* Adoptées par le Comité à sa seizième session (16 février-6 mars 2015).

Observations finales concernant les troisième et quatrième rapports périodiques, présentés en un seul document, de Tuvalu *

Le Comité a examiné les troisième et quatrième rapports périodiques, présentés en un seul document, de Tuvalu (CEDAW/C/TUV/3-4) à ses 1283e et 1284e séances, le 20 février 2015 (voir CEDAW/C/SR.1283 et 1284). La liste des points et questions soulevés par le Comité a été publiée sous la cote CEDAW/C/TUV/Q/3-4 et les réponses de Tuvalu l’ont été sous la cote CEDAW/C/TUV/Q/3-4/Add.1.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté, en un seul document, ses troisième et quatrième rapports périodiques. Il le remercie également de ses réponses écrites à la liste des points et des questions soulevés par le groupe de travail d’avant-session, de l’exposé de sa délégation et des réponses apportées aux questions posées oralement par les membres du Comité au cours du dialogue. Le Comité regrette toutefois que les réponses à certaines questions n’aient pas été suffisamment précises et que certaines questions soient demeurées sans réponse.

Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir constitué sa délégation, dirigée par Mme Puaita Etuati, Secrétaire adjointe principale du Cabinet du Premier Ministre, et composée également de représentants du Bureau du Procureur général, du Département de l’égalité des sexes, du Ministère de la santé et du Ministère de l’éducation.

Le Comité prend note du fait que l’État partie est exposé à des menaces environnementales, y compris l’érosion côtière et l’élévation du niveau de la mer résultant des changements climatiques, de même que les catastrophes naturelles.

B.Aspects positifs

Le Comité constate avec satisfaction les progrès accomplis depuis l’examen auquel il a procédé en 2009 du rapport initial et du deuxième rapport périodique de l’État partie présentés en un seul document (CEDAW/C/TUV/2) en ce qui concerne la réforme législative, et relève en particulier l’adoption des lois suivantes:

a)La loi de 2014 sur la protection de la famille et la violence intrafamiliale, quiinterdit la violence intrafamiliale et confère une protection accrue aux femmes et aux filles contre ce type de violence;

b)La loi de 2014 portant modification de la Falekaupule (Autorisation du budget), qui permet aux femmes de 18 ans et plus résidant dans la juridiction territoriale du conseil local de participer et de voter aux stades d’approbation du budget du conseil;

c)La loi relative aux devoirs et pouvoirs de la police (2009) contient une définition de la violence intrafamiliale et précise les responsabilités de la police dans les cas de violence au sein de la famille;

d)La loi sur la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée (2009) définit et interdit toutes les formes d’exploitation, y compris la prostitution, ainsi que la traite de personnes.

Le Comité salue les mesures prises par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, notamment l’adoption des mesures suivantes:

a)La politique nationale d’égalité des sexes (2014) et son Plan d’action stratégique 2014-2016, qui visent à assurer progressivement la réalisation des droits fondamentaux des femmes dans tous les aspects de la vie;

b)Le Plan stratégique national de lutte contre le VIH et les maladies sexuellement transmissibles 2009-2013, qui vise à réduire la transmission du VIH et d’autres maladies sexuellement transmissibles.

Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen du rapport précédent, l’État partie a adhéré à la Convention relative aux droits des personnes handicapées en 2013.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Parlement

Le Comité souligne le rôle déterminant que joue le pouvoir législatif s’agissant d’assurer la pleine application de la Convention (voir la déclaration du Comité sur ses relations avec les parlementaires, qu’il a adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement à prendre, conformément à son mandat, les mesures nécessaires concernant la suite à donner aux présentes observations finales d’ici à la présentation du prochain rapport périodique au titre de la Convention.

État de la Convention

Le Comité note avec préoccupation que la Convention, bien que ratifiée en 1999, n’a pas encore été pleinement incorporée à l’ordre juridique interne étant donné que les traités internationaux doivent être incorporés au droit national avant d’être appliqués par les tribunaux nationaux.

Le Comité demande à l’État partie de procéder sans tarder à la complète incorporation de la Convention dans son ordre juridique interne.

Cadre constitutionnel et lois discriminatoires

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pris aucune mesure visant à modifier sa Constitution en vue de consacrer le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes et définir et interdire toutes les formes de discrimination fondée sur le sexe, y compris la discrimination directe et indirecte, conformément à l’article premier de la Convention, et visant des actes commis par des acteurs publics et privés, conformément à l’article 2.

Le Comité recommande de nouveau (CEDAW/C/TUV/CO/2, par. 14) à l’État partie d’accorder à la Convention l’importance requise en tant qu’instrument de référence dans l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la réalisation de l’égalité entre les sexes. Il recommande à l’État partie de modifier la section 27 (1) de sa c onstitution, ainsi que d’autres textes législatifs, afin d’y incorporer intégralement et sans tarder le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes et l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe, selon la définition donnée à l’article premier de la Convention, qui vise les sphères publique et privée, conformément à l’article 2 de la Convention.

Tout en prenant note de la déclaration faite par la délégation de l’État partie lors du dialogue selon laquelle certaines lois discriminatoires font actuellement l’objet d’un examen, le Comité demeure vivement préoccupé par la persistance de dispositions discriminatoires à l’égard des femmes dans la Constitution, le Code pénal de 1978, la loi relative aux terres autochtones de 1956 (Native Lands Act), la loi sur le mariage [Marriage Act (Cap. 29)], le Code foncier de Tuvalu de 1962 (Lands Code), la loi Falekaupule de 1997 et la loi relative à l’emploi de 1966 (Employment Act).

14. Le Comité recommande de nouveau (CEDAW/C/TUV/CO/2, par. 16) à l’État partie d’entreprendre un examen global de sa législation selon un calendrier précis et des cibles claires concernant le processus de réforme législative. Il l’invite à modifier ou abroger toutes les législations discriminatoires susmentionnées afin d’assurer la compatibilité avec le principe d’égalité et de non-discrimination consacré dans la Convention. Le Comité encourage l’État partie à s’armer de la volonté nécessaire à l’aménagement de ces réformes et à faire prendre conscience aux législateurs, aux décideurs et au public en général de l’importance d’assurer l’égalité des sexes.

Accès à la justice

15.Le Comité se félicite du fait que des membres de l’appareil judiciaire, en particulier le Premier Magistrat et son tribunal, se rendent dans les îles périphériques afin de passer en revue les affaires en instance. Il demeure toutefois préoccupé par l’accès limité des femmes à la justice, en particulier dans les îles périphériques, et les difficultés qu’elles rencontrent pour faire valoir leurs droits devant les tribunaux et obtenir réparation, en raison notamment des lois et pratiques coutumières, des barrières locales et géographiques, du manque d’information au sujet de leurs droits et d’un accès limité à l’assistance juridique. Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie qui font état d’une augmentation significative du nombre de femmes ayant accès au Bureau de l’avocat du peuple, principal organisme chargé de dispenser une aide juridique, depuis la nomination d’une avocate à ce bureau. Il demeure toutefois préoccupé par l’insuffisance des ressources financières et humaines du Bureau. Il est également préoccupé par le fait que l’État partie ne dispose pas d’un système complet et efficace de procédure de plaintes et regrette l’absence de données ventilées sur les plaintes déposées par des femmes et sur la suite qui leur a été donnée.

16. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De mettre en place un mécanisme d’examen des plaintes, de manière à ce que les femmes aient véritablement accès à la justice et de recueillir des données sur le nombre de plaintes déposées par des femmes, les types de plaintes reçues et la suite qui leur est donnée;

b) De prévoir des voies de recours spécifiques afin que les femmes obtiennent réparation au niveau du système de justice et de sensibiliser l’opinion publique au fait qu’il importe de saisir l’appareil judiciaire en cas de violations des droits des femmes;

c) De renforcer le système de justice, notamment le Bureau de l’avocat du peuple, en accroissant ses ressources humaines, financières et techniques, d’affecter des juges et des juristes dans les îles périphériques et de garantir l’apport d’une aide judiciaire gratuite aux femmes qui n’ont pas les moyens suffisants de défendre leurs droits;

d) De mieux informer les femmes de leurs droits et des moyens de les faire respecter, notamment en intensifiant la coopération avec les organisations de la société civile, en particulier les associations féminines locales.

Mécanisme national de promotion de la femme

17.Le Comité note avec satisfaction que le Département des affaires féminines, rebaptisé Département de l’égalité des sexes, dont la responsabilité qui relevait auparavant du portefeuille du Ministère des affaires intérieures incombe désormais au Premier Ministre, bénéficie de ressources humaines et financières supplémentaires. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par le fait que le Département de l’égalité des sexes reste encore fortement tributaire de partenaires internationaux pour l’assistance technique et le soutien financier et ne dispose pas de l’autorité institutionnelle, des moyens et des ressources nécessaires pour faire le suivi et coordonner de façon efficace la mise en œuvre de la Convention et l’application de la politique nationale d’égalité des sexes.

18. Le Comité encourage l’État partie à :

a) Renforcer sans tarder le Département de l’égalité des sexes, en le dotant des ressources humaines, financières et techniques suffisantes pour lui permettre de coordonner les activités et de faire progresser l’égalité entre les sexes et la prise en compte de la problématique hommes-femmes dans l’ensemble des politiques et programmes de tous les secteurs et à tous les niveaux du Gouvernement;

b) Renforcer ses mécanismes d’évaluation des résultats afin que ses politiques de promotion de l’égalité entre les sexes et leur exécution fassent l’objet d’un suivi et d’une évaluation appropriés.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

19.Le Comité est conscient de l’importance de la culture et des traditions de l’État partie dans la vie quotidienne et note que certaines activités de formation et de sensibilisation aux comportements sexistes ont été menées dans le cadre d’émissions radiophoniques et d’ateliers pour atteindre les collectivités dans la capitale et dans les îles périphériques. Le Comité s’inquiète toutefois de la persistance de stéréotypes sexistes, de valeurs traditionnelles négatives et d’attitudes patriarcales quant aux rôles et responsabilités des femmes et des hommes dans la société et dans la famille, en survalorisant les rôles des femmes en tant que mères et femmes au foyer, les empêchant ainsi de participer activement à tous les aspects de la vie publique, comme le définit la Convention.

20. Le Comité demande instamment à l’État partie :

a) De mettre en place, sans tarder, une stratégie complète pour modifier ou éliminer les attitudes patriarcales et les stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes, conformément aux dispositions de la Convention. Dans le cadre de cette stratégie, il conviendrait d’organiser des campagnes d’éducation et de sensibilisation à l’intention des hommes et des femmes à tous les niveaux de la société, y compris les chefs, les dirigeants insulaires et les chefs religieux, et d’accorder une attention particulière à la reconnaissance de la valeur et de la dignité des femmes, à leur autonomisation et à leur participation aux processus de prise de décisions dans la collectivité et l’ensemble de la société. La stratégie devrait faire appel aux organisations de la société civile ainsi qu’aux médias pour lutter contre les stéréotypes négatifs et les attitudes sociales discriminatoires à l’égard des femmes;

b) D’intégrer de façon adéquate les principes de non-discrimination et d’égalité entre les hommes et les femmes dans les politiques éducatives, le programme d’enseignement national de base et les documents qui s’y rapportent, ainsi que dans les formations initiales et continues des enseignants et des professionnels de la santé et d’autres prestataires de services;

c) De prendre des mesures novatrices visant les enfants et les adultes afin de mieux faire comprendre le principe d’égalité des femmes et des hommes, et de recourir au système d’éducation formelle et non formelle, ainsi qu’aux médias, pour promouvoir une image positive et non stéréotypée de la femme;

d) D’assurer le suivi et l’examen des mesures prises afin d’en évaluer régulièrement l’impact et de prendre les mesures correctives nécessaires.

Violence à l’égard des femmes

21.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi relative aux pouvoirs et devoirs de la police (2009) et de la loi sur la protection de la famille et la violence intrafamiliale (2014). Il prend note également des informations fournies par l’État partie au cours du dialogue selon lesquels un plan d’action pour la mise en œuvre de la loi sur la protection de la famille et la violence intrafamiliale sera élaboré après la tenue des élections générales en mars 2015. Il se félicite également de la création d’un service responsable de la violence intrafamiliale. Le Comité demeure toutefois préoccupé par:

a)La persistance de la violence à l’égard des femmes, y compris la violence intrafamiliale, et par le manque d’information sur son étendue et sa fréquence;

b)Le fait qu’une telle violence semble être légitimée par la société et s’accompagne d’une culture du silence et de l’impunité, les femmes étant réticentes à signaler les cas de violence, par crainte de représailles, de stigmatisation et d’actions inadaptées de la part de la police;

c)L’absence d’un cadre général pour traiter toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence intrafamiliale et sexuelle;

d)L’absence de dispositions dans le Code pénal criminalisant le viol conjugal;

e)L’absence de refuges et le caractère limité des soins médicaux, du soutien psychosocial et de l’assistance juridique pour les victimes.

22. Le Comité renouvelle sa précédente recommandation (CEDAW/C/TUV/CO/2, par. 30) et prie instamment l’État partie :

a) D’accélérer l’adoption d’un plan d’action pour la mise en œuvre de la loi sur la protection de la famille et la violence intrafamiliale, de fournir des ressources humaines et financières suffisantes et de renforcer sa coopération avec les organisations de la société civile pour assurer sa bonne application;

b) D’élaborer et mettre en œuvre un ensemble de mesures, notamment des mesures législatives, de nature à prévenir et combattre toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles, y compris la violence intrafamiliale et sexuelle, et de faire le nécessaire pour que les femmes et les filles victimes de violence aient accès à des moyens efficaces de réparation et de protection et que les auteurs de ces actes soient poursuivis et punis, conformément à la recommandation générale n o 19 du Comité concernant la violence à l’égard des femmes;

c) De modifier le Code pénal et la loi sur la protection de la famille et la violence intrafamiliale afin de définir et criminaliser le viol conjugal, conformément à la Convention et à la recommandation n o 19 du Comité;

d) De dispenser aux juges et aux procureurs une formation obligatoire sur l’application stricte des dispositions légales criminalisant la violence à l’égard des femmes et former les agents des forces de l’ordre aux procédures à suivre lorsque des femmes sont victimes de violence;

e) D’encourager les femmes à signaler les incidents de violence intrafamiliale et sexuelle en cessant de stigmatiser les victimes et en faisant prendre conscience de la nature criminelle de tels actes;

f) De mettre en place des refuges, y compris dans les îles périphériques, assurer la protection et l’aide nécessaires aux femmes victimes de violence et renforcer la coopération avec les organisations non gouvernementales, en particulier les organisations de femmes, qui fournissent des services d’aide et de réadaptation aux victimes;

g) De recueillir des données statistiques sur le nombre de plaintes, de poursuites et de condamnations pour violence sexuelle ou intrafamiliale, ventilées par sexe, âge, nationalité et relation entre l’auteur et la victime, et créer un dispositif de suivi et d’évaluation afin d’évaluer régulièrement l’impact et l’efficacité des mesures visant à prévenir et combattre les actes de violence à l’égard des femmes et y remédier.

Participation à la vie politique et publique

23.De 2012 à 2014, le nombre de femmes occupant le poste de sous-secrétaire est passé de 20 % à près de 50 %. Tout en prenant note de cette augmentation, ainsi que de la légère augmentation de la représentation des femmes au niveau du conseil insulaire, le Comité demeure cependant préoccupé par l’extrême sous-représentation des femmes dans la vie politique et publique, en particulier au niveau décisionnel le plus élevé (on compte actuellement une femme députée et une femme ministre), dans l’administration locale, y compris les organes de décision (Falekaupule) et les conseils insulaires (Kaupule), l’appareil judiciaire et le service diplomatique. Il est également préoccupé par les obstacles systématiques qui empêchent les femmes de participer à la vie politique sur un pied d’égalité avec les hommes, notamment les préjugés culturels, l’absence d’un système de quotas adéquat, l’insuffisance des efforts visant à améliorer les capacités des candidates éventuelles, le manque de ressources financières et le défaut d’appui aux candidates.

24. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter, à titre prioritaire, des mesures ciblées, comprenant notamment des formations ciblées, un renforcement des capacités, un recrutement non sexiste et des mesures temporaires spéciales visant à accroître le nombre de femmes dans des postes de responsabilité et de direction, qui font l’objet d’une nomination au sein de l’appareil judiciaire, de l’exécutif, de la fonction publique et du service diplomatique, conformément à la recommandation générale n o 23 du Comité sur la participation des femmes à la vie politique et publique;

b) D’envisager d’adopter des lois visant à réserver aux femmes au moins 30 % de sièges au Parlement, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, à la recommandation générale n o  23 et à la recommandation générale n o  25 du Comité sur les mesures temporaires spéciales;

c) De dispenser une formation aux femmes, y compris dans les îles périphériques, à la direction et la gestion, à la participation à une campagne et à la constitution de groupes d’appui pour les préparer à être candidates et à occuper des postes dans la vie politique et les différents domaines de l’administration publique;

d) De mener des campagnes de sensibilisation auprès des politiciens, des journalistes, des enseignants et des dirigeants locaux, en particulier des hommes, sur des mesures temporaires spéciales en tant que stratégie nécessaire à l’accélération de l’instauration d’une égalité réelle entre les sexes, afin de leur faire mieux comprendre qu’une participation pleine, égale, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique, sur un pied d’égalité avec les hommes, est indispensable à la mise en œuvre intégrale de la Convention.

Éducation

25.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles le taux d’inscription scolaire des filles est plus élevé que celui des garçons. Le Comité note également les efforts déployés par l’État partie pour dispenser des cours de formation et de perfectionnement professionnels à l’intention des filles et des garçons dès le niveau primaire. Le Comité prend note également de l’inclusion d’un enseignement à la vie familiale dans les programmes de sciences. Le Comité demeure toutefois préoccupé par:

a)Les stéréotypes traditionnels des élèves et des enseignants tendant à orienter les filles vers des domaines d’études jugés convenir aux rôles qui leur reviennent dans la société et la vie publique;

b)Le renvoi des filles enceintes de l’école et l’absence de politiques de retour à l’école après l’accouchement;

c)Le manque de données ventilées par école, âge et sexe sur les élèves qui ont échoué à l’examen d’entrée au secondaire;

d)Le traitement apparemment limité du programme de formation à la vie familiale par son intégration dans des filières scientifiques;

e)Les infrastructures d’enseignement inappropriées qui pénalisent surtout les filles, notamment l’absence d’installations sanitaires de base.

26. Le Comité demande à l’État partie de mieux faire comprendre l’importance de l’éducation en tant que droit de l’homme et fondement de l’autonomisation des femmes. À cette fin, il demande à l’État partie :

a) D’éliminer les stéréotypes traditionnels et les obstacles structurels qui pourraient dissuader les filles de s’inscrire dans des disciplines traditionnellement dominées par les hommes, notamment les sciences et les techniques, et de redoubler d’efforts pour offrir aux filles des services d’orientation professionnelle qui les renseignent sur les carrières non traditionnelles;

b) D’intensifier l’action menée pour maintenir les filles à l’école, faciliter le retour à l’école des jeunes mères après leur accouchement en prévoyant des garderies d’enfants appropriées et veiller à ce que les filles ne soient pas renvoyées de l’école du fait de leur grossesse, en sanctionnant comme il convient les responsables de ces renvois;

c) De mettre en place le système d’éducation, de suivi et d’information de Tuvalu pour assurer le suivi des élèves en échec scolaire et offrir aux filles d’autres filières en dehors de l’enseignement formel, y compris une formation professionnelle non stéréotypée;

d) De continuer à élaborer et promouvoir des programmes adaptés à l’âge des élèves portant sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation et le comportement sexuel responsable à l’intention des filles et des garçons et les intégrer comme une matière distincte dans les programmes scolaires à tous les niveaux et dans tous les domaines de l’éducation;

e) D’envisager d’augmenter le pourcentage du budget alloué à l’enseignement et rénover les installations sanitaires des établissements scolaires en fournissant des latrines séparées pour les filles, en augmentant le nombre de dortoirs destinés aux filles et en prévoyant des services de transport scolaire peu coûteux, en particulier dans les zones éloignées .

Emploi

27.Le Comité considère comme un fait positif l’élaboration d’un projet de loi sur le travail qui contient des dispositions interdisant la discrimination directe et indirecte fondée notamment sur le sexe, la grossesse, la situation matrimoniale ou les responsabilités familiales. Il constate toutefois avec préoccupation que l’État partie n’a ratifié aucune des conventions fondamentales de l’OIT et que la loi révisée de 2008 sur l’emploi est encore discriminatoire à l’égard des femmes en ce qui concerne le congé de maternité et le libre choix de l’emploi. Le Comité déplore également l’absence de données statistiques ventilées et à jour sur la participation des femmes au marché du travail.

28. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter en priorité le projet de loi sur le travail dans des délais précis;

b) D’envisager la ratification des conventions fondamentales de l’Organisation internationale du Travail, en particulier la Convention ( n o  111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, la Convention ( n o  103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952 et la Convention ( n o  156) concernant l’égalité de chances et de traitement pour les travailleurs des deux sexes ayant des responsabilités familiales, 1981;

c) D’adopter des mesures temporaires spéciales pour mettre un terme à la ségrégation professionnelle verticale et horizontale;

d) De mettre sur pied un système pour recueillir des données ventilées sur la participation des femmes au marché du travail, notamment en ce qui concerne les postes de direction.

Santé

29.Le Comité recommande à l’État partie d’améliorer l’accès aux soins de santé des habitants des îles périphériques en établissant des centres sanitaires sur toutes les îles et en les dotant d’un personnel de santé qualifié, y compris des sages-femmes formées, et de réduire considérablement la mortalité maternelle grâce à des services de détection améliorés concernant les grossesses à risque. Le Comité demeure toutefois préoccupé par le fait:

a)Que les femmes, en particulier celles des îles périphériques, ont encore du mal à bénéficier de soins de santé d’un coût abordable et de bonne qualité et tout particulièrement que les centres sanitaires des îles périphériques ne sont pas suffisamment équipés pour pratiquer des accouchements en cas de complications;

b)Que l’avortement est encore illégal en vertu du Code pénal dans les cas de viol, d’inceste, de menaces pour la vie ou la santé de la femme enceinte ou de graves malformations fœtales et que cette interdiction peut pousser les femmes à recourir à l’avortement illégal ou dans des conditions peu sûres, avec les risques que cela comporte pour leur vie et leur santé;

c)Qu’il n’existe pas de services de prévention en matière de santé sexuelle et procréative, notamment un enseignement scolaire adapté en fonction de l’âge sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation et que le très faible taux signalé d’utilisation de contraceptifs chez les filles et les garçons entraîne un risque élevé de VIH/sida et de maladies sexuellement transmissibles et de grossesses précoces.

30. Conformément à sa recommandation générale n o  24 sur les femmes et la santé, le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire en sorte que les services de soins obstétriques destinés aux femmes, notamment les services prénatals et postnatals, soient offerts sur tout le territoire de l’État partie, y compris dans les îles périphériques;

b) De dépénaliser l’avortement en cas de viol, d’inceste, de risque pour la vie ou la santé de la femme enceinte ou de graves malformations fœtales, conformément à la recommandation générale n o  24 sur les femmes et la santé du Comité, et faire en sorte que les femmes et les filles aient un accès confidentiel à des soins adéquats après un avortement;

c) D’assurer un accès gratuit aux méthodes de contraception modernes à toutes les femmes de Tuvalu, y compris celles qui vivent dans les îles périphériques, dans le cadre de la politique sur les soins de santé gratuits, de renforcer l’enseignement adapté en fonction de l’âge, dispensé aux adolescents et adolescentes, sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation;

d) De fournir des conseils gratuits et confidentiels de planification familiale au niveau local, y compris dans les îles périphériques, et de sensibiliser les femmes et les filles, ainsi que les garçons et les hommes aux comportements sexuels responsables et à la prévention des grossesses précoces et des maladies sexuellement transmissibles.

Incidences des changements climatiques et des catastrophes naturelles sur les femmes

31.Le Comité rappelle la vulnérabilité de l’État partie aux violents changements environnementaux et climatiques, comme mentionné au paragraphe 4 ci-dessus. À cet égard, il est préoccupé par le fait:

a)Que l’émigration des citoyens de Tuvalu vers des pays voisins a considérablement augmenté et que d’éventuels déplacements internes ou internationaux risquaient d’entraîner des cas d’apatridie;

b)Que l’incidence des changements climatiques, l’élévation du niveau des mers et d’autres catastrophes liées au climat touchent les femmes rurales de façon disproportionnée du fait qu’elles sont fortement tributaires de l’accès aux ressources naturelles et aux moyens d’existence pour leur survie au quotidien;

c)Qu’il n’est pas établi que les populations touchées, notamment les femmes, ont été informées de la possibilité de participer aux processus décisionnels visant à atténuer les effets des changements climatiques et à l’élaboration de politiques à cet égard.

32. Le Comité renouvelle sa précédente recommandation (CEDAW/C/TUV/CO/2, par. 56) et demande à l’État partie de :

a) Mettre au point des plans de gestion des catastrophes et d’atténuation de leurs effets pour répondre à d’éventuels déplacements ou cas d’apatridie dus à des changements environnementaux et climatiques, et faire en sorte que les femmes, y compris les femmes des îles périphériques, soient associées et participent activement aux processus de planification et de prise de décisions au sujet de l’adoption de ces stratégies;

b) Veiller à ce qu’une perspective sexospécifique soit intégrée à toutes les politiques de développement durable, ainsi qu’aux politiques en matière de réduction des risques de catastrophe, de gestion du relèvement et de changements climatiques.

Mariage et relations familiales

33.Le Comité prend note de la déclaration faite par la délégation de l’État partie lors du dialogue selon laquelle les lois discriminatoires régissant le mariage et les relations familiales font actuellement l’objet d’un examen. Le Comité demeure toutefois préoccupé par le fait:

a)Que les lois foncières actuelles de l’État partie et son système foncier traditionnel et culturel ne garantissent pas aux femmes l’égalité des droits à la propriété foncière et à l’héritage;

b)Que, conformément à la section 20 de la loi relative aux terres autochtones, la garde d’un enfant naturel revient automatiquement au père si celui-ci accepte de le reconnaître, lorsque l’enfant est âgé de 2 ans;

c)Que l’âge légal minimum du mariage reste fixé à 16 ans.

34. Le Comité demande instamment à l’État partie :

a) De modifier ou d’abroger toutes les dispositions discriminatoires de la loi relative aux terres autochtones et du Code foncier de Tuvalu afin d’assurer aux femmes l’égalité des droits à la propriété foncière et à l’héritage;

b) D’éliminer les coutumes discriminatoires et les pratiques traditionnelles qui empêchent les femmes de jouir de leurs droits à la terre et à l’héritage, en s’assurant notamment que les responsables coutumiers locaux et les magistrats des tribunaux chargés des questions foncières ont les compétences nécessaires pour protéger les droits fonciers des femmes à l’échelon local;

c) De modifier la section 20 de la loi relative aux terres autochtones en ce qui concerne la garde de l’enfant né en dehors du mariage en faveur de la mère en ayant à l’esprit le bien-être et l’intérêt supérieur de l’enfant;

d) D’élever à 18 ans l’âge minimum du mariage pour les filles et les garçons conformément à la recommandation générale n o  31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et à l’observation générale n o  18 du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables;

e) D’achever sa réforme de la justice dans le domaine du droit de la famille dans un délai précis, et de veiller à ce que les conjoints aient les mêmes droits et responsabilités pendant le mariage et une fois qu’il est dissous, conformément à l’article 16 de la Convention et de la recommandation générale n o  29 du Comité sur l’article 16 (conséquences économiques du mariage, des relations familiales et de leur dissolution).

Collecte et analyse des données

35.Le Comité est préoccupé par le manque général de données ventilées par sexe, âge, race, origine ethnique, situation géographique et contexte socioéconomique dans les domaines couverts par la Convention, données qui sont nécessaires pour évaluer la situation des femmes, instaurer des politiques éclairées et ciblées et suivre et évaluer systématiquement les progrès de la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention.

36. Le Comité engage l’État partie à mettre en place des systèmes de collecte, d’analyse et de diffusion de données complètes ventilées par sexe, âge, handicap, race, origine ethnique, situation géographique et contexte socioéconomique et à utiliser des indicateurs mesurables en vue d’évaluer les tendances de la situation des femmes et les progrès de la réalisation de l’égalité réelle des femmes dans tous les domaines visés par la Convention. À cet égard, il attire l’attention de l’État partie sur la recommandation générale n o  9 (1989) du Comité sur les données statistiques concernant la situation des femmes et l’encourage à mettre au point des indicateurs tenant compte des sexospécificités qui pourraient servir dans la formulation, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation et, au besoin, l’examen des politiques ayant trait à l’égalité des sexes.

Protocole facultatif et amendement au premier paragraphe de l’article 20 de la Convention

37. Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter, dès que possible, l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant la durée des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

38. Le Comité demande à l’État partie de tenir pleinement compte de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing dans les efforts qu’il déploie pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Objectifs du Millénaire pour le développement et cadre de développement pourl’après-2015

39. Le Comité plaide en faveur de l’intégration d’une perspective sexospécifique, conformément aux dispositions de la Convention, dans tous les efforts visant à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, ainsi que dans le cadre de développement pour l’après-2015.

Communication

40. Le Comité rappelle l’obligation de l’État partie d’appliquer continuellement et systématiquement les dispositions de la Convention. Il prie instamment l’État partie de donner priorité à la mise en œuvre des présentes recommandations et observations finales d’ici à la présentation du prochain rapport périodique. Le Comité demande donc que les observations finales soient communiquées en temps voulu, dans les langues officielles de l’État partie, aux institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional, local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et à l’appareil judiciaire, pour permettre leur mise en œuvre intégrale. Il encourage l’État partie à collaborer avec toutes les parties intéressées, notamment les associations d’employeurs, les syndicats, les organisations de défense des droits de l’homme et les organisations de femmes, les universités, les institutions de recherche et les médias. Il recommande que les observations finales soient communiquées de manière appropriée au niveau des collectivités locales pour en permettre la mise en œuvre. De plus, le Comité demande à l’État partie de continuer à communiquer la Convention, son Protocole facultatif et la jurisprudence connexe, ainsi que les recommandations générales du Comité, à toutes les parties intéressées.

Assistance technique

41. Le Comité recommande à l’État partie d’articuler la mise en œuvre de la Convention avec ses efforts de développement et de mettre à profit l’assistance technique régionale ou internationale à cet égard.

Ratification d’autres traités

42.Le Comité souligne que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage donc l’État partie à envisager de ratifier les traités auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Suivi des observations finales

43. Le Comité demande à l’État partie de lui fournir par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations formulées dans les paragraphes 14 et 22 a) et c) ci-dessus.

Élaboration du prochain rapport

44. Le Comité invite l’État partie à soumettre son cinquième r apport périodique en mars 2019.

45. Le Comité invite l’État partie à suivre les directives harmonisées pour l’établissement de rapport au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment un document de base commun et des documents spécifiques à chaque instrument (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).