont un rôle important à jouer à cet égard, car ils peuvent vérifier que les mesures et les dispositifs nécessaires existent pour garantir l’accès des détenus en attente de jugement à un avocat.

Les juges, les magistrats, les procureurs et autres acteurs de l’appareil judiciaire ont également un rôle à jouer pour garantir que les personnes privées de liberté ne sont pas soumises à des actes de torture ou autres mauvais traitements. Ils devraient être attentifs au risque de torture et autres mauvais traitements, et faire usage de tout leur pouvoir pour garantir que le droit national et international est respecté àtoutes les étapes de la privation de liberté. Ceux dont le mandat prévoit la réalisation de visites devraient serendre non seulement dans les établissements pour condamnés, mais aussi dans ceux qui accueillent ou peuvent accueillir des détenus en attente de jugement. Les États devraient veiller à ce que les magistrats, les procureurs et les agents des forces de l’ordre soient formés efficacement au droit international des droits de l’homme et, en particulier, à l’application de mesures non privatives de liberté, aux techniques d’interrogatoire respectueusesdes droits de l’homme ainsi qu’à la manière d’enquêter efficacement sur les cas de torture et autres mauvais traitements. Lorsqu’une personne affirme qu’un acte de torture ou d’autres mauvais traitements ont été perpétrés ou qu’il y a des raisons de penser que de tels actes ont été commis, une enquête doit être effectuée conformément aux Principes relatifs aux moyens d’enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pour établir la réalité des faits.

Le droit d’avoir accès à des services médicaux à tout moment pendant la privation de liberté garantit le respect du droit au meilleur état de santé possible et représente une garantie essentielle contre la torture et autres mauvais traitements. Divers facteurs peuvent contribuer à la détérioration de l’état de santé pendant la détention avant jugement. Dans certains États, les lieux de détention avant jugement ne sont pas suffisamment bien équipés pour fournir les services médicaux nécessaires ou sont relativement loin des structures de soins, ce qui en rend l’accès difficile. Compte tenu de la nature présumée temporaire ou brève de la détention avant jugement, certains détenus se voient refuser l’accès à un traitement à long terme ou sont contraints d’interrompre un traitement en cours. Dans certains cas, ils ne peuvent pas participer à des programmes de soins médicaux qui sont exclusivement réservés à la guérison et à la réadaptation des condamnés. Le Sous‑Comité rappelle le principe 24 de l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, selon lequel «toute personne détenue ou emprisonnée se verra offrir un examen médical approprié dans un délai aussi bref que possible après son entrée dans le lieu de détention ou d’emprisonnement; par la suite, elle bénéficiera de soins et traitements médicaux chaque fois que le besoin s’en fera sentir. Ces soins et traitements seront gratuits». Les examens effectués conformément au principe 24 permettent de détecter des problèmes de santé et de recommander un traitement approprié; ils sont aussi l’occasion d’examiner les allégations ou les signes de torture et autres mauvais traitements et d’établir la réalité des faits.

Les États doivent garantir que la prestation de services médicaux dans les lieux de détention, y compris avant jugement, répond aux normes internationales. Un recours moins fréquent à la détention avant jugement peut améliorer considérablement la situation en matière de santé dans les lieux de détention. Les ministères de la santé devraient prendre en charge la prestation des services médicaux dans tous les lieux de détention et collaborer avec les autres ministères pour garantir que l’État s’acquitte de l’obligation qui lui incombe de faire en sorte que les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité et que leurs droits à la santé soient respectés. Cela devrait permettre de garantir l’indépendance des professionnels de la santé à l’égard des agents des forces de l’ordre et peut nécessiter un complément de formation et des ressources supplémentaires pour les professionnels de la santé et les personnes qui s’occupent de personnes privées de liberté. Les professionnels de la santé en particulier ont un rôle essentiel à jouer dans la prévention de la torture et la collecte de preuves concernant des actes de torture et autres mauvais traitements; ils devraient être formés à l’utilisation du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) afin de pouvoir enquêter efficacement sur ce type de cas.

Le Sous‑Comité mesure également l’importance du rôle joué par les mécanismes nationaux de prévention, aux fins de recenser les facteurs systémiques qui contribuent au recours excessif et abusif à la détention avant jugement et d’y remédier. Les mécanismes nationaux de prévention sont donc invités à soumettre des renseignements au Sous‑Comité sur les conditions qui, au niveau local, influent sur l’application de la détention avant jugement dans leur contexte national respectif, et le Sous‑Comité s’engage à collaborer avec eux pour formuler des recommandations adaptées aux problèmes spécifiques de chaque pays.

D.Observations finales

Faire en sorte que la détention avant jugement ne soit plus utilisée de manière excessive et abusive est une priorité pour de nombreux États parties. Néanmoins, le Sous‑Comité se rend compte qu’il est difficile de résoudre les problèmes que pose cette forme de détention du fait qu’ils sont liés à toute une série de facteurs qui influent sur la pratique de l’administration de la justice en général. Remédier aux défaillances systémiques et institutionnelles requiert une approche multidisciplinaire. C’est pourquoi le Sous‑Comité s’emploie à créer des partenariats entre les institutions et les organismes publics, les mécanismes nationaux de prévention, le système judiciaire, les avocats, les organisations professionnelles, les institutions nationales des droits de l’homme, les organisations non gouvernementales et d’autres parties prenantes nationales.

VI.Perspectives

En 2014, le Sous-Comité a continué de modifier et de revoir ses méthodes de travail et ses pratiques, dans le but de mieux s’acquitter de son mandat et d’étendre son action avec efficacité. Les changements effectués sont plutôt prometteurs puisqu’à ce jour, ils ont permis non seulement de renforcer la capacité du Sous-Comité de dialoguer avec les États parties, les mécanismes nationaux de prévention et les autres interlocuteurs, mais aussi d’améliorer sa capacité d’intervention et la vigueur de son action. Le Sous‑Comité sait qu’il doit continuellement adapter ses approches et méthodes de travail afin de s’acquitter efficacement de ses fonctions au titre de l’article 11 du Protocole facultatif, mais il est aussi pleinement conscient du fait qu’il doit utiliser ses compétences et son expérience compte dûment tenu des principes fondamentaux de confidentialité, d’impartialité, de non‑sélectivité, d’universalité et d’objectivité énoncés au paragraphe 3 de l’article 2 du Protocole facultatif.

Le défi permanent des ressources

Le Sous-Comité prend note avec satisfaction des modifications qui ont été apportées à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, pour mieux prendre en compte ses besoins opérationnels particuliers et y répondre. Néanmoins, il souhaite appeler l’attention sur le fait que la résolution ne prévoit pas d’augmentation globale notable des capacités, et se borne à institutionnaliser l’appui ponctuel qui est actuellement financé par des fonds extrabudgétaires grâce à la générosité de certains États parties. Le Sous‑Comité comprend l’importance de l’allocation de ressources supplémentaires dans le budget ordinaire et salue cette initiative. Force est néanmoins de constater que bien qu’il soit l’organe conventionnel qui a accumulé le plus de retard dans l’exécution de son mandat, il n’a pas reçu, dans le cadre du processus de renforcement du système conventionnel, l’appui supplémentaire direct dont il a besoin pour augmenter notablement le nombre de ses visites.

Une grande partie du mandat et de l’action du Sous-Comité est centrée sur les conseils et l’aide aux États parties et aux mécanismes nationaux de prévention, c’est-à-dire au renforcement des capacités nécessaires pour prévenir la torture et les mauvais traitements. Le Sous-Comité est donc fermement convaincu qu’il devrait être en mesure de tirer profit des ressources supplémentaires aux fins du renforcement des capacités que l’Assemblée générale, dans sa résolution 68/268, a demandé au Secrétaire général de fournir via le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme. Le Sous‑Comité attend donc avec intérêt de voir sa capacité opérationnelle notamment accrue, à partir de 2015, de manière à pouvoir entreprendre des activités de renforcement des capacités, conformément au Protocole facultatif et aux dispositions de la résolution 68/268.

Conscient que son action doit s’inscrire dans les limites du budget qui lui est alloué, le Sous‑Comité s’est efforcé d’adapter ses méthodes de travail en conséquence, mais il souhaite toutefoissouligner que, conformément au Protocole facultatif, il est conçu pour fonctionner d’une manière très différente des autres organes conventionnels. Le Sous‑Comité rappelle qu’il a besoin de ressources supplémentaires − humaines et autres − pour s’acquitter dûment de son mandat, et souligne que la création au sein du secrétariat d’un poste d’administrateur supplémentaire grâce à l’appui financier du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que l’accueil d’administrateurs auxiliaires mis à disposition par la Hongrie en 2014 a été essentielle à son action pendant cette période. L’augmentation du nombre d’États parties au Protocole facultatif et de mécanismes nationaux de prévention fonctionnant conformément à ses dispositions est bienvenue mais rend ce besoin de ressources supplémentaires encore plus urgent. Le Sous‑Comité invite les États parties au Protocole facultatif à envisager de lui fournir ces ressources afin qu’il puisse s’acquitter de son mandat plus pleinement et plusefficacement.

Enfin, ayant à ce jour effectué un très grand nombre de visites, le Sous-Comité a clairement besoin de centrer davantage ses efforts sur le renforcement du dialogue postérieur aux visites, pour accélérer la mise en œuvre effective de ses recommandations en matière de prévention. En 2015, il s’attachera à définir une stratégie à cette fin, ce qui aura inévitablement des conséquences sur le plan des ressources, mais qui est essentiel pour l’efficacité de la prévention et l’intégrité du système issu du Protocole facultatif.

Programme de travail pour 2015

Il est regrettable que le Sous-Comité n’ait pas encore pu rattraper le retard accumulé au cours des années précédentes, en raison des facteurs évoqués plus haut. C’est ainsi que la visite de conseil au mécanisme national de prévention des Pays-Bas, programmée initialement en 2014, aura lieu en 2015.

De plus, le Sous-Comité, désireux d’accroître le nombre de ses visites, a décidé à sa vingt-troisième session d’en effectuer huit, à savoir: des visites «complètes» au Guatemala, en Italie et aux Philippines, des visites de conseil aux mécanismes nationaux de prévention des Pays‑Bas (cette visite aurait dû être menée en 2014) et de Turquie, une visite de conseil sur le Protocole facultatif à Nauru et deux visites de suivi au titre du paragraphe 4 de l’article 13 du Protocole facultatif. Le Sous‑Comité se réserve néanmoins la possibilité de modifier son programme si cela s’avère nécessaire pour des raisons opérationnelles ou d’autres raisons urgentes. À sa vingt‑quatrième session, le Sous-Comité a aussi décidé d’inclure dans son programme de travail pour 2015 la reprise de sa visite en Azerbaïdjan, portant ainsi à neuf le nombre total de visites à effectuer.

Lorsqu’il choisit les pays en vue d’y effectuer une visite, le Sous‑Comité procède toujours à une analyse approfondie en tenant compte de divers facteurs tels que l’utilisation optimale des renseignements reçus des équipes régionales, et en veillant à utiliser le plus efficacement possible les ressources financières et humaines disponibles et à faire en sorte d’établir une collaboration efficace et durable avec tous les États parties. Il est également attentif à la date de ratification, à la mise en place des mécanismes nationaux de prévention, à la répartition géographique, à la taille et à la complexité de l’État, à l’existence d’une action préventive au niveau régional et à toute autre question particulière ou urgente susceptible d’être prise en considération aux fins de sa décision.