Nations Unies

CRC/C/OPAC/MEX/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

7 avril 2011

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante-sixième session

17 janvier-4 février 2011

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

Observations finales: Mexique

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Mexique (CRC/C/OPAC/MEX/1) à ses 1604e et 1605e séances (voir CRC/C/SR.1604 et 1605), le 31 janvier 2011, et a adopté les observations finales ci-après à sa 1612e séance, le 4 février 2011.

I.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie mais regrette que ce rapport n’ait pas été établi conformément à ses directives. Il accueille aussi avec satisfaction les réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/OPAC/MEX/Q/1/Add.1) et se félicite d’avoir eu un dialogue constructif avec la délégation plurisectorielle de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a adoptées au sujet du troisième rapport périodique soumis par l’État partie au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/MEX/CO/3) et du rapport initial soumis en application du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/MEX/CO/1).

4.Le Comité se déclare préoccupé par le climat de violence, qui a d’importantes répercussions sur les droits et la vie des enfants dans l’État partie.

II.Aspects positifs

5.Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie du Statut de Rome de la Cour pénale internationale en 2005.

6.Le Comité prend note avec satisfaction des efforts déployés par l’État partie et en particulier par son Ministère de la défense pour renforcer le respect des droits de l’homme.

III.Mesures d’application générales

Réserves

7.Le Comité note avec préoccupation que la déclaration interprétative formulée par l’État partie à propos de l’article 4 du Protocole facultatif semble exclure l’application de cet article ou modifier son effet juridique dans l’État partie, et constitue de ce fait une réserve. Il se félicite toutefois de ce que l’État partie se soit engagé à revoir sa déclaration.

8. Le Comité recommande à l ’ État partie de retirer la déclaration interprétative qu ’ il a faite à propos de l ’ article 4 du Protocole facultatif.

Coordination

9.Le Comité note que plusieurs entités gouvernementales sont concernées par l’application du Protocole facultatif et que la coordination entre les différents ministères à l’échelon fédéral et à celui des États n’est pas clairement établie.

10. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ instituer un organisme responsable de la coordination de la mise e n œuvre du Protocole facultatif aussi bien au plan horizontal qu ’ au niveau fédéral , au niveau des États et au niveau local .

Diffusion et sensibilisation

11.Tout en notant avec satisfaction que les membres des forces armées reçoivent une formation aux droits de l’homme, le Comité déplore que la formation relative aux dispositions du Protocole facultatif soit insuffisante. Il relève aussi avec préoccupation que le texte du Protocole facultatif est peu connu du public.

12. Le Comité recommande à l ’ État partie de diffuser largement les principes et les dispositions du Protocole facultatif au près du grand public et en particulier des enfants. Il recommande en outre à l ’ État partie de complét er la formation des membres des forces armées en matière de droits de l ’ homme dispensée par une formation spécifique relative aux dispositions du Protocole facultatif. Il lui recommande aussi d ’ élaborer des programmes de sensibilisation, d ’ éducation et de formation aux dispositions du Protocole facultatif à l ’ intention des groupes professionnels qui travaille nt auprès de s enfan ts , tels que les procureurs, les avocats, les juges, les agents de la force publiqu e, les travailleurs sociaux, les professionnels de la santé, les enseignants, les professionnels des médias ainsi que les autorités locales et les fonctionnaires de district .

Données

13.Le Comité regrette l’absence d’informations sur les enfants concernés par les actes visés dans le Protocole facultatif.

14. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir un système centralisé de collecte de données afin de connaître , notamment, le nombre d ’ enfants enrôlés dans d es groupes armés non étatiques et le nombre d ’ enfants relevant de sa juridiction qui sont susceptibles d ’ avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités par des groupes armés non étatiques à l ’ étranger. Il recommande en outre à l ’ État partie d ’ améliorer le système de collecte et d ’ analyse des données portant sur le recrutement d ’ enfants par des groupes armés non étatiques et l ’ enrôlement volontaire dans les forces armées nationales , ventilées notamment par âge, sexe, État et municipalité et origine socioéconomique de même que sur les enfants qui fréquentent des écoles militaires.

Coopération avec la société civile

15.Le Comité se félicite de la reconnaissance par l’État partie des contributions des organisations non gouvernementales mexicaines qui lui ont fourni des informations sur l’application des Protocoles facultatifs. Il est toutefois gravement préoccupé par le nombre élevé de défenseurs et de militants des droits de l’homme qui ont été tués ces dernières années.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ instituer un organisme responsable de la coordination avec les ONG, chargé de surveiller l ’ application des observations finales du Comité concernant les rapports de l ’ État partie au titre d es Protocoles facultatifs. Il l ’ in v ite aussi à instaurer rapidement un climat de respect des droits de l ’ homme et des défenseurs des droits de l ’ homme, notamment en mettant en place de s programmes nationaux d ’ éducation et de communication , et lui demande plus précisément de créer des mécanismes pour protéger l es défenseurs des droits de l ’ homme et des droits de l ’ enfant.

IV.Prévention

Écoles militaires

17.Le Comité note avec préoccupation que les enfants qui étudient dans une école militaire ont le statut militaire et que, s’ils enfreignent la loi, ils relèvent du Code de justice militaire, en application de son article 154. Il s’inquiète en outre de ce que ces enfants ne sont autorisés à abandonner leurs études que dans les conditions prévues dans le règlement de l’école et qu’ils doivent s’engager à servir dans l’armée pour une durée égale ou supérieure au double du nombre d’années qu’a duré leur scolarité. Il est aussi préoccupé par les informations selon lesquelles des élèves d’écoles militaires auraient pris part à la lutte contre le trafic de drogues, notamment à des opérations de recherche et de destruction de stupéfiants, ce qui met sérieusement en péril leurs droits et leur vie. Le Comité regrette que l’administration des écoles militaires relève exclusivement du Ministère de la défense.

18. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De veiller à ce que les enfants qui fréquentent des écoles militaires soient considérés comme des civils jusqu ’ à l ’ âge de 18 ans;

b) De veiller à ce que les élèves des écoles militaires en conflit avec la loi soient déférés devant des juridictions civiles et traités conformément aux articles 37 à 40 de la Convention relative aux droits de l ’ enfant et à l ’ Observation générale n o  10 du Comité (2007) sur les droits des enfants dans le système de justice pour mineurs;

c) De veiller à ce que tous les enfants qui fréquentent des écoles militaires reçoivent une éducation conforme aux articles 28, 29 et 31 de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, compte tenu de l ’ Observation générale n o  1 du Comité (2001) sur les buts de l ’ éducation;

d) D ’ interdire les châtiments corporels, en tenant compte de l ’ Observation générale n o  8 du Comité (2007) sur le droit de l ’ enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments;

e) De permettre aux enfants qui fréquentent des écoles militaires d ’ accéder facilement à des mécanismes de plainte ou d ’ enquête indépendants;

f) De veiller à ce que le Ministère de l ’ éducation exerce un contrôle sur l es écoles militaires relevant du Ministère de la défense;

g) De veiller à ce que les élèves des écoles militaires ne particip ent pas à des opérations de recherche ou de destruction de stupéfiants ni ne p renn ent part d ’ une quelconque manière à la lutte contre le trafic de drogues.

Recrutement

19.Tout en prenant note de la déclaration faite par l’État partie lors de la ratification du Protocole facultatif, selon laquelle l’âge minimum du recrutement volontaire dans les forces armées est fixé à 18 ans, le Comité est préoccupé par la dérogation à cette règle, l’âge minimum du recrutement des techniciens des troupes de transmission étant fixé à 16 ans. Il note aussi avec préoccupation que l’article 25 de la loi sur le service militaire autorise l’enrôlement précoce des enfants de 16 et 17 ans qui souhaitent quitter le pays à l’âge où ils sont censés commencer leur service militaire ou «qui sont obligés de devancer l’appel en raison de leurs études».

20. Le Comité recommande à l ’ État partie de révoquer l ’ article 25 de la loi sur le service militaire, de mettre fin à la pratique de l ’ enrôlement précoce des enfants de 16 et 17 ans et de porter l ’ âge minimum du recrutement volontaire à 18 ans, sans dérogation possible.

Prévention du recrutement par des groupes non étatiques

21.Le Comité relève avec préoccupation que l’État partie ne dispose pas d’informations sur l’utilisation d’enfants par des groupes armés non étatiques et n’a pas, en conséquence, pris de mesures pour prévenir le recrutement d’enfants par des groupes non étatiques.

22. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour qu ’ aucun enfant ne puisse être recruté par des groupes armés non étatiques, et notamment de recens er et surveiller l es différents groupes armés non étatiques du pays, y compris l es groupes paramilitaires, l es groupes criminels organisés et l es entreprises de sécurité. Il demande à l ’ État partie de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport au titre de la Convention et des deux Protocoles facultatifs.

Éducation pour la paix

23.Le Comité note que les programmes scolaires ne font pas une place suffisante à l’éducation aux droits de l’homme et à l’éducation pour la paix. Il est préoccupé par l’ampleur de la violence dans l’État partie et ses répercussions sur les enfants, notamment à l’école et au sein de la communauté, et en particulier par les violences auxquelles sont exposés les enfants exclus du système scolaire.

24. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intensifier ses efforts pour dispenser une éducation aux droits de l ’ homme, et en particulier une éducation pour la paix, à tous les écoliers, et pour former les enseignants à intégrer ces questions dans le cadre de leurs cours. Il recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour introduire dans les divers secteurs de l ’ administration et de la société des formes de médiation en vue d ’ une solution pacifique des conflits, en mettant l ’ accent sur les conflits violents impliquant d es enfants.

V.Interdiction et questions connexes

Législation

25.Tout en accueillant avec satisfaction le projet de réforme du Code pénal fédéral, qui vise à incriminer l’enrôlement d’enfants et leur utilisation dans des hostilités, le Comité relève avec préoccupation que, pour l’heure, le Code pénal fédéral ne contient aucune disposition érigeant en infraction le recrutement d’enfants.

26. Afin de renforcer davantage les mesures visant à prévenir l ’ enrôlement d ’ enfants et leur utilisation dans des hostilités, le Comité invite instamment l ’ État partie:

a) À réviser le Code pénal afin d ’ y inclure une disposition érigeant expressément en infraction la violation des dispositions du Protocole facultatif concernant l ’ enrôlement et l ’ implication d ’ enfants dans des hostilités, et à y faire figurer une définition de la participation directe à des hostilités, compte tenu des instruments pertinents auxquels il est partie, et notamment du Statut de Rome de la Cour pénale internationale;

b) À envisager d ’ établir sa compétence extraterritoriale pour ces infractions lorsqu ’ elles sont commises par une personne qui a la nationalité de l ’ État partie ou d ’ autres liens avec celui-ci;

c) À veiller à ce que les codes, manuels et autres directives militaires soient conformes aux dispositions du Protocole facultatif.

Compétence

27.Le Comité regrette que la compétence de l’État partie, s’agissant des infractions commises à l’étranger, soit soumise à la condition de la double incrimination.

28. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir sa compétence extraterritoriale pour les infractions visées par le Protocole facultatif, lorsque l ’ auteur ou la victime de ces infractions a la nationalité de l ’ État partie ou a d ’ autres liens avec celui-ci.

VI.Protection, réadaptation et réinsertion

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

29.Le Comité se déclare vivement préoccupé par le grand nombre de violations des droits de l’enfant commises dans la lutte menée par l’armée contre le crime organisé, qui font énormément de victimes parmi les enfants (environ 1 000 décès d’enfants ces quatre dernières années) ainsi que par l’absence d’enquêtes sur les crimes perpétrés par les forces armées.

30. Le Comité demande instamment à l ’ État partie:

a) De recueilli r des données sur le nombre d ’ enfants détenus, blessés ou tués dans la lutte mené e par l ’ armée et la police contre des groupes armés non étatiques;

b) D ’ enquêter sur tous les crimes perpétrés contre des enfants et de veiller à établir la compétence des tribunaux civils à l ’ égard des infractions graves commises par l ’ armée contre des enfants;

c) De lutter contre l ’ impunité en veillant à ce que les auteurs de ces actes fassent l ’ objet de poursuites et de sanctions;

d) De prendre les mesures nécessaires pour protég er les enfants contre l es opérations lancées par la police et l ’ armée pour assurer la sécurité publique et contre l es violences armées commises par des groupes armés non étatiques;

e) De mettre en place des mécanismes officiels et des cadres juridiques pertinents pour garantir le respect des droits de l ’ homme et protéger l es enfants, en particulier l es filles , contre l es violences commises par des groupes armés militaires et non étatiques;

f) D ’ élaborer à l ’ intention du personnel de l ’ armée et des forces de sécurité des règlements et des protocoles concernant le respect de l ’ intégrité des enfants lors des enquêtes et des interventions menées contre des groupes armés non étatiques.

Aide à la réadaptation physique et psychologique

31.Tout en se félicitant des efforts déployés pour protéger les droits des enfants non accompagnés, comme l’organisation de la Table ronde interinstitutionnelle pour les enfants et les adolescents migrants non accompagnés et les femmes migrantes, le Comité regrette l’absence d’informations concernant les mesures prises pour repérer les enfants qui auraient pu être utilisés dans des hostilités au Mexique et les enfants réfugiés et demandeurs d’asile qui auraient pu être recrutés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger. Le Comité regrette en outre l’absence d’informations sur les mesures prises pour assurer la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale de ces enfants.

32. Le Comité encourage l ’ État partie à établir un mécanisme d ’ identification des enfants susceptibles d ’ avoir été recrutés ou utilisés dans des hostilités et à prendre les mesures nécessaires pour assurer leur réadaptation physique et psychologique ainsi que leur réinsertion sociale. Ces mesures pourraient notamment consister à évaluer attentivement la situation des enfants, à renforcer les services consultatifs juridiques qui leur sont destinés et à leur fournir immédiatement une assistance pluridisciplinaire, adaptée aux enfants et respectueuse de leur culture, en vue de leur réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion sociale, conformément au Protocole facultatif.

VII.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

33. Le Comité encourage l ’ État partie à renforcer la coopération internationale en vue de l ’ application du Protocole facultatif s ’ agissant , notamment , de la prévention de toute activité contraire aux dispositions de ce p rotocole et de la réadaptation et de la réinsertion sociale des enfants victimes , conformément à l ’ article 7 du Protocole facultatif. À cet égard, l ’ État partie est invité à solliciter une assistance technique, notamment, auprès du Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance (UNICEF).

Importation d’armes

34.Le Comité est préoccupé par les importations d’armes légères dans l’État partie et par le fait que les enfants ont facilement accès à ces armes.

35. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour s ’ assurer que les enfants n ’ aie nt pas accès aux armes légères.

VIII.Suivi et diffusion

36. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la pleine mise en œuvre des présentes recommandations, notamment en les transmettant au Ministère de la défense, aux membres du Cabinet et du Parlement et aux autorités locales dans les 31 États et dans le district fédéral.

37. Le Comité recommande que le rapport initial soumis par l ’ État partie et les observations finales adoptées par le Comité soient largement diffusés dans les langues du pays, y com pris (mais pas seulement) sur Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels, notamment d es travailleurs sociaux, et des enfants, afin de susciter un débat et de faire connaître le Protocole facultatif, son application et son suivi.

IX.Prochain rapport

38. Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l ’ État partie de fournir un complément d ’ information sur l ’ application du Protocole facultatif et des présentes observations finales dans son prochain rapport périodique au titre de la Convention relative aux droits de l ’ enfant, qui devra être soumis avant le 20 avril 2011.