Nations Unies

CCPR/C/CZE/CO/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

6 décembre 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de la Tchéquie *

1.Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de la Tchéquie (CCPR/C/CZE/4) à ses 3655e et 3656e séances (voir CCPR/C/SR.3655 et 3656), les 17 et 18 octobre 2019. À sa 3676e séance, le 1er novembre 2019, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée de présentation des rapports et d’avoir soumis son quatrième rapport périodique en s’appuyant sur la liste de points établie au préalable dans le cadre de cette procédure (CCPR/C/CZE/QPR/4). Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses apportées oralement par sa délégation et des renseignements complémentaires communiqués par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue l’adoption par l’État partie des mesures ci‑après :

a)Le démantèlement de la porcherie située sur le site du camp de concentration pour Roms de la Seconde Guerre mondiale à Lety, et les projets de construction d’un mémorial de l’Holocauste des Roms dans cette ville ;

b)L’adoption, en 2016, du Document de réflexion pour le système pénitentiaire jusqu’en 2025 ;

c)L’adoption, en octobre 2016, de la stratégie de prévention de la criminalité pour la période 2016‑2020.

4.Le Comité note également avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après :

a)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 8 février 2017 ;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, le 26 août 2013 et le 2 décembre 2015, respectivement.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Constatations adoptées au titre du Protocole facultatif

5.Le Comité constate toujours avec préoccupation (voir CCPR/C/CZE/CO/3, par. 6, et CCPR/C/CZE/CO/2, par. 7) que l’État partie continue de ne pas donner suite à ses constatations au titre du Protocole facultatif, dont la plupart concernent la question de la discrimination fondée sur la nationalité pour ce qui est de la restitution des biens. Le Comité rappelle la position qu’il défend de longue date, et qui est énoncée dans son observation générale no 33 (2008) sur les obligations des États parties en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à savoir que ses constatations présentent certaines caractéristiques principales d’une décision judiciaire et constituent une décision qui fait autorité, rendue par l’organe institué en vertu du Pacte et auquel tous les États parties ont confié la tâche d’interpréter cet instrument. Il considère donc que la mise en œuvre des mesures de réparation indiquées dans ses constatations est un aspect important des obligations qui incombent aux États parties au regard du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte et de l’article 2 du Protocole facultatif.

6. L’État partie devrait revoir sa position en vue de s’acquitter de bonne foi des obligations qui lui incombent au regard du Protocole facultatif et de donner pleinement suite, dans les meilleurs délais, à toutes les constatations adoptées à ce jour par le Comité de façon à garantir le droit des victimes à un recours utile en cas de violation du Pacte, en application du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte. À cet égard, l’État partie devrait dûment envisager la possibilité d’accorder une indemnisation à titre gracieux aux personnes pour lesquelles le Comité a conclu à une violation du Pacte. En outre, le Comité engage l’État partie à poursuivre ses efforts pour mettre en place un mécanisme approprié pour l’octroi d’indemnités aux victimes dans les cas où un organe conventionnel de l’ONU constate une violation et recommande d’accorder une satisfaction équitable ainsi que des frais et dépens.

Institution nationale des droits de l’homme

7.Le Comité demeure préoccupé par la lenteur des progrès que l’État partie a réalisés en vue de mener à bonne fin le processus de renforcement des pouvoirs du Bureau du Défenseur public des droits (Médiateur), de faire de celui-ci une institution nationale des droits de l’homme à part entière et pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) et d’obtenir son accréditation auprès de l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme (art. 2) ; en outre, il note une nouvelle fois avec inquiétude qu’aucun calendrier précis n’a été défini dans le cadre de cette démarche.

8. L’État partie devrait achever dès que possible le renforcement du mandat du Bureau du Défenseur public des droits pour lui permettre d’agir en tant qu’institution nationale des droits de l’homme chargée de protéger l’ensemble des droits de l’homme et pleinement conforme aux Principes de Paris. Il devrait également prendre toutes les mesures nécessaires pour obtenir l’accréditation de cet organisme auprès de l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme.

Cadre juridique de la lutte contre la discrimination

9.Le Comité relève que la discrimination est interdite par de nombreuses dispositions législatives différentes qui contiennent chacune leur propre liste de motifs de discrimination interdits. Il constate avec préoccupation que la loi contre la discrimination n’offre pas de protection contre la discrimination fondée sur tous les motifs visés par le Pacte, notamment la couleur, la langue, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation, et qu’il n’est pas prévu d’étendre les motifs, limités, visés par cette loi. Le Comité prend note de la position de l’État partie qui estime que la discrimination fondée sur les motifs susmentionnés est directement interdite par la Charte des droits et libertés fondamentaux et que certains de ces motifs figurent également dans d’autres lois, mais il n’a pas reçu d’informations permettant d’établir que, dans la pratique, une protection complète et efficace est garantie contre la discrimination fondée sur ces motifs. Le Comité s’inquiète également de la complexité et de l’incohérence des dispositions de la loi contre la discrimination concernant le renversement de la charge de la preuve et relève que cette question sera traitée dans le cadre de la recodification en cours des règles de procédure civile (art. 2 et 26).

10. L’État partie devrait modifier la loi contre la discrimination en vue d’introduire des garanties complètes et efficaces, de fond et de procédure, contre la discrimination fondée sur tous les motifs visés par le Pacte, notamment la couleur, la langue, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation, dans tous les domaines et secteurs, y compris les formes de discrimination multiple, et d’assurer l’accès à des voies de recours utiles et appropriées pour toutes les formes de discrimination. Il devrait également veiller à ce que le partage de la charge de la preuve s’applique dans tous les cas et pour tous les motifs de discrimination.

Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre

11.Le Comité constate que les personnes de même sexe ayant contracté une union civile font aujourd’hui encore l’objet d’une différence de traitement marquée et s’inquiète de ce que la loi ne reconnaît toujours pas leur droit à l’adoption conjointe d’un enfant, bien que la Cour constitutionnelle ait déclaré inconstitutionnel le paragraphe 2 de l’article 13 de la loi sur l’union civile, qui interdit aux personnes de même sexe ayant contracté une union civile d’adopter un enfant. Le Comité observe qu’un projet de loi sur le mariage entre personnes de même sexe est à l’examen (art. 2, 23, 24 et 26).

12.Le Comité s’inquiète de ce que la loi exige que les personnes transgenres se fassent stériliser pour pouvoir faire reconnaître légalement leur changement de sexe. Il regrette que cette question ne soit toujours pas réglée, et ce, malgré la décision adoptée par le Comité européen des droits sociaux en 2018 en l’affaire Transgender Europe et ILGA-Europe c. République tchèque, et note que la Cour constitutionnelle en est actuellement saisie. Il constate en outre avec préoccupation que les intéressés doivent également se soumettre à un examen psychiatrique, condition préalable à la reconnaissance juridique de leur genre (art. 7, 16, 17 et 26).

13. L’État partie devrait : a) revoir la législation applicable pour garantir pleinement l’égalité de traitement des couples de même sexe, notamment en envisageant de reconnaître leur droit à l’adoption conjointe d’un enfant ; b) éliminer les exigences abusives en matière de reconnaissance juridique du genre, y compris la stérilisation obligatoire et l’examen psychiatrique, et prévoir et mettre effectivement en œuvre une procédure rapide, transparente et accessible de reconnaissance du genre sur la base de l’auto-identification par le demandeur.

Discrimination à l’égard des Roms

14.Le Comité salue les mesures prises pour améliorer la situation des Roms, notamment celles mises en œuvre dans le cadre de la stratégie d’intégration des Roms pour 2015‑2020, et les progrès obtenus dans la lutte contre la ségrégation des enfants roms à l’école, mais il constate toujours avec préoccupation que les membres de la communauté rom continuent de souffrir de marginalisation et de discrimination, notamment dans les domaines du logement et de l’éducation. Le Comité s’inquiète de ce que de plus en plus de municipalités déclarent ou prévoient de déclarer des zones sans allocations de logement, dans le but de faire pression sur les Roms pour qu’ils s’installent ou restent dans des zones isolées, et relève qu’une action en justice contre ces zones est en instance devant la Cour constitutionnelle. Le Comité est également préoccupé par la sous-représentation des Roms dans la vie politique et constate qu’il n’y a aucun membre de la communauté rom au Parlement et que les Roms sont très peu nombreux dans les organes de l’État aux plans régional et communal (art. 2, 24, 25, 26 et 27).

15. L’État partie devrait redoubler d’efforts pour instaurer l’égalité d’accès des membres de la communauté rom aux possibilités et services dans tous les domaines. Il devrait notamment :

a) Assurer la mise en œuvre effective de la stratégie d’intégration des Roms pour 2015 ‑2020, notamment en allouant des fonds suffisants à cet effet ;

b) Redoubler d’efforts pour intégrer les enfants roms dans l’enseignement ordinaire, accroître les taux de persévérance et d’achèvement scolaires et faciliter l’accès des élèves roms à l’enseignement secondaire et supérieur ;

c) Prendre les mesures voulues pour garantir, dans la pratique, l’accès des Roms à un logement convenable ;

d) Collaborer de manière active et préventive avec les autorités régionales et municipales en vue de sensibiliser l’opinion aux effets négatifs des zones sans allocations de logement sur l’insertion sociale et l’inclusion des Roms et sur l’égalité d’accès des Roms aux possibilités et aux services, y compris à l’éducation, et examiner les solutions juridiques qui permettraient d’interdire ce type de mesures ;

e) Prendre des mesures efficaces, si nécessaire des mesures temporaires spéciales, pour accroître la représentation de la communauté rom dans les organes de l’État aux plans tant national que local, y compris au Parlement.

Discrimination raciale, discours et crimes de haine

16.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises pour lutter contre le racisme, les discours de haine et d’autres formes d’intolérance, notamment la stratégie annuelle de lutte contre l’extrémisme et la haine fondée sur les préjugés et le projet de campagne contre le racisme, auquel se rattache la campagne pour des médias sans haine. Il est toutefois préoccupé d’apprendre que les Roms, les demandeurs d’asile, les réfugiés et les migrants, les musulmans, les juifs et les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes seraient souvent visés par des discours de haine prononcés notamment par des responsables politiques et de hauts fonctionnaires, dans les médias et sur Internet, et prend note avec inquiétude des informations concernant les agressions motivées par la haine. Il s’inquiète en particulier des informations selon lesquelles des dirigeants de l’État partie encouragent la population à croire que la migration représente une menace pour la sécurité nationale, et de ce que les médias sont utilisés pour répandre la peur des migrants et des demandeurs d’asile et pour renforcer les préjugés stéréotypés fondés sur l’origine ethnique ou la religion (art. 2, 7, 18, 20 et 26).

17. L’État partie devrait redoubler d’efforts, en faisant respecter la loi et en menant des activités de sensibilisation, pour lutter contre la discrimination raciale, les discours de haine et l’incitation à la discrimination ou à la violence fondées sur la race, l’origine ethnique ou la religion, compte tenu des articles 19 et 20 du Pacte et de l’observation générale n o  34 (2011) du Comité sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression. Il devrait notamment :

a) Prendre des mesures efficaces pour prévenir les discours de haine, en particulier de la part de responsables politiques et de fonctionnaires de haut rang, condamner fermement et publiquement de tels discours, et lutter plus énergiquement contre les discours de haine en ligne ;

b) Renforcer les activités de sensibilisation et mener des campagnes visant à promouvoir le respect des droits de l’homme et la tolérance pour la diversité, et à remettre en cause et éliminer les préjugés stéréotypés fondés sur l’origine ethnique ou la religion ;

c) Mener des enquêtes approfondies sur les crimes de haine, poursuivre les auteurs présumés s’il y a lieu et, s’ils sont reconnus coupables, les condamner et accorder une réparation appropriée aux victimes ;

d) Veiller à ce que des formations adaptées continuent d’être dispensées aux membres des forces de l’ordre, aux juges et aux procureurs, sur la lutte contre les crimes de haine, et aux professionnels des médias, au sujet de la promotion de la diversité raciale, ethnique et religieuse.

Représentation des femmes dans la vie publique et politique

18.Le Comité prend note des diverses mesures prises par l’État partie pour promouvoir l’égalité femmes-hommes, notamment de la Stratégie pour l’égalité femmes-hommes 2014‑2020 et de l’objectif de 40 % inscrit dans le plan d’action 2016-2018 pour une représentation équilibrée des femmes et des hommes aux postes de décision. Il s’inquiète cependant de ce que la représentation des femmes reste faible au Parlement (environ 20 %), aux postes les plus élevés, notamment ministériels, de la fonction publique et dans les juridictions supérieures comme la Cour suprême et la Cour constitutionnelle. Il constate que l’État partie n’a prévu aucune mesure temporaire spéciale pour inverser la tendance (art. 2, 3, 25 et 26).

19. L’État partie devrait prendre des mesures plus énergiques, sur les plans législatif et stratégique, pour parvenir véritablement, dans un délai précis, à une représentation équitable des femmes dans la vie publique et politique, en particulier aux postes de décision, notamment dans les organes législatifs, exécutifs et judiciaires à tous les niveaux et, au besoin, adopter des mesures temporaires spéciales, afin de donner effet aux dispositions du Pacte.

Violence fondée sur le genre

20.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, notamment contre la violence familiale et sexuelle ; il salue, entre autres, le plan d’action 2015-2018 pour la prévention de la violence familiale et de la violence fondée sur le genre et le nouveau plan d’action approuvé en mai 2019. Il regrette cependant que peu d’informations aient été communiquées concernant l’efficacité de ces mesures dans la pratique. Il s’inquiète également du retard que l’État partie a pris dans la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), signée par l’État partie en 2016 (art. 2, 3, 7 et 26).

21. L’État partie devrait veiller à l’exécution effective du nouveau plan d’action pour la prévention de la violence familiale et de la violence fondée sur le genre et redoubler d’efforts pour combattre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence familiale et sexuelle. Pour ce faire, il devrait notamment :

a) Mener des campagnes sur le caractère inacceptable et les effets néfastes de la violence à l’égard des femmes, et informer systématiquement les femmes de leurs droits et des moyens à leur disposition pour obtenir une protection, une aide et des réparations ;

b) Encourager le signalement des actes de violence à l’égard des femmes ;

c) Faire en sorte que les membres des forces de l’ordre, le personnel judiciaire, les procureurs et autres parties intéressées soient dûment formés à détecter les actes de violence à l’égard des femmes, à traiter ce type d’affaires, à enquêter sur des faits de cette nature et à en poursuivre les auteurs, tout cela en tenant compte des besoins particuliers des femmes ;

d) Veiller à ce que les cas de violence à l’égard des femmes fassent l’objet d’enquêtes approfondies, à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, dûment punis, et à ce que des mesures de réparation suffisantes soient ordonnées en faveur des victimes ;

e) Rendre plus accessibles les services d’aide aux victimes ;

f) Engager un débat public sur l’importance de la Convention d’Istanbul pour la protection des droits des victimes de violence fondée sur le genre et faire le nécessaire pour ratifier cette convention.

Stérilisation non volontaire/forcée

22.Compte tenu de sa recommandation antérieure (CCPR/C/CZE/CO/3, par. 11), le Comité s’inquiète de ce que la position de l’État partie au sujet de l’indemnisation des victimes de stérilisation non volontaire ou forcée, en particulier des femmes roms, n’a globalement pas évolué, de ce qu’aucun mécanisme d’indemnisation extrajudiciaire n’a été créé ou n’est prévu, et de ce que le délai de prescription (trois ans) des plaintes pour stérilisation non volontaire/forcée, auquel s’ajoutent les difficultés que rencontrent les victimes pour étayer leurs allégations, notamment la difficulté d’accès aux dossiers et à l’assistance juridique, limite la perspective qu’ont celles-ci de recevoir une indemnisation (art. 2, 3, 7 et 26).

23. Le Comité reprend à son compte les recommandations du Comité contre la torture (CAT/C/CZE/CO/6, par. 28 et 29) et du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD/C/CZE/CO/12-13, par. 19 et 20) et demande à l’État partie d’envisager de prolonger ou de supprimer le délai de prescription applicable aux stérilisations non volontaires/forcées qui ont été pratiquées. L’État partie devrait également mettre en place un mécanisme extrajudiciaire efficace d’indemnisation des victimes qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas saisir la justice, afin de leur garantir une indemnisation suffisante, notamment du préjudice moral, comme suite aux dommages irréversibles qu’elles ont subi, et veiller à ce que les victimes aient véritablement accès à ce nouveau mécanisme.

Castration chirurgicale des délinquants sexuels

24.Le Comité constate que des garanties procédurales encadrent le recours à la castration chirurgicale comme mesure, parmi d’autres, de traitement des délinquants sexuels, et notamment que cette intervention est uniquement pratiquée à la demande du délinquant concerné. Il considère toutefois que cette pratique, même fondée sur le consentement exprès de l’intéressé, soulève des questions de comptabilité avec le Pacte (art. 7, 10 et 17).

25. L’État partie devrait abolir la pratique de la castration chirurgicale des délinquants sexuels.

Contention dans les établissements psychiatriques

26.Le Comité salue les efforts importants faits par l’État partie afin d’améliorer le système de soins psychiatriques, notamment les directives méthodologiques sur l’utilisation des moyens de contention dans les établissements médicaux, publiées en avril 2018, et les garanties connexes qu’offre la loi modifiée sur les services de santé. Le Comité reste toutefois préoccupé par le fait que des lits de contention clos (lits « à filets ») continuent d’être utilisés et qu’aucun système indépendant de suivi et d’établissement de rapports sur l’usage des moyens de contention n’a été mis en place. Il remarque cependant que des efforts ont été entrepris pour éliminer progressivement l’usage de ces lits de contention clos, sur la base d’un document préliminaire établi par le Ministère de la santé (art. 7 et 10).

27. Le Comité recommande à nouveau (CCPR/C/CZE/CO/3, par. 14) que l’État partie prenne immédiatement des mesures pour mettre fin à l’utilisation de lits de contention clos dans les établissements psychiatriques et autres structures connexes, mettre en place un système indépendant de suivi et d’établissement de rapports, et garantir que les abus donnent effectivement lieu à des enquêtes, à des poursuites et à des sanctions, et que des réparations soient accordées aux victimes et à leur famille.

Détention au titre de la loi sur les étrangers

28.Le Comité constate avec préoccupation que les mesures de substitution à la détention au titre de la loi sur les étrangers (c’est-à-dire à la détention dans le cadre du Règlement Dublin) ne sont quasiment jamais appliquées. Il note toutefois qu’une nouvelle mesure de substitution spécialement prévue pour les familles avec enfants, à savoir l’obligation de rester en un lieu précis, est en vigueur depuis le 1er août 2019. Le Comité s’inquiète également de la pratique consistant à « héberger » les enfants avec les membres de leur famille détenus au titre de la loi, ce qui constitue de facto une détention. Il note avec préoccupation que le principe du bénéfice du doute n’est pas appliqué lorsqu’il s’agit de déterminer l’âge d’un jeune et que les enfants non accompagnés peuvent être détenus comme des adultes au titre de la loi sur les étrangers, dans l’attente du résultat de la procédure de détermination de leur âge (art. 7, 9, 10 et 24).

29. L’État partie devrait :

a) Veiller à ce que la détention ne soit utilisée qu’en dernier ressort et à ce qu’elle se justifie par son caractère raisonnable, nécessaire et proportionné, compte tenu de la situation de l’intéressé ;

b) Veiller à la mise en œuvre efficace des mesures de substitution à la détention dans la pratique ;

c) Prendre des mesures pour mettre fin à la détention de tous les enfants, y compris des enfants accompagnés de leur famille ;

d) Revoir la réglementation applicable afin que, conformément aux normes internationales, le bénéfice du doute soit accordé aux jeunes qui font l’objet d’une procédure de détermination de leur âge.

Élimination de l’esclavage, de la servitude et de la traite des personnes

30.Le Comité salue les efforts soutenus que fait l’État partie pour lutter contre la traite des personnes, notamment l’adoption de la stratégie nationale 2016-2019 pour la lutte contre la traite des personnes, les projets de prévention de la cybercriminalité et la mise en œuvre de la campagne « Say No » (« Dis non ») de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol), destinée à lutter contre l’utilisation d’Internet à des fins de maltraitance d’enfants. Il reste cependant préoccupé par : a) l’identification insuffisante des victimes ; b) le risque élevé que des mineurs non accompagnés soient victimes de la traite ; c) l’augmentation signalée du nombre de cas d’exploitation sexuelle d’enfants et de violences sexuelles à l’égard d’enfants sur Internet ; d) le fait que les infractions liées à la traite font l’objet de poursuites au titre de l’infraction de proxénétisme et donnent donc lieu à des peines bien moins lourdes (art. 8 et 24).

31. L’État partie devrait continuer de multiplier les initiatives visant à prévenir et à combattre efficacement la traite des êtres humains, y compris l’exploitation sexuelle d’enfants dans le cyberespace. Pour ce faire, il devrait notamment :

a) Veiller au repérage effectif des victimes, y compris parmi les membres des groupes vulnérables comme les demandeurs d’asile, les enfants non accompagnés, les réfugiés et les migrants ;

b) Mener rapidement des enquêtes approfondies sur toutes les affaires de traite et poursuivre les auteurs présumés au titre de l’article 168 du Code pénal et, si ceux-ci sont reconnus coupables, les condamner à des peines dissuasives qui soient à la mesure de la gravité de leurs actes ;

c) Veiller à ce que les victimes aient accès à des moyens de protection et à des services d’aide efficaces, ainsi qu’à une réparation intégrale, notamment à des mesures de réadaptation et à une indemnisation suffisante.

Indépendance des juges et des procureurs

32.Le Comité est préoccupé d’apprendre que le système judiciaire pourrait faire l’objet d’ingérences politiques, en particulier dans les affaires très médiatisées, et que l’indépendance des juges et des procureurs par rapport aux pouvoirs exécutif et législatif ne serait pas suffisamment garantie par la loi, compte tenu en particulier des procédures de sélection, de nomination, de promotion et de mutation des juges, du statut du Bureau du Procureur général, qui fait officiellement partie de l’exécutif, et de la procédure de sélection, de nomination et de révocation du Procureur général et des autres procureurs. Il prend note à ce propos des projets de réforme du système judiciaire, notamment de l’élaboration d’un nouveau Code de procédure civile et des propositions de modification de la loi sur les tribunaux et les juges et de la loi sur le ministère public (art. 14).

33. L’État partie devrait éliminer toutes les formes d’ingérence des pouvoirs législatif et exécutif dans le système judiciaire et garantir, en droit et dans la pratique, la pleine indépendance et l’impartialité des juges ainsi que l’indépendance et l’autonomie effective du Bureau du Procureur général, en veillant, entre autres choses, à ce que les procédures de sélection, de nomination, de promotion, de mutation et de révocation des juges et des procureurs soient conformes aux dispositions du Pacte et aux normes internationales applicables, notamment aux Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature et aux Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet. Il devrait dûment envisager la possibilité de créer un conseil supérieur de la magistrature, ou autres organes analogues, qui seraient chargés de régir la procédure de sélection des magistrats, seraient pleinement indépendants et essentiellement composés de juges et de procureurs élus par des organes professionnels autonomes, et fonctionneraient en toute transparence.

Diffamation

34.Le Comité demeure préoccupé (CCPR/C/CZE/CO/3, par. 21) par le fait que la diffamation reste une infraction, visée par l’article 182 du Code pénal. Il craint que la définition vague qui est donnée de la diffamation, conjuguée à la criminalisation de cette infraction et au fait que celle-ci engage la responsabilité pénale des personnes morales au regard de la loi no 183/2016, ne dissuade le grand public et, en particulier, les médias d’exercer leur liberté d’expression (art. 19).

35. L’État partie devrait clarifier la définition vague qui est donnée de la diffamation de sorte qu’elle ne restreigne pas la liberté d’expression au-delà des restrictions bien précises autorisées par l’article 19 du Pacte. Il devrait envisager de dépénaliser la diffamation et, en tout état de cause, limiter l’application de la loi pénale aux affaires les plus graves, étant entendu que l’emprisonnement ne constitue jamais une peine appropriée pour cette infraction, comme il est précisé dans l’observation générale n o  34.

Journalistes et professionnels des médias

36.Le Comité est préoccupé par les allégations de plus en plus nombreuses de menaces, notamment de menaces de violence, visant des journalistes, en particulier de la part d’hommes politiques de haut rang. Il est également préoccupé par les cas de rhétorique hostile à l’égard des médias et par les accusations de manipulation de l’opinion publique par les médias émanant d’agents publics (art. 7 et 19).

37. L’État partie devrait veiller à ce que les fonctionnaires s’abstiennent de toute ingérence dans l’exercice légitime du droit à la liberté d’expression des journalistes et des professionnels des médias, à ce que la protection effective de ceux-ci contre toute forme de menace, de pression, d’intimidation ou d’agression soit garantie, à ce que les actes illégaux commis contre des journalistes fassent l’objet d’enquêtes approfondies et à ce que les responsables soient traduits en justice.

Concentration de la propriété des médias

38.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la propriété des médias privés serait de plus en plus concentrée entre les mains d’un petit nombre d’acteurs et par les allégations selon lesquelles le pouvoir politique exercerait une influence croissante sur les médias, ce qui aurait notamment une incidence sur la manière dont ceux‑ci couvrent l’actualité de tous les acteurs politiques en période électorale (art. 19).

39. L’État partie devrait éviter toute forme d’influence politique sur les médias, garantir la transparence de la propriété des médias privés et prévenir toute domination ou concentration indue des médias qui pourrait avoir une incidence négative sur la liberté des médias et la pluralité des opinions, en tenant compte de l’observation générale n o  34 (2011) du Comité.

Accès à l’information

40.Le Comité note avec préoccupation qu’on a porté à son attention des difficultés d’accès à l’information détenue par des organismes publics qui devrait être accessible en vertu de la loi sur le libre accès à l’information, notamment un manque de clarté quant aux conditions dans lesquelles l’accès à l’information peut être refusé, une tendance à communiquer des informations générales peu détaillées, l’incohérence des pratiques concernant la diffusion des informations par les autorités publiques et le fait que celles-ci font rarement la démarche de publier l’information de leur propre initiative. Il relève qu’un texte portant modification de la loi sur le libre accès à l’information prévoit notamment de simplifier le traitement des demandes d’information et qu’un projet de modification approuvé le 14 octobre 2019 permettra d’indiquer expressément que l’abus du droit à l’information constitue un motif de rejet des demandes d’information (art. 19).

41. L’État partie devrait faire en sorte que le droit d’accéder à l’information détenue par des organismes publics puisse être véritablement exercé dans la pratique, notamment en supprimant tout obstacle d’ordre pratique ou administratif au traitement des demandes d’information et en veillant à ce qu’il soit répondu à ces demandes dans les meilleurs délais et de manière détaillée. Pour donner effet au droit d’accès à l’information, il devrait également entreprendre activement de mettre dans le domaine public les informations détenues par l’État qui sont d’intérêt général.

Châtiments corporels

42.Le Comité prend acte des orientations générales qui mettent l’accent sur l’interdiction des châtiments corporels, et des explications données par l’État partie concernant les mesures disciplinaires adéquates et proportionnées, mais demeure préoccupé (CCPR/C/CZE/CO/3, par. 19) par le fait que les châtiments corporels ne semblent pas être expressément interdits quel que soit le contexte (art. 7 et 24).

43. L’État partie devrait prendre des mesures concrètes, notamment sur le plan législatif selon que de besoin, afin d’interdire expressément les châtiments corporels dans tous les contextes, y compris dans le milieu familial. Il devrait également renforcer les activités visant à encourager le recours à des méthodes disciplinaires non violentes en remplacement des châtiments corporels et continuer de sensibiliser le public aux effets néfastes de ces châtiments.

Apatridie et statut de réfugié

44.Le Comité constate que l’apatridie n’est pas définie dans la législation nationale et qu’en l’absence de procédure spéciale de détermination du statut d’apatride, les demandes de statut d’apatride sont actuellement traitées selon une procédure prévue par la loi sur l’asile et par le Code administratif général. Il relève avec préoccupation que, de ce fait, le statut juridique des apatrides et leurs droits restent flous tant qu’il n’a pas été statué sur leur demande. Bien que des propositions de modification de la loi sur l’asile soient en cours d’examen par le Parlement et bien qu’il soit prévu que les questions relatives à l’apatridie fassent l’objet de discussions avec le Défenseur public des droits en novembre 2019, le Comité note qu’il n’est pas certain que ces questions soient prises en considération dans la loi sur l’asile. Il note également avec préoccupation que, pour qu’un enfant apatride né dans l’État partie de parents apatrides acquière la nationalité tchèque, il faut impérativement qu’un permis de séjour de quatre-vingt-dix jours ou plus ait été délivré au préalable à l’un au moins des parents ; or, cette condition préalable, à laquelle il ne peut être dérogé, peut constituer un obstacle à la réduction du nombre d’apatrides. Le Comité constate avec préoccupation le faible taux de demandes d’asile auxquelles il est donné une suite favorable dans l’État partie et le lien possible entre ces statistiques et les déclarations faites par de hauts responsables de l’État contre l’accueil de réfugiés (art. 2, 24, par. 3, et 26).

45.L’État partie devrait envisager de réviser les dispositions applicables en vue d’introduire une définition de l’apatridie acceptée sur le plan international, afin d’améliorer la transparence et de faciliter un traitement plus efficace des demandes de statut d’apatride. Il devrait également établir une procédure spécifique et efficace de détermination du statut d’apatride, assortie de considérations et de garanties procédurales précises, et veiller à ce que chaque enfant ait une nationalité conformément au paragraphe 3 de l’article 24 du Pacte, notamment en accordant la nationalité aux enfants nés de parents apatrides quel que soit le statut juridique de ceux-ci. Il devrait en outre examiner la conformité avec les normes internationales des critères qu’il applique pour accorder le statut de réfugié et de ses procédures de détermination du statut de réfugié.

Droit de vote

46.Le Comité demeure préoccupé par le fait que les personnes présentant un handicap intellectuel ou psychosocial continuent d’être privées de leur droit de vote. Il note que des modifications visant à lever cette restriction devaient être soumises au Gouvernement à l’automne 2019 (art. 2, 25 et 26).

47. L’État partie devrait, conformément aux dispositions du Pacte, veiller à ce que sa législation ne soit pas discriminatoire à l’égard des personnes présentant un handicap intellectuel ou psychosocial et ne prive donc pas celles-ci du droit de vote.

D.Diffusion et suivi

48. L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte et des deux Protocoles facultatifs s’y rapportant, de son quatrième rapport périodique et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte. L’État partie devrait faire en sorte que le rapport et les présentes observations finales soient traduits dans sa langue officielle.

49. Conformément au paragraphe 1 de l’article 75 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, le 8 novembre 2021 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 17 (discrimination raciale, discours et crimes de haine), 27 ( contention dans les établissements psychiatriques ) et 29 ( détention au titre de la loi sur les étrangers ).

50. Dans le cadre du cycle d’examen prévisible du Comité, l’État partie recevra en 2025 la liste de points établie par le Comité avant la soumission du rapport et devra soumettre dans un délai d’un an ses réponses à celle-ci, qui constitueront son cinquième rapport périodique. Le Comité demande également à l’État partie , lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le prochain dialogue constructif avec l’État partie aura lieu en 2027 à Genève.