Nations Unies

CCPR/C/CZE/CO/3

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

22 août 2013

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Observations finales concernant le troisième rapport périodique de la République tchèque *

Le Comité des droits de l’homme a examiné le troisième rapport périodique de la République tchèque (CCPR/C/CZE/3) à ses 2992e et 2993e séances (CCPR/C/SR.2992 et CCPR/C/SR.2993), les 16 et 17 juillet 2013. À sa 3003e séance (CCPR/C/SR.3003), le 24 juillet 2013, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du troisième rapport périodique de la République tchèque et les renseignements qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer le dialogue constructif avec la délégation de haut niveau au sujet des mesures prises par l’État partie pendant la période couverte par le rapport pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites qu’il a apportées à la liste de points à traiter (CCPR/C/CZE/Q/3/Add.1), qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des renseignements supplémentaires qui lui ont été fournis par écrit.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption par l’État partie des mesures d’ordre législatif et institutionnel suivantes:

a)L’adoption de la loi relative à l’égalité de traitement et aux mesures juridiques de protection contre la discrimination (dite loi antidiscrimination), en 2009, qui attribue au Médiateur le rôle d’organe national pour l’égalité;

b)L’adoption du nouveau Code civil, qui abolit la privation totale de la capacité juridique, à partir de 2014;

c)L’adoption du Plan d’action national pour la prévention de la violence au foyer (2011-2014), l’introduction d’injonctions d’éloignement autorisant la police à expulser les auteurs de violence au foyer et la mise en place de centres d’intervention dans toutes les régions de l’État partie;

d)La constitution au sein de la police d’équipes anticonflit chargées de prévenir les conflits sociaux et d’unités de détection de la criminalité organisée pour lutter contre la criminalité extrémiste organisée;

e)La création de l’Agence pour l’inclusion sociale dans les localités roms, en 2008.

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux ci-après:

a)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en 2009;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2009.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie au sujet de l’élargissement du mandat du Défenseur des droits, désormais habilité officiellement à agir aussi en tant que mécanisme national de prévention aux fins du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, mais il constate avec préoccupation que cette instance n’a toujours pas été érigée en une institution nationale consolidée ayant une compétence étendue dans le domaine des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale) (art. 2).

L’État partie devrait soit investir le Défenseur des droits d’un mandat consolidé lui permettant de promouvoir et de protéger davantage tous les droits de l’homme, soit atteindre cet objectif par d’autres moyens, afin de constituer une institution nationale des droits de l’homme investie d’un vaste mandat en matière de droits de l’homme et dotée de ressources financières et humaines adéquates, conformément aux Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale, annexe).

Le Comité prend acte des mesures législatives qu’a adoptées l’État partie pour améliorer la coordination de la mise en œuvre des constatations du Comité, mais il exprime de nouveau sa préoccupation devant la persistance de l’État partie à ne pas mettre en œuvre les constatations du Comité au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, en particulier dans les nombreuses affaires concernant la restitution de biens en vertu de la loi no87/91 de 1991. Le Comité rappelle en outre que, en adhérant au premier Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers relevant de la juridiction de l’État partie, et que le fait de ne pas donner effet aux constatations du Comité remet en cause l’engagement pris par l’État partie au titre du premier Protocole facultatif (art. 2).

Le Comité exhorte à nouveau l ’ État partie à revoir sa position relative aux c onstatations adoptées par le Comité en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte et à instituer des procédures appropriées pour le ur donner effet , afin de se conformer au paragraphe 3 de l ’ article 2 du Pacte, qui garantit le droit à un recours utile et à réparation s ’ il ya eu violation du Pacte.

Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (CCPR/C/CZE/CO/2, par. 11) et note avec inquiétude que les femmes continuent à être sous-représentées dans les postes de décision dans le secteur public, en particulier dans les ministères, au parlement, dans les conseils régionaux et parmi les gouverneurs. Le Comité regrette que les attitudes stéréotypées patriarcales quant à la place des femmes dans la société se perpétuent (art. 2, 3, 25 et 26).

L ’ État partie devrait adopter des mesures concrètes pour accroître la proportion de femmes occupant d es postes de décision dans le secteur public, en appliquant si nécessaire des mesures temporaires spéciales propres à donner effet aux dispositions du Pacte. Il devrait en outre prendre des mesures en vue de r emédier aux difficultés mises en évidence concern ant l ’ accès des femmes à des postes cl efs dans la hiérarchie des partis politiques , dont il est fait mention au paragraphe 22 du troisième rapport périodique de l ’ État partie. L ’ État partie dev rait prendre les mesures pratiques nécessaires, y compris la mise en œuvre de campagnes de sensibilisation, en vue d ’en finir avec les stéréotypes relatifs à la p lace des femmes dans la société.

Le Comité note avec inquiétude qu’en dépit des efforts que déploie l’État partie pour combattre l’extrémisme et du cadre juridique existant contre l’incitation à la haine raciale, un climat d’hostilité envers les Roms perdure au sein de la population tchèque. Le Comité note aussi avec inquiétude que des propos discriminatoires envers les Roms sont tenus par des politiciens et dans les médias ainsi que lors de manifestations, défilés et agressions extrémistes dirigés contre les membres de la communauté rom (art. 2, 19, 20 et 27).

L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour combattre t outes les formes d ’ intolérance envers les Roms, notamment:

a) En assignant des buts clairs et en affectant des ressources suffisantes à des campagnes de sensibilisation contre le racisme , visant à promouvoir le respect des droits de l ’ homme et la tolérance de la diversité , auprès des jeunes dans les écoles, ainsi qu’auprès de tous les médias et de l’ensemble du monde politique ;

b) En s’employant activement à promouvoir le respect de la culture et de l ’ histoire des Roms par le canal d ’ actes symboliques, tels que la fermeture de l ’ élevage de porcs implanté à Lety sur un site où se trouvait un camp de concentration pour Roms durant la Seconde G uerre mondiale;

c) En amplifiant ses efforts pour faire en sorte que les juges, procureurs et fonctionnaires de police possèdent la formation voulue pour être à même de détecter l es crimes de haine et les crimes à motivation raciale ;

d) En prenant toutes les dispositions nécessaires pour prévenir les agressions racistes et veiller à ce que leurs auteurs présumés fassent l’objet d’enquêtes approfondies et de poursuites et soient condamnés à des peines appropriées, s ’ ils sont reconnus coupables, et à ce que les victimes reçoivent une réparation adéquate.

Le Comité prend note de l’adoption de divers programmes destinés à améliorer la situation de la communauté rom, notamment la Stratégie de lutte contre l’exclusion sociale 2011-2015 et le Concept pour l’intégration des Roms de 2010, mais il rappelle sa précédente recommandation (CCPR/C/CZE/CO/2, par. 16) et note avec préoccupation que les Roms continuent à souffrir de discrimination, d’un chômage généralisé, d’un accès insuffisant aux logements municipaux subventionnés, d’expulsions forcées et d’une ségrégation territoriale (art. 2, 26 et 27).

L ’ État partie devrait adopter une stratégie globale , assortie d’ objectifs concrets et d ’ indicateurs et dotée d ’ une enveloppe budgétaire adéquate, prévoyant des mesures exécutoires propres à promouvoir l ’ accès des Roms à divers services et possibilités aux niveaux régional et municipal, y compris, le cas échéant, en recourant à de s mesures temporaires spéciales , visant notamment à accroître l ’ offre de logements sociaux et d ’ emplois. L ’ État partie devrait surveiller fréquemment la mise en œuvre de la stratégie à tous les niveaux et prendre des dispositions supplémentaires pour accroître la représentation des Roms dans la fonction publique et la vie publique.

Le Comité rappelle sa recommandation précédente (CCPR/C/CZE/CO/2, par. 17) et constate à nouveau avec préoccupation que les enfants roms demeurent surreprésentés dans les écoles pour élèves présentant un handicap mental léger dites «écoles élémentaires pratiques». Le Comité est en outre préoccupé par les informations persistantes indiquant que dans les écoles ordinaires les enfants roms sont placés dans des classes ne comptant que des Roms ou dans des classes ayant un programme limité (art. 26 et 27).

L ’ État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour en finir avec la ségrégation que subissent l es enfants roms dans le système éducatif, en veillant à ce que le placement dans les écoles et les classes soit effectué selon des critères clairs et objectifs qui ne soient pas influencés dans un sens défavorable par l ’ appartenance ethnique de l ’ enfant et par le fait qu ’ il est socialement défavorisé. En outre, l ’ État partie devrait prendre des mesures concrètes pour faire en sorte que toute décision relative au placement d ’ un enfant, y compris d ’ un enfant rom, dans une classe pour enfants ayant des besoins spéciaux ne soit prise qu’ après avoir procédé à une évaluation médicale indépendante tenant compte des particularismes culturels et ne puisse reposer uniquement sur l es capacité s de l ’ enfant.

Le Comité salue l’adoption de la loi relative aux services de santé spécialisés, en vigueur depuis 2012, qui régit le recueil du consentement préalable libre et éclairé en matière de stérilisation, mais reste préoccupé par le fait qu’aucun mécanisme conséquent d’indemnisation n’a été mis en place pour les personnes ayant été stérilisées de force et qu’à ce jour trois victimes seulement ont été indemnisées. En outre, le Comité note avec préoccupation que toutes les poursuites pénales engagées contre les auteurs présumés de stérilisation forcée ont été abandonnées ou sont frappées de prescription (art. 2, 3, 7 et 26).

L ’ État partie devrait:

a) Envisager de créer un mécanisme d ’indemnisation pour les victimes qui ont été stérilisées de force dans le passé et n’ont pas porté plainte dans les délais légaux ;

b) Assurer la fourniture d’une aide et de conseils juridiques gratuits aux personnes ayant été stérilisées de force, afin qu ’elles puissent envisager de saisir les tribunaux;

c) E ngager des poursuites pénales contre les éventuels auteurs de stérilisation forcée;

d ) Surveiller l ’ application de la loi relative aux services de santé spécialisés afin de veiller à ce que toutes les procédures soient suiv i es pour recueillir le consentement plein et éclairé des femmes, en particulier des femmes roms, qui s ’ adressent à un établissement de santé pour être stérilisées.

Le Comité note que la version du nouveau Code électoral proposée en 2013 prévoit que seul un tribunal pourra limiter l’exercice par un citoyen handicapé de son droit de voter et de participer à la vie publique, mais il est préoccupé par des informations signalant la propension des tribunaux à limiter excessivement l’exercice de leur capacité juridique par les personnes présentant un handicap, en particulier mental, intellectuel ou psychosocial, même si elles sont de facto aptes à participer à certaines activités, telles que le vote (art. 2, 25 et 26).

L ’ État partie devrait s’attacher à ne pas traiter de manière discriminatoire les personnes qui présentent un handicap mental, intellectuel ou psychosocial en leur refusant l ’exercice de leur droit de vote sur des bases qui sont disproportionné e s ou qui n ’ ont pas de rapport raisonnable et objecti f avec leur aptitude à voter, eu égard à l ’ article 2 5 du Pacte .

Le Comité est préoccupé par le fait que des personnes privées de capacité juridique ou n’ayant qu’une capacité juridique limitée puissent être internées sur décision de la personne qui en a la garde ou de leur représentant légal dans des institutions de protection sociale sans que ces derniers soient juridiquement tenus de justifier cet internement ni que des solutions moins restrictives soient envisagées. Il s’inquiète en outre de ce que ces personnes internées n’aient aucun droit légal d’obtenir de la justice qu’un tribunal statue sur la décision les concernant, ni que cette décision soit assortie d’un délai maximum à l’issue duquel elle doit être réexaminée (art. 2, 9, 10 et 26).

L’État partie devrait:

a) Revoir sa politique qui limite la capacité juridique des personnes souffrant d’un handicap mental et évaluer la nécessité et la proportionnalité de toute mesure de cet ordre, au cas par cas, en prévoyant des garanties procédurales efficaces de façon à ce que, dans tous les cas, les personnes dont la capacité juridique fait l’objet de restrictions aient rapidement accès à un réexamen judiciaire de cette décision et à une représentation juridique gratuite et effective dans toute procédure concernant leur capacité juridique;

b) Veiller à ce que les personnes souffrant d’un handicap mental ou leurs représentants légaux soient en mesure d’exercer leur droit à un recours utile contre la violation de leurs droits, et envisager sérieusement l’adoption de solutions moins restrictives que l’internement et le traitement forcés des personnes souffrant de handicap mental, comme prévu dans le Plan national pour la transformation des services psychiatriques, sanitaires, sociaux et autres à l’intention des adultes et enfants souffrant de handicap intellectuel ou psychologique;

c) Mettre en place un système efficace et indépendant de suivi et d’établissement de rapports sur les institutions de soins de santé mentale et de protection sociale et veiller à ce que les abus fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites efficaces et qu’une indemnisation soit accordée aux victimes et à leur famille.

Le Comité note que l’utilisation de lits de contention clos (lits cages/filets) pour les patients psychiatriques est désormais réglementée par la loi sur les services de soins de santé mais il est préoccupé par les informations faisant état d’un recours excessif et sans supervision à ces formes de contention et autres dans les établissements psychiatriques et d’une mauvaise surveillance des mécanismes de contrôle. Le Comité rappelle que cette pratique constitue un traitement inhumain et dégradant (art. 7 et 10 du Pacte).

L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures en vue de mettre fin à l’utilisation de lits de contention clos dans les établissements psychiatriques et institutions apparentées. L’État partie devrait également veiller à ce que toute décision de recours à la contention ou à l’isolement involontaire soit précédée d’une évaluation médicale approfondie et professionnelle en vue de déterminer les moyens de contention strictement nécessaires à appliquer à un patient ainsi que la durée d’application strictement nécessaire. L’État partie devrait en outre mettre en place un système indépendant de suivi et d’établissement de rapports et veiller à ce que les abus fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites efficaces et que des réparations soient accordées aux victimes et à leur famille.

Le Comité note certes l’adoption du Plan d’action national pour la prévention de la violence familiale (2011-2014) et l’introduction des ordonnances d’éloignement mais il s’inquiète du faible taux de déclaration à la police des cas de violence familiale (art. 3 et 7).

L’État partie devrait adopter des mesures concrètes en vue de prévenir et traiter la violence sexiste sous toutes ses formes et manifestations. L’État partie devrait encourager les victimes à déclarer les faits de violence familiale. Il devrait également veiller à ce que ces cas fassent l’objet d’enquêtes approfondies et que les auteurs des faits soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, qu’ils fassent l’objet de sanctions appropriées, et que les victimes soient convenablement indemnisées.

Le Comité prend note des divers programmes exécutés par l’État partie pour lutter contre la traite des êtres humains et venir en aide aux victimes dans le cadre du Programme de soutien et de protection des victimes de la traite des êtres humains mais il s’inquiète de la persistance de ce phénomène dans l’État partie (art. 8).

L’État partie devrait:

a) Ne pas relâcher ses efforts de sensibilisation et sa lutte contre la traite des personnes, notamment à l’échelon régional et en coopération avec les pays voisins;

b) Compiler des statistiques sur les victimes de la traite, ventilées par sexe, âge, appartenance ethnique et pays d’origine, le but devant être de s’attaquer aux causes profondes de ce phénomène et d’évaluer l’efficacité des programmes et stratégies actuellement mis en œuvre;

c) Veiller à ce que tous les individus responsables de faits de traite des personnes soient poursuivis en justice et fassent l’objet de sanctions en rapport avec les infractions commises.

Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (CCPR/C/CZE/CO/2, par. 15) et note avec préoccupation que les mineurs étrangers en attente d’expulsion peuvent être maintenus jusqu’à quatre-vingt-dix jours dans des centres de détention. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que les étrangers peuvent être détenus pour des motifs qui ne font pas l’objet d’une définition stricte, par exemple le non‑respect de leurs devoirs pendant leur séjour, et qu’il ne semble pas que les solutions existantes autres que la détention administrative soient systématiquement appliquées. Enfin, le Comité note que selon la loi sur l’asile, les demandeurs d’asile peuvent être maintenus dans des centres d’accueil jusqu’à cent vingt jours, parfois dans des lieux inadéquats tels que l’aéroport Vaclav Havel (art. 9, 10, 13 et 24).

L’État partie devrait:

a) Réduire le délai légal maximum de détention de l’étranger mineur en attente d’expulsion et, en tout état de cause, veiller à ce que la détention des enfants ne soit permise qu’en tant que mesure de dernier recours et pour la durée appropriée la plus courte;

b) Prendre des mesures propres à assurer que la détention d’étrangers est toujours raisonnable, nécessaire et proportionnée au regard des circonstances individuelles, que la détention n’est décidée que pour la période appropriée la plus courte et uniquement si les solutions existantes autres que la détention administrative ont été dûment examinées et jugées peu appropriées;

c) Veiller à ce que le maintien des demandeurs d’asile dans les centres d’accueil ne soit appliqué qu’en dernier recours et pour la durée appropriée la plus courte, après avoir examiné des moyens moins invasifs;

d) Veiller à ce que l’état physique de tous les centres de détention et d’accueil des immigrés soit conforme aux normes internationales.

Le Comité se félicite certes des mesures d’ordre législatif visant à réduire la population carcérale et de l’augmentation des capacités d’accueil, ce qui a permis une réduction globale de la population des prisons, mais il demeure préoccupé par les informations faisant état d’une dégradation des conditions d’hygiène et d’une certaine promiscuité dans les prisons, ainsi que par les plaintes concernant la qualité et la disponibilité des soins médicaux. Le Comité s’inquiète en outre des conditions de travail des prisonniers, dont le salaire mensuel moyen est très inférieur au salaire minimum national, n’a pas été revalorisé depuis de nombreuses années et fait en outre l’objet d’une retenue de 32 % au titre des frais d’incarcération (art. 10).

L’État partie devrait continuer de prendre des mesures propres à améliorer de manière durable la situation dans les prisons, s’agissant notamment d’assurer des services de santé et des conditions d’hygiène adéquats, afin de se mettre en pleine conformité avec les exigences de l’article 10. À cet égard, l’État partie devrait s’employer à réaliser un taux d’effectifs suffisant, correspondant à celui fixé dans le décret portant norme de traitement des prisonniers. L’État partie devrait veiller à la supervision appropriée des prisonniers qui travaillent pour des entités privées et faire en sorte que leur travail soit équitablement rémunéré. L’État partie devrait reconsidérer la politique consistant à faire payer aux prisonniers le coût de leur incarcération.

Le Comité se félicite de la pénalisation de diverses formes de sévices à enfant et de diverses initiatives visant à prévenir ces pratiques mais il s’inquiète du nombre élevé de victimes de violence sexuelle et du faible nombre de cas déclarés par les victimes elles-mêmes. Le Comité est également préoccupé par le fait que les châtiments corporels ne sont toujours pas expressément interdits par la loi dans les contextes institutionnels publics et à la maison (art. 7 et 24).

L’État partie devrait continuer d’accentuer ses efforts de lutte contre les sévices à enfant en améliorant les mécanismes de détection précoce, en encourageant à déclarer les cas suspects ou avérés de sévices et en prenant des mesures propres à assurer que tous les cas de sévices à enfant font l’objet d’enquêtes efficaces et rapides et que leurs auteurs soient traduits en justice. L’État partie devrait aussi prendre des mesures particulières visant à mettre fin aux châtiments corporels quel que soit le contexte. Il devrait encourager les formes non violentes d’apprentissage de la discipline en substitut aux châtiments corporels et mener davantage de campagnes d’information du grand public pour le sensibiliser aux effets nocifs de cette pratique.

Le Comité s’inquiète de ce que les enfants de moins de 15 ans ne peuvent certes pas être tenus pénalement responsables mais sont néanmoins soumis à la procédure pénale standard au stade de l’instruction s’ils sont soupçonnés d’avoir commis un acte illégal, sans l’assistance requise ni la possibilité d’avoir accès à leur dossier (art. 14 et 24).

L’État partie devrait:

a) Faire en sorte que, au minimum, les enfants âgés moins de 15 ans soupçonnés d’avoir soumis un acte illégal bénéficient de toutes les garanties normales de la procédure pénale à tous les stades de leur procès au pénal ou dans la justice pour mineurs, en particulier le droit à une défense appropriée;

b) Envisager, chaque fois qu’il y a lieu, de faire en sorte que les mineurs soupçonnés d’avoir commis un acte illégal qui ne peuvent être tenus pénalement responsables soient traités sans recours à un procès officiel ni placement en institution;

c) Examiner l’opportunité de former tous les professionnels intervenant dans le système de justice pour mineurs aux normes internationales pertinentes, notamment les lignes directrices des Nations Unies en matière de justice pour les enfants victimes et témoins d ’ actes criminels (résolution 2005/20 du Conseil économique et social).

Le Comité s’inquiète de ce que la diffamation demeure une infraction pénale emportant une peine privative de liberté, ce qui peut dissuader les médias de publier des informations critiques sur des questions d’intérêt général et représente une menace pour la liberté d’expression et l’accès à tous les types d’information (art. 19).

L’État partie devrait garantir la liberté d’expression et la liberté de la presse consacrées dans l’article 19 du Pacte et longuement explicitées dans l’Observation générale  n o  34 (2011) du Comité relative aux libertés d’opinion et d’expression. L’État partie devrait aussi envisager de dépénaliser la diffamation et, en tout état de cause, circonscrire l’application du droit pénal aux affaires les plus graves, sachant que la prison n’est jamais une peine appropriée en pareil cas.

L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des deux Protocoles facultatifs se rapportant au Pacte, du troisième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales afin de sensibiliser davantage les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi que le grand public. Le Comité suggère également que le rapport et les observations finales soient traduits dans les autres langues officielles de l’État partie. Le Comité demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera son troisième rapport périodique, d’engager de larges consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 5, 8, 11 et 13 a).

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique, qui devra lui parvenir d’ici au 26 juillet 2018, des renseignements précis et à jour sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.