Communication présentée par :

S.F.A. (représentée par un conseil, Niels‑Erik Hansen)

Au nom de :

L’auteure et son fils mineur, H.H.M.

État partie :

Danemark

Date de la communication :

22 avril 2015 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision prise en application des articles 5 et 6 du Protocole facultatif et des articles 63 et 69 du règlement intérieur du Comité, et communiquée à l’État partie le 23 avril 2015 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

26 février 2018

Décision concernant la recevabilité

L’auteure de la communication est S.F.A., de nationalité somalienne, née en 1988. La communication a été soumise en son nom et au nom de son fils, H. H. M., né en 2013. Au moment de la présentation de la communication, sa demande d’asile au Danemark avait été rejetée, et elle attendait d’en être expulsée vers la Somalie. Elle affirme que son expulsion par l’État partie constituerait une violation des articles 1er, 2 (par. d), 12, 15 et 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La Convention et son Protocole facultatif sont entrés en vigueur pour l’État partie le 21 mai 1983 et le 22 décembre 2000, respectivement. L’auteure est représentée par un conseil, Niels-Erik Hansen.

Le 23 avril 2015, le Comité, par l’intermédiaire de son Groupe de travail des communications soumises en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, a demandé à l’État partie de surseoir à l’expulsion de l’auteure et de son fils vers la Somalie tant que la communication serait à l’examen, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif et à l’article 63 de son règlement intérieur. Le 27 avril 2015, la Commission danoise de recours des réfugiés a suspendu jusqu’à nouvel ordre le délai fixé pour l’expulsion de l’auteure et de son fils, comme le lui avait demandé le Comité.

Le 7 juillet 2016 et le 7 septembre 2017, le Comité a rejeté les demandes de levée des mesures conservatoires formulées par l’État partie.

Rappel des faits

L’auteure, d’ethnie somalie, fait partie des Agane, un sous-clan des Loboge, qui eux-mêmes appartiennent aux Cheikhal. Elle a encore de la famille en Somalie : ses parents, deux frères, deux oncles paternels et leurs familles, une tante maternelle et deux tantes paternelles et leurs enfants. Elle est de confession musulmane. Elle a subi des mutilations génitales alors qu’elle était enfant.

Le père de l’auteure souhaitait la marier de force à un homme plus âgé qu’il connaissait à l’étranger. Contre la volonté de sa famille, l’auteure avait une relation avec H., rencontré à l’école de Buulobarde, qu’ils fréquentaient tous deux alors qu’elle avait 15 ou 16 ans. Ils ont continué à se voir en secret chez N., amie et voisine de l’auteure, ou dans les champs entourant Buulobarde, jusqu’en 2007. L’auteure est alors tombée enceinte et a avorté avec l’aide de sa mère. Celle-ci en a fait part à la tante paternelle de l’auteure et conseillé à sa fille de subir une nouvelle excision pour éviter que sa relation avec H. ne soit découverte par son père, qui voulait toujours la marier avec l’homme auquel elle était promise depuis l’enfance. L’auteure a suivi le conseil de sa mère et subi une nouvelle excision un mois et demi après son avortement.

En mars 2008, le père de l’auteure l’a surprise en train de parler avec H. dans un champ après l’école. Il l’a ramenée à la maison devant sa mère et ses frères et l’a menacée de l’abattre avec son fusil pour avoir couvert de honte la famille. Sa tante paternelle, qui était présente, a révélé au père de l’auteure qu’elle avait avorté. Ses frères ont alors suggéré de la remettre aux Chabab pour qu’ils lui « règlent son compte » puisqu’elle avait commis un adultère. Le père a refusé car il se méfiait du groupe et pensait qu’il se contenterait de la flageller et ne la tuerait pas. Avec l’aide de sa mère, l’auteure s’est cachée chez N.. Plus tard ce jour-là, sa tante maternelle, de passage à Buulobarde, l’a emmenée à Beledweyne pour la sauver. Le lendemain matin, l’auteure a fui en Éthiopie.

En avril 2008, l’auteure est arrivée en Libye, où elle a été emprisonnée pendant deux mois pour être entrée illégalement dans le pays. Elle s’est enfuie avec d’autres détenus d’une prison près de Benghazi et, le 7 août 2008, est arrivée par bateau en Italie, où elle est restée jusqu’à son départ pour le Danemark, le 15 décembre 2013. En novembre 2008, elle a obtenu un permis de séjour en Italie pour motifs humanitaires, d’une validité de trois ans. Ce permis n’a pas été renouvelé. À partir de novembre 2011, l’auteure est restée illégalement en Italie mais les autorités italiennes n’ont rien fait pour l’arrêter ou l’expulser. En août 2013, elles lui ont retiré les documents relatifs à son permis de séjour, qu’elles ne lui ont jamais rendus.

L’auteure ignore ce qu’il est advenu de H. après son départ en 2008. Il est parti pour la Libye en 2009 ou 2010, mais elle était alors déjà en Italie. En 2010, ils ont été mariés en Libye lors d’une cérémonie religieuse ou, étant absente, elle était représentée par des enfants de sa tante maternelle. H. est arrivé en Italie en décembre 2010. Il a obtenu un permis de séjour pour trois ans à compter du 30 décembre 2011. Ils ont ensuite vécu ensemble dans la rue, à Foggia, jusqu’à ce que H. décède d’une tuberculose en mai 2012. Peu avant sa mort, l’auteure est tombée enceinte. Les autorités italiennes ne savaient pas qu’ils étaient mariés. Leur fils, H. H. M., est né en Italie le 28 février 2013. Un pasteur finlandais rencontré en Italie a donné de l’argent à l’auteure pour qu’elle puisse demander l’asile dans un autre pays de l’Union européenne.

L’auteure et son fils sont arrivés au Danemark le 18 décembre 2013 sans documents de voyage valides. Elle a demandé l’asile le jour même, invoquant comme motif qu’elle craignait, si elle retournait en Somalie, d’être tuée ou livrée aux Chabab par sa famille, qui désapprouvait sa liaison hors mariage avec H.

Le 19 janvier 2015, le Service danois de l’immigration a rejeté la demande d’asile de l’auteure et, le 8 avril 2015, la Commission de recours des réfugiés l’a déboutée de son recours. Elle a noté que l’auteure n’avait apparemment joué aucun rôle particulier dans son pays, où elle ne faisait partie d’aucune association ou organisation politique ou religieuse et n’avait eu aucune autre forme d’activité politique. Elle a également relevé l’imprécision de ses déclarations sur les événements qui auraient eu lieu avant son arrivée au Danemark. La Commission a fait référence aux résultats d’une analyse linguistique selon laquelle l’auteure aurait tenté d’imiter un dialecte du sud de la Somalie et a constaté que, d’après son compte Facebook, l’auteure avait étudié à Hargeisa, dans le nord-ouest de la Somalie. La Commission a aussi mentionné une lettre du 6 mai 2014, dans laquelle les autorités italiennes déclaraient ne pas connaître le nom de l’auteure, alors que celle-ci affirmait avoir été titulaire d’un permis de séjour en Italie de 2008 à 2011. Compte tenu de ces éléments, la Commission a conclu que l’auteure n’avait pas démontré le bien-fondé de sa demande d’asile. En conséquence, son conflit avec sa famille ou avec les Chabab ne pouvait pas être tenu pour établi. En revanche, d’après les informations fournies par l’auteure, la Commission était convaincue que celle-ci avait des parents proches dans son pays d’origine.

L’auteure affirme qu’elle a épuisé toutes les voies de recours internes et souligne que la décision de la Commission de recours des réfugiés est définitive et n’est pas susceptible de recours. Elle affirme également que sa communication n’est pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Teneur de la plainte

L’auteure soutient qu’en les renvoyant en Somalie, elle et son fils, l’État partie violerait les obligations que lui imposent les articles 1er, 2 d), 12, 15 et 16 de la Convention.

Elle affirme qu’en tant que femme célibataire avec un enfant en bas âge, elle risquerait de subir des violences sexistes en Somalie, ce qui irait à l’encontre de l’article 12 de la Convention.

En ce qui concerne les articles 2 et 15, l’auteure affirme que les autorités de l’État partie n’ont pas tenu compte des droits que lui confère la Convention, en dépit de l’argument qu’elle a présenté devant la Commission de recours des réfugiés, selon lequel la renvoyer avec son fils en Somalie constituerait une violation. À cet égard, elle renvoie aux recommandations générales no 19 (1992) et no32 (2014) du Comité, portant respectivement sur la violence à l’égard des femmes et sur les femmes et les situations de réfugiés, d’asile, de nationalité et d’apatridie. Elle soutient en outre que son droit à l’égalité de traitement, défini à l’article premier de la Convention, a été violé.

En ce qui concerne l’article 16 de la Convention, l’auteure affirme qu’elle risque de subir des violences sexistes de la part de sa famille ou des Chabab si elle est renvoyée en Somalie, car elle s’est opposée à un mariage forcé et a eu un enfant avec un autre homme alors que sa famille désapprouvait leur relation.

Elle affirme également que l’évaluation de sa crédibilité faite par la Commission est peu convaincante et que celle-ci n’a pas exposé les motifs pour lesquels elle doutait de la véracité de ses déclarations.

L’auteure soutient que l’analyse linguistique ayant conclu avec un degré de certitude élevé qu’elle imitait un dialecte parlé dans le sud de la Somalie avait été critiquée. Elle affirme que des analyses similaires effectuées au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord dans des affaires concernant des demandeurs d’asile provenant de Somalie ont posé des problèmes.

Enfin, l’auteure affirme qu’elle avait son enfant sur ses genoux lors de ses entretiens au Service danois de l’immigration, ce qui l’a déconcertée et a eu une incidence sur les déclarations qu’elle a faites concernant les motifs de sa demande d’asile. Elle soutient qu’une telle situation constitue une violation distincte de la Convention, les femmes avec des enfants en bas âge étant désavantagées par rapport aux hommes qui, ne se retrouvent jamais dans des situations aussi déconcertantes et aussi stressantes.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

Le 23 octobre 2015, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et le fond de la communication. Il rappelle les principaux faits sur lesquels se fonde la présente communication et les principales constatations de la décision rendue par la Commission de recours des réfugiés le 8 avril 2015.

L’État partie donne une description complète de l’organisation, de la composition, des fonctions, des prérogatives et de la compétence de la Commission et des garanties en place pour les demandeurs d’asile, notamment la représentation juridique, la présence d’un interprète et la possibilité qui leur est donnée de faire une déclaration à l’audience en appel. Il précise que la Commission dispose d’un ensemble complet de documents de référence sur la situation dans les différents pays d’origine des demandeurs d’asile, actualisés et complétés en permanence à partir de diverses sources reconnues, et qu’elle prend en considération lorsqu’elle examine les dossiers.

L’État partie rappelle que selon la jurisprudence du Comité, la Convention n’a d’effet extraterritorial que si la personne susceptible d’être expulsée est exposée à un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence sexiste. À cet égard, il affirme que l’auteure n’a pas établi à première vue que sa communication était recevable au titre de l’article 4 2) c) du Protocole facultatif car elle n’a pas démontré de manière probante qu’elle serait exposée à un tel risque si elle était renvoyée en Somalie. La communication devait dès lors être jugée manifestement infondée et donc irrecevable.

Au cas où le Comité jugerait la communication recevable et l’examinerait au fond, l’État partie soutient que l’auteure n’a pas démontré de manière probante qu’elle serait exposée à un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence sexiste si elle était renvoyée en Somalie.

L’État partie conteste l’avis de l’auteure selon lequel l’évaluation que la Commission a faite de sa crédibilité semble « peu convaincante ». Dans sa décision du 8 avril 2015, la Commission a jugé à l’unanimité que la déclaration de l’auteure sur les motifs de sa demande d’asile devait être entièrement rejetée car elle avait été vague sur tous les éléments cruciaux et incapable d’étayer ses arguments. Contrairement à ce qu’affirme l’auteure, la Commission a donné une liste détaillée des raisons pour lesquelles elle ne pouvait considérer que la déclaration était fondée sur des faits.

L’État partie rappelle également que le Service danois de l’immigration avait demandé une analyse linguistique concernant l’auteure avant que la Commission ne tienne audience le 8 avril 2015. L’analyse, dont les résultats ont été inclus à l’évaluation du dossier faite par la Commission, a établi avec un niveau élevé de certitude que l’auteure avait pour origine linguistique le nord-ouest de la Somalie et qu’il était peu probable qu’elle provienne comme elle l’affirmait de la région de Hiraan.

L’État partie affirme en outre qu’on ne peut raisonnablement douter, comme l’affirme l’auteure, du sérieux de la société qui a réalisé l’analyse linguistique. Les interrogations sur le bien-fondé de ces analyses et les critiques qu’elles ont suscitées dans des procédures concernant des demandeurs d’asile somaliens au Royaume-Uni portaient sur le poids que leur accordaient les tribunaux et non sur la crédibilité de la société qui les avait réalisées.

Pour ce qui est de l’affirmation de l’auteure selon laquelle la présence de son enfant aux entretiens de fond a eu une incidence négative sur les déclarations qu’elle a faites, l’État partie souligne que les comptes rendus de ces entretiens ont été traduits par l’interprète, revus par l’auteure puis signés. L’auteure a déclaré expressément qu’elle n’avait pas d’observations à y ajouter. À aucun moment des entretiens elle n’est parue confuse. L’État partie ajoute que l’auteure pouvait demander que son enfant soit gardé pendant les entretiens et qu’elle n’était donc pas obligée de l’avoir avec elle.

En ce qui concerne l’argument de l’auteure selon lequel cette situation constituerait une violation distincte de la Convention parce que les femmes avec des enfants en bas âge sont pénalisées par rapport aux hommes, qui ne se trouvent jamais dans des situations aussi déconcertantes et aussi stressantes, l’État partie note que l’auteure ne l’a étayé par aucun autre élément et n’a pas indiqué quelles dispositions de la Convention auraient été enfreintes.

L’État partie approuve donc la décision que la Commission a rendue le 8 avril 2015 après avoir évalué de manière approfondie la crédibilité de l’auteure, les références générales disponibles sur la Somalie et les circonstances de l’espèce. Ayant analysé ces éléments, elle a jugé que le risque de persécution ou de violence n’était pas établi et que la demande d’asile n’était pas fondée.

En ce qui concerne l’argument de l’auteure selon lequel la Commission n’a pas examiné la question de savoir si elle risquait d’être exposée à des violences sexistes si elle était expulsée en Somalie, l’État partie considère, pour les raisons expliquées au paragraphe 4.10, que l’auteure ne serait pas exposée à un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence ou d’atteinte sexiste, notamment à un crime d’honneur, de la part de sa famille. Il fait observer à cet égard que le fait qu’elle ait subi une mutilation génitale avant de quitter la Somalie ne justifie pas en soi l’octroi de l’asile, et que le fait d’être une femme avec un enfant ne peut modifier en soi l’évaluation du risque de violences sexistes.

En outre, l’État partie estime qu’on ne saurait considérer que l’auteure serait une célibataire sans réseau social si elle rentrait dans son pays d’origine puisque, comme elle l’a déclaré à plusieurs reprises, notamment à l’entretien de demande d’asile du 11 février 2014 et à l’entretien de fond du 23 mai 2014, ses frères et ses parents vivent toujours en Somalie.

L’État partie fait également observer que la situation générale en Somalie, notamment celle des femmes, n’est pas telle que toutes les personnes qui y retournent risquent de subir une atteinte au sens du paragraphe 2) de l’article 7 de la loi sur les étrangers. Il fait référence à une publication de l’Office national suédois des migrations, dans laquelle il est dit que le sud (contrôlé par les Chabab) est la seule partie de la Somalie non contrôlée par le Gouvernement, et rappelle que l’examen d’analyse linguistique a établi avec un niveau élevé de certitude que l’auteure avait pour origine linguistique le nord-ouest du pays et que, d’après son compte Facebook, elle a étudié à Hargeisa, dans le nord-ouest de la Somalie (voir par. 2.7, 3.6 et 4.6).

Compte tenu de ces éléments, l’État partie considère que l’auteure ne serait pas exposée à un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence ou d’atteinte sexiste de la part de sa famille, de la population locale ou d’autres personnes, notamment les Chabab, à son retour en Somalie.

En ce qui concerne les références à la Convention, l’État partie indique que même si la Commission ne l’a pas mentionnée expressément dans sa décision du 8 avril 2015, cela ne signifie en aucun cas qu’elle ne l’a pas prise en compte : au même titre que les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, la Convention sous-tend son examen des demandes d’asile.

L’État partie conclut que la Commission, organe collégial de nature quasi‑judiciaire, ayant examiné avec soin la crédibilité de l’auteure, les informations générales disponibles et la situation personnelle de l’auteure, a jugé que celle-ci n’avait pas établi que si elle et son fils étaient renvoyés en Somalie, ils seraient exposés à un risque de persécution ou de violence justifiant l’octroi de l’asile. Il ajoute que la communication de l’auteure ne contenait aucun élément nouveau étayant sa demande ou justifiant l’octroi de l’asile et n’est que l’expression du désaccord de l’auteure concernant l’évaluation que la Commission a faite de sa crédibilité. L’auteure n’a pas établi qu’une irrégularité avait entaché la prise de décision ni mentionné de risque que la Commission n’aurait pas dûment pris en compte. En réalité, elle essaie d’utiliser le Comité comme instance d’appel pour faire réexaminer les faits présentés à l’appui de sa demande d’asile. L’État partie considère que le Comité doit accorder un poids déterminant aux conclusions de fait de la Commission, qui est mieux à même d’évaluer les faits de l’espèce. Il est d’avis qu’il n’y a aucune raison de mettre en doute, et moins encore de rejeter, l’évaluation de la Commission selon laquelle l’auteure n’a pas établi qu’il y avait des motifs sérieux de croire qu’elle et son fils seraient exposés à un risque de persécution ou de violence relevant du droit d’asile, s’ils étaient renvoyés en Somalie. Leur expulsion ne constituerait donc pas une violation de la Convention.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

Le 29 février 2016, l’auteure a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond.

L’auteure note que la Commission de recours des réfugiés a rouvert plusieurs dossiers concernant des réfugiées somaliennes célibataires et a demandé au Comité de suspendre l’examen de leurs communications respectives parce qu’elle souhaitait réexaminer son refus de leur accorder l’asile à la lumière de la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme. Les autorités n’ont cependant pas rouvert le dossier de l’auteure et celle-ci estime que cela pourrait tenir au fait que sa communication a été citée expressément par le Gouvernement, en première lecture du projet de loi noL97 au Parlement, comme un exemple de communication qui n’aurait jamais dû être enregistrée par le Comité. Elle craint par conséquent que son droit à un traitement équitable ne soit bafoué et que les observations de l’État partie ne soient partiales.

L’auteure affirme l’État partie a ratifié la Convention mais ne l’a pas incorporée dans son droit interne. De plus, il ressort de la jurisprudence de la Commission que les autorités nationales ne considèrent pas les décisions du Comité comme juridiquement contraignantes. L’auteure affirme également que dans ses décisions, la Commission ne fait jamais expressément référence aux dispositions de la Convention et qu’on ne peut donc savoir si elle en a tenu compte. Bien que son conseil ait expressément invoqué devant la Commission, oralement et par écrit, les obligations de l’État partie au titre de la Convention, sa décision du 8 avril 2015 ne contient aucune référence à la Convention. Il en va de même de la décision rendue par le Service danois de l’immigration.

En ce qui concerne la recevabilité de sa communication, l’auteure soutient que celle-ci est étroitement liée au fond de l’affaire, et qu’en tant que femme célibataire menacée d’expulsion vers un pays qui n’a même pas ratifié la Convention, compte tenu de toutes les informations générales confirmant ses craintes sur les conséquences possibles d’un retour en Somalie pour elle et son fils, son dossier est fondé de prime abord en vertu des articles 1, 2, 12 et 15 de la Convention.

En ce qui concerne le fond, l’auteure reconnaît ne pas avoir fourni de nouvelles informations durant les deux semaines qui se sont écoulées entre le 8 avril 2015, date à laquelle la Commission a rendu sa décision, et le 22 avril 2015, date à laquelle elle a présenté sa communication au Comité. Elle souligne cependant que la décision de la Commission n’était pas unanime. En outre, contrairement à l’affirmation selon laquelle la Commission tient toujours compte des obligations internationales de l’État partie lorsqu’elle se prononce sur des demandes d’asile, qu’elle le mentionne expressément ou pas dans ses décisions, l’auteure affirme qu’il n’existe aucun exemple de cas où la Commission indique expressément avoir tenu compte de la Convention. Cette dernière n’est d’ailleurs pas mentionnée sur la page Web gérée par les autorités de l’État partie compétentes en matière d’asile, qui comporte une liste des conventions internationales considérées comme pertinentes pour les demandes d’asile et de titre de séjour.

L’auteure soutient également que la Commission aurait dû appliquer en l’espèce le principe de bénéfice du doute. De plus, si elle et son fils étaient renvoyés en Somalie, elle ne bénéficierait d’aucune protection, et même si sa ville d’origine n’est pas actuellement sous le contrôle des Chabab, leur influence y est toujours très grande. S’agissant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, l’auteure affirme que les autorités de l’État partie auraient dû tenir compte de sa situation de femme seule sans protection masculine. En tant que femme célibataire, elle est davantage exposée au risque de violence sexiste, sans possibilité de bénéficier de la protection des autorités somaliennes. Enfin, elle affirme que le risque de violence sexiste à son égard est réel, personnel et prévisible.

Observations complémentaires de l’État partie

Le 15 novembre 2016, l’État partie a présenté ses observations complémentaires.

Pour ce qui est de l’argument de l’auteure selon lequel, femme seule sans moyen de protection, elle craint de subir des violences sexistes, et que toutes les informations provenant de Somalie indiquent que sa crainte est justifiée compte tenu de la situation dans le pays (voir par. 5.4), l’État partie rappelle que la Commission de recours des réfugiés ne saurait considérer comme des faits les raisons invoquées par l’auteure pour demander l’asile. Renvoyant à ses observations du 23 octobre 2015, qui contiennent un compte rendu détaillé de l’évaluation de la crédibilité de l’auteure par la Commission (voir par. 4.5 à 4.10), il souscrit à la conclusion de celle-ci selon laquelle l’auteure n’avait pas établi que, si elle et son fils retournaient en Somalie, elle s’exposait à un conflit avec sa famille ou avec les Chabab.

L’État partie se réfère à l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme concernant une Somalienne, dans lequel la Cour a déclaré ce qui suit :

Ces éléments concourent à établir qu’une femme célibataire retournant à Mogadiscio sans disposer de la protection d’un réseau masculin serait exposée à un risque réel de vivre dans des conditions constitutives d’un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 [de la Convention].

L’État partie fait observer que le fait que la Commission ait rouvert des dossiers en se fondant sur cet arrêt afin d’évaluer le réseau social de demandeurs d’asile en Somalie montre qu’elle évalue concrètement la situation de chaque demandeur d’asile. La situation de l’auteure n’est toutefois pas comparable à celle de la requérante en l’affaire R.H . c.Suède ni à celle des personnes dont la Commission a rouvert les dossiers. La Commission n’ayant pu établir que l’auteure était en conflit avec sa famille, elle s’est fondée sur sa conclusion selon laquelle elle ne pouvait être considérée comme femme célibataire sans entourage masculin, puisque ses frères et ses parents vivaient toujours en Somalie, comme elle l’avait déclaré pendant toute la procédure d’asile.

Pour ce qui est de l’argument de l’auteure selon lequel les observations de l’État partie en l’espèce sont partiales, son cas ayant été cité comme exemple de communication qui n’aurait jamais dû être enregistrée par le Comité (voir par. 5.1 et 5.2), l’État partie maintient sa position, étant donné que l’auteure n’a pas démontré qu’il existait des motifs sérieux de croire que son renvoi et celui de son fils en Somalie constitueraient une violation de la Convention, notamment du paragraphe d) de l’article 2. L’État partie ajoute que la Commission est un organe quasi judiciaire indépendant et que le Gouvernement ne peut lui donner d’instructions sur les décisions à rendre dans tel ou tel cas d’espèce. En outre, la Commission n’a pas donné de précisions sur la nature des affaires que le Ministère de la justice a mentionnées au Parlement en présentant le projet de loi noL97, le 16 décembre 2015. Dans ce contexte, l’État partie considère infondée l’argument de l’auteure selon lequel elle n’aurait pas bénéficié d’une procédure équitable.

En ce qui concerne la situation générale en Somalie, notamment celle des femmes, l’État partie se fonde sur la conclusion de la Commission selon laquelle la situation n’est pas telle que toutes les personnes qui y retournent s’exposent à des violences au sens du paragraphe 2) de l’article 7 de la loi sur les étrangers. La Commission s’est référée à l’arrêt R.H. c.Suède susmentionné et à des informations récentes selon lesquelles les forces de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) et les forces armées somaliennes étaient présentes dans la région de Hiraan.

Pour ce qui est de l’argument de l’auteure selon lequel la Convention n’a pas été mentionnée dans la procédure au niveau national, l’État partie souligne que même s’il n’est pas expressément fait référence à la Convention dans la plupart des décisions de la Commission, il est tenu de respecter les obligations que lui imposent les instruments internationaux dont découle la protection nationale. À titre d’exemple, il renvoie à la note explicative qui accompagne le projet de loi portant modification du paragraphe 2 de l’article 7 de la loi sur les étrangers, qui prévoit la délivrance de permis de séjour aux étrangers (autres que ceux relevant de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés) ayant droit à une protection au titre des conventions auxquelles le Danemark est partie. En outre, il est expliqué en note que le paragraphe 2) de l’article 7 est rédigé conformément à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de son protocole no 6, ainsi qu’à l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Lorsqu’elle examine les conditions de non-refoulement, la Commission évalue également la discrimination dont la demandeuse d’asile pourrait être victime si elle retournait dans son pays et toute évaluation menée au titre de l’article 7 de la loi tient compte des risques de violence sexiste.

En conclusion, l’État partie répète que l’auteure n’a pas démontré que sa communication, manifestement infondée, était de prime abord recevable. Il considère que, même si le Comité devait déclarer la communication recevable, il n’a pas été établi qu’il existait des motifs sérieux de croire que le renvoi de l’auteure et de son fils en Somalie constituerait une violation de la Convention. Enfin, le Gouvernement tient à appeler l’attention sur les statistiques concernant la jurisprudence des autorités danoises de l’immigration, qui indiquent notamment les taux de reconnaissance des demandes d’asile formulées par les 10 principaux groupes nationaux de demandeurs sur lesquelles la Commission a statué entre 2013 et 2015.

Commentaires de l’auteure sur les observations complémentaires de l’État partie

Le 26 janvier 2017, l’auteure a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie. Elle soutient dans un argumentaire très détaillé, que le Service danois de l’immigration et la Commission de recours des réfugiés omettent systématiquement de tenir compte de la Convention lorsqu’ils examinent les demandes de protection que des demandeuses d’asile soumettent pour ne pas être renvoyées dans leur pays d’origine, même depuis que le Comité a précisé sa position sur la portée extraterritoriale de la Convention. L’auteure souligne à cet égard que la Convention offre aux femmes une protection plus étendue contre le refoulement que l’article 3 de la Convention européenne, qui a toutefois été incorporé dans le droit de l’État partie. Elle ajoute qu’elle a clairement indiqué qu’elle demandait l’asile pour échapper à un mariage forcé en Somalie et expliqué les violences auxquelles elle s’exposait si elle refusait de se marier. Elle affirme donc que l’État partie enfreint les dispositions de la Convention, puisqu’elle a démontré le bien-fondé de ses allégations selon lesquelles qu’elle risquait d’être victime de violence sexiste si elle était renvoyée en Somalie.

L’auteure affirme en outre qu’on ne sait, à la lecture des observations complémentaires de l’État partie (voir par. 6.4), quelle entité a examiné sa demande d’asile à la lumière de l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme en l’affaire R. H. c. Suède et décidé de ne pas rouvrir le dossier, ni quand cette décision a été prise. Elle soutient que la décision en question n’a certainement pas été prise par les cinq membres de la Commission qui avaient statué sur son recours le 8 avril 2015. Étant donné que la Commission a rejeté comme non crédibles les motifs de sa demande d’asile, elle a très bien pu conclure que les hommes de la famille de l’auteure constituaient son entourage masculin. Or, une telle décision ne peut être prise que par la Commission lorsqu’elle examine les conditions de non-refoulement. L’auteure rappelle à cet égard que l’entourage masculin dont parle l’État partie se compose de son père et de ses frères qui, selon elle, risquent de la tuer si elle rentre en Somalie.

L’auteure conteste l’avis de l’État partie selon laquelle sa situation n’est pas comparable à celle de la requérante en l’affaire R. H. c. Suède ni à celle des personnes dont la Commission a rouvert le dossier à la suite de l’arrêt en question. Elle soutient donc que la décision de ne pas rouvrir son dossier contrevient à l’article 3 de la Convention européenne et aux dispositions de la Convention.

L’auteure soutient que les conditions de sécurité à Mogadiscio se sont dégradées depuis la décision rendue par le Comité le 8 avril 2015 et qu’en tant que mère célibataire d’un enfant en bas âge, elle ne pourra pas compter sur un entourage masculin pour la protéger si elle retourne en Somalie.

Observations supplémentaires de l’État partie

Le 11 avril 2017, l’État partie a déclaré que les commentaires de l’auteure sur ses observations complémentaires n’apportaient au dossier aucun élément neuf ni aucune précision et qu’il se fondait donc sur la décision de la Commission de recours des réfugiés et sur les observations qu’il avait formulées le 23 octobre 2015 et le 15 novembre 2016. S’agissant de la déclaration de l’auteure sur les motifs pour lesquels elle pense devoir obtenir l’asile et les conflits supposés en Somalie, l’État partie renvoie à ses observations du 23 octobre 2015. En ce qui concerne l’argument de l’auteure tiré de l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme en l’affaire R. H . c.Suède, l’État partie renvoie à ses observations du 15 novembre 2016. En outre, il fait observer qu’il a déjà examiné l’argument de l’auteure selon lequel son dossier devrait être rouvert à la lumière de l’arrêt susmentionné, ainsi que les liens familiaux de l’auteure, notamment la question de savoir si elle pouvait être considérée comme une femme seule.

En ce qui concerne l’examen du dossier de l’auteure (voir par. 7.2), l’État partie précise que la Commission n’a pas rouvert le dossier mais en a étudié les documents lorsque l’auteure a mentionné l’arrêt rendu en l’affaire R.H . c.Suède dans le contexte de la présente communication.

S’agissant de l’argument de l’auteure selon lequel l’absence de renvoi exprès à la Convention dans la décision du 8 avril 2015 signifie que la Commission n’a pas étudié l’applicabilité de la Convention à son affaire, l’État partie fait observer qu’il a pris en considération l’argument du conseil de l’auteure en l’espèce et en ce qui concerne plusieurs autres communications de personnes qu’il représente. À cet égard, l’État partie renvoie à ses observations du 15 novembre 2016. En ce qui concerne le respect de ses obligations internationales par la Commission, il renvoie à ses observations du 23 octobre 2015 et à la décision concernant la recevabilité rendue par le Comité en l’affaire K. S. c. Danemark. Il renvoie également au site Web de la Commission (www.fln.dk), où sont mentionnés les instruments et les dispositions législatives intéressant les activités de la Commission, notamment la Convention.

L’État partie fait observer en outre que la situation générale en Somalie et notamment celle des femmes n’est pas telle que toutes les personnes qui y retournent risquent d’y être victimes des mauvais traitements visés au paragraphe 2 de l’article 7 de la loi sur les étrangers. À cet égard, il renvoie à l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme en l’affaire R. H. c.Suède et aux dernières informations générales en date, selon lesquelles la ville de Buulobarde, dans la région de Hiraan, dont l’auteure a déclaré être originaire, est sous le contrôle de l’AMISOM.

L’État partie maintient que l’auteure n’a pas démontré que sa communication était de prime abord recevable au regard du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif et que celle-ci devrait donc être déclarée irrecevable pour défaut manifeste de fondement. Il ajoute que, même si le Comité devait déclarer la communication recevable, il n’a pas été établi qu’il existait des motifs sérieux de croire que le renvoi de l’auteure et de son fils en Somalie constituerait une violation de la Convention.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité

Conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité décide si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif. Aux termes de l’article 66, le Comité peut décider d’examiner séparément la question de la recevabilité de la communication et la communication elle-même quant au fond.

Conformément au paragraphe 2 a) de l’article 4 du Protocole facultatif, le Comité s’est assuré que la même question n’a pas déjà fait l’objet ou ne fait pas l’objet d’un examen dans le cadre d’une autre procédure d’enquête ou de règlement international.

Le Comité note que l’auteure affirme avoir épuisé les recours internes et que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la communication sur ce point. Il fait observer que, d’après les informations dont il dispose, les décisions de la Commission de recours des réfugiés ne peuvent pas être contestées devant les juridictions internes. En conséquence, il considère que les dispositions du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif ne l’empêchent pas d’examiner la présente communication.

Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon laquelle la communication est manifestement dénuée de fondement au regard du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif en ce qu’elle est insuffisamment étayée. Il regrette que la qualité des observations de l’auteure laisse à désirer, bien qu’elle soit représentée par un conseil. À cet égard, le Comité rappelle que l’auteure dit craindre d’être tuée par des membres de sa famille ou livrée aux Chabab si elle était renvoyée en Somalie, parce qu’elle a eu une relation avec H., son conjoint aujourd’hui décédé, malgré l’opposition de sa famille. Elle soutient que si l’État partie la renvoyait avec son fils en Somalie, elle y serait personnellement exposée à des formes graves de violence sexiste au sens des articles 2, 12, 15 et 16 de la Convention.

Le Comité renvoie à sa recommandation générale no32 (2014), dans laquelle il déclare qu’ « en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme, le principe de non-refoulement fait obligation aux États de ne pas renvoyer une personne là où elle risque de subir de graves violations des droits de l’homme, notamment la privation arbitraire de la vie ou la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » (par. 21). Il renvoie également à sa recommandation générale no19 (1992), dans laquelle il rappelle que « [l]a violence fondée sur le sexe, qui compromet ou rend nulle la jouissance des droits individuels et des libertés fondamentales par les femmes en vertu des principes généraux du droit international ou des conventions particulières relatives aux droits de l’homme, constitue une discrimination, au sens de l’article premier de la Convention », et que ces droits comprennent le droit à la vie et le droit de ne pas être soumis à la torture (par. 7). Il a en outre précisé son interprétation de la violence à l’égard des femmes en tant que forme de discrimination sexiste dans sa recommandation générale no35 (2017) sur la violence sexiste à l’égard des femmes, portant actualisation de la recommandation générale no19, où il réaffirme l’obligation des États parties d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes, y compris la violence sexiste, découlant des actes ou omissions de l’État partie ou de ses acteurs, d’une part, et des actes ou omissions des acteurs non étatiques, d’autre part (par. 21).

En l’espèce, le Comité constate qu’il n’a pas été allégué que l’État partie avait violé directement les dispositions mentionnées de la Convention mais que la violation se matérialiserait si ses autorités renvoyaient l’auteure et son fils en Somalie, l’exposant à des formes graves de violence sexiste de la part de membres de sa famille ou des Chabab.

Le Comité rappelle qu’il appartient généralement aux autorités de l’État partie à la Convention d’apprécier les faits et éléments de preuve ou l’application du droit interne dans un cas d’espèce, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été partiale ou fondée sur des stéréotypes sexistes constitutifs de discrimination à l’égard des femmes, ou manifestement arbitraire, ou a constitué un déni de justice. À cet égard, il relève que l’auteure conteste en substance la manière dont les autorités de l’État partie ont apprécié les éléments factuels de l’espèce, appliqué les dispositions de la législation et tiré leurs conclusions. La question dont est saisi le Comité est donc de savoir si la décision concernant la demande d’asile de l’auteure a été entachée d’une irrégularité, en ce que les autorités de l’État partie n’auraient pas apprécié correctement le risque de violence sexiste grave auquel elle serait exposée en cas de renvoi en Somalie.

Le Comité note que les autorités de l’État partie ont estimé que le récit de l’auteure manquait de crédibilité parce qu’il contenait plusieurs incohérences factuelles et insuffisamment d’éléments à l’appui de ses dires. Il note également que l’auteure a expliqué qu’elle avait son enfant sur les genoux pendant les entretiens avec le Service danois de l’immigration, ce qui la déconcentrait, et que son exposé des motifs de sa demande d’asile en a pâti. Il note en outre que tous les procès-verbaux des entretiens qui ont eu lieu pendant la procédure d’asile ont été passés en revue avec l’auteure, qui a eu la possibilité de les commenter mais n’a jamais émis d’objection quant à leur contenu. Il note que l’État partie a indiqué que l’auteure avait la possibilité de faire garder son enfant pendant les entretiens (voir par. 4.8). Il fait observer que le peu d’informations que lui a fournies l’auteure tendent à confirmer la conclusion des autorités de l’État partie quant au fondement insuffisant de ses griefs. Enfin, il note que l’État partie a tenu compte de la situation générale en Somalie.

Le Comité note également que l’auteure soutient que les autorités danoises n’ont pas examiné sa demande sous l’angle de la Convention ni renvoyé à celle-ci dans leur décision, bien que son conseil ait soulevé cette question oralement et par écrit à l’audience devant la Commission de recours des réfugiés. Il prend note de la réponse de l’État partie selon laquelle la Convention fait partie de l’ordre juridique interne et est pleinement prise en considération par la Commission dans l’examen des demandes d’asile. Il fait observer que le conseil de l’auteure a demandé aux autorités de l’immigration d’examiner la demande d’asile sous l’angle de la Convention, sans toutefois faire référence à des dispositions spécifiques ni étayer les griefs de l’auteure par un renvoi à des articles précis.

S’agissant de l’argument de l’auteure selon lequel sa situation de femme seule constitue pour elle un facteur de risque supplémentaire en Somalie, le Comité constate à la lumière des éléments versés au dossier, notamment le document de juin 2014 dans lequel le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés expose sa position concernant les renvois vers les régions du sud et du centre de la Somalie, invoqué tant par l’État partie que par l’auteure, que celle-ci peut en fait compter sur le soutien de sa famille et sur la protection de son entourage, puisque plusieurs de ses proches vivent encore en Somalie, dont ses parents, ses frères et sœurs, ses oncles et tantes et leurs familles respectives. Le Comité estime donc que cette partie de la communication n’a pas été suffisamment étayée aux fins de la recevabilité car l’auteure ne peut être considérée comme une femme seule livrée à elle-même au cas où elle serait renvoyée avec son fils dans son pays d’origine.

Compte tenu de ce qui précède, et sans sous-estimer les préoccupations pouvant légitimement être exprimées sur la situation générale des droits de l’homme en Somalie, en particulier celle des femmes, le Comité considère qu’aucun élément du dossier ne permet de conclure que les autorités de l’État partie n’ont pas porté toute l’attention voulue à la demande d’asile de l’auteure ou que l’examen de cette demande a par ailleurs été entaché d’un vice de procédure.

En conséquence, le Comité décide que :

a)La communication est irrecevable au regard du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif ;

b)La présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteure de la communication.