NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/OPAC/CHL/CO/113 février 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante ‑septième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 8 DU PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, CONCERNANT L’IMPLICATION D’ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMÉS

Observations finales: Chili

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Chili (CRC/C/OPAC/CHL/1) à sa 1305e séance (voir CRC/C/SR.1305), tenue le 28 janvier 2008, et a adopté, le 1er février 2008, les observations finales ciaprès.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie ainsi que les réponses détaillées qui ont été données à sa liste des points à traiter (CRC/C/OPAC/CHL/Q/1/Add.1). Il se félicite également du dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation intersectorielle de haut niveau de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec les observations finales qu’il a adoptées le 2 février 2007 à l’issue de l’examen du troisième rapport périodique de l’État partie (CRC/C/CHL/CO/3) et avec celles qu’il a adoptées le 1er février 2008 au sujet du rapport initial présenté par celui-ci en application du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/CHL/CO/1).

B. Aspects positifs

4.Le Comité se félicite de ce que la loi chilienne (décret‑loi no 2306 du 12 septembre 1978 sur le recrutement et la mobilisation des forces armées tel que modifié par la loi no 20045 sur la modernisation du service militaire obligatoire) dispose que les enfants de moins de 18 ans ne peuvent participer aux hostilités et que l’enrôlement ne devient obligatoire qu’à partir de l’âge de 18 ans.

5.Le Comité se félicite également de la ratification par l’État partie des instruments suivants:

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 6 février 2003;

b)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le 21 mars 2005;

c)La Convention no 182 de l’Organisation internationale du Travail concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, le 17 juillet 2000.

I. MESURES D’APPLICATION GÉNÉRALES

Diffusion et formation

6.Tout en notant que les programmes de formation des membres des forces armées et de la police comprennent un enseignement sur les droits de l’homme, le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas pris de mesures en vue de diffuser le Protocole facultatif auprès du grand public, et en particulier auprès des enfants.

7. Le Comité encourage l’État partie à offrir des activités de formation au Protocole facultatif aux membres des forces armées et à certaines catégories de profe ssionnels qui travaillent avec d es enfants, telles que les enseignants, aux personnes travaillant dans les médias, aux fonctionnaires des services s’occupant d’enfant s venant de pays touchés par un  conflit armé, aux avocats et aux juges, aux membres des forces armées et de la police et au personnel militaire. Il recommande en outre à l’État partie de faire largement connaître le Protocole facultatif au grand public, et en particulier aux enfants et à leurs parents, au  moyen notamment des programmes scolaires et de l’éducation aux droits de l’homme.

Institution nationale des droits de l’homme

8.Le Comité fait part à nouveau de la préoccupation qu’il avait exprimée lors de l’examen du troisième rapport périodique présenté par le Chili en application de la Convention (CRC/C/CHL/CO/3, par. 14 et 15) face à l’absence d’une institution nationale pour les droits de l’homme indépendante par laquelle les enfants puissent accéder à un mécanisme leur permettant de présenter des plaintes et de demander réparation.

9. Le Comité recommande à l’État partie de faire le nécessaire pour que soit créée sans tarder une institution nationale indépendante des droits de l’homme compte tenu de son Observation générale n o 2 sur le rôle des institutions nationales indépendantes des droits de l’homme dans la promotion et la protection des droits de l’enfant et des Principes de Paris (annexe de la résolution 48/134 de l’Assemblée générale). Cette institution devrait bien connaître les droits de l’enfant, être représentée sur l’ensemble du territoire et être dotée d’un personnel dûment formé et capable de traiter les plaintes de manière respectueuse de la sensibilité de l’enfant; elle devrait garantir que tous les enfants aient facilement accès à ce mécanisme de plainte indépendant en cas de violation de leurs droits , notamment ceux visés par le Protocole facultatif.

II. PRÉVENTION

Écoles militaires

10.Le Comité note que pour entrer dans les écoles militaires il faut avoir achevé quatre années d’études secondaires. Il est toutefois préoccupé par le fait que des enfants n’ayant pas plus de 12 ans puissent fréquenter des établissements qui dispensent une instruction prémilitaire.

11. Le Comité recommande à l’État partie d’ajouter à l’obligation actuelle d’avoir achevé l’enseignement secondaire pour entrer dans une école militaire celle d’être âgé d’au  moins 18 ans. Pour ce qui est des établissements qui dispensent une instruction prémilitaire, le Comité recommande à l’ État partie de veiller, par l’intermédiaire du Ministère de l’ éducation, à ce que leur enseignement théorique et pratique fasse l’objet d’un suivi et qu’il ne comprenne pas d’entraînement militaire ou d’entraînement avec des armes quelles qu’elles soient. Le Comité recommande également que soit donnée la suite qu’il convient à toute allégation relative à des actes de violence ou de maltraitance commis dans ces écoles.

Éducation pour la paix

12.Le Comité recommande à l’État partie de renforcer ses programmes et ses activités visant à instaurer un climat de tolérance, de paix et de compréhension, notamment en inscrivant l’éducation aux droits de l’homme, et en particulier l’éducation pour la paix, dans les programmes de toutes les écoles.

III. INTERDICTION ET QUESTIONS CONNEXES

Enrôlement obligatoire

13.Le Comité, nonobstant les éclaircissements fournis par l’État partie à cet égard, reste préoccupé par l’article 69 de la loi sur le recrutement et la mobilisation des forces armées, qui dispose qu’«[e]n temps de guerre, le Président de la République peut mobiliser toutes les personnes, sans distinction de sexe ni limite d’âge, en vue de les affecter aux différents services dont la nation a besoin».

14. Le Comité, s ’ agissant de l ’article  69 de la l oi sur l e recrutement et la mobilisation des  forces armées, recommande à l ’ État partie de garantir que les personnes n ’ ayant pas atteint l ’ âge de 18 ans ne puissent pas faire l ’ objet d ’ un enrôlement obligatoire dans les forces armées, conformément à l ’ article 2 du Protocole, que le pays soit en état de guerre ou pas et quelle que soit la situation d ’ urgence qu ’ il puisse connaître. À cette fin, l ’ État partie pourrait peut ‑ être, dans la loi susmentionnée, indiquer expressément que la disposition en question ne s’applique qu’aux personnes ayant atteint l’âge de 18 ans.

Engagement volontaire

15.Le Comité note que, selon la déclaration faite par l’État partie concernant l’article 3 du Protocole facultatif, l’âge minimum de l’engagement volontaire dans les forces armées nationales est de 17 ou de 18 ans et, qu’à titre exceptionnel, des personnes ayant atteint l’âge de 16 ans et qui remplissent certaines conditions peuvent participer à de tels programmes pour des périodes plus courtes avec l’accord préalable du Directeur général de la Direction générale de la mobilisation nationale du Ministère de la défense nationale et avec le consentement de leurs parents ou de leur tuteur.

16. Le Comité, compte tenu du fait que la grande majorité des États parties au Protocole facultatif n ’ autorise pas l ’ engagement volontaire d ’ enfants, invite l ’ État partie à relever l ’ âge minimum de l ’ engagement volontaire dans ses forces armées à 18  ans afin de favoriser la protection des enfants au moyen d ’ une norme juridique plus exigeante.

Législation et compétence pénales

17.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi no 20045 de septembre 2005, qui modernise le service militaire obligatoire. Il relève cependant que l’État partie, dans sa législation, ne prévoit pas l’incrimination pénale de l’enrôlement obligatoire d’enfants et de l’utilisation d’enfants dans les hostilités ou la possibilité d’établir sa compétence extraterritoriale pour ces crimes.

18. Afin de renforcer les mesures internationales visant à empêcher l ’ enrôlement d ’ enfants et leur utilisation dans les hostilités, le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D e veiller à ce que toute violation des dispositions du Protocole facultatif concernant l ’ enrôlement et l ’ implication d ’ enfants dans des hostilités soit expressément qualifiée d ’ infraction pénale dans la législation de l ’ État partie;

b) D’ envisager d ’ établir sa compétence extraterritoriale pour ces crimes lorsqu ’ ils sont commis par une personne qui a la nationalité de l ’ État partie ou d ’ autres liens avec celui ‑ci, ou lorsqu ’ ils sont commis à l ’ encontre d ’ une telle personne;

c) D e veiller à ce que les codes, manuels et autres directives militaires soient en conformité avec les dispositions du Protocole facultatif;

d) D’ envisager de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Justice militaire

19.Le Comité accueille favorablement le projet de loi du 3 juillet 2007 portant réforme du Code de justice militaire, lequel limiterait la compétence des tribunaux militaires pour juger des civils.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que le projet de réforme du Code de justice militaire soit adopté rapidement et à ce qu’il soit conforme aux normes du droit international humanitaire et du droit des droits de l ’ homme, notamment le Protocole facultatif.

IV. PROTECTION, RÉADAPTATION ET RÉINSERTION

Aide à la réadaptation physique et psychologique

21.Le Comité se félicite de ce que l’État partie ait mis en œuvre un programme de réinstallation pour assurer la protection des réfugiés colombiens, et qu’il se soit engagé à accueillir des réfugiés palestiniens en provenance d’Iraq, notamment des enfants touchés par un conflit armé. Il prend également note avec satisfaction des projets visant à régulariser la situation de tous les enfants entrant sur le territoire de l’État partie, quelle que soit la situation de leurs parents au regard des lois sur l’immigration , en vue de leur garantir l’accès à l’éducation et aux soins de santé dans des conditions d’égalité avec les Chiliens. Le Comité relève toutefois qu’aucune mesure visant expressément à repérer les enfants qui auraient pu être enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger n’a été prise et qu’il n’existe aucun programme de réadaptation et de réinsertion de tels enfants.

22. Le Comité recommande à l’État partie de repérer les enfants entrant au Chili qui auraient pu être enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger, d’évaluer leur situation et de leur fournir immédiatement une assistance multidisciplinaire et adaptée à leur culture en vue de faciliter leur réadaptation physique et psychologique conformément au  paragraphe 3 de l’article 6 du Protocole facultatif.

23. Le Comité fait part à nouveau de sa préoccupation (CRC/C/CHL/CO/3, par. 63 et 64) quant au fait que l’État partie n’a toujours pas adopté de législation adaptée et conforme aux obligations internationales en matière de protection des réfugiés. Il craint, en particulier, que l’absence d’une telle législation ne compromette la possibilité, pour les enfants qui auraient pu être enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger, de bénéficier d’une protection adéquate dans l’État partie.

24. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une législation sur les réfugiés complète et conforme au droit international relatif aux droits de l’homme et aux réfugiés afin de garantir une protection adéquate et l’accès à la procédure de détermination du statut de réfugié aux enfants étrangers qui auraient pu être impliqués dans des hostilités à  l’étranger et qui craignent avec raison d’être persécutés dans leur pays d’origine. Le Comité invite également l’État partie à tenir compte de son Observation générale n o  6  (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine.

25. Le Comité, en outre, recommande à nouveau à l’État partie de ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

V. ASSISTANCE ET COOPÉRATION INTERNATIONALES

26.Le Comité apprend avec satisfaction que l’État partie n’autorise pas l’exportation d’armes vers les pays en situation de conflit.

27. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de renforcer encore son cadre normatif en interdisant expressément la vente d’armes à des pays où l’on sait que des enfants ont été enrôlés ou utilisés dans des hostilités ou dans lesquels ils pourraient l’être.

28. Le Comité recommande en outre que l’État partie, conformément à l’ article 7 du  Protocole facultatif, renforce sa coopération pour la mise en œuvre dudit Protocole, y compris en matière de prévention de toute activité contraire à celui ‑ci et de réadaptation et de réinsertion sociale des personnes victimes d’actes contraires à ses dispositions, au moyen notamment de la coopération technique et de l’assistance financière.

VI. SUIVI ET DIFFUSION

29. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour garantir la pleine application des présentes recommandations, notamment en les transmettant aux députés du Congrès national, au Ministère de la défense et aux autorités locales, s’il y a lieu, afin que ceux ‑ci les examinent et y donnent suite.

30. Le Comité recommande que le rapport initial présenté par l’État partie et les observations finales adoptées par le Comité soient largement diffusés auprès du grand public afin de susciter un débat et de faire mieux connaître le Protocole facultatif, son application et son suivi.

VII. PROCHAIN RAPPORT

31. Conformément au paragraphe 2 de l’article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l’État partie de fournir de plus amples informations sur l’application du Protocole facultatif dans le prochain rapport périodique qu’il présentera au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant et conformément à l’article 44 de celle ‑ci, et qui est attendu le 12 septembre 2012.

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