Nations Unies

CERD/C/EST/12-13

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

15 octobre 2019

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Rapport valant douzième et treizième rapports périodiques soumis par l’Estonie en application de l’article 9 de la Convention, attendu en 2018 *

[Date de réception : 23 juillet 2019]

I.Introduction

1.Le présent rapport a été élaboré en application de l’article 9 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ci-après « la Convention »), en vertu duquel les États parties sont tenus de présenter au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies un rapport périodique sur les mesures prises pour donner effet aux dispositions de la Convention et sur les résultats obtenus. La Convention est entrée en vigueur pour la République d’Estonie le 20 novembre 1991.

2.L’Estonie a soumis son rapport valant dixième et onzième rapports périodiques en 2013. Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (ci-après « le Comité ») l’a examiné en août 2014, et a adopté ses observations finales les 28 et 29 août 2014.

3.En réponse au paragraphe 23 des observations finales du Comité, adoptées à la suite de la présentation de son dernier rapport périodique, l’Estonie a fourni des renseignements complémentaires sur la suite donnée aux paragraphes 7, 8 et 13 des observations finales. Le présent rapport tient également compte des recommandations intermédiaires formulées par le Comité dans sa lettre de suivi du 26 janvier 2016, notamment au sujet de l’éducation des enfants roms, évoquée au paragraphe 13 concernant l’article 2.

4.Le présent rapport rend compte des mesures législatives, administratives ou autres qui ont été adoptées pour mettre en œuvre les droits consacrés par la Convention. Il a été élaboré selon les directives concernant l’établissement des rapports. Les questions posées et les suggestions formulées par le Comité lors de l’examen du rapport valant dixième et onzième rapports périodiques de l’Estonie ont aussi été prises en considération. Une attention particulière a été accordée aux préoccupations formulées par le Comité dans ses observations finales et ses questions supplémentaires.

5.Le présent rapport concerne la période qui s’est écoulée depuis la soumission du précédent rapport mais porte essentiellement sur les dernières années. Le Ministère de l’éducation et de la recherche, le Ministère de la justice, le Ministère de la défense, le Ministère de la culture, le Ministère de l’intérieur et le Ministère des affaires sociales ont contribué à son élaboration.

6.Le présent rapport a été adressé, pour information, au Chancelier de justice et au Commissaire chargé de l’égalité femmes-hommes et de l’égalité de traitement.

7.Adressé pour observations et avis à trois organisations non gouvernementales (ONG) − le Centre estonien des droits de l’homme, l’Institut estonien des droits de l’homme et le Centre d’information juridique en matière de droits de l’homme −, le présent rapport tient compte des commentaires formulés par ces deux dernières institutions.

8.Les rapports soumis par l’Estonie aux organes conventionnels des droits de l’homme sont publiés sur le site Web du Ministère des affaires étrangères (http://www.vm.ee) et sont donc accessibles au public après leur présentation. Le présent rapport a été rédigé en estonien et traduit en anglais. Il peut être consulté dans les deux langues sur le site Web du Ministère des affaires étrangères. Les observations finales du Comité sont également disponibles sur ce site, en estonien et en anglais.

II.Information relative aux articles 2 à 7 de la Convention

Article 2

9.L’Estonie a toujours considéré qu’il était important de garantir et de protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales au niveau national comme au niveau international. Elle condamne tous les actes de discrimination raciale et s’efforce sans relâche de supprimer toutes manifestations de discrimination raciale dans la loi et dans la pratique.

10.Les fondements juridiques de l’interdiction de la discrimination raciale se trouvent dans la Constitution. L’article 12 de la Constitution dispose que tous les citoyens sont égaux devant la loi. Nul ne peut faire l’objet de discrimination en raison de sa nationalité, de sa race, de sa couleur, de son sexe, de sa langue, de ses origines, de ses convictions religieuses, politiques ou autres, de son statut patrimonial ou social ou d’autres critères.

11.Depuis la présentation du précédent rapport, les changements dans la législation concernant l’interdiction générale de la discrimination ont été mineurs et n’ont donc pas été pas repris dans le présent rapport. En revanche, en ce qui concerne la Convention, d’importants changements législatifs sont intervenus ; ils sont abordés dans les paragraphes dédiés aux thèmes correspondants.

12.Plus précisément, l’interdiction de la discrimination est régie par plusieurs lois, telles que la loi relative à l’égalité de traitement, la loi relative à l’égalité femmes-hommes, la loi relative aux contrats de travail ou le Code pénal. D’autres instruments juridiques et documents d’orientation contiennent également des dispositions pertinentes en la matière.

13.Au paragraphe 6 de ses observations finales de 2014, le Comité a recommandé à l’Estonie de créer une institution nationale des droits de l’homme indépendante conformément aux Principes de Paris.

14.Les Principes de Paris, adoptés par l’Assemblée générale dans sa résolution 48/134 du 20 décembre 1993, disposent que les États sont tenus de créer une institution nationale des droits de l’homme indépendante répondant aux critères définis par cette même résolution. La création d’une telle institution est recommandée par le Comité, mais également par d’autres organes internationaux tels que le Comité des droits de l’homme (ONU), l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, le Conseil des droits de l’homme (ONU) et le Comité contre la torture (ONU). Des représentants de la société civile estonienne ont également attiré l’attention sur cette question.

15.Le Riigikogu (Parlement) a adopté le 13 juin 2018 une loi portant modification de la loi relative au Chancelier de justice. Cette loi dispose que les fonctions internationalement reconnues de l’Institution nationale des droits de l’homme sont assumées en Estonie par le Chancelier de justice à compter du 1erjanvier 2019. Le Chancelier de justice peut ainsi déposer une demande d’accréditation en tant qu’institution nationale des droits de l’homme. À ce titre, il est également chargé des questions relatives à l’interdiction de la discrimination raciale, consacrée par la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Cette décision a été très favorablement accueillie par l’Institut estonien des droits de l’homme.

16.La recommandation du Comité a ainsi été mise en œuvre. La création d’une institution nationale des droits de l’homme et le début de ses activités correspondent à une avancée majeure par rapport à la période précédemment examinée.

17.Le Chancelier de justice et le Commissaire chargé de l’égalité femmes-hommes et de l’égalité de traitement jouent un rôle essentiel pour promouvoir l’égalité ainsi que pour contrôler et garantir la conformité avec la législation existante. Le présent rapport donne une vue d’ensemble des questions et des plaintes qu’ils ont traitées ces dernières années en ce qui concerne la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

18.Afin de mieux protéger l’égalité des droits, le Ministère des affaires sociales a proposé des modifications de la loi relative à l’égalité de traitement visant à étendre la protection légale contre la discrimination fondée sur le handicap, l’âge, la religion, les opinions et l’orientation sexuelle à d’autres domaines que celui du travail. L’objectif est d’harmoniser le champ d’application de la loi relative à l’égalité de traitement avec la protection offerte par la législation applicable en matière de discrimination fondée sur la nationalité (origine ethnique), la race ou la couleur. L’interdiction de la discrimination devra s’appliquer non seulement à la vie professionnelle, mais aussi à la protection sociale (y compris en matière de sécurité sociale et de santé), aux prestations sociales, à l’éducation et à l’accès aux biens et services publics (y compris au logement). Les modifications prévoient également de renforcer le rôle du Commissaire chargé de l’égalité femmes-hommes et de l’égalité de traitement.

19.Afin de réduire la discrimination sur le marché du travail, l’Estonie s’efforce de sensibiliser les employeurs à ce problème et de faire en sorte qu’ils soient disposés et aptes à agir. Un label identifiant les lieux de travail ouverts à la diversité a été créé par le Ministère des affaires sociales, en collaboration avec le Centre estonien des droits de l’homme. Ce label est destiné à promouvoir l’amélioration de la diversité sur le lieu de travail, par rapport à des critères tels que l’âge, le sexe, l’origine ethnique, la langue maternelle, la race, la religion, l’état de santé (y compris le handicap et les capacités de travail réduites) et l’orientation sexuelle des employés. La création de ce label s’appuie sur des consultations et un réseau d’employeurs et a pour objectif d’offrir un outil permettant d’améliorer la qualité du lieu de travail et de promouvoir la diversité en appliquant le principe de l’égalité de traitement. Pour recevoir ce label, l’employeur doit établir un plan pour la diversité, ce qui suppose l’évaluation de la situation existante et la définition d’objectifs concernant les changements à opérer. Les premiers labels ont été décernés au printemps 2018.

20.Le Commissaire chargé de l’égalité femmes-hommes et de l’égalité de traitement conseille et accompagne toutes les personnes qui estiment avoir fait l’objet de discrimination pour des motifs tels que le sexe, la nationalité ou la couleur, la religion, les opinions, l’âge, le handicap, l’orientation sexuelle, la situation parentale et les obligations familiales, ou l’appartenance à un syndicat. Le Centre d’information juridique en matière de droits de l’homme et l’Institut estonien des droits de l’homme soutiennent le travail accompli et les décisions prises par le commissaire. Le Centre d’information juridique en matière de droits de l’homme estime qu’il faut accorder davantage d’attention aux formes de discrimination autres que la discrimination fondée sur le genre.

21.Le Commissaire surveille le respect des dispositions de la loi relative à l’égalité femmes-hommes et de la loi relative à l’égalité de traitement et exerce son autorité aussi bien sur le secteur public que sur le secteur privé. Il mène des actions de sensibilisation visant à faire évoluer les comportements et à lutter contre d’éventuels préjugés et stéréotypes dépassés et restrictifs. Le nombre de plaintes reçues par le Commissaire est en augmentation constante, ce qui montre que les citoyens sont mieux informés sur les moyens de protéger leurs droits. En 2014, le commissaire a reçu 192 réclamations et plaintes, dont 90 concernant l’égalité femmes-hommes et 114 concernant l’emploi. Dans 39 cas, le commissaire a confirmé l’existence d’une discrimination. Le Centre d’information juridique en matière de droits de l’homme estime que le budget et le personnel du Bureau du commissaire sont insuffisants pour faire face à l’augmentation de sa charge de travail.

22.En 2015, 209 réclamations concernant divers types de discrimination ont été traitées. Sur ce total, 70 avaient pour objet l’égalité femmes-hommes, 35 le handicap, 16 l’âge, 13 la nationalité, 6 l’orientation sexuelle, 3 la religion et les opinions, 2 l’emploi, 1 l’appartenance à un syndicat, 48 le manque de compétences et 15 la discrimination multiple.

23.En 2016, 332 réclamations concernant divers types de discrimination ont été traitées. Sur ce total, 157 avaient pour objet l’égalité femmes-hommes, 52 le handicap, 30 l’âge, 21 la nationalité, 7 l’orientation sexuelle, 5 la religion et les opinions, 1 l’emploi, 4 la discrimination raciale, 2 les compétences linguistiques, 2 l’appartenance à un syndicat et 58 le manque de compétences.

24.En 2017, 440 réclamations concernant divers types de discrimination ont été traitées. Sur ce total, 227 avaient pour objet l’égalité femmes-hommes, 87 le handicap, 22 l’âge, 18 la nationalité, 7 l’orientation sexuelle, 13 la religion et les opinions, 2 l’emploi, 1 l’appartenance à un syndicat, 92 le manque de compétences et 2 la discrimination multiple.

25.De nombreuses plaintes étaient liées à une discrimination fondée sur le genre en lien avec les obligations familiales et la situation parentale. On peut citer, par exemple, le licenciement d’une employée parce qu’elle était enceinte ou avait pris un congé parental, le harcèlement fondé sur le genre sur le lieu de travail et l’inégalité de traitement vis-à-vis des transgenres.

26.En coopération avec un certain nombre de partenaires (Radiotélévision publique estonienne, Université de Tallinn, Fondation Innove, Ministère de l’éducation et de la recherche, Commissaire chargé de l’égalité de traitement en Lituanie, Centre pour l’égalité femmes-hommes en Islande), le Bureau du Commissaire chargé de l’égalité de traitement mène un projet transmédia visant à sensibiliser l’opinion publique sur la nature et les modalités de l’égalité de traitement. Le projet, mis en œuvre pendant trente mois, entre 2017 et 2019, est financé essentiellement par le Commission européenne.

27.À la fin du projet, ses répercussions sur la société seront mesurées. L’objectif est de réduire l’influence des stéréotypes et d’augmenter le nombre de jeunes informés et motivés par l’égalité de traitement, qui façonneront la société de demain selon ce principe.

Garantir l’égalité et les droits fondamentaux dans l’administration du Ministère de la défense

28.Tout comme l’État estonien, le Ministère de la défense et les forces de défense accordent une grande importance à la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ils appliquent les règles et les principes adoptés par l’État dans ce domaine.Le service militaire concerne tous les citoyens, sans restrictions concernant la nationalité d’origine ou la race. L’accomplissement du service militaire est lié au critère de la citoyenneté. Conformément à la Constitution, tout citoyen estonien est tenu de défendre son pays. Les termes et les conditions de cette obligation sont fixés par la loi relative au service militaire. Les principes de gouvernance du secteur public en général s’appliquent également au Ministère de la défense. Toute personne accomplissant son service militaire peut déposer une plainte auprès d’un défenseur des droits impartial, du Chancelier de justice ou du tribunal.

29.Un cinquième des conscrits maîtrisent mal l’estonien car ils ne le parlent pas à la maison. Ils peuvent bénéficier d’une formation à la langue estonienne dans le cadre de leur formation militaire de base. Les citoyens estoniens de diverses nationalités d’origine prennent part au service militaire sur un pied d’égalité. Cette période représente pour les jeunes une bonne occasion de s’intégrer, y compris en apprenant l’estonien. Selon le Ministère de la défense, aucune plainte n’a été déposée pour discrimination fondée sur la nationalité d’origine ou la race.

30.Depuis que les forces de défense ont été restaurées, le service militaire est ouvert aux femmes. Depuis le 1er avril 2013, les Estoniennes âgées de 18 à 27 ans ayant terminé la scolarité obligatoire peuvent, à leur demande, accomplir leur service militaire et faire une carrière militaire sur un pied d’égalité avec les hommes. Seul le test d’aptitude physique générale est différent. Les forces de défense encouragent le service militaire des femmes. En 2018, elles comptaient moins de 10 % de femmes et ont décidé de multiplier au moins par deux la proportion de femmes, en luttant systématiquement contre les stéréotypes liés au genre.

31.En février 2019, les forces de défense comptaient 329 femmes dont 300 en service actif. Sur ces 300 femmes, 97 avaient un grade d’officier, dont 14 un grade d’officier supérieur. Au 31 décembre 2018, 75 femmes accomplissaient un service de remplacement, contre 45 au 31 décembre 2017. En 2018, 27 femmes ont accompli le service militaire, contre 34 en 2017. Au 1erjanvier 2019, 78 femmes avaient accompli le service militaire.

32.Grâce à une coopération entre les forces de défense, l’Agence pour les ressources en matière de défense, la Chambre estonienne des personnes handicapées et le député Jüri Jaanson, un projet pilote sera mis en place en juillet 2019 pour que les jeunes handicapés âgés de 18 à 28 ans puissent accomplir leur service militaire volontaire pendant huit à onze mois, en fonction de leur spécialité. Les jeunes handicapés ayant accompli leur service militaire feront partie de la réserve mobilisable en temps de guerre, au même titre que tous les autres conscrits. Chaque candidat sera pris en compte individuellement et, autant que possible, affecté au poste le plus adapté à son handicap. Cela représente un changement fondamental pour les forces de défense. À la date de soumission du présent rapport, les détails exacts, y compris en ce qui concerne le nombre de candidats et la manière dont les forces de défense peuvent les accueillir ne sont pas encore connus ; actuellement 10 personnes se sont portées volontaires mais aucune décision n’a été prise.

33.Avant d’être déployés dans le cadre de missions internationales, tous les militaires faisant partie de l’unité de mission reçoivent une formation spécifique portant notamment sur la discrimination raciale. Étant donné que les missions internationales se déroulent dans différentes régions du monde, les forces de défense sont très attentives à la formation des personnes envoyées en mission, afin qu’elles soient bien préparées à servir dans un environnement culturel et linguistique différent.

34.La liberté de religion est garantie au sein des forces de défense. Les conscrits peuvent se rendre aux offices religieux correspondant à la foi qu’ils professent. Les appelés qui ne peuvent pas accomplir leur service militaire en raison de leurs convictions religieuses sont autorisés à effectuer un service de remplacement. Les services d’un aumônier sont coordonnés par l’aumônerie militaire, institution de soutien ouverte à tous les militaires, aux membres de la Ligue de défense estonienne du district et à leur famille, qu’ils aient ou non des convictions religieuses.

Politique estonienne d’intégration

35.En réponse aux recommandations formulées par le Comité au paragraphe 9 de ses observations finales, les stratégies d’intégration, leurs répercussions et l’élaboration des futurs plans en la matière sont présentés succinctement ci-après, en prenant en compte la préoccupation exprimée par le Comité au sujet de l’importance excessive accordée à la langue estonienne dans la stratégie d’intégration.

36.Pendant des décennies, l’Estonie a accordé une grande attention à la politique d’intégration, qui a fait l’objet de plusieurs plans d’intégration successifs. La mise en œuvre de ces plans est régulièrement évaluée, l’analyse de l’expérience acquise lors de l’exécution du plan précédent étant utilisée pour élaborer le nouveau plan. La mise en œuvre des plans d’intégration a beaucoup contribué à renforcer la cohésion sociale, à promouvoir la coopération, la tolérance et la compréhension mutuelle et à encourager le dialogue interculturel entre les habitants, quelles que soient leur nationalité et leur identité culturelle, linguistique et religieuse. L’intégration sociale des personnes de diverses langues et cultures contribue à la diversité linguistique et culturelle de la société.

37.L’Estonie façonne son modèle de société multiculturelle grâce aux programmes d’intégration et aux activités pertinentes mises en œuvre dans ce cadre. La promotion de l’intégration et d’une société multiculturelle moderne, ainsi que les questions prioritaires dans ce domaine, évoluent au cours du temps et induisent des changements dans la société. Au terme du programme 2008-2013, des avancées notables ont été réalisées en matière d’intégration.

38.Dès le départ, le processus d’intégration estonien, fondé sur les personnes et non sur les groupes ethniques ou linguistiques, a concerné l’ensemble de la société et tous les résidents estoniens. Lorsque l’intégration est devenue une question nationale prioritaire en 2000, l’accent a été mis sur l’intégration linguistique et politique des personnes russophones résidant depuis longtemps en Estonie et mal intégrées, y compris sur les questions touchant à la citoyenneté. De nouvelles questions doivent maintenant être abordées par la politique d’intégration. Ainsi, par exemple, depuis que la question migratoire a pris de l’importance dans toute l’Europe, l’Estonie aide les nouveaux immigrés à s’adapter et met l’accent sur leur intégration à long terme. L’intégration est considérée comme une question comprenant plusieurs aspects et niveaux, conformément aux recommandations du Comité.

39.Les mesures d’intégration ont pour objectif prioritaire d’encourager la participation active des personnes venant d’environnements linguistiques et culturels divers, afin de garantir la cohésion sociale. L’intégration vise également à construire une identité nationale commune permettant de fédérer les citoyens, d’établir un lien fort entre les citoyens et l’État et de renforcer le potentiel de croissance économique et la stabilité du pays. L’Estonie prône une société multiculturelle et garantit à chacun le droit de conserver son identité nationale, tout en évitant le repli culturel et national fondé sur des particularités régionales, ainsi que l’exclusion sociale des nouveaux immigrés par la population en place. Une attention particulière est accordée à la communication avec les groupes cibles, prenant en compte leurs particularités ethniques et culturelles. Les résidents estoniens ont la possibilité de parler d’autres langues, d’exprimer diverses cultures nationales et de s’affirmer en participant à la vie économique, sociale, politique et culturelle du pays. La possibilité de renforcer le sentiment d’appartenance en partageant des valeurs communes et en maîtrisant la langue officielle est également offerte à tous les résidents permanents en Estonie.

40.En 2015, l’Institut estonien des droits de l’homme a réalisé une enquête sur l’intégration de la population russophone en Estonie. L’analyse des résultats montre que cette intégration a considérablement progressé ces vingt dernières années. L’Institut estonien des droits de l’homme a formulé des recommandations visant à réduire la ségrégation linguistique dans les domaines de l’éducation, de l’expression, des médias et de la sécurité.

Présentation succincte du Plan d’intégration 2008-2013, du Plan d’intégration 2014-2020 en vigueur et des projets concernant le nouveau Plan d’intégration à l’horizon 2030

41.L’Estonie a mis en œuvre deux programmes nationaux d’intégration : « Intégration dans la société estonienne, 2000-2007 » et « Plan estonien d’intégration pour 2008-2013 ». Sur le budget de l’État, 64 535 043 euros ont été affectés à la mise en œuvre du Plan d’intégration 2008-2013. Les actions mises en place ont employé 70 % de la somme prévue, soit 45 164 654 euros.En 2008, l’objectif était d’exécuter au moins 90 % des actions et du budget initialement prévus. Au total, 200 actions en faveur de l’intégration ont été menées dans le cadre du Plan estonien d’intégration pour 2008-2013.

42.Les actions prévues par le Plan d’intégration 2008-2013 concernent les domaines suivants : éducation et culture ; société et économie ; intégration juridique et politique ; gestion et suivi des actions du plan de développement.

43.Les objectifs généraux dans le domaine de l’éducation et de la culture consistent à garantir à tous les résidents estoniens la possibilité de bénéficier d’une éducation au sein du système éducatif inclusif tout en conservant leur langue et leur culture.L’intégration éducative, centrée sur l’élève, permet d’acquérir les connaissances et les aptitudes nécessaires pour s’insérer dans la société estonienne, y compris en apprenant à parler l’estonien et à évoluer dans un environnement multiculturel.

44.L’intégration culturelle vise à aider les minorités à connaître et à préserver leur langue maternelle et leur culture en Estonie ; favoriser les activités sociales et les contacts entre personnes de différentes nationalités et environnements culturels ; promouvoir un espace culturel et médiatique commun ; faire connaître la diversité culturelle des résidents estoniens aux Estoniens et la culture estonienne aux minorités nationales vivant en Estonie. Le droit de chacun à sa propre langue maternelle et à sa propre culture est reconnu. Dans le domaine de la culture, un soutien est apporté aux activités qui facilitent le travail des associations culturelles des minorités nationales, la participation des représentants de diverses nationalités à la vie culturelle estonienne et la création d’espaces culturels estoniens, les activités communes qui favorisent les contacts entre Estoniens et non-Estoniens étant considérées comme prioritaires.

45.L’intégration sociale et économique vise à garantir à tous les résidents estoniens les mêmes possibilités d’insertion économique et de réussite sociale, quels que soient leur nationalité, leur langue ou leur statut de résidence.

46.Les mesures d’intégration légale et politique garantissent juridiquement à tous les résidents estoniens les mêmes chances de participation à la vie sociale et politique, quelles que soient leur nationalité ou leur langue. L’Estonie s’efforce de développer la tolérance mutuelle entre groupes ethniques et culturels, de construire une identité nationale commune et de promouvoir le processus de naturalisation.

47.Afin de mettre en œuvre le Plan d’intégration, le Gouvernement de la République estonienne (ci-après « le Gouvernement ») a adopté des plans de mise en œuvre pour 2008-2010 et 2011-2013.

48.Pour atteindre l’objectif général du plan d’intégration, le plan de développement définit 6 objectifs stratégiques dans différents domaines (compétences linguistiques en estonien, relations humaines, processus de naturalisation, attitudes sociales, ressources médiatiques communes et marché du travail), 3 objectifs sectoriels généraux (éducatif et culturel, social et économique, juridique et politique) et 13 sous-objectifs sectoriels.

49.Les objectifs stratégiques ont été atteints en ce qui concerne l’intégration culturelle, juridique et politique, et partiellement atteints en ce qui concerne l’intégration éducative ; en revanche, ils n’ont pas été atteints en matière d’intégration sociale et économique.

50.Les mesures de gestion les plus importantes prévues par le Plan d’intégration concernaient : l’organisation administrative de sa mise en œuvre ; la réalisation du suivi et des analyses nécessaires à sa gestion ; la formation des personnes chargées de sa mise en œuvre ; et l’information des parties prenantes et du grand public sur le plan de développement. Le but était de conseiller les partenaires concernés par la question de l’intégration, de leur permettre d’acquérir les capacités et les compétences nécessaires et de rendre l’analyse et la planification des différentes actions plus efficaces. Le suivi du plan d’intégration réalisé entre 2008 et 2011 a permis de mettre en évidence le caractère qualitatif et hétérogène du groupe cible. Cinq niveaux d’intégration (voir fig. 1) ont été définis en tenant compte des trois dimensions de l’intégration (identité civile, compétences linguistiques en estonien et participation à la vie sociale) ; il est apparu nécessaire de mettre davantage l’accent sur les particularités des groupes cibles, dans le cadre de la politique d’intégration.

51.La mise en œuvre du Plan d’intégration 2013-2018 a permis de réaliser les avancées suivantes : 1) la maîtrise de l’estonien a progressé dans l’enseignement de base (enseignement primaire et premier cycle de l’enseignement secondaire) et le second cycle de l’enseignement secondaire et le nombre d’enfants parlant une langue autre que l’estonien a augmenté dans les écoles maternelles ; 2) les contacts entre les Estoniens et les personnes ayant une autre nationalité se sont développés ; 3) le nombre de personnes de citoyenneté indéterminée a diminué ; 4) les résidents de langue maternelle autre que l’estonien font davantage confiance à l’État estonien ; 5) les Estoniens se sont montrés plus enclins à associer les personnes ayant une autre nationalité au processus décisionnel et à prendre en compte leurs opinions ; 6) les résidents n’ayant pas la nationalité estonienne ont commencé à lire plus de publications en estonien et leur confiance dans les publications estoniennes a augmenté, notamment chez les jeunes ; 7) les jeunes de différentes nationalités diplômés des écoles professionnelles ont eu les mêmes chances de poursuivre leurs études ou de trouver un emploi ; 8) les résultats aux examens des premiers niveaux de langue et les compétences de communication en estonien de la population dont l’estonien n’est pas la langue maternelle se sont améliorés de façon significative.

52.Le budget alloué au Plan d’intégration a été utilisé de la manière suivante : 41 % pour l’intégration éducative et culturelle, 26 % pour l’intégration sociale et économique, 20 % pour les activités de gestion du plan de développement et 13 % pour l’intégration juridique et politique. Bien que certains objectifs n’aient été atteints que partiellement, voire pas du tout dans certains domaines, la situation est demeurée stable pendant la période considérée.

Intégration éducative et culturelle

53.Dans le domaine de l’éducation, des actions ont été menées à tous les niveaux, y compris en ce qui concerne l’apprentissage informel. Pour plus de renseignements sur les avancées réalisés en matière d’éducation, se reporter à la section consacrée à l’article 5.

54.L’objectif de l’intégration culturelle était de donner aux nouveaux immigrés, ainsi qu’aux résidents estoniens qui ne maîtrisent pas l’estonien, la possibilité de connaître leur langue maternelle et leur culture en préservant et en mettant en valeur leur identité ethnique et linguistique. L’intégration vise également à offrir aux jeunes et aux adultes de différentes nationalités vivant en Estonie des chances égales d’apprendre et de s’épanouir en dehors du système éducatif formel. Des personnes de toutes nationalités ont eu l’occasion de participer à la vie culturelle du pays et de se familiariser avec les caractéristiques de la culture estonienne. Le Ministère de l’éducation et de la recherche a soutenu la publication d’une série de livres destinés aux élèves de l’enseignement primaire et secondaire sur le thème « Les nations en Estonie ».

55.Des exemples d’intégration culturelle sont présentés dans la section consacrée à l’article 7.

56.Des cours de mise à niveau, incluant des cours de pratique professionnelle et des cours d’estonien et de russe, ont été dispensés aux jeunes travailleurs grâce à la coopération et à l’apprentissage informel. Une aide a également été apportée aux associations de jeunesse qui ont contribué à réunir des jeunes de diverses nationalités autour d’activités de coopération.

57.Le Plan estonien d’intégration 2008-2013 a permis d’établir des relations plus étroites entre les Estoniens et les non-Estoniens. Le nombre de non-Estoniens vivant en Estonie (pour la plupart des Russes) et n’ayant pas de contact avec d’autres nationalités a diminué de moitié.

Intégration sociale et économique

58.Les objectifs d’intégration sociale et économique n’ont pas été atteints ou ne l’ont été que partiellement. Seul l’objectif concernant le nombre de personnes inscrites à des cours de langue a été atteint, ce qui s’explique par le fait que le nombre de programmes de formation linguistique mis en place a été plus important que prévu. La crise économique de 2008-2010, qui a frappé essentiellement l’industrie et le secteur de la construction, a également compromis la réalisation des objectifs. Le comté de Viru-Est, dont la population compte de nombreuses personnes russophones, a beaucoup souffert de la crise ; le taux de chômage résultant de celle-ci a baissé plus rapidement chez les personnes ayant une autre nationalité.

Intégration juridique et politique

59.L’intégration juridique et politique est associée à un processus de naturalisation lent mais continu. Entre 2008 et 2013, le pourcentage de personnes ayant obtenu la nationalité estonienne est passé de 49 % à 51 %. Le programme d’intégration a mobilisé les collectivités locales qui ont participé à des actions d’intégration : une formation a été dispensée aux fonctionnaires nationaux et locaux et l’accès à l’information et aux services publics a été amélioré pour les personnes dont l’estonien n’est pas la langue maternelle.

60.Le suivi de l’intégration réalisé entre 2008 et 2011 a montré que la confiance en l’État estonien a augmenté chez les personnes dont l’estonien n’est pas la langue maternelle, passant de 23 % à 36 %. La proportion d’Estoniens qui pensent qu’il est nécessaire de prendre en compte l’opinion des personnes d’autres nationalités et de les associer davantage au processus décisionnel a également évolué de manière positive, passant de 64 % à 70 %.

61.En ce qui concerne la participation aux associations de la société civile et à la vie publique, on n’observe pas de différence significative entre les personnes de langue estonienne et les personnes dont l’estonien n’est pas la langue maternelle. L’objectif du Plan d’intégration concernant la participation politique des personnes de citoyenneté indéterminée et des ressortissants d’autres pays a été atteint.

62.Le développement et la coopération des médias estoniens en langue russe ont été encouragés dans le but de renforcer les points communs entre les sources d’information des résidents estoniens parlant diverses langues. L’objectif visant à faire en sorte que 70 % de la population russophone soit informée par la Radiotélévision publique estonienne n’a pas été atteint. En 2013, 46,2 % des non-Estoniens écoutaient la station de radio en russe Radio 4 et 8,9 % regardaient les chaînes diffusées par la Radiotélévision publique estonienne (source : TNS Emor, 2014).

63.Le suivi de l’intégration en Estonie réalisé en 2011 a montré que les résidents non-estoniens, en particulier les jeunes, ont commencé à s’intéresser aux médias estoniens, auxquels ils font plus confiance que jamais. Les programmes de télévision, les journaux et les portails Web estoniens sont suivis par presque la moitié des non-Estoniens et un tiers d’entre eux leur font confiance.

Plans d’intégration depuis 2014

64.Le Plan de développement « Intégration dans la société estonienne 2020 » constitue le document de base pour la mise en œuvre et la budgétisation de la politique d’intégration nationale sur la période 2014-2020. Son objectif général est d’assurer la cohésion d’une société estonienne dans laquelle des personnes de différents environnements linguistiques et culturels participent activement à la vie de la société et partagent des valeurs démocratiques.

65.Le Plan de développement est exécuté grâce à des plans de mise en œuvre qui décrivent en détail les actions permettant d’atteindre les objectifs stratégiques. Leur coordination est assurée par le Ministère de la culture, qui présente chaque année au Gouvernement un rapport sur l’exécution des plans de mise en œuvre. La gestion stratégique du Plan d’intégration est assurée par des organismes collégiaux ; le comité directeur et le groupe directeur du Plan d’intégration réunissent des représentants des collectivités locales, des organisations et des associations de la société civile, au nombre desquelles figurent les organismes consultatifs des minorités nationales.

66.Le Plan de développement a été élaboré à la suite d’enquêtes, de séminaires-débats et de réunions d’information auxquels ont participé des milliers de personnes. Il soutient la politique d’intégration en mettant l’accent sur l’intégration bilatérale et le développement des contacts internationaux.

67.Les objectifs du Plan de développement 2020 sont les suivants :

•Renforcer la cohésion sociale ;

•Améliorer la compétitivité de l’Estonie ;

•Assurer la sécurité ;

•Préserver la langue et la culture estoniennes ;

•Préserver les cultures des minorités nationales ;

•Promouvoir la tolérance vis-à-vis des différents groupes sociaux ;

•Renforcer l’identité citoyenne.

68.Dans le domaine de l’intégration, le Plan de développement fixe six sous-objectifs :

•Développement de l’esprit d’ouverture et d’intégration dans l’ensemble de la société ;

•Intégration des résidents permanents de langue maternelle et de culture non-estoniennes ;

•Adaptation et intégration des nouveaux immigrés dans la société estonienne, en tant que groupe cible de plus en plus nombreux ;

•Acquisition de compétences linguistiques suffisantes par les étudiants qui ne parlent pas l’estonien, afin qu’ils puissent évoluer dans un environnement linguistique estonien.

•Participation active des jeunes ne parlant pas l’estonien à des activités destinées à la jeunesse et leur permettant d’entrer en contact avec des Estoniens de leur âge ;

•Opportunités et compétences permettant aux personnes en âge de travailler et ne parlant pas l’estonien d’être compétitives sur le marché du travail.

69.Le Ministère de la culture a commencé à élaborer le Plan de développement 2021-2030 « Intégration dans la société estonienne 2030 ».

Éducation des enfants roms

70.Au paragraphe 13 de ses observations finales, le Comité a manifesté son intérêt pour les possibilités d’éducation offertes aux enfants roms et a demandé des informations complémentaires, y compris statistiques, à ce sujet.

71.Les lois estoniennes disposent que toutes les personnes qui vivent légalement en Estonie ont les mêmes droits à l’éducation. Conformément aux dispositions de la loi relative à l’éducation (art. 6, par. 1), un enseignement général de qualité, fondé sur les principes de l’éducation inclusive, est accessible à tous dans les mêmes conditions, sans aucune distinction basée sur l’environnement social et économique, la nationalité, le sexe, le lieu de résidence ou les besoins spéciaux en matière d’éducation. L’Estonie applique les principes de l’éducation inclusive et les écoles et les classes ne font aucune différence entre les élèves selon leurs particularités sociales, ethniques ou autres.

72.D’après le registre de la population (2018), 649 personnes se sont identifiées comme Roms en Estonie (0,05 % de la population). Les Roms sont dispersés sur l’ensemble du territoire estonien. Il n’existe pas de campements roms en Estonie. En 2018, les plus grandes communautés roms sont situées dans la commune rurale de Valga (209 Roms), à Tallinn (70 Roms) et à Tartu (68 Roms). Dans les autres collectivités locales, le nombre de Roms est inférieur à 50.

73.Comme tous les enfants vivant légalement en Estonie, les enfants roms ont accès à un enseignement de qualité et sont pleinement intégrés dans le système éducatif estonien. Ils sont inscrits dans des établissements qui dispensent un enseignement en estonien ou en russe correspondant au programme scolaire national ; ils y côtoient des élèves dont la langue maternelle est l’estonien ou le russe.

74.La langue maternelle de l’élève ou la langue parlée à la maison est indiquée par l’enfant ou par ses parents et consignée dans le Système d’information de l’éducation estonienne. La langue maternelle ou première langue est donc déterminée conformément au choix de l’intéressé. Selon le registre de la population, en 2018, 62 enfants roms se situaient dans la tranche d’âge correspondant à la scolarité obligatoire (7-16 ans).

75.D’après les données relatives à l’année scolaire 2017-2018, 55 élèves de l’enseignement général ont déclaré parler le romani à la maison. Sur ces 55 élèves, 50 suivent le programme scolaire national dans des établissements ordinaires, 3 suivent le programme simplifié dans une école ordinaire et 2 suivent le programme simplifié dans une école pour enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux. Dans le second cycle de l’enseignement secondaire, aucun élève n’a déclaré avoir le romani comme langue maternelle.

76.En 2014-2016, le Ministère de l’éducation et de la recherche, le Ministère de la justice et le Ministère des affaires sociales ont mis en œuvre un projet conjoint d’amélioration de la qualité de l’accompagnement pédagogique pour les enfants des nouveaux immigrés et les enfants roms.

77.L’objectif de ce projet était d’améliorer les services d’accompagnement pédagogique mis à disposition des professeurs qui enseignent aux enfants roms et aux enfants des nouveaux immigrés, de renforcer leurs compétences et d’améliorer la disponibilité de ce type de services au niveau local. Le projet prévoyait des séminaires destinés aux enseignants, aux directeurs d’établissements scolaires, aux spécialistes des centres d’accompagnement et aux représentants des autorités concernées ; 242 spécialistes ont participé à ces séminaires. Afin de mettre en place un système d’accompagnement durable qui perdurerait au terme du projet, une formation de mise à niveau a été dispensée à 73 spécialistes des centres d’accompagnement et de soutien pédagogique. Dans le cadre du projet, la Fondation Innove a inclus dans son site Web une page consacrée aux enfants dont l’estonien n’est pas la langue maternelle et au thème de l’accompagnement pédagogique des enfants d’origine rom (https://www.innove.ee/oppevara-ja-metoodikad/muu-kodukeelega-laps/).

78.Grâce au projet précité, les écoles sont plus compétentes pour travailler avec les enfants roms et les enfants des nouveaux immigrés. En 2017, le Ministère de la culture a lancé un projet de douze mois, financé par la Commission européenne, pour mettre en place un réseau national de soutien à l’intégration des Roms. Les activités de ce projet ciblaient les ministères, les collectivités locales et les autorités locales et visaient en particulier les jeunes roms et les femmes roms. Les principaux objectifs du projet étaient les suivants : encourager la coopération entre les acteurs qui œuvrent en faveur de l’intégration des Roms ; identifier les jeunes roms qui souhaitent participer activement à la société civile ; et soutenir les actions visant à former des porte-paroles de la communauté rom, des personnes s’investissant dans l’éducation des jeunes roms et des interprètes permettant aux écoles et aux collectivités locales de communiquer avec les familles et les communautés roms. Le projet prévoyait également la réalisation d’une enquête auprès des enseignants et des spécialistes qui travaillent avec des enfants roms, ainsi qu’un séminaire de partage des bonnes pratiques dans ce domaine.

79.En 2016, le Ministère de la culture a mis en place un comité consultatif chargé d’analyser les questions relatives à l’intégration des Roms, notamment dans le domaine éducatif, de proposer aux organisations concernées des solutions en la matière et de promouvoir l’intégration des Roms.

80.Compte tenu de la proportion de Roms et du fait que le processus d’intégration estonien n’est pas fondé sur le groupe ethnique ou la langue, l’Estonie estime qu’il convient de continuer à appliquer aux Roms les mesures pertinentes définies par les diverses politiques publiques, comme le prévoit le Plan d’intégration. Ces mesures ont trait notamment aux activités éducatives et culturelles, à l’emploi, à la participation sociale et à l’activité médiatique des différents groupes ethniques, sans qu’il y ait de stratégie différenciée selon la nationalité. La priorité est donnée à la coopération avec les autorités régionales et locales, les ONG et les acteurs concernés.

Article 3

81.Il n’y a en Estonie ni génocide, ni apartheid ni ségrégation raciale. L’Estonie considère qu’il est important de lutter contre les crimes internationaux les plus graves aussi bien au niveau national qu’au niveau international et est intéressée par la coopération internationale.

82.Tout comme l’Union européenne, l’Estonie soutient la Cour pénale internationale et souhaite que le Statut de Rome devienne un instrument de droit international universel. De 2018 à 2020, l’Estonie sera membre du bureau de l’Assemblée des États parties de la Cour pénale internationale. Depuis 2013, l’Estonie contribue financièrement tous les ans au Fonds d’affectation spéciale au profit des victimes.L’action de la Cour pénale internationale et le soutien que lui apporte l’Estonie se basent sur le principe selon lequel les crimes internationaux les plus graves (génocide, agression, crimes contre l’humanité et crimes de guerre) ne peuvent pas demeurer impunis. L’Estonie considère qu’il est important que les États respectent le principe du « droit de protéger ».

83.Le génocide et les crimes contre l’humanité et la sécurité internationale sont punis conformément à la procédure pénale estonienne (art. 89 et 90 du Code pénal). Le Code pénal reprend les principes du Statut de Rome. La dernière modification du Code pénal, intervenue en 2014, dispose qu’une personne morale peut également être poursuivie pour ce type d’actes. Pendant la période considérée, aucune procédure n’a été ouverte pour crimes contre l’humanité ou la sécurité internationale.

84.La loi estonienne dispose que, dans le cas des crimes contre l’humanité et la sécurité internationale, le représentant des pouvoirs de l’État ou le chef militaire qui a donné l’ordre de commettre l’infraction, qui a consenti à la commission de cette infraction ou ne l’a pas empêchée alors qu’il était en son pouvoir de le faire ou qui, étant informé de la commission de l’infraction par ses subordonnés, n’en a pas référé immédiatement aux autorités compétentes est puni, en plus de l’auteur principal de l’infraction (art. 88, par. 1, du Code pénal). Cette disposition ne s’applique pas à un pouvoir spécifique de l’État, mais à tous les représentants des pouvoirs de l’État, quel que ce soit le pouvoir concerné.

Journées de commémoration

85.Depuis 2003, la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste est célébrée le 27 janvier en Estonie. Dans sa résolution 60/7 du 1ernovembre 2005, l’Assemblée générale des Nations Unies a instauré une journée mondiale de la mémoire de l’Holocauste, célébrée pour la première fois en 2006. À l’occasion de cette journée, le Ministère de l’éducation et de la recherche et la communauté juive d’Estonie organisent habituellement une cérémonie de commémoration au cimetière juif de Rahumäe, à Tallinn, à laquelle participent des représentants de la communauté juive et du Ministère de l’éducation et de la recherche. Dans le cadre de cette journée, le Riigikogu, en coopération avec l’Institut estonien de la mémoire historique et le Ministère de l’éducation et de la recherche, a organisé en 2018 un événement commémoratif pour présenter non seulement aux enseignants, mais aussi au grand public, la culture juive et les personnes qui la perpétuent et pour rappeler, dans une perspective historique, l’origine de la haine des juifs.

86.Chaque année, le 5 septembre, la communauté juive d’Estonie et des ambassades étrangères organisent une cérémonie en l’honneur des victimes de l’Holocauste sur le site du mémorial pour les victimes du nazisme à Kalevi-Liiva. Pendant la Seconde Guerre mondiale, des milliers de juifs et de Roms ont été exécutés à Kalevi-Liiva, sur la commune rurale de Jõelähtme, dans le comté de Harju. Des représentants de l’État, des autorités locales et des organismes publics participent également à cet évènement.

87.L’Estonie célèbre le 23 août la Journée européenne de commémoration des victimes de tous les régimes totalitaires. En 2009, le Parlement européen a adopté une déclaration sur la proclamation du 23 août comme Journée européenne de commémoration des victimes du stalinisme et du nazisme. La même année, l’Estonie a instauré le 23 août une Journée de commémoration des victimes du stalinisme et du nazisme et a modifié la loi relative aux jours fériés et aux journées d’importance nationale.

88.Le 23 août 2018, un mémorial pour les victimes estoniennes du communisme a été inauguré dans le quartier de Maarjamäe, à Tallinn. Des personnes victimes de la répression du régime communiste et leurs proches ont assisté à l’inauguration, qui a eu lieu en présence de la Présidente de la République, de membres du Gouvernement et du Riigikogu, de représentants du corps diplomatique, de chefs religieux et de hauts fonctionnaires. Le mémorial est constitué d’un Mur du souvenir, couvert de plaques portant les noms des victimes, et d’un jardin symbolique avec des pierres représentant les lieux de terreur et des textes d’information. Il comporte également un monument à la mémoire des officiers estoniens victimes de la terreur communiste.

Article 4

Rôle du Chancelier de justice

89.Le Chancelier de justice est notamment chargé de vérifier que les instruments juridiques soient conformes à la Constitution et aux lois et de superviser l’action des représentants de l’autorité publique. Il protège les citoyens contre toute action arbitraire des autorités publiques et des fonctionnaires et s’assure que l’action des pouvoirs publics ne porte pas atteinte aux droits et aux libertés des personnes consacrés par la Constitution. Il est également chargé de mettre en place des procédures de conciliation dans les litiges en matière de discrimination entre personnes de droit privé et de promouvoir les principes d’égalité et de traitement équitable. Le Chancelier de justice présente un rapport annuel au Riigikogu.

Résumé des plaintes pour discrimination reçues par le Chancelier de justice, 2014‑2018

Motifs de discrimination

2015/2016

2016/2017

2017/2018

Nationalité et origine ethnique

2

1

3

Race

1

1

0

Langue

4

1

2

Religion ou opinions

2

4

2

Orientation sexuelle

3

2

3

Âge

3

2

6

Sexe

2

2

3

Handicap

1

1

1

Infractions motivées par la haine

90.Les statistiques concernant les infractions motivées par la haine pendant la période 2015-2017 sont issues des documents « Criminalité en Estonie, 2015 », « Criminalité en Estonie, 2016 » et « Criminalité en Estonie, 2017 » (https://www.kriminaalpoliitika.ee/et/statistika-ja-uuringud/kuritegevus-eestis).

91.La victime ou la cible d’une infraction motivée par la haine est choisie parce qu’elle présente une caractéristique particulière à un groupe (race, religion, origine ethnique, nationalité, identité ou orientation sexuelle, par exemple, ou tout autre dénominateur commun). L’agression d’une personne en raison d’une caractéristique réelle ou supposée (comme l’origine ou l’identité) constitue une infraction motivée par la haine. De telles infractions se manifestent sous diverses formes de violence ou de vandalisme, dont les atteintes aux biens (saccage d’immeubles appartenant à un groupe, graffitis sur les biens des victimes, dégradation de voitures, par exemple).

92.En 2015, au moins sept cas d’agression physique motivée par la haine ont été enregistrés. L’un d’entre eux était motivé par l’orientation sexuelle, les autres par la haine raciale ou ethnique.

93.D’après l’enquête sur les victimes de 2015, 3 % des personnes interrogées ont été confrontées, ou ont un proche parent qui a été confronté, à des infractions motivées par la haine. À la question « Au cours des douze derniers mois, avez-vous été directement victime, ou l’un de vos proches a-t-il été victime, d’une infraction motivée par votre origine ethnique, race, couleur de peau, religion, handicap ou orientation sexuelle ? », 2 % des personnes interrogées ont répondu « Oui, une fois » et 1 % « Oui, à plusieurs reprises ». L’étude ne portait pas sur les personnes résidant temporairement en Estonie. S’agissant des infractions motivées par la haine, l’étude n’a pas mis en évidence de différences significatives en fonction du sexe, de l’âge, de la nationalité, des revenus ou du statut social des personnes interrogées.

94.En 2016, au moins 15 infractions motivées par la haine ont été enregistrées, dont 3 agressions physiques et 10 atteintes graves à l’ordre public. Sur l’ensemble de ces infractions, 63 % étaient fondées sur la race, la religion ou l’origine, réelles ou supposées, de la victime, 25 % sur son orientation ou son identité sexuelle, réelle ou supposée et une infraction sur son handicap. Dans un cas, le motif était le handicap de la victime. En 2016, aucune infraction d’incitation à la haine (art. 151 du Code pénal) n’a été enregistrée. Deux infractions d’incitation à la haine (art. 151 du Code pénal) ont été enregistrés. Dans 25 % des cas, les infractions motivées par la haine ont été qualifiées comme telles par la personne en charge de la procédure. Dans trois affaires, les victimes étaient mineures. Les personnes victimes d’infractions motivées par la haine en raison de leur race, de leur religion ou de leur origine étaient originaires du Népal, du Nigéria, d’Ukraine, du Brésil, d’Allemagne et du Pakistan. Dans plusieurs cas, les victimes (y compris s’agissant de personnes d’origine allemande ou néerlandaise séjournant en Estonie) ont été agressées parce qu’elles ne parlaient pas l’estonien ou le russe. En 2016, une infraction pour atteinte à l’égalité a été enregistrée (art. 152, par. 2, du Code pénal).

95.Une infraction motivée par la haine a été enregistrée pour traitement cruel à l’égard des animaux (art. 264 du Code pénal), l’auteur ayant donné un coup de pied à un chien appartenant à une personne à la peau noire, d’origine brésilienne.

96.D’après l’enquête sur les victimes de 2016, 2 % des personnes interrogées ont été confrontées, ou ont un proche parent qui a été confronté, à des infractions motivées par la haine, contre 3 % en 2015. Parmi ces personnes, 1 % ont été victimes d’infractions motivées par la haine « une fois », et 1 % « à plusieurs reprises ». En ce qui concerne les personnes directement victimes d’infractions motivées par la haine, ou dont les proches ont été victimes de telles infractions en 2016, le motif était le handicap (24 %), la race ou la couleur de peau (18 %), la nationalité (11 %), la religion (6 %), l’orientation sexuelle (6 %) ou d’autres caractéristiques (6 %). Il convient de noter que les nouveaux immigrés sont très peu susceptibles de participer à l’enquête.

97.En 2016, par rapport aux résultats de l’enquête réalisée en 2015, le handicap (16 % contre 24 %) a été à l’origine d’un nombre de victimes d’infractions motivées par la haine proportionnellement un peu plus élevé que la nationalité (37 % contre 11 %) et que la race ou la couleur de peau (16 % contre 18 %).

98.En 2017, 4 infractions motivées par la haine ont été enregistrées, dont 3 atteintes graves à l’ordre public et une menace. Dans tous les cas, le motif était la race, la religion ou l’origine, réelle ou supposée de la victime. Toutes ces infractions ont été commises dans un établissement de restauration, de loisirs ou autre endroit public.

99.En 2017, aucune infraction d’incitation à la haine n’a été enregistrée. Treize cas d’incitation à la haine (art. 151 du Code pénal) ont été enregistrés dont 5 n’ont pas donné lieu à des poursuites. Une personne a été condamnée à 120 euros d’amende pour incitation à la haine. Deux infractions pour incitation à la haine ont été commises sur Facebook.

100.Dans le cadre de l’enquête réalisée en 2017, 1 % des 1 011 personnes interrogées ont déclaré avoir été victimes d’infractions en raison de leur nationalité, race, couleur de peau, religion, handicap ou orientation sexuelle. En 2016, cette proportion était de 2 % (ce chiffre se situe dans les limites de la marge d’erreur).

101.Au paragraphe 7 de ses observations finales, le Comité a recommandé à l’État partie de modifier sa législation pénale, d’interdire les organisations qui prônent et encouragent la discrimination et la haine raciale, et d’ériger l’incitation à la haine raciale en infraction punissable par la loi.

102.Le Gouvernement précise que la législation estonienne concernant les atteintes à l’égalité (art. 151 à 153 du Code pénal) n’a pas changé depuis la soumission du précédent rapport. Le Gouvernement a également été critiqué lors d’un débat public par des représentants de la société civile et du Centre d’information juridique en matière de droits de l’homme pour la formulation trop restrictive des dispositions du Code pénal, qui exige qu’il y ait menace immédiate pour la vie, la santé ou les biens des personnes.

103.Les propositions formulées dans les recommandations ont été examinées à l’initiative du Ministère de la justice et des débats ont été organisés avec la société civile, mais n’ont pas reçu un soutien important.

104.Le Comité a soulevé la question de la ratification du Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques, laquelle pourra être envisagée une fois que les processus nécessaires auront été accomplis au niveau national.

105.La police estime qu’il est difficile d’ouvrir des procédures pour incitation à la haine car la mise en danger de la vie ou de la santé d’une personne à la suite d’une menace doit être clairement démontrée pour donner lieu à une sanction. Actuellement, le Code pénal ne sanctionne les actes d’incitation publique à la haine, à la violence et à la discrimination que s’ils représentent une menace pour la vie, la santé ou les biens de la personne.

106.Il est évidemment important d’interdire ou de limiter les discours de haine et les organisations qui incitent à la discrimination, mais il convient de souligner que l’Estonie est très attachée à la liberté d’expression, à la liberté d’association et aux obligations internationales découlant des instruments internationaux pertinents. Restreindre la liberté d’expression dans une société démocratique ne se justifie que pour protéger d’autres droits et il toujours difficile de trouver un juste équilibre. Le débat public, y compris politique, peut parfois remettre en cause les limites de la liberté d’expression, mais il demeure préférable de résoudre ce type de conflits par des mesures relevant du droit civil, y compris par une action devant les tribunaux, qui peut être intentée par toute personne victime d’une violation de ses droits.

107.Afin de prévenir d’éventuelles atteintes aux droits fondamentaux et de restreindre les activités des organisations qui prônent et encouragent la haine, il convient de mettre l’accent sur la prévention pour éviter que de telles associations soient créées. En Estonie, il est possible de demander en justice la dissolution obligatoire d’une organisation en tant que personne morale. Une personne morale peut être dissoute par la justice, à la demande du ministre responsable du secteur concerné ou de toute autre personne ou organisme habilité à cet effet par la loi, lorsque son objectif ou ses activités sont contraires à la loi, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs (art. 40, par. 1, alinéa 1, des principes généraux de la loi relative au Code civil).

108.Il est important que les personnes victimes d’une violation de leurs droits aient accès à des recours juridiques, qui peuvent également relever du droit civil. Bien que l’on puisse considérer que des commentaires insultants sur Internet relèvent de l’incitation à la haine, la police ne peut s’en tenir qu’à la loi.

109.Au paragraphe 8 de ses observations finales, le Comité constate avec inquiétude que la motivation raciste d’une infraction ne constitue généralement pas une circonstance aggravante dans les procédures engagées en application de la législation pénale estonienne et recommande à l’État partie de modifier sa législation à cet égard.

110.Cette lacune a également été signalée par le Centre d’information juridique en matière de droits de l’homme.

111.Le fait que la motivation de haine ne figure pas expressément parmi les circonstances aggravantes ne signifie pas que les autorités chargées de faire appliquer la loi n’y prêtent pas dûment attention. La législation pénale ne définit pas explicitement la motivation raciale comme une circonstance aggravante. Elle prévoit cependant d’autres motivations de base à titre de circonstances aggravantes. Le législateur laisse aux tribunaux le soin d’interpréter le sens de toute motivation de base. Les autorités chargées de faire appliquer la loi accomplissent leur mission dans le respect des obligations internationales et leurs membres ont été formés à cet effet. Le Ministère de la justice envisage de créer des outils méthodologiques pour identifier la motivation de haine, par exemple, en prenant en compte l’expérience internationale et les recommandations des organisations internationales.

112.L’article 58 (par. 1) du Code pénal en vigueur dispose que la circonstance aggravante est constituée lorsque les faits sont commis dans l’intérêt personnel ou pour une autre motivation de base. La Cour suprême a considéré que cette disposition correspond à une liste ouverte que la jurisprudence doit définir. Elle a estimé que lorsqu’une infraction est commise pour une motivation de base, cette circonstance aggravante doit dans tous les cas donner lieu à une condamnation spéciale. Il ne suffit pas que la motivation de l’infraction fasse l’objet d’une réprobation générale pour qu’elle soit considérée comme une motivation de base. Ainsi, lorsqu’il décide si la motivation de l’infraction constitue ou non une motivation de base, le tribunal prend en compte les circonstances de l’acte commis et la nature particulière de l’infraction. En outre, une infraction n’est commise pour une motivation base que s’il y a eu intention délibérée (art. 16, par. 2, du Code pénal), c’est-à-dire que les circonstances faisant partie des éléments constitutifs de l’infraction sont définies par l’intention qui a animé l’auteur (voir arrêt de la chambre pénale de la Cour suprême no 3-1-1-141-04, par. 10.2).

Article 5

113.Le présent rapport ne traite pas séparément toutes les sous-catégories de l’article 5, mais évoque les domaines dans lesquels des avancées significatives ont été réalisées ou les sujets qui ont retenu l’attention du Comité dans ses observations finales.

Droit de voter, vote en ligne

114.Depuis la soumission du précédent rapport, des changements importants sont intervenus dans la législation électorale estonienne, et notamment l’âge auquel les citoyens ont le droit de voter aux élections locales a été abaissé. Le 6 mai 2015, avec 62 voix pour, leRiigikogu a adopté une loi portant l’âge exigé pour voter aux élections locales de 18 à 16 ans. Ce changement a exigé une modification de la Constitution, approuvée par au moins 61 parlementaires.

115.Les élections législatives ont eu lieu le 3 mars 2019. Le vote électronique sur Internet est devenu de plus en plus populaire au fil des ans et a gagné la confiance totale des électeurs. Le vote en ligne a été mis en place pour la première fois lors des élections locales de 2005. Les électeurs ont eu la possibilité de voter en ligne à 10 reprises : lors des élections locales de 2005, 2009, 2013 et 2017, lors des élections législatives de 2007, 2011, 2015 and 2019 et lors des élections au Parlement européen de 2009 et 2014.

116.Deux pour cent des votants ont choisi le vote en ligne en 2005, 5 % en 2007, 16 % en 2009 et 24 % en 2015 ; en 2019, 28 % des votants, soit 247 232 personnes, ont voté en ligne.

117.Lors des élections législatives de 2019, 28 femmes ont été élues, sur les 101 membres du Riigikogu, chiffre jamais atteint auparavant.

118.Au paragraphe 11 de ses observations finales, le Comité a demandé à l’Estonie de fournir des informations complémentaires sur les efforts accomplis pour réduire le nombre des personnes de citoyenneté indéterminée.

119.L’Estonie a régulièrement pris des mesures législatives et assoupli sa politique d’intégration en vue de réduire la proportion de personnes de citoyenneté indéterminée et de faciliter l’obtention de la nationalité estonienne pour ces personnes. La procédure de naturalisation a été simplifiée à plusieurs reprises pour prendre en compte les intérêts des personnes les plus vulnérables, telles que les mineurs, les personnes âgées et les personnes handicapées. Au fil des ans, la question de la citoyenneté et de la population concernée a occupé une place importante dans les plans d’intégration nationale.

120.La recommandation du Comité a été prise en compte et l’Estonie a beaucoup avancé dans ce domaine, le nombre de personnes de citoyenneté indéterminée étant passé de 32 % en 1992 à 5 % en 2018. Depuis que l’Estonie a repris son indépendance, plus de 160 000 personnes ont obtenu ou ont été rétablies dans la nationalité estonienne.

121.D’après les données du registre de la population, en 2018 la population estonienne se répartissait comme suit : 84,4 % d’Estoniens, 6,5 % de Russes, 3,4 % de citoyens ayant une autre nationalité et 5,7 % de personnes de citoyenneté indéterminée. Le nombre de personnes de citoyenneté indéterminée a diminué essentiellement par obtention de la nationalité estonienne, mais d’autres facteurs, tels que l’acquisition d’une autre nationalité ou le décès, ont également joué. D’après le registre de la population, au 1ermai 2018, le pays comptait 76 566 personnes soit de citoyenneté indéterminée et titulaires d’un permis de séjour en cours de validité, soit titulaires d’un droit de résidence en Estonie ou d’un permis de séjour en Estonie en cours de validité.

122.Au total, 1 615 personnes ont obtenu la nationalité estonienne en 2014, 898 en 2015, 1 779 en 2016 (dont 758 enfants de citoyenneté indéterminée âgés de moins de 15 ans et 206 enfants à la date de leur naissance), 881 en 2017 (dont 169 enfants à la date de leur naissance) et 760 en 2018.

123.Les élèves des établissements d’enseignement général dans lesquels l’enseignement est dispensé dans une autre langue que l’estonien ne sont pas tenus de passer un test de langue spécifique pour demander la nationalité estonienne, puisque l’examen final d’estonien deuxième langue correspond à l’évaluation du niveau B1. En complément du paragraphe 133 du précédent rapport, il convient de préciser que des séances d’information et des consultations sont également organisées dans les établissements du second cycle de l’enseignement secondaire pour adultes.

124.Conformément aux dispositions de la loi relative à la nationalité (2015), les mineurs âgés de moins de 15 ans nés en Estonie ou qui, immédiatement après leur naissance, ont résidé de manière permanente en Estonie avec leurs parents, obtiennent la nationalité estonienne par naturalisation à la date de leur naissance. La nationalité estonienne est également accordée par naturalisation aux enfants âgés de moins de 15 ans nés de parents de citoyenneté indéterminée. La naturalisation est facilitée par la simplification des conditions fixées par la procédure d’obtention de la citoyenneté : la période d’attente de six mois a été supprimée, ainsi que l’obligation d’avoir résidé pendant cinq années consécutives en Estonie. Les exigences concernant l’examen d’évaluation des compétences en langue estonienne ont également été simplifiées pour les demandeurs de plus de 65 ans.

125.À la suite de la modification de la loi, le Ministère de la culture a organisé des réunions et des tables rondes en septembre et octobre 2015, pour promouvoir la citoyenneté estonienne et réduire le nombre de personnes de citoyenneté indéterminée. En conséquence, la Fondation pour l’intégration a élaboré en 2016 un plan d’action pour instaurer de nouvelles possibilités de demander la nationalité estonienne. Le plan d’action a été mis en œuvre en étroite collaboration avec le Ministère de l’intérieur, le Ministère de la culture, le Ministère de l’éducation et de la recherche, la Fondation Innove, les associations de la société civile et les collectivités locales des comtés de Harju et de Viru-Est.

126.Selon le suivi de l’intégration en Estonie réalisé en 2017, le nombre de personnes de citoyenneté indéterminée et de nationalité russe qui ont trouvé l’examen pour l’obtention de la nationalité trop compliqué a diminué par rapport à 2015 (57 % en 2015 et 46 % en 2017). Le nombre de personnes qui n’ont pas pu apprendre l’estonien a également diminué (51 % en 2015 et 39 % en 2017). L’une des raisons les plus souvent invoquées par ces personnes est que le fait de ne pas avoir la nationalité estonienne n’empêche pas de vivre en Estonie (34 % en 2015 et 41 % en 2017).

127.La maîtrise de la langue officielle étant exigée pour acquérir la citoyenneté estonienne, l’Estonie a systématiquement pris des mesures pour promouvoir l’apprentissage de l’estonien, en accordant une attention particulière aux régions peuplées par des personnes ayant une autre langue maternelle. Le programme d’intégration propose des formations pour se préparer à la procédure de naturalisation, mais également des cours d’estonien et une immersion culturelle. En plus des cours classiques dans une salle de classe, la Fondation pour l’intégration propose de pratiquer la langue estonienne dans le cadre de clubs culturels et de cafés des langues dans diverses régions du pays. Les cours de langues sont essentiellement destinés aux personnes qui se sont inscrites, par l’intermédiaire du site Web de la Fondation pour l’intégration, aux classes de préparation à l’examen d’évaluation des connaissances sur la Constitution estonienne et la loi relative à la nationalité, et ont demandé la nationalité estonienne.

128.Les possibilités d’apprendre gratuitement l’estonien sont de plus en plus nombreuses. La Fondation pour l’intégration propose aux personnes de citoyenneté indéterminée un accompagnement personnalisé dans les domaines suivants : emploi, éducation, services sociaux, assistance juridique, protection sociale, soins de santé, prestations de l’État, cours de langues, cours de mise à niveau et possibilités de demander la citoyenneté estonienne. Il existe également une ligne d’assistance téléphonique gratuite, le 800-9999.

129.En 2018, de nouvelles dispositions ont été adoptées dans la loi relative à la nationalité afin de faciliter l’acquisition du niveau de langue nécessaire pour demander la nationalité estonienne. À compter de 2019, les personnes qui demandent la nationalité estonienne ont la possibilité d’apprendre gratuitement l’estonien et l’État leur verse également une indemnité, connue sous l’appellation de « contrat citoyen », si elles prennent des congés sans solde pour étudier. Un tel dispositif est accessible aux personnes qui résident légalement en Estonie depuis au moins cinq ans, remplissent les conditions nécessaires pour demander la nationalité estonienne et souhaitent être naturalisées. Le contrat inclut des cours d’estonien du niveau zéro au niveau B1. L’indemnité versée correspond au salaire moyen perçu en vingt jours calendaires. Les cours de langue sont assurés par l’Académie estonienne des sciences de la sécurité.

130.Les cérémonies festives organisées à l’occasion de la remise des certificats de citoyenneté visent à mettre en valeur les personnes devenues estoniennes par la procédure de naturalisation. Elles sont organisées par le Ministère de l’intérieur et le Service de la police et des gardes-frontières. Afin d’améliorer les connaissances juridiques de la population, le Ministère de la justice a élargi la population ciblée par le site Web www.juristaitab.ee aux russophones. Une assistance juridique gratuite est disponible en russe.

131.Les personnes de citoyenneté indéterminée ont les mêmes droits sociaux et économiques que les citoyens estoniens. D’une manière générale, le fait d’être de citoyenneté indéterminée ne limite pas les possibilités d’accès au marché du travail. Toutefois, la citoyenneté estonienne est exigée pour occuper certains postes de l’administration publique ou les postes de niveau hiérarchique élevé dans le secteur privé. Les services d’intégration ont été adaptés pour répondre aux besoins des personnes qui bénéficient de la protection internationale et sont arrivées en Estonie dans le cadre de la réinstallation et de la relocalisation au titre de l’Agenda européen en matière de migration. Le Ministère de l’intérieur, le Ministère des affaires sociales et le Ministère de l’éducation et de la recherche proposent des programmes d’accompagnement et des services de base aux bénéficiaires de la protection internationale dans leurs domaines de compétence respectifs.

132.Au paragraphe 9 de ses observations finales, le Comité a formulé une recommandation sur la nécessité de satisfaire le besoin d’auto-identification ressenti par les minorités en facilitant notamment l’utilisation des patronymes, par des mesures administratives appropriées. Le Gouvernement prend en compte la recommandation du Comité et précise ci-après le cadre réglementaire applicable aux patronymes en Estonie, ainsi que les possibilités offertes en la matière.

133.Historiquement, en Estonie, le patronyme ne fait pas partie de la dénomination ni de l’identité officielle d’une personne. Seul le nom de famille est utilisé en Estonie. L’article 3 (par. 1) de la loi relative à la dénomination des personnes dispose que l’identité d’une personne comprend un prénom et un nom de famille. Cette même loi énonce les principes et la procédure d’attribution et d’utilisation des noms des personnes (définissant leur identité), ainsi que les règles d’usage uniformes concernant les noms des citoyens estoniens et des étrangers résidant en Estonie.

134.Quoi qu’il en soit, nul n’est empêché d’utiliser un patronyme s’il le souhaite. L’utilisation d’un patronyme dans les relations privées n’est en aucune façon encadrée ou restreinte par la loi. Chacun peut utiliser son patronyme lorsqu’il communique avec les autorités et les collectivités locales et lorsqu’il les contacte via des formulaires ou des lettres auxquelles il est répondu conformément à la procédure générale. Il est en outre possible de demander aux autorités d’utiliser son patronyme dans des documents officiels comme faisant partie de son identité en tant que nom complémentaire. Le fait que les patronymes ne soient pas légalement reconnus n’empêche pas leur utilisation et ne porte pas atteinte aux droits individuels garantis par la Convention.

135.Le Comité examine actuellement la première plainte émanant d’un particulier pour violation présumée des dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La plainte 64/2018, déposée le 2 août 2018 par Mihhail Tverskoi, porte sur le refus qu’auraient opposé les autorités à sa demande d’ajouter son patronyme sur sa carte d’identité.

Droits économiques, sociaux et culturels

136.Depuis 2017, afin d’accroître le nombre de logements municipaux, y compris à caractère social, un fonds d’aide à l’investissement des collectivités locales a été créé pour financer la construction de nouveaux immeubles locatifs et la rénovation d’immeubles d’habitation existants. Cette mesure aide les collectivités locales à financer, à hauteur de 50 %, la construction de nouveaux logements ou la rénovation d’immeubles existants. L’État a prévu d’allouer 60 millions d’euros à ce dispositif pour la période 2017-2020.

137.Conformément à la loi relative à la protection sociale, les collectivités locales sont tenues d’évaluer la situation globale des personnes sans ressources et de leur fournir des services sociaux et des aides pour leur permettre de faire face. Parmi ces services, figure la mise à disposition d’un logement pour les personnes se trouvant dans une situation socioéconomique qui ne leur permet pas de trouver un logement correspondant à leurs besoins et à ceux de leur famille.

138.Certaines personnes peuvent également avoir besoin d’une aide pour aménager leur logement ou obtenir un logement mieux adapté à leurs besoins (art. 42 de la loi relative à la protection sociale). Afin que les personnes ayant des besoins spéciaux puissent vivre de manière aussi indépendante que possible, les collectivités locales peuvent demander une aide au titre de la mesure en faveur de l’aménagement physique des logements des personnes handicapées.

139.Le projet, dans le cadre duquel 45 logements ont été aménagés, a été lancé en 2017 à Tallinn. L’objectif de cette mesure pour 2018-2023 est d’aider à aménager les logements de quelque 2 000 personnes ayant des besoins spéciaux pour qu’elles puissent devenir autonomes. La contribution des collectivités locales est d’au moins 15 %, le reste étant couvert par le Fonds européen de développement régional. En 2018, 56 collectivités locales ont déposé une demande de financement à cet effet. La deuxième campagne de financement a débuté en février 2019 et se poursuit jusqu’en août. Elle dispose d’un budget de 7 millions d’euros.

140.Au paragraphe 10 de ses observations finales, le Comité a demandé des informations complémentaires sur les mesures prises pour réduire les écarts en matière d’emploi et de revenu liés aux compétences linguistiques.

141.En 2013-2015, la réduction du chômage a été plus importante chez les non-Estoniens (10 500 personnes) que chez les Estoniens (6 000 personnes). L’écart entre le taux de chômage de ces deux groupes de personnes était de 1,82 en 2013 et de 1,48 en 2015, dépassant ainsi l’objectif prévu par le plan « Intégration dans la société estonienne 2020 ». Par rapport à 2013, le taux d’emploi a augmenté plus vite chez les Estoniens que chez les non-Estoniens : En 2015, 66,7 % des Estoniens et 61,8 % des non-Estoniens avaient un emploi, contre 63 % et 60,3 %, respectivement, en 2013.

142.La situation des non-Estoniens sur le marché de l’emploi s’est améliorée en 2017 : l’emploi a augmenté et le chômage a baissé. Toutefois, les écarts se sont creusés par rapport à la situation des Estoniens. En 2017, 69,6 % des Estoniens et 63,0 % des non-Estoniens avaient un emploi, contre 67,6 % et 61,4 %, respectivement, en 2016. La situation s’est encore améliorée pour les non-Estoniens en 2018. Le taux d’emploi des personnes âgées de 15 à 74 ans est passé de 63 % à 64,3 % en un an et le taux de chômage a baissé, passant de 8,8 % à 7,1 % pendant la même période. Dans le même temps, l’emploi des Estoniens a augmenté plus lentement et le taux de chômage a légèrement augmenté, de sorte que les écarts entre Estoniens et non-Estoniens ont diminué pour atteindre une valeur de 1,5. Selon les données de 2018, le taux de chômage des non-Estoniens maîtrisant l’estonien était de 6,2 %, tandis que celui des non-Estoniens ne maîtrisant pas l’estonien était de 10,7 %.

143.Les personnes dont l’estonien n’est pas la langue maternelle ont des difficultés à trouver un emploi du fait qu’elles ne parlent ou ne maîtrisent pas l’estonien, qu’elles ne connaissent pas bien les possibilités offertes par le marché de l’emploi, qu’elles n’utilisent pas les mêmes réseaux sociaux, que leur formation ne correspond pas aux besoins du marché du travail et qu’elles vivent isolées par nationalité. La situation des non-Estoniens sur le marché du travail est également marquée par une nette particularité régionale et sectorielle. Le Centre d’information juridique en matière de droits de l’homme estime que les exigences concernant la connaissance de la langue sur le marché du travail sont souvent disproportionnées et parfois discriminatoires.

144.En 2018, le plus fort taux de chômage a été enregistré dans le comté de Viru-Est, avec 8,9 %, soit près du double de la moyenne nationale. Le comté de Viru-Est présente de manière persistante un taux de chômage élevé et une faible activité économique, en raison principalement de la restructuration d’une ancienne région industrielle. En 2015-2016, le marché de l’emploi dans cette région a été très touché par les difficultés économiques de la grande industrie locale, à savoir la production de schiste bitumineux. En 2016, les premiers services complémentaires d’aide à l’emploi ont été proposés, dans le cadre du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, aux personnes qui avaient perdu ou risquaient de perdre leur emploi dans les entreprises de schiste bitumineux du comté de Viru-Est (AS Eesti Energia, AS Nitrofert, AS Viru Keemia Grupp ou leurs filiales), à la suite des licenciements massifs. Ces mesures ont été mises en œuvre jusqu’à la fin de l’année 2018. Au total, 487 personnes ont bénéficié du programme du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation. Ce programme prévoyait des aides à la formation, dont ont bénéficié 126 personnes. Une aide à la création d’emplois a également été proposée de mai 2016 à fin 2017, ce qui a permis de créer au total 645 emplois dans 17 entreprises.

145.Afin de promouvoir l’emploi dans les régions ayant un fort taux de chômage, le Gouvernement a mis en place une aide régionale à la création d’emploi en 2018, dont peuvent bénéficier les employeurs qui emploient pendant deux mois consécutifs au moins cinq personnes enregistrées dans les comtés de Viru-Est, Põlva, Valga ou Võru et n’ayant pas travaillé pendant les six mois précédents. Cette aide est également versée pour toute personne supplémentaire employée. Le salaire brut mensuel des personnes employées doit être égal à 1,5 fois le salaire minimum, soit 750 euros en 2018 et 810 euros en 2019. L’aide est versée pendant douze mois sur une période de vingt-quatre mois maximum. Cela devrait garantir une certaine flexibilité aux employeurs, puisqu’ils peuvent bénéficier de l’aide sur une plus longue période. L’État prend en charge 50 % du salaire brut de l’employé. L’aide est plafonnée à 1 000 euros, soit le double du salaire minimum. Si un employé est payé 2 500 euros, l’aide est de 1 000 euros.

Services d’aide à l’emploi

146.L’État continue d’assurer des services d’aide à l’emploi individualisés en vue d’aider les non-Estoniens à accéder au marché du travail et à trouver un emploi. D’après la Caisse d’assurance chômage, 15 785 personnes dont la principale langue de communication n’est pas l’estonien ont eu recours aux services d’aide à l’emploi en 2014, 15 874 en 2015, 16 913 en 2016, 18 121 en 2017. En 2018, 18 551 personnes sans emploi ont eu recours aux services d’aide à l’emploi. En 2018, la proportion de personnes ayant bénéficié de services d’aide à l’emploi parmi les chômeurs dont la langue principale de communication n’est pas l’estonien, a été de 37,2 % (moyenne mensuelle). Les services les plus utilisés ont concerné la formation dans le cadre du marché du travail (24 %), l’orientation professionnelle (18 %) et les ateliers de recherche d’emploi (14 %). Les services d’aide à l’emploi sont financés par la mise en place de services et de prestations d’aide à l’emploi.

147.La Caisse d’assurance chômage estonienne assure les services d’aide à l’emploi prévus par la loi relative aux services et aux prestations d’aide à l’emploi, le Programme pour l’emploi et les programmes du Fonds social européen. Plusieurs services sont fournis en fonction des besoins des personnes et des obstacles auxquelles elles sont confrontées. La loi considère que le fait de ne pas parler ou maîtriser l’estonien constitue un obstacle (art. 10, par. 5 et 8, de la loi relative aux services et aux prestations d’aide à l’emploi). Les personnes sans emploi peuvent bénéficier de cours d’estonien pour améliorer leurs compétences linguistiques. Le programme « Travailler et apprendre » a été mis en place en 2017 pour permettre aux personnes qui travaillent d’apprendre l’estonien. Le nombre de personnes inscrites à ces cours d’estonien est passé de 1 120 en 2014 à 2 793 en 2017. En 2018, 1 506 personnes sans emploi et 1 525 travailleurs ont suivi des cours d’estonien. Le programme « Travailler et apprendre » permet également aux employeurs d’aider leurs employés à améliorer leur maîtrise de l’estonien (435 personnes en 2018).

148.Le plan d’action « Mise en place d’une formation linguistique pour les adultes dont la langue maternelle ou familiale n’est pas l’estonien pour 2015-2018 (2020) » a été élaboré en 2014 et approuvé par le Ministre de l’éducation et de la recherche par un décret du 30 janvier 2015. Il permet de financer les cours d’estonien destinés aux personnes qui travaillent dans le secteur public, les frais liés à l’apprentissage de la langue et l’acquisition du vocabulaire officiel utilisé par les employés du secteur public et du secteur tertiaire. Dans le cadre des attributions de l’Inspection des langues en matière de développement de supports pédagogiques numériques pour l’apprentissage de l’estonien, une aide est également prévue pour mettre en place un système garantissant la qualité et le contrôle de la formation des adultes à la langue estonienne.

149.L’environnement d’apprentissage linguistique Keeleklikk pour les niveaux zéro à A2 est d’ores et déjà opérationnel (www.keeleklikk.ee) et l’élaboration des supports pédagogiques Keeletee pour les niveaux B1 et B2 (https://www.keeletee.ee) est en cours. En 2017, de nouvelles modalités d’apprentissage linguistique ont été créées (par exemple Speakly :www.speakly.me).

150.En 2014, afin de favoriser les liens entre le marché du travail et l’enseignement, le Ministère de l’éducation et de la recherche a adopté des mesures destinées aux élèves qui ont suivi l’enseignement de base dans une autre langue que l’estonien. Ces personnes peuvent bénéficier de cours d’estonien supplémentaires et de différents travaux pratiques dans un environnement linguistique estonien. Des programmes de soutien sont mis en place dans les écoles professionnelles pour faciliter la transition vers l’enseignement en estonien. Les étudiants de l’enseignement supérieur peuvent bénéficier de cours d’estonien général et professionnel, ce qui leur permet d’accéder plus facilement à l’enseignement supérieur en estonien et de mieux organiser leurs études. La formation est dispensée sous forme de cours classiques, mais aussi sous forme de clubs et autres activités favorisant la capacité d’apprentissage.

151.Prenant en compte les résultats du suivi de l’intégration en Estonie réalisé en 2015 et les objectifs du Programme d’action du Gouvernement pour 2015-2019, le Ministère de la culture, en collaboration avec le Ministère des affaires sociales et la Fondation pour l’intégration, a commencé à mettre en place des mesures destinées à mettre en valeur les organisations du secteur public qui ont un personnel diversifié et à développer les opportunités de carrière pour les personnes dont l’estonien n’est pas la langue maternelle. Des actions et une campagne d’information sur les opportunités de carrière dans le secteur public pour les personnes dont l’estonien n’est pas la langue maternelle ont été mises en place. En 2016, des réunions d’information ont été organisées et des documents ont été mis à la disposition des employeurs et des résidents en âge de travailler qui ne parlent pas l’estonien.

152.En décembre 2015, le Ministère de la culture et le Ministère des affaires sociales ont signé la Charte pour la diversité du Centre estonien des droits de l’homme pour soutenir et mettre en valeur la diversité et l’égalité de traitement sur le lieu de travail. La signature de la charte contribue à attirer l’attention sur les cultures organisationnelles qui valorisent l’égalité de traitement dans le secteur public, y compris dans la gouvernance des ministères, et dans la société en général.

153.Afin d’améliorer les performances des personnes qui ne maîtrisent pas suffisamment l’estonien pour s’insérer sur le marché du travail, les ressources du Fonds social européen ont été utilisées pour mettre en place des possibilités de pratiquer et d’apprendre la langue dans les régions où la demande est la plus forte. Le programme « Renforcement des liens entre le marché du travail et l’enseignement » du Ministère de l’éducation et de la recherche prévoit notamment de soutenir les actions d’apprentissage de la langue, dans le cadre de sa stratégie en faveur de la formation tout au long de la vie.

154.Afin d’aider les jeunes sans qualification ni expérience à trouver un travail, la Caisse d’assurance chômage estonienne a mis en place depuis le 1erjanvier 2015 la prestation « Mon premier emploi ». Cette prestation dédommage partiellement les employeurs en participant aux dépenses de personnel pendant la première année de travail et aux dépenses de formation professionnelle (à hauteur de 2 500 euros) pendant les deux premières années de travail, à condition qu’un contrat de travail à durée indéterminée, ou à durée déterminée d’au moins deux ans, ait été signé entre l’employeur et l’employé. La mesure vise les personnes de 17 à 29 ans inscrites au chômage depuis au moins quatre mois n’ayant pas de qualification professionnelle et pas d’expérience professionnelle ou une expérience de courte durée. Afin de lutter contre le chômage des jeunes, des ateliers de présentation du marché du travail et de la vie professionnelle sont organisés dans les écoles pour les élèves des niveaux 8 à 12.

Actions visant à réduire le chômage

155.En 2013-2014, un modèle d’accompagnement à l’intégration destiné aux citoyens de pays tiers a été lancé à Tallinn et à Narva, sous l’égide de la Fondation pour l’intégration. Les centres d’accompagnement fournissent des informations sur l’emploi, l’éducation, les services sociaux, l’assistance juridique, la protection sociale, les soins de santé, les prestations de l’État, les cours de langues, les cours de mise à niveau et les possibilités de demander la citoyenneté estonienne. Le site Web www.integratsiooniinfo.ee donne des informations en estonien, en anglais et en russe. La Caisse d’assurance chômage estonienne, le Service de la police et des gardes-frontières, les collectivités locales, les bibliothèques, les organisations de jeunes travailleurs et les associations culturelles des minorités nationales travaillent ensemble pour diffuser les informations sur l’intégration.

156.Le développement des services culturels favorisant l’apprentissage de la langue et l’intégration fait l’objet d’une attention particulière. Quatorze structures des arts du spectacle et musées ont reçu des subventions pour pouvoir mettre en place des programmes dans d’autres langues, grâce à des équipements pour l’interprétation simultanée, des dispositifs et applications intelligents, des audioguides et des logiciels adaptés. Des conventions de coopération ont été signées avec les institutions suivantes : Fondation du Musée estonien de plein air, Fondation du musée de Pärnu, Université de Tartu, Fondation de la salle de théâtre de Rakvere, Fondation du théâtre de Vanemuine, Fondation du théâtre russe, Musée de l’école paroissiale O. Luts à Palamuse, Musée de Valga, Musée estonien du théâtre et de la musique, Fondation Vaba Lava (espace ouvert), Fondation du théâtre Endla, Fondation du théâtre NO99, Fondation du Centre de la technologie et de la science de Tallinn et Musée de la ville de Tartu. Les actions visant à fournir des informations dans d’autres langues ont été financées par les ressources allouées au projet du Fonds social « Actions en faveur de l’intégration dans la société estonienne ».

157.La Fondation pour l’intégration propose des cours d’estonien gratuits pour les niveaux A2 à B2 et des cours de présentation de la Constitution estonienne et de la loi relative à la nationalité. Les clubs consacrés à la langue et à la culture estoniennes ont été mis en place en 2016.

Soins de santé et soins médicaux d’urgence (secteur de la santé)

158.La disponibilité des services de santé n’a guère changé depuis 2013. Toutes les personnes qui séjournent en Estonie reçoivent des soins de santé d’urgence, qu’elles aient ou non une assurance santé et quelles que soient leur nationalité, leur citoyenneté ou autres caractéristiques.

159.Selon le Centre d’information juridique en matière de droits de l’homme, il est nécessaire d’adopter une stratégie plus efficace pour surmonter les barrières linguistiques au sein du système de santé, notamment pour les enfants et les personnes âgées russophones.

Sécurité sociale

160.Depuis le 1er janvier 2016, L’Estonie applique les principes généraux du Code de la sécurité sociale, qui garantit la protection sociale et en définit les principes et l’organisation.

161.Conformément à la loi, les étrangers qui vivent en Estonie de manière permanente, ou au titre d’un permis de séjour ou d’un droit de résidence à durée déterminée, peuvent prétendre aux prestations sociales. Le versement de ces prestations ne dépend pas de la citoyenneté, de la nationalité ou de la race.

162.Toute discrimination fondée sur la nationalité (origine ethnique), la race ou la couleur est interdite dans le domaine de la protection sociale, des soins de santé et des services de sécurité sociale, y compris en ce qui concerne les prestations sociales.

Prestations familiales

163.Le régime des prestations familiales est universel, ce qui signifie que les citoyens estoniens qui vivent en Estonie, les étrangers qui vivent en Estonie au titre d’un permis de séjour longue durée ou d’un droit de résidence permanente et les étrangers qui vivent en Estonie au titre d’un permis de séjour ou d’un droit de résidence à durée déterminée peuvent prétendre aux prestations sociales. Les principes régissant l’octroi et le versement des prestations familiales (à l’exception de l’allocation d’entretien) n’ont pas changé depuis le précédent rapport.

164.Depuis le 1er janvier 2017, la période de versement de l’allocation d’entretien pendant la procédure judiciaire a été prolongée de quatre-vingt-dix à cent cinquante jours et son taux journalier équivaut à 100 euros par mois et par enfant. En conséquence, le versement maximum est de 500 euros, contre 288 euros précédemment.

Réforme relative à la capacité de travail

165.Le 1er juin 2016, l’Estonie a lancé une réforme visant à mettre en place un nouveau système relatif à la capacité de travail. L’objectif de cette réforme était de faire évoluer les mentalités concernant les personnes ayant une capacité de travail réduite et d’aider ces personnes à trouver et à conserver un emploi. À compter du 1er juillet 2016, la Caisse d’assurance chômage estonienne évalue la capacité de travail et verse une allocation de capacité de travail. Dans l’ancien système (allocation d’incapacité de travail), les personnes étaient évaluées en fonction de leur niveau d’incapacité permanente de travail, exprimé en pourcentages (10 %, 20 % ... 100 %). Lorsqu’une personne présentait une perte d’au moins 40 % de sa capacité de travail, elle avait droit à une allocation d’incapacité de travail.

166.À partir du 1er juillet 2016, il n’y a plus de pourcentages, mais seulement une « capacité partielle » ou une « incapacité ». Les résultats de l’évaluation se classent désormais dans trois catégories : « capacité totale » « capacité partielle » et « incapacité ». Toute personne classée dans l’une des deux dernières catégories a droit à une allocation de capacité de travail. Le nouveau système relatif à la capacité de travail évalue ce que la personne est capable de faire, indépendamment du diagnostic, et s’appuie sur cette information pour définir, en collaboration avec un conseiller de la Caisse d’assurance chômage, un travail correspondant aux capacités de la personne. Pour toucher l’allocation de capacité de travail partielle, il faut exercer une activité professionnelle ; en cas d’incapacité de travail, cette obligation n’existe pas.

167.Les personnes ayant entre 16 ans et l’âge de la retraite peuvent percevoir une allocation de capacité de travail :

•Citoyens estoniens résidant en Estonie ;

•Étrangers vivant en Estonie au titre d’un permis de séjour ou d’un droit de résidence ;

•Personnes bénéficiant d’une protection internationale vivant en Estonie, ou demandeurs d’asile se trouvant en Estonie et ayant le droit de travailler en Estonie conformément aux dispositions de la loi relative à l’octroi d’une protection internationale aux étrangers.

Allocations handicap

168.Les termes et les conditions d’octroi et de versement des allocations pour enfant handicapé et des allocations pour personnes handicapées à la retraite n’ont pas changé depuis le précédent rapport.

169.Quelques changements sont intervenus en ce qui concerne les termes et les conditions d’octroi et de versement des allocations pour personnes handicapées en âge de travailler.

170.Les allocations de réadaptation et de travail ne sont plus versées depuis le 1erjuillet 2016. La Caisse d’assurance chômage verse aux personnes handicapées une allocation de déplacement domicile-travail et finance les aides au travail nécessaires, entre autres services d’aide au travail. L’allocation de déplacement domicile-travail peut aller jusqu’à 300 euros par mois, et l’allocation de travail jusqu’à 255,70 euros pendant trois années calendaires.

171.Depuis le 1er juillet 2016, l’allocation pour personnes handicapées en âge de travailler ne dépend que de la gravité et de la nature du handicap ; elle ne dépend plus des dépenses supplémentaires liées au handicap.

Services sociaux et prestations

172.En Estonie, la prestation et l’organisation des services de protection sociale est assurée par divers niveaux d’autorités publiques. Les collectivités locales prennent en charge les services médico-sociaux, les services d’aide aux personnes âgées et aux personnes handicapées vivant chez elles de manière indépendante et les soins de longue durée aux personnes âgées. Elles versent également les allocations de subsistance et autres allocations financées par leur budget.

173.Les dispositifs techniques, les services de réadaptation et les services de protection sociale destinés aux personnes ayant des besoins mentaux spéciaux relèvent de l’État. L’organisation de l’assistance fournie par la sécurité sociale est régie par la loi relative à la protection sociale. En 2016, 6 500 personnes ont bénéficié de services de protection sociale spéciaux et 49 933 personnes de la fourniture de dispositifs médicaux.

174.Les citoyens estoniens qui vivent en Estonie, les étrangers qui vivent en Estonie au titre d’un permis de séjour longue durée ou d’un droit de résidence permanente et les étrangers qui vivent en Estonie au titre d’un permis de séjour ou d’un droit de résidence à durée déterminée peuvent prétendre aux services sociaux et aux prestations sociales. La loi dispose en outre que toute personne se trouvant sur le territoire estonien a accès aux soins d’urgence.

Services de réadaptation sociale

175.Toutes les personnes ayant des besoins spéciaux et toutes les personnes handicapées ou en incapacité de travail, quel que soit leur âge, peuvent bénéficier des services de réadaptation sociale. Depuis le 1er janvier 2016, il existe deux types de réadaptation, la réadaptation professionnelle et la réadaptation sociale.

176.Les services de réadaptation peuvent faire appel aux professionnels suivants : travailleurs sociaux, psychologues, ergothérapeutes, art-thérapeutes, kinésithérapeutes, éducateurs spécialisés, orthophonistes et pairs-conseillers, entre autres. Ces dernières années, 16 000 à 17 000 personnes ont bénéficié de ce type d’aides, fournies gratuitement.

Éducation

177.Les principes généraux en matière d’éducation n’ont pas changé depuis la dernière période considérée.

178.Le rapport de l’OCDE « Regards sur l’éducation 2018 » montre que, par rapport à d’autres pays, en Estonie les enfants bénéficient de conditions équitables d’accès à l’enseignement primaire et au premier cycle de l’enseignement secondaire, et que la situation sociale ou économique des familles ou le niveau scolaire des parents n’a pas d’influence sur l’accès des enfants à l’éducation préscolaire.

179.Afin d’aider les enfants des nouveaux immigrés à faire des études, l’Université de Tartu a mis en place un projet d’aide à l’adaptation scolaire des nouveaux immigrés, financé par le Fonds Asile, Migration et Intégration (AMIF2016-12). L’objectif général de ce projet était d’aider les nouveaux immigrés à s’adapter au système éducatif estonien grâce à des actions ciblées et coordonnées de la communauté éducative. Le projet reposait sur les valeurs scolaires suivantes : tolérance, bienveillance et coopération. Il s’adressait à des équipes comprenant des membres du personnel de direction et de soutien, des professeurs intervenant dans les divers niveaux scolaires, des représentants des parents et des responsables du secteur de l’éducation dans les collectivités locales.Ces équipes ont conçu une modalité de scolarisation et les supports pédagogiques correspondants, ainsi que des documents d’évaluation et de suivi. Des sessions de formation sur le thème « Classe unificatrice, école unificatrice », d’une durée de 24 heures, ont été organisées pour quatre groupes de 25 à 28 personnes, soit un total de 100 à 112 personnes.

180.Les besoins éducatifs spéciaux des enfants sont déterminés et les mesures nécessaires sont proposées, dans des conditions d’égalité ; toute distinction fondée sur la langue maternelle, la nationalité ou autre critère similaire est interdite par la loi. La détermination des besoins éducatifs spéciaux et des mesures de soutien nécessaires, entre autres la scolarisation dans une école ordinaire avec un programme simplifié ou l’inscription dans une école pour enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux, peut être faite à l’initiative d’un des parents ou d’un établissement éducatif avec le consentement d’un parent.

181.En 2017, le Ministre de l’éducation et de la recherche a approuvé le principe d’une éducation dénuée de tout harcèlement, l’accent étant mis sur la coopération entre les différents partenaires en vue de créer un environnement scolaire sûr. Pour donner effet à ce principe, des actions ont été définies pour mettre en place au moins un programme de prévention du harcèlement dans toutes les écoles maternelles, dans 90 % des établissements d’enseignement général et dans 30 % des établissements d’enseignement professionnel à l’horizon 2020.

182.Avec le soutien du Fonds social européen, le Ministère de l’éducation et de la recherche met en œuvre le programme « Promotion de la formation des adultes et développement des opportunités d’apprentissage » et organise des formations gratuites. Ces formations se déroulent dans des établissements d’enseignement professionnel ou d’enseignement professionnel supérieur. Des projets visant à améliorer l’accès des adultes à l’éducation (formations préparatoires, formations en ligne, embauche de personnel de soutien scolaire, services de garde d’enfants) sont également financés. De plus, les études préalablement suivies et l’expérience professionnelle sont prises en compte pour l’inscription dans un établissement d’enseignement, au terme d’un programme d’études ou d’une formation professionnelle.

Éducation préscolaire

183.L’Estonie considère qu’il est important de garantir l’égalité d’accès à l’éducation préscolaire pour tous les enfants, afin d’assurer un socle pour leur futur développement. Les parents doivent assumer une partie des frais liés à l’éducation préscolaire de leur enfant. Ce montant est déterminé par la collectivité locale dont dépend l’établissement que fréquente l’enfant, mais il doit être inférieur à 20 % du salaire minimum fixé par le Gouvernement. Les frais de scolarité payés par les parents sont déterminés en fonction de la situation économique de la famille.

184.Sur le territoire qu’elles administrent, les collectivités locales sont tenues d’offrir à tous les enfants âgés de 18 mois à 7 ans (y compris s’ils ont des besoins spéciaux), la possibilité de fréquenter un établissement d’éducation préscolaire si leurs parents le souhaitent.

185.Les exigences linguistiques définies dans la loi relative aux établissements préscolaires (art. 8) n’ont pas changé depuis la soumission du précédent rapport.

186.Si l’apprentissage et l’enseignement se font en estonien, les enfants qui ne parlent pas l’estonien à la maison apprendront la langue :

•Dans le cadre d’activités intégrées qui peuvent être accompagnées de cours de soutien en estonien ; ou

•Par immersion linguistique totale.

187.La demande sociale en matière d’éducation préscolaire en estonien a augmenté : en 2008, 59 % des personnes ayant le russe, ou une langue autre que l’estonien, comme langue maternelle souhaitaient que tous les enfants fréquentent un établissement dispensant une éducation préscolaire en estonien, mais que les enfants ayant une autre langue maternelle puissent bénéficier d’éducateurs adjoints parlant leur langue. En 2012, ce nombre était de 65 %. En 2008, 19 % des enfants ayant une langue maternelle autre que l’estonien étaient inscrits dans des établissements dispensant une éducation préscolaire en estonien. En 2013, ce nombre était de 26 %. Le nombre d’enfants bénéficiant du programme d’immersion linguistique a doublé entre 2005 et 2014. Le programme d’immersion linguistique était appliqué dans 23 écoles maternelles en 2008 et dans 45 écoles maternelles en 2013-2014.

188.L’Estonie compte 628 écoles maternelles : 516 dispensent l’enseignement en estonien, 106 en russe et 6 en anglais. 4,9 % des enfants inscrits à l’école maternelle bénéficient du programme d’immersion linguistique, 78,2 % sont dans des groupes où l’enseignement se fait en estonien et 17 % dans des groupes où l’enseignement est en russe (données du Système estonien d’information sur l’éducation relatives à l’année scolaire 2017-2018).

Nombre d’enfants inscrits dans des établissements d’enseignement préscolaire en fonction de la langue d’enseignement, année scolaire 2017-2018 (S ource : Haridussilm)

Langue d ’ enseignement

Nombre d ’ élèves

Estonien

52 345

Estonien (langue d ’ immersion)

3 214

Anglais

89

Russe

11 247

Total

895

189.Afin de pouvoir définir un plan d’action pour l’enseignement de l’estonien comme deuxième langue dans les écoles maternelles, les supports pédagogiques nécessaires, les besoins en matière de mise à niveau des connaissances et les difficultés à surmonter ont été recensés en 2017. Les principaux problèmes concernaient les formations de mise à niveau dans les écoles maternelles et les supports pédagogiques.

190.L’Université de Tallinn et l’Université de Vaasa ont collaboré à la création d’un module international destiné à faciliter l’immersion linguistique dans les universités. En 2016-2018, un programme du British Council a été mis en œuvre pour encourager l’apprentissage de l’estonien comme deuxième langue dans les écoles maternelles du comté de Viru-Est et pour faciliter la création d’un réseau. En 2017-2018, la Fondation Innove a participé à la planification de formations de mise à niveau destinées aux enseignants intervenant dans les groupes en immersion linguistique, dans les groupes ayant une autre langue d’enseignement et dans les groupes où l’estonien est enseigné comme deuxième langue.

191.Depuis 2009, des fonds publics sont alloués aux collectivités locales pour l’enseignement de l’estonien dans les écoles maternelles. En 2018, le montant des fonds alloués s’est élevé à 319 000 euros. En 2019-2022, des postes supplémentaires seront créés pour des professeurs d’estonien dans les écoles maternelles, afin d’améliorer l’enseignement de la langue (modèle « +1 professeur d’estonien »). L’objectif est de faire en sorte que tous les groupes russophones aient un professeur d’estonien ; le budget de l’État pour 2019 consacre 1 million d’euros à cette mesure.

Enseignement de base

192.La législation relative à l’enseignement de base n’a pas changé depuis la soumission du précédent rapport.

Nombre d’élèves inscrits à plein temps, année scolaire 2017-2018 (S ource : Haridussilm)

Langue d ’ enseignement

Nombre d ’ élèves

Estonien

95 876

Estonien (langue d ’ immersion)

7 099

Anglais

520

Finnois

66

Russe

22 188

Total

749

193.Le programme d’immersion linguistique suscite également de plus en plus d’intérêt à l’école primaire. Le nombre d’élèves qui le suivent a plus que doublé en dix ans, passant de 3 295 en 2008 à 4 907 en 2013-2014 et à 7 099 en 2017-2018. L’objectif du programme d’immersion linguistique est de faire en sorte que les élèves progressent dans toutes les matières conformément au programme scolaire national et soient performants en estonien, en russe et dans une langue étrangère. Le succès du programme est lié à la formation approfondie des enseignants et des directeurs d’établissement aux méthodes d’enseignement dans une autre langue, à un nouveau mode de gestion et d’amélioration de l’environnement scolaire.

194.Les établissements d’enseignement général comptent un peu plus de 400 élèves nouveaux immigrés. En moyenne, plus de 50 élèves étrangers s’inscrivent dans les écoles estoniennes chaque année. La Fondation Innove et les universités proposent aux enseignants des formations de mise à niveau et un accompagnement pour qu’ils puissent contribuer au développement de leurs élèves. Pendant leurs trois premières années scolaires, les élèves suivent des cours intensifs d’estonien pour les aider à s’intégrer en Estonie, tout en conservant leur langue maternelle. Des activités sont mises en place pour organiser les études linguistiques et culturelles en fonction des besoins individuels des nouveaux immigrés. Plusieurs études ont été menées sur ce thème.

Enseignement professionnel

195.En 2017-2018, l’Estonie comptait 33 établissements d’enseignement professionnel, dont 26 gérés par l’État, 3 par des municipalités et 4 par le secteur privé. L’enseignement professionnel est également dispensé dans six établissements publics d’enseignement supérieur gérés par l’État. La langue d’enseignement dans les établissements d’enseignement professionnel est le russe (1 établissement, 3 %), l’estonien et le russe (14 établissements, 36 %), l’estonien, le russe et l’anglais (1 établissement) et l’estonien, l’anglais et le letton (1 établissement). Enfin, 22 établissements (56 %) dispensent leur enseignement uniquement en estonien.

Répartition des élèves de l’enseignement professionnel selon la langue d’enseignement, année scolaire 2017-2018 (S ource : Haridussilm)

Langue d ’ enseignement

Nombre d ’ élèves

Estonien

19 102

Anglais

6

Letton

Russe

5 035

Total

143

196.La qualité de l’enseignement de l’estonien dans les établissements d’enseignement professionnel qui dispensent leur enseignement en russe doit encore être améliorée. Le Plan d’intégration 2018 a fixé pour objectif que les personnes recevant un enseignement professionnel en Estonie aient un niveau de compétence en estonien adapté à leur niveau d’éducation et à leur qualification professionnelle et puissent être compétitives sur le marché du travail estonien. Une transition progressive vers l’enseignement en langue estonienne a démarré en 2014-2015 dans l’enseignement professionnel. Conformément aux dispositions de la loi relative aux établissements d’enseignement professionnel (art. 57, par. 1), entrée en vigueur en 2013, au moins 60 % de l’enseignement correspondant au programme de l’enseignement professionnel secondaire devra être dispensé en estonien au plus tard le 1er septembre 2020. Cet objectif correspond à celui de la réforme de l’enseignement général de 2011, qui a été atteint. Cette disposition ne s’applique pas aux écoles privées. Elle ne concerne que les établissements secondaires d’enseignement professionnel. La langue d’enseignement des autres programmes est décidée par le directeur de l’établissement.

197.En 2013, l’ensemble des programmes nationaux de l’enseignement secondaire professionnel a été revu. Les changements ont notamment concerné l’enseignement des sciences humaines et sociales (objectifs d’apprentissage et critères d’évaluation concernant la diversité culturelle, les valeurs humaines, la démocratie et le développement durable, par exemple).

198.Dans le cadre du projet « Adéquation entre l’enseignement et les besoins du marché du travail » 2014-2020, les éléments de l’activité 8.8 « Formation linguistique complémentaire dans l’enseignement professionnel et l’enseignement supérieur » permettent aux élèves de ces secteurs éducatifs d’apprendre l’estonien général et professionnel, ainsi que d’autres langues, et comprennent également un accompagnement des directeurs et du personnel des établissements d’enseignement professionnel dans la gestion d’un environnement scolaire multilingue et multiculturel. Les élèves dont l’estonien n’est pas la langue maternelle, y compris ceux qui poursuivent leurs études dans des groupes russophones, bénéficient d’un enseignement complémentaire de la langue estonienne en fonction de leurs besoins. Les besoins sont définis sur la base des résultats d’un examen d’estonien organisé dans les établissements d’enseignement de base et d’enseignement secondaire et des exigences linguistiques déterminées par des normes professionnelles. L’enseignement des langues est délivré sous forme de travaux pratiques dans un environnement linguistique estonien, de cours supplémentaires, d’activités extrascolaires (échanges d’étudiants, programmes culturels, voyages solaires, etc.) ou d’études combinées.

Enseignement supérieur

199.En Estonie, il est possible de bénéficier d’un enseignement supérieur en estonien, en russe ou en anglais dans 20 établissements d’enseignement. La principale langue d’enseignement est l’estonien. En 2016-2017, 86 % des élèves des premier et deuxième cycles étudiaient en estonien, 12 % en anglais et 2 % en russe.

Répartition des étudiants des premier et deuxième cycles selon la langue d’enseignement, années universitaires 2012-2013 à 2017-2018 (S ource : Haridussilm)

Langue d ’ enseignement

2012-2013

2013-2014

2014-2015

2015-2016

2016-2017

2017-2018

Estonien

92 %

92 %

90 %

89 %

87 %

86 %

Anglais

4 %

6 %

7 %

9 %

11 %

12 %

Russe

4 %

2 %

2 %

2 %

2 %

2 %

200.À la suite de la réforme de l’enseignement supérieur de 2013, les étudiants poursuivant des études supérieures à plein temps en estonien peuvent s’inscrire gratuitement dans les universités publiques et les établissements d’enseignement professionnel supérieur depuis l’année universitaire 2013-2014. Sont considérés comme étudiants à plein temps ceux qui suivent 75 à 100 % du programme d’études. Les établissements d’enseignement supérieur peuvent demander aux étudiants de s’acquitter d’une partie de leurs droits d’inscription pour couvrir les points de crédits non validés s’ils obtiennent moins de 30 points de crédit par semestre. Les universités peuvent également proposer gratuitement des unités d’enseignement telles que l’anglais, par exemple.

201.À partir de 2013-2014, l’État a commencé à aider les étudiants issus de familles défavorisées à payer les frais additionnels liés au fait de poursuivre des études supérieures. Une allocation d’études en fonction des besoins a été mise en place conformément aux dispositions de la loi relative aux bourses d’études et aux prêts étudiants. Cette allocation est versée aux étudiants à plein temps ayant validé au moins 75 % des matières de leur programme d’études. Pour demander l’allocation d’études au premier semestre, il suffit d’être étudiant à plein temps. Le revenu mensuel de la famille est également pris en compte ; en 2017, il ne devait pas dépasser 429 euros.

Écoles de loisirs et écoles du dimanche

202.Il existe en Estonie près de 40 écoles du dimanche qui enseignent aux enfants de différentes nationalités la culture, la langue et les traditions de leur pays d’origine, et font connaître cette culture aux résidents estoniens. Il existe notamment des écoles du dimanche russes, bélarusses, ukrainiennes, arméniennes, coréennes, ouzbèkes, turques, azéries, géorgiennes, tatares, kabardes et lezghiennes. L’État accorde des subventions de base pour les écoles du dimanche et pour la formation des enseignants, aussi bien en Estonie que dans les divers pays d’origine, et les aide à se familiariser avec la culture estonienne. La Fondation pour l’intégration a soutenu le travail de 23 écoles du dimanche en 2014-2015, et de 29 écoles du dimanche en 2015-2016. Le montant total des subventions allouées en 2017-2018 à 30 écoles du dimanche a été de 135 713 euros. Le Ministère de l’éducation et de la recherche organise des séminaires de formation et des événements de sensibilisation destinés aux membres de l’Association estonienne des enseignants des écoles du dimanche des minorités nationales.

203.En 2015, l’État a mis en place un autre système de soutien aux loisirs des jeunes pour encourager les jeunes âgés de 7 à 19 ans à pratiquer des activités de loisirs en leur proposant des activités récréatives polyvalentes, régulières, encadrées et créatives. La loi relative à l’animation socio-éducative, la loi relative aux écoles privées et la loi relative aux écoles de loisirs ont été modifiées en 2017, afin que le financement des écoles de loisirs destinées aux jeunes soit assuré non seulement par les collectivités locales, mais aussi par l’État. Les subventions supplémentaires accordées aux communes rurales et aux villes sont calculées en fonction du nombre de jeunes, de jeunes handicapés et de jeunes âgés de 7 à 19 ans issus de familles défavorisées inscrits, mais aussi de la capacité financière de la collectivité locale concernée et de l’offre régionale en écoles de loisirs. Les collectivités locales reçoivent des aides pour améliorer l’offre et la flexibilité en matière d’écoles de loisirs destinées aux enfants et aux jeunes et favoriser la participation des groupes de population de plus faible niveau socioéconomique.

Éducation aux droits de l’homme

204.En 2017, le Fonds européen de développement régional a apporté son soutien à la réalisation d’une enquête intitulée « Droits de l’homme et valeurs fondamentales dans le cadre des établissements scolaires et de la politique éducative de l’Estonie ».

205.L’Estonie a fait partie de l’Étude de l’Union européenne sur l’éducation civique et citoyenne et a fait l’objet d’un rapport en 2016. L’étude portait sur les connaissances des élèves estoniens relatives à la société, aux valeurs et aux institutions fondamentales de la démocratie, au rôle des citoyens et à leur implication dans la société, aux relations sociales, à la protection sociale et aux questions européennes.

206.Le 31 octobre 2018, la Fondation pour l’intégration a mis en ligne un nouveau site Web offrant des informations sur l’étude de l’estonien et la vie en Estonie. Le site contient également des conseils utiles pour l’adaptation à la vie locale des résidents permanents de diverses origines ethniques et des personnes récemment arrivées en Estonie. Il donne également des renseignements sur l’apprentissage et la pratique de l’estonien et sur la procédure de demande de la citoyenneté ou d’un permis de séjour. Il fournit des informations en estonien, en russe et en anglais pour trouver des offres d’emploi, créer sa propre entreprise, inscrire son enfant dans un établissement d’enseignement, consulter un médecin, trouver un logement et autres sujets en rapport avec la vie quotidienne. La création et le fonctionnement du site Web sont financés par les ressources allouées au projet du Fonds social européen « Actions en faveur de l’intégration dans la société estonienne ».

Article 6

Recours juridiques

207.Les actes de discrimination à l’égard de certains groupes qui ont lieu en Estonie sont dus à des préjugés, à des stéréotypes et à un niveau de sensibilisation au principe de l’égalité de traitement inferieur à la moyenne. Les juristes ont une connaissance variable de la loi relative à l’égalité de traitement et les possibilités d’interprétation qui en découlent posent des problèmes en ce qui concerne l’assistance juridique et le rendu des décisions. Le Centre d’information juridique en matière de droits de l’homme a également attiré l’attention sur le fait que la population connaît peu la loi relative à l’égalité de traitement.

208.Le Centre d’information juridique en matière de droits de l’homme constate que la loi relative à l’égalité de traitement n’interdit pas la discrimination fondée sur la langue et la nationalité, ce qui en diminue l’efficacité. Il estime que le paragraphe 1 de l’article 9 de cette loi est contraire aux normes internationales, car il autorise la discrimination directe fondée sur la race ou l’origine ethnique.

209.Ces problèmes ont été abordés dans le Plan de développement de la protection sociale pour la période 2016-2023, approuvé par le Gouvernement en 2016. Afin de lutter contre les attitudes négatives, de favoriser la tolérance et d’améliorer la protection des droits, le plan a pour objectif de sensibiliser la société, les groupes cibles et les acteurs concernés (y compris les employeurs et les employés) en les informant sur les diverses situations et les besoins des différents groupes de population et en les incitant à prendre en compte ces différences.

210.Le Plan de développement de la protection sociale vise également à inciter les personnes à se prévaloir des possibilités offertes pour protéger leurs droits. Afin d’améliorer la qualité de l’assistance juridique, des formations sont proposées en priorité aux avocats et autres spécialistes du droit. La protection juridique est également améliorée par la modification des lois concernées.

211.La loi modifiant l’aide juridictionnelle de l’État, adoptée en 2016, prévoit que celle-ci peut être demandée en estonien, en anglais, ainsi que dans la plupart des autres langues courantes, par les ressortissants ou les personnes qui vivent dans un autre État membre de l’Union européenne. Le Centre d’information juridique en matière de droits de l’homme a salué cette modification.

Égalité dans le cadre des procédures judiciaires

212.En 2017 et 2018, le Chancelier de justice a été saisi de deux réclamations concernant des allégations de discrimination dans le cadre de procédures judiciaires. Une personne estimait que le tribunal avait ordonné sa détention au motif de sa nationalité et de son statut social et non parce qu’elle avait commis une infraction. Les pièces du dossier ont montré que le tribunal avait justifié la détention sur la base de la commission d’une infraction et non de la nationalité ou du statut social.

213.Une autre personne s’est plainte qu’un de ses proches avait été victime de discrimination dans le cadre d’une procédure judiciaire en raison de son origine rom. Selon le plaignant, le procureur aurait gravement maltraité cette personne dans la salle d’audience sans que le juge intervienne. D’après le système d’information du tribunal, le prévenu avait demandé la récusation du procureur, en raison d’une attitude imbue de préjugés envers les Roms. Le tribunal a rejeté la demande, estimant que les accusations ne permettaient pas de conclure que le procureur avait exercé ses fonctions en se fondant sur des motifs subjectifs ou des préjugés. Les pièces du dossier n’ont mis en évidence aucune discrimination du tribunal à l’égard du prévenu.

214.Dans un cas comme dans l’autre, la discrimination invoquée n’a pas été confirmée et aucun motif n’a été constaté pour engager une procédure disciplinaire à l’encontre du juge.

215.En 2018, la Cour suprême a reçu une plainte demandant qu’une procédure disciplinaire soit engagée à l’encontre d’un juge au motif que ce juge et un procureur avaient utilisé le mot « gitans » lors d’une séance du tribunal. Le prévenu a estimé que ce mot était insultant et discriminatoire à l’égard des personnes d’origine rom. Le Président de la Cour suprême a demandé l’avis de l’Institut de la langue estonienne à ce sujet. Selon cet institut, la connotation du mot « gitan » en estonien a évolué avec le temps : de péjoratif, ce terme est devenu neutre. Selon les organisations internationales roms, le mot « rom » est de plus en plus utilisé en Estonie à la place du mot « gitan » depuis les années 1990. Les pièces du dossier ont montré que le tribunal avait utilisé à la fois « gitan » et « rom », souvent en même temps, comme dans l’expression « de nationalité gitane, ce qui signifie rom ».

216.L’article 15 de la Constitution dispose que toute personne victime d’une violation de ses droits et libertés a le droit de saisir la justice. Cette protection judiciaire est également assurée en cas de discrimination raciale, lorsqu’une personne estime avoir été victime d’une violation de ses droits. Si la violation est publique et qu’une personne publie en son nom un quelconque contenu portant atteinte à l’honneur et à la dignité d’une tierce personne, la victime peut saisir la justice. Compte tenu des possibilités offertes de nos jours par les technologies de l’information, de plus en plus d’affaires surgissent de la facilité avec laquelle il est possible d’insulter en ligne une personne de manière anonyme, y compris pour des motifs raciaux. Un exemple de protection judiciaire efficace contre les actes anonymes portant atteinte à l’honneur et à la dignité d’une personne est décrit au paragraphe suivant.

217.Le tribunal a accordé des dommages et intérêts à une actrice très connue qui avait porté plainte contre des commentateurs anonymes qui l’avaient insultée en ligne et dont les propos contenaient des jugements de valeurs incorrects et inappropriés à son égard (arrêt de la Cour suprême du 6 juin 2018, affaire n° 2-16-14655). La décision de la Cour a montré que les personnes qui postent des insultes en ligne ne sont pas à l’abri de poursuites judiciaires car leur identité peut être établie et elles peuvent être tenues de payer des dommages et intérêts. Les personnes qui portent atteinte à l’honneur et à la dignité d’autrui en ligne doivent être conscientes que la protection judiciaire dont bénéficient les victimes, y compris contre des publications anonymes, peut se traduire par des sanctions pécuniaires et la levée de l’anonymat. Les victimes peuvent également exiger que les contrevenants dévoilent leur identité et leur présentent des excuses et/ou retirent leurs propos.

Système pénitentiaire

218.L’Estonie poursuit la réorganisation de son système pénitentiaire. Les prisons de Tartu, Viru et Tallinn ont ouvert respectivement en 2002, 2008 et 2018. La Direction des services pénitentiaires du Ministère de la justice a été transférée dans le comté de Viru-Est en 2017. L’État a souhaité renforcer sa présence dans le comté de Viru-Est. Un grand nombre d’emplois y ont été créés au sein du système pénitentiaire et des personnes venant d’autres communes du comté ont déménagé et ont trouvé un emploi. L’administration pénitentiaire a assuré le développement de l’ensemble de la région et a permis, par sa présence, de renforcer les liens entre l’État et la population locale.

219.Au 1er janvier 2018, le nombre de condamnés détenus dans les prisons estoniennes était de 1 403 Estoniens, 559 personnes de citoyenneté indéterminée, 141 Russes et 31 ressortissants d’autres pays.

220.Aux paragraphes 12 et 15 de ses observations finales, le Comité a exprimé sa préoccupation concernant l’accès des détenus à la protection juridique.

221.Les détenus ont la possibilité de porter plainte auprès des autorités sur divers aspects de leur détention : conditions de détention, soins médicaux inadaptés, interdiction de fumer, agissements des fonctionnaires pénitentiaires, accès limité à Internet, etc.

222.Depuis le 1er octobre 2017, il est formellement interdit de fumer dans les locaux pénitentiaires, aussi bien pour les détenus que pour le personnel et les autres personnes. À ce jour, les plaintes des détenus demandant la suspension de cette interdiction n’ont été suivies d’effet à aucun niveau, y compris devant les tribunaux.

223.Le nombre de plaintes de détenus sur la période 2014-2018 a représenté respectivement 43,8 %, 36 %, 30,6 %, 33,9 % et 26,8 % des plaintes portées devant la justice administrative, ce qui montre que les détenus connaissent bien les recours juridiques auxquels ils ont accès et qu’ils sont tout à fait capables de s’en prévaloir. Il est clair que les détenus connaissent bien leurs droits et savent comment porter plainte, puisque plusieurs plaintes ont été portées devant la Cour suprême et même devant la Cour européenne des droits de l’homme.

224.L’article 1-1 (par. 5) de la loi relative à l’emprisonnement dispose que les détenus ont le droit de contester un acte ou une mesure de l’administration pénitentiaire devant le tribunal administratif à condition qu’ils aient préalablement adressé une contestation à l’administration pénitentiaire ou au Ministère de la justice et que celle-ci ait été déclarée irrecevable, partiellement accueillie ou rejetée ou soit demeurée sans réponse pendant la durée de la peine. En conséquence, la loi prévoit que les moyens de recours disponibles doivent obligatoirement être épuisés avant d’ouvrir une procédure devant les tribunaux administratifs pour contester un acte ou une mesure de l’administration pénitentiaire. Une plainte peut également être déposée si l’administration pénitentiaire ou le Ministère de la justice rejette de manière injustifiée une contestation (arrêt de la chambre administrative de la Cour suprême n° 3-3-1-30-12, par. 18, du 8 octobre 2012).

225.Plusieurs détenus ayant dénoncé des conditions de détention non conformes à la loi et aux normes internationales ont eu gain de cause au niveau national et au niveau de la Convention européenne des droits de l’homme et ont obtenu des dommages et intérêts. Il convient de citer, à titre d’exemple, les récentes décisions rendues par la Cour européenne des droits de l’homme le 29 février 2019, dans les affaires Nikitin c. Estonie (n° 23226/16), Villems c. Estonie (n° 43059/16), Jeret c. Estonie (n° 59152/16), Kaziks c. Estonie (n° 63211/16), Tarasovski c. Estonie (n° 75362/16), Karp c. Estonie (n° 57738/16) et Savva c. Estonie (n° 60178/16). Les plaintes concernaient les conditions de détention dans la prison de Tallinn, qui a fermé depuis.

226.Les modifications de la loi relative à l’emprisonnement décrites ci-après montrent que les détenus connaissent leurs droits et que leur recours à la protection judiciaire a conduit le Parlement à présenter plusieurs propositions de loi.

227.En 2018, le Parlement a inscrit à l’ordre du jour de la session parlementaire une proposition de loi portant modification de la loi relative à l’emprisonnement visant à permettre aux détenus d’avoir accès à Internet. Toutefois, à la suite des élections législatives du 3 mars 2019, cette proposition de loi a été retirée et le nouveau gouvernement doit décider s’il la présentera à nouveau ou pas. La proposition de loi dispose que les détenus pourront utiliser des ordinateurs spécialement paramétrés, sous le contrôle de l’administration pénitentiaire, pour accéder aux sites du Riigikogu et du Chancelier de justice. Ils n’auront cependant pas accès aux pages des sites Web qui permettent de communiquer par voie électronique. La loi en vigueur ne permet pas aux détenus d’accéder à Internet. Toutefois, sous le contrôle de l’administration pénitentiaire, ils peuvent accéder aux bases de données officielles concernant la législation et le registre des décisions de justice. Cette modification résulte d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Kalda c. Estonie (arrêts du 19 janvier 2016, affaire n° 17429/101), selon laquelle le fait qu’un détenu n’ait pas été autorisé à accéder aux sites Web du Riigikogu, du Chancelier de justice et du service d’information du Conseil de l’Europe à Tallinn (qui n’existe plus aujourd’hui) constitue une violation de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

228.Au paragraphe 12 de ses observations finales, le Comité a exprimé sa préoccupation au sujet de la discrimination dont pourraient être victimes les détenus qui ne maîtrisent pas l’estonien. Selon l’administration pénitentiaire du Ministère de la justice, les fonctionnaires en contact direct avec les détenus maîtrisent suffisamment le russe pour communiquer avec les détenus ne parlant pas estonien. L’administration pénitentiaire garantit qu’aucun détenu n’a été puni parce qu’il ne parlait pas la langue officielle. Les détenus ne peuvent être punis que pour avoir commis des infractions spécifiquement prévues par la loi.

229.Les droits des détenus qui ne maîtrisent pas l’estonien sont protégés grâce à l’intervention d’un interprète dans le cadre des procédures administratives (contestations et demandes de dommages et intérêts), des procédures ouvertes devant une juridiction administrative et des procédures pénales.

230.Conformément aux dispositions de l’arrêté n° 72 du Ministère de la justice relatif au règlement intérieur des établissements pénitentiaires (30 novembre 2000), les réclamations adressées au Ministère de la justice dans une langue étrangère pour contester des actes ou des mesures prises par le directeur de la prison, les réclamations contenant des annexes dans une langue étrangère adressées au directeur de la prison, et les demandes de dommages et intérêts contenant des annexes dans une langue étrangère adressées au Ministère de la justice ou à un établissement pénitentiaire sont, avant d’être acceptées, confiées par l’administration pénitentiaire à un traducteur avec lequel elle a passé contrat. En outre, lorsque le détenu ne dispose pas des fonds suffisants sur son compte nominatif, les frais de traduction sont pris en charge par l’établissement pénitentiaire. Ainsi, lorsqu’un détenu souhaite défendre ses droits en contestant un acte ou une mesure ou en demandant des dommages et intérêts, il a accès à des services de traduction, pris en charge par l’établissement pénitentiaire si nécessaire.

231.Il est en outre possible d’apprendre l’estonien en prison tout en percevant une rémunération. Conformément à la loi relative à l’emprisonnement (art. 34, par. 4), les détenus qui ne maîtrisent pas l’estonien peuvent demander à suivre des cours d’estonien. La formation est organisée sur le temps de travail (art. 34, par. 5), de sorte que les participants sont dispensés de leur obligation de travail pendant les cours. En fonction du type de cours, la formation est prise en charge par le budget de l’État ou par l’administration pénitentiaire ; elle est donc gratuite pour le détenu dans tous les cas. Sur la période 2014-2018, le pourcentage de détenus ayant étudié l’estonien contre rémunération a été de 28 %, 26 %, 23 %, 23 % et 18 %, respectivement, dont environ la moitié ont terminé la formation avec succès chaque année.

Article 7

232.À l’automne 2015, la Radiotélévision publique estonienne a lancé une chaîne de télévision en russe, ETV+. Il existe également en Estonie des chaînes privées en langue russe. Les stations de radio russophones les plus populaires sont Russkoe Radio et Radio 4 (station publique).

233.La presse régionale en langue russe est diffusée presque partout en Estonie, là où vivent des personnes de langue maternelle russe ; de nombreuses collectivités locales publient les informations locales en estonien et en russe dans les journaux locaux.

234.En 2016, selon Statistics Estonia, 17 % des livres, 157 périodiques, 42 magazines et 36 journaux ont été publiés dans des langues minoritaires, dont un quotidien national en russe. Il existe aussi des portails d’information nationaux en russe : rus.err.ee, delfi.ru, dv.ee, veneportaal.ee, rus.postimees.ee, mke.ee et vecherka.ee.

235.Deux journaux littéraires et culturels russophones (Vyshgorod et Plug) publient le travail des auteurs russes et russo-estoniens et quelque 20 magazines commerciaux en russe sont diffusés en Estonie. Le Ministère de la culture, le Fonds de dotation culturelle d’Estonie et le Conseil estonien de la taxe sur les jeux soutiennent la publication de magazines culturels en russe et la traduction en russe du magazine pour enfants estonien Täheke.

236.Les activités culturelles des minorités nationales bénéficient du soutien du Ministère de la culture, de la Fondation pour l’intégration, du Ministère de l’éducation et de la recherche, du Centre estonien de culture populaire, du Fonds de dotation culturelle d’Estonie, du Conseil estonien de la taxe sur les jeux, de la Fondation nationale de la société civile et des collectivités locales. En 2017, l’Estonie comptait environ 300 associations et 21 regroupements d’associations culturelles de minorités nationales.

237.Les associations culturelles de minorités nationales peuvent demander à bénéficier du financement de base de la Fondation pour l’intégration, par l’intermédiaire des regroupements d’associations. Un regroupement d’associations rassemble au moins cinq associations culturelles de minorités nationales et mène des activités destinées à assurer le fonctionnement durable et le développement systématique des associations qui représentent la culture des minorités nationales. Le Ministère de la culture finance également un programme de soutien aux associations culturelles de minorités ethniques, coordonné par la Fondation pour l’intégration en 2016, visant à préserver et à développer les cultures et les langues de ces minorités et à favoriser leur intégration. Le Ministère de la culture accorde chaque année des aides financières en faveur de l’autonomie culturelle des minorités nationales.

238.L’Estonie encourage la préservation des traditions culturelles authentiques des minorités nationales dans le cadre de divers programmes culturels régionaux. Le programme culturel de Peipsiveere, mis en œuvre pour soutenir et faire connaître la culture historique des vieux-croyants russes, a pour objectif d’assurer la survie des villages situés le long des rives du lac Peïpous, qui constitue le principal espace culturel des vieux-croyants russes. Le programme permet d’organiser des festivals, des formations d’initiation aux traditions, des camps de vacances d’été pour les enfants et un programme spécial permettant d’inscrire le patrimoine culturel local dans le programme scolaire.

239.L’objectif du programme culturel du territoire Setomaa est de préserver les spécificités culturelles et linguistiques, le mode de vie local, les traditions, les coutumes et les talents de ce territoire. Il vise également à consolider la langue et le patrimoine setos, à encourager l’utilisation de la langue seto et à mettre en valeur cette communauté au sein de l’environnement culturel. Le programme soutient les objectifs des conventions de l’UNESCO suivantes : la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

240.Le programme « Environnement culturel traditionnel des îles » a pour but de mettre en valeur et de redynamiser le mode de vie, les traditions, les coutumes, les talents et les caractéristiques linguistiques des îles estoniennes et des zones côtières suédoises.

241.Plusieurs minorités nationales et groupes ethniques ont créé des musées pour présenter leurs cultures nationales : musées russes (Tallinn et Kohtla-Järve), musée des zones côtières suédoises, musée tchouvache et musée juif (Tallinn). Il existe également un Centre culturel russe et un Centre culturel ukrainien.

242.La participation des personnes d’autres nationalités à la vie culturelle estonienne et leur familiarisation avec la culture estonienne font l’objet d’une attention particulière. Les activités communes qui favorisent les contacts entre Estoniens et non-Estoniens sont considérées comme prioritaires. En 2016, des fonds publics ont été alloués à 13 théâtres et musées pour acheter des équipements techniques leur permettant d’offrir leurs services (spectacles, expositions) en russe et en anglais et pour favoriser la participation des personnes marginalisées et des nouveaux immigrés à la vie culturelle estonienne.

243.Des fonds publics ont également été alloués à l’organisation à but non lucratif Fenno- Ugria, en sa qualité de centre d’excellence pour la promotion de la culture et de l’éducation des peuples finno-ougriens en Estonie. Le Ministère de la culture subventionne régulièrement les théâtres professionnels et amateurs, les organisations et agences de concerts, les musées, les maisons d’édition, les évènements littéraires et les festivals des minorités nationales. Le 8e Congrès mondial des peuples finno-ougriens aura lieu en 2020 à Tartu.

244.En 2017 et 2018, le Ministère de la culture a lancé une nouvelle plateforme de coopération consacrée au travail de terrain des fonctionnaires du comté de Viru-Est. L’objectif était de proposer des idées pour élaborer des stratégies nationales, avec la participation des divers ministères, collectivités locales et organisations partenaires. Pendant une semaine de travail de terrain, du 7 au 11 août 2017, 30 réunions ont été organisées dans cinq villes du comté. En août 2018, des réunions et séminaires ont été organisés dans huit collectivités locales. Le programme, d’une durée de deux semaines, a mobilisé 3 ministres, près de 200 fonctionnaires de 15 services de l’État et 500 responsables des collectivités locales du comté de Viru-Est, afin de proposer des idées et des solutions pour dynamiser le développement du comté. Dans le cadre de cette semaine de travail, les fonctionnaires de l’État ont pu rencontrer plusieurs partenaires de coopération du comté de Viru-Est, se maintenir informés des dernières évolutions et organiser des tables rondes et des séminaires. Ils ont pu travailler ensemble dans un bureau mis à leur disposition sur le campus de l’Université de Tartu à Narva. Les idées proposées pendant la semaine de travail ont été présentées et évaluées lors de la conférence finale.

245.Les solutions proposées dans le cadre des séminaires seront prises en compte dans les plans de développement locaux et nationaux. Un réseau et une plateforme de dialogue dédiés seront créés à l’intention des fonctionnaires de l’État, afin de contribuer au développement du comté au niveau local (pour plus d’informations, consulter le site Web du Ministère de la culture : https://www.kul.ee/et/valitood).

246.En 2018, pendant quinze jours, la Présidente de la République a travaillé avec son cabinet à Narva. Elle y a rencontré des promoteurs locaux et s’est rendue dans des entreprises, des municipalités, des écoles, des associations de la société civile et des institutions publiques. Plusieurs réunions de travail et cérémonies qui ont habituellement lieu à Tallinn se sont déroulées à Narva. Le but était de contribuer à renforcer l’intégration du comté de Viru-Est en Estonie et de casser les stéréotypes sur la région.

247.Afin de renforcer la participation des associations de la société civile du comté de Viru-Est à l’élaboration des politiques et au processus décisionnel, le Ministère de la culture va implanter un certain nombre d’institutions dans ce comté (Fondation pour l’intégration, Maison de la langue estonienne, Centre de services culturels de Narva Vaba Lava). Il va également soutenir divers évènements culturels qui feront venir dans le comté de Viru-Est des personnes habitant dans d’autres régions du pays et qui contribueront à la création d’entreprises dans la région.

Maisons de la langue estonienne

248.Une forte proportion de résidents estoniens dont l’estonien n’est pas la langue maternelle ont une connaissance passive de cette langue. Le programme de suivi de l’intégration en Estonie réalisé en 2015 a montré que 48 % d’entre eux avaient une connaissance passive de l’estonien et que 15 % ne connaissaient pas du tout cette langue. Le travail de recherche appliquée sur le thème « Formation à la langue estonienne des adultes dont l’estonien n’est pas la langue maternelle dans le cadre de la politique pour l’intégration et l’emploi : Qualité, résultats et organisation », réalisé en 2018 par l’Université de Tallinn et le Centre estonien de recherche appliquée, a montré que près de la moitié (43 à 54 %) des adultes dont l’estonien n’est pas la langue maternelle avaient de bonnes compétences en estonien. En 2018, moins de 10 % des personnes âgées de 15 à 74 ans n’avaient aucune compétence en estonien.

249.La Fondation pour l’intégration est chargée de l’organisation des cours gratuits d’estonien, des cafés des langues et des clubs de langues pour adultes. En 2016, le Gouvernement a pris l’initiative de créer une Maison de la langue estonienne à Narva, dans le cadre d’un plan d’action à long terme pour améliorer les compétences en langue estonienne des habitants de Narva et du comté de Viru-Est. En 2018, le Gouvernement a alloué une somme de 2 millions d’euros sur le budget de l’État pour les Maisons de la langue estonienne de Tallinn et de Narva, qui ont ouvert respectivement à la fin de 2018 et au premier semestre 2019. Les Maisons des langues ont pour mission d’informer sur les modalités d’apprentissage de l’estonien, de tester le niveau de langue, de créer des supports pédagogiques pertinents en ligne et d’assurer la disponibilité des cours de langue et leur adéquation aux besoins du marché du travail. Elles fournissent également une aide méthodologique et des informations aux professeurs d’estonien qui interviennent auprès d’un public adulte. Il est prévu de faire participer des bénévoles et des représentants de la société civile intéressés par la coopération dans le domaine de l’intégration et de promouvoir les réseaux et les contacts sociaux entre personnes dont la langue maternelle est l’estonien et personnes ayant une autre langue maternelle.

250.En 2018, un programme de formation destiné aux personnes qui enseignent l’estonien et aux responsables d’activités de soutien aux formations d’estonien dispensées dans le cadre des Maisons de la langue estonienne a été mis au point, en coopération avec l’Université de Tartu. Les Maisons de la langue estonienne de Tallinn et de Narva proposent des cours d’estonien (niveaux A1 à C1). En outre, elles accompagnent les personnes qui étudient la langue de manière indépendante et proposent l’acquisition de compétences linguistiques pratiques dans le cadre des cafés des langues et des clubs de langue et de culture estoniennes.

Investissements et événements culturels à Narva

251.La faillite de la Krenholm Manufacturing Company en 2010 a été un choc pour les habitants de Narva, car l’usine était un élément important de l’identité de Narva et un employeur majeur pour la région. Le site de Krenholm a néanmoins un haut potentiel pour devenir un pôle d’attraction. Des investissements publics et divers événements culturels publics visent à améliorer le cadre de vie et à rendre la ville attractive pour les jeunes. Entre 2015 et 2018, un certain nombre d’investissements ont été réalisés et de nouveaux projets culturels inclusifs ont été mis en place dans le comté de Viru-Est et notamment à Narva. En 2015, la Fondation de l’Académie estonienne des arts, en collaboration avec Narva Gate OÜ, a lancé la création d’un lieu de résidence artistique dans le quartier historique de Krenholm. Narva Art Residency est un centre d’art et de création multifonctionnel, un espace culturel et un établissement d’enseignement, mais aussi un lieu où les étudiants de l’Académie estonienne des arts peuvent suivre leur formation pratique. Il joue un rôle important pour diversifier la vie culturelle de la région et la rendre plus internationale.

252.À la fin 2018 et au début 2019, le centre contemporain des arts du spectacle Vaba Lava a ouvert à Narva, dans les locaux de l’ancien site industriel et militaire soviétique Baltijets. Par ailleurs, une Maison de la langue estonienne etla pépinière créative Objekt de la Fondation pour l’intégration se sont installées à Narva en 2018, entraînant la création d’emplois dans le domaine des arts. Narva compte également un studio moderne appartenant à la chaîne de télévision ETV+. Le centre Vaba Lava, qui réunit un théâtre, une cafétéria, une galerie, un incubateur multimédia et une Maison de la langue estonienne, a redonné vie à l’ancien site industriel militaire. Le campus de l’Académie estonienne des sciences de la sécurité, avec une piscine moderne et des bâtiments d’études à l’architecture moderne, est en cours de conception. Depuis 1999, le campus de l’Université de Tartu à Narva propose des formations dans le domaine des sciences de l’éducation, de l’animation socio-éducative, de l’organisation des collectivités territoriales, de l’administration des entreprises et de la gestion de projets.

253.En janvier 2018, Narva a présenté sa candidature pour devenir capitale européenne de la culture en 2024. De nombreux festivals et évènements culturels ont été organisés dans la région à la suite de cette initiative, présentant Narva comme une capitale de la culture. Les actions prévues constituent un cadre approprié pour mettre en place un travail national et international plus approfondi. Pendant la période de candidature, le plan de développement culturel de la ville à long terme sera mis à jour ; une stratégie détaillée de participation et un plan de communication internationale seront également élaborés. La première édition du festival de musique et de culture urbaines Station Narva a eu lieu en 2017. En août 2018, la saison estivale du théâtre Tartu Uus, organisée sur le site de la Krenholm Manufacturing Company, a été suivie par 23 300 spectateurs. Le festival international de musique Baltic Sun s’est déroulé en juillet 2018. Enfin, les journées de l’opéra et le festival IDeeJazz ont été organisés à Narva respectivement en septembre et novembre 2018.

254.Plusieurs évènements culturels ont eu lieu à Narva et dans le comté de Viru-Est. Ils ont suscité un intérêt pour la région et pour les événements qui s’y déroulent, y compris de la part de personnes d’autres régions. Cet attrait a favorisé le développement du tourisme national et la communication entre les personnes.