NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/OPAC/GTM/CO/112 juin 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT

Quarante ‑cinquième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 8 DU PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, CONCERNANT

L’IMPLICATION D’ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMÉS

Observations finales : Guatemala

1.Le Comité a examiné le rapport initial du Guatemala (CRC/C/OPAC/GTM/1) à sa 1246e séance (voir CRC/C/SR.1246), tenue le 1er juin 2007, et a adopté les observations finales ci‑après lors de sa 1255e séance, tenue le 8 juin 2007.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial présenté par l’État partie, bien qu’il regrette sa présentation tardive. Il déplore également que la société civile n’ait pas été consultée au cours de l’élaboration de ce rapport. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation intersectorielle de haut niveau mais regrette l’absence d’un représentant du Ministère de la défense.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues à la lumière de celles qu’il a adoptées au sujet du deuxième rapport périodique de l’État partie, le 8 juin 2001, reproduites dans le document CRC/C/15/Add.154.

B. Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction:

a)La déclaration faite par l’État partie à l’occasion de la ratification du Protocole facultatif, selon laquelle l’âge minimum de l’enrôlement obligatoire dans les forces armées guatémaltèques est fixé à 18 ans;

b)L’adoption en 2003 de la loi intégrale de protection des enfants et des adolescents;

c)L’intention déclarée de l’État partie de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

5.Le Comité se félicite également que l’État partie:

a)Ait ratifié, le 9 mai 2002, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants;

b)Ait adhéré, le 11 octobre 2001, à la Convention no 182 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Mesures d’application générales

Législation et mesures d’application

6.Tout en reconnaissant que la loi intégrale de protection des enfants et des adolescents fait référence au droit des personnes de moins de 18 ans de ne pas être enrôlées, même en cas de conflit armé, le Comité s’inquiète de ce que l’enrôlement d’enfants ne soit pas expressément interdit et de ce que le Code pénal ne prévoie pas de disposition spécifique érigeant en infraction l’enrôlement forcé des moins de 18 ans. En outre, il est préoccupé par le fait que l’État ne lui ait pas fourni les informations nécessaires au sujet des garanties adoptées pour empêcher l’enrôlement d’enfants ou leur implication dans les conflits armés.

7. Afin de renforcer les mesures nationales et internationales visant à empêcher l’enrôlement d’enfants dans les forces ou les groupes armés et leur implication dans des hostilités, le Comité recommande à l’État partie:

a) De veiller à ce que la loi interdise expressément l’enrôlement d’enfants âgés de moins de 18 ans dans les forces et les groupes armés ainsi que leur participation directe aux hostilités;

b) De réformer le Code pénal pour ériger explicitement en infraction les violations des dispositions du Protocole facultatif relatives à l’enrôlement et à l’implication d’enfants dans des hostilités;

c) D’établir sa compétence extraterritoriale pour ces crimes lorsqu’ils sont commis par une personne ressortissante de l’État partie ou qui a d’autres liens avec celui ‑ci ou à l’encontre d’une telle personne;

d) D’interdire explicitement au personnel militaire de commettre tout acte qui constituerait une violation des droits énoncés dans le Protocole facultatif, quels que soient les ordres militaires donnés en ce sens;

e) De veiller à mettre en place des garanties adéquates afin d’empêcher l’enrôlement d’enfants et de fournir des informations à ce sujet dans le prochain rapport périodique;

f) De ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Coordination de l’application du Protocole

8.Le Comité déplore l’absence d’informations sur la coordination nationale de l’application du Protocole et en particulier concernant le rôle du secrétariat du bien‑être social (Secretaría de Bienestar Social) à cet égard.

9. Le Comité recommande à l’État partie d’accroître et de consolider la coordination dans les domaines visés par le Protocole et de tenir compte de cet élément dans la mise en œuvre du Plan national d’action pour l’enfance adopté en 2004.

Crédits budgétaires

10.Le Comité félicite l’État partie d’avoir réduit les crédits budgétaires alloués à l’armée et d’avoir réaffecté des ressources au secteur social. Cependant, il s’inquiète de ce que d’importantes ressources soient consacrées au financement d’interventions de répression des adolescents qui vivent ou travaillent dans la rue.

11. Le Comité recommande à l’État partie de consacrer davantage de ressources humaines et financières (par exemple en revoyant la politique fiscale) au secteur social, y compris pour l’application des dispositions du Protocole.

Diffusion et formation

12.Tout en reconnaissant que des efforts ont été réalisés en matière de formation, le Comité s’inquiète toutefois du caractère limité des activités de diffusion et de formation organisées par l’État partie au sujet du Protocole facultatif. L’État partie a fourni peu d’informations sur les initiatives visant spécifiquement à faire connaître le Protocole facultatif. En particulier, on manque d’informations au sujet de la diffusion du Protocole auprès de certaines catégories professionnelles, notamment auprès des forces armées, y compris les forces mobilisées pour les opérations internationales de maintien de la paix, auprès du personnel médical qui s’occupe d’enfants réfugiés, demandeurs d’asile et migrants, ainsi qu’auprès des enfants en général.

13. Le Comité recommande à l’État partie de sensibiliser, éduquer et former systématiquement les enfants aux dispositions du Protocole facultatif, par le biais des programmes scolaires, ainsi que toutes les catégories professionnelles pertinentes s’occupant d’enfants demandeurs d’asile, réfugiés et migrants victimes de conflits armés, telles que les enseignants, les professionnels de santé, les avocats, les juges, les fonctionnaires de l’immigration, la police et le personnel militaire. Le Comité souligne la nécessité de former les forces armées, compte tenu de l’enrôlement forcé massif d’enfants, en particulier d’enfants autochtones, par les groupes militaires et paramilitaires pendant le conflit armé qui a duré de 1962 à 1996.

Enrôlement d’enfants

Enrôlement obligatoire et enrôlement volontaire

14.Le Comité note que le service militaire est obligatoire au Guatemala et que l’âge minimal est fixé à 18 ans tant pour le service obligatoire que pour l’enrôlement volontaire et, d’après le rapport de l’État partie, il ne peut pas être abaissé même en situation d’état d’urgence. Cependant, le Comité reste préoccupé par le fait que, de nombreux enfants n’étant pas déclarés à la naissance, les incertitudes au sujet de l’âge des jeunes recrues puissent entraîner l’enrôlement d’enfants de moins de 18 ans. Enfin, il note qu’il est fréquent et facile pour les mineurs d’avoir accès à des armes.

15. Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte de déterminer l’âge d’une recrue, lorsqu’elle n’a pas de certificat de naissance, par d’autres moyens fiables, un examen médical par exemple. L’État partie doit veiller à délivrer à tous les enfants des actes de naissance et des papiers d’identité fiables. En cas de doute, il doit considérer la recrue comme un enfant et lui refuser l’accès au service militaire. Il est recommandé à l’État partie de mettre en place un mécanisme d’inspection chargé de vérifier que toutes les recrues militaires sont âgées de plus de 18 ans. Enfin, le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures visant à empêcher les moins de 18 ans d’avoir accès à des armes.

Rôle des écoles militaires

16.Le Comité note avec préoccupation que des cas de châtiments corporels ont été signalés dans les écoles militaires et que ce type de sanction n’est pas expressément interdit par la loi. C’est pourquoi il est préoccupé par l’absence apparente de mécanismes de plaintes appropriés et impartiaux à l’intention des enfants qui fréquentent des écoles militaires.

17. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De veiller à ce que tous les enfants qui fréquentent des écoles militaires reçoivent une éducation conforme aux articles 28, 29 et 31 de la Convention relative aux droits de l’enfant, en tenant compte de son Observation générale n o  1 (2001) sur les buts de l’éducation . En particulier, l’éducation dans le domaine des droits de l’homme devrait porter notamment sur les dispositions du Protocole;

b) D’interdire formellement les châtiments corporels, en tenant compte de l’Observation générale n o  8 (2006) sur le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiments ;

c) De permettre aux enfants qui fréquentent des écoles militaires d’accéder facilement à des mécanismes de plainte ou d’enquête indépendants.

Mesures adoptées en matière de désarmement, de démobilisation et de réinsertion sociale

Impunité

18.Le Comité est particulièrement préoccupé par le peu d’informations et de données disponibles sur le nombre d’enfants enrôlés de force par des groupes militaires et paramilitaires pendant le conflit armé et par l’absence d’enquêtes visant à établir la responsabilité de ceux qui se sont rendus coupables de tels actes.

19. Le Comité demande instamment à l’État partie de recueillir davantage d’informations sur les cas d’enfants victimes d’enrôlement forcé, de mobiliser des ressources afin de procéder à leur identification et de veiller à ce que des enquêtes soient menées sur les cas présumés d’enrôlement forcé d’enfants au cours du conflit armé, qui violent les dispositions du Protocole, l’article 38 de la Convention relative aux droits de l’enfant ainsi que le Protocole additionnel II aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux .

Mesures de rétablissement et de réinsertion sociale

20.Le Comité s’inquiète de l’insuffisance du budget alloué à la mise en œuvre des mesures de réparation, en particulier celles destinées à la réadaptation, à l’indemnisation, au rétablissement physique et psychologique et à la réinsertion sociale des enfants impliqués dans des hostilités. Il est également préoccupé par la lenteur et l’inefficacité du travail de la Commission nationale de recherche des enfants disparus et du Programme national de réparation. Il déplore que l’État partie n’ait pas alloué suffisamment de ressources pour appliquer intégralement les décisions de la Cour interaméricaine des droits de l’homme au sujet des cas d’enfants victimes du conflit armé.

21. Le Comité recommande à l’État partie d’allouer des ressources financières et humaines suffisantes pour pouvoir appliquer intégralement l’ensemble des mesures de réparation, y compris celles qui tiennent compte des problèmes des femmes, ainsi que les recommandations de la Commission pour la vérité historique , en particulier en ce qui concerne l’allocation de ressources financières et humaines à la Commission nationale de recherche des enfants disparus et au Programme national de réparation . En outre, le Comité encourage l’État partie à adopter le projet de loi visant à établir une Commission autonome chargée d’enquêter sur les disparitions de personnes, y compris des enfants. Enfin, il prie instamment l’État partie d’appliquer intégralement les décisions rendues par la Cour interaméricaine des droits de l’homme au sujet des cas d’enfants victimes du conflit armé.

Assistance et coopération internationales

Assistance technique

22. Le Comité encourage l’État partie à solliciter davantage l’assistance technique internationale et à poursuivre sa coopération avec l’Organisation des Nations Unies, notamment avec le Haut ‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ainsi qu’avec d’autres organismes pertinents, afin de faire progresser la mise en œuvre des dispositions du Protocole facultatif. Le Comité appelle également l’État partie à prendre ses responsabilités pour assurer la durabilité de cette assistance technique.

Suivi et diffusion

Suivi

23. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que les présentes recommandations soient intégralement appliquées, notamment en les transmettant aux ministères concernés, au congrès ainsi qu’aux autorités départementales et locales, afin qu’elles soient dûment examinées et suivies d’effet.

Diffusion

24. Eu égard au paragraphe 2 de l’article 6 du Protocole facultatif, le Comité recommande que le rapport et les réponses écrites présentés par l’État partie ainsi que les recommandations y relatives (observations finales) qui ont été adoptées soient largement diffusés, y compris au moyen de l’Internet (mais pas exclusivement), auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunesse et des catégories professionnelles afin d’ouvrir le débat et de faire connaître la Convention, son application et son suivi. En outre, le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement le Protocole facultatif auprès des enfants et de leurs parents, notamment par le biais des programmes scolaires et de l’éducation dans le domaine des droits de l’homme.

Prochain rapport

25. Conformément au paragraphe 2 de l’article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l’État partie de fournir un complément d’information sur l’application du Protocole facultatif dans ses troisième et quatrième rapports au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui seront présentés en un seul document, conformément à l’article 44 de la Convention.

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