Nations Unies

CRC/C/OPAC/RWA/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

8 juillet 2013

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le rapport initial du Rwanda, soumis en application de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, adoptées par le Comité à sa soixante-troisième session (27 mai-14 juin 2013)

Le Comité a examiné le rapport initial soumis par le Rwanda en application du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/RWA/1) à sa 1794e séance (voir CRC/C/SR.1794), le 31 mai 2013, et a adopté à sa 1815e séance, le 14 juin 2013, les observations finales ci-après.

I.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie (CRC/C/OPAC/RWA/1), qui contient des renseignements détaillés sur l’application des droits garantis par le Protocole facultatif, ainsi que les réponses écrites à la liste des points à traiter (CRC/C/OPAC/RWA/Q/1/Add.1), en ayant à l’esprit les difficultés que pose l’élaboration de ces documents pour les États parties qui les établissent pour la première fois. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles concernant ses troisième et quatrième rapports périodiques sur l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/RWA/CO/3-4), ainsi qu’avec celles concernant son rapport initial sur l’application du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/RWA/CO/1), adoptées le 14 juin 2013.

II.Observations générales

Aspects positifs

Le Comité accueille favorablement la ratification par l’État partie du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants en février 2008.

Le Comité prend acte avec satisfaction des diverses mesures prises par l’État partie dans des domaines touchant à la mise en œuvre du Protocole facultatif, parmi lesquelles l’adoption de:

a)La loi no 54/2011 du 14 décembre 2011 relative aux droits et à la protection de l’enfant;

b)La loi no 25/2004 du 19 novembre 2004 portant création, organisation et fonctionnement du service local chargé d’assurer le maintien de la sécurité (dénommé «Local Defence»), qui fixe à 18 ans l’âge minimum de l’enrôlement volontaire dans les forces locales de défense;

c)La loi no 19/2002 du 17 mai 2002 instituant les Forces rwandaises de défense et l’arrêté présidentiel no 155/01 du 31 décembre 2002 portant statut régissant la police nationale, qui interdit l’enrôlement d’enfants de moins de 18 ans dans les Forces rwandaises de défense et dans la police nationale, respectivement.

Le Comité note également acte avec satisfaction des progrès accomplis en ce qui concerne la mise en place d’institutions et l’adoption de plans et de programmes nationaux destinés à faciliter l’application du Protocole facultatif, notamment la création en juin 2011 de la Commission nationale de l’enfance.

III.Mesures générales d’application

Diffusion et sensibilisation

Le Comité accueille avec satisfaction l’information donnée par l’État partie indiquant que la Commission nationale des droits de l’homme a traduit le Protocole facultatif en kinyarwanda, avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), mais il est préoccupé par le fait que les principes et les dispositions de cet instrument sont méconnus du grand public en général et des enfants en particulier.

Eu égard au paragraphe 2 de l ’ article 6 du Protocole facultatif, le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour diffuser largement les principes et dispositions du Protocole facultatif auprès de la population en général et des enfants en particulier.

Formation

Le Comité relève que l’État partie a organisé des formations sur les droits de l’enfant destinées aux membres de la police nationale et des forces armées, à tous les niveaux de la hiérarchie mais il regrette que les programmes de formation suivis par les militaires et les agents des forces de l’ordre, notamment ceux qui prennent part à des opérations internationales de maintien de la paix, ne traitent pas spécifiquement des dispositions du Protocole facultatif. En outre, il note avec préoccupation que ces activités sont conçues principalement pour les membres des forces armées et qu’elles ne sont pas assez axées sur les professionnels travaillant avec ou pour les enfants.

Le Comité encourage l ’ État partie à proposer une formation sur le Protocole facultatif à l ’ ensemble des membres du personnel militaire ou civil des forces armées, y compris ceux qui participent aux opérations internationales de maintien de la paix, et à faire systématiquement figurer les dispositions du Protocole facultatif au programme des cours qui leur sont destinés. Il lui recommande en outre de veiller à ce que toutes les personnes travaillant avec et pour les enfants, en particulier les agents des autorités travaillant avec et pour les enfants demandeurs d ’ asile ou réfugiés, les membres de la police, les avocats, les juges, les juges militaires, les professionnels de la santé, les travailleurs sociaux et les journalistes , reçoivent une formation sur le Protocole facultatif.

IV.Prévention

Droits de l’homme et éducation à la paix

Le Comité regrette que l’éducation aux droits de l’homme, à la tolérance et à la paix ainsi que la sensibilisation au Protocole facultatif ne soient pas expressément inscrites dans les programmes d’enseignement obligatoire du primaire et du secondaire et les programmes de formation des enseignants.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ inscrire l ’ éducation aux droits de l ’ homme, à la tolérance et à la paix dans les programmes de tous les établissements scolaires et les programmes de formation des enseignants, en mettant l ’ accent sur le Protocole facultatif.

V.Interdiction et questions connexes

Législation et réglementation pénales en vigueur

Le Comité note avec satisfaction que plusieurs lois nationales fixent à 18 ans l’âge de l’enrôlement volontaire dans les forces armées, y compris les forces de police nationale et les forces locales de défense, mais il est préoccupé par le fait que le droit interne ne comporte pas de dispositions érigeant expressément en infraction l’enrôlement et l’enrôlement d’enfants et leur utilisation dans des hostilités par les forces armées nationales et par des groupes armés non étatiques.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des dispositions législatives érigeant expressément en infraction l ’ enrôlement d ’ enfants de moins de 18 ans et l eur utilisation dans des hostilités par les forces armées nationales et par des groupes armés non étatiques.

Enrôlement et utilisation d’enfants par des groupes armés non étatiques

Le Comité est gravement préoccupé par la situation à la frontière rwando-congolaise où, d’après plusieurs rapports, dont celui établi en 2012 par le Groupe d’experts chargé d’examiner l’embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo, les groupes armés opérant dans la région orientale de la République démocratique du Congo, en particulier les milices du Mouvement du 23 mars (M23) et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), continuent d’enrôler des enfants rwandais et des enfants réfugiés qui se trouvent sur le territoire du Rwanda et à les utiliser dans les hostilités. Le Comité prend acte de la création en septembre 2012 du mécanisme conjoint de vérification et de l’élargissement de sa composition mais relève avec préoccupation que ce mécanisme ne prévoit pas dans sa structure de système de protection de l’enfance permettant de prévenir les risques spécifiques auxquels sont exposés les enfants susceptibles d’avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités et de répondre à leurs besoins particuliers.

Le Comité exhorte l ’ État partie à prendre immédiatement des mesures pour mettre fin à ces actes, qui se produisent sur un territoire relevant de sa juridiction. Il  lui recommande en particulier:

a) D ’ adopter et d ’ appliquer de toute urgence un plan d ’ action global assorti d ’ échéances pour mettre fin à l ’ utilisation et à l ’ enrôlement d ’ enfants rwandais et d ’ enfants réfugiés par des groupes armés non étatiques opérant dans la République démocratique du Congo, notamment en surveillant étroitement ses frontières et en mobilisant les communautés locales. À cette fin, l ’ État partie est encouragé à solliciter l ’ assistance d ’ organismes des Nations Unies, dont le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance (UNICEF), pour empêcher que des enfants ne soient illégalement enrôlés sur le territoire rwandais;

b) De renforcer les cadres de coopération transfrontière et d ’ intensifier les échanges d ’ informations avec la République démocratique du Congo afin de rapatrier au Rwanda les enfants qui ont participé à des conflits armés et de veiller à ce que les enfants, en particulier ceux qui vivent dans les zones limitrophes et dans les camps de réfugiés, ne soient pas enrôlés de nouveau par des groupes armés non étatiques;

c) D ’ ouvrir sans délai des enquêtes indépendantes sur les graves allégations selon lesquelles des personnes faciliteraient l ’ enrôlement d ’ enfants et leur u tilisation d ’ enfants dans des hostilités pour le compte du M23;

d) De veiller à ce que les individus soupçonnés d ’ appuyer et de faciliter l ’ enrôlement d ’ enfants et l eur utilisation dans des hostilités par des groupes armés, dont le M23, soient arrêtés et poursuivis;

e) D ’ encourager et de promouvoir la création d ’ un système de protection de l ’ enfant au sein du mécanisme conjoint de vérification, en collaboration avec les autres membres de ce mécanisme, afin de prévenir les risques spécifiques courus par les enfants enrôlés ou utilisés dans des hostilités ou susceptibles de l ’ avoir été, et de répondre à leurs beso ins en matière de protection;

f) De faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures spécifiques prises pour donner suite à ces recommandations.

Compétence extraterritoriale et extradition

Le Comité note avec préoccupation que, malgré l’arrestation en janvier 2009 de Laurent Nkunda, chef rebelle congolais qui serait impliqué dans l’enrôlement d’enfants et leur utilisation dans des hostilités, l’État partie n’a pris aucune mesure judiciaire concrète contre cet individu afin de donner suite à ces allégations et ne l’a pas non plus extradé vers la République démocratique du Congo.

Le Comité exhorte l ’ État partie à prendre des mesures tangibles pour appliquer une politique de tolérance zéro afin que les auteurs de violations du Protocole facultatif commises sur son territoire aient à répondre de leurs actes , notamment en veillant à ce que des enquêtes indépendantes et impartiales soient ouvertes sans délai sur les allégations imputant la responsabilité de l ’ enrôlement et de l ’ utilisation d ’ enfants dans des hostilités à Laurent Nkunda et à d’autres personnes qui se trouveraient sur un territ oire relevant de sa juridiction et en engageant des poursuites contre eux, s ’ ils sont inculpés, ou en les extradant vers la République démocratique du Congo conformément aux procédures définies dans son droit interne. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie d ’ adhérer au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

VI. Protection, réadaptation et réinsertion

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

Compte tenu du conflit armé sévissant dans la République démocratique du Congo, État voisin du Rwanda, et du grand nombre de réfugiés − dont des enfants − provenant de ce pays, qui sont accueillis dans l’État partie, le Comité est préoccupé par l’absence de dispositif permettant de repérer le plus tôt possible les enfants réfugiés et les enfants demandeurs d’asile ou les enfants migrants qui sont susceptibles d’avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités par des groupes armés opérant à l’étranger ou qui risquent d’être victimes de ces pratiques. Le Comité est également préoccupé par:

a)L’absence de mécanisme permettant de prendre en charge ces enfants et de leur offrir des services visant notamment à favoriser leur réadaptation psychosociale et physique et leur réinsertion; et

b)L’absence de programmes de formation à l’intention du personnel chargé de la surveillance des frontières et des agents de l’immigration, des membres de la police, des avocats, des médecins, des travailleurs sociaux ainsi que des autres personnes travaillant avec ou pour les enfants sur ce type de mécanismes et de services.

Le Comité recommande à l ’ État partie de:

a) Mettre en place un dispositif permettant de repérer le plus tôt possible les enfants réfugiés et demandeurs d ’ asile et les enfants migrants qui sont susceptibles d ’ avoir été enrôlés et/ou utilisés dans des hostilités par des groupes armés opérant à l ’ étranger ou qui risquent de l ’ être;

b) Prendre toutes les mesures voulues pour répondre aux besoins en réadaptation physique et psychologique de ces enfants, y compris les filles, et élaborer et appliquer un programme tendant à leur apporter une assistance et un soutien. L ’ État partie est encouragé à solliciter l ’ assistance technique des organismes et programmes compétents de l ’ ONU, dont le Haut-Commissariat des Nations Unies pour le s réfugiés (HCR) et l’UNICEF;

c) Veiller à ce que tous les professionnels des personnes qui sont en contact avec des enfants, en particulier les agents des autorités travaillant pour et avec les enfants demandeurs d ’ asile ou réfugiés, comme le personnel chargé de la surveillance des frontières et les agents de l ’ immigration, ainsi que les membres de la police, les avocats, les juges, les professionnels de la santé et les travailleurs sociaux reçoivent une information adéquate sur ce type de mécanismes et de services et sur le Protocole facultatif.

Démobilisation et réinsertion

Le Comité salue la création en avril 2002 de la Commission rwandaise de démobilisation et de réinsertion et les efforts déployés par celle-ci pour rapatrier les enfants rwandais enrôlés ou utilisés dans des hostilités par les groupes armés opérant dans la République démocratique du Congo, leur offrir une éducation et un accompagnement psychologique et les faire bénéficier de services et de programmes d’insertion et de regroupement familial. Le Comité est toutefois profondément préoccupé par les renseignements fournis par l’État partie d’après lesquels le taux de rapatriement des enfants rwandais demeurerait faible, en particulier s’agissant des filles. Il est également préoccupé par l’absence de programmes expressément conçus pour remédier aux problèmes et répondre aux besoins spécifiques des filles dans le contexte du processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion.

Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour repérer et rapatrier les enfants rwandais enrôlés et utilisés dans des hostilités par les groupes armés opérant dans la République démocratique du Congo, de renforcer les cadres de coopération transfrontière et l ’ échange d ’ informations avec cet État et de solliciter l ’ assistance et les services du HCR, de l ’ UNICEF, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ainsi que des autres organes internationaux, régionaux et sous-régionaux concernés. Il lui recommande également d ’ accorder une attention particulière aux filles, notamment aux mères adolescentes et à leurs enfants, lors de l ’ élaboration et de la mise en œuvre des politiques et des programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion.

VII.Assistance et coopération internationales

Le Comité salue le rôle actif joué par l ’ État partie en tant que membre de la Communauté économique des pays des Grands Lacs et de la Communauté d ’ Afrique de l ’ Est, notamment à l ’ occasion de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs. À ce propos, il lui recommande de renforcer sa coopération bilatérale et multilatérale avec d ’ autres États aux fins de l ’ application du Protocole facultatif, conformément à l ’ article 7 de cet instrument, en particulier avec les pays de la région, afin de mettre fin à l ’ enrôlement et à l ’ utilisation d ’ enfants dans les conflits armés.

VIII.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour garantir la pleine mise en œuvre des présentes recommandations, notamment en les transmettant au chef de l ’ État, au Parlement, à la Haute Cour, aux ministères compétents, dont le Ministère de la défense, et aux responsables des autorités provinciales et locales, pour examen et suite à donner.

Le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites de l ’ État partie et les recommandations s’y rapportant (observations finales) adoptées par le Comité soient largement diffusés dans les langues nationales, y compris (mais pas exclusivement) par Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupements professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et de faire mieux connaître le Protocole facultatif, sa mise en œuvre et son suivi.

IX.Prochain rapport

Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l ’ État partie de faire figurer des renseignements complémentaires sur l ’ application du Protocole facultatif et la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il soumettra au titre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, attendu le 22 février 2018 au plus tard.