Nations Unies

CRC/C/GC/21

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

21 juin 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observation générale no 21 (2017) sur les enfants des rues

Table des matières

Page

I.Introduction : « Changer notre histoire »3

II.Cadre général3

III.Objectifs5

IV.Stratégies holistiques à long terme s’appuyant sur une approche fondée sur les droits de l’enfant5

V.Principaux articles de la Convention concernant les enfants des rues10

VI.Diffusion et coopération24

I.Introduction : « Changer notre histoire »

1.Les enfants des rues consultés aux fins de la présente observation générale ont parlé avec force de leur besoin de respect, de dignité et de droits. Lorsqu’ils se sont exprimés, ils ont notamment déclaré : « Respectez-nous en tant qu’êtres humains » ; « J’aimerais que ceux qui n’ont jamais vécu dans la rue nous voient comme des personnes qui ont leur fierté, comme des gens normaux » ; « Ce qui compte, ce n’est pas de nous sortir de la rue pour nous mettre dans des foyers. C’est de nous donner un statut » ; « Les gouvernements ne devraient pas dire qu’on ne devrait pas être dans la rue. Ils ne devraient pas nous harceler si nous y sommes. Nous devrions être acceptés » ; « Vivre dans la rue ne devrait pas signifier ne pas avoir de droits » ; « La rue laisse des traces : on en sort ou on n’en sort pas » ; « Nous ne demandons ni aide, ni charité, ni pitié. Les gouvernements devraient travailler avec la communauté pour nous donner des droits. Nous ne demandons pas la charité. Je veux devenir capable de me débrouiller seul » ; « [On] devrait nous donner la possibilité d’utiliser nos dons et nos talents pour réaliser nos rêves » ; « Donnez-nous les moyens de changer notre histoire ».

II.Cadre général

Objet

2.Par la présente observation générale, le Comité des droits de l’enfant entend fournir aux États des orientations faisant autorité sur la manière d’élaborer des stratégies nationales globales à long terme en faveur des enfants des rues, en s’appuyant sur une approche holistique fondée sur les droits de l’enfant et en mettant l’accent à la fois sur la prévention et sur l’intervention, conformément à la Convention relative aux droits de l’enfant. Bien que la Convention ne fasse pas expressément mention des enfants des rues, toutes ses dispositions sont applicables à ces enfants, qui sont victimes de violations d’une grande partie des articles de la Convention.

Consultations

3.Au total, 327 enfants et jeunes de 32 pays ont été interrogés dans le cadre de sept consultations régionales. Des représentants de la société civile ont répondu à un appel général à contributions, et un avant-projet a été transmis à tous les États parties.

Terminologie

4.Parmi les termes employés par le passé pour désigner les enfants des rues figurent « enfants dans la rue », « enfants de la rue », « enfants fugueurs », « enfants abandonnés », « enfants qui vivent ou travaillent dans la rue », « enfants sans abri » et « enfants qui ont des liens avec la rue ». Dans la présente observation générale, le terme « enfants des rues » englobe : a) les enfants qui dépendent de la rue pour vivre ou pour travailler, seuls, avec des pairs ou avec leur famille ; b) une plus large population d’enfants qui ont tissé des liens étroits avec les lieux publics et pour qui la rue est un élément essentiel de leur identité et de leur vie quotidienne. Cette population plus large comprend les enfants à qui il arrive de vivre ou de travailler dans la rue, ainsi que les enfants qui ne vivent pas ni ne travaillent dans la rue, mais qui accompagnent régulièrement leurs pairs, leurs frères et sœurs ou leur famille dans la rue. Dans le cas des enfants des rues, on entend par « être présents dans les lieux publics » le fait de passer beaucoup de temps dans la rue ou dans les marchés de plein air, les parcs publics, les espaces communautaires publics, les squares et les gares routières et ferroviaires. Cette expression n’englobe pas les établissements publics tels que les écoles, les hôpitaux ou d’autres institutions comparables.

Observations principales

5.Différentes approches sont utilisées en ce qui concerne les enfants des rues, parfois en même temps. Il existe une approche fondée sur les droits de l’enfant, dans le cadre de laquelle l’enfant est respecté en tant que titulaire de droits et souvent associé à la prise de décisions, une approche fondée sur la protection sociale, qui vise à « sauver » de la rue un enfant considéré comme un objet ou une victime et dans le cadre de laquelle les décisions sont prises pour l’enfant sans véritable prise en considération de son avis, et une approche répressive, qui considère l’enfant comme un délinquant. L’approche répressive et l’approche fondée sur la protection sociale ne tiennent pas compte de l’enfant en tant que titulaire de droits et conduisent à faire sortir de force les enfants de la rue, ce qui constitue une nouvelle violation de leurs droits. De fait, affirmer que l’approche répressive et l’approche fondée sur la protection sociale vont dans le sens de l’intérêt supérieur de l’enfant ne rend pas ces approches respectueuses des droits. Pour appliquer la Convention, il est essentiel d’adopter une approche fondée sur les droits de l’enfant.

6.Les enfants des rues ne constituent pas un groupe homogène. Ils sont très divers en termes d’âge, de sexe, d’origine ethnique, d’identité autochtone, de nationalité, de handicap, d’orientation sexuelle et d’identité ou d’expression de genre, notamment. Du fait de leur diversité, ils n’ont pas le même vécu, ne courent pas les mêmes risques et n’ont pas les mêmes besoins. La nature des activités menées et le temps effectivement passé dans la rue diffèrent grandement d’un enfant à l’autre, tout comme la nature et la portée des relations entretenues avec les pairs, les membres de la famille, les membres de la communauté, les acteurs de la société civile et les autorités publiques. Les relations nouées par les enfants peuvent les aider à survivre dans la rue, comme elles peuvent perpétuer des conditions dans lesquelles leurs droits sont bafoués avec violence. Les enfants ont des activités diverses dans les lieux publics : par exemple, ils y travaillent, ont des relations sociales, se divertissent, s’abritent, dorment, cuisinent, se lavent, consomment de la drogue et ont des rapports sexuels. Les enfants peuvent participer à ces activités volontairement, par manque de choix acceptables ou parce qu’ils y sont contraints ou forcés par d’autres enfants ou par des adultes. Ils peuvent mener ces activités seuls ou avec des membres de leur famille, des amis, des connaissances, des membres de gangs ou des pairs qui les exploitent, qu’il s’agisse d’enfants plus âgés ou d’adultes.

7.Souvent les données ne sont pas systématiquement collectées ou ventilées, si bien qu’on ignore le nombre d’enfants des rues. Les estimations varient en fonction des définitions utilisées, qui sont le reflet des réalités socioéconomiques, politiques, culturelles et autres. L’absence de données rend ces enfants invisibles, ce qui fait qu’aucune politique n’est élaborée ou que les mesures prises sont ponctuelles, temporaires ou à court terme. Il en résulte que les multiples violations des droits qui jettent les enfants à la rue et qui se poursuivent une fois qu’ils s’y trouvent persistent. Ce problème concerne tous les États.

8.Les raisons pour lesquelles les enfants sont dans la rue, le nombre d’enfants des rues et le vécu de ces enfants diffèrent d’un État à l’autre et, au sein d’un même État, d’un endroit à un autre. Les inégalités fondées sur la situation économique, la race et le sexe comptent parmi les causes structurelles de l’apparition du phénomène des enfants des rues et de l’exclusion de ces enfants. Ces inégalités sont accentuées par la pauvreté matérielle, l’insuffisance de la protection sociale, l’inadéquation des investissements, la corruption et l’adoption de politiques budgétaires (fiscalité et dépenses) qui limitent ou réduisent à néant la capacité qu’ont les plus démunis de sortir de la pauvreté. Une déstabilisation soudaine, provoquée par un conflit, une famine, une épidémie, une catastrophe naturelle ou une expulsion forcée, ou des événements entraînant un déplacement ou une migration forcée aggravent encore les effets des causes structurelles. Parmi les autres causes possibles figurent la violence, les mauvais traitements, l’exploitation et la négligence, que ce soit dans la famille ou dans les établissements (y compris religieux) de prise en charge ou d’enseignement, le décès des personnes responsables de l’enfant, l’abandon de l’enfants (notamment s’il est infectés par le VIH/sida), le chômage des personnes responsables de l’enfant, la précarité des familles, l’éclatement de la cellule familiale, la polygamie, l’exclusion de l’enfant du système éducatif, la consommation de substances psychoactives et les problèmes de santé mentale (de l’enfant ou de sa famille), l’intolérance et la discrimination, notamment à l’égard des enfants handicapés, des enfants accusés de sorcellerie, des anciens enfants soldats rejetés par leur famille et des enfants chassés par leur famille parce qu’ils se questionnent sur leur sexualité ou se définissent comme lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, intersexués ou asexués, et l’incapacité des familles à accepter la résistance opposée par les enfants à des pratiques préjudiciables comme le mariage des enfants et les mutilations génitales féminines.

III.Objectifs

9.La présente observation générale a pour objectif :

a)De préciser les obligations des États dans le cadre de l’application d’une approche fondée sur les droits de l’enfant aux stratégies et initiatives visant les enfants des rues ;

b)De fournir aux États des orientations complètes et faisant autorité concernant l’utilisation d’une approche holistique fondée sur les droits de l’enfant pour prévenir les violations des droits de l’enfant et éviter que les enfants se heurtent à un manque d’options, qui les rend tributaires de la rue pour survivre et grandir, et pour promouvoir et protéger les droits des enfants qui sont déjà dans la rue, en garantissant la continuité de la prise en charge et en les aidant à développer pleinement leurs capacités ;

c)De définir ce que signifient différents articles de la Convention pour les enfants des rues, afin de mieux faire respecter ces enfants en tant que titulaires de droits et en tant que citoyens à part entière et de favoriser une meilleure compréhension des liens des enfants avec la rue.

IV.Stratégies holistiques à long terme s’appuyant sur une approche fondée sur les droits de l’enfant

A.Approche fondée sur les droits de l’enfant

Description

10.Dans une approche fondée sur les droits de l’enfant, le processus de réalisation des droits des enfants est aussi important que le résultat final. Une approche fondée sur les droits de l’enfant garantit le respect de la dignité, de la vie, de la survie, du bien-être, de la santé, du développement, de la participation et de la non-discrimination de l’enfant en tant que titulaire de droits.

11.Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), une approche fondée sur les droits de l’homme est une approche qui :

a)Favorise la réalisation des droits de l’enfant tels que consacrés dans la Convention et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ;

b)S’appuie sur les normes et principes relatifs aux droits de l’enfant contenus dans la Convention et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme pour orienter les comportements, les mesures, les politiques et les programmes, et en particulier sur la non-discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit à la vie, à la survie et au développement, le droit d’être entendu et d’être pris au sérieux, le droit de l’enfant d’être guidé dans l’exercice de ses droits par les personnes à qui il est confié, par ses parents et par les membres de la communauté, d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités ;

c)Développe la capacité des enfants, en tant que titulaires de droits, de faire valoir leurs droits et donne aux titulaires d’obligations les moyens de s’acquitter de leurs obligations envers les enfants.

Conséquences pour les enfants des rues

12.Le Comité estime que les stratégies et les initiatives qui suivent une approche fondée sur les droits de l’enfant satisfont les principaux critères relatifs aux bonnes pratiques, indépendamment du niveau auquel elles sont adoptées ou du contexte. Les enfants des rues se méfient souvent de l’intervention des adultes dans leur vie. Maltraités par les adultes, ils répugnent à renoncer à leur autonomie, certes limitée, mais durement gagnée. L’approche fondée sur les droits de l’homme met l’accent sur le plein respect de l’autonomie de ces enfants, et vise notamment à les aider à trouver d’autres solutions pour ne pas être tributaires de la rue. Elle favorise leur résilience et le renforcement de leurs capacités, accroît leur participation à la prise de décisions et les responsabilise en tant qu’acteurs socioéconomiques, politiques et culturels. Elle s’appuie sur leurs atouts et sur la contribution positive qu’ils apportent pour assurer leur survie et leur développement comme ceux de leurs pairs, de leur famille et de leur communauté. L’adoption d’une telle approche n’est pas seulement un impératif moral et juridique ; c’est aussi le moyen le plus durable de définir et d’appliquer des solutions à long terme pour les enfants des rues.

B.Stratégies nationales

Aperçu

13.Pour s’acquitter de leurs obligations en vertu de la Convention, les États sont vivement encouragés à adopter des stratégies holistiques à long terme et à allouer les crédits budgétaires nécessaires à la question des enfants des rues. Sont exposés ci-après les questions et les processus transversaux pertinents, ainsi que les domaines thématiques devant être traités dans le cadre de ces stratégies. En tant que spécialistes de leur propre vie, les enfants des rues devraient participer à l’élaboration et à la mise en œuvre des stratégies. Les États devraient commencer par recueillir des informations sur les enfants des rues vivant sur leur territoire, pour pouvoir décider de la meilleure manière de faire respecter leurs droits. Ils devraient adopter une démarche intersectorielle pour comprendre quelles conséquences une politique appliquée dans un domaine, par exemple la finance, peut avoir sur la politique menée dans un autre, par exemple l’éducation, ce qui a ensuite des répercussions sur les enfants des rues. Ils devraient encourager la coopération interdisciplinaire et interétatique.

Examen des lois et des politiques

14.Les États devraient étudier comment améliorer les lois et les politiques pour tenir compte des recommandations formulées dans la présente observation générale. Ils devraient immédiatement : supprimer les dispositions qui établissent directement ou indirectement une discrimination fondée sur le fait que les enfants, leurs parents ou leur famille vivent dans la rue ; abroger toute disposition qui autorise les autorités à rafler les enfants des rues et leur famille ou à les déloger des rues ou des lieux publics ou appuie de tels actes ; supprimer, s’il y a lieu, les infractions qui incriminent les enfants des rues et les touchent de manière disproportionnée, notamment les infractions de mendicité, de non-respect du couvre-feu, d’errance, de vagabondage et de fugue ; supprimer les infractions qui incriminent les enfants victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales, ainsi que les infractions dites d’atteinte à la moralité, comme les infractions visant les relations sexuelles hors mariage. Les États devraient élaborer une loi sur la protection de l’enfance ou sur les enfants qui suive une approche fondée sur les droits de l’homme et qui traite expressément de la question des enfants des rues, ou revoir la législation existante. La loi en question devrait être appliquée au moyen de politiques, de mandats, de procédures, de directives, de prestations de services, de contrôles et de mécanismes d’application, et élaborée en collaboration avec les principales parties prenantes, notamment les enfants des rues. Les États peuvent avoir à élaborer, sur la base de travaux de recherche participative, des politiques et des définitions juridiques des enfants des rues qui soient adaptées au contexte national, dans les contextes où cela s’avère nécessaire pour faciliter l’intervention de professionnels et de services officiellement mandatés. Cependant, l’élaboration de définitions ne devrait pas retarder l’adoption de mesures visant à combattre les violations des droits.

Rôle de l’État et responsabilités, réglementation et coordination des acteurs non étatiques

15.Les stratégies relatives aux enfants des rues devraient tenir compte du rôle des acteurs étatiques comme des acteurs non étatiques. Le rôle que doit jouer l’État, en tant que premier débiteur d’obligations, est présenté dans la section V ci-après. Les États ont l’obligation d’aider les parents ou les autres personnes responsables de l’enfant à assurer, dans les limites de leurs possibilités et de leurs moyens financiers, les conditions de vie nécessaires au développement optimal de l’enfant (art. 5, 18 et 27). Les États devraient également aider les membres de la société civile, en tant qu’acteurs complémentaires, à fournir aux enfants des rues des services personnalisés et spécialisés, selon une approche fondée sur les droits de l’enfant, en accordant des financements, en délivrant des accréditations et en adoptant la réglementation pertinente. Le secteur des entreprises doit assumer ses responsabilités en matière de droits de l’enfant, et les États doivent y veiller. La coordination entre les acteurs étatiques et les acteurs non étatiques est nécessaire. Les États ont l’obligation légale de garantir que les prestataires de services non étatiques respectent les dispositions de la Convention.

Faire face à la complexité

16.Les stratégies doivent s’attaquer à de multiples causes, qui vont des inégalités structurelles à la violence intrafamiliale. Elles doivent aussi prévoir des mesures d’application immédiate, par exemple mettre un terme aux rafles d’enfants des rues et aux expulsions arbitraires de ces enfants des lieux publics, et des mesures d’application progressive, notamment l’offre d’une protection sociale complète. Des modifications devront probablement être faites à la fois en ce qui concerne le cadre juridique, les politiques et la prestation de services. Les États devraient s’engager à mettre en œuvre les droits de l’homme au-delà de l’enfance. Ils devraient notamment disposer de mécanismes permettant de suivre les enfants placés dans des structures de protection de remplacement et les enfants des rues lorsqu’ils deviennent adultes, à l’âge de 18 ans, afin d’éviter l’interruption soudaine des aides et des services.

Systèmes complets de protection de l’enfance

17.Dans un cadre législatif et général donné, l’élaboration de systèmes globaux de protection de l’enfance, leur budgétisation et leur renforcement, selon une approche fondée sur les droits de l’enfant, constituent le fondement des mesures pratiques qu’il est nécessaire d’adopter dans le cadre des stratégies de prévention et d’intervention. Ces systèmes nationaux de protection de l’enfance doivent bénéficier aux enfants des rues et devraient fournir tous les services particuliers dont ces enfants ont besoin. Ils doivent assurer la continuité de la prise en charge dans tous les contextes pertinents, en prévoyant notamment des services de prévention et d’intervention précoce, des interventions dans la rue, des lignes d’assistance téléphonique, des centres d’accueil, des garderies, le placement temporaire en institution, le regroupement familial, le placement en famille d’accueil, des possibilités de vie en autonomie ou d’autres solutions de protection à court ou à long terme. Cependant, tous ces services ne conviennent pas à tous les enfants des rues. Par exemple, la prévention et l’intervention précoce sont des priorités dans le cas des enfants qui commencent seulement à établir des liens étroits et préjudiciables avec la rue, mais ne sont pas pertinentes pour les enfants nés dans la rue. Certains enfants ne seront jamais placés en institution, tandis que pour d’autres le retour dans la famille n’est ni pertinent ni approprié. Les stratégies devraient montrer clairement qu’il convient d’adopter une approche fondée sur les droits de l’enfant dans tous les contextes. Il faudrait alléger les démarches administratives et réduire le temps d’attente pour l’accès aux systèmes de protection de l’enfance. L’information devrait être disponible sous des formes accessibles et adaptées aux enfants, et il faudrait aider les enfants des rues à comprendre les systèmes de protection de l’enfance et à s’y retrouver.

Renforcer les capacités des personnes en contact avec les enfants

18.Les États devraient investir dans des formations de base initiales et continues de qualité concernant les droits de l’enfant, la protection de l’enfance et le contexte local dans lequel s’inscrit la question des enfants des rues, à l’intention de tous les professionnels qui pourraient entrer directement ou indirectement en contact avec des enfants des rues, dans des domaines tels que l’élaboration de politiques, l’application de la loi, la justice, l’éducation, la santé, le travail social et la psychologie. Ces formations pourraient s’appuyer sur les connaissances d’acteurs non étatiques et devraient être intégrées dans les programmes des instituts de formation pertinents. Une formation complémentaire approfondie sur l’approche fondée sur les droits de l’enfant, l’aide psychosociale et l’autonomisation de l’enfant doit obligatoirement être dispensée aux professionnels qui ont pour mission de travailler auprès des enfants des rues dans le cadre de leurs fonctions, notamment les travailleurs sociaux de rue et les membres des unités spéciales de protection de l’enfance de la police. Les maraudes sont une méthode importante de formation sur le terrain. Les programmes de formation de base et de formation spécialisée devraient porter sur l’évolution des attitudes et des comportements, ainsi que sur le transfert des connaissances et le développement des compétences, et devraient encourager la coopération et la collaboration intersectorielles. Les autorités nationales et locales devraient comprendre et appuyer le rôle déterminant que jouent les travailleurs sociaux, notamment les travailleurs sociaux de rue, en matière de détection précoce en offrant un appui aux familles comptant des enfants à risque et aux enfants des rues. Il faudrait associer les professionnels à l’élaboration participative de procédures, de lignes directrices relatives aux bonnes pratiques, de directives stratégiques, de plans, de normes d’efficacité et de règles disciplinaires, et les soutenir dans l’application de ces instruments dans la pratique. Les États devraient faciliter l’organisation d’activités de sensibilisation et de formation à l’intention d’autres acteurs en contact direct ou indirect avec les enfants des rues, comme les travailleurs du secteur des transports, les représentants des médias, les responsables communautaires et spirituels ou religieux et les acteurs du secteur privé, qui devraient être encouragés à adopter les Principes régissant les entreprises dans le domaine des droits de l’enfant.

Fourniture de services

19.Les États devraient prendre des mesures pour garantir aux enfants des rues l’accès à des services de base tels que la santé et l’éducation, mais aussi l’accès à la justice, à la culture, au sport et à l’information. Ils devraient veiller à ce que leurs systèmes de protection de l’enfance fournissent des services spécialisés dans la rue, par l’intermédiaire de travailleurs sociaux qui ont une bonne connaissance du milieu local et qui peuvent aider les enfants à renouer des liens avec leur famille, les services communautaires locaux et la société en général. Cela ne signifie pas nécessairement que les enfants devraient renoncer à leurs liens avec la rue ; l’intervention devrait avoir pour objectif de protéger leurs droits. Les services de prévention, d’intervention précoce et d’assistance sur le terrain se renforcent mutuellement et assurent la continuité de la prise en charge dans le cadre d’une stratégie efficace, holistique et à long terme. Les États sont les principaux titulaires d’obligations, mais les mesures qu’ils prennent pour élaborer et fournir des services novateurs et personnalisés peuvent être complétées par les activités menées par la société civile.

Mise en œuvre au niveau des administrations locales

20.Le succès des initiatives repose sur une compréhension précise du contexte local et sur l’individualisation de l’assistance fournie aux enfants. Il faut faire attention, dans la transposition des initiatives à plus grande échelle, à ne pas laisser des enfants de côté. Les États devraient encourager et soutenir les interventions locales spécialisées, souples et d’ampleur modeste, dotées de budgets suffisants, reposant sur des partenariats et suivant une approche fondée sur les droits de l’enfant, qui sont souvent menées par des organisations de la société civile ayant une connaissance du contexte local. Ces interventions devraient être coordonnées par les administrations locales et soutenues par l’État dans le cadre du système national de protection de l’enfance. Elles pourraient être appuyées par le secteur privé pour ce qui est des ressources en matière de renforcement des capacités et des compétences organisationnelles, et par le milieu universitaire pour ce qui est des capacités de recherche permettant la prise de décisions à partir de données factuelles. Les villes et les communautés favorables aux enfants contribuent à instaurer un climat d’acceptation et offrent une base pour les réseaux sociaux et les systèmes de protection à base communautaire au profit des enfants des rues. Il faudrait soutenir la participation des enfants des rues à des processus consultatifs, locaux et décentralisés de planification.

Suivi et responsabilisation

21.La mise en œuvre efficace de la législation, des politiques et des services repose sur des mécanismes clairs de suivi et de responsabilisation, qui doivent être transparents et mis en application avec fermeté. Les États devraient appuyer la participation d’enfants des rues, notamment leur participation aux mécanismes de responsabilisation sociale tels que les coalitions d’acteurs étatiques et non étatiques, les comités ou les groupes de travail qui surveillent l’application des politiques publiques en s’intéressant en particulier aux enfants des rues. Les institutions nationales des droits de l’homme indépendantes qui promeuvent et surveillent l’application de la Convention, comme les médiateurs pour les droits de l’enfant, doivent être facilement accessibles aux enfants des rues.

Accès à la justice et à des voies de recours

22. Les enfants des rues qui ont subi des violations des droits de l’homme ont droit à des voies de recours juridiques et autres qui soient utiles, et notamment à une représentation en justice. Cela comprend l’accès, par les enfants eux-mêmes ou des adultes qui les représentent, à des mécanismes examinant les plaintes déposées par des particuliers, ainsi qu’à des mécanismes de réparation judiciaires et non judiciaires aux niveaux local et national, comme des institutions des droits de l’homme indépendantes. Lorsque les voies de recours internes sont épuisées, l’accès aux mécanismes internationaux de défense des droits de l’homme pertinents, notamment à la procédure définie dans le Protocole facultatif à la Convention établissant une procédure de présentation de communications, doit être garanti. Les mesures de réparation possibles comprennent la restitution, l’indemnisation, la réadaptation, la satisfaction et les garanties de non-répétition des violations des droits.

Collecte de données et recherches

23.Les États devraient, en partenariat avec le milieu universitaire, la société civile et le secteur privé, concevoir des mécanismes systématiques, participatifs et respectueux des droits pour la collecte de données et la diffusion de données ventilées concernant les enfants des rues. Ils doivent veiller à ce que la collecte et l’utilisation de ces données ne stigmatisent pas ces enfants ni ne leur fassent du tort. La collecte de données sur les enfants des rues devrait être intégrée dans la collecte de données nationales sur les enfants, collecte qui ne devrait pas reposer uniquement sur les enquêtes auprès des ménages, mais englober également les enfants vivant en dehors du contexte familial. Les enfants des rues devraient participer à la définition des objectifs et des programmes des travaux de recherche, à la collecte d’informations, à l’analyse et à la diffusion des travaux de recherche aux fins de l’élaboration de politiques, ainsi qu’à la conception d’interventions spécialisées. La situation des enfants des rues évoluant rapidement, des travaux de recherche doivent être effectués régulièrement pour garantir que les politiques et programmes sont à jour.

V.Principaux articles de la Convention concernant les enfants des rues

Aperçu

24.Tous les droits consacrés par la Convention et les Protocoles facultatifs s’y rapportant sont intimement liés et indissociables, pour les enfants des rues comme pour tous les enfants. La présente observation générale devrait être lue en parallèle avec toutes les autres observations générales du Comité. Elle met l’accent sur les articles qui concernent particulièrement les enfants des rues et qui n’ont pas encore fait l’objet d’observations générales du Comité. Ainsi, même si les dispositions relatives à la violence, à l’éducation, à la justice pour mineurs et à la santé sont bien évidemment importantes, elles font ici l’objet de références relativement brèves à des observations générales existantes. En revanche, d’autres articles sont examinés de manière plus approfondie, compte tenu de ce qu’ils signifient pour les enfants des rues et parce qu’ils n’ont pas encore été étudiés en détail par le Comité. La sélection d’articles ci-après ne signifie pas que, pour les enfants des rues, les droits civils et politiques priment les droits sociaux, économiques et culturels.

A.Articles fondamentaux pour toute approche fondée sur les droits de l’enfant

Article 2 − Non-discrimination

Interdiction de la discrimination fondée sur l’origine sociale, la situation de fortune, la naissance ou toute autre situation

25.Les États doivent respecter les droits qui sont énoncés dans la Convention et les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans discrimination aucune. Cependant, la discrimination est l’une des principales causes qui font que les enfants se retrouvent dans la rue. Ils font alors l’objet de discrimination en raison de leurs liens avec la rue, c’est-à-dire en raison de leur origine sociale, de leur situation de fortune, de leur naissance ou de toute autre situation, et en subissent les conséquences négatives toute leur vie. Le Comité interprète l’expression « ou de toute autre situation » figurant à l’article 2 de la Convention comme s’appliquant à la situation des enfants, de leurs parents et d’autres membres de leur famille qui sont dans la rue.

Discrimination systémique

26.La discrimination peut être directe ou indirecte. Constituent une discrimination directe, par exemple, les politiques disproportionnées qui visent à « combattre le sans-abrisme » par des mesures répressives destinées à prévenir la mendicité, l’errance, le vagabondage, la fugue ou les comportements de survie, par exemple la criminalisation des délits d’état, les opérations de nettoyage des rues ou rafles, et les actes ciblés de violence, de harcèlement et d’extorsion commis par des policiers. Constituent une discrimination directe le fait que la police refuse de prendre au sérieux les plaintes des enfants des rues concernant des vols ou des violences, les traitements discriminatoires dans les systèmes de justice pour mineurs, le fait que des travailleurs sociaux, des enseignants ou des professionnels de santé refusent de travailler avec des enfants des rues, et les actes de harcèlement, les humiliations et les brimades subis à l’école de la part des autres élèves et des enseignants. Constituent une discrimination indirecte les politiques qui ont pour effet d’exclure les enfants des rues des services de base, comme la santé et l’éducation, comme le fait que ces services soient payants ou que la présentation d’une pièce d’identité soit obligatoire. Même lorsqu’ils ne sont pas écartés des services de base, les enfants des rues peuvent être isolés au sein de ces systèmes. Ils peuvent se heurter à des formes multiples et croisées de discrimination fondées, par exemple, sur le sexe, l’orientation sexuelle et l’identité ou l’expression de genre, le handicap, la race, l’appartenance ethnique, l’appartenance à un peuple autochtone, le statut migratoire ou toute autre appartenance à une minorité, d’autant que les groupes minoritaires sont souvent surreprésentés chez les enfants des rues. Les enfants qui font l’objet de discrimination sont plus vulnérables que les autres face à la violence, aux mauvais traitements, à l’exploitation et aux infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH, et leur santé et leur épanouissement sont davantage mis en péril. Il est rappelé aux États que le respect du droit à la non-discrimination va au-delà de l’obligation passive d’interdire toutes les formes de discrimination et requiert aussi l’adoption de mesures proactives propres à garantir effectivement à tous les enfants des chances égales d’exercer les droits énoncés dans la Convention. Il est nécessaire à cette fin d’appliquer des mesures positives visant à remédier à une situation de réelle inégalité. La discrimination systémique est sensible aux modifications de la législation et des politiques et peut donc être éliminée par de telles modifications. La discrimination et l’attitude négative de la société constituent une préoccupation particulière des enfants des rues, qui ont demandé à ce que des mesures de sensibilisation et d’éducation soient prises pour les combattre.

Mettre un terme à la discrimination

27.Il importe d’éliminer la discrimination dans les textes, en veillant à ce que la constitution, les lois et les politiques de l’État ne créent pas de discrimination fondée sur le fait qu’une personne vit dans la rue, et dans la pratique, en accordant suffisamment d’attention aux enfants des rues en tant que groupe qui est en butte à des préjugés tenaces et a besoin de mesures d’action positive. Les mesures temporaires spéciales qui sont nécessaires pour accélérer ou assurer l’égalité de facto des enfants des rues ne devraient pas être considérées comme une forme de discrimination. Les États devraient veiller à ce que les enfants des rues soient égaux devant la loi, à ce que toute discrimination fondée sur le fait de vivre dans la rue soit interdite, à ce que l’incitation à la discrimination et au harcèlement soit combattue, à ce que les enfants des rues et leur famille ne soient pas arbitrairement privés de leurs biens et à ce que toute imposition de couvre-feu soit légitime, proportionnelle et non discriminatoire. Les États devraient également sensibiliser les professionnels, le secteur privé et le public au vécu des enfants des rues et à leurs droits, dans le but de faire évoluer les mentalités. Ils devraient soutenir les activités artistiques et créatives, culturelles ou sportives entreprises par des enfants des rues ou auxquelles participent ces enfants et qui contribuent à combattre les idées fausses et à faire tomber les barrières entre les enfants des rues et les professionnels, la collectivité − y compris les autres enfants − et la société en général, grâce à un dialogue et des échanges visibles. Il peut s’agir de cirque ou de théâtre de rue, de musique, d’art ou de compétitions sportives. Les États devraient collaborer avec la presse écrite, la radio, la télévision et les réseaux sociaux pour diffuser auprès du plus grand nombre des messages de sensibilisation et de lutte contre la stigmatisation, en s’appuyant sur une approche fondée sur les droits de l’enfant. La crainte que suscitent les infractions commises par des enfants des rues est souvent alimentée par les médias et disproportionnée par rapport à la réalité. Les médias devraient être activement incités à se fonder sur des informations et des faits exacts et à respecter les règles relatives à la protection des enfants afin de préserver la dignité, la sécurité physique et l’intégrité psychologique de ceux-ci.

Article 3 (par. 1) − Intérêt supérieur de l’enfant

28.Les obligations attachées à ce droit sont fondamentales, dans le cadre d’une approche fondée sur les droits de l’enfant, pour garantir dans sa globalité l’intégrité physique, psychologique et morale des enfants des rues et promouvoir leur dignité humaine. Ces enfants sont reconnus comme constituant un groupe particulièrement vulnérable. Comme l’a déjà indiqué le Comité, l’intérêt supérieur d’un enfant dans une situation de vulnérabilité particulière ne sera pas le même que celui de tous les autres enfants en pareille situation. Les autorités et les décisionnaires doivent tenir compte pour chaque enfant de la nature de sa vulnérabilité et de son degré de vulnérabilité, chaque enfant étant unique et chaque situation devant être appréciée en fonction du caractère unique de l’enfant. Dans ce contexte, la « vulnérabilité » devrait être évaluée en parallèle avec la résilience et l’autonomie de chaque enfant des rues.

Article 6 − Droit à la vie, à la survie et au développement

Droit à la vie

29.Les enfants des rues courent, entre autres, le risque d’être victimes d’une exécution extrajudiciaire commise par des agents de l’État, d’être tués par des adultes ou d’autres enfants des rues, notamment dans le cadre d’opérations dites de « justice populaire », parce qu’ils sont associés à des criminels ou des gangs ou visés par ceux-ci, ou encore parce que l’État n’empêche pas de tels crimes, le risque d’être exposés à des conditions susceptibles de mettre leur vie en danger, qu’il s’agisse de formes dangereuses de travail des enfants, d’accidents de la circulation, de l’usage de substances psychoactives, de l’exploitation sexuelle à des fins commerciales et de pratiques sexuelles à risque, et le risque de mourir, faute d’accès à une nourriture suffisante, à des soins de santé et à un hébergement. Le droit à la vie ne devrait pas être interprété de manière étroite. Il s’agit du droit des personnes d’être à l’abri d’actes et d’omissions ayant pour but ou résultat escompté de causer une mort non naturelle ou prématurée, et de jouir d’une vie digne. En 1999, dans une affaire concernant trois enfants et deux jeunes gens des rues qui avaient été torturés et tués par des policiers en 1990, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a estimé que la privation arbitraire de la vie ne se limitait pas à l’acte illégal d’homicide, mais comprenait également la privation du droit de vivre dans la dignité. Cette conception du droit à la vie englobe non seulement les droits civils et politiques, mais également les droits économiques, sociaux et culturels. La protection des personnes les plus vulnérables − comme les enfants des rues − ne peut pas être assurée sans une interprétation du droit de la vie qui tienne compte des conditions minimales garantissant une vie digne.

30.Le Comité a déjà souligné que le fait de grandir dans la pauvreté absolue menaçait la survie et la santé des enfants et compromettait leur qualité de vie.

Droit à la survie et au développement

31.Le Comité attend des États qu’ils interprètent le terme « développement » en tant que concept global, embrassant le développement physique, mental, spirituel, moral, psychologique et social de l’enfant. Les enfants des rues ont accès à un choix limité d’activités et de comportements pour assurer leur survie et leur développement dans les lieux publics. Afin de s’acquitter des obligations qui leur incombent en vertu de l’article 6, les États doivent prêter une attention vigilante aux comportements et aux modes de vie des enfants, même lorsqu’ils ne sont pas conformes à ce que des communautés ou des sociétés particulières considèrent comme acceptable dans le contexte des normes culturelles en vigueur pour un groupe d’âge particulier. Les programmes mis en place ne sont efficaces que s’ils tiennent compte de la réalité vécue par les enfants des rues. Les mesures d’intervention devraient aider chacun de ces enfants à atteindre un niveau optimal de développement et renforcer ainsi, le plus possible, leur contribution positive à la société.

Garantir une vie digne

32.Les États ont l’obligation de respecter la dignité des enfants des rues et leur droit à la vie, à la survie et au développement, en s’abstenant de toute violence de l’État et en dépénalisant les comportements de survie et les délits d’état, de protéger les enfants des rues contre tout préjudice causé par des tiers, et de veiller à ce que ces enfants exercent leur droit à la vie, à la survie et au développement, en élaborant et en appliquant des stratégies globales à long terme, selon une approche fondée sur les droits de l’enfant, de façon à permettre aux enfants de développer pleinement tout leur potentiel. Les États devraient aider des adultes dignes de confiance et soucieux du bien-être des enfants des rues − par exemple des membres de leur famille ou des travailleurs sociaux des services publics ou de la société civile, des psychologues, des éducateurs de rue ou des mentors − à venir en aide à ces enfants. Ils devraient également mettre en place des procédures et des mesures pratiques pour l’organisation des funérailles des enfants qui meurent dans la rue, pour qu’ils soient traités avec dignité et respect.

Article 12 − Droit d’être entendu

33.Les enfants des rues se heurtent à des obstacles spécifiques qui les empêchent de se faire entendre, et le Comité encourage les États à s’employer activement à lever ces obstacles. Les États et les organisations intergouvernementales devraient offrir aux enfants des rues un environnement favorable qui leur permette d’être entendus dans les procédures judiciaires ou administratives, de mener leurs propres initiatives, et de participer pleinement, au niveau local comme au niveau national, à la conceptualisation, à la mise au point, à l’application, à la coordination, à la surveillance, à l’examen et à la diffusion de politiques et de programmes, notamment par l’intermédiaire des médias, et aider les organisations de la société civile à leur offrir un tel environnement. Les mesures d’intervention sont particulièrement utiles pour les enfants des rues lorsque ceux-ci participent activement à l’évaluation des besoins, à la recherche de solutions et à l’élaboration et à la mise en place de stratégies, et qu’ils ne sont pas simplement considérés comme des objets sans pouvoir de décision. Les États devraient également écouter les adultes concernés, comme les membres de la famille ou de la communauté, les professionnels et les militants, lorsqu’ils élaborent des stratégies de prévention et d’intervention. Les mesures d’intervention devraient aider chaque enfant des rues à exercer ses droits et à renforcer ses compétences, sa résilience, son sens des responsabilités et son civisme, en fonction du développement de ses capacités. Les États devraient aider et encourager les enfants des rues à lancer leurs propres organisations et initiatives, ce qui créerait un espace de participation et de représentation effectives. Selon qu’il convient et lorsque les conditions de protection sont suffisantes, les enfants des rues peuvent faire œuvre de sensibilisation en faisant part de leur expérience, afin de lutter contre la stigmatisation et la discrimination et contribuer à éviter à d’autres enfants de se retrouver à la rue.

Article 4 − Mesures appropriées

34.Aux termes de l’article 4, les États parties s’engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la Convention. Cette disposition s’applique à tous les enfants sans discrimination, une attention particulière étant accordée aux groupes les plus défavorisés − parmi lesquels figurent bien entendu les enfants des rues. Tous les États ont l’obligation fondamentale minimum d’assurer, au moins, la satisfaction de l’essentiel de chacun des droits sociaux, économiques et culturels. Ils devraient veiller à ce que cela s’applique aux enfants des rues. Le manque de ressources n’est pas en soi un argument suffisant pour dégager les États de cette obligation fondamentale. Comme l’a déjà indiqué le Comité, les obligations d’application immédiate et les obligations fondamentales minimales découlant des droits de l’enfant ne doivent pas être compromises par des mesures régressives, même en période de crise économique. Les États doivent donc veiller à ce que les enfants des rues ne soient pas touchés par des mesures régressives en période de crise économique.

Article 5 − Orientation et conseils correspondant au développement des capacités de l’enfant

35.Pour renforcer la prévention, les États devraient renforcer la capacité des parents, de la famille élargie, des représentants légaux et des membres de la communauté de donner à l’enfant une orientation et des conseils appropriés, en les aidant à tenir compte de l’opinion de l’enfant eu égard à son âge et à son degré de maturité, à créer un environnement sûr et propice à son développement, et à reconnaître l’enfant comme un titulaire actif de droits qui est de plus en plus capable d’exercer ces droits à mesure qu’il se développe, à condition de bénéficier d’une orientation et de conseils appropriés. Le Comité a déjà expliqué le principe du développement des capacités de l’enfant : plus les connaissances, l’expérience et la compréhension de l’enfant sont étendues, plus l’orientation et les conseils donnés par le parent ou le représentant légal de l’enfant doivent se transformer en rappels et suggestions puis, ultérieurement, en échanges sur un pied d’égalité. Les enfants des rues ont besoin d’une orientation et de conseils particulièrement adaptés, qui tiennent compte de leur vécu. La plupart d’entre eux maintiennent des contacts avec leur famille, et on a de plus en plus d’éléments concernant les moyens efficaces de renforcer ces liens familiaux. Lorsque les enfants des rues n’ont que peu ou pas de relations positives avec leurs parents, leur famille élargie ou leurs représentants légaux, le rôle des membres de la communauté, dont il est fait mention à l’article 5 et qui est à entendre comme englobant l’appui offert par des adultes dignes de confiance associés à des organisations de la société civile, revêt alors une plus grande importance.

B.Droits civils et libertés

Article 15 − Droit à la liberté d’association et de réunion pacifique

Aperçu

36.La réalité à laquelle sont confrontés les enfants des rues ne s’accorde pas avec les définitions ou les conceptualisations traditionnelles de l’enfance. Par rapport aux autres enfants, les enfants des rues ont un rapport unique aux lieux publics. Les restrictions imposées par les États aux dispositions de l’article 15 en ce qui concerne les lieux publics peuvent donc avoir des effets disproportionnés sur eux. Les États devraient veiller à ce que l’accès des enfants des rues à un espace politique et public où ils peuvent s’associer et se réunir de manière pacifique ne soit pas empêché de façon discriminatoire.

Espace civil et politique

37.La liberté d’association et de réunion pacifique est essentielle pour permettre aux enfants des rues de faire valoir leurs droits, par exemple par l’intermédiaire de syndicats d’enfants qui travaillent et d’associations dirigées par des enfants. Cependant, dans ses observations finales, le Comité s’est régulièrement dit préoccupé par l’insuffisance de l’espace politique alloué aux enfants pour se faire entendre. Cet espace est particulièrement limité pour les enfants des rues, qui souvent n’ont pas de relation avec un adulte digne de confiance dont la présence peut être requise pour l’enregistrement d’une organisation. Ces enfants ne bénéficient pas toujours de l’appui dont ils auraient besoin pour faire les démarches administratives et obtenir les informations nécessaires pour réaliser des projets relevant du droit d’association et de réunion pacifique. Il arrive qu’ils soient rémunérés pour accroître le nombre de participants à des manifestations ou à des rassemblements. Ils sont susceptibles d’être exploités et n’ont pas toujours conscience des conséquences de leur participation à de telles manifestations, ce qui soulève des questions complexes en ce qui concerne la nécessité de trouver l’équilibre entre le droit à la protection et le droit à la participation. Cependant, comme l’a indiqué le Comité dans ses observations finales, cela ne devrait pas servir de prétexte pour restreindre leur droit d’association et de réunion pacifique. En application de l’article 15, les États sont tenus de donner aux enfants des rues les moyens d’exercer leur droit à la participation et de se défendre face à toute utilisation ou manipulation de la part des adultes.

Lieux publics

38.Outre la liberté d’association et de réunion pacifique, qui fait partie des droits civils et politiques, le Comité tient à souligner qu’il importe de respecter le choix des enfants des rues de se rassembler dans des lieux publics, sans que cela ne constitue une menace à l’ordre public, pour exercer leurs droits à la survie et au développement (art. 6), pour se reposer, jouer et se divertir (art. 31) et pour créer des réseaux et organiser leur vie sociale, mais aussi parce que cela constitue une caractéristique fondamentale de leur vie en général. Les rassemblements de ce type font partie de la vie des enfants des rues. Ils ne correspondent pas toujours à des activités distinctes, comme manger, dormir ou se divertir. Pour les autres enfants, la coexistence et la coopération avec autrui se vivent essentiellement à la maison ou à l’école. Pour les enfants des rues, elles ont lieu dans les lieux publics. Ces enfants ont besoin d’un lieu sûr où ils peuvent exercer leur droit d’association, interprété ici en conjonction avec d’autres droits garantis par la Convention comme le droit de « passer du temps avec autrui dans des lieux publics ». Le Comité a examiné, à la lumière de l’article 31, la diminution de la tolérance vis-à-vis de la présence d’enfants dans les lieux publics. Dans la présente observation générale, il élargit ses préoccupations concernant la réduction de la tolérance à l’utilisation des lieux publics par les enfants à des fins autres que celles visées à l’article 31.

Restrictions imposées à l’application de l’article 15

39.Conformément au paragraphe 2 de l’article 15, les mesures policières et autres en lien avec l’ordre public ne sont permises que si elles sont prescrites par la loi, reposent sur une évaluation individuelle plutôt que collective, respectent le principe de proportionnalité et constituent l’option la moins intrusive. Pareilles mesures ne sauraient être appliquées à un groupe ou à titre collectif. Cela signifie que les actes de harcèlement, la violence, les rafles et les opérations de nettoyage des rues dont sont victimes les enfants des rues, notamment à l’occasion de grandes manifestations politiques, publiques ou sportives, ou toute autre mesure d’intervention qui restreint ou compromet leur droit d’association et de réunion pacifique sont contraires au paragraphe 2 de l’article 15. Le fait de ne pas reconnaître les syndicats d’enfants qui travaillent et les organisations dirigées par des enfants des rues qui ont été constitués conformément à la loi ou d’exiger, pour les organisations, des autorisations que les enfants des rues ne peuvent raisonnablement pas obtenir, constitue une discrimination à l’égard de ces enfants et est incompatible avec le paragraphe 2 de l’article 15.

Mesures d’application

40.Les États ne devraient pas harceler les enfants des rues pour les chasser des lieux publics où ils s’associent et se réunissent pacifiquement ou leur faire quitter de force ces lieux. Des sanctions devraient être imposées à ceux qui portent atteinte à ce droit. Il faut mettre en place une formation spécialisée pour renforcer la capacité de la police et des forces de sécurité de lutter contre les atteintes à l’ordre public dans le respect des droits des enfants des rues. Il faudrait revoir les règlements locaux pour en garantir la conformité avec le paragraphe 2 de l’article 15. Les États devraient appuyer les mesures positives qui visent notamment à assurer l’autonomisation des enfants des rues grâce à des programmes d’éducation aux droits de l’enfant et à l’acquisition de compétences nécessaires à la vie courante, à préparer les parties prenantes à accepter, lors de la prise de décisions, les opinions exprimées par ces enfants dans le cadre d’associations et d’assemblées, et promouvoir la participation de ces enfants à des activités récréatives, sportives, artistiques, culturelles et de loisirs, au côté des autres enfants de la communauté. La législation ne devrait pas imposer aux associations ou aux assemblées pacifiques d’enfants des rues de s’enregistrer officiellement pour pouvoir bénéficier d’une protection au titre de l’article 15.

Article 7 − Enregistrement des naissances − et article 8 − Identité

41.Le fait que les enfants des rues ne possèdent pas de pièce d’identité a des conséquences négatives sur la protection de leurs droits dans les domaines de l’éducation, de la santé et des autres services sociaux, de la justice, de la succession et du regroupement familial. Les États devraient, au minimum, veiller à ce que tous les enfants, quel que soit leur âge, bénéficient de procédures d’enregistrement des naissances gratuites, accessibles, simples et rapides. Il faudrait aider activement les enfants des rues à obtenir des documents d’identité officiels. À titre provisoire, les États et les administrations locales devraient permettre la mise en œuvre de solutions novatrices et souples, comme la délivrance d’une carte d’identité informelle liée au personnel ou à l’adresse d’organisations de la société civile, qui permettrait à l’enfant d’avoir accès aux services de base et à une protection au sein du système judiciaire, en attendant la délivrance d’une pièce d’identité officielle. Des solutions novatrices devraient être mises en œuvre pour remédier aux difficultés rencontrées par les enfants des rues, qui sont souvent très mobiles et n’ont pas la possibilité de conserver leurs documents d’identité en lieu sûr, à l’abri des risques de perte, de dommage ou de vol.

Article 13 − Liberté d’expression − et article 17 − Accès à l’information

42.Le respect du droit des enfants des rues d’accéder aux informations sur leurs droits, de rechercher ces informations et de les diffuser est essentiel si l’on veut que ces droits soient compris et mis en œuvre dans la pratique. La mise en place de programmes d’éducation aux droits de l’enfant qui soient accessibles et adaptés au contexte contribuera à éliminer les obstacles à la participation de ces enfants afin qu’ils puissent faire entendre leurs voix. Les enfants des rues doivent avoir accès, au moyen de mécanismes accessibles et appropriés, à des informations précises, de qualité et adaptées aux enfants concernant : a) le rôle et la responsabilité de l’État, ainsi que les mécanismes de plainte à saisir pour obtenir réparation en cas de violation des droits de l’homme ; b) la protection contre la violence ; c) la santé sexuelle et reproductive, y compris la planification familiale et la prévention des infections sexuellement transmissibles ; d) les modes de vie sains, notamment les régimes alimentaires et l’activité physique ; e) les comportements sociaux et sexuels sans danger et respectueux d’autrui ; f) la prévention des accidents ; g) les effets négatifs de la consommation d’alcool, de tabac, de drogues et d’autres substances nocives.

Article 16 − Protection de la vie privée, de l’honneur et de la réputation

43.Comme ils mènent leurs activités dans des lieux publics, les enfants des rues peuvent n’avoir qu’une intimité limitée. La discrimination fondée sur le fait qu’eux-mêmes, leurs parents ou leur famille vivent dans la rue les expose tout particulièrement à des violations de l’article 16. Le Comité estime que les expulsions forcées constituent une violation de l’article 16 de la Convention, et le Comité des droits de l’homme les a par le passé reconnues comme une violation de l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les recommandations touchant à la stigmatisation (par. 27) et au traitement respectueux et non discriminatoire de la part de la police (par. 60) donnent des orientations en ce qui concerne la protection de l’honneur et de la réputation.

C.Milieu familial et protection de remplacement

Article 20 − Droit des enfants privés de milieu familial à une protection et à une aide spéciales

Types de protection

44.Lorsque les enfants des rues n’ont pas de pourvoyeurs de soins principaux ou supplétifs, l’État est de fait responsable de leur garde et il est tenu, au titre de l’article 20, de prévoir une protection de remplacement pour tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial. Cette protection peut prendre différentes formes : un soutien pratique et moral apporté par un adulte de confiance travaillant dans la rue ou par un pair, sans que les enfants soient obligés ou contraints de renoncer aux liens qu’ils ont dans la rue ou d’emménager dans un nouveau lieu d’hébergement ; la mise à disposition de centres d’accueil et de centres communautaires ou sociaux, de foyers offrant un hébergement pour la nuit, de garderies, de foyers collectifs offrant un accueil temporaire ; le placement en famille d’accueil ; le retour de l’enfant dans sa famille ; des arrangements permettant l’autonomie de vie ou la prise en charge à long terme, y compris, mais pas seulement, l’adoption. La privation de liberté, par exemple dans des cellules de détention ou des centres fermés, ne constitue jamais une forme de protection.

Adoption d’une approche fondée sur les droits de l’enfant

45.Les interventions qui ne respectent pas les enfants en tant qu’agents actifs du passage de la rue à la protection de remplacement ne fonctionnent pas : les enfants finissent souvent par se retrouver de nouveau à la rue quand ils fuguent ou que leur placement échoue. Les placements sont des échecs lorsque les enfants des rues sont envoyés dans des endroits qu’ils ne connaissent pas pour vivre avec des membres de leur famille qu’ils connaissent peu. L’application d’une approche fondée sur les droits de l’enfant à l’élaboration et à la mise en œuvre de solutions de protection de remplacement permet aux États de garantir que les enfants ne sont pas tributaires des liens qu’ils ont dans la rue pour survivre ou se développer et qu’ils ne sont pas contraints d’accepter le placement. Les États devraient veiller, au moyen de lois, de règlements et de directives, à ce que l’opinion de l’enfant soit sollicitée et examinée dans le cadre de la prise de décisions concernant le placement, l’élaboration et la révision des plans de prise en charge et les visites de la famille. Ils devraient respecter les normes internationales établiesqui font du placement en institution une mesure de dernier ressort,veiller à ce que l’enfant ne fasse pas l’objet d’une protection de remplacement quand cela n’est pas nécessaire et faire en sorte que, lorsque l’enfant bénéfice d’une telle protection, celle-ci soit apportée dans des conditions adaptées, dans le respect des droits et de l’intérêt supérieur de l’enfant. Ils devraient veiller à ce que les foyers et les infrastructures gérés par les autorités publiques ou la société civile soient sûrs et de bonne qualité. Quand le placement dans la famille est jugé, en consultation avec les enfants des rues eux-mêmes, être dans l’intérêt supérieur des enfants, une préparation et un suivi minutieux sont nécessaires des deux côtés. Une étape transitoire est souvent nécessaire entre la rue et le placement à long terme et sa durée est déterminée au cas par cas avec l’enfant. Il est inacceptable que des enfants soient hébergés dans des cellules de postes de police ou d’autres cellules de détention faute de structures de protection de remplacement.

Article 9 − Séparation d’avec les parents

46.Nombre d’enfants des rues vivent avec leur famille, dans la rue ou non, ou conservent des liens familiaux, et ils devraient être aidés à maintenir ces liens. Les États ne devraient pas séparer les enfants de leur famille au seul motif que celle-ci travaille ou vit dans la rue. De même, ils ne devraient pas séparer les enfants des rues de leurs propres enfants. La pauvreté financière et matérielle ou des conditions directement et exclusivement imputables à cette pauvreté ne devraient jamais justifier à elles seules le retrait d’un enfant à la garde de ses parents, mais devraient être considérées comme le signe qu’il convient d’apporter une assistance appropriée à la famille. Pour éviter les séparations de longue durée, les États peuvent appuyer des solutions de prise en charge temporaires respectueuses des droits pour les enfants, par exemple, dont les parents émigrent à certains moments de l’année pour occuper des emplois saisonniers.

Article 3 (par. 3) − Normes relatives aux institutions, services et établissements de prise en charge et de protection − et article 25 − Examen périodique des placements

47.Il est important d’assurer, de maintenir et de contrôler la qualité des services fournis par l’État ou d’autres entités pour que des enfants ne se retrouvent pas à la rue parce que leur droit à une prise en charge et à une protection n’est pas respecté, et pour que les enfants qui sont déjà à la rue en tirent profit. Les États devraient fournir des services de qualité qui soient respectueux des droits et soutenir les organisations de la société civile pour qu’elles fassent de même. Les institutions, services et structures non étatiques destinés aux enfants des rues devraient être soutenus, financés, accrédités, réglementés et contrôlés par l’État. Le personnel concerné devrait être formé conformément aux dispositions du paragraphe 18.

Article 18 − Responsabilité parentale

48.L’appui aux parents et aux représentants légaux est essentiel pour éviter que des enfants ne se retrouvent à la rue et pour renforcer les programmes de regroupement familial à l’intention des enfants qui sont déjà dans la rue. Les États sont tenus d’accorder l’aide appropriée aux parents et aux représentants légaux de l’enfant dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant et d’assurer la mise en place d’institutions, d’établissements et de services chargés de veiller au bien-être des enfants. Ils devraient prendre des mesures pour éliminer les facteurs structurels qui exercent une pression sur les familles en situation de précarité. Il faut notamment s’attacher à améliorer le développement local dans les quartiers pauvres en se fondant sur les droits, mettre en place de larges filets de sécurité économique et sociale, mettre à disposition des garderies et d’autres services spécialisés sûrs et abordables et faciliter l’accès des familles à un logement adéquat et à des activités génératrices de revenus. Parallèlement à l’approche structurelle et aux mesures de politique générale, il faut aider les familles vulnérables au cas par cas, par l’intermédiaire de professionnels dûment formés. Les États devraient investir dans des programmes d’aide aux familles qui soient fondés sur les droits de l’enfant et développer de tels programmes, dont on sait qu’ils permettent d’arrêter la transmission, d’une génération à l’autre, de facteurs qui aggravent le risque que les enfants se retrouvent dans la rue. Ils devraient prendre des mesures pour dispenser une éducation aux droits de l’enfant et à la parentalité positive à tous les parents et pourvoyeurs de soins, en donnant la priorité − sans les stigmatiser − aux familles dont les enfants risquent de se retrouver à la rue. Cette éducation devrait porter entre autres sur les droits de l’enfant et, notamment, sur la façon d’écouter les enfants et de prendre en considération leur opinion lors de la prise de décisions, sur l’éducation positive, notamment les méthodes de discipline positives, le règlement non violent des conflits et la parentalité fondée sur l’attachement, et sur le développement de la petite enfance (voir également les paragraphes 35 et 49).

D.Niveau de vie suffisant

Article 27 − Droit à un niveau de vie suffisant

Soutien aux parents, aux pourvoyeurs de soins et aux enfants

49.En application du paragraphe 3 de l’article 27, les États devraient veiller à ce que tous les enfants jouissent d’un niveau de vie suffisant pour permettre leur développement physique, mental, spirituel et moral, pour éviter que des enfants se retrouvent dans la rue et pour réaliser les droits des enfants qui y sont déjà. Les États doivent adopter des mesures appropriées pour aider les parents et les autres personnes ayant la charge de l’enfant à mettre en œuvre ce droit et offrir, en cas de besoin, une assistance matérielle et des programmes d’appui, notamment en ce qui concerne l’alimentation, l’habillement et le logement. Ces dispositions ne laissent aucune latitude aux États parties. Les prescriptions concernant leur mise en œuvre, compte tenu des conditions nationales et dans la mesure des moyens des États parties, doivent être interprétées à la lumière de l’article 4, c’est-à-dire que les États doivent prendre des mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent et, s’il y a lieu, dans le cadre de la coopération internationale, compte tenu en particulier de l’obligation qu’ont les États de respecter l’obligation fondamentale minimum relative aux droits sociaux, économiques et culturels. En ce qui concerne l’assistance matérielle, les enfants des rues disent avoir besoin en priorité d’un lieu de vie sûr, de nourriture, d’un accès aisé et gratuit aux soins médicaux et à l’éducation ; pour répondre à ce besoin, l’État devrait soutenir les parents et les pourvoyeurs de soins, en particulier pour ce qui est de l’accès à un logement décent et subventionné et à des activités génératrices de revenus. Le paragraphe 3 de l’article 27 ne doit pas être interprété comme visant uniquement les mesures destinées à aider les parents et les autres personnes qui ont la charge de l’enfant. L’obligation de fournir une assistance matérielle et des programmes d’aide en cas de besoin devrait être interprétée comme englobant aussi l’assistance fournie directement aux enfants. Cet aspect est particulièrement important pour les enfants des rues qui n’ont pas de liens familiaux ou qui sont maltraités par leur famille. Une assistance matérielle directe prenant la forme de services peut être fournie aux enfants soit par l’État soit par des organisations de la société civile soutenues par l’État. Dans le cas des familles monoparentales ou recomposées, les mesures prises par l’État pour garantir le versement d’une pension alimentaire pour l’enfant sont particulièrement importantes (voir art. 27, par. 4).

Logement adéquat

50.Le droit au logement est un élément important de l’article 27 qui est particulièrement pertinent dans le cas des enfants des rues. Il a été interprété au sens large par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels comme le droit à un lieu où l’on puisse vivre en sécurité, dans la paix et la dignité, ce qui indique clairement que la notion de « adéquat », appliquée au logement, suppose que l’on prête attention à la sécurité d’occupation garantie par la loi, à la mise à disposition de services, d’équipements, de locaux et d’infrastructures, à l’accessibilité économique, à l’habitabilité, à l’accessibilité physique, à l’emplacement et au respect du milieu culturel. Les enfants sont de ceux qui souffrent de manière disproportionnée de la pratique des expulsions forcées. Ces expulsions, et notamment la démolition des logements informels ou illégaux, peuvent aggraver la précarité des enfants, car elles les contraignent à dormir dans la rue et les exposent à de nouvelles violations de leurs droits. L’une des questions les plus évoquées par les enfants lors des consultations est le caractère inadéquat et inadapté de certains « foyers » publics et le niveau élevé de violence et d’insécurité qui y règne, qui poussent les enfants à préférer la rue.

Mesures d’application

51.Les États devraient prendre des mesures pour lutter contre les causes structurelles de la pauvreté et des inégalités de revenus afin de renforcer les familles en situation de précarité et d’alléger la pression qui pèse sur elles, dans le but d’offrir une meilleure protection aux enfants et de réduire le risque qu’ils se retrouvent dans la rue. Ils devraient notamment introduire des politiques fiscales et des politiques de dépenses qui réduisent les inégalités économiques, élargir l’accès à des emplois équitablement rémunérés et à d’autres possibilités de génération de revenus, introduire des politiques de développement rural et urbain qui soient favorables aux pauvres, éliminer la corruption, adopter des politiques et des procédures d’établissement des budgets axées sur les enfants, renforcer les programmes de lutte contre la pauvreté mettant l’accent sur les enfants dans les régions connues pour leurs niveaux élevés de migration, et offrir une sécurité sociale et une protection sociale adéquates. On peut citer comme exemples les programmes d’allocations familiales mis en place dans certains pays d’Europe et d’Amérique du Nord et les programmes de transfert d’espèces introduits dans des pays d’Amérique latine et largement appliqués en Asie et en Afrique. Les États devraient veiller à ce que ces programmes bénéficient aux familles les plus marginalisées qui n’ont pas forcément de compte bancaire. Un soutien matériel devrait être proposé aux parents, aux autres responsables de l’enfant et aussi directement aux enfants des rues, et les mécanismes et services mis en place pour ce faire devraient être conçus et mis en application selon une approche fondée sur les droits de l’enfant. S’agissant du logement,la sécurité d’occupation est essentielle pour éviter que les enfants ne se retrouvent à la rue. Elle suppose l’accès à un logement adéquat et sûr ayant un accès à l’eau potable, au réseau d’assainissement et à des installations sanitaires. Les enfants, y compris ceux qui vivent dans des logements informels ou illégaux, ne devraient pas être soumis à une expulsion forcée avant qu’une autre solution d’hébergement adaptée leur soit proposée, les États sont tenus de prendre les mesures voulues à l’intention des enfants concernés. Les projets de développement et d’infrastructure devraient obligatoirement faire l’objet d’évaluations d’impact sur les droits de l’enfant et les droits de l’homme, afin que les conséquences négatives des déplacements puissent être réduites au maximum.

E.Handicap et santé

Article 23 − Enfants handicapés

52.Les enfants handicapés se retrouvent dans la rue pour diverses raisons, notamment des raisons économiques et sociales économiques et sociales, et sont parfois exploités à des fins de mendicité. Les États devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et incriminer expressément ce type d’exploitation et traduire les auteurs de tels faits en justice. Il peut arriver que des enfants des rues développent un handicap en raison des conséquences négatives de certains aspects de la vie dans la rue, tels que la violence, l’exploitation et la consommation de substances psychoactives. Les handicaps intellectuels et psychosociaux peuvent rendre les enfants des rues particulièrement vulnérables à l’exploitation et à la maltraitance. Les États devraient adopter des mesures de protection spéciales, et en particulier repérer et supprimer les obstacles qui empêchent les enfants handicapés d’avoir accès aux services, et notamment à l’éducation inclusive.

Article 24 − Santé− et article 33 − Drogues et consommation de substances psychoactives

53.La rue peut aggraver la vulnérabilité des enfants face aux problèmes de santé physique et mentale. Parmi les problèmes rencontrés on retiendra notamment des taux disproportionnés de consommation de substances psychoactives, des infections au VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles, des grossesses, des violences (y compris de la part de pairs), des pensées suicidaires et des suicides, la prise en automédication de médicaments non réglementés et l’exposition à des maladies infectieuses, à la pollution et aux accidents de la circulation. Le Comité tient à souligner qu’il est nécessaire de proposer une éducation à la santé et des services de santé qui soient adaptés aux besoins particuliers des enfants des rues. Cette éducation et ces services devraient être complets, accessibles et gratuits, et être offerts avec bienveillance et compréhension, en toute confidentialité, sans jugement et dans le respect de l’autonomie de décision de l’enfant, sans que le consentement parental ne soit nécessaire. Les services de santé devraient être accessibles quel que soit l’endroit où se trouvent les enfants et quelle que soit leur situation sociale. Les enfants des rues devraient avoir accès à des soins de santé de base gratuits dans le cadre de dispositifs universels de couverture sanitaire et de protection sociale. Les États devraient faire en sorte que les enfants des rues aient plus facilement accès aux services visant à prévenir l’usage des substances psychoactives et à offrir traitement et réadaptation aux toxicomanes, y compris les services de réduction des risques, et aux services de traitement des traumatismes et de santé mentale. Ces services devraient être dotés de professionnels formés aux droits de l’enfant et aux caractéristiques particulières des enfants des rues. Les États peuvent encourager, en lui apportant le soutien voulu, une éducation par les pairs qui peut être particulièrement efficace pour lutter contre la consommation de substances pyschoactives, les maladies sexuellement transmissibles et le VIH. Il importe de s’attacher particulièrement à éviter que les enfants des rues ne prennent part au commerce de la drogue.

F.Éducation, loisirs et activités culturelles

Article 28 − Éducation

54.Une éducation accessible, gratuite, sûre, pertinente et de qualité est indispensable pour éviter que les enfants ne se retrouvent dans la rue et pour donner effet aux droits des enfants qui sont déjà à la rue. Pour beaucoup d’enfants, l’éducation représente le dernier lien avec la société. Les États devraient prendre les mesures qui s’imposent, y compris soutenir les parents, les pourvoyeurs de soins et les familles, pour que les enfants des rues puissent poursuivre leur scolarité et pour que leur droit à une éducation de qualité soit pleinement protégé. Il est nécessaire de proposer différentes options éducatives, notamment une « école de la deuxième chance », des cours de rattrapage, des écoles mobiles, des formations professionnelles proposées en fonction des études du marché et suivies d’un accompagnement à long terme en vue de la génération de revenus, et des passerellesvers l’éducation formelle, dans le cadre de partenariats avec la société civile. Les enseignants devraient être formés aux droits de l’enfant, à la question des enfants des rues et aux méthodes d’enseignement participatives axées sur l’enfant.

Article 29 − Buts de l’éducation

55.L’éducation, s’agissant des enfants des rues, devrait viser les buts énoncés à l’article 29 et comprendre la lecture et le calcul, l’apprentissage de l’informatique, l’acquisition de connaissances pratiques, l’éducation aux droits de l’enfant, l’apprentissage de la tolérance vis-à-vis de la diversité et l’éducation civique. Une telle éducation est d’une importance vitale pour la réalisation des droits des enfants à la protection, au développement et à la participation, notamment parce qu’elle renforce leur autonomie et leur donne les moyens de mieux faire face aux situations à risque, qu’il s’agisse des enfants qu’il faut empêcher de se retrouver à la rue ou des enfants qui y sont déjà. Les États devraient prendre des mesures pour dispenser à tous les enfants une éducation aux droits de l’enfant et une formation aux compétences pratiques qui soient gratuites et de bonne qualité, dans le cadre des programmes scolaires et, pour toucher les enfants non scolarisés, dans le cadre de l’enseignement non formel et de l’éducation de rue.

Article 31 − Repos, jeu et loisirs

56.Le Comité insiste sur le droit au repos, au jeu, aux loisirs et à la participation aux activités artistiques et culturelles. Les enfants des rues puisent dans leur propre créativité pour transformer le cadre informel de la rue en source de jeux. Les États devraient faire en sorte qu’ils ne soient pas exclus de manière discriminatoire des parcs et des terrains de jeu, par exemple en raison de l’existence de codes vestimentaires, et adopter des mesures pour les aider à développer leur créativité et à pratiquer des activités sportives, notamment en prévoyant des installations ludiques ou sportives mobiles.

G.Violence à l’égard des enfants et mesures de protection spéciales

Articles 19 et 39 − Protection contre toutes les formes de violence

57.La violence sous toutes ses formes − psychologique, physique ou sexuelle − est une cause fondamentale et une conséquence de la présence des enfants dans la rue. La violence de tout type imprègne à grande échelle la vie des enfants des rues et eux-mêmes en parlent comme d’une préoccupation majeure. Des mesures spécifiques, immédiates et urgentes doivent être prises pour protéger les enfants des rues. Concurremment avec toutes les mesures recommandées dans l’observation générale no 13, ces mesures sont les suivantes : interdire toutes les formes de violence, dont les châtiments corporels ; mettre en place des mécanismes pour aider les enfants vulnérables en voie de rupture avec leur famille et leur communauté ; mettre en place des dispositifs de signalement des violences, des actes de discrimination et d’autres formes de violations de droits; créer des mécanismes obligeant les auteurs de violences à répondre de leurs actes, qu’il s’agisse d’entités étatiques ou non, d’individus ou de groupes. Il peut s’avérer nécessaire de mettre en place des mécanismes spéciaux pour traiter le cas de personnes signalées par les enfants des rues comme présentant une menace pour leur bien-être, comme des policiers et des personnes impliquées dans la criminalité organisée et le trafic de drogue.

Articles 34 à 36 − Violence sexuelle, exploitation sexuelle, traite et autres formes d’exploitation

58.Les enfants des rues sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et à l’exploitation, et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants revêt une importance particulière pour eux. Des mesures tenant compte du sexe de l’enfant devraient être conçues par des professionnels dûment formés qui comprennent la situation particulière des enfants des rues. Les enfants peuvent s’être retrouvés dans la rue après avoir été victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle ou économique ou, lorsqu’ils sont déjà dans la rue, peuvent être exposés à ce type de traite, ainsi qu’au trafic d’organes et à d’autres formes d’exploitation.

Article 32 − Travail des enfants

59.Le Comité appelle instamment les États à mettre en œuvre les dispositions du paragraphe 2 de l’article 32 de la Convention, de la Convention no 138 de l’OIT sur l’âge minimum (1973) et de la Convention no 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants (1999), afin de protéger les enfants des rues de l’exploitation économique et des pires formes de travail des enfants. La lutte contre le travail des enfants devrait passer par l’adoption de mesures globales visant notamment à offrir un soutien permettant aux enfants d’accéder à l’éducation et garantissant aux enfants et à leur famille un niveau de vie suffisant. De telles mesures devraient être élaborées en collaboration avec les enfants des rues et d’autres acteurs clefs, pour qu’elles tiennent compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et n’aient aucune conséquence néfaste involontaire sur la survie ou le développement des enfants. L’incrimination de la mendicité ou du commerce non autorisé peut entraîner les enfants dans les pires formes de comportements de survie, comme l’exploitation sexuelle à des fins commerciales. La mise en place de systèmes d’épargne qui permettent aux enfants des rues d’apprendre à gérer leur budget et de protéger leurs gains est également utile.

Articles 37 et 40 − Justice pour mineurs

60.Les enfants des rues sont plus susceptibles que les autres d’être mis en cause et considérés comme des délinquants et d’être traduits devant la justice, qu’il s’agisse de la justice pour mineurs ou de la justice pour adultes, et ont moins de chances que les autres de bénéficier de mesures de déjudiciarisation, de substitution à la détention ou de justice réparatrice car ils n’ont pas les moyens de payer de caution et n’ont pas forcément dans leurs connaissances d’adulte responsable pouvant se porter garant de leur conduite. Les exactions policières, comme le harcèlement (notamment les pratiques consistant à s’emparer de l’argent et des possessions des enfants, de les arrêter en masse ou de les déplacer de manière arbitraire, souvent sur ordre de supérieurs ou de responsables politiques), la corruption, le chantage (pour obtenir de l’argent ou des faveurs sexuelles) et la violence physique, psychologique ou sexuelle sont des violations fréquentes des droits que les États devraient ériger en infractions pénales de toute urgence. Le Comité est préoccupé par l’application de politiques de « tolérance zéro » qui font des enfants des rues des délinquants et conduisent à des placements forcés en institution. Les États devraient soutenir la police de proximité, en mettant l’accent sur la nécessité de protéger les enfants plutôt que de les punir, et veiller à ce que les services de police soient pluriculturels. Ils devraient garantir tous les droits de tous les enfants, y compris les enfants des rues, dans le cadre d’un système de justice pour mineurs qui mette l’accent sur la réparation plutôt que sur la sanction.

Article 38 − Conflits armés

61.Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés présente un intérêt pour les enfants des rues en ce que ces enfants courent le risque d’être enrôlés dans des forces ou des groupes armés. Des enfants peuvent se retrouver dans la rue à la suite de conflits parce que leurs réseaux sociaux ont été détruits, qu’ils ont été séparés de leur famille, qu’ils ont dû quitter leur communauté ou, dans le cas des enfants soldats démobilisés, parce qu’ils en ont été rejetés. Pour ce qui est de la prévention, les enfants des rues doivent bénéficier de l’éducation aux droits de l’enfant, notamment l’éducation à la paix, et des mesures destinées à prévenir l’enrôlement d’enfants. Les interventions visant à réduire les effets des conflits armés doivent viser de manière proactive à atténuer les effets de la séparation des enfants d’avec leur famille, et la priorité devrait être accordée aux programmes de recherche des familles. Dans le cadre des programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des enfants, la dynamique des liens avec la ruedevrait être prise en considération à la fois en tant que cause et en tant que conséquence de la participation des enfants à des conflits armés.

VI.Diffusion et coopération

Diffusion

62.Le Comité recommande aux État parties de diffuser largement la présente observation générale auprès des structures gouvernementales, juridiques et administratives, des enfants des rues, des parents et pourvoyeurs de soins, des organisations professionnelles, des communautés, du secteur privé et de la société civile. Toutes les voies de communication, y compris la presse écrite, Internet et les modes de communication propres aux enfants, tels que le conte et l’éducation par les pairs, devraient être utilisées. Cela suppose que l’observation générale soit traduite dans les langues pertinentes, y compris en langue des signes et en braille, et soit disponible sous une forme facile à comprendre pour les enfants handicapés et les enfants dont les capacités de lecture sont limitées. Il faudra aussi en proposer des versions culturellement appropriées, des versions adaptées aux enfants, des versions qui font la part belle aux images plutôt qu’au texte, organiser des ateliers et des séminaires, mettre en place un appui tenant compte de l’âge et du handicap pour débattre des implications de l’observation générale et de la meilleure manière de la mettre en œuvre, et intégrer l’observation générale dans la formation de tous les professionnels travaillant pour et avec les enfants des rues. Les États sont aussi invités à faire figurer des renseignements relatifs aux enfants des rues dans leurs rapports au Comité.

Coopération internationale

63.Le Comité invite les États à renforcer leur engagement international, leur coopération et l’assistance qu’ils se prêtent mutuellement pour éviter que des enfants ne se retrouvent dans la rue et pour protéger les enfants qui s’y trouvent déjà. Il faudrait pour ce faire qu’ils recensent et diffusent les pratiques fondées sur les droits qui se sont révélées efficaces, qu’ils mènent des recherches, qu’ils adoptent des politiques, qu’ils assurent un suivi et qu’ils mettent en place des activités de renforcement des capacités. La coopération nécessite la participation des États, des organismes et institutions des Nations Unies, des organisations régionales, des organisations de la société civile (y compris les organisations dirigées par des enfants et les milieux universitaires), des enfants, du secteur privé et des groupes professionnels. Le Comité encourage ces acteurs à nouer un dialogue permanent au niveau décisionnel le plus élevé et à mener des travaux de recherche afin d’élaborer des mesures de prévention et d’intervention qui soient utiles et fondées sur l’analyse des faits. Des dialogues doivent être engagés aux niveaux international, national, régional et local. Il pourrait s’avérer nécessaire de recourir à une telle coopération pour assurer la protection des enfants qui passent les frontières en tant que migrants, réfugiés ou demandeurs d’asile ou en tant que victimes/survivants de la traite transfrontière.