* Adopté par le Comité à sa soixante-troisième session (15 février-4 mars 2016).

Observations finales concernant les septième et huitième rapports périodiques, présentés en un seul document, de la République-Unie de Tanzanie *

Le Comité a examiné les septième et huitième rapports périodiques de la République-Unie de Tanzanie (CEDAW/C/TZA/7-8) à ses 1391e et 1392e séances, le 26 février 2016 (voir CEDAW/C/SR.1391 et 1392). La liste de points et de questions du Comité figure dans le document CEDAW/C/TZA/Q/7-8 et les réponses de la République-Unie de Tanzanie figurent dans le document CEDAW/C/TZA/Q/7‑8/Add.1.

A.Introduction

Le Comité se félicite de la présentation par l’État partie de ses septième et huitième rapports périodiques, présentés en un seul document. Il se félicite également des réponses écrites de l’État partie à la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail présession, et accueille avec satisfaction l’exposé oral de la délégation et les précisions supplémentaires données en réponse aux questions posées oralement par le Comité au cours de l’échange de vues.

Le Comité rend hommage à la délégation de l’État partie, dirigée par le Représentant permanent de la République-Unie de Tanzanie auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève, Modeste J. Mero, et composée de représentants du Ministère de la santé, du développement communautaire, de la condition féminine, des personnes âgées et des enfants (Tanzanie continentale) et du Ministère de l’autonomisation, de la protection sociale, de la jeunesse, des femmes et des enfants (Zanzibar).

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen en 2008 des quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques, présentés en un seul document, de l’État partie (CEDAW/C/TZA/6), en ce qui concerne la réforme législative, et relève en particulier l’adoption des lois suivantes :

a)Loi sur la prévention et la gestion du VIH/sida (Zanzibar, 2013) et loi sur la prévention et la maîtrise du VIH et du sida (Tanzanie continentale, 2008);

b)Loi générale sur les personnes handicapées et son règlement d’application (Tanzanie continentale, 2012);

c)Loi sur les enfants (Zanzibar, 2011) et loi relative aux droits de l’enfant (Tanzanie continentale, 2009);

d)Règlement sur les élections nationales (présidentielles et parlementaires) (2010);

e)Loi sur la lutte contre la traite d’êtres humains (Tanzanie continentale, 2008) et ses règlements d’application nos 27 et 28 (2015).

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et général en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, par exemple, l’adoption ou la mise en place de ce qui suit :

a)Le Comité national sur la violence faite aux femmes, aux enfants et aux personnes atteintes d’albinisme;

b)La Stratégie nationale relative à la santé procréative des adolescents (2011-2015);

c)La politique sur l’éducation et la formation (2014) et la Stratégie nationale sur l’éducation pour tous (2009-2017);

d)Le Comité national contre la violence sexiste (Zanzibar) et la feuille de route sur la violence à l’égard des enfants et la violence sexiste (2014-2016);

e)La Stratégie nationale d’intégration de la problématique du handicap (2010-2015) et la politique sur le handicap (Zanzibar, 2010).

Le Comité se félicite de la ratification, en 2009, par l’État partie de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et du Protocole facultatif s’y rapportant.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Assemblée nationale

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif dans la pleine application de la Convention (voir la déclaration faite par le Comité sur ses relations avec les parlementaires, adoptée à la quarante-cinquième session, en 2010). Il invite l’Assemblée nationale, conformément à son mandat, à prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les observations finales d’ici la présentation du prochain rapport au titre de la Convention.

Définition de la discrimination et cadre législatif

Le Comité fait remarquer que, en vertu du paragraphe 5 de l’article 13 de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie de 1977, tel que modifié, la discrimination sexiste est interdite, et que le paragraphe 5 de l’article 12 de la Constitution de Zanzibar de 1984, tel que modifié, fait également mention de discrimination liée au sexe. Il s’inquiète néanmoins (voir CEDAW/C/TZA/CO/6, par. 13) que la définition constitutionnelle de la discrimination ne soit toujours pas conforme à celle qui figure aux articles 1 et 2 de la Convention, qui en interdit toute forme, directe ou indirecte, dans les sphères publiques et privées. Il regrette le report sine die du référendum national sur une nouvelle constitution qui prévoit, entre autres, l’interdiction explicite de toute discrimination directe et indirecte à l’égard des femmes au paragraphe 2 de son article 33 et à l’alinéa b) de son article 54.

Le Comité appelle l ’ État partie à modifier la Constitution ou toute autre loi pertinente de manière à y incorporer une définition et une interdiction de la discrimination directe et indirecte sexuelle ou sexiste dans les sphères publiques et privées, conformément aux articles 1 et 2 de la Convention. Il recommande à l ’ État partie d ’ envisager dès que possible la tenue d ’ un référendum national sur le projet de constitution.

Le Comité note que l’État partie a adopté une législation antidiscriminatoire dans le cadre des travaux de la Commission de la réforme législative. Il note avec préoccupation, cependant, que tous les autres examens législatifs ont été mis en suspens en attendant la finalisation du processus de révision de la Constitution. Il constate en particulier avec préoccupation que :

a)Les dispositions de la Convention n’ont pas encore été pleinement incorporées dans le système juridique national et ne peuvent donc pas être directement appliquées par les tribunaux;

b)Certaines dispositions du droit statutaire et du droit coutumier, telles que la loi sur le mariage (1971), l’ordonnance (déclaration) du droit coutumier local (1963), le Code pénal, la loi sur la nationalité tanzanienne (1995) et les lois sur les successions, contiennent toujours des dispositions discriminatoires qui sont incompatibles avec la Convention;

c)Le droit coutumier et le droit religieux n’ont pas été entièrement harmonisés avec le droit statutaire ni n’ont été alignés sur les dispositions de la Convention.

Le Comité recommande à l ’État partie :

a) De veiller à ce que les dispositions de la Convention soient dûment incorporées dans le droit national et soient directement applicables par les tribunaux;

b) D ’ accélérer son processus d ’ examen de la loi pour faire en sorte que toutes les lois discriminatoires, en particulier la loi sur le mariage (1971), l ’o rdonnance ( d éclaration) du droit coutumier local (1963), le Code pénal, la loi sur la nationalité tanzanienne (1995) et les lois sur les successions soient abrogées ou modifiées de manière à les mettre en conformité avec la Conven tion;

c) D ’ harmoniser sans attendre le droit coutumier et le droit religieux avec le droit statutaire et de veiller à les aligner sur les dispositions de la Convention.

Accès à la justice et assistance juridique

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour améliorer l’accès des femmes à la justice, y compris la création en Tanzanie continentale d’un secrétariat d’assistance juridique dans le cadre du programme de réforme du secteur juridique pour coordonner les activités d’assistance juridique et la désignation de parajuristes dans chaque circonscription de Zanzibar chargés de fournir cette assistance aux femmes dépourvues de ressources suffisantes. Il est toutefois préoccupé par le fait que les femmes continuent de se heurter à de nombreux obstacles pour accéder à la justice, notamment l’inaccessibilité des tribunaux, les frais de justice et leur manque de connaissances juridiques, en particulier dans les zones rurales. Il s’inquiète en particulier du fait que les mécanismes judiciaires coutumiers auxquels les femmes ont recours le plus souvent ne tiennent pas compte des disparités entre les sexes et continuent d’appliquer des dispositions discriminatoires. Le Comité note avec préoccupation le retard dans l’adoption du projet de loi sur l’assistance juridique en Tanzanie continentale et d’une politique nationale relative à l’assistance juridique à Zanzibar.

Rappelant sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que les femmes aient un accès effectif à la justice sur tout le territoire de l ’ État partie, en créant des tribunaux, notamment des tribunaux itinérants, et en s ’ attachant à dispenser aux femmes des notions élémentaires de droit, à mieux les informer de leurs droits, à leur fournir une assistance juridique et à faire en sorte que les frais soient réduits pour les femmes disposant d ’ un faible revenu et qu ’ ils soient annulés pour celles qui vivent dans la pauvre té;

b) D ’ adopter une législation qui régira les relations entre les mécanismes judiciaires formels et coutumiers et de renforcer les mesures visant à conformer les systèmes judiciaires coutumiers aux dispositions de la Convention, notamment par une formation appropriée sur l ’ égalité des sexes et le renforcement des capacités des aut orités judiciaires coutumières;

c) D ’ accélérer l ’ adoption du projet de loi sur l ’ assistance juridique sur le continent et d ’ une politique nationale relative à l ’ assistance juridique à Zanzibar, et de fournir des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour assurer leur mise en œuvre effective, en accordant une attention particu lière aux régions reculées;

d) De suivre et d ’ évaluer l ’ impact de l ’ action menée pour améliorer l ’ accès à la justice des femmes, notamment des mécanismes judiciaires coutumiers tenant compte des disparités entre les sexes.

Mécanisme national pour la promotion de la femme et l’intégration de la lutte contre les inégalités entre les sexes

Le Comité note que la capacité institutionnelle du mécanisme national pour la promotion de la femme a été renforcée grâce à la mise en place de macrogroupes de travail sur l’intégration de la lutte contre les inégalités entre les sexes en Tanzanie continentale et à Zanzibar. Il note également une augmentation des allocations budgétaires destinées au Ministère de la santé, au Ministère du développement communautaire, de l’égalité des sexes, des personnes âgées et de l’enfance (en Tanzanie continentale) et au Ministère de l’autonomisation, de la protection sociale, de la jeunesse, de la condition féminine et de l’enfance (à Zanzibar). Le Comité constate toutefois avec préoccupation que ces ministères continuent de souffrir d’un manque de ressources humaines, techniques et financières pour coordonner efficacement l’intégration de la lutte contre les inégalités entre les sexes dans tous les domaines et à tous les niveaux du Gouvernement. Il note également avec préoccupation le retard dans l’adoption d’une politique nationale en matière d’égalité des sexes en Tanzanie continentale et d’une politique analogue à Zanzibar. Il est en outre préoccupé par l’absence de mécanismes de suivi et d’évaluation de l’impact des travaux du mécanisme national.

Le Comité demande à l ’ État partie :

a) De renforcer son mécanisme national de promotion de la femme en définissant clairement la mission et les responsabilités de ses différentes composantes, en renforçant la coopération et la coordination entre elles et avec la société civile et en veillant à ce que le mécanisme national soit doté de l ’ autorité voulue et des ressources humaines et financières nécessaires pour lui permettre d ’ œuvrer efficacement à la p romotion des droits des femmes;

b) De faire en sorte qu ’ une part cohérente et progressive du budget national soit allouée au mécanisme national;

c) De veiller à ce que le mécanisme national soit représenté aux niveaux régional et local, en particu lier dans les régions reculées;

d) D ’ assurer l ’ adoption rapide et la mise en œuvre efficace d ’ une politique nationale en matière d ’ égalité entre les sexes en Tanzanie continentale et d ’ une politique analogue à Zanzibar.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité se félicite du fait que la Constitution exige que la Chambre des représentants de Zanzibar soit composée de 40 % de femmes et l’Assemblée nationale de 30 %. Il note que la loi foncière de 1999 exige que, sur les cinq ou sept membres siégeant aux conseils de village, trois soient des femmes. Il est néanmoins préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas suffisamment recours aux mesures temporaires spéciales pour accélérer la participation pleine et égale des femmes dans des domaines tels que l’éducation et l’emploi.

Le Comité recommande à l ’ État partie de recourir plus souvent aux mesures temporaires spéciales, notamment aux quotas, dans tous les domaines visés par la Convention dans lesquels les femmes sont sous-représentées ou désavantagées. Ces mesures devraient comporter des objectifs et des calendriers d ’ exécution précis, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité (2004) sur les mesures temporaires spéciales, afin de garantir l ’ instauration d ’ une égalité de fait entre les hommes et les femmes. L ’ État partie devrait évaluer les effets de ces mesures et mettre ses conclusions, notamment les statistiques ventilées par sexe, à la disposition du Comité et du grand public.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité note que l’État partie a pris diverses mesures, y compris l’adoption d’une législation, afin d’accélérer l’élimination des pratiques préjudiciables et les stéréotypes sexistes qui sont discriminatoires à l’égard des femmes. Il se déclare néanmoins profondément préoccupé par :

a)La persistance de normes et de pratiques culturelles néfastes et d’attitudes patriarcales profondément enracinées quant aux rôles et responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société;

b)L’incidence élevée de pratiques néfastes telles que le mariage d’enfants ou le mariage forcé, les mutilations génitales féminines (dans certaines régions), la polygamie, la « purification des veuves », l’héritage des veuves, les rites d’initiation, les cérémonies destinées aux filles qui entraînent des abus, le meurtre de femmes âgées accusées de sorcellerie, la pratique consistant à prescrire des rapports sexuels avec des filles ou des femmes atteintes d’albinisme comme un remède contre le VIH, les meurtres et les attaques rituels sur les personnes atteintes d’albinisme, y compris les femmes et les filles, l’utilisation de certaines parties de leur corps pour les besoins de la sorcellerie et la stigmatisation et l’exclusion sociale des mères ayant des enfants atteints d’albinisme.

Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) D ’ adopter rapidement, conformément à l ’ alinéa b) de l ’ article 5 de la Convention, une stratégie globale pour éliminer les stéréotypes discriminatoires relatifs aux rôles et aux responsabilités des femmes et des hommes dans la société et dans la famille, ainsi que les pratiques néfastes et discriminatoires à l ’ égard des femmes, et de créer un environnement favorisant l ’ exercice par les femmes de leurs droits fondamentaux. La stratégie devrait comprendre des programmes complets d ’ éducation et de sensibilisation s ’ adressant aux femmes et hommes de toutes les conditions et plus particulièrement aux chefs coutumiers. L ’ État partie devrait également suivre et évaluer régulièrement les inci dences de ses mesures;

b) De mettre en œuvre de manière efficace, conformément à la recommandation générale n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et à l ’ observation générale n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant sur les pratiques néfastes (2014), les dispositions légales existantes interdisant les pratiques néfastes, en veillant à ce que toutes ces pratiques, y compris celles énoncées à l ’ alinéa b) du paragraphe 18 ci-dessus, fassent l ’ objet d ’ enquêtes et soient dûment réprimées et que les victimes aient accès à des voies de recours efficaces et à des mécanismes de protection adéquats. L ’ État partie devrait également adopter de nouvelles dispositions légales, si nécessaire.

Le Comité note le Plan national de lutte contre les mutilations génitales féminines (2001-2015), la criminalisation des mutilations génitales féminines pratiquées sur les filles de moins de 18 ans, la création d’un secrétariat national sur l’élimination des mutilations génitales féminines et l’intensification des programmes et des campagnes d’éducation, de formation et de sensibilisation. Il note également les récentes initiatives de collaboration avec les chefs coutumiers et leurs communautés visant à dénoncer les mutilations génitales féminines et à préconiser une nouvelle approche tenant compte du symbolisme des rites de passage que doivent subir les enfants. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)La prévalence des mutilations génitales féminines dans certaines régions, en particulier dans les collectivités rurales et traditionnelles;

b)L’application laxiste de la loi interdisant les mutilations génitales féminines;

c)Les rapports selon lesquels des fillettes, y compris des bébés, et des femmes qui accouchent subissent de plus en plus des mutilations génitales;

d)Le fait qu’il est toujours légal pour les femmes de plus de 18 ans de subir des mutilations génitales féminines.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De mettre en œuvre la législation en vigueur interdisant la pratique des mutilations génitales féminines et d ’ adopter de nouvelles lois en tant que de besoin en vue d ’ éliminer complètement cette pratique préjudiciable, notamment dans le ca s des femmes de plus de 18 ans;

b) De veiller à ce que tous les cas de mutilations génitales féminines fassent rapidement l ’ objet d ’ enquêtes et de poursuites, que les auteurs et les complices soient dûment punis et que les victimes aient accès au x services sociaux et médicaux;

c) De prendre des mesures urgentes pour éliminer la tendance récente qui consiste à pratiquer ces mutilations sur des nouve au-nées;

d) D ’ élaborer et d ’ adopter un nouveau plan d ’ action national pour l ’ élimination des mutilations génitales féminines et de renforcer les programmes de sensibilisation et d ’ éducation destinés tant aux femmes qu ’ aux hommes, en coopération avec la société civile, en vue d ’ éliminer les mutilations génitales féminines et les croyances culturelles qui justifient ces pratiques;

e) De continuer à collaborer avec les chefs coutumiers et leurs communautés afin de dénoncer les mutilations génitales féminines et préconiser une nouvelle approche tenant compte du symbolisme des rites de passage que doivent subir les enfants , et de mettre au point des programmes de reconversion à l ’ intention des personnes qui exercent cette activité pour gagner leur vie.

Violence à l’égard des femmes

En dépit des mesures prises pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes, comme l’élaboration et la mise en œuvre du plan d’action national pour la prévention et la répression de la violence contre les femmes et les enfants (2001-2015) en Tanzanie continentale et à Zanzibar et la mise en place de bureaux spécifiques dans les principaux postes de police sur tout le territoire de l’État partie pour traiter les affaires impliquant des femmes et des enfants victimes de sévices, le Comité se déclare vivement préoccupé par :

a)Les nombreux cas de violence à l’égard des femmes, notamment la violence sexuelle et familiale;

b)L’absence de loi générale érigeant en infraction toutes les formes de violence à l’égard des femmes et prévoyant l’aide aux victimes;

c)L’absence de dispositions spécifiques sur la violence familiale, y compris le viol conjugal, dans le Code pénal;

d)L’impunité pour les auteurs de ces actes de violence et la réticence des filles victimes de violence sexuelle à signaler à la police les sévices subis par crainte d’une stigmatisation sociale;

e)L’insuffisance des services de protection, de soutien et de réadaptation mis à la disposition des femmes et des filles victimes d’actes de violence.

Rappelant sa recommandation générale n o 19 sur la violence à l ’ égard des femmes (1992), le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) D ’ accélérer l ’ adoption d ’ une loi générale pour prévenir, combattre et réprimer toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes, ainsi que d ’ un nouveau plan d ’ action national pour combattre la violence à l ’ égard des femmes, et de veiller à ce que des ressources humaines, techniques et financières suffisantes leur soient allouées pour en permettre la mise en œuvre, le suivi et l ’ évaluat ion systématiques et efficaces;

b) D ’ ériger expressément la violence familiale en infraction, y compris le viol conjugal, et de veiller, en droit et dans la pratique, à ce que les critères de preuve dans le cadre des affaires pénales relatives aux infractions sexuelles ne conduisent pas à l ’ impunité pour les auteurs de tels actes;

c) D ’ encourager les femmes à signaler les incidents de violence, notamment la violence familiale, aux forces de l ’ ordre, de lutter contre la stigmatisation des victimes, d ’ introduire des programmes de renforcement des capacités à l ’ intention des juges, des procureurs, des agents de police et d ’ autres responsables de l ’ application des lois quant à la stricte application des dispositions pénales relatives à la violence à l ’ égard des femmes et de sensibiliser le grand public à la n ature criminelle de tels actes;

d) De veiller à ce que tous les cas de violence à l ’ égard des femmes fassent l ’ objet d ’ enquêtes approfondies et efficaces, notamment en faisant davantage appel à des méthodes et technologies médicolégales modernes, et de faire en sorte que les coupables soient poursuivis d ’ of fice et punis comme il se doit;

e) De renforcer les services offerts aux femmes victimes de violence, notamment en mettant en place des refuges sur tout le territoire de l ’ État partie, et de veiller à ce que des programmes de réadaptation et de réinsertion psychosociale soient disponibles.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité se félicite de l’adoption des règlements relatifs à la mise en œuvre de la loi contre la traite d’êtres humains (2008) et du Plan national de lutte contre la traite d’êtres humains (2013-2017), ainsi que de la création d’un comité consultatif national. Il est néanmoins préoccupé par :

a)La persistance de la traite et de l’exploitation sexuelle des femmes et des filles dans le pays et les rapports faisant état de la traite des filles aux fins de travaux domestiques et d’exploitation sexuelle;

b)L’insuffisance des ressources allouées à la mise en œuvre du Plan national de lutte contre la traite d’êtres humains (2013-2017), en particulier pour ce qui est du soutien aux victimes d’exploitation et de la traite;

c)La méconnaissance de la loi et l’insuffisance de la protection et de l’assistance apportées aux victimes;

d)Les différentes formes de discrimination à l’égard des femmes prostituées et les sanctions pénales dont elles sont passibles et le nombre insuffisant de programmes à l’intention de celles qui souhaitent quitter la prostitution.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre effectivement en œuvre la loi sur la traite d ’ êtres humains (2008) et le Plan national de lutte contre la traite d ’ êtres humains (2013-2017), notamment en prévoyant des ressources humaines et financières suffisantes;

b) De redoubler d ’ efforts pour renforcer les capacités spécialisées des magistrats, des procureurs, des agents de police dans la lutte contre la traite des enfants, en particulier ceux qui travaillent dans les bureaux préposés aux femmes et aux enfants, ainsi que des autres responsables de l ’ application des lois, des travailleurs sociaux et d ’ autres professionnels compétents, de veiller à ce que les moyens de renforcement des capacités soient disponibles sur tout le territoire de l ’ État partie et de renforcer les programmes de sensibilisation à la traite, en particulier dans les zones rurales, frontalières et défavorisées;

c) De mettre en place des mécanismes appropriés d ’ identification rapide des victimes de la traite, ainsi que des services d ’ orientation et d ’ accompagnement, notamment en leur assurant un accès à des refuges et en leur procurant une assistance juridique, médicale et psychosociale adaptée;

d) D ’ intensifier les efforts de coopération bilatérale, régionale et internationale, notamment l ’ échange d ’ informations, en vue de prévenir la traite et de faciliter les procédures visant à poursuivre les auteurs;

e) D ’ étudier les causes profondes de la traite des femmes et des filles et de l ’ exploitation de la prostitution et d ’ y remédier;

f) De veiller à ce que les trafiquants et les autres acteurs impliqués dans l ’ exploitation de la prostitution soient poursuivis en justice et punis comme il se doit;

g) D ’ abroger les dispositions discriminatoires du Code pénal et d ’ éliminer les pratiques discriminatoires à l ’ égard des femmes prostituées, notamment en matière d ’ accès aux services de santé;

h) D ’ instituer des mesures visant à dissuader la demande de prostitution et de mettre en place des programmes pour les femmes qui souhaitent sortir de la prostitution, notamment en leur proposant d ’ autres moyens de gagner leur vie;

i) D ’ assurer le suivi et l ’ évaluation systématiques de l ’ impact de l ’ ensemble des mesures prises.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité se félicite du succès de la mise en œuvre de mesures temporaires spéciales, telles que les sièges de parlementaires réservés aux femmes, ce qui a entraîné une forte augmentation de la représentation des femmes à l’Assemblée nationale (36,6 %) à la suite des récentes élections. Il note également avec satisfaction la forte représentation des femmes au sein du Gouvernement (32,3 %). Il est toutefois préoccupé par la faible représentation des femmes aux postes de prise de décisions au niveau local et aux postes de direction et dans les conseils de surveillance des entreprises.

Le Comité demande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour renforcer la participation des femmes à la vie politique et publique. En particulier, il recommande à l ’ État partie :

a) D ’ accélérer l ’ adoption de mesures, y compris de mesures temporaires spéciales, comme les quotas, pour renforcer la représentation des femmes aux postes de prise de décisions au niveau local et aux postes de direction et dans les conseils de surveillance des entreprises;

b) D ’ introduire des quotas d ’ au moins 40 % de femmes dans tous les organes de prise de décisions élus et non élus aux niveaux national et local et d ’ adopter d ’ autres mesures temporaires spéciales telles que le système de parité pour accélérer la nomination et le recrutement de femmes à des postes de haut niveau, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité;

c) D ’ intensifier les campagnes visant à sensibiliser la classe politique, les journalistes, les enseignants et le grand public à l ’ importance de la participation des femmes à la prise de décisions pour leur faire prendre davantage conscience qu ’ une participation pleine, égale, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique au même titre que les hommes, est indispensable à la mise en œuvre intégrale de la Convention;

d) De continuer d ’ offrir aux femmes des cours de formation aux fonctions d ’ encadrement, à l ’ organisation d ’ une campagne et au renforcement des moyens d ’ action, afin de les préparer à briguer des postes dans l ’ administration publique.

Nationalité

Le Comité est préoccupé par les dispositions discriminatoires de la loi sur la citoyenneté tanzanienne (1995) en ce qui concerne l’aptitude des femmes tanzaniennes à transmettre leur nationalité à leurs conjoints étrangers.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de s ’ employer rapidement à modifier la loi pour faire en sorte que les femmes et les hommes jouissent de droits égaux dans l ’ acquisition, le changement, le transfert et la conservation de la nationalité. L ’ État partie devrait en outre envisager d ’ adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie.

Éducation

Le Comité se félicite de la parité entre les sexes qui existe au niveau de l’enseignement primaire. Il se félicite également de l’adoption, en 2014, par le Ministère de l’éducation et de la formation professionnelle d’une nouvelle politique d’éducation et de formation qui prévoit l’égalité d’accès et des chances pour les garçons et les filles à l’éducation et à la formation. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)La persistance d’obstacles structurels et autres à l’accès des filles à une éducation de qualité, en particulier dans l’enseignement secondaire et tertiaire, en raison notamment de l’insuffisance des crédits alloués au secteur, entraînant un manque d’infrastructures scolaires, y compris d’installations sanitaires adéquates, une pénurie d’enseignants, un cadre peu propice à l’apprentissage et un matériel didactique désuet, en particulier dans les zones rurales;

b)L’absence de dispositions explicites dans la législation relative à l’éducation en vigueur en Tanzanie continentale interdisant l’expulsion des filles enceintes de l’école et la persistance de la pratique visant à soumettre les filles à des tests de grossesse obligatoires comme une condition préalable à leur admission à l’école, et à les expulser si le résultat est positif;

c)L’accent mis sur la présentation de cours d’éducation complets en matière de santé sexuelle et procréative uniquement au niveau primaire et l’assimilation de ces connaissances dans le cadre de cours se rapportant à des disciplines telles que l’éducation civique, la biologie et les sciences;

d)Les rapports d’actes de violence et d’exploitation sexuelles perpétrés par des enseignants et l’absence d’enquêtes disciplinaires ou pénales et de poursuites intentées contre des enseignants en cas d’inconduite.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ accroître les budgets alloués à l ’ éducation pour la construction de nouveaux établissements scolaires, en particulier dans les zones rurales, et de redoubler d ’ efforts pour améliorer la qualité de l ’ éducation, notamment en veillant à ce que l ’ augmentation du nombre d ’ inscriptions aille de pair avec la fourniture d ’ installations d ’ enseignement et d ’ apprentissage essentielles, telles que des installations sanitaires adéquates, et en augmentant le nombre d ’ enseignants, plus particulièrement d ’ enseignantes qualifiées;

b) D ’ introduire, sans attendre, aux niveaux primaire et secondaire, un programme adapté à l ’ âge sur les droits et la santé en matière de sexualité et de procréation et le comportement sexuel responsable et veiller à ce qu ’ il soit offert comme matière à part entière par des enseignants ayant reçu une formation adéquate;

c) D ’ achever et adopter rapidement la directive sur le processus de réintégration à entreprendre pour permettre aux filles qui tombent enceintes au cours de leur scolarité et aux mères adolescentes de poursuivre leurs études dans le système général, notamment en luttant contre la stigmatisation qui frappe les jeunes mères lorsqu ’ elles retournent à l ’ école, et de mettre un terme à la pratique visant à soumettre les filles à des tests de grossesse obligatoires au début de l ’ année scolaire comme condition préalable à l ’ admission et à expulser les filles enceintes;

d) De mettre en œuvre une politique de tolérance zéro en ce qui concerne toutes les formes de violence à l ’ égard des enfants, en particulier des filles, dans les écoles, y compris l ’ exploitation sexuelle, l ’ intimidation et le harcèlement .

Emploi

Le Comité demeure préoccupé par la persistance de la discrimination à l’égard des femmes sur le marché du travail, en particulier :

a)Le taux élevé de jeunes femmes sans emploi et leur marginalisation du marché de l’emploi structuré;

b)La persistance de la ségrégation professionnelle horizontale et verticale et de la surreprésentation des femmes dans les emplois mal rémunérés;

c)La non-application du principe du salaire égal pour un travail de valeur égale et l’écart persistant entre les salaires des hommes et des femmes;

d)Le manque d’information concernant les inspections du travail sur les conditions de travail des femmes, en particulier dans les secteurs privé et non structuré.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter des mesures efficaces, y compris des interventions préalables liées au marché du travail, des initiatives directes de création d ’ emplois, ainsi qu ’ une formation pour les jeunes femmes afin de faciliter leur entrée sur le marché du travail;

b) D ’ adopter des mesures efficaces, notamment une formation professionnelle, des mesures d ’ incitation encourageant les femmes à travailler dans des domaines non traditionnels et des mesures temporaires spéciales, pour assurer une égalité des chances effective entre les femmes et les hommes sur le marché du travail et éliminer la ségrégation professionnelle, tant horizontale que verticale, dans les secteurs public et privé;

c) D ’ adopter des mesures visant à assurer une application efficace du principe du salaire égal pour un travail de valeur égale et à réduire puis éliminer les écarts de rémunération entre les sexes, notamment en appliquant des méthodes analytiques non sexistes de classement et d ’ évaluation des emplois et en réalisant périodiquement des enquêtes sur les salaires;

d) De mettre en place et fournir les ressources humaines et financières nécessaires aux inspections du travail afin de surveiller et sanctionner les pratiques discriminatoires à l ’ égard des femmes dans le domaine de l ’ emploi, en particulier dans les secteurs privé et non structuré;

e) De suivre et évaluer systématiquement la mise en œuvre de ces mesures;

f) D ’ envisager de solliciter à cet égard l ’ assistance technique de l ’ Organisation internationale du Travail .

Santé

Tout en notant les politiques et les mesures administratives adoptées pour réduire les taux de mortalité infantile, juvénile et maternelle, outre l’adoption d’une stratégie nationale sur la santé procréative des adolescents couvrant la période 2011-2015, le Comité demeure préoccupé par :

a)L’absence de progrès véritables dans la réduction du taux de mortalité maternelle dans l’État partie, qui se situait en 2010 à 454 pour 100 000 naissances vivantes en Tanzanie continentale et à 287 pour 100 000 naissances vivantes à Zanzibar;

b)La criminalisation de l’avortement, sauf dans les cas où la vie ou la santé physique ou mentale de la femme ou de la fille enceinte est en danger, les conséquences de cette criminalisation sur le taux de mortalité maternelle, qui contraint les femmes, en particulier les jeunes femmes vivant dans la pauvreté, à avorter dans de mauvaises conditions, et l’obligation d’obtenir l’attestation de deux médecins certifiant que l’avortement est nécessaire pour préserver la vie de la femme ou de la fille enceinte;

c)Le nombre élevé de grossesses chez les adolescentes, résultant souvent d’un viol ou de sévices sexuels;

d)L’accès limité aux moyens de contraception modernes, en particulier dans les zones rurales;

e)Les maigres crédits budgétaires alloués au secteur de la santé.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De réduire la mortalité maternelle en assurant la prestation de services de santé sexuelle et procréative adéquats, en particulier l ’ accès aux soins prénatals, obstétriques et postnatals, notamment dans les zones rurales;

b) De s ’ inspirer, à cet égard, du guide technique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme concernant l ’ application d ’ une approche fondée sur les droits de l ’ homme à la mise en œuvre des politiques et des programmes visant à réduire la mortalité et la morbidité maternelles évitables ( A/HRC/21/22 et Corr.1 et 2);

c) De modifier les dispositions légales régissant l ’ avortement afin de le dépénaliser, d ’ en garantir la disponibilité tant juridique que pratique, au moins dans les cas où la vie ou la santé de la femme ou de la fille enceinte est en danger et dans les cas de viol, d ’ inceste ou de malformation grave du fœtus, et d ’ abolir l ’ obligation d ’ obtenir l ’ attestation de deux médecins certifiant que l ’ avortement est nécessaire pour préserver la vie de la femme ou de la fille enceinte;

d) Face au nombre élevé de grossesses chez les adolescentes, d ’ assurer l ’ accès à des services d ’ avortement sans risque;

e) De garantir la disponibilité et l ’ accessibilité des moyens de contraception modernes et des services de procréation à l ’ ensemble des femmes et des adolescentes sur le territoire de l ’ État partie;

f) D ’ accroître de 15 % au moins le financement alloué au secteur de la santé, conformément à l ’ engagement du Gouvernement dans la Déclaration d ’ Abuja sur le VIH/sida, la tuberculose et autres maladies infectieuses connexes .

VIH/sida

Le Comité prend note des efforts de prévention, de dépistage et de traitement entrepris par l’État partie, des efforts déployés à Zanzibar pour transmettre aux adolescents les connaissances nécessaires en matière de santé procréative et de VIH et offrir des services adaptés aux jeunes, ainsi que des lignes directrices nationales sur le dépistage du VIH et les services de conseil adoptées en 2013. Le Comité reste cependant préoccupé par :

a)La forte prévalence de l’infection par le VIH/ sida chez les femmes et les filles sur le territoire de l’État partie;

b)Le taux élevé de transmission de la mère à l’enfant et le nombre élevé de nouvelles infections à VIH chez les filles et les garçons, en particulier dans le contexte de la violence sexuelle et des relations sexuelles non protégées chez les adolescents;

c)La criminalisation de la transmission du VIH et de la divulgation forcée de la séropositivité aux partenaires sexuels en vertu de la loi de 2008 sur la prévention et la maîtrise du VIH et du sida.

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts de lutte contre la propagation et les effets du VIH/sida, notamment en élaborant une feuille de route pour mettre en œuvre des mesures préventives efficaces. Le Comité demande à l ’ État partie :

a) De renforcer les efforts visant à prévenir la transmission du VIH de la mère à l ’ enfant, notamment en assurant un accès gratuit au traitement antirétroviral aux femmes enceintes vivant avec le VIH/sida;

b) D ’ améliorer le suivi des mères vivant avec le VIH/sida et de leurs enfants, afin de permettre un diagnostic précoce et d ’ entamer immédiatement un traitement;

c) D ’ améliorer l ’ accès à des services de santé sexuelle et procréative de qualité et adaptés à l ’ âge et au traitement que nécessite le VIH/sida, y compris des services confidentiels, en particulier pour les adolescentes;

d) De modifier les dispositions de la loi de 2008 sur la prévention et la maîtrise du VIH et du sida qui perpétuent la discrimination à l ’ égard des femmes vivant avec le VIH, y compris les dispositions qui criminalisent la transmission et obligent à révéler la séropositivité aux partenaires sexuels.

Autonomisation économique des femmes

Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie pour réduire la pauvreté et assurer la protection sociale, notamment un régime de prestations sociales et l’adoption d’une politique nationale de protection sociale. Il craint cependant que ces mesures ne soient pas adaptées aux besoins spécifiques des femmes et que celles-ci n’aient qu’un accès limité à l’aide financière et au crédit. Le Comité est également préoccupé par le soutien limité aux activités entrepreneuriales des femmes, qui sont souvent cantonnées dans le secteur non structuré sans possibilité de bénéficier de la croissance économique générale.

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que ses programmes de réduction de la pauvreté et de protection sociale produisent des résultats durables et débouchent sur l ’ intégration de l ’ égalité des sexes et l ’ autonomisation des femmes. L ’ État partie devrait aussi élaborer des mesures spécifiques pour encourager et aider les femmes à multiplier leurs activités entrepreneuriales en leur offrant des programmes de renforcement des capacités et en améliorant leur accès au crédit, aux services financiers et aux programmes de formation technique.

Les femmes rurales

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour réduire la pauvreté en milieu rural en réalisant des projets de développement et de microcrédit et en améliorant la prestation des services sociaux de base dans les régions reculées. Le Comité est toutefois préoccupé par la situation désavantagée des femmes dans les zones rurales et reculées, qui forment la majorité des femmes dans l’État partie. Il s’inquiète en particulier :

a)De la forte incidence de la pauvreté et de l’analphabétisme, des difficultés d’accès aux services de santé, d’éducation, d’adduction d’eau potable et d’assainissement, aux projets fonciers et générateurs de revenus et de l’absence de participation aux processus de prise de décisions au niveau communautaire;

b)Du manque d’accès des femmes à la propriété foncière, comme en témoigne le faible pourcentage de femmes qui possèdent des terres, et de l’absence de dispositions dans les lois foncières contre les pratiques discriminatoires en matière d’héritage;

c)Des difficultés de certaines femmes tribales, notamment les femmes massaï, à accéder aux biens productifs, sociaux et humains, en particulier à empêcher la vente ou la location de leurs terres ancestrales, ainsi qu’à participer aux initiatives de développement rural et à en bénéficier.

Le Comité demande à l ’ État partie :

a) D ’ accroître et de renforcer la participation des femmes rurales à la conception et à l ’ exécution des plans de développement local en veillant à ce qu ’ elles participent aux processus de prise de décisions et bénéficient d ’ un meilleur accès aux services de santé, d ’ éducation, d ’ adduction d ’ eau potable et d ’ assainissement, aux terres et aux projets générateurs de revenus;

b) D ’ éliminer toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes rurales concernant la propriété foncière, notamment en adoptant un cadre législatif pour éliminer les pratiques discriminatoires en matière d ’ héritage;

c) De préserver les terres ancestrales tribales, empêcher qu ’ elles soient vendues ou louées et accorder une indemnisation appropriée à ceux dont l ’ accès a été entravé;

d) De garantir l ’ égalité d ’ accès des femmes rurales à la propriété foncière et au régime foncier, à l ’ éducation, à l ’ emploi et aux soins de santé, et faciliter leur accès aux terres, à l ’ eau et à d ’ autres ressources naturelles, ainsi que leur contrôle.

Les femmes atteintes d’albinisme

Notant les politiques et les mesures institutionnelles qui ont été adoptées pour enquêter sur les cas de meurtres de personnes atteintes d’albinisme et poursuivre les auteurs, le Comité demeure toutefois préoccupé par le nombre encore faible de poursuites et de condamnations. Il est profondément préoccupé par la discrimination, la stigmatisation et l’exclusion sociale dont sont victimes les personnes atteintes d’albinisme, y compris les femmes et les filles, et par les graves menaces qui pèsent sur elles et les agressions physiques dont elles font l’objet, notamment les meurtres rituels, les enlèvements, les mutilations et les sévices sexuels.

Le Comité engage vivement l ’ État partie à renforcer les mesures qu ’ il a prises pour protéger les femmes et les filles atteintes d ’ albinisme contre toutes les formes de violence et à mettre fin à la discrimination, à la stigmatisation et à l ’ exclusion sociale dont elles sont victimes. En particulier, il invite l ’ État partie à enquêter efficacement sur ces crimes, à poursuivre et punir les auteurs, à renforcer ses efforts de sensibilisation visant à combattre les croyances superstitieuses qui sont préjudiciables au bien-être des femmes et des filles atteintes d ’ albinisme et à faire en sorte qu ’ elles aient accès, sans discrimination et sans crainte, à l ’ éducation, à l ’ emploi, aux soins de santé et aux autres services de base.

Les femmes âgées

Le Comité est profondément préoccupé par les informations selon lesquelles certaines femmes âgées sont victimes de violence, notamment d’intimidation, d’isolement, de mauvais traitements et de meurtres, parce qu’elles sont soupçonnées de pratiquer la sorcellerie.

Le Comité prie instamment l ’ État partie de modifier sa loi sur la sorcellerie (1928) et la loi sur les médecines douces et traditionnelles (2002) pour les mettre en conformité avec la Convention, de renforcer les mesures visant à protéger les femmes accusées de sorcellerie contre la violence, de sensibiliser, en particulier dans les zones rurales, au caractère pénal de ces agressions et de punir adéquatement les auteurs de ces actes.

Les femmes réfugiées

Le Comité félicite l’État partie d’avoir naturalisé plus de 160 000 réfugiés burundais et leurs descendants résidant dans le pays depuis 1972, ainsi que de poursuivre ses efforts pour accueillir des réfugiés des pays voisins, notamment le Burundi et la République démocratique du Congo. Il note les efforts entrepris par l’État partie pour exécuter des programmes de lutte contre la violence sexuelle et sexiste dans tous les camps de réfugiés, fournir une aide juridique aux femmes et aux filles réfugiées dans le besoin et acheminer des vivres et des articles non alimentaires. Il réitère néanmoins sa préoccupation (voir CEDAW/C/TZA/CO/6, par. 47) devant le manque de protection des femmes contre toutes les formes de violence dans les camps de réfugiés et l’impunité apparente de ceux qui commettent ces violences.

Conformément à sa recommandation générale n o 32 (2014) sur les femmes et les situations de réfugiés, d ’ asile, de nationalité et d ’ apatridie, le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer son action en matière de protection et de suivi dans les cas de violence, en particulier de violence sexuelle, dont sont victimes les femmes et les filles réfugiées. Il recommande également à l ’ État partie de continuer à solliciter une assistance internationale auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Égalité dans le mariage et les relations familiales

Prenant note du projet d’amendement à la loi relative au mariage (1971) pour établir à 18 ans l’âge minimum légal du mariage pour les filles et les garçons, et non plus à 15 ans pour les filles (et même 14 ans en vertu d’une ordonnance d’un tribunal) et à 18 ans pour les garçons, comme le dispose actuellement l’article 13 de ladite loi, le Comité se dit préoccupé par le retard pris dans l’adoption de l’amendement. Il s’inquiète également de la persistance de lois et de pratiques coutumières discriminatoires concernant le mariage et les relations familiales, notamment en matière d’héritage et de droits de propriété des veuves et des filles.

Le Comité prie instamment l ’ État partie de revoir sa législation afin de veiller à ce que l ’ âge minimum du mariage soit établi à 18 ans pour les filles et les garçons, quel que soit le résultat du processus de révision constitutionnelle, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer le mariage d ’ enfants. L ’ État partie devrait également sensibiliser les familles, les chefs coutumiers et religieux et le grand public aux conséquences néfastes d ’ un mariage d ’ enfants et à l ’ importance de l ’ éducation des filles.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié le Protocole facultatif à la Convention, mais constate avec préoccupation qu’il n’a pas donné suite à ses constatations sur la communication no 48/2013, adoptées en application du paragraphe 3 de l’article 7 du Protocole facultatif, à sa soixantième session, en mars 2015, concernant les lois coutumières discriminatoires sur les successions, et qu’il n’a fourni aucune information sur les mesures prises à la lumière de ces constatations et recommandations, contrairement à son obligation en vertu du paragraphe 4 de l’article 7 du Protocole.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De prendre des mesures immédiates pour donner suite aux constatations du Comité sur la communication n o  48/2013 concernant la réparation et l ’ indemnisation des auteurs de la communication et d ’ informer sans délai le Comité de toutes les mesures qu ’ il a prises et envisage de prendre par suite de ses recommandations;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour abroger ou modifier les dispositions discriminatoires du droit coutumier et harmoniser les systèmes juridiques concurrents régissant la succession ou l ’ héritage dans l ’ État partie, fournir une formation aux juges (y compris aux cadis), aux procureurs et aux avocats sur la Convention, mieux faire connaître aux femmes leurs droits en vertu de la Convention et éviter le formalisme excessif et les retards injustifiés dans les tribunaux .

Collecte des données

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour mettre en place un système central de gestion de l’information dans le cadre du plan directeur de statistique de la Tanzanie et accroître la disponibilité des données ventilées par sexe. Il demeure néanmoins préoccupé par l’absence d’un système centralisé de collecte des données et les lacunes dans la compilation, l’analyse et le traitement de données statistiques fiables sur la situation des femmes dans tous les domaines visés par la Convention.

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ améliorer rapidement son système de collecte des données, notamment en renforçant les capacités des institutions nationales compétentes à recueillir, analyser et diffuser des données statistiques, qui devraient couvrir tous les domaines de la Convention, être ventilées par âge, sexe, handicap, situation géographique, origine ethnique et contexte socioéconomique dans le but de faciliter l ’ analyse de la situation de toutes les femmes, en particulier celles en situation de vulnérabilité, et être utilisées aux fins de l ’ élaboration, du suivi et de l ’ évaluation des lois, des politiques et des programmes.

Amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité demande à l ’ État partie d ’ accepter, dans les meilleurs délais, l ’ amendement au paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention concernant le calendrier des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l ’ État partie de tenir compte de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing dans ses initiatives visant à mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité appelle à la réalisation de l ’ égalité effective entre les sexes, conformément aux dispositions de la Convention tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030.

Diffusion

Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à ce que les présentes observations finales soient diffusées en temps voulu, dans la langue ou les langues officielles de l ’ État partie, auprès des institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local) et soient communiquées en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et à la magistrature, afin d ’ y donner suite intégralement.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie de lier la mise en œuvre de la Convention à ses efforts de développement et, à cet égard, de recourir à l ’ assistance technique régionale ou internationale.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme renforcera l ’ exercice par les femmes de leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de leur vie. Le Comité encourage dès lors l ’ État partie à envisager de ratifier les instruments auxquels il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des renseignements sur les mesures qu ’ il aura prises pour donner suite aux recommandations figurant à l ’ alinéa c) du paragraphe 11, à l ’ alinéa b) du paragraphe 19 et au paragraphe 51 ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à soumettre son neuvième rapport périodique en mars 2020.

Le Comité invite l ’ État partie à suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, notamment un document de base commun et des documents spécifiques à chaque instrument (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).