Trente-septième session

15 janvier-2 février 2007

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes : Tadjikistan

Le Comité a examiné le rapport unique valant rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques du Tadjikistan (CEDAW/C/TJK/1-3) à ses 771e et 772e séances, le 26 janvier 2007 (voir CEDAW/C/SR.771 et 772). On trouvera dans le document CEDAW/C/TJK/Q/3 la liste des points et questions soulevés par le Comité, et dans le document CEDAW/C/TJK/Q/3/Add.1 les réponses du Gouvernement tadjik.

Introduction

Le Comité félicite l’État partie de son adhésion sans réserve à la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Il le remercie d’avoir présenté son rapport unique valant rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques, qui était conforme aux directives du Comité régissant l’établissement des rapports, tout en regrettant que ce rapport ait été présenté avec retard et ne fasse pas référence aux recommandations générales du Comité.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté des réponses écrites à la liste des points et questions soulevés par le groupe de travail présession du Comité, d’avoir fait un exposé oral et d’avoir apporté de nouveaux éclaircissements en réponse aux questions que lui-même avait posées oralement, mais il note que certaines questions sont demeurées sans réponse.

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir envoyé une délégation placée sous la conduite du chef du Département des garanties constitutionnelles des droits des citoyens au Bureau exécutif du Président, et composée de représentants de la Commission chargée des questions féminines et familiales, de la Commission nationale de statistique et des Ministères de la justice, de la santé et des affaires étrangères. Il exprime sa gratitude à l’État partie d’avoir engagé avec lui un dialogue franc et constructif.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié les sept principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont la mise en œuvre favorise l’exercice par les femmes de leurs droits humains et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de l’activité humaine.

Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie d’avoir exprimé sa volonté politique et son engagement de s’acquitter des obligations juridiques établies par la Convention et également énoncées dans la Constitution, qui consacre le principe de l’égalité des femmes et des hommes, dans la loi-cadre de 2005 garantissant l’égalité des droits des hommes et des femmes et de l’égalité des chances dans l’exercice de ces droits (ci-après dénommée la « loi garantissant l’égalité des droits »), qui contient une définition de la discrimination à l’égard des femmes correspondant à la définition donnée à l’article premier de la Convention, lequel interdit la discrimination dans tous les domaines et requiert les pouvoirs publics d’assurer l’égalité des sexes, et dans la législation adoptée dans divers domaines, notamment le Code de la famille (1998), la loi relative à la traite des êtres humains (2004) et la loi régissant les organismes de microcrédit (2004).

Le Comité accueille avec satisfaction les mécanismes institutionnels mis en place par l’État partie pour faciliter l’application de la Convention, notamment la création d’une commission gouvernementale pour l’exécution des obligations internationales incombant au Tadjikistan dans le domaine des droits de l’homme; la désignation d’un vice-ministre chargé de suivre les questions relatives à la condition de la femme; la constitution de la Commission pour les femmes et la famille, comportant une division s’occupant des femmes et des antennes locales, dans toutes les administrations locales, dont la mission est de promouvoir et de mettre en œuvre une politique de promotion de la condition de la femme; la création de la Commission parlementaire pour les questions sociales, la famille, les soins de santé et l’environnement; la désignation de responsables des questions féminines dans les ministères; et la mise sur pied du Conseil de coordination des problèmes intéressant les femmes au Ministère du travail et de la protection sociale, et l’Inspection nationale du travail chargée de suivre les cas de discrimination à l’égard des femmes sur le marché du travail, et de bourses du travail pour les femmes dans certaines provinces.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir pris des décrets et décidé d’adopter des programmes jetant les bases nécessaires à l’exécution des obligations internationales qui incombent au Tadjikistan dans le domaine des droits de l’homme, y compris les droits humains des femmes, tels que le décret présidentiel du 3 décembre 1999 sur le renforcement du rôle de la femme dans la société, le programme national intitulé « Directives pour une politique de l’État visant à assurer l’égalité des droits et des chances des hommes et des femmes dans la République du Tadjikistan pendant la période 2001-2010 » et le programme intitulé « Système national d’éducation dans le domaine des droits de l’homme dans la République du Tadjikistan » (2001). En outre, le Comité sait gré à l’État partie d’avoir adopté le Plan d’action national pour l’amélioration de la condition et du rôle des femmes pendant la période 1998-2005.

Le Comité salue les travaux entrepris par la Commission nationale de statistique en général et, en particulier, les activités visant à établir des indicateurs par sexe en vue de l’élaboration de stratégies pour la réduction de la pauvreté.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant que l’État partie a l’obligation d’appliquer toutes les dispositions de la Convention de façon permanente et systématique, le Comité estime que l’État partie doit accorder en priorité l’attention, d’ici la présentation de son prochain rapport périodique, aux préoccupations et recommandations faisant l’objet des présentes observations finales. Par conséquent, il lui demande de mettre l’accent sur ces questions et d’indiquer dans son prochain rapport périodique les mesures prises et les résultats obtenus. Il lui demande également de transmettre les présentes observations finales à l’ensemble des ministères concernés ainsi qu’aux parlementaires, afin d’en assurer pleinement l’application.

Le Comité note le caractère déclaratoire de la loi garantissant l’égalité des droits des femmes et des hommes et s’inquiète du fait que cette loi passe sous silence les aspects opérationnels nécessaires qui permettent d’assurer les garanties d’égalité et de définir la manière dont les affaires de discrimination contre les femmes doivent être résolues, les dommages-intérêts versés ou d’autres recours utiles offerts aux victimes de violations de ses dispositions.

Le Comité exhorte l’État partie à redoubler d’efforts pour protéger les femmes contre les actes de discrimination en établissant clairement des liens explicites entre la loi garantissant l’égalité des droits et les autres textes législatifs pertinents dans les domaines couverts par la loi et la Convention. Il l’invite à envisager d’apporter à la loi garantissant l’égalité des droits un amendement visant à en préciser les aspects opérationnels. Il l’exhorte également à renforcer les mécanismes de dépôt et de traitement des plaintes, tels que la Division spéciale de la protection des droits des citoyens, à laquelle la délégation a fait référence, qui avait été créée pour enregistrer et traiter les plaintes des femmes et des hommes dont les droits auraient été violés. Le Comité recommande à l’État partie de permettre à la Commission chargée des affaires féminines et familiales de suivre effectivement la loi garantissant l’égalité des droits grâce à une participation interinstitutionnelle à tous les niveaux.

Le Comité est préoccupé par le fait que très peu d’affaires de violence familiale, de polygamie, d’exploitation de la prostitution et de trafic d’êtres humains aient été portées devant les tribunaux, et par le fait que ceux-ci ne soient jamais saisis d’affaires concernant d’autres domaines de la vie des femmes.

Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que la Convention et la législation interne pertinente , notamment la loi garantissant l’égalité des droits, fassent partie intégrante de l’enseignement dispensé dans les facultés de droit et soient intégrées, sous forme de modules, au programme de perfectionnement du Centre d’étude s des juges proposé par le Conseil de la magistrature, de façon à mettre en place fermement dans le pays une culture du droit favorable à l’égalité des sexes et à la non-discrimination contre les femmes. Il invite l’État partie à sensibiliser davantage les femmes à leurs droits grâce à des programmes continus de vulgarisation et de services juridiques dans toutes les régions du pays. Il l’encourage à diffuser le texte de la Convention et à y sensibiliser la population, notamment en ce qui concerne le sens et la portée de la discrimination directe et indirecte, et à faire prendre conscience du principe de l’égalité formelle et réelle.

Le Comité se félicite certes des efforts que mène la Commission chargée des affaires féminines et familiales notamment en vue d’appliquer les politiques et plans nationaux sur l’égalité des sexes mais il est préoccupé par le fait que ce mécanisme national de promotion de la femme ne dispose pas de ressources suffisantes, notamment budgétaires et humaines, ainsi que de la capacité de coordination nécessaire, et n’est donc pas en mesure de s’acquitter efficacement de ses fonctions de nature très diverse, y compris la coordination des différents ministères au niveau national et des organes régionaux et locaux.

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer la Commission chargée des affaires féminines et familiales et de veiller à ce que celle-ci dispose de ressources suffisantes et ait la capacité ainsi que la possibilité de donner des avis sur la formulation de toutes les politiques gouvernementales concernant l’égalité des sexes, d’élaborer, d’examiner et de suivre la législation et son application, et de procéder à l’analyse des orientations ainsi que de leur mise en œuvre. Ce renforcement de la Commission lui permettra d’intégrer les questions relatives à l’égalité des sexes dans toutes les lois, politiques et plans nationaux dans les différents ministères et dans les régions, districts et organes locaux. Le Comité encourage l’État partie à examiner et renforcer le mandat des responsables de la coordination pour les questions d’égalité des sexes dans les ministères nationaux, qui remplissent actuellement ces fonctions à titre volontaire. Il lui recommande également de développer ses programmes de sensibilisation et de renforcement des capacités concernant la Convention et l’égalité des sexes, organisés à l’intention des fonctionnaires en mettant à la disposition de tous les fonctionnaires le programme d’études sur les aspects sexospécifiques des activités des fonctionnaires, élaboré par l’Institut tadjik de formation permanente des fonctionnaires.

Tout en notant que, conformément à l’article 10 de la Constitution, les instruments internationaux acceptés par le Tadjikistan font partie intégrante de son droit national, le Comité est préoccupé par le fait qu’il ne semble pas y avoir dans la législation tadjike de base explicite pour l’adoption de mesures spéciales temporaires, ni une quelconque référence explicite à de telles mesures, quoique la loi garantissant l’égalité des droits des femmes et des hommes mentionne l’application de mesures pratiques de mise en œuvre des dispositions de cette loi en tant qu’exceptions à l’interdiction de la discrimination énoncée à l’article 3. Par ailleurs, si des quotas ont été appliqués dans quelques domaines, notamment pour certains concours de recrutement, la promotion des femmes dans les structures de l’État et l’admission des filles de régions montagneuses reculées dans des établissements d’enseignement supérieur, l’État partie n’a pas pris de mesures spéciales temporaires dans le cadre d’une politique générale visant à accélérer la réalisation de l’égalité de fait entre les hommes et les femmes dans tous les domaines couverts par la Convention.

Le Comité encourage l’État partie à préciser en droit l’application de telles mesures dans tous les domaines couverts par la Convention et la loi garantissant l’égalité des droits et à les utiliser effectivement conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale 25 du Comité.

Le Comité est préoccupé par la résurgence d’attitudes patriarcales subordonnant les femmes et de stéréotypes profondément enracinés concernant leurs rôles et responsabilités au sein de la famille et de la société, dans le contexte de la désintégration de l’ancien système politique, de la guerre civile (1992-1997) et de la pauvreté généralisée. Ces attitudes et stéréotypes constituent un frein puissant à l’application de la Convention et une cause profonde de la position défavorisée des femmes sur le marché du travail, des difficultés qu’elles rencontrent en matière d’accès aux droits fonciers, de la persistance de la polygamie, de la violence familiale et des taux élevés d’abandon scolaire des filles.

Le Comité demande à l’État partie de mettre en œuvre des mesures globales, en particulier dans les zones rurales, pour engager des changements dans la situation de subordination largement acceptée des femmes et dans l’attribution de rôles stéréotypés aux deux sexes. Ces mesures devraient comprendre notamment des campagnes de sensibilisation et d’éducation à l’intention des chefs religieux, des responsables locaux, des pères et mères de famille, des enseignants et des autorités publiques ainsi que des jeunes, garçons et filles, conformément à l’alinéa f) de l’article 2 et à l’alinéa a) de l’article 5 de la Convention. Le Comité recommande à l’État partie d’encourager les médias à donner une image positive et non stéréotypée des femmes et à promouvoir cette image ainsi que l’intérêt que présente l’égalité des sexes pour la société dans son ensemble. À cet égard, il rappelle à l’État partie l’obligation qui lui incombe en vertu du paragraphe 2 de l’article 19 de la loi garantissant l’égalité des droits, selon lequel les organes de l’État doivent publier chaque année dans les organes de presse du Tadjikistan des rapports annuels sur la façon dont ils auront appliqué la loi. Ces rapports annuels pourraient comporter un examen des mesures prises en vue d’éliminer les stéréotypes concernant les rôles des sexes.

Le Comité salue les mesures que l’État partie a prises pour lutter contre la violence à l’égard des femmes, notamment la création de 13 centres d’accueil et d’un refuge pour les victimes de la violence, la présentation du projet de loi sur la protection sociale et juridique contre la violence familiale, la création du Conseil de coordination des organes chargés de l’application des lois et l’instauration de sanctions plus sévères pour ceux qui commettent des actes de violence, quels qu’ils soient, à l’égard des femmes, mais demeure préoccupé par la prévalence de la violence familiale à l’égard des femmes et des filles.

Le Comité exhorte l’État partie à s’employer en priorité à éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes, en particulier la violence familiale, et à adopter un dispositif complet de lutte contre ce phénomène, comme il l’a préconisé dans sa recommandation générale 19. Il demande à l’État partie d’adopter sans plus tarder le projet de loi sur la protection sociale et juridique contre la violence familiale. Cette loi devrait ériger en infraction pénale la violence contre les femmes et les filles; garantir aux femmes et filles qui sont victimes de la violence la possibilité d’obtenir des réparations et de se mettre à l’abri immédiatement, ce qui suppose la possibilité d’obtenir une ordonnance de protection et l’existence d’un nombre suffisant de refuges; et prévoir des poursuites et des sanctions appropriées. Le Comité recommande que des activités de formation soient organisées à l’intention des parlementaires, des membres de l’appareil judiciaire, des fonctionnaires – en particulier ceux des organismes chargés du maintien de l’ordre – et les membres du personnel des services de santé, afin que toutes ces personnes soient sensibilisées à toutes les formes de violence qui touchent les femmes, en particulier la violence familiale, et puissent apporter aux victimes le soutien voulu. Il recommande aussi l’organisation de nouvelles campagnes de sensibilisation de la population présentant la violence à l’égard des femmes comme un phénomène inacceptable.

Le Comité salue les mesures que l’État partie a prises pour lutter contre la traite des êtres humains, notamment son adhésion au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et l’établissement d’une commission interministérielle chargée de la lutte contre la traite des êtres humains, mais trouve inquiétant que le Tadjikistan demeure un pays d’origine et de transit pour la traite des femmes et des filles. Il s’inquiète aussi de l’exploitation des femmes et des filles qui recourent à la prostitution pour subvenir à leurs besoins.

Le Comité demande à l’État partie d’appliquer effectivement son programme global de lutte contre la traite des personnes pour la période de 2006 à 2010, de veiller à l’application effective de la loi sur la traite des êtres humains et de renforcer les rapports de coopération qu’il entretient dans le cadre d’accords internationaux, régionaux et bilatéraux afin de faire encore reculer le phénomène. Il prie l’État partie de renforcer les mesures qui visent à atténuer les difficultés sociales et économiques que rencontrent les femmes, en particulier les jeunes, et de mettre en place des services de réadaptation et de réinsertion des femmes et des filles prostituées et d’aide à celles qui veulent sortir de la prostitution.

Le Comité s’inquiète qu’en dépit des dispositions de l’article 8 de la loi garantissant l’égalité des droits des hommes et des femmes, qui tendent à ce qu’il y ait autant de femmes que d’hommes sur les listes de candidats aux élections, les femmes soient peu représentées dans les organes politiques, en particulier au Parlement national. Il juge également préoccupante la pratique du vote familial, particulièrement répandue dans les zones rurales, selon laquelle un membre de la famille, généralement un homme, vote pour tous les autres. Enfin, il s’émeut de la faible représentation des femmes aux échelons supérieurs de la fonction publique et du service diplomatique.

Le Comité demande à l’État partie d’organiser des campagnes nationales de sensibilisation de la population pour faire comprendre combien il importe que les femmes participent à la vie publique et politique, et quels obstacles les femmes rencontrent dans les zones rurales. Il exhorte l’État partie à accroître le nombre de femmes qui participent à la vie publique et politique, y compris à l’échelon international. Il engage l’État partie à envisager de recourir aux mesures temporaires prévues au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et visées dans ses recommandations générales 25 et 23. Les mesures de ce type visant à accroître la représentation politique des femmes devraient être accompagnées d’objectifs assortis de délais ou de quotas. Le Comité engage l’État partie à continuer d’organiser des programmes de formation visant à ce que davantage de femmes participent activement à la vie politique, du type de ceux qu’offre la Commission centrale des élections et des référendums, et à inviter des représentants des partis politiques et d’organisations gouvernementales, ainsi que l es femmes qui souhaitent embrasser une carrière politique , à y participer. Il engage vivement l’État partie à passer en revue l’ensemble de la procédure électorale pour déterminer si certains de ses éléments pourraient s’apparenter à de la discrimination à l’égard des femmes, et à envisager d’exempter les candidates du droit d’inscription. Enfin, il exhorte l’État partie à prendre des dispositions juridiques interdisant le vote familial et à continuer de mener des campagnes d’information pour faire comprendre à la population qu’il n’est pas admissible de voter pour autrui et que le recours à cette pratique pourrait aboutir à l’invalidation des résultats des élections.

Tout en constatant que certains efforts ont été faits dans le domaine de l’éducation, notamment pour une augmentation du traitement des enseignants et grâce à des programmes de bourses d’études, le Comité est préoccupé par le fait que, en raison de nombreux facteurs, notamment une grande pauvreté et l’existence de stéréotypes culturels concernant le rôle et les responsabilités des femmes, certaines filles ne vont pas à l’école primaire, la scolarisation des filles au niveau du secondaire diminue fortement et les jeunes femmes sont peu nombreuses dans les établissements d’enseignement supérieur. Le Comité est également préoccupé par le taux élevé d’échec scolaire des filles.

Le Comité demande instamment à l’État partie d’accorder un degré de priorité plus élevé à l’éducation des femmes et des filles et de prendre immédiatement toutes les mesures appropriées, notamment des mesures spéciales temporaires conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et dans l’esprit de la recommandation générale 25 du Comité, afin d’éliminer la disparité constatée entre les taux de scolarisation des filles et des garçons et de généraliser l’enseignement primaire des filles conformément aux obligations internationales du pays en vertu de la Convention et d’autres engagements pris par le pays. Le Comité engage instamment l’État partie à remédier aux problèmes qui empêchent les filles d’aller à l’école ou de poursuivre leurs études. Le Comité recommande que l’image de l’enseignant soit améliorée par des nouvelles augmentations de traitement, mais aussi dans les médias et dans les autres instances publiques. Le Comité recommande aussi d’organiser une formation complémentaire à l’intention des enseignants pour qu’ils mettent à jour leurs connaissances et leur connaissance des méthodes d’enseignement dans le contexte actuel de l’égalité entre les sexes, de la marche vers la démocratie et des possibilités de l’économie de marché. Le Comité recommande en outre aux collectivités locales de se mobiliser en faveur de l’éducation des filles et d’organiser, avec l’aide des dirigeants communautaires et des autorités locales, des séminaires et des activités de sensibilisation afin d’aider les parents à bien comprendre l’importance de l’éducation des filles; il recommande aussi de rendre l’éducation des filles moins coûteuse et de prendre des mesures spéciales pour permettre aux filles et aux femmes qui ont quitté l’école de revenir dans le système d’enseignement, dans des classes où elles se trouveront avec d’autres femmes à peu près du même âge. Le Comité prie également l’État partie de continuer à examiner tous les manuels scolaires afin d’éliminer les stéréotypes sur le rôle des deux sexes.

En dépit des nombreuses mesures juridiques et autres visant à éliminer la discrimination à l’encontre des femmes dans l’emploi, le Comité est préoccupé par la situation des femmes sur le marché du travail, qui se caractérise par un fort taux de chômage des femmes, leur concentration dans des secteurs peu rémunérateurs tels que les soins de santé, l’enseignement et l’agriculture, ou encore dans le secteur informel, et l’écart de salaires qui en résulte entre les femmes et les hommes. Le Comité est également préoccupé par la différence entre les femmes et les hommes quant à l’âge légal de la retraite.

Le Comité engage instamment l’État partie à veiller à l’égalité des chances des femmes et des hommes sur le marché du travail en appliquant les sections pertinentes de la loi garantissant l’égalité des hommes et des femmes et la loi sur le travail. L’État partie est instamment engagé à s’efforcer d’élargir l’accès des femmes aux voies de droit et aux tribunaux, de façon à ce que les actes discriminatoires commis par des employeurs privés ou publics soient réprimés et éliminés. Le Comité encourage l’État partie à affecter à l’Inspection générale du travail, récemment créée, des ressources budgétaires et un personnel suffisant de façon que cet organisme d’État puisse adéquatement remplir ses fonctions. Le Comité recommande que les efforts actuellement menés en vue de la formation ou du perfectionnement professionnel des femmes et leur placement dans des emplois permanents et des emplois non traditionnels soient accrus par la fourniture de ressources suffisantes et la création d’institutions de formation à cet effet. Le Comité recommande aussi à l’État partie d’utiliser plus largement les mesures spéciales temporaires visées au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et découlant de la recommandation générale 25 du Comité et celles de la loi garantissant l’égalité des hommes et des femmes en appliquant des objectifs chiffrés, assortis de calendriers ou de quotas, pour élargir l’accès des filles à la formation professionnelle et veiller à ce qu’elles puissent poursuivre cette formation, notamment pour occuper des emplois non traditionnels; il faut aussi faciliter la promotion des femmes à des postes élevés du secteur public. Le Comité encourage l’État partie à poursuivre ce qu’il fait pour relever les traitements dans les secteurs où les femmes sont nombreuses, dans l’économie d’État et à donner un caractère prioritaire à ces efforts. Il recommande à l’État partie d’adopter pour les hommes et les femmes un même âge légal de la retraite, afin de donner aux uns et aux autres les mêmes possibilités, notamment l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’encontre des femmes dans l’actuel système de retraites.

Tout en prenant note des divers efforts faits par l’État partie pour améliorer les soins de santé procréative en faveur des femmes, notamment par le Plan national pour la santé de la procréation (2005-2014) et divers autres plans, la formation de sages-femmes dans les zones rurales par la création de nouveaux réseaux de planification familiale et de services de santé de la procréation, et la loi de 2006 sur l’allaitement maternel, le Comité est sérieusement préoccupé par le caractère limité de l’accès des femmes à des soins adéquats de santé, en particulier dans les zones rurales. Il est préoccupé par le niveau élevé des taux de mortalité maternelle et infantile, la faible prévalence contraceptive et le faible niveau de connaissances qu’auraient les jeunes filles au sujet du VIH et du sida.

Le Comité recommande à l’État partie de continuer à recevoir l’aide d’organismes internationaux, si nécessaire, pour prendre des mesures tendant à améliorer l’accès des femmes aux soins de santé en général et aux soins de santé de la procréation en particulier. Il appelle l’État partie à accroître les efforts qu’il fait pour rendre plus largement disponibles et accessibles les services de soins de santé sexuelle et procréative, notamment la planification familiale, de mobiliser des ressources à cet effet et de suivre l’accès effectif des femmes à ces services. Le Comité recommande en outre qu’une éducation en matière de planification familiale et de procréation soit dispensée largement à l’intention tant des filles que des garçons, l’accent étant mis en particulier sur la prévention des grossesses précoces chez les filles n’ayant pas atteint l’âge du mariage et sur la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles et le sida. Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport de nouvelles informations, en particulier sur les tendances au fil des ans, et sur le cycle de vie des femmes, sur la santé générale des femmes et leur santé procréative, et en y incluant les taux et les causes de morbidité et de mortalité des femmes, comparés à ceux des hommes, et en particulier le taux de mortalité maternelle, les taux de prévalence contraceptive, l’espacement des naissances, les maladies qui frappent les femmes et les filles en particulier diverses formes de cancer, et une information mise à jour sur les efforts que consent l’État partie pour améliorer l’accès des femmes aux services de soins de santé, comme les services de planification familiale et les services de prévention et de traitement des cancers. Le Comité prie également l’État partie de faire figurer dans son rapport des informations sur les moyens de suivi et d’évaluation qui sont en place pour suivre l’application des politiques de santé publique.

Le Comité est préoccupé par la situation des filles et des femmes dans les zones rurales en ce qui concerne leur accès à des soins de santé appropriés, à l’éducation et à l’emploi. Il est aussi préoccupé par la situation vulnérable des femmes devenues veuves à la suite de la guerre civile, des femmes dont les maris ont émigré pour trouver du travail et d’autres femmes célibataires chefs de famille. Il note avec préoccupation que les femmes ne connaissent pas leurs droits en matière de propriété et de mariage et s’inquiète de l’impact négatif des stéréotypes concernant les rôles et activités des femmes car ils ont une incidence négative sur l’accès des femmes à la propriété foncière, à la gestion des exploitations et à la commercialisation de produits fermiers.

Le Comité demande instamment à l’État partie de faire des efforts particuliers pour protéger et garantir les droits des femmes vivant en zone rurale, notamment des femmes célibataires chefs de famille, en matière de propriété foncière, de gestion des terres et de commercialisation des produits en assurant une formation aux questions juridiques, à la gestion et au commerce, et en simplifiant, à leur intention, le processus d’enregistrement des exploitations agricoles privées. Il encourage l’État partie à modifier les rôles stéréotypés des hommes et des femmes en organisant des campagnes de sensibilisation visant les chefs de communauté, les chefs religieux, les enseignants, les parents, les filles et les garçons. L’État partie est également encouragé à permettre aux femmes rurales de participer à la prise de décisions aux niveaux local, régional et national grâce à la formation. Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport des données ventilées par sexe et des informations relatives à la situation de fait des femmes rurales de tous âges en ce qui concerne la propriété foncière, les activités productrices de revenu, la santé et l’éducation, ainsi que des renseignements sur les mesures concrètes qui sont prises et sur les résultats obtenus.

Le Comité est préoccupé par le nombre de plus en plus élevé de femmes dans des unions monogames conclues à l’issue de simples cérémonies religieuses dépourvues de tout effet juridique et pour lesquelles l’enregistrement à l’état civil n’est pas demandé pour toutes sortes de raisons. Le Comité est également préoccupé par le fait que les unions polygames ne sont pas rares, bien qu’étant interdites par la loi, et que la deuxième veuve et les veuves suivantes n’ont aucun droit en matière de propriété, d’héritage ni de pension alimentaire. Il est également préoccupé par le fait que l’âge légal du mariage au Tadjikistan a été abaissé à 17 ans.

Le Comité exhorte l’État partie à redoubler d’efforts pour interdire et empêcher les unions non enregistrées en organisant des campagnes de sensibilisation sur les effets négatifs de ces unions au regard des droits des femmes, en améliorant l’accès aux bureaux d’enregistrement et en abaissant les droits d’enregistrement. Il encourage l’État partie à réexaminer les dispositions légales et administratives afin d’empêcher la célébration d’unions religieuses sans qu’il ait été vérifié qu’un mariage civil avait été enregistré au préalable. Le Comité recommande en outre que l’État partie coopère avec les khukumats (organes exécutifs locaux) et les jamoats (organes administratifs) pour donner au public une image positive des règles juridiques relatives à l’enregistrement des mariages. Il demande en outre instamment que l’État partie s’efforce d’éliminer les causes qui conduisent aux unions polygames et élabore des stratégies visant les parents et les chefs religieux pour empêcher ces unions. Il l’encourage à réexaminer son droit pénal afin de sanctionner aussi ceux qui procèdent à ces unions. Le Comité demande instamment à l’État partie, tout en sachant que la loi interdit les unions polygames, d’examiner la situation vulnérable de la deuxième veuve et des veuves suivantes dans ces unions telles qu’elles se pratiquent, afin de garantir les droits économiques de ces femmes. Il lui demande aussi de rétablir à 18 ans l’âge minimum légal du mariage pour les femmes et les hommes, comme prévu par la recommandation générale 21 du Comité et à la Convention sur les droits de l’enfant.

Bien que le droit de la famille, au Tadjikistan, soit conforme aux principes de la Convention, le Comité constate avec inquiétude que les mariages forcés continuent à avoir lieu dans le contexte de pratiques culturelles traditionnelles et que les épousées n’ont pas toujours atteint l’âge légal du mariage. Le Comité est en outre préoccupé par la situation vulnérable des émigrées mariées de force dans des pays d’accueil.

Le Comité exhorte l’État partie à faire respecter l’interdiction du mariage forcé, à coopérer aux niveaux bilatéral et sous-régional pour lutter contre les mariages forcés de femmes tadjikes en dehors des frontières et à prendre les dispositions voulues pour leur réadaptation et leur réintégration sociale.

Le Comité note que le rapport ne contenait pas d’informations ni de statistiques sur les groupes particulièrement vulnérables, notamment les femmes âgées et les femmes handicapées, qui sont souvent victimes de multiples formes de discrimination.

Le Comité demande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport, une vue globale de la situation de fait des catégories vulnérables, notamment les femmes âgées et les femmes handicapées, dans tous les domaines visés par la Convention.

Le Comité prie l’État partie d’associer l’ oblast , le rayon et les autorités locales à l’élaboration des rapports périodiques futurs en application de l’article 18 de la Convention et à la mise en application des conclusions finales du Comité. Il recommande en outre la tenue de consultations systématiques et continues avec un large éventail d’organisations non gouvernementales de femmes sur toutes les questions relatives à la promotion de l’égalité des sexes, y compris en ce qui concerne la suite à donner aux conclusions finales du Comité et l’élaboration des rapports.

Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif relatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à accepter, dès que possible, la modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le calendrier des réunions du Comité.

Le Comité demande instamment à l’État partie, lorsqu’il s’acquitte de ses obligations en vertu de la Convention, d’exploiter pleinement la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie de faire figurer des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité souligne également que la Convention doit être appliquée intégralement et effectivement pour que les objectifs du Millénaire pour le développement puissent être atteints. Il demande que toutes les mesures et initiatives visant ces objectifs s’intègrent à une démarche tenant compte des sexospécificités et prennent explicitement en considération la Convention et prie l’État partie de faire figurer les informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées au Tadjikistan afin que la population, y compris les fonctionnaires, les responsables politiques, les parlementaires, les organisations de femmes et les organisations de défense des droits de l’homme, soit informée des mesures qui ont été prises pour assurer l’égalité de droit et de fait des femmes, et des mesures qu’il reste à prendre à cet égard. Le Comité prie l’État partie de continuer à diffuser largement, en particulier auprès des organisations de femmes et des organisations de défense des droits de l’homme, le texte de la Convention et de son Protocole facultatif, des recommandations générales du Comité, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing et les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale, intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle ».

Le Comité prie l’État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes conclusions finales dans le prochain rapport périodique qu’il établira en application de l’article 18 de la Convention. Il l’invite à présenter son quatrième rapport périodique, qu’il devait soumettre en novembre 2006, et son cinquième rapport périodique, qu’il doit soumettre en novembre 2010, dans un rapport unique en 2010.