Nations Unies

CRC/C/OPAC/BIH/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

26 octobre 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante-cinquième session

13 septembre-1er octobre 2010

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

Observations finales: Bosnie-Herzégovine

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Bosnie-Herzégovine (CRC/C/OPAC/BIH/1) à sa 1552e séance (CRC/C/SR.1552) le 16 septembre 2010, et a adopté à sa 1583e séance le 1er octobre 2010, les observations finales ci-après.

Introduction

2.Le Comité accueille avec intérêt la présentation du rapport initial de l’État partie ainsi que les réponses écrites (CRC/C/OPCA/BIH/Q/Add.1) apportées à la liste des points à traiter et il apprécie le dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation interdisciplinaire de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales devraient être rapprochées de celles qu’il avait adoptées au sujet du rapport initial présenté par celui‑ci au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/15/Add.260) et du rapport initial présenté au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/BIH/CO/1).

I.Aspects positifs

4.Le Comité note avec appréciation:

a)La déclaration que l’État partie a faite au moment de la ratification, selon laquelle il ne permettra pas l’enrôlement volontaire de personnes de moins de 18 ans dans ses forces armées;

b)L’adoption de la loi sur la défense de la Bosnie-Herzégovine en janvier 2006, en vertu de laquelle la conscription était abolie et l’âge minimum d’enrôlement dans l’armée fixé à 18 ans;

c)L’adoption de la loi sur les commissaires militaires parlementaires de la Bosnie-Herzégovine en 2009;

d)L’élaboration d’une stratégie nationale de justice de transition visant à améliorer la situation et la protection de toutes les victimes de guerre, ycompris les enfants;

e)L’adoption de la Stratégie de lutte antimines en 2004 et l’engagement pris par l’État partie de retirer toutes les mines terrestres d’ici à 2019;

f)La constitution du Comité de coordination pour le contrôle des armes légères et de petit calibre de la Bosnie-Herzégovine en 2005 et l’adoption de la Stratégie et du Plan d’action pour le contrôle des armes légères et de petit calibre (2008-2012), afin de renforcer la capacité de contrôle réglementaire et de destruction des munitions de surplus.

5.Le Comité se félicite également de ce que l’État partie ait ratifié les instruments suivants ou y ait adhéré:

a)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, le 24 octobre 2008;

b)Le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 1er avril 2008;

c)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le 11 avril 2002.

II.Mesures d’application générales

Diffusion et sensibilisation

6.Tout en notant l’inclusion du Protocole facultatif dans divers programmes éducatifs, le Comité regrette que l’État partie n’ait pas pris de mesures spécifiques visant à promouvoir et à diffuser le Protocole facultatif auprès du public en général et des enfants en particulier ainsi qu’auprès des services de l’État concernés.

7. Eu égard au paragraphe 2 de l ’ article 6 du Protocole facultatif, le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les principes et les dispositions du Protocole facultatif soient largement diffusés auprès du grand public et des enfants ainsi que des représentants de l ’ État.

Formation

8.Le Comité accueille avec intérêt l’information selon laquelle le Protocole facultatif est inclus dans la formation destinée aux nouveaux membres des forces armées de Bosnie-Herzégovine,4 et les membres des forces internationales de maintien de la paix reçoivent une formation sur la protection des enfants. Il regrette cependant que tous les groupes professionnels pertinents, en particulier les officiers des forces armées associés au recrutement, les juges, les procureurs, les agents des services de l’immigration, les commissaires militaires parlementaires et les travailleurs sociaux ne bénéficient pas systématiquement d’une formation appropriée sur les droits de l’homme, notamment sur les dispositions du Protocole facultatif.

9. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De poursuivre et de renforcer les programmes d ’ éducation et de formation sur le Protocole facultatif à l ’ intention des membres des forces armées, notamment ceux qui font partie des forces internationales de maintien de la paix;

b) D ’ élaborer des programmes systématiques d ’ éducation et de formation sur les dispositions du Protocole facultatif à l ’ intention de tous les groupes professionnels travaillant pour et avec les enfants, et en particulier les officiers des forces armées associés au recrutement, les juges, les procureurs, les agents des services d ’ immigration, les commissaires militaires parlementaires et les travailleurs sociaux.

Contrôle indépendant

10.Le Comité prend note de la nomination de commissaires militaires parlementaires, ainsi qu’il a été indiqué par l’État partie au cours du dialogue, qui sont tenus d’informer le Médiateur pour les droits de l’homme de Bosnie-Herzégovine des irrégularités concernant le recrutement dans les forces armées, et du pouvoir du Médiateur d’agir par anticipation dans ces situations. Le Comité est toutefois préoccupé par le manque de clarté au sujet du mandat des commissaires militaires parlementaires en ce qui concerne la mise en œuvre du Protocole facultatif. Il est par ailleurs inquiet du retard accumulé dans la fusion des institutions de médiation au niveau des Entités en un seul Bureau du Médiateur pour les droits de l’homme de Bosnie-Herzégovine afin de garantir le contrôle efficace et indépendant de la mise en œuvre de la Convention et de ses Protocoles facultatifs dans l’État partie.

11. Le Comité recommande que les c ommissaires militaires parlementaires soient expressément chargés, en coopération étroite avec le Médiateur pour les droits de l ’ homme de Bosnie-Herzégovine, de veiller à ce que les forces armées de Bosnie-Herzégovine respectent le Protocole facultatif. En outre, il recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour renforcer l ’institution du Médiateur et de garantir une approche unitaire de la protection et de la promotion des droits de l ’ homme, et de la Convention et de ses Protocoles facultatifs en particulier.

III.Prévention

Éducation à la paix

12. Tout en notant que l ’ éducation aux droits de l ’ homme fait partie des programmes d ’ enseignement primaire et secondaire, le Comité est préoccupé par le fait qu ’ il n ’ existe aucun programme incluant systématiquement l ’ éducation à la paix dans les programmes scolaires. En ce qui concerne son Observation générale n o 1 (2001) sur les buts de l ’ éducation, le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ efforcer d ’ inclure l ’ éducation à la paix dans les programmes scolaires, en prêtant une attention particulière aux infractions visées par le Protocole facultatif.

IV.Interdiction et questions connexes

Législations et réglementations pénales en vigueur

13.Tout en notant l’interdiction d’organiser, d’entraîner, d’équiper ou de mobiliser des groupes armés (autres que les forces armées) en vertu de l’article 162 a) du Code pénal de Bosnie-Herzégovine et reconnaissant que la loi sur le service dans les forces armées de Bosnie-Herzégovine interdit indirectement le recrutement d’enfants, le Comité est préoccupé par le fait que l’enrôlement et l’utilisation dans les conflits armés de personnes de moins de 18 ans ne soient pas expressément interdits ou incriminés dans la législation de l’État et des Entités.

14. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter toutes les mesures juridiques nécessaires pour garantir, tant à l’échelon de l’État qu’à celui des Entités, que la violation des dispositions du Protocole facultatif concernant le recrutement et l’implication d’enfants dans des hostilités soit expressément érigée en infraction dans le droit pénal de l’État partie.

Juridiction

15.Le Comité note la disposition du Code pénal de Bosnie-Herzégovine prévoyant l’application de la juridiction extraterritoriale à «une infraction pénale que la Bosnie-Herzégovine est obligée de punir conformément aux règles du droit international et des accords internationaux ou intergouvernementaux». Cependant, le Comité regrette que le Code pénal ne prévoie pas expressément la juridiction extraterritoriale pour tous les cas dont il est fait mention au paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que sa législation lui permette d ’ établir et d ’ exercer sa compétence extraterritoriale pour le s crime s de guerre que constitue nt la conscription ou l ’ enrôlement d ’ enfants en vue de les faire participer à des hostilités, compte tenu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale auquel il est partie, et lui recommande également d ’ établir sa compétence extraterritoriale pour ces crimes lorsqu ’ il s sont commis par une personne qui a la nationalité de l ’ État partie ou d ’ autres liens avec celui-ci, ou lorsqu ’ ils sont commis à l ’ encontre d ’ une telle personne.

V.Protection, réadaptation et réinsertion

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

17.Tout en notant le projet de loi sur les droits des victimes de torture et les victimes civiles de guerre, le Comité est préoccupé par le fait que les victimes civiles, y compris les enfants, peuvent, en vertu de la législation actuelle de l’État partie concernant la réglementation des prestations sociales, faire subir une discrimination pour ce qui est des prestations d’invalidité auxquelles elles ont droit par rapport à d’anciens combattants invalides.

18. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter sans délai la loi sur les droits des victimes de torture et des victimes civiles de guerre et de veiller à ce que les enfants victimes de conflits armés ou de leurs conséquences ne fassent pas l ’ objet de discrimination, notamment en ce qui concerne la pension d ’ invalidité accordée afin de garantir leur pleine réadaptation physique et psychologique et leur réinsertion sociale.

Aide à la réadaptation physique et psychologique

19.Le Comité se félicite des campagnes de sensibilisation aux mines et des activités de déminage, notamment celles effectuées par les forces armées de Bosnie-Herzégovine, ainsi que de la modernisation d’une base de données sur les victimes de mines terrestres. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que les enfants continuent de souffrir des mines terrestres et que les enfants touchés par l’explosion de mines et par d’autres conséquences du conflit armé ne reçoivent pas une aide adéquate à leur réadaptation physique et psychologique. À cet égard, le Comité est préoccupé par l’absence de ressources humaines, techniques et financières des centres de travail social et par la stigmatisation sociale d’institutions œuvrant à la réadaptation psychosociale des victimes de guerre. S’il se félicite des efforts en cours pour dégager des ressources afin de recenser les enfants qui ont besoin d’aide pour leur réadaptation physique et psychologique, le Comité s’inquiète de ce que l’État partie n’ait pas encore établi de mécanisme à cet égard.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De poursuivre et de renforcer les campagnes de sensibilisation aux mines et les activités de déminage, notamment en augmentant les fonds destinés aux activités de déminage entreprises par les forc es armées de Bosnie-Herzégovine;

b) D ’ envisager d ’ établir des programmes spéciaux de réadaptation pour les enfants qui ont été touchés par l ’ explosion de mines ou d ’ autres conséquences du conflit armé et de veiller à ce que tous les enfants touchés aient accès à ces programmes, notamment par l ’ affectation de ressources accrues aux centres de travail social et l ’ amélioration de la couverture du système de pension s d ’ invalidité;

c) D ’ établir des procédures pour l e recensement adéquat de tous les enfants qui ont été impliqués dans un conflit armé et de faire en sorte qu ’ ils bénéficient d ’ une aide appropriée, conformément à l ’ article 6 , paragraphe 3 , du Protocole facultatif.

VI.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

21.Le Comité se félicite de la Stratégie nationale de justice de transition, soutenue par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) visant à garantir la réparation des dommages causés par la guerre et le droit à certaines prestations sociales accordées aux victimes de guerre. Tout en notant l’approche multisectorielle de sa mise en œuvre, le Comité demeure préoccupé par le fait que les activités spécifiques qui doivent être menées par l’État et les Entités au titre de la stratégie n’ont pas encore été déterminées. Tout en notant la coopération en cours , notamment, avec la Commission internationale des personnes disparues visant au recensement des personnes, y compris les enfants, qui ont disparu pendant le conflit, le Comité est par ailleurs préoccupé par les facteurs qui empêchent de faire la lumière sur le sort des personnes disparues et de garantir une réparation à leurs familles.

22. Le Comité recommande fortement à l ’ État partie, conformément aux recommandations préliminaires du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires:

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre la stratégie de justice de transition, en particulier en parachevant un plan d ’ action identifiant clairement des activités et des responsabilités correspondantes entre les ministères et institutions de l ’ État et des Entités, et en allouant des ressources financières adéquates;

b) De redoubler d ’ efforts pour ouvrir des enquête s , engage r de s poursuites, mettre au jour des charniers, protéger les témoins, enclencher des mécanismes judiciaires et diffuser le registre central des personnes disparues, afin de réduire la politisation qui empêche d ’ identifier les personnes disparues et d ’ élucider le ur sort ;

c) De garantir que les familles d ’ enfants qui ont fait l ’ objet de disparitions forcées ou involontaires obtiennent réparation et soient indemnisées, en particulier grâce à la création du Fonds pour les familles de personnes disparues prévu dans la loi sur les personnes disparues;

d) De ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, qui a déjà été signée.

Exportations d’armes

23.Le Comité se félicite du lancement d’une campagne de sensibilisation sur les dangers des armes légères et de petit calibre en coopération avec l’UNICEF et le PNUD, ainsi que des activités du Ministère de la défense visant à la destruction d’armes. Il s’inquiète toutefois du nombre important d’armes légères et de petit calibre que possèdent les civils et les forces armées, qui continue de faire peser une menace sur la sécurité des enfants. Il est par ailleurs préoccupé par l’absence de législation interdisant expressément le commerce et l’exportation d’armes légères et de petit calibre dans les pays où les enfants sont, ou ont pu être, impliqués dans un conflit armé.

24. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De poursuivre et de renforcer la coopération avec les organisations internationales et régionales pertinentes en ce qui concerne le contrôle et l ’ élimination du surplus d ’ armes légères et de petit calibre, y compris celles que détient la population civile;

b) D ’ intensifier les campagnes menées par les organisme s chargés de l ’ application des lois au niveau de l ’ État et des Entités afin de mener à bien la collecte des armes légères et de petit calibre auprès des civils;

c) De veiller à l ’ interdiction expresse d e la vente et de l ’ exportation d ’ armes légères et de petit calibre vers des pays où l ’ on sait que d es enfants ont été ou sont impliqués dans un conflit armé;

d) De garantir que des activités illicites, telles que la fabrication et le trafic d ’ armes légères et de petit calibre , soient criminalisées , que des registres soient tenus et les armes à feu marquées, compte tenu du Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d ’ armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

VII.Suivi et diffusion

Suivi

25. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que les présentes recommandations soient intégralement appliquées, notamment en les transmettant au chef de l ’ État, à la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, à la Cour suprême des deux Entités, à l ’ Assemblée parlementaire (à la Chambre des peuples comme à la Chambre des représentants) , aux ministères compétents, aux autorités de l ’ État et des E ntités et aux autorités cantonales et locales, s ’ il y a lieu, afin qu ’ elles soient dûment examinées et suivies d ’ effet .

Diffusion

26. Le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites de l ’ État partie, ainsi que les recommandations y relatives (observations finales) adoptées par le Comité soient largement diffusées, y compris sur internet (mais pas exclusivement), auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et de faire connaître le Protocole facultatif, son application et son suivi.

VIII.Prochain rapport

27. Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 8, le Comité prie l ’ État partie de donner des informations au sujet du Protocole facultatif et sur la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il doit soumettre en vertu de la Convention, conformément à l ’ article 44 de la Convention.