Communication présentée par :

O. G. (représentée par un conseil, Valentina Frolova)

Au nom de :

L’auteure

État partie :

Fédération de Russie

Date de la communication :

1er mars 2015 (date de la lettre initiale)

Références :

Transmises à l’État partie initialement le 20 juillet 2015 ; version russe retransmise le 9 décembre 2015 (non publiées sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

6 novembre 2017

L’auteure de la communication est O. G., ressortissante de la Fédération de Russie, née en 1985. Elle se dit victime de violations par la Fédération de Russie de ses droits consacrés par les articles 1, 2 b) à g), lus conjointement avec les recommandations générales no 19 (1992) sur la violence à l’égard des femmes et no 28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et les articles 3 et 5 a) de la Convention. La Fédération de Russie a ratifié la Convention et son Protocole facultatif, respectivement les 23 janvier 1981 et 28 juillet 2004. L’auteure est représentée par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1L’auteure a été partie à un pacte civil avec K. de 2008 à 2010. Pendant cette période, K. aurait consommé des substances psychoactives et de l’alcool et insulté l’auteure. Il avait aussi une dépendance au jeu. Pour ces raisons, l’auteure l’a quitté. À la fin de 2010, elle a commencé à vivre avec un nouveau compagnon. Cependant, K. a continué à appeler l’auteure, a exigé de poursuivre leur relation, lui a envoyé des SMS offensants, s’est rendu à son domicile et a insisté pour s’introduire dans son appartement. En raison du harcèlement moral et du comportement obsessionnel de K., l’auteure a cessé toute communication avec lui.

2.2Le 4 décembre 2011, vers 19 heures, K. s’est rendu au domicile de l’auteure et lui a demandé de le laisser entrer. Lorsque l’auteure a refusé, il l’a frappée au visage devant son fils et le compagnon de l’auteure. Par la suite, K. a pris la fuite et brisé la fenêtre de l’auteure d’un jet de pierre.

2.3Le 20 décembre 2011, l’auteure s’est adressée au Crisis Centre for Women, organisation non gouvernementale à Saint-Pétersbourg, afin de signaler ces faits. Elle y a reçu l’aide d’un conseiller juridique. Le 21 février 2013, le tribunal d’instance no 1 du District de l’Amirauté a reconnu K. coupable d’avoir commis un crime aux termes du paragraphe 1 de l’article 116 du Code pénal (voie de fait) et l’a condamné à quatre mois de rééducation par le travail et au prélèvement de 5 % de son revenu par le Gouvernement. Conformément à l’article 73 du Code pénal, sa peine a été assortie d’un sursis avec six mois de mise à l’épreuve. K. a également été condamné à verser à l’auteure 3 000 roubles (environ 50 dollars des États-Unis) à titre de dédommagement pour le préjudice moral qu’il lui a causé.

2.4Le 23 février 2013, K. a envoyé à l’auteure plusieurs SMS d’insultes, menaçant de l’attraper et de la tuer ainsi que son compagnon. Le 24 février 2013, l’auteure a déposé plainte au commissariat de police local. Le 7 mars 2013, l’agent de police chargé de la plainte a rendu une décision officielle refusant d’ouvrir une enquête criminelle aux motifs qu’il ne pouvait pas interroger K. parce que celui-ci ne venait pas au commissariat de police, et que, parce qu’il ne passait pas à l’acte, la vie de l’auteure n’était pas en danger.

2.5Le 20 mai 2013, K. a envoyé à l’auteure un autre SMS, lui disant : « Rentre vite à la maison, je t’attends devant la porte ». L’auteure a immédiatement appelé la police et signalé la menace. Toutefois, la police a rappelé 10 minutes plus tard pour lui dire qu’ils avaient parlé à K. par téléphone et qu’il avait promis de la laisser tranquille. Quelque 90 minutes plus tard, l’auteure a reçu un autre SMS d’insultes de K.

2.6Le 21 mai 2013, l’auteure a soumis une plainte par écrit à la police au sujet des SMS du 20 mai 2013 et demandé à la police de mener une enquête criminelle. Le 30 mai 2013, le même agent qui était chargé de la plainte déposée le 24 février 2013 a rendu une décision officielle indiquant son refus d’ouvrir une enquête criminelle aux mêmes motifs avancés précédemment.

2.7Le 2 mars 2013, l’auteure a fait appel de la décision rendue par le tribunal d’instance le 21 février 2013 au motif que la peine prononcée était trop clémente et demandé une indemnisation plus importante. Le 20 juin 2013, l’auteure a demandé à la même juridiction de prendre des mesures de protection contre K. Son appel et sa demande ont été rejetés le 11 juillet 2013.

2.8Le 26 août 2013, l’auteure a de nouveau demandé à la police d’engager des poursuites pénales contre K. en raison de ses menaces de mort, mais en vain. La police a rendu, en tout, sept décisions refusant d’engager des poursuites pénales contre K. aux mêmes motifs, à savoir qu’elle ne pouvait pas interroger K. parce que celui-ci ne venait pas au commissariat de police et que, parce qu’il ne passait pas à l’acte, la vie de l’auteure n’était pas en danger. Toutes ces décisions étaient signées par le même agent de police.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure soutient que la Fédération de Russie n’est pas parvenue à mettre pleinement en œuvre la Convention et, en particulier, à introduire une législation moderne et complète sur la violence domestique en accord avec le droit international qui a été « mis en œuvre par les acteurs étatiques qui comprennent et respectent les obligations de diligence due ». Elle fait valoir qu’il n’existe pas de définition de la violence domestique dans la législation nationale. Le Code pénal et le Code des infractions administratives ne permettent pas de poursuivre toutes les formes de violence domestique. Aucune mesure de protection ne peut être demandée par les victimes de violence domestique. À cet égard, l’auteure fait valoir qu’en n’abordant pas la question de la violence domestique dans sa législation, l’État partie viole ses droits consacrés par les articles 1 et 2 b), c), e) et f) de la Convention, lus à la lumière de la recommandation générale no 19.

3.2L’auteure soutient également que l’État partie n’a pas apporté de réponse appropriée aux nouvelles menaces de violence à son encontre et qu’il était réticent à examiner diligemment ses nombreuses plaintes. L’État partie a également omis de mettre en œuvre des mesures spéciales, telles que les ordonnances de protection, pour garantir sa sécurité immédiate. L’auteure fait valoir, en outre, que les mesures générales de protection de l’État dans les procédures pénales ne sont pas conçues pour protéger les victimes de violence domestique. Elle soutient donc que l’État partie a violé les obligations positives qui lui incombent en vertu des articles 1 et 2 b) à g) de la Convention, lus à la lumière des recommandations générales no 19 et no 28.

3.3L’auteure soutient en outre que, lors de l’examen de ses multiples demandes de protection contre la violence domestique, les agents se sont appuyés sur des stéréotypes liés à ce qui constitue un acte de violence domestique et la mesure dans laquelle celui-ci est dangereux pour la victime. Au vu des idées erronées selon lesquelles la violence domestique n’est pas grave et ne constitue pas une menace « réelle » pour la vie, la sécurité et l’intégrité physique ou mentale de la femme, les autorités sont restées complètement passives devant les plaintes de l’auteure, ce qui constitue une violation de ses droits consacrés par l’article 5 a) de la Convention, lu à la lumière des recommandations générales no 19 et no 28.

3.4L’auteure fait observer qu’elle a porté plainte, à plusieurs reprises, auprès de la police et que la seule mesure prise en réaction était de la soumettre, elle, à un interrogatoire. La police a refusé d’engager une procédure pénale, n’a pas interrogé l’auteur présumé de l’infraction et n’a pris aucune autre mesure. Bien que tous les refus aient ensuite été annulés par le parquet de district et renvoyés pour complément d’enquête, la police a continué à refuser de mener une enquête sérieuse. L’auteure indique en outre que, en raison d’un délai de prescription de deux ans, toute tentative de poursuivre K. après février 2015 était prescrite. En conséquence, le refus des autorités d’enquêter sérieusement et rapidement sur les menaces à long terme contre l’auteure et de traduire l’auteur de l’infraction en justice, ainsi que sur l’utilisation des notions stéréotypées de ce qui constitue la violence domestique, constituent une violation de l’article 2 b) à f) de la Convention, lu à la lumière des recommandations générales no 19 et no 28.

3.5L’auteure soutient que la police n’a jamais réellement enquêté sur ses plaintes et, bien que son refus de mener une enquête criminelle ait été annulé par le parquet de district et le tribunal de district, la police n’a, à ce jour, mené aucune enquête sérieuse sur les plaintes. L’auteure a donc été privée de tout recours effectif et, par conséquent, de toute indemnisation et réhabilitation, en violation de l’article 2 b) et e) de la Convention.

3.6L’auteure soutient également que les autorités n’ont apporté aucun soutien psychologique à K. afin de l’empêcher de récidiver. La loi et la pratique actuelles ne prévoient pas de programmes de réhabilitation pour les auteurs d’actes de violence domestique ni la consultation obligatoire d’un psychologue ou d’un thérapeute, en violation de l’article 2 b), e) et f) de la Convention, lu à la lumière de la recommandation générale no 19.

Observations de l’État partie relatives à l’admissibilité et au fond

4.1Le 29 avril 2016, l’État partie a présenté ses observations relatives à l’admissibilité et au fond de la communication. Il rappelle que l’auteure a vécu avec K. et leur enfant de 2008 à 2010. Leur relation a pris fin au début de 2010, à l’initiative de l’auteure. Cependant, K. a tenté de raviver leur relation, ce qui a entraîné un conflit. Le 21 février 2013, sur la base de la plainte déposée par l’auteure auprès d’un tribunal, K. a été reconnu coupable, par le tribunal d’instance no 1 du District de l’Amirauté, d’avoir commis un crime aux termes du paragraphe 1 de l’article 116 du Code pénal (voie de fait) et condamné à une peine de quatre mois de rééducation par le travail assortie du prélèvement de 5 % de son revenu par le Gouvernement et de six mois de mise à l’épreuve. De plus, K. a versé à l’auteure 3 000 roubles à titre de dédommagement pour le préjudice moral causé. L’État partie soutient que l’auteure n’a signalé aux forces de l’ordre aucun autre acte de violence physique de la part de K.

4.2Le 1er mars 2013, l’auteure a fait appel auprès du tribunal du District d’Oktyabrskiy de la décision rendue par le tribunal d’instance le 21 février 2013, au motif que la sentence était trop clémente, et demandé un dédommagement plus important du préjudice moral. L’appel a été rejeté le 11 juillet 2013, le tribunal ayant estimé que la peine imposée à K. était proportionnée à l’infraction qu’il avait commise et qu’elle n’était pas excessivement clémente.

4.3En outre, dans le cadre du processus d’appel, l’auteure a demandé des mesures de protection conformément à la loi relative à la protection par les pouvoirs publics des victimes, des témoins et autres parties prenantes à des poursuites pénales. Le 11 juillet 2013, le tribunal du District d’Oktyabrskiy a rejeté sa demande au motif qu’il n’y avait aucun renseignement objectif démontrant l’existence d’une menace réelle pour la vie et la santé de l’auteure ou des membres de sa famille.

4.4Ni l’auteure ni son conseil n’ont introduit de recours en cassation auprès de la Cour suprême contre la décision rendue par le tribunal de première instance le 21 février 2013 ou la décision rendue par la cour d’appel le 11 juillet 2013.

4.5L’État partie note que le mécontentement de l’auteure à l’égard des résultats des procès ne constitue pas une violation de la Convention. Les décisions des tribunaux reposent sur la législation nationale et ne contredisent pas le droit international. À cet égard, la plainte de l’auteure peut être considérée comme un abus du droit à un procès équitable.

4.6L’État partie estime que l’auteure n’avait pas épuisé toutes les voies de recours internes disponibles avant de s’en remettre au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et considère donc que sa plainte devrait être déclarée irrecevable sous l’angle de l’article 4 2) b) du Protocole facultatif.

4.7Le 23 février 2013, le commissariat no 1 à Saint-Pétersbourg a enregistré la plainte de l’auteure alléguant que K. l’avait appelée et lui avait envoyé des SMS contenant des menaces de mort et de violence physique. Les allégations ont fait l’objet d’enquêtes en vertu de l’article 119 du Code pénal et, le 7 mars 2013, les autorités ont rendu une décision refusant de poursuivre K. faute de corps du délit. L’auteure a été dûment informée de la décision et de son droit de faire appel de celle-ci.

4.8L’État partie note également la plainte de l’auteure contre le refus par la police, en date du 7 mars 2013, d’engager des poursuites pénales contre K., et constate que cette décision a été renvoyée à plusieurs reprises par le parquet de district pour complément d’enquête car étant considérée illégale et sans fondement. La dernière décision de procédure de ce genre a été prise le 20 mars 2016 et envoyée au procureur chargé de la procédure aux fins de clôture pour enquête incomplète. La police mène actuellement une enquête interne concernant l’inexécution de l’action demandée par le parquet et de l’enquête sur les plaintes de l’auteure en temps voulu. L’État partie soutient que, selon les renseignements disponibles dans les dossiers, le dernier et unique épisode de menaces téléphoniques proférées par K. contre l’auteure est daté du 24 février 2013.

4.9En ce qui concerne le fond de l’affaire, l’État partie fait valoir que l’auteure n’a pas suffisamment étayé sa plainte. Il note en outre que, si l’expression « violence domestique » ne figure pas dans la législation russe, sa signification, selon les circonstances de l’affaire, peut s’apparenter à de la torture (art. 117 du Code pénal), des menaces de mort ou des lésions corporelles graves (art. 119 du Code pénal), ou à des insultes (art. 5.61 du Code des infractions administratives). De plus, la commission d’un crime par le recours à la violence physique ou morale est considérée comme une circonstance aggravante (art. 63 1) k) du Code pénal).

4.10L’État partie fait valoir que l’auteure n’a pas étayé son allégation selon laquelle l’État partie n’a pas assuré une protection juridique égale des droits des femmes et des hommes, n’a pas assuré aux femmes, par l’intermédiaire des tribunaux et d’autres organes nationaux, une protection effective contre les actes de discrimination et n’a pas pris de mesures pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes.

4.11L’article 19 de la Constitution garantit l’égalité des droits et des libertés de l’homme et du citoyen indépendamment du sexe, et l’égalité de tous devant la loi et le tribunal. L’homme et la femme ont des droits égaux, des libertés égales et des possibilités égales de les exercer. L’accès de l’auteure à la justice n’a pas été limité ; elle avait accès à des recours effectifs, qu’elle a utilisés. Il s’en est suivi que K. a été reconnu coupable d’avoir commis des voies de fait contre l’auteure sans causer de lésions corporelles portant atteinte à sa santé, et condamné à quatre mois de rééducation par le travail et au versement d’une indemnisation en réparation du préjudice moral causé à l’auteure. La peine correspond parfaitement à la gravité du crime commis.

4.12L’État partie estime, en outre, que la plainte de l’auteure ne contient pas d’arguments démontrant que la loi utilisée pour incriminer les actes de K. serait discriminatoire. Qui plus est, l’auteure ne fournit pas de preuves à l’appui de l’allégation selon laquelle les actes de K. étaient motivés par le fait qu’elle est une femme ou visaient à la discriminer en raison de son sexe.

4.13L’État partie considère que, étant donné que K. n’était pas membre de la famille de l’auteure au moment de la violence alléguée, puisque l’auteure vivait avec un autre homme depuis 2010, son allégation selon laquelle elle a été victime de violence domestique n’est pas non plus étayée.

Commentaires de l’auteure concernant les observations de l’État partie relatives à l’admissibilité et au fond

5.1Dans ses commentaires en date du 12 juillet 2016, l’auteure conteste l’affirmation de l’État partie selon laquelle elle n’a pas épuisé tous les recours internes. Elle soutient avoir épuisé tous les recours juridiques effectifs concernant toutes les violations mentionnées dans sa plainte relatives au manque de réaction de l’État partie devant le harcèlement continu, notamment les appels et les SMS persistants, les insultes, les menaces et le harcèlement physique que l’auteure a subis de son ancien partenaire.

5.2En ce qui concerne l’appel devant le tribunal du District d’Oktyabrskiy contre la décision rendue par le tribunal le 11 juillet 2013 lui refusant des mesures de protection, l’auteure soutient qu’un tel appel n’aurait pas été efficace, car ces mesures ne sont pas conçues pour la protection des victimes de violence domestique. L’auteure et son conseil ne connaissent pas de cas où de telles mesures ont été accordées à des victimes dans des affaires criminelles faisant l’objet de poursuites pénales privées, qui sont considérées comme les moins graves. Elle estime en outre que la loi relative à la protection par les pouvoirs publics des victimes, des témoins et autres parties prenantes à des poursuites pénales revêt un caractère discriminatoire et ne peut être considérée comme un recours d’urgence efficace pour la protection des victimes de violence domestique, car la charge de la preuve de l’existence d’une menace directe et imminente à la vie et à la santé hors de tout doute raisonnable incombe entièrement à la victime, qui agit en tant que procureur privé dans une affaire criminelle. De plus, ces mesures de protection ne peuvent être efficaces que si elles sont appliquées immédiatement. Dans le cas de l’auteure, sa demande de mesures de protection a été examinée 22 jours après sa présentation, soit un délai sept fois plus long que ce que prévoit la loi.

5.3L’auteure fait remarquer qu’elle a porté plainte à de nombreuses reprises auprès du tribunal de district et du procureur de district au sujet de l’inaction de la police et de ses décisions au cours de l’examen préliminaire à la suite de ses plaintes pour harcèlement criminel. Les décisions de la police de ne pas engager de poursuites pénales contre K. ont été jugées illégales par le tribunal de district et le parquet de district, mais cela ne s’est pas traduit par un résultat positif pour l’auteure. Elle fait observer en outre que, trois ans après l’événement, les autorités n’ont toujours pas mené l’enquête nécessaire sur un acte de violence domestique, traduit l’auteur de l’infraction en justice, assuré à l’auteure une protection contre le harcèlement criminel ni dédommagé l’auteure pour le préjudice résultant du stress psychologique lié aux menaces de violence que K. lui a régulièrement adressées.

5.4L’auteure estime que le recours juridique interne auquel l’État partie a fait référence (voir le paragraphe 4.8 plus haut) est indûment prolongé et ne risque pas de donner lieu à une réparation effective au sens du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif. Entre février et août 2013, l’auteure a déposé plusieurs plaintes pénales auprès de la police pour menaces et harcèlement, et espérait que la police mènerait l’enquête nécessaire sur celles-ci. L’auteure estime que, compte tenu de ses tentatives répétées pour saisir les autorités nationales au sujet de ces plaintes, la demande de poursuivre ses efforts en utilisant des recours juridiques inefficaces, alors que les autorités sont restées complètement passives, lui imposerait une charge injustifiée en tant que victime de discrimination sexiste. L’auteure estime donc qu’elle a été victime d’une discrimination sexiste au sens de l’article premier de la Convention, lu à la lumière des recommandations générales no 19 et no 28, et que sa plainte est recevable.

5.5L’auteure soutient en outre que l’État partie n’a pas réagi au harcèlement continu qu’elle a subi de son ancien partenaire, à savoir les menaces, les appels téléphoniques et les SMS persistants, les insultes et le harcèlement physique. Elle conteste l’argument de l’État partie selon lequel le dernier et unique épisode de menaces téléphoniques enregistré date du 24 février 2013. Dans ses plaintes auprès de la police, l’auteure a évoqué la quantité et la teneur des menaces qu’elle avait reçues de K. entre le 21 février et le 25 mai 2013. Elle a jugé que le caractère et la teneur de ces appels et SMS étaient sérieux et a donc demandé à la police à plusieurs reprises d’assurer sa sécurité. L’auteure estime qu’une seule plainte concernant un épisode de menaces aurait dû suffire pour que la police prenne des mesures pour la protéger contre les actes dangereux de son ancien partenaire, qui avait déjà été reconnu coupable d’avoir commis un acte de violence physique contre elle.

5.6L’auteure fait également référence aux « lacunes systémiques » de la législation de l’État partie et à l’absence de définition des expressions « violence domestique » et « harcèlement ». Elle estime que l’absence d’une telle législation conduit à la nécessaire application des dispositions générales du droit pénal auxquelles l’État partie fait référence dans sa communication. De l’avis de l’auteure, les circonstances de son affaire et les rapports d’organisations non gouvernementales indiquent que les dispositions générales du droit pénal ne sont pas à même d’apporter une réponse diligente et effective au problème de la violence domestique.

5.7L’auteure fait remarquer en outre que les autorités ont qualifié les actes de K. de menace de mort. Cette classification ne couvre qu’une partie des actes illégaux et non désirés commis par K. à son encontre. Toutefois, même en l’espèce, s’appuyant sur des notions discriminatoires et stéréotypées de ce qui constitue une menace de mort « réelle » et de la mesure dans laquelle les actes de K. étaient dangereux pour l’auteure, les autorités n’ont pas engagé de poursuites pénales, ce qui a entraîné l’expiration du délai de prescription pour cette infraction particulière. Les autorités ont donc ignoré la situation de harcèlement et n’ont pas tenu compte du caractère dangereux de la violence et de son incidence sur la vie de l’auteure.

5.8L’auteure appelle l’attention sur l’obligation positive qui incombe à l’État partie de protéger toutes les femmes contre la violence domestique, indépendamment du type de famille dans lequel elles choisissent de vivre. La responsabilité qui incombe à l’État partie de s’acquitter de ses obligations ne peut pas dépendre de la situation matrimoniale de la femme. Conformément à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), « la violence domestique désigne tous les actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou économique qui surviennent au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime » (art. 3 b)). Comme il ressort de l’affaire de l’auteure, des relations familiales étaient établies, plusieurs années durant, entre l’auteure et K. Au moment des faits en question, K. était un ancien partenaire de l’auteure et la violence qu’il a commise sur elle était directement liée à la nature de la relation qui avait existé entre eux auparavant. Par conséquent, l’auteure considère comme hors de propos les arguments de l’État partie selon lesquels, parce que K. n’était pas membre de sa famille lorsqu’il a commis des actes de violence contre elle, elle ne pouvait pas être considérée comme une victime de violence domestique.

5.9L’auteure souligne le danger d’une définition aussi étroite de la violence domestique, qui ne permet pas de protéger un grand nombre de femmes. Les récentes modifications introduites dans la législation pénale (art. 116 du Code pénal) limitent la responsabilité pénale aux passages à tabac commis contre des « personnes de l’entourage immédiat », dont le conjoint ou la conjointe de l’auteur de l’infraction et ceux qui vivent dans un ménage commun. Par conséquent, les femmes qui, pour une raison ou une autre, préfèrent ne pas se marier avec leurs partenaires et ne vivent pas avec eux, restent sans protection.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité doit décider si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif. En application de l’article 66, le Comité peut décider d’examiner la recevabilité de la communication en même temps que le fond. Comme il est tenu de le faire aux termes du paragraphe 2 a) de l’article 4 du Protocole facultatif, le Comité s’est assuré que la question n’a pas été examinée et n’est pas en cours d’examen dans le cadre d’une autre procédure d’enquête internationale ou de règlement international.

6.2Le Comité rappelle que, en vertu du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif, il n’examine aucune communication sans avoir vérifié que tous les recours internes ont été épuisés, à moins que la procédure de recours n’excède des délais raisonnables ou qu’il soit improbable que le requérant obtienne réparation par ce moyen. À cet égard, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu de cette disposition parce que l’auteure n’a pas formé de recours en cassation devant la Cour suprême contre la décision rendue par le tribunal de première instance le 21 février 2013 ou la décision rendue par la cour d’appel le 11 juillet 2013. De plus, l’État partie déclare que la plainte de l’auteure contre la décision de la police, en date du 7 mars 2013, de refus d’engager des poursuites pénales contre K. a été renvoyée à plusieurs reprises par le parquet de district pour complément d’enquête car jugée prématurée et non étayée. Le Comité prend également note de l’argument de l’État partie selon lequel une enquête interne a été diligentée par la police au sujet de l’inexécution des actions demandées par le parquet de district et de l’incapacité à enquêter sur les plaintes de l’auteure en temps voulu. Cela étant, le Comité prend note de l’argument de l’auteure selon lequel elle a constamment porté plainte auprès du tribunal de district et du procureur de district contre l’inaction de la police et le refus d’ouvrir une enquête criminelle et que, trois ans après ses plaintes, la police n’avait encore entamé aucune enquête.

6.3Le Comité note, en outre, que l’auteure a déposé de nouvelles plaintes les 20 et 21 mai 2013 pour d’autres menaces émanant de K., qui ont à nouveau donné lieu à un refus du même agent d’ouvrir une enquête criminelle. Il note également qu’aucune enquête n’a été menée après que le procureur de district et le tribunal de district ont annulé la décision de l’agent refusant d’enquêter sur la plainte. Le Comité note également que, entre septembre 2013 et décembre 2014, le parquet de district a ordonné à cinq reprises que les documents de l’affaire soient renvoyés pour complément d’enquête et d’interroger l’auteur présumé de l’infraction sur les menaces de mort envoyées à l’auteure les 23 et 24 février 2013. En outre, le 3 juin 2013, le tribunal de district a également constaté que le refus d’enquêter par l’agent était illégal et sans fondement et a ordonné un complément d’enquête. Néanmoins, le Comité note également qu’à chaque fois l’enquêteur chargé de l’affaire n’a pas localisé et interrogé l’auteur présumé de l’infraction et a refusé d’enquêter sur la plainte et que, par conséquent, aucune mesure spécifique n’a été prise pour protéger l’auteure contre les menaces qu’elle a reçues.

6.4Le Comité prend note également de l’argument de l’auteure selon lequel la peine pour menaces de mort a un délai de prescription de deux ans à compter de la date à laquelle elles ont été proférées. Le délai de prescription pour les faits en question a donc expiré en février 2015 et toute tentative pour traduire l’auteur en justice après cette date est donc prescrite.

6.5Le Comité note enfin que l’État partie ne fournit aucune explication quant à la manière dont les voies de recours internes auraient été effectives pour garantir les droits de l’auteure, compte étant tenu de l’absence systématique de toute nouvelle mesure visant à protéger ces droits. Le Comité conclut donc que, dans le cas d’espèce, il est peu probable que les recours internes visés par l’État partie apportent à l’auteure un soulagement effectif. En conséquence, les dispositions du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif n’empêchent pas le Comité de considérer que la présente communication soulève des questions au titre des articles 1, 2 b) à g), 3 et 5 a) de la Convention.

Examen au fond

7.1Le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de tous les renseignements qui lui ont été communiqués par l’auteure et par l’État partie, comme le prévoit le paragraphe 1 de l’article 7 du Protocole facultatif.

7.2En ce qui concerne la déclaration de l’auteure, qui estime que les décisions des autorités se fondaient sur des stéréotypes sexistes, en violation de l’article 5 de la Convention, le Comité réaffirme que la Convention impose des obligations à tous les organes nationaux et que les États parties peuvent être tenus responsables des décisions judiciaires qui vont à l’encontre des dispositions de la Convention. Le Comité souligne également que la mise en œuvre intégrale de la Convention exige des États parties de prendre des mesures pour éliminer la discrimination directe et indirecte et améliorer la situation des femmes, mais aussi de modifier et transformer les stéréotypes sexistes et d’éliminer les stéréotypes sexistes dommageables, cause profonde et conséquence de la discrimination à l’égard des femmes. Les stéréotypes sexistes sont perpétués par divers moyens et institutions, y compris les lois et les systèmes juridiques, et peuvent être perpétués par des acteurs étatiques dans toutes les branches et à tous les niveaux de gouvernement et par des acteurs privés.

7.3Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 6 de sa recommandation générale no 19, la discrimination au sens de l’article premier de la Convention inclut la violence sexiste à l’égard des femmes. Une telle discrimination n’est pas limitée aux mesures prises par les États parties ou en leur nom. Aux termes de l’article 2 e), les États parties peuvent être également responsables d’actes privés s’ils n’agissent pas avec la diligence voulue pour prévenir la violation de droits ou pour enquêter sur des actes de violence, les punir et les réparer (voir le paragraphe 9 a) ci-dessous). Cela a été réaffirmé par le Comité au paragraphe 24 de sa recommandation générale no 35 sur la violence sexiste à l’égard des femmes, portant actualisation de la recommandation générale no 19, et dans sa jurisprudence.

7.4Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel, parce que K. n’était pas membre de la famille de l’auteure au moment de la violence alléguée, son allégation selon laquelle elle a été victime de violence domestique n’est pas étayée. Le Comité estime que, dès lors que la violence envers une ancienne conjointe ou partenaire découle d’une relation antérieure avec l’auteur de l’acte de violence, comme dans le cas d’espèce, le temps écoulé depuis la fin de la relation ne doit pas être pris en compte, ni la question de savoir si les personnes concernées vivent ensemble ou non. Le Comité rappelle que dans la Convention d’Istanbul, la violence domestique désigne « tous les actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou économique qui surviennent au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime » (art. 3 b)). La Convention ne prévoit pas de délai légal quant à la période suivant la fin d’une relation, durant laquelle une conjointe ou une partenaire peut affirmer que la violence perpétrée par l’ancien partenaire relève de la définition de la violence « domestique ». Le Comité considère donc que les actes de K. envers l’auteure relèvent de la définition de la violence domestique.

7.5Le Comité rappelle également que, en vertu des articles 2 a), c), d) et e) et 5 a) de la Convention, l’État partie est tenu de modifier ou d’abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l’égard des femmes. Le Comité souligne à cet égard que les stéréotypes portent atteinte au droit des femmes à un procès équitable et impartial et que l’appareil judiciaire doit se garder d’instaurer des normes rigides sur la base d’idées préconçues de ce qui constitue une violence domestique ou sexiste, comme indiqué dans sa recommandation générale no 33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice.

7.6En l’espèce, le respect par l’État partie de ses obligations au titre des articles 2 a), c), d) et e) et 5 a) de la Convention, s’agissant d’éliminer les stéréotypes sexistes, doit être évalué à la lumière du niveau de prise en compte des disparités entre les sexes dans le traitement judiciaire de l’affaire de l’auteure. À cet égard, le Comité note qu’il a fallu au tribunal de district 22 jours, au lieu des trois prévus par la loi, pour se prononcer sur la demande de mesures de protection présentée par l’auteure. Le Comité note également avec préoccupation que l’auteure a déposé des plaintes officielles auprès de la police à quatre reprises entre février et août 2013, lesquelles ont toutes débouché sur des refus d’engager des procédures pénales, en dépit de l’ordre direct reçu du parquet de district et du tribunal de district d’interroger K. et d’accomplir toutes les autres procédures d’enquête nécessaires. Aucune autre mesure n’a été prise par les autorités de l’État partie pour protéger l’auteure contre la violence de son ancien partenaire, et plus de trois ans après les faits, les autorités n’ont toujours pas interrogé K. Lorsqu’il s’est finalement prononcé sur la demande, le tribunal a cité le refus de la police d’engager une procédure pénale contre K. et l’absence de « menace réelle » comme base du refus des mesures de protection, alors qu’un mois plus tôt le même tribunal avait jugé le même refus illégal et sans fondement. Le Comité note qu’aucun de ces faits n’a été contesté par l’État partie et que, dans l’ensemble, ils montrent que, en omettant d’enquêter avec diligence et de manière adéquate et sérieuse sur la plainte de l’auteure concernant les menaces de mort et de violence, et en omettant d’aborder son affaire en tenant compte des disparités entre les sexes, les autorités se sont laissées influencer par des stéréotypes. Le Comité conclut donc que les autorités de l’État partie n’ont pas agi avec diligence et de manière adéquate et n’ont pas protégé l’auteure contre la violence et l’intimidation, en violation des obligations découlant de la Convention.

7.7Le Comité note également l’argument de l’auteure selon lequel, à ce jour, la législation de l’État partie ne prévoit pas de définition de la violence domestique ni de protection juridique effective contre la violence domestique. Le Comité rappelle à cet égard qu’en vertu de l’article 3 de la Convention, les États parties prennent dans tous les domaines, notamment dans les domaines politique, social, économique et culturel, toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour assurer le plein développement et le progrès des femmes, en vue de leur garantir l’exercice et la jouissance des droits humains et des libertés fondamentales sur la base de l’égalité avec les hommes. Le Comité rappelle en outre ses observations finales concernant le huitième rapport périodique de l’État partie, dans lesquelles il a vivement engagé celui-ci à adopter d’urgence une législation complète pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence intrafamiliale ; introduire des poursuites d’office en cas de violences intrafamiliales et sexuelles ; veiller à ce que les femmes et les filles qui sont victimes de violences aient immédiatement accès à des voies de recours et à des mesures de protection ; faire en sorte que leurs agresseurs soient poursuivis et punis comme il convient (CEDAW/C/RUS/CO/8). Le Comité considère que le fait qu’une victime de violence domestique doit engager des poursuites pénales privées, dans lesquelles la charge de la preuve lui incombe entièrement, revient à un déni d’accès à la justice pour la victime, comme il est indiqué au paragraphe 15 g) de sa recommandation générale no 33. Le Comité note que les récentes modifications apportées à la législation nationale (art. 116 du Code pénal) qui décriminalisent les voies de fait, qualification sous laquelle de nombreuses affaires de violence domestique font l’objet de poursuites faute d’une définition de la « violence domestique » dans la loi russe, vont dans la mauvaise direction et conduisent à l’impunité pour les auteurs de ces actes de violence domestique.

7.8Le Comité estime que l’incapacité de l’État partie à modifier sa législation relative à la violence domestique a eu une incidence directe sur la possibilité pour l’auteure de réclamer justice et d’avoir accès à des voies de recours efficaces et à la protection. Il considère également que le cas d’espèce montre que l’État partie a failli à son devoir de prendre toutes les mesures appropriées pour modifier les schémas et modèles de comportement socioculturels de l’homme et de la femme en vue de parvenir à l’élimination des préjugés et des pratiques coutumières et de tout autre type qui sont fondés sur l’idée de l’infériorité ou de la supériorité de l’un ou l’autre sexe ou sur les rôles stéréotypés des hommes et des femmes.

7.9À la lumière de ce qui précède, le Comité considère que la manière dont l’affaire de l’auteure a été traitée par la police, le parquet et les autorités judiciaires de l’État partie constitue une violation de ses droits au titre des articles 1, 2 a), c), d) et e), 3 et 5 a) de la Convention. En particulier, le Comité reconnaît que l’auteure a subi des dommages et préjudices sur le plan moral. Elle a été soumise à la peur et à l’angoisse lorsque l’État l’a laissée sans protection alors qu’elle était périodiquement persécutée par son agresseur et a subi un nouveau traumatisme lorsque les organes étatiques censés la protéger, notamment la police, ont refusé de lui accorder la protection et de reconnaître son statut de victime.

8.En vertu du paragraphe 3 de l’article 7 du Protocole facultatif et compte tenu des considérations ci-dessus, le Comité estime que l’État partie a manqué à ses obligations et a donc violé les droits de l’auteure consacrés par les articles 1, 2 b) à g), 3 et 5 a) de la Convention.

9.Le Comité recommande à l’État partie :

a)Concernant l’auteure de la communication : de fournir une compensation financière appropriée à l’auteure, à proportion de la gravité des violations de ses droits ;

b)En général :

i)D’adopter une législation complète pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence intrafamiliale, d’introduire des poursuites d’office en cas de violences intrafamiliales et sexuelles, de veiller à ce que les femmes et les filles qui sont victimes de violences aient immédiatement accès à des voies de recours et à des mesures de protection, et de faire en sorte que leurs agresseurs soient poursuivis et punis comme il convient ;

ii)De rétablir les poursuites pénales en cas de violence domestique au sens de l’article 116 du Code pénal ;

iii)De mettre en place un protocole visant à amener le personnel des postes de police à traiter les plaintes pour violences intrafamiliales de manière non sexiste, afin qu’aucune plainte réelle ou urgente ne soit écartée de façon expéditive et que les victimes reçoivent la protection dont elles ont besoin en temps voulu ;

iv)De renoncer aux poursuites privées dans les affaires de violence domestique car elles font peser la charge de la preuve entièrement sur les victimes de violence, de façon à garantir l’égalité entre les parties dans les procédures judiciaires ;

v)De ratifier la Convention d’Istanbul ;

vi)De fournir une formation obligatoire aux juges, aux avocats et au personnel chargé de l’application de la loi, y compris les procureurs, sur la Convention, son Protocole facultatif et les recommandations générales du Comité, en particulier les recommandations générales no 19, no 28, no 33 et no 35 ;

vii)De s’acquitter des obligations qui lui incombent de respecter, protéger, et réaliser les droits fondamentaux des femmes, y compris le droit de vivre à l’abri de toutes formes de violence sexiste, notamment la violence domestique, l’intimidation et les menaces de violence ;

viii)D’enquêter diligemment et de manière exhaustive, impartiale et sérieuse sur toutes les allégations de violence sexiste à l’égard des femmes, de veiller à ce que des procédures pénales soient engagées dans toutes les affaires de ce type, de traduire les auteurs présumés devant la justice de manière équitable, impartiale et avec diligence et d’imposer des sanctions appropriées ;

ix)De donner aux victimes de violence un accès sûr et rapide à la justice, y compris une aide juridictionnelle gratuite au besoin, pour qu’elles disposent de recours et de moyens de réinsertion efficaces et suffisants conformément aux orientations contenues dans la recommandation générale no 33 du Comité ;

x)De fournir aux délinquants des programmes de réhabilitation et des programmes portant sur les méthodes non violentes de résolution des conflits ;

xi)D’élaborer et de mettre en œuvre des mesures efficaces, avec la participation active de toutes les parties prenantes concernées, telles que les organisations de femmes, pour lutter contre les stéréotypes, les préjugés, les coutumes et les pratiques qui tolèrent ou favorisent la violence domestique.

10.Conformément au paragraphe 4 de l’article 7 du Protocole facultatif, l’État partie examinera dûment les constatations et les recommandations du Comité, auquel il soumettra, dans un délai de six mois, une réponse écrite, l’informant de toute action menée à la lumière de ses constatations et recommandations.