Communication p résentée par :

X. (non représentée par un conseil)

Au nom de :

L’auteure

État partie :

Autriche

Date de communication :

15 novembre 2013

Références :

Communiquées à l’État partie le 19 février 2014 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

11 juillet 2016

Annexe

Décision du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes au titre du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (soixante-quatrième session)

concernant la

Communication no 67/2014

Présentée par :

X. (non représentée par un conseil)

Au nom de :

L’auteure

État partie :

Autriche

Date de la communication :

15 novembre 2013

Le Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes, institué en vertu de l’article 17 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Réuni le 11 juillet 2016,

Adopte ce qui suit :

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteure de la communication est X., de nationalité autrichienne, née en 1959, médecin de profession et mariée depuis 1989. Elle a déclaré qu’elle était victime de violations par l’État partie des articles 1er et 6 lus conjointement avec les alinéas e), f) et g) de l’article 2, les articles 3 et 12 et l’alinéa c) de l’article 13 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur pour l’État partie les 30 avril 1982 et 22 décembre 2000, respectivement. L’auteure n’est pas représentée par un conseil.

Rappel des faits présenté par l’auteure

2.1L’auteure a affirmé qu’en Autriche, les rapports sexuels rémunérés et librement consentis (à savoir les relations sexuelles entre adultes consentants supposant des contacts physiques en échange d’une rémunération pécuniaire) sont licites mais réglementés à trois niveaux administratifs : national (loi sur le VIH/sida, loi sur les maladies vénériennes), provincial (dans le cas présent, la loi sur la prostitution de la Basse-Autriche) et municipal (par des ordonnances). Les travailleuses du sexe sont tenues de se faire enregistrer en tant que prostituées auprès des autorités locales et de se soumettre à des examens vaginaux hebdomadaires et à des tests de dépistage du VIH trimestriels. L’auteure soutient que l’on peut établir une distinction entre la prostitution légale (rapports sexuels rémunérés et librement consentis de femmes enregistrées comme prostituées, qui respectent la réglementation en la matière), la prostitution illégale (prostitution des femmes qui gagnent leur vie en fournissant des services sexuels de façon directe, formelle, ouverte et librement consentie à leurs clients, mais qui, par exemple, ne se sont pas enregistrées comme prostituées) et le commerce indirect du sexe (une zone d’ombre juridique, au sens où les femmes ne dépendent pas du sexe en tant que principale source de revenus, comme dans les salons de massage, où elles peuvent offrir des services sexuels de manière clandestine). L’auteure affirme que, lorsque le comportement sexuel n’est pas visible en public, il n’est pas de nature commerciale, mais relève de la vie privée. Elle soutient que ce qui précède a été confirmé à maintes reprises par la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et du Tribunal administratif. En outre, ces formes de travail du sexe doivent être clairement distinguées, d’une part, d’une vie sexuelle non conventionnelle (qui peut sembler être de nature commerciale, mais ne pas l’être en substance), et d’autre part, de la traite et de l’exploitation criminelle de prostituées. En théorie, une vie sexuelle non conventionnelle est protégée au même titre que la vie privée. Cependant, en l’espèce, l’État partie a estompé ces deux distinctions.

2.2L’auteure a déclaré qu’en 2007, la police de la Basse-Autriche avait ouvert une enquête sous couverture sur sa vie sexuelle au seul motif du contrôle de la prostitution. Le 19 février 2007, à 20 heures, un agent de la police de la Basse-Autriche s’est introduit au domicile de l’auteure sous un faux prétexte. Il s’agissait d’un acte illégal au titre de l’article 131 du Code de procédure pénale, qui interdit expressément à la police d’entrer dans un domicile privé sous un faux prétexte.

2.3L’auteure a appris par la suite que, du 19 janvier 2007 au 19 février 2007, la police avait enquêté sur elle afin de prouver qu’elle était coupable de prostitution illégale. La police a recueilli de la correspondance et des images sexuellement explicites de l’auteure, alors qu’il est manifeste que ces informations ne sont d’aucune utilité pour lutter contre des crimes graves (la prostitution illégale n’est pas un crime mais une infraction administrative).

2.4Lorsque l’agent de police se faisant passer pour un client s’est rendu au domicile de l’auteure, il s’était assuré au préalable, par des échanges de courriers électroniques et une conversation téléphonique, qu’elle l’attendrait presque nue, en lingerie coquine, tandis qu’il prétendrait être un ami libertin partageant la vie sexuelle libre de l’auteure. Il comptait invoquer sa nudité pour la compromettre et prouver qu’elle s’adonnait à la prostitution illégale.

2.5À 20 h 20, l’agent a révélé sa véritable identité et s’est précipité vers l’entrée pour ouvrir la porte à deux autres policiers qui sont entrés chez l’auteure contre son gré, sans lui donner la possibilité de se rhabiller. Il voulait que ses collègues constatent la nudité de l’auteure, afin de prouver qu’il y avait prostitution illégale. L’auteure a ressenti cette intrusion comme une sorte de viol et a souffert de stress post-traumatique. Quelques minutes plus tard, un quatrième agent de police est entré. Les policiers étaient armés. L’auteure a fait valoir que la police ne pouvait pas s’introduire dans un domicile privé, à moins que cette intrusion ne soit justifiée par une ordonnance judiciaire (conformément aux articles 119 et 120 du Code de procédure pénale) ou dans des cas d’urgence (tels qu’ils sont définis par les articles 33, 38 a) et 39 de la loi sur la police de sécurité). L’intrusion dans son domicile n’était justifiée ni par une ordonnance (on ne délivre pas un mandat de perquisition pour faire appliquer un règlement administratif), ni par une situation d’urgence. Au contraire, les policiers s’étaient introduits dans le domicile pour faire pression sur l’auteure et obtenir de faux aveux pour faire croire que sa vie sexuelle libre s’apparentait à de la prostitution illégale. Les agents n’ont quitté le domicile qu’à 22 h 15. Leurs supérieurs hiérarchiques ont confirmé avoir donné leur accord pour cette intrusion dans un domicile privé afin de prouver que l’auteure était coupable de prostitution illégale, ce qui témoigne du caractère systématique du comportement illégal de la police.

2.6Le 20 février 2007, la police a engagé des poursuites contre l’auteure pour prostitution illégale devant l’Autorité administrative du district de Tulln, en se fondant sur les preuves obtenues la veille. Le 3 juillet 2007, l’Autorité a suspendu la procédure administrative pénale engagée contre l’auteure lorsqu’elle a réalisé que l’activité sexuelle de celle-ci relevait de sa vie privée et n’était pas assimilable à de la prostitution. Toutefois, bien que l’auteure ait fait part, le 9 mars 2007, de ses préoccupations concernant des violations des droits de l’homme à l’Autorité du district, celle-ci n’a ni ouvert une enquête sur le comportement de la police, ni informé l’auteure de la possibilité d’un recours dans le cadre d’une procédure de plainte administrative.

2.7La police a également versé au dossier en tant que preuves la correspondance et les images recueillies et a généré de nouvelles données personnelles sensibles en reliant ces informations au nom de l’auteure (que la police connaissait depuis le 12 février 2007). Cette collecte de données visait à recueillir des preuves à l’appui des poursuites administratives pour prostitution illégale engagées contre l’auteure auprès de l’Autorité administrative du district de Tulln. La police a versé au dossier les photographies sexuellement explicites susmentionnées comme éléments de preuve. Elle a également communiqué les accusations à l’autorité municipale et au service des impôts de Tulln, bien que les articles 6, 7 et 9 de la loi sur la protection des données prévoient que ces informations ne peuvent être utilisées qu’à des fins légitimes définies au préalable, et uniquement par les institutions autorisées. Les informations sur la vie sexuelle ou la santé d’une personne sont particulièrement sensibles (voir l’article 4 de la loi sur la protection des données) et, en vertu des articles 29 et 53 de la loi sur la police de sécurité, les agents ne peuvent recueillir ces informations sensibles que dans le cadre de la répression des crimes graves. À une date non précisée, le service des impôts a engagé une procédure contre l’auteure, une affaire sur laquelle il a été statué en sa faveur en 2012 mais qui a causé des souffrances considérables, le service des impôts ayant pendant cinq ans réitéré à maintes reprises ses fausses accusations de prostitution.

2.8Le 21 août 2008, l’auteure a déposé une plainte au sujet du comportement répréhensible de la police auprès de la Chambre administrative indépendante de la Basse‑Autriche et s’est plainte d’avoir subi un traitement dégradant et discriminatoire ainsi que des atteintes à sa vie privée, des violations de son domicile, de ses droits à des garanties judiciaires et de la loi sur la protection des données. Cette plainte était fondée, entre autres, sur une notification de la police, reçue le 8 août 2008 (datée du 6 août 2008), l’informant que l’enquête sous couverture la concernant était menée au titre de la loi sur la police de sécurité. Le 15 décembre 2008, la requérante a été informée que cette enquête n’avait été soumise à aucun contrôle indépendant; le lendemain, elle a ajouté ce fait à sa plainte. Toutefois, le 5 mai 2009, la Chambre administrative indépendante a rejeté sa plainte pour cause de prescription, car le délai légal avait commencé à courir à la fin de l’enquête sous couverture, le 19 février 2007.

2.9Le 17 juillet 2009, l’auteure a fait appel devant la Cour constitutionnelle. Le 23 février 2010, celle-ci a déclaré que l’affaire ne soulevait aucune question de droit constitutionnel, et l’a renvoyée au Tribunal administratif. Dans une lettre datée du 14 avril 2010 et remise à l’avocat de l’auteure le 19 avril 2010, le Tribunal administratif a invité l’auteure à introduire un nouveau recours sous une forme différente, ce qu’elle a fait le 12 mai 2010. Le 21 juin 2010, le Tribunal administratif a statué sur une question mineure (pas de report des paiements pour la procédure) mais ensuite les sections 1 et 17 du Tribunal n’ont cessé de se renvoyer l’affaire et n’ont pas rendu de décision définitive avant le 20 mars 2013, lorsque le Tribunal administratif a confirmé la décision de la Chambre administrative indépendante en déclarant que l’affaire ne soulevait pas de point de droit. L’auteure affirme que la procédure devant le Tribunal administratif a été inefficace en raison de sa durée excessive. Dans son cas, il y a une période d’inactivité de deux ans et neuf mois (du 21 juin 2010 au 20 mars 2013), alors que l’affaire a été en instance pendant trois ans au total (du 23 mars 2010 au 20 mars 2013).

2.10L’auteure affirme que la jurisprudence de la Cour constitutionnelle nie le caractère discriminatoire de la législation relative à la prostitution, dont l’application a abouti aux événements décrits ci-avant, et que c’est la raison pour laquelle la Cour a à plusieurs reprises rejeté des plaintes concernant cette législation.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure affirme avoir été victime d’une forme de discrimination contre les femmes car les lois de l’État partie relatives à la prostitution sont discriminatoires et permettent que la répression vise la vie sexuelle des femmes, sans que des garanties efficaces contre les abus soient prévues. Cela est manifeste dans le cas présent : les services de police ont fait fi des garanties destinées à empêcher que la vie sexuelle d’individus ne soit espionnée au moyen d’enquêtes sous couverture illégales, et des vices de procédure ont privé d’effet les recours qui ont été formés. En raison de cette défaillance du système juridique, l’auteure affirme que la police a commis des atteintes constitutives de violence contre les femmes et violé ses droits fondamentaux (violations de la vie privée et de la protection des données personnelles, violation de domicile et traitement dégradant).

3.2L’auteure fait valoir que la prostitution illégale n’est pas un crime mais une infraction administrative et qu’une opération de police sous couverture ne pouvait donc pas être justifiée, étant donné que, selon l’article 54 de la loi sur la police de sécurité, de telles enquêtes ne sont autorisées qu’à des fins de lutte contre la criminalité, et que d’après l’article 35, la condition minimale pour ce type d’enquête est l’existence d’un soupçon légitime d’implication dans un crime grave. La police a néanmoins poursuivi son enquête sous couverture pendant quatre semaines, sans avoir défini au préalable le moment à partir duquel l’intrusion dans la vie privée ne pouvait plus être justifiée par l’obtention d’informations. L’article 28 a) de la loi sur la police de sécurité prévoit qu’une telle enquête doit être une mesure de dernier recours, et il est stipulé à l’article 29 que les intrusions dans la vie privée doivent être limitées au minimum et être proportionnelles au crime. De même, conformément aux articles 131 et 133 du Code de procédure pénale, la durée d’une enquête de police sous couverture doit être déterminée à l’avance et l’enquête ne peut durer plusieurs semaines que si le crime qui en fait l’objet est particulièrement grave.

3.3L’auteure soutient que la nudité forcée dont elle a fait l’objet constitue un traitement dégradant. Elle se réfère à des précédents de la Cour européenne des droits de l’homme ainsi qu’à des publications universitaires, où il est dit que la nudité forcée est un traitement dégradant, que celle-ci est comparable au viol de par sa gravité, qu’elle constitue une « atteinte à la dignité de la personne » pouvant être constitutive d’acte de torture, que pour les victimes de nudité forcée ayant survécu à d’autres actes de torture, la violence en est comparable, que des études médicales ont confirmé les graves effets néfastes sur la santé de l’humiliation sexuelle et que la menace même de nudité forcée est dégradante. Elle soutient également que le fait, pour des policiers de sexe masculin portant des armes, de forcer une femme à être nue en leur présence constitue un traitement inhumain.

3.4L’auteure se réfère aux conclusions du Comité selon laquelle les examens gynécologiques forcés sont incompatibles avec la dignité humaine. Elle se réfère aussi à des précédents d’autres instances internationales qui portaient sur des questions analogues, telles que les fouilles à nu, lors desquelles la présence de personnes de sexe opposé était un facteur aggravant, ou encore le déshabillage par une personne de sexe opposé et la nudité prolongée en détention. Ainsi, d’après l’auteure, la nudité peut être dégradante même sans qu’il y ait recours à la force; l’humiliation infligée par un policier qui se comporte comme un « voyeur » peut elle aussi constituer un traitement dégradant. De plus, la nudité forcée constitue une violation de la vie privée. Elle constitue aussi un crime de droit international (art. 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale) et a été définie pour la première fois en 1998 dans le contexte des crimes de guerre. L’État partie a reconnu que la nudité forcée était un traitement dégradant dans des décisions relevant de sa juridiction nationale. Enfin, la nudité forcée infligée par la police constitue une pratique répréhensible, interdite à l’article 302 du Code pénal.

3.5L’auteure souligne que sa plainte principale porte sur la discrimination contre les femmes qu’engendre l’existence même des lois relatives à la prostitution. Elle soutient qu’en temps normal (à savoir si elle n’avait pas fait l’objet d’une opération de police illégale), elle n’aurait eu accès à aucun recours interne ayant des chances d’aboutir. Le seul recours possible aurait consisté à déposer une plainte auprès de la Cour constitutionnelle demandant que cette dernière déclare inconstitutionnelles les lois relatives à la prostitution. Cependant, la Cour constitutionnelle avait déjà déclaré, en 1976, que l’obligation pour les femmes de se faire enregistrer en tant que prostituées et de se soumettre à des examens gynécologiques était constitutionnelle. Par conséquent, conformément aux termes de l’alinéa 1 de l’article 4 du Protocole facultatif, il aurait été « improbable que le requérant obtienne réparation » par un appel auprès de la Cour constitutionnelle.

3.6L’auteure fait valoir par ailleurs que les tribunaux de l’État partie peuvent donner de l’obligation de non-discrimination une interprétation différente de la définition figurant dans la Convention car ils ne sont pas liés par les dispositions de cette dernière, la Cour constitutionnelle ayant jugé en 1975 que le droit international ne créait pas de droits individuels au niveau national. Les femmes ne disposent donc généralement d’aucun recours contre la discrimination résultant de l’application des lois relatives à la prostitution.

3.7L’auteure affirme que, dans son cas, la discrimination résultant des lois relatives à la prostitution a été aggravée par l’opération policière illégale destinée à les faire appliquer, ce qui lui a donné la possibilité d’engager une procédure administrative pour pratique répréhensible de la police, et c’est ce qu’elle a fait. Toutefois, ce recours a été inefficace pour deux raisons : la procédure, ayant été d’une durée excessive et interrompue par une longue période d’inaction, a excédé les délais raisonnables; l’État partie a de facto refusé à l’auteure l’accès à un tribunal et jugé la plainte irrecevable pour des motifs arbitraires. De plus, les pratiques répréhensibles de la police font rarement l’objet de poursuites et n’ont généralement pas de conséquences notables pour leurs auteurs.

3.8L’auteure soutient en outre que l’obligation pour les travailleurs du sexe de se faire enregistrer en tant que prostitués et de se soumettre à des examens gynécologiques et à des tests de dépistage du VIH, si elle est formulée en des termes ne faisant pas de différence entre les sexes, touche principalement les femmes, vu que la grande majorité de ces travailleurs sont des femmes. Il n’existe pas d’obligations similaires pour les hommes, par exemple les clients de travailleuses du sexe. L’existence même de ces lois entraîne donc une discrimination indirecte contre les femmes, qui porte préjudice aux femmes faisant commerce du sexe. L’auteure en a été la victime, la police l’ayant perçue à tort comme une prostituée sur laquelle il fallait faire pression pour qu’elle se soumette au régime de contrôle de la prostitution, et « la jurisprudence autrichienne ayant toléré cela ». Elle affirme que ses droits au titre de l’article premier de la Convention, lu conjointement avec les articles 2 f) et g), ont été violés, étant donné que l’objectif de l’opération sous couverture menée contre elle était d’appliquer les lois relatives à la prostitution et que ces lois et leur application lui ont par conséquent causé un préjudice direct. L’auteure a donc été victime de discrimination contre les femmes résultant de l’application des lois discriminatoires relatives à la prostitution, en violation des articles 2 f) et g).

3.9Se référant au paragraphe 9 de l’observation générale no 28 (2010) du Comité concernant les obligations fondamentales des États parties au titre de l’article 2 de la Convention, l’auteure insiste sur le fait que l’État partie a manqué à l’obligation que lui impose l’article 2 de la Convention d’assurer le respect de l’égalité des droits des femmes au moyen de sa législation. Se référant au paragraphe 36 de l’observation générale no 28, elle soutient également que le fait que l’État partie a rendu les recours inefficaces constitue une violation de l’article premier de la Convention lu conjointement avec l’article 2 e).

3.10L’auteure fait observer que la police a admis que les enquêtes sous couverture, telles que celle menée contre elle, étaient courantes. Ainsi, du fait des lois relatives à la prostitution, les femmes, mais non leur clientèle masculine, sont visées par des opérations illicites lorsque la police les soupçonne de prostitution illégale. Par conséquent, les femmes ne jouissent pas d’une protection de leurs droits fondamentaux égale à celle des hommes, comme l’illustre l’affaire impliquant l’auteure. Cette dernière affirme avoir été victime de discrimination en tant que femme, les droits fondamentaux des femmes n’ayant pas été protégés sur la base de l’égalité avec les hommes, en violation de l’article 3 de la Convention. Une telle discrimination, qui prive les femmes du plein exercice de leurs droits fondamentaux, est une violence faite aux femmes.

3.11En ce qui concerne l’article premier de la Convention lu conjointement avec l’article 6, la discrimination tient au fait que les lois relatives à la prostitution vont à l’encontre de l’intention de l’article 6. Au lieu de protéger les femmes contre l’exploitation sexuelle, l’application de ces lois a créé de nouveaux risques de harcèlement sexuel de la part de la police, par exemple la nudité forcée, dont a souffert l’auteure. Le système judiciaire n’a pas fourni de protection contre ce type de mauvais traitement.

3.12Concernant l’article premier lu conjointement avec l’article 12 de la Convention, les lois relatives à la prostitution, à savoir la loi sur le sida et la loi sur les maladies vénériennes, imposent des normes différentes aux femmes et aux hommes en matière de santé sexuelle. Ces lois considèrent que les femmes, en particulier les travailleuses du sexe, sont entièrement responsables des infections sexuellement transmises, bien que cette notion ne repose sur aucun fondement scientifique. En revanche, les hommes, notamment les clients des travailleuses du sexe, ne sont soumis à aucune réglementation analogue. Pour cette raison, l’auteure a été la cible d’une opération de police illégale visant à appliquer ces lois. Elle a été victime de discrimination en tant que femme due à l’inégalité des normes juridiques applicables aux femmes et aux hommes en matière de santé, au mépris de l’article 12.

3.13Pour ce qui est de l’application de l’article premier de la Convention lu conjointement avec l’article 13 c), les lois relatives à la prostitution conduisent la police à évaluer différemment les activités récréatives des femmes et celles des hommes dès lors qu’elles ont une connotation sexuelle. En raison de stéréotypes sexistes, la vie sexuelle non-conformiste de l’auteure a fait naître des soupçons de prostitution illégale, amenant la police à intervenir par des moyens illicites. La police n’effectue pas d’enquêtes sous couverture pour démasquer les hommes soupçonnés de contact avec des travailleuses du sexe. L’auteure a donc été victime de discrimination en tant que femme du fait de stéréotypes sexistes concernant la vie sexuelle, en violation de l’article 13 c) de la Convention.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 18 avril 2014, l’État partie a déclaré qu’au cours d’une enquête de routine, le 29 janvier 2007, des inspecteurs du Département d’enquête criminelle de Basse-Autriche enquêtant sur la traite des êtres humains avaient repéré une annonce que l’auteure avait publiée sur le forum autrichien de rencontres en ligne. Cette annonce était rédigée de telle façon qu’il ne faisait aucun doute que l’auteure proposait aux hommes des services sexuels moyennant un paiement qu’elle appelait « TG » (Taschengeld, « argent de poche »). Un agent du Département se faisant passer pour un client intéressé lui avait alors écrit en utilisant une fausse adresse électronique et, le 29 janvier 2007, l’auteure lui avait envoyé un courriel pour lui proposer des services sexuels tarifés. Au cours de conversations téléphoniques et d’un échange de courriels, le policier avait reçu de l’auteure (et de son mari) son numéro de téléphone et son adresse, ainsi que des photos la montrant nue, en sous-vêtements, ou en train d’avoir des rapports sexuels avec divers partenaires. Le 19 février 2007, des agents du Département s’étaient rendus à l’adresse indiquée par l’auteure. À 20 heures, l’un d’eux avait sonné à la porte en se faisant passer pour le client attendu, tandis que les autres attendaient à proximité. Le mari de l’auteure avait ouvert la porte et fait entrer le faux client, que l’auteure attendait − en sous-vêtements − dans le salon. Une fois les modalités du paiement définies, l’agent de police avait révélé son identité à l’auteure et lui avait montré sa carte. En réponse à ses questions, l’auteure avait dit qu’elle n’avait pas de carte dite « de contrôle », exigée des personnes se livrant à la prostitution, et qu’elle n’avait pas informé les autorités locales de ses activités. Après que l’auteure avait fait venir son mari, l’agent de police avait fait entrer ses collègues. Comme l’auteure refusait de les accompagner au poste de police pour s’y soumettre à un interrogatoire, les agents avaient pris sa déposition sur place.

4.2L’État partie a noté que l’auteure soutenait dans sa communication que, le 19 février 2007, les agents de police l’avaient poussée à faire des aveux et qu’ils l’avaient empêchée de s’habiller, ce qui constitue un cas de « nudité forcée ». La transcription de sa déposition du 19 février 2007, que l’auteure a elle-même signée, ne contient aucune information à ce sujet. L’auteure n’a pas non plus soulevé ce point dans le courriel qu’elle a envoyé au Département d’enquête criminelle le 20 février 2007. Elle n’a pas non plus expressément contesté le compte rendu des faits de la Chambre administrative indépendante de la Basse‑Autriche dans ses plaintes adressées à la Cour constitutionnelle et au Tribunal administratif. Le 21 août 2008 (soit environ quinze mois après la prescription des faits), l’auteure, représentée par son mari, a écrit à la Chambre administrative indépendante pour porter plainte contre l’acte officiel du 19 février 2007, déclarant que plusieurs droits garantis par la Constitution, ainsi que les directives régissant les interventions des agents de police (Journal officiel de la République fédérale d’Autriche no 266/1993), avaient été enfreints. Elle a également demandé que le délai de prescription de six semaines applicable aux mesures policières reparte de zéro. Dans une décision du 5 mai 2009, la Chambre administrative a rejeté sa demande concernant le délai de prescription et déclaré que sa plainte arrivait trop tard, car rien n’indiquait qu’elle avait été empêchée de la déposer dans les temps. L’auteure a fait appel de cette décision auprès de la Cour constitutionnelle. Dans une décision du 23 février 2010, la Cour constitutionnelle a refusé d’examiner la plainte car elle ne soulevait pas de question constitutionnelle et l’a renvoyée pour examen au Tribunal administratif. Par une décision du 20 mars 2013, celui-ci a à son tour refusé d’examiner la plainte, car la décision de la Chambre administrative était conforme à la jurisprudence du Tribunal.

4.3L’État partie a en outre déclaré que, par une décision du 18 janvier 2008, l’auteure avait été intimée de payer un impôt sur les revenus qu’elle avait tirés de ses activités de prostituée de 2004 à 2006. L’auteure a fait appel de cette décision auprès de la Commission indépendante chargée des finances, qui lui a donné raison dans une décision en date du 15 décembre 2008, car les activités de l’auteure n’étaient pas soumises à l’impôt sur le revenu. Le Service des impôts a officiellement fait appel de cette décision auprès du Tribunal administratif mais a été débouté (jugement du 25 janvier 2012). Le Tribunal administratif a été convaincu par l’argument de l’auteure selon lequel les sommes générées par l’activité concernée étaient négligeables. Il a jugé que, comme les actes en question n’étaient pas motivés par l’argent et ne revêtaient pas les caractéristiques d’une activité commerciale, l’auteure n’était pas tenue de payer d’impôts. Le 20 juin 2013, l’auteure a porté plainte auprès de la Commission de la protection des données contre le Service des impôts, mais elle a été déboutée le 6 septembre 2013 car aucune donnée concernant sa vie sexuelle n’était stockée en format électronique. Le stockage électronique d’autres données personnelles dans le cadre de la procédure fiscale était cependant nécessaire au vu d’une éventuelle reprise de la procédure au Tribunal administratif. L’auteure a formé un recours contre cette décision auprès de la Cour constitutionnelle, mais cette procédure étant toujours en cours, les détails en sont confidentiels. Comme l’auteure n’a pas communiqué au Comité la teneur de la plainte qu’elle a déposée auprès de la Cour constitutionnelle, l’État partie ne peut formuler d’observations à ce sujet.

4.4Le 19 avril 2010, l’auteure a intenté une action en responsabilité contre le Gouvernement fédéral. Elle demandait un dédommagement pour les frais qu’elle avait engagés lors de la procédure fiscale, une indemnisation pour les souffrances physiques et morales qu’elle avait endurées du fait d’une violation de ses droits fondamentaux, et une décision juridique établissant que le Gouvernement fédéral était responsable de tout futur dommage à long terme résultant des violations présumées desdits droits. L’action en responsabilité s’est finalement conclue par un accord : le Ministre fédéral de l’intérieur, en tant qu’organe suprême de la police, a versé une partie de l’indemnisation demandée par l’auteure, mais sans admettre la faute alléguée. De son côté, l’auteure a déclaré, lors d’une audience le 23 avril 2012, qu’elle retirait sa demande de dédommagement pour le préjudice personnel présumé ainsi que sa demande tendant à ce que le Gouvernement fédéral soit tenu responsable de tout futur préjudice. Le procès ne portait donc plus que sur la prise en charge des frais d’avocat de l’auteure, mais celle-ci a finalement convenu avec le représentant du Gouvernement fédéral de mettre un terme à cette procédure. L’auteure a ensuite fait parvenir au tribunal une lettre datée du 27 avril 2012, où elle annonçait l’intention des deux parties de ne pas assister à l’audience suivante. Après que les deux parties se sont effectivement abstenues, de leur plein gré, de se présenter à l’audience, la procédure a pris fin de manière définitive.

4.5L’État partie a soutenu que la Loi constitutionnelle fédérale énonçait des interdictions détaillées contre la discrimination, mentionnant notamment l’article 7 de cette loi et l’article 2 de la Loi fondamentale sur les droits généraux des citoyens. Toute discrimination fondée sur le sexe est expressément interdite. Cette interdiction est également confirmée par les arrêts rendus par la Cour constitutionnelle depuis des décennies. De plus, l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui dispose que la jouissance des droits reconnus dans ladite Convention doit être assurée sans distinction fondée sur le sexe, a valeur constitutionnelle dans l’État partie et toutes les entités agissant au nom de l’État partie, y compris les organes législatifs, doivent se conformer à cette disposition. La Cour constitutionnelle veille au respect de cette interdiction et peut même abroger les lois qui y seraient contraires.

4.6L’État partie a en outre déclaré, au sujet de la réglementation de la prostitution, que la loi fédérale sur les maladies vénériennes permet de promulguer des règlements définissant les précautions à prendre en matière de santé et prévoyant des mesures de contrôle pour les personnes qui acceptent que leur corps soit utilisé pour des activités sexuelles à des fins commerciales ou qui soumettent le corps de tiers à ce type d’activités. C’est de cette disposition que découle le règlement relatif à l’examen médical des personnes se livrant à la prostitution, qui prévoit que les personnes utilisant leur propre corps ou le corps de tiers pour des activités sexuelles tarifées doivent se soumettre à un examen médical effectué par un spécialiste de la santé publique avant de se livrer à de telles activités, puis à intervalles réguliers, une fois par semaine, le but étant de s’assurer qu’elles ne sont pas porteuses de maladies vénériennes. Ces personnes reçoivent une carte (appelée « carte de contrôle ») prouvant que l’examen a été réalisé en bonne et due forme. De plus, en application de la loi de 1993 sur le sida, quiconque se livre à la prostitution doit se soumettre à un test de dépistage du VIH administré par un spécialiste de la santé publique avant d’entreprendre ce type d’activité, puis à intervalles réguliers, au moins tous les trois mois. La loi de la Basse-Autriche sur la prostitution dispose que les personnes ayant le droit d’utiliser des bâtiments, dans leur totalité ou en partie, pour faciliter ou mener régulièrement des activités de prostitution doivent en aviser la municipalité en indiquant leur nom et leur adresse. Les dispositions juridiques ci-dessus s’appliquent aux hommes comme aux femmes. La prostitution n’étant pas une activité exclusivement féminine, les hommes qui s’y livrent doivent également se conformer à ces dispositions, qui ne sont donc pas discriminatoires à l’égard des femmes.

4.7L’État partie a en outre déclaré que, selon le droit en vigueur au moment de l’acte officiel du 19 février 2007, quiconque affirmait avoir été victime d’une violation de ses droits en raison de l’exercice d’un pouvoir administratif direct ou de l’application d’une mesure de contrainte pouvait porter plainte auprès d’une chambre administrative indépendante. Il était également possible de déposer une plainte en cas de violation de droits résultant d’actes administratifs autres que l’exercice du pouvoir ou de la contrainte par les forces de l’ordre. Enfin, une plainte pouvait être déposée pour non-respect des directives régissant les interventions des agents de police. Tous ces recours étaient soumis au même délai de prescription, à savoir six semaines. Le délai commençait à courir le jour où le plaignant se rendait compte qu’il avait été victime de l’exercice du pouvoir administratif direct ou d’une mesure de contrainte (et, si l’exercice de ce pouvoir ou cette mesure de contrainte l’avait empêché d’exercer son droit de déposer une plainte, le jour où cet obstacle était levé). La décision de la Chambre administrative indépendante pouvait être contestée devant le Tribunal administratif ou la Cour constitutionnelle31. Dans une plainte déposée auprès de la Cour constitutionnelle, il était possible d’invoquer tant la violation des droits fondamentaux résultant de la décision de la Chambre administrative que l’illégalité (constitutionnelle) des lois et ordonnances sur lesquelles s’appuyait ladite décision. On pouvait aussi saisir directement la Cour constitutionnelle de l’illégalité (constitutionnelle) de lois et ordonnances si cette illégalité était la cause directe d’une violation de droits. La Cour constitutionnelle pouvait refuser d’examiner une plainte si les chances d’aboutir semblaient faibles ou s’il paraissait improbable que l’examen de la décision permette d’éclaircir un point relatif à la Constitution. Le Tribunal administratif, quant à lui, pouvait refuser d’examiner une plainte si la décision ne dépendait pas de la détermination d’un point de droit d’importance fondamentale. Cela ne s’appliquait qu’aux procédures administratives pénales ayant donné lieu à l’imposition d’une amende d’un faible montant.

4.8L’État partie a également déclaré que si des données personnelles étaient traitées par les autorités administratives, les intéressés pouvaient s’adresser à la Commission de la protection des données, qui s’occupait des plaintes relatives aux violations du droit à la confidentialité des données ou du droit de faire corriger ou effacer leurs données.

4.9L’État partie a affirmé que la communication était irrecevable en vertu du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif car l’auteure n’avait pas épuisé tous les recours internes prévus par la législation de l’État partie relative à la procédure. L’auteure avait notamment déposé une plainte auprès de la Chambre administrative indépendante de la Basse-Autriche pas moins de 18 mois environ après l’acte officiel du 19 février 2007. Selon le droit en vigueur au moment de l’acte officiel en question, le délai pour déposer une plainte contre l’exercice d’un pouvoir ou d’une contrainte était de six semaines à partir du jour où le plaignant se rendait compte qu’il avait été victime de l’exercice de ce pouvoir ou de cette contrainte. Comme l’auteure avait directement assisté et participé à l’acte officiel du 19 février 2007, le délai pour déposer une plainte auprès de la Chambre administrative avait expiré six semaines plus tard. L’auteure avait simplement affirmé dans le cadre de la procédure engagée au niveau national qu’elle n’avait pas été informée avant août 2008 de la possibilité de faire appel ni du fondement juridique de l’enquête menée sous couverture.

4.10L’État partie a indiqué que l’auteure avait fait valoir que six semaines ne suffisaient pas pour déposer une plainte et que, n’étant pas informée du fondement juridique de l’enquête menée sous couverture, elle n’avait pas pu le faire dans les délais prescrits. Selon l’État partie, ces arguments n’étaient pas convaincants, car il lui aurait suffi, pour déposer une plainte auprès de la Chambre administrative, de décrire les événements et d’invoquer une violation de ses droits. Il n’était certainement pas nécessaire de savoir exactement quel était le fondement juridique de l’acte officiel ni de citer les dispositions juridiques applicables. Il n’était pas utile, pour déposer une plainte auprès de la Chambre administrative, de savoir que l’enquête sous couverture était fondée sur la loi sur la police de sécurité, notamment car le délai applicable pour déposer une plainte, quelle qu’elle soit, contre des enquêtes ou des actes officiels exécutés par des agents de police, était toujours de six semaines. Le délai avait donc expiré depuis longtemps, quel que soit le fondement juridique de l’acte officiel contesté par l’auteure. Le délai fixé pour le dépôt de plaintes auprès de la Chambre administrative découlait de lois promulguées en bonne et due forme et avait été largement dépassé, de telle sorte que, si les tribunaux autrichiens peuvent parfois appliquer les délais de façon souple en faveur des plaignants, cela n’avait été pas possible dans le cas présent.

4.11L’État partie a en outre fait valoir que l’auteure avait eu suffisamment d’occasions, simples et gratuites, de s’informer de son droit de déposer une plainte. Par exemple, dans l’État partie, chacun avait droit à une première séance d’information gratuite avec un avocat. De plus, des journées d’accès libre aux tribunaux permettaient à quiconque d’obtenir de façon anonyme des informations sur les possibilités de bénéficier d’une protection juridique. Certains jours, la Chambre administrative indépendante de la Basse-Autriche offrait gratuitement des informations juridiques. Le Bureau du médiateur fournissait également des renseignements aux personnes ayant besoin d’une protection juridique. Comme l’auteure et son mari, qui l’a représentée devant la Chambre administrative indépendante, ont tous les deux fait des études universitaires, on peut supposer que tous deux auraient été en mesure de s’informer des possibilités de protection juridique et des délais applicables. De plus, l’auteure aurait pu bénéficier de l’assistance d’un avocat immédiatement après l’acte officiel du 19 février 2007, comme elle l’a fait plus tard lorsqu’elle a déposé une plainte auprès de la cour constitutionnelle et du tribunal administratif et lorsqu’elle a intenté une action en responsabilité contre les autorités.

4.12L’État partie a en outre argué que le comportement des agents de police durant l’acte officiel du 19 février 2007, ainsi que le traitement inhumain ou dégradant présumé, auraient pu être examinés en détail par la Chambre administrative indépendante. S’il était apparu, à l’issue de cet examen, que l’enquête était illégale, la Chambre aurait pu statuer dans ce sens. L’auteure avait donc à sa disposition des instruments efficaces pour faire examiner de manière approfondie une allégation d’activité policière illégale. Si un tel examen n’a pas eu lieu, c’est uniquement parce que l’auteure n’a pas déposé sa plainte à temps. L’État partie a mentionné une communication similaire, où le recours avait été déposé tardivement, et que le Comité avait jugée irrecevable car les recours internes n’avaient pas été épuisés.

4.13L’État partie a par ailleurs indiqué que les recours internes n’avaient pas été épuisés, car l’auteure avait accepté de son plein gré un arrangement : après avoir reçu une partie de l’indemnisation demandée, elle avait convenu avec le Ministère fédéral de l’intérieur, organe suprême de la police, de mettre un terme à la procédure sans recourir à une décision de justice. L’auteure ne pouvait donc pas saisir le Comité de violations de ses droits concernant des événements pour lesquels elle avait déjà accepté un arrangement avec les autorités nationales. Elle n’avait pas fourni de renseignements indiquant que cet arrangement n’était pas valable.

4.14Pour ce qui est de l’enquête sous couverture menée avant l’acte officiel du 19 février 2007, l’État partie a déclaré que l’auteure en avait été informée le jour même et qu’elle aurait pu porter plainte auprès de la Chambre administrative indépendante dans le délai prescrit de six semaines. L’auteure a expressément indiqué, au cours de la procédure, qu’elle avait eu connaissance de l’enquête menée sous couverture le 19 février 2007.

4.15 Quant à la transmission de données par le Département d’enquête criminelle de la Basse-Autriche au Service des impôts, les recours internes n’avaient pas non plus été tous épuisés. La plainte déposée auprès de la Cour constitutionnelle contre la décision de la Commission de la protection des données en date du 6 septembre 2013 était encore en suspens. L’État partie a soutenu que si une communication était présentée au Comité avant épuisement de tous les recours internes, ladite communication devait être déclarée irrecevable.

4.16L’État partie a déclaré que, de plus, les recours internes n’avaient pas été épuisés car l’auteure n’avait pas prouvé de façon satisfaisante, au cours de la procédure engagée devant les instances nationales, que les droits énoncés dans la Convention avaient été violés. Pour qu’une communication soit jugée recevable, il faut que son auteur ait porté plainte pour violation des droits garantis par la Convention auprès des tribunaux nationaux quant au fond. Comme la Convention porte sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, l’auteure aurait dû dûment invoquer, aux cours des procédures internes, la discrimination fondée sur le sexe, ce qu’elle n’a pas fait. Dans la plainte relative à l’acte officiel du 19 février 2007 qu’elle avait déposée auprès de la Chambre administrative indépendante, l’auteure n’avait nullement prétendu avoir fait l’objet d’une discrimination en sa qualité de femme du fait du comportement des autorités ou des lois autrichiennes. Elle avait invoqué une violation d’autres droits sans mentionner un acte spécifique de discrimination dont elle aurait été victime en tant que femme, ce qui ne constituait pas une plainte valable pour discrimination au sens du Protocole facultatif. Les tribunaux ne pouvaient pas tenir compte de sa plainte pour discrimination, mentionnée par l’auteure à titre secondaire dans ses plaintes déposées auprès de la Cour constitutionnelle et du Tribunal administratif. Comme l’auteure n’avait pas respecté le délai prescrit, la Cour constitutionnelle et le Tribunal administratif n’étaient pas tenus de se prononcer sur l’acte officiel et l’allégation de discrimination.

4.17L’État partie a déclaré que l’allégation de l’auteure selon laquelle il n’existait pas de recours interne utile pour contester en tant que telles les lois régissant la prostitution était également infondée. L’auteure aurait pu porter plainte auprès de la Chambre administrative indépendante en temps voulu, en déclarant que l’acte officiel et les investigations qui l’avaient précédé étaient fondés sur des lois qui étaient discriminatoires envers les femmes. Comme la Constitution autrichienne interdit toute discrimination fondée sur le sexe, cette plainte aurait pu être examinée sur le fond et renvoyée par la Chambre administrative à la Cour constitutionnelle avec une requête en modification de ces lois. De plus, en affirmant que les lois applicables à la prostitution étaient discriminatoires en soi, l’auteure visait une révision abstraite des règlements puisqu’elle avait soutenu tout au long de la procédure qu’elle n’était pas et n’avait jamais été une prostituée. Cependant, ni le Protocole facultatif, ni le système juridique autrichien ne fournissaient de base pour réviser des règlements à l’initiative d’une personne déclarant ne pas être concernée par lesdits règlements.

4.18Enfin, l’État partie a affirmé que l’auteure n’était pas non plus une victime satisfaisant aux exigences du Protocole facultatif en matière de recevabilité, puisqu’elle avait accepté de son plein gré, durant l’action en responsabilité civile intentée contre les autorités, un règlement global portant sur l’acte officiel du 19 février 2007, les investigations qui l’avaient précédé et la procédure fiscale. Dans le cadre de ce règlement, l’auteure avait reçu une partie de l’indemnisation qu’elle demandait et convenu ensuite avec l’État partie de mettre un terme définitif à la procédure, notamment pour ce qui est de sa demande de dédommagement pour les frais engagés lors de la procédure fiscale. En acceptant de mettre un terme à l’action en responsabilité, l’auteure avait clairement montré qu’elle estimait que ses demandes d’indemnisation avaient été satisfaites. Elle ne pouvait donc plus être considérée comme une victime au sens de l’article 2 du Protocole facultatif et la communication était donc irrecevable.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie

5.1Le 18 mai 2015, l’auteure a réitéré certains des arguments sur le fond de la communication, et en a ajouté de nouveaux.

5.2S’agissant de la recevabilité de la communication, l’auteure a déclaré que l’État partie avait présenté les choses de manière erronée : il s’était concentré sur les pratiques répréhensibles des agents de police en 2007 et avait suggéré que l’auteure devrait faire porter sa plainte uniquement sur cet aspect de la question. Il n’avait évoqué donc de recours qu’en ce qui concernait les procédures d’examen des plaintes relatives aux pratiques répréhensibles des agents (devant la Chambre administrative indépendante ou l’Agence de protection des données), mais celles-ci n’ont pas pour vocation de répondre à des griefs portant sur des lois ou pratiques discriminatoires. L’auteure souligne que sa plainte porte sur une situation persistante, à savoir des lois sur la prostitution qui sont discriminatoires et autorisent la police à menacer des femmes en proférant contre elles de fausses accusations parce qu’elles mènent une vie sexuelle non conventionnelle. Elle évoque les événements qui se sont produits en 2007 pour étayer ses affirmations et soutient que du fait des règlements relatifs à la prostitution et des pratiques administratives actuelles, les femmes courent un risque inadmissible de subir des abus de la part de la police et qu’il n’existe aucune garantie efficace contre ces abus, notamment en matière de protection. De tels événements peuvent se produire à tout moment; l’auteure a donc pâti de cette discrimination et continue d’en pâtir, même si elle n’est pas une prostituée.

5.3L’auteure a constaté que l’État partie n’avait fait aucun cas de ses allégations de violation de l’article premier lu conjointement avec l’alinéa c) de l’article 13 de la Convention et de discrimination portant sur des activités de loisir, ou encore de ses allégations au sujet de la violation de l’article premier lu conjointement avec l’alinéa e) de l’article 2 de la Convention, dans lesquelles elle fait valoir que l’inefficacité des procédures administratives d’examen des plaintes découle de pratiques discriminatoires dans le système juridique. L’État partie ne suggère aucun recours que l’auteure aurait dû ou pu former contre ces violations.

5.4L’auteure a également noté que l’État partie soutenait qu’elle demandait un examen abstrait de la législation sur la prostitution, du fait qu’elle n’était pas une prostituée et n’était donc pas concernée par ces règlements, ce qu’elle a contesté en faisant valoir que les événements qui s’étaient produits en 2007 donnaient amplement la preuve qu’elle avait subi et continuait de subir la discrimination présumée. L’État partie a également affirmé que l’auteure n’était pas une victime, du fait qu’elle avait accepté de recevoir une indemnisation et de différer son action civile. L’État partie n’a par ailleurs pas tenu compte de la question de la discrimination persistante contre les femmes, que l’on ne pouvait pas faire disparaître à la suite d’une action civile. L’auteure a précisé qu’en 2012, la procédure civile qu’elle avait engagée avait été suspendue. Elle a affirmé que l’État partie avait associé la suspension de la procédure à un règlement global, faisant valoir qu’elle avait reçu une indemnisation de 1 850 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice non pécuniaire, alors qu’elle avait engagé des frais d’avocat de 2 545,94 euros pour cette action civile, et ne recouvrerait pas un montant de 4 636 euros engagés au cours de la procédure relative à l’impôt sur le revenu. Qui plus est, l’État partie n’a admis aucun acte contraire à la loi. L’auteure a également précisé que jusqu’en 2012, aucune enquête n’avait effectivement été menée sur le comportement de la police; l’action civile n’avait donc aucune chance d’aboutir, et elle avait accepté de la suspendre, les frais d’avocat ne faisant qu’augmenter. Elle a cité la jurisprudence du Comité contre la torture qui, dans une affaire analogue, avait fait remarquer qu’engager une telle action ne serait d’aucune utilité pour remédier à un traitement dégradant. En effet, faute d’une enquête criminelle en bonne et due forme, cette action ne saurait aboutir.

5.5L’auteure a également soutenu que la police continuait de mener des enquêtes sous couverture illicites pour démasquer les prostituées, que par conséquent les femmes qui, comme elle, avaient une vie sexuelle non conventionnelle, pouvaient aisément se faire taxer de prostitution et qu’il n’existait pas de garantie efficace pour les protéger, notamment contre des abus. Pour éviter d’être à nouveau traitées de façon injuste, les femmes devaient s’abstenir d’avoir une vie sexuelle libre, alors que les hommes se trouvant dans la même situation ne couraient pas de tels risques. L’auteure pouvait donc affirmer qu’elle était victime de discrimination du seul fait de l’existence de ces lois et pratiques. Elle a évoqué la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et du Comité des droits de l’homme et a fait valoir qu’en sus des souffrances subies du fait de l’existence même de lois et de pratiques administratives discriminatoires qui, à elles seules, auraient suffi à lui octroyer le statut de victime, elle avait également été victime, en 2007, d’actes constitutifs de torture, à la suite de ces lois et pratiques associées illégales. Elle a conclu que sa communication n’était pas une actio popularis et qu’elle avait le statut de victime.

5.6L’auteure a soutenu qu’elle ne perdrait son statut de victime « qu’au terme d’une réparation ». Comme l’a constaté le Comité contre la torture, la notion de réparation comporte la restitution, l’indemnisation, la réadaptation, la satisfaction et les garanties de non-répétition; la réparation en espèces, à elle seule, ne suffit pas43, du fait que l’État partie doit également reconnaître les violations (satisfaction). Comme le montrent ses observations, l’État partie n’a pour autant reconnu aucun acte illicite, aucune omission et aucun type de discrimination contre l’auteure, au cours de l’action civile et des autres procédures. L’auteure évoque également la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, selon laquelle l’État a l’obligation juridique de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci. Étant donné que la situation juridique et les pratiques des forces de l’ordre n’ont pas changé, il n’existe aucune garantie de non-répétition. Ces observations, prises dans leur totalité, montrent clairement que l’action civile n’a pas d’incidence sur l’examen de la recevabilité.

5.7L’auteure a contesté la position de l’État partie selon laquelle une plainte au sujet du comportement de la police, soumise dans un délai de six semaines, après l’incident de 2007, à la Chambre administrative indépendante aurait été un recours efficace pour remettre en question des lois discriminatoires, ou encore l’argument selon lequel elle n’aurait pas épuisé toutes les voies de recours. Elle a soutenu que l’interprétation par l’État partie du délai réglementaire constituait pour elle un fardeau irréaliste, de par son caractère trop formaliste et trop rigide, et revenait à lui refuser l’accès à un tribunal. Elle a noté que d’après l’État partie, peu importait que la police ne l’ait pas informée des voies de recours disponibles, il lui appartenait de découvrir quels étaient les recours disponibles; pour une plainte, il suffisait de savoir simplement qu’une personne avait été visée par une opération de la police et le Tribunal administratif enquêterait ensuite sur le reste, de sa propre initiative. En théorie et conformément au code de procédure administrative, le Tribunal aurait été contraint d’agir de la sorte et de mener des enquêtes approfondies, du fait, notamment, que l’auteure n’était pas représentée par un conseil. La pratique en cours est cependant radicalement différente : des plaintes déposées par des victimes pour brutalités policières sont régulièrement rejetées pour vice de forme. Dans l’affaire de l’auteure, le Tribunal n’a même pas réagi au message électronique qu’elle lui avait adressé le 9 décembre 2008, dans lequel elle indiquait que la police n’avait pas répondu à la question de savoir s’il existait une surveillance indépendante de l’opération effectuée sous couverture.

5.8L’auteure cite également une affaire semblable à la sienne, dans laquelle la Chambre administrative indépendante a rejeté la plainte déposée par une femme au motif qu’elle n’avait pas correctement défini le cadre juridique de l’opération secrète menée contre elle. L’auteure affirme qu’elle n’aurait pas pu déposer plainte sans avoir obtenu au préalable une confirmation écrite de la part de la police relative à l’application de la loi sur la police de sécurité dans le cadre de l’opération menée contre elle. Elle ne l’a obtenue qu’en 2008 et ce n’est qu’à ce moment qu’elle a pu déposer plainte. Elle a également indiqué que d’après la législation nationale, le délai réglementaire pour le dépôt d’une plainte ne pouvait commencer à courir qu’une fois que le plaignant avait acquis des connaissances suffisantes et prévoyait une réintégration, au cas où les autorités auraient violé leurs obligations juridiques (comme le cadre juridique de l’action de la police et les recours disponibles). Cependant, dans leurs décisions, les autorités nationales n’ont même pas évoqué les arguments de l’auteure à cet égard.

5.9L’auteure a également soutenu que contrairement à ce qu’affirmait l’État partie dans ses observations, elle s’était plainte au cours de la procédure d’avoir subi une discrimination fondée sur le sexe. En 2008, lorsqu’elle avait déposé sa plainte administrative au sujet des pratiques répréhensibles de la police à la Chambre administrative indépendante, elle avait dénoncé une violation de l’article 5.1 du Règlement d’après la section 31 de la loi sur la police de sécurité, qui proscrit toute discrimination fondée sur le sexe (le texte de la plainte a été déposé par l’État partie). Après que la Chambre administrative avait classé l’affaire en 2009, l’auteure avait déposé le 17 juillet 2009 une plainte au titre de l’article 144 de la Loi constitutionnelle fédérale auprès de la Cour constitutionnelle. Invoquant l’article 7 de la Loi constitutionnelle fédérale (principe de non-discrimination), elle avait dénoncé une discrimination fondée sur le sexe et, établissant un lien entre l’inconduite de la police et la discrimination contre les femmes en vertu des lois sur la prostitution et faisant valoir également que les vices de procédure à la Chambre administrative indépendante avaient une dimension de genre, elle avait déposé plainte pour discrimination fondée sur le sexe. L’auteure a demandé à la Cour constitutionnelle de décider si la discrimination était à attribuer au caractère discriminatoire des dispositions légales ou à l’application de la loi de manière discriminatoire dans le cas d’espèce. Après que la Cour constitutionnelle a classé le dossier, le 12 mai 2010, l’auteure a interjeté appel devant le Tribunal administratif, pour dénoncer une application discriminatoire de la loi. Cette plainte a été également rejetée.

5.10Le 13 février 2015, l’auteure a informé le Comité que dans l’affaire relative à la suppression des données portée devant la Cour constitutionnelle, évoquée par l’État partie dans ses observations, la Cour constitutionnelle avait tranché et confirmé la décision prise par l’Agence de protection des données, disant que même après huit années, le service des impôts n’était pas tenu de supprimer des informations calomnieuses et erronées, obtenues par des moyens illicites. L’auteure a communiqué une copie de la décision datée du 10 décembre 2014, qu’elle avait reçu le 13 février 2015.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité

Examen de la recevabilité

6.1Conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité doit déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif. Il est tenu de le faire, conformément au paragraphe 4 de l’article 72, avant d’examiner la communication quant au fond.

6.2Conformément à l’article 66 de son règlement intérieur, le Comité peut décider d’examiner séparément la question de la recevabilité d’une communication et la communication elle-même quant au fond.

6.3Concernant l’article 4 du Protocole facultatif, le Comité a été informé que la même question n’avait pas déjà été examinée ou n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.4Le Comité rappelle que, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif, il n’examine aucune communication sans avoir vérifié que tous les recours internes ont été épuisés, à moins que la procédure de recours n’excède des délais raisonnables ou encore qu’il soit improbable que la partie requérante obtienne réparation par ce moyen. Le Comité prend note à cet égard de l’argument de l’État partie selon lequel la communication est irrecevable parce que l’auteure n’a pas épuisé tous les recours internes. D’après l’État partie, le non-épuisement des recours internes est dû à l’inaction de l’auteure, qui n’a pas formé le recours prévu devant la Chambre administrative indépendante de la Basse-Autriche dans le délai prévu par la loi. Le Comité note que l’auteure n’a formé un recours devant la Chambre administrative indépendante de la Basse‑Autriche que 18 mois après l’incident du 19 février 2007. Il fait observer à cet égard qu’un plaignant est tenu de répondre à des exigences raisonnables sur le plan de la procédure, comme le respect des délais. Le Comité constate que l’auteure n’a pas expliqué de façon satisfaisante pourquoi elle n’avait pas formé son recours dans le délai prescrit. Il estime également que le fait que l’auteure aurait ignoré le cadre juridique de l’opération menée sous couverture par la police ne saurait l’avoir empêchée de déposer plainte à temps.

6.5Le Comité prend note également de l’argument de l’État partie selon lequel même dans l’appel tardif formé devant la Chambre administrative indépendante de la Basse‑Autriche, l’auteure n’a jamais déclaré avoir fait l’objet de discrimination en tant que femme en raison du comportement des autorités ou des lois de l’État partie. Conformément à la jurisprudence constante d’autres organes conventionnels relatifs aux droits de l’homme, en particulier le Comité des droits de l’homme, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes rappelle que les auteurs de communications sont tenus de saisir les tribunaux internes sur le fond en cas de violation présumée des droits énoncés dans la Convention, afin de permettre à un État partie de remédier à une violation présumée avant que la même question ne soit soulevée devant le Comité. Le Comité constate que dans son recours devant la Chambre administrative indépendante, l’auteure s’est plainte de violations de plusieurs droits garantis par la Constitution ainsi que des directives régissant les interventions des agents de police, mais n’a pas fait état d’une quelconque discrimination fondée sur le sexe.

6.6Le Comité note l’argument de l’État partie selon lequel les recours internes n’ont pas été épuisés étant donné qu’un arrangement a été conclu entre l’auteure et le Ministère fédéral de l’intérieur, réglant intégralement et définitivement la plainte de l’auteure, et qu’il a été mis fin définitivement à toutes les procédures. Il constate que l’auteure s’est bien gardée du reste de révéler ledit arrangement. Le Comité note qu’à aucun moment, l’auteure n’a cherché à contester au niveau national la validité du règlement conclu et c’est seulement dans ses observations du 18 mai 2015, en réponse à celles de l’État partie, qu’elle a soulevé la question du montant de l’indemnisation et le fait qu’elle n’avait pas pu recouvrer ses frais de justice. Le Comité estime que si elle n’avait pas jugé les termes du règlement satisfaisants, l’auteure aurait dû commencer par les rejeter au niveau interne. Le Comité conclut qu’au vu des circonstances, on ne peut pas dire que les recours internes ont été épuisés. Par conséquent, le Comité estime que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif.

6.7Le Comité prend également note de l’argument de l’État partie qui affirme que la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif étant donné que l’auteure a perdu son statut de victime quand elle a conclu un arrangement avec le Gouvernement fédéral, a reçu une indemnisation en règlement intégral et définitif de ses demandes et a accepté de mettre fin à toutes les procédures de manière définitive. Le Comité a dûment pris en considération l’argument de l’auteure selon lequel l’État partie n’ayant reconnu aucun acte illicite, aucune omission et aucun type de discrimination contre l’auteure, on ne pouvait pas dire qu’elle avait perdu son statut de victime. Le Comité, cependant, estime que son raisonnement n’est pas fondé et qu’elle a perdu son statut de victime le moment où elle a reçu une indemnisation en règlement intégral et définitif de ses demandes et a accepté de mettre fin à toutes les procédures de manière définitive sur le plan interne. Il conclut donc également que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.Le Comité décide par conséquent que :

a)La communication est irrecevable en vertu de l’article 2 et du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif parce que l’auteure n’a pas qualité de victime au regard de l’article 2 du Protocole facultatif et parce qu’elle n’a pas épuisé les voies de recours internes;

b)La décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteure.