Quarante et unième session

30 juin-18 juillet 2008

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Nigéria

Le Comité a examiné le sixième rapport périodique du Nigéria (CEDAW/C/NGA/6), à ses 836e et 837e séances, le 3 juillet 2008 (voir CEDAW/C/SR.836 et CEDAW/C/SR.837). La liste des questions posées et des problèmes soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/NGA/Q/6 et les réponses du Nigéria sont consignées dans le document CEDAW/C/NGA/Q/6/Add.1.

Introduction

Le Comité félicite l’État partie pour son sixième rapport périodique, qui suit les directives du Comité pour l’établissement des rapports périodiques et tient compte de ses précédentes observations finales. Il relève avec appréciation le processus participatif grâce auquel le rapport a été établi, notamment la tenue de consultations publiques et la participation des organisations de la société civile.

Le Comité exprime également ses remerciements à l’État partie pour les réponses qu’il a fournies par écrit à la liste de questions soulevées par le Groupe de travail d’avant-session et pour l’exposé oral qui a été fait et les précisions qui ont été apportées en réponse aux questions posées par les membres du Comité.

Il remercie en outre l’État partie de s’être fait représenter par une importante délégation, dirigée par la Ministre de la condition féminine et du développement social et comprenant des représentants de divers ministères et institutions, des membres de l’Assemblée nationale et des représentants de la société civile. Il apprécie le dialogue ouvert et constructif qui s’est instauré entre ses membres et la délégation de l’État partie.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié le Protocole facultatif à la Convention en novembre 2004.

Aspects positifs

Le Comité se félicite de l’adoption, en 2007, de la Politique nationale sur l’égalité des sexes, qui constitue un cadre global de promotion de l’égalité des sexes et de la femme. Il encourage l’État partie à prendre les dispositions nécessaires pour assurer la mise en œuvre intégrale de cette politique. Le Comité se félicite également de l’adoption d’un certain nombre de stratégies, de politiques et de programmes dans des domaines tels que l’éducation, la santé, la santé de la procréation et la nutrition, et ce depuis l’examen, en 2004, du rapport unique du Nigéria valant quatrième et cinquième rapports périodiques.

Le Comité note avec satisfaction la collaboration étroite que l’État partie entretient avec les organisations non gouvernementales et d’autres groupes de la société civile en vue de promouvoir les droits fondamentaux de la femme et l’égalité des sexes, coopération qui prend notamment la forme de consultations, d’une participation aux travaux de groupes d’études ou de commissions et d’une contribution aux processus législatifs. Il encourage le Gouvernement à renforcer cette collaboration.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique et le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en prenant note de la structure fédérale du Nigéria, qui établit un système tripartite de gouvernance comprenant les niveaux national, étatique et local, le Comité souligne que la responsabilité de l ’ application de la Convention incombe au premier chef au Gouvernement fédéral et invite l ’ État partie à prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer cette application de manière intégrale, conséquente et cohérente sur tout son territoire.

Tout en rappelant l ’ obligation qu ’ a le Nigéria de mettre en œuvre de manière systématique et continue toutes les dispositions de la Convention, le Comité estime que les préoccupations et recommandations formulées dans les présentes observations finales doivent faire l ’ objet d ’ un traitement prioritaire de la part de l ’ État partie. Par conséquent, le Comité invite l ’ État partie à axer les activités qu ’ il consacre à la mise en œuvre de la Convention sur ces domaines jugés prioritaires et à faire rapport, dans son prochain rapport périodique, sur les mesures prises et les résultats obtenus. Il engage l ’ État partie à soumettre les présentes observations finales à tous les ministères compétents, à l ’ Assemblée nationale, aux Assemblées étatiques et au pouvoir judiciaire, de manière à ce qu ’ elles soient effectivement prises en compte.

Prenant note du rejet, par l’Assemblée nationale, d’un projet de loi de 2005 sur la pleine incorporation de la Convention, le Comité constate avec préoccupation que la Convention, qui a été ratifiée sans réserve en 1985, n’a pas encore été incorporée à la législation nationale. Ainsi qu’il l’a indiqué dans ses observations finales de 2004, le Comité note avec préoccupation que, faute de cette incorporation, la Convention n’est pas intégrée au cadre juridique national et ses dispositions ne peuvent être invoquées devant les tribunaux nigérians ou appliquées par ces derniers.

Le Comité rappelle sa précédente recommandation et exhorte l ’ État partie à considérer la pleine incorporation de la Convention au droit nigérian comme une question prioritaire. Il lui demande de redoubler d ’ efforts pour faire adopter le projet de loi portant incorporation de la Convention, notamment en procédant à des consultations avec les responsables des administrations publiques, les dirigeants politiques, les membres de l ’ Assemblée nationale, les organisations de la société civile et les autres parties prenantes, en vue de faire mieux connaître la Convention et de mobiliser un appui en faveur du projet de loi.

Le Comité se félicite des initiatives prises par l’État partie dans le domaine de la réforme juridique, telles que la publication d’une étude qui recense l’ensemble des lois, des politiques et des pratiques nationales, étatiques et locales relatives au statut de la femme et de l’enfant et la mise en place d’un Comité sur la réforme des lois discriminatoires à l’égard des femmes. Il reste toutefois gravement préoccupé par les dispositions discriminatoires de la Constitution, notamment le paragraphe 2 de l’article 26, qui ne reconnaît pas aux femmes nigérianes le droit de transmettre leur nationalité à un conjoint étranger comme c’est le cas pour leurs compatriotes hommes. Le Comité se dit gravement préoccupé également par d’autres lois discriminatoires existant aux niveaux fédéral et étatique, comme celle qui autorise le mari à infliger des châtiments corporels à sa femme à la condition qu’il ne soit pas porté gravement atteinte à l’intégrité physique de cette dernière (art. 55 du Code pénal en vigueur dans le nord du Nigéria), celle qui interdit aux femmes le travail de nuit dans certains secteurs (art. 55 du chapitre 198 de la loi du travail de 1990) et celle qui classe les agressions sexuelles contre les femmes dans la catégorie des infractions mineures (art. 360 du Code pénal). Par ailleurs, le Comité note qu’un projet de loi sur l’abolition de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes au Nigéria et autres questions connexes n’a pas été adopté par l’Assemblée nationale.

En accord avec la recommandation qu ’ il a formulée en 2004, le Comité engage l ’ État partie à définir un calendrier précis pour amender toutes les dispositions de la Constitution et de la législation fédérale et étatique qui sont discriminatoires à l ’ égard des femmes. Il l ’ exhorte par ailleurs à accélérer et à étendre l ’ action qu ’ il mène dans le domaine de la réforme législative, notamment en ce qui concerne les lois susmentionnées. Il recommande à l ’ État partie d ’ abroger l’article 55 du Code pénal du n ord du Nigéria, l ’ article 55 du chapitre 198 de la loi du travail de 1990 et l ’ article 360 du Code pénal et de veiller à ce que les autorités chargées d ’ appliquer ces lois et ces politiques prennent conscience de leur caractère discriminatoire. Le Comité recommande aussi que des campagnes de sensibilisation et de mobilisation associant les parlementaires, la société civile et le public, y compris les responsables religieux et les autorités traditionnelles, soient élaborées et mises en œuvre afin de faire mieux connaître les dispositions de la Convention et de mobiliser un soutien en faveur du principe de l ’ égalité des sexes et de l ’ interdiction de la discrimination. Par ailleurs, il invite l ’ État partie à veiller à ce que la Convention et la législation nationale qui s ’ y rapporte fassent partie intégrante de l ’ enseignement du droit et de la formation des magistrats, notamment des juges, des avocats et des procureurs, de manière à instaurer résolument dans le pays une culture juridique qui favorise l ’ égalité des sexes et la non-discrimination.

Tout en se félicitant de l’adoption, par 18 États, de la Loi sur les droits de l’enfant, qui fixe l’âge minimum requis pour le mariage à 18 ans, le Comité relève avec préoccupation le paragraphe 4 de l’article 29 de la Constitution, qui stipule qu’une femme est censée devenir majeure après le mariage, disposition qui tendrait ainsi à favoriser les mariages précoces.

Le Comité exhorte l ’ État partie à abroger sans délai le paragraphe 4 de l ’ article 29 de la Constitution. Il l ’ exhorte aussi à faire en sorte que les États qui ne l ’ ont pas encore fait adoptent sans délai la Loi sur les droits de l ’ enfant et veillent à son application effective.

Le Comite exprime sa préoccupation quant aux contradictions et aux incohérences liées à l’application de lois relevant du droit législatif, du droit coutumier et du droit islamique (charia) dans le système juridique tripartite de l’État partie, notamment en ce qui concerne la famille et le mariage. Il note également avec préoccupation l’existence, dans ces sources du droit, de dispositions discriminatoires concernant le mariage, le divorce, la garde des enfants et l’héritage. Rappelant ses observations finales de 2004, le Comité souligne à nouveau que le système juridique tripartite conduit à des manquements dans les obligations souscrites par l’État partie en vertu de la Convention et à des discriminations persistantes à l’égard des femmes.

Tout en prenant note du processus de révision des lois de la famille que conduit actuellement la Commission nigériane de la réforme juridique, le Comité exhorte l ’ État partie à accélérer et à étendre l ’ action qu ’ il mène en vue d ’ harmoniser les lois régissant le mariage et la famille avec les dispositions des articles 2 et 16 de la Convention. Il lui demande de faire rapport, dans son prochain rapport périodique, sur les progrès accomplis et les résultats obtenus au regard du processus de révision susmentionné.

Le Comité constate avec préoccupation la persistance d’attitudes patriarcales et de stéréotypes profondément ancrés relatifs aux rôles et aux responsabilités des femmes, qui sont discriminatoires à l’égard de ces dernières et perpétuent leur subordination au sein de la famille et de la société. Il note que ces attitudes et ces stéréotypes discriminatoires constituent de graves obstacles à l’exercice des droits fondamentaux des femmes et à la réalisation des droits inscrits dans la Convention. Le Comité est préoccupé par le fait que le rapport de l’État partie ne fournit pas d’informations sur les mesures prises et les programmes ou stratégies adoptés pour lutter contre ces attitudes et ces stéréotypes discriminatoires. Il constate aussi avec préoccupation la persistance de normes, de coutumes et de traditions culturelles préjudiciables fortement enracinées, telles que les rites et les pratiques de veuvage.

Conformément à la recommandation qu ’ il a formulée en 2004, le Comité exhorte l ’ État partie à continuer de prendre des mesures, telles que la promulgation de lois nationales, pour modifier ou éliminer les pratiques traditionnelles et culturelles et les stéréotypes qui sont discriminatoires à l ’ égard des femmes, conformément à l ’ alinéa f) de l ’ article 2 et à l ’ alinéa a) de l ’ article 5 de la Convention. Il l ’ exhorte aussi à intensifier la coopération, dans ce domaine, avec les organisations de la société civile, les organisations de femmes et les responsables communautaires, traditionnels et religieux, ainsi qu ’ avec les enseignants et les médias. Le Comité invite l ’ État partie à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies de long terme ainsi que des programmes d ’ information et de sensibilisation à l ’ intention des femmes et des hommes, à tous les échelons de la société, en vue d ’ instaurer un environnement propice à l ’ élimination des stéréotypes et des pratiques discriminatoires à l ’ égard des femmes et de permettre à ces dernières d ’ exercer leurs droits fondamentaux. Il l ’ invite aussi à réexaminer périodiquement les mesures prises, afin d ’ en évaluer les effets, à prendre les dispositions qui s ’ imposent et à en rendre compte au Comité dans son prochain rapport.

Le Comité note la forte incidence des mutilations sexuelles féminines dans certaines régions du pays. Il note aussi avec préoccupation l’absence d’une législation nationale interdisant cette pratique traditionnelle préjudiciable.

Le Comité exhorte l ’ État partie à promulguer une législation nationale qui interdise les mutilations sexuelles féminines, en prévoyant l ’ application de sanctions à l ’ encontre des auteurs de ces actes ainsi que des voies de recours et un soutien pour les victimes, en vue d ’ éliminer cette pratique préjudiciable. Le Comité invite l ’ État partie à intensifier l ’ action qu ’ il mène pour concevoir et mettre en œuvre des stratégies de long terme ainsi que des programmes d ’ information et de sensibilisation associant les responsables traditionnels et religieux, les organisations de femmes et le public.

Le Comité s’inquiète de la persistance de la violence à l’encontre des femmes, y compris au sein de la famille. Il s’inquiète également de l’absence d’une législation nationale sur la violence à l’égard des femmes et note qu’un certain nombre de projets de loi, tels que la loi de 2006 relative à l’élimination de la violence dans la société et celle de 2003 sur la violence à l’encontre des femmes, sont toujours en attente devant l’Assemblée nationale. Tout en saluant les efforts faits par l’État partie pour régler ce problème, y compris les mesures de sensibilisation, les programmes de formation et les services de soutien aux victimes, le Comité demeure préoccupé par l’absence d’une stratégie et d’un programme nationaux de lutte contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes. Le Comité note aussi avec inquiétude que la plupart des services destinés aux victimes, y compris les foyers d’accueil, sont assurés par des organisations non gouvernementales bénéficiant d’un appui limité de la part de l’État partie, financier notamment.

Le Comité engage l’État partie à s’occuper en priorité de l’adoption de mesures globales de lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles, conformément à sa recommandation générale 19 concernant la violence à l’égard des femmes. Le Comité demande à l’État partie d’adopter, le plus rapidement possible, une législation d’ensemble sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence familiale. Cette législation devrait faire en sorte que toute forme de violence à l’égard des femmes constitue une infraction pénale, que les femmes et les filles victimes d’actes de violence aient immédiatement accès à des voies de recours et à la protection et que les auteurs de ces actes soient poursuivis et punis. Le Comité recommande à l’État partie d’étendre les activités et les programmes de formation aux parlementaires, au personnel judiciaire et aux fonctionnaires, en particulier à ceux qui sont responsables de l’application des lois et aux soignants, afin que ces personnes soient sensibilisées à toutes les formes de violence qui touchent les femmes et puissent apporter aux victimes le soutien voulu. Il lui recommande aussi de multiplier les campagnes de sensibilisation de la population au sujet de toutes les formes de violence à l’égard des femmes. Il recommande en outre la création de nouveaux services de conseils et de soutien aux victimes de la violence, y compris des foyers d’accueil, et demande à l’État partie de coopérer davantage avec les organisations non gouvernementales s’occupant de violence à l’égard des femmes et d’apporter un plus grand appui à ces organisations. Le Comité demande à l’État partie de lui présenter dans son prochain rapport, des informations sur les lois en vigueur et programmes en cours pour lutter contre la violence à l’encontre des femmes et sur l’impact de ces lois et programmes, et de lui présenter aussi les données et les tendances concernant la prévalence des diverses formes de violence.

Tout en constatant les mesures prises par l’État partie pour lutter contre la traite des femmes et des enfants, y compris l’adoption de la loi de 2003 intitulée Trafficking in Persons (Prohibition) Law Enforcement and Administration Act (loi sur l’application et l’administration de l’interdiction de la traite des personnes), telle que modifiée en 2005, la création de l’organisme national chargé de l’interdiction de la traite des personnes et les divers accords de coopération conclus avec d’autres pays, le Comité est préoccupé par la persistance et l’étendue du problème.

Le Comité engage l’État partie à veiller à l’application intégrale de la loi relative à l’interdiction de la traite des personnes, y compris en ce qui concerne la poursuite et la punition des coupables. Il engage également l’État partie à s’intéresser en priorité à la protection, y compris celle des témoins, à l’aide psychologique et à la réadaptation des victimes, en particulier des petites filles. Le Comité demande à l’État partie de renforcer les mesures visant à prévenir la traite, y compris les mesures financières destinées à réduire la vulnérabilité des femmes et des filles, ainsi que les campagnes de sensibilisation et d’information, en particulier au sein des groupes les plus menacés. Le Comité demande également à l’État partie d’intensifier la coopération internationale, régionale et bilatérale avec les autres pays d’origine, de transit et de destination des femmes et des filles victimes de traite .

Rappelant ses précédentes observations finales de 2004, et tout en prenant note des efforts déployés pour augmenter le nombre de femmes élues et des femmes appelées à la fonction publique, dans le service diplomatique et dans les organisations internationales, le Comité constate avec inquiétude que les femmes continuent d’être gravement sous-représentées dans la vie politique et publique, surtout aux postes de direction et de responsabilité. En effet, leur représentation est de 6,9 % à la Chambre des représentants et de 8,3 % au Sénat, bien inférieur au minimum de 35 % prévu dans la politique nationale concernant l’égalité des sexes.

Rappelant sa recommandation précédente, le Comité demande à l’État partie de prendre des mesures, avec des échéances et des calendriers bien précis, en vue d’augmenter le nombre de femmes à tous les échelons et dans tous les secteurs de la vie politique et publique, compte tenu de la recommandation générale 23 du Comité à ce sujet. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’adopter des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale 25 du Comité afin d’intensifier les efforts qu’il a engagés pour promouvoir les femmes aux postes de direction. Dans cette perspective, le Comité demande instamment à l’État partie de multiplier les programmes de formation et de renforcement des capacités destinés aux femmes qui souhaitent entrer dans la fonction publique ou qui y sont déjà employées ainsi que les campagnes de sensibilisation visant à souligner l’importance de la participation des femmes à la vie politique et publique.

Rappelant par ailleurs ses précédentes observations finales de 2004, le Comité note avec inquiétude que l’écart salarial entre les femmes et les hommes persiste, que le taux de chômage est plus élevé chez les femmes et que celles-ci sont concentrées dans certains secteurs, à savoir l’agriculture, l’élevage et les services. Il note aussi que les femmes prédominent dans le secteur non structuré et sont par conséquent exclues des programmes de sécurité sociale officiels. Le Comité est inquiet au sujet de la persistance de lois, de règlements et de pratiques discriminatoires sur le marché du travail. Il évoque en particulier la loi sur le travail (Labour Act) qui interdit d’employer une femme pour un travail de nuit ou un travail souterrain, la loi relative aux entreprises industrielles (Factories Act), qui ne reconnaît pas les besoins spécifiques des femmes en matière de santé et de procréation, les règlements de police nigérians (Nigerian Police Regulations), qui interdisent le recrutement de femmes mariées et imposent aux policières qui souhaitent se marier d’en demander l’autorisation par écrit. Le Comité note également avec inquiétude les pratiques discriminatoires suivies dans le secteur privé, surtout dans les établissements bancaires, en ce qui concerne la maternité et la situation familiale. Il note en outre la prévalence du harcèlement sexuel sur le lieu du travail et l’absence d’une législation et de mesures pour faire face à ce problème.

Le Comité recommande l’adoption de mesures qui garantissent l’application de toutes les dispositions de l’article 11 de la Convention ainsi que des conventions pertinentes de l’Organisation internationale du Travail que le Nigéria a ratifiées. Le Comité engage l’État partie à assurer des chances égales aux femmes et aux hommes sur le marché du travail, y compris en faisant appel à des mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale 25 du Comité. Il recommande également à l’État partie de s’intéresser particulièrement à la situation des femmes travaillant dans le secteur non structuré afin de leur assurer l’accès aux services sociaux. Il engage l’État partie à examiner dans les meilleurs délais les lois et règlements discriminatoires afin de les abroger ou de les modifier conformément à l’article 11 de la Convention. Il engage également l’État partie à adopter une loi interdisant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, y compris des sanctions, des voies de recours civils et des dispositifs de réparation pour les victimes. Il l’engage en outre à mettre en place un mécanisme efficace de suivi et de réglementation des questions et des pratiques relatives à l’emploi dans le secteur privé. Prenant conscience de l’existence d’un projet de loi sur les conditions de travail qui, notamment, interdit la discrimination dans l’emploi ou la profession et garantit le droit à une rémunération égale pour un travail de même valeur, le Comité demande à l’État partie d’incorporer des informations détaillées sur ces conditions et sur la manière de les appliquer et de les faire respecter dans son prochain rapport périodique.

Tout en félicitant l’État partie pour les mesures prises pour renforcer le système de santé national, y compris l’approbation récente par l’Assemblée nationale de la loi relative à la santé (National Health Bill), ainsi que l’adoption de politiques et de programmes pour régler divers problèmes concernant la santé, le Comité se déclare à nouveau préoccupé par la situation précaire de la santé des femmes, ainsi que par l’insuffisance des installations et des services de soins de santé, en particulier en milieu rural. Le Comité note que la responsabilité quant à la prestation des services de santé est répartie sur les trois tiers du gouvernement, le gouvernement local étant chargé du système de soins de santé primaire. Il note avec inquiétude que les services et les installations de soins de santé primaire sont souvent inadéquats du point de vue de la qualité, du nombre et du financement. Il est préoccupé également par les taux élevés de paludisme et de VIH/sida parmi les femmes et les filles du Nigéria.

Le Comité engage l’État partie à continuer d’améliorer l’infrastructure sanitaire, surtout au niveau de la santé primaire, et de faire intervenir le souci de l’égalité des sexes dans toutes les réformes du secteur de la santé. Il engage aussi l’État partie à améliorer l’accès des femmes à des soins de santé et à des services apparentés de qualité et abordables, surtout au niveau de la santé primaire et dans les zones rurales. Il engage en outre l’État partie à adopter en ce qui concerne la santé de la femme une approche globale qui prend en compte tous les stades de l’existence, compte tenu de la recommandation générale 24 sur les femmes et la santé. Il demande à l’État partie de veiller à l’application intégrale des politiques et programmes destinés à prévenir et à combattre le paludisme et le VIH/sida. Il demande aussi à l’État partie de mener des campagnes de sensibilisation pour permettre aux femmes d’améliorer leurs connaissances en matière de santé, en accordant une attention particulière à la prévention des maladies sexuellement transmissibles et du VIH/sida, ainsi qu’à la lutte contre ces maladies .

Le Comité est particulièrement préoccupé par le taux très élevé de mortalité maternelle, le deuxième au monde, et regrette qu’aucune réduction n’ait été réalisée depuis l’examen en 2004 du rapport unique valant quatrième et cinquième rapports périodiques. Le Comité prend note par ailleurs des divers facteurs qui ont contribué à cette situation comme les avortements non médicalisés et l’insuffisance des soins pratiqués après l’avortement, les mariages précoces et les mariages d’enfants, les grossesses précoces, les taux de fécondité élevés, l’insuffisance des services de planification familiale, l’usage très limité des moyens contraceptifs, aboutissant à des grossesses non désirées et non planifiées et l’absence d’éducation sexuelle, surtout dans les zones rurales. Le Comité se déclare préoccupé par le manque d’accès des femmes et des filles à des soins de qualité, en particulier aux services prénatals, postnatals et obstétriques, ainsi qu’à d’autres formes d’assistance médicale et d’urgence apportées par un personnel ayant reçu une formation, surtout en milieu rural.

Le Comité demande à l’État partie d’améliorer l’accès, à des prix abordables, aux services de santé sexuelle et de procréation, y compris aux informations et aux services concernant la planification familiale. Il recommande que des mesures soient prises pour faire mieux connaître les méthodes contraceptives plus abordables et en faciliter l’accès pour que les femmes et les hommes puissent faire un choix éclairé au sujet du nombre et de l’espacement des naissances. Le Comité demande à l’État partie également d’évaluer l’impact de sa loi relative à l’avortement sur le taux de mortalité maternelle et d’envisager de la réformer ou de la modifier. Il demande en outre à l’État partie de mener des campagnes de sensibilisation pour améliorer les connaissances des femmes quant à la santé en matière de procréation et lui recommande de généraliser l’éducation sexuelle en mettant l’accent sur les adolescents, filles et garçons. Le Comité demande à l’État partie de lui présenter, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur les mesures prises pour réduire le taux de mortalité maternelle, ainsi que sur l’impact de ces mesures.

Tout en prenant note des stratégies globales de développement et de réduction de la pauvreté que l’État partie a mis en œuvre aux niveaux national, des états et local, ainsi que des initiatives visant à assurer l’autonomisation économique des femmes, notamment la mise en place du Fonds des femmes pour l’autonomisation économique et le Fonds de développement des entreprises en faveur des femmes, le Comité constate avec préoccupation que la pauvreté généralisée chez les femmes, en particulier celles qui vivent dans les zones rurales et celles qui sont chefs de famille, et les mauvaises conditions socioéconomiques figurent parmi les causes de la violation de leurs droits fondamentaux et de la discrimination dont elles sont victimes. Il note avec préoccupation que les pratiques discriminatoires en matière de propriété foncière, d’administration des biens et d’héritage entravent l’accès des femmes aux ressources économiques et au crédit. Le Comité est particulièrement préoccupé par la situation des femmes rurales, en raison notamment de leurs conditions de vie précaires, de l’absence d’accès à la justice, aux soins de santé, à l’éducation, au crédit et aux services communautaires et de perspectives économiques.

Le Comité engage l’État partie à faire en sorte que la promotion de l’égalité des sexes soit un élément à part entière de ses plans et programmes de développement aux niveaux national, des états et local, notamment ceux qui visent à atténuer la pauvreté et à assurer un développement durable. En outre, le Comité prie instamment l’État partie de prêter une attention particulière aux besoins des femmes rurales et des femmes chefs de famille, en s’assurant qu’elles prennent part aux processus de prise de décisions et accèdent pleinement au crédit. Il engage également l’État partie à veiller à ce que les femmes des zones rurales aient accès aux services de santé, à l’éducation, à l’eau potable, à l’électricité, aux terres et à des activités rémunérées. Il recommande à l’État partie de concevoir et de mettre en œuvre des stratégies et des programmes de développement rural tenant compte de l’égalité entre les sexes et de veiller à ce que les femmes des zones rurales participent pleinement à leur élaboration et à leur mise en œuvre.

Le Comité exprime sa préoccupation en ce qui concerne la situation des femmes déplacées, notamment les femmes handicapées, qui ont été contraintes de partir du fait de la violence et des conflits, compte tenu en particulier de leur situation précaire dans les camps où elles sont davantage exposées aux risques de violences sexuelles et autres et où elles n’ont pas accès aux soins de santé, à l’éducation et à des activités rémunérées.

Le Comité demande à l’État partie d’accorder une attention particulière aux besoins des femmes déplacées, notamment les femmes handicapées, en adoptant une politique nationale sur les déplacements, conformément aux résolutions 1325 et 1820 du Conseil de sécurité et en élaborant et exécutant des plans et des programmes tenant compte de l’égalité entre les sexes dans les domaines de la réinsertion sociale, du renforcement des capacités et de la formation des femmes déplacées. Il recommande également que l’Équipe spéciale interministérielle sur l’égalité entre les sexes et le maintien de la paix s’intéresse tout particulièrement à la situation des femmes déplacées. Il demande en outre à l’État partie de protéger les femmes déplacées contre la violence et de leur assurer l’accès immédiat à des voies de recours.

Le Comité encourage l’État partie à accepter dès que possible l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant la durée de ses réunions.

Le Comité engage l’État partie à s’appuyer pleinement, pour s’acquitter de ses obligations en vertu de la Convention, sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et lui demande d’inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité souligne aussi que la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement passe nécessairement par l’application intégrale de la Convention. Il demande que le principe de l’égalité des sexes et les dispositions de la Convention soient expressément pris en considération dans toutes les initiatives visant à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement et prie l’État partie d’inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité souligne que l’adhésion des États aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribue à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc le Gouvernement nigérian à envisager de ratifier les instruments auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées au Nigéria pour que la population du pays, en particulier les membres de l’administration, les responsables politiques, les parlementaires les associations féminines et les organisations des droits de l’homme, soient au courant des mesures prises pour assurer l’égalité de droit et de fait entre les sexes et sachent quelles mesures restent à prendre à cet égard. En particulier, le Comité encourage l’État partie à organiser un débat public avec tous les acteurs concernés, du secteur public comme de la société civile, sur la présentation du rapport et la teneur de ses observations finales. Il demande à l’État partie de continuer à diffuser largement, en particulier auprès des associations féminines et des organisations de défense des droits de l’homme, le texte de la Convention, de son protocole facultatif, de ses propres recommandations générales, de la Déclaration et du Plan d’action de Beijing, ainsi que du document final de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale, intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle ».

[Suivi des observations finales]

[44.Le Comité demande à l’État partie de fournir par écrit, dans les deux ans, des informations détaillées sur l’application des recommandations qui figurent aux paragraphes 12, 14, 16 et 34 ci-dessus.]

Date du prochain rapport

Le Comité demande à l’État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il établira en application de l’article 18 de la Convention. Le Comité invite l’État partie à présenter dans un rapport unique en 2014 son septième rapport périodique qui doit être présenté en juillet 2010 et son huitième rapport périodique qui doit l’être en juillet 2014.