Nations Unies

CRC/C/OPAC/JOR/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

7 juillet 2014

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le rapport soumispar la Jordanie en application du paragraphe 1de l’article 8 du Protocole facultatif à la Conventionrelative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés *

Le Comité a examiné le rapport initial de la Jordanie (CRC/C/OPAC/JOR/1) à sa 1879e séance (voir CRC/C/SR.1879), le 27 mai 2013, et a adopté les observations finales ci‑après à sa 1901e séance, le 13 juin 2014.

I.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial soumis par l’État partie et les réponses écrites à la liste de points à traiter (CRC/C/OPAC/JOR/Q/1/Add.1), et il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec les observations finales qu’il a adoptées, le 13 juin 2014, au sujet des quatrième et cinquième rapports périodiques de l’État partie au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant, soumis en un seul document (CRC/C/JOR/CO/4-5), et du rapport initial de l’État partie au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/JOR/CO/1).

II.Observations générales

Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction les diverses mesures positives prises en vue de la mise en œuvre du Protocole facultatif, en particulier:

a)Les efforts considérables déployés par l’État partie pour accueillir sur son territoire des milliers de réfugiés syriens, y compris les enfants, et leur permettre d’avoir accès gratuitement, ou pour un coût minime, à de nombreux services publics;

b)Le fait que la Jordanie est le premier pays du Moyen-Orient à avoir respecté le délai fixé par la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, et qu’elle s’est déclarée, en 2012, exempte de mines terrestres;

c)L’initiative mondiale «Générations pour la paix» lancée en 2007 par le Prince Fayçal bin al Hussein de Jordanie, qui vise à former des jeunes particulièrement talentueux du monde entier à l’union par le biais du sport pour rassembler les personnes vivant dans les communautés affectées par des conflits.

III.Mesures d’application générales

Coordination

Tout en notant que la mise enœuvre du Protocole facultatif incombe principalement au Ministère de la défense et que le Ministère de l’intérieur a également certaines responsabilités en la matière, le Comité s’inquiète de l’absence d’organe chargé de coordonner l’application générale et effective du Protocole facultatif sur l’ensemble du territoire de l’État partie.

Le Comité engage instamment l ’ État partie à désigner l ’ organe gouvernemental ayant la responsabilité générale de l ’ application du Protocole facultatif et à mettre en place un mécanisme institutionnel en vue d ’ assurer une coordination efficace entre les ministères et d ’ autres organes et partenaires gouvernementaux en ce qui concerne l ’ application du Protocole facultatif.

Allocation de ressources

Tout en notant que l’État partie consacre des moyens considérables à l’aide aux réfugiés, le Comité regrette qu’aucune information ne soit disponible au sujet des crédits budgétaires alloués à la mise en œuvre du Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ affecter spécifiquement des ressources budgétaires suffisantes à l ’ application du Protocole facultatif.

Diffusion et sensibilisation

Le Comité note que le texte du Protocole facultatif a été publié au Journal officiel et communiqué aux acteurs spécialisés dans les domaines visés par le Protocole facultatif, mais il regrette toutefois que des mesures suffisantes n’aient pas été prises pour mieux faire connaître lesprincipes et les dispositions du Protocole facultatif et, en particulier, lesmoyens de signalement des enfants victimes des infractions visées par le Protocole facultatif, comme l’État partie l’a reconnu lui-même.

Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que les principes et les dispositions du Protocole facultatif soient largement diffusés auprès du grand public, des enfants et des familles.

Formation

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour établir des programmes de formation à l’intention des membres des forces armées et de la police et promouvoir la sensibilisation aux droits de l’homme et au droit international humanitaire auseindes forces de sécurité. Il s’inquiète toutefois de ce que d’autres groupes professionnels concernés ne reçoivent pas une formation appropriée aux dispositions du Protocolefacultatif.

Le Comité recommande à l ’ État partie de mettre en place une formation aux dispositions du Protocole facultatif à l ’ intention des personnes qui, de par leurs activités professionnelles, sont en contact avec des enfants, en particulier les enseignants, les agents des services de l ’ immigration, les membres des forces internationales de maintien de la paix, les policiers, les avocats, les juges, les personnels médicaux, les travailleurs sociaux et les journalistes.

Données

Compte tenu du nombre important d’enfants réfugiés venus de pays touchés par des conflits armés qui sont présents sur le territoire de l’État partie, le Comité s’inquiète de l’absence d’un système central de collecte de données qui permette de repérer et d’enregistrer tous les enfants réfugiés relevant de la juridiction de l’État partie susceptibles d’avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ établir un système central de collecte de données en vue de recenser et d ’ enregistrer tous les enfants relevant de sa juridiction qui pourraient avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l ’ étranger. Il lui recommande également de veiller à ce que les données sur les enfants réfugiés ou demandeurs d ’ asile qui ont été victimes de telles pratiques soient recueillies avec soin. Toutes les données devraient être ventilées par sexe, âge, nationalité, origine ethnique et milieu socioéconomique, notamment, ainsi que par durée d ’ utilisation de l ’ enfant .

IV.Prévention

Recrutement volontaire

Le Comité note qu’il n’y a pas de volontaires dans les forces armées de l’État partie, mais s’inquiète néanmoins de ce que, selon l’article 12 2) de la loi sur la sécurité publique, il soit possible d’être recruté pour un poste d’officier de la sécurité publique dès l’âge de 17 ans révolus.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ étudier la question et de porter l ’ âge minimum de l ’ engagement volontaire des officiers de la sécurité publique à 18 ans, afin de promouvoir et de renforcer la protection des enfants au moyen d ’ une norme juridique globalement plus exigeante.

Éducation aux droits de l’homme et éducation pour la paix

Le Comité se félicite des initiatives prises par l’État partie en vue d’intégrer une éducation pour la paix et des notions de droit international humanitaire dans les programmes scolaires. Il regrette toutefois que l’éducation relative aux droits de l’homme et à la paix, et la connaissance des dispositions du Protocole facultatif, ne fassent pas expressément partie des programmes de l’enseignement primaire et secondaire ni du programme de formation des enseignants en tant que matière obligatoire.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ introduire une éducation relative aux droits de l ’ homme et à la paix dans les programmes d ’ enseignement, y compris ceux des écoles militaires, en tant que matière obligatoire, avec mention spécifique du Protocole facultatif.

V.Interdiction et questions connexes

Législation et réglementation pénales en vigueur

Le Comité note que la conscription a été suspendue jusqu’à nouvel ordre, mais il se dit préoccupé par le fait que la législation de l’État partie mentionne différents âges minimums de l’enrôlement obligatoire dans les forces armées, variant de 15 à 18 ans. Il s’inquiète également de ce que le recrutement et l’utilisation d’enfants dans des hostilités par les forces armées ou des groupes armés non étatiques, et le recrutement et l’utilisation d’enfants par des sociétés de sécurité privées, ne soient toujours pas expressément interdits et réprimés. Le Comité constate en outre avec préoccupation que, bien que la Jordanie soit partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, sa législation ne qualifie pas de crime de guerre l’enrôlement de personnes âgées de moins de 15 ans.

Le Comité prie instamment l ’ État partie de procéder à un réexamen complet de sa législation afin de la mettre en pleine conformité avec les principes et les dispositions du Protocole facultatif, et notamment:

a) D ’ interdire et d ’ incriminer expressément l ’ enrôlement ou l ’ utilisation de personnes âgées de moins de 18 ans dans des hostilités par les forces armées ou des groupes armés non étatiques, ainsi que le recrutement et l ’ utilisation d ’ enfants par des sociétés de sécurité;

b) De faire en sorte que l ’ enrôlement illicite d ’ enfants par les forces armées ou des groupes armés soit qualifié d ’ infraction pénale en temps de paix comme en temps de guerre;

c) De qualifier de crime de guerre l ’ enrôlement de personnes âgées de moins de 15 ans et de le punir en tant que tel;

d) De veiller à ce qu ’ une réglementation nationale sur la surveillance et la responsabilisation des sociétés militaires et de sécurité privées soit adoptée et appliquée.

Recrutement et utilisation d’enfants par des groupes armés non étatiques

Le Comité se dit vivement préoccupé par le fait que, selon certaines informations, des enfants réfugiés syriens seraient recrutés dans des camps de réfugiés situés sur le territoire de l’État partie par des groupes armés syriens, et utilisés à la fois comme combattants et pour des fonctions d’appui.

Le Comité exhorte l ’ État partie à mettre en place des mesures effectives, en coopération avec les organisations internationales compétentes, pour empêcher que des enfants soient recrutés et envoyés dans des pays voisins pour y être utilisés dans des conflits armés. À cette fin, l ’ État partie devrait organiser des campagnes de sensibilisation destinées à appeler l ’ attention sur la situation des enfants impliqués dans les conflits armés et redoubler d ’ efforts pour organiser des activités éducatives et récréatives appropriées à l ’ intention des adolescents vivant dans les camps de réfugiés de manière à prévenir efficacement leur recrutement par des groupes armés.

Compétence extraterritoriale

Le Comité recommande à l’État partie d’étudier la possibilité d’établir et d’exercer sa compétence extraterritoriale pour toutes les infractions visées par le Protocole facultatif, en tenant compte également des instruments internationaux pertinents auxquels il est partie, dont le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Extradition

Le Comité recommande à l ’ État partie de supprimer la condition de la double incrimination aux fins de l ’ extradition pour les infractions visées par le Protocole facultatif et de veiller à ce que ces infractions soient pleinement incorporées dans l ’ ensemble des conventions et procédures bilatérales pertinentes.

VI.Protection, réadaptation et réinsertion

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

Le Comité se dit préoccupé par les nombreux cas de refoulement et d’expulsion de familles et d’enfants palestiniens fuyant le conflit en République arabe syrienne qui ont été enregistrés au cours des trois dernières années.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ assurer la pleine protection des enfants palestiniens et de leur famille qui fuient la République arabe syrienne , et de veiller au plein respect du principe fondamental du non - refoulement, y compris le refus d ’ admission à la frontière. L ’ État partie devrait garantir le plein accès de tous les enfants réfugiés ou demandeurs d ’ asile et de leur famille à des procédures justes et efficaces pour la détermin ation de le ur statut, sans discrimination.

Aide à la réadaptation physique et psychologique et à la réinsertion sociale

Tout en prenant acte de l’aide colossale apportée par l’État partie aux enfants réfugiés syriens, le Comité observe avec une vive inquiétude qu’il n’a pas prêté suffisamment d’attention à la détection précoce des enfants réfugiés ou demandeurs d’asile qui pourraient avoir été impliqués dans un conflit ou avoir subi des traumatismes liés à un conflit. Il est également préoccupé par le fait que les enfants syriens qui sont profondément éprouvés ou souffrent d’un handicap sensoriel, intellectuel ou mental après avoir été victimes ou témoins de violences et de situations douloureuses liées à la guerre en République arabe syrienne ont eu jusqu’ici un accès limité à des services d’aide à la réadaptation physique et psychologique.

Le Comité recommande à l ’ État partie de dispenser à tous les professionnels travaillant avec ou pour les enfants, en particulier le personnel chargé de la surveillance des frontières, les agents des services de l ’ immigration, les militaires, les travailleurs sociaux et les personnels médicaux, une formation systématique à la détection précoce des enfants qui pourraient avoir été impliqués dans un conflit ou touchés par un conflit. L ’ État partie devrait également renforcer l ’ aide et l ’ appui fournis aux enfants réfugiés ou demandeurs d ’ asile susceptibles d ’ avoir été impliqués dans un conflit ou d ’ avoir subi des traumatismes ou des déplacements liés à un conflit , et apporter à ces enfants une assistance et un soutien particulier s , notamment en sollicitant l ’ aide de partenaires et d ’ organismes internationaux pour la mise en place de programmes de réadaptation physique et psychologique à leur intention .

VII.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et de renforcer sa coopération avec le Comité international de la Croix ‑Rouge et avec la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, et d ’ étudier la possibilité d ’ accroître sa coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance (UNICEF) et d ’ autres organismes compétents des Nations Unies aux fins de la mise en œuvre du Protocole facultatif.

VIII.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour garantir la pleine application des présentes recommandations, notamment en les communiquant au Parlement, aux ministères concernés, dont le Ministère de la défense, à la Cour suprême et aux autorités locales, pour examen et suite à donner.

Le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites de l ’ État partie, ainsi que les observations finales qu ’ il a adoptées, soient largement diffusés, notamment par l ’ Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des mouvements de jeunesse, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et de faire connaître le Protocole facultatif, son application et son suivi.

IX.Prochain rapport

Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l ’ État partie de faire figurer un complément d ’ information sur l ’ application du Protocole facultatif et des présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il soumettra conformément à l ’ article 44 de la Convention relative aux droits de l ’ enfant.