Nations Unies

CRC/C/OPAC/GEO/CO/1

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

30 octobre 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le rapport soumis par la Géorgie en application du paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport de la Géorgie (CRC/C/OPAC/GEO/1) à ses 2413e et 2414e séances (voir CRC/C/SR.2413 et 2414), le 17 septembre, et a adopté les présentes observations finales à sa 2430e séance, le 27 septembre 2019.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie et les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPAC/GEO/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a formulées au sujet du rapport que l’État partie a soumis au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/GEO/CO/1), également adoptées le 27 septembre 2019.

II.Observations d’ordre général

Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adhéré au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications en 2016.

5.Le Comité accueille également avec satisfaction les diverses mesures concrètes adoptées dans des domaines intéressant l’application du Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en particulier :

a)La déclaration faite au moment de l’adhésion selon laquelle la loi sur les obligations militaires et le service militaire fixe expressément l’âge minimum de l’enrôlement dans les forces armées et toute décision concernant la conscription obligatoire doit être prise une fois que le citoyen concerné a atteint l’âge de 18 ans ;

b)L’adhésion à la Déclaration pour la sécurité dans les écoles, par laquelle l’État partie s’est engagé à appliquer les Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés.

III.Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre du Protocole facultatif

6.Le Comité note que l’État partie n’exerce toujours pas de contrôle effectif sur l’Abkhazie (Géorgie) et la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud (Géorgie), ce qui constitue un obstacle majeur à l’application du Protocole facultatif dans ces territoires.

IV.Mesures d’application générales

Coordination

7.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie concernant la création de la commission interinstitutions chargée de l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC/C/OPAC/GEO/1, par. 15). Il regrette toutefois de ne pas avoir reçu d’informations sur la manière dont la commission coordonne les activités menées au titre du Protocole facultatif.

8. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que la commission soit investie d’une autorité suffisante et d’un mandat bien défini et à ce qu’elle soit chargée de coordonner l’ensemble des activités liées à la mise en œuvre du Protocole facultatif entre les différents secteurs, aux plans national, régional et local. L’État partie devrait veiller, en outre, à ce que la commission soit dotée des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à son bon fonctionnement.

Politique et stratégie globales

9. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que la stratégie nationale relative aux droits de l’homme et les plans d’action nationaux connexes comprennent des mesures visant à traiter toutes les questions visées par le Protocole facultatif et à ce que des ressources humaines et financières suffisantes soient allouées à la mise en œuvre de ces mesures.

Allocation de ressources

10.Le Comité note avec préoccupation qu’aucun crédit budgétaire n’est expressément alloué à la mise en œuvre du Protocole facultatif et qu’il n’existe aucun dispositif de suivi budgétaire dans ce domaine.

11. Le Comité recommande à l’État partie d’assurer l’allocation de ressources suffisantes et ciblées et la mise en place de dispositifs de suivi budgétaire aux fins de l’application effective de toutes les dispositions du Protocole facultatif.

Diffusion et sensibilisation

12.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie dans son rapport (CRC/C/OPAC/GEO/1, par. 54 à 56) et au cours du dialogue qu’il a eu avec le Comité, selon lesquelles la question de la protection des droits de l’homme, notamment des droits de l’enfant, est inscrite dans le programme scolaire national. Il regrette toutefois que l’État partie n’ait pas précisé de quelle manière les dispositions du Protocole facultatif étaient traitées dans le cadre du programme et s’il avait entrepris d’autres activités pour mieux faire connaître le Protocole facultatif.

13. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour diffuser largement les principes et dispositions du Protocole facultatif auprès du public, en particulier des enfants et de leurs familles, notamment en inscrivant le Protocole facultatif dans les programmes scolaires et en organisant des campagnes de sensibilisation et des formations de longue durée sur les effets néfastes de toutes les infractions visées par le Protocole facultatif et sur les mesures de prévention à prendre pour les combattre.

Formation

14.Le Comité est heureux d’apprendre de l’État partie que des informations sur le Protocole facultatif sont communiquées dans le cadre de la formation sur le droit international humanitaire dispensée à l’École supérieure de justice et que les juges, policiers et enquêteurs reçoivent une formation sur la justice pour enfants. Il regrette toutefois que les programmes d’études des membres de l’armée et des forces de l’ordre ne comportent pas de formation spécifique aux droits de l’enfant et aux dispositions du Protocole facultatif.

15. Le Comité recommande que le Protocole facultatif soit systématiquement étudié dans le cadre de la formation dispensée à tous les groupes professionnels concernés, en particulier aux membres des forces armées, aux agents des forces de l’ordre et des services d’immigration, aux procureurs, aux avocats, aux juges, aux travailleurs sociaux, aux professionnels de la santé, aux enseignants, aux professionnels des médias et aux responsables locaux.

Données

16.Le Comité regrette de ne pas disposer de données sur les questions visées par le Protocole facultatif, notamment sur le nombre d’enfants qui fréquentent des établissements d’enseignement supérieur militaire.

17. Le Comité recommande à l’État partie de créer un mécanisme permettant de collecter des données exhaustives, ventilées par sexe, âge, nationalité et origine ethnique, concernant toutes les questions touchant le Protocole facultatif, y compris le nombre d’enfants fréquentant des centres d’enseignement militaire.

V.Prévention

Prévention de l’enrôlement et de la radicalisation d’enfants par des groupes terroristes

18.Le Comité prend note de l’adoption, en 2019, de la stratégie nationale de lutte contre le terrorisme et de l’existence du programme national de réadaptation sociale et de prise en charge des enfants. Il est toutefois préoccupé par les informations qui lui ont été communiquées concernant l’enrôlement et la radicalisation d’enfants, originaires, en particulier, de la région de la vallée du Pankissi, qui ont quitté l’État partie pour se rendre sur des territoires en proie à des conflits armés en 2014 et 2015. Il note en outre avec inquiétude que les mesures prises par l’État partie n’ont pas suffi à traiter les causes profondes de cet enrôlement et de cette radicalisation, notamment la pauvreté, la qualité médiocre de l’enseignement et le sentiment d’isolement et d’éloignement du reste du pays qui règne dans cette région.

19. Compte tenu des informations communiquées par l’État partie, le Comité encourage celui-ci à mettre en œuvre la stratégie nationale de lutte contre le terrorisme afin de s’attaquer aux causes profondes de ce phénomène, notamment aux facteurs sociaux, économiques et idéologiques, et à lancer des campagnes efficaces, avec la participation des médias, des responsables locaux et des chefs religieux, pour prévenir les cas de radicalisation et d’enrôlement d’enfants par des groupes terroristes, en particulier dans des régions comme la vallée de Pankissi . Il lui recommande également de redoubler d’efforts pour assurer la réadaptation et la réinsertion des enfants qui rentrent de territoires en proie à des conflits armés.

Instruction militaire

20.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie selon lesquelles la loi sur les obligations militaires et le service militaire prévoit la possibilité pour les personnes âgées de moins de 18 ans de fréquenter, à titre exceptionnel, un établissement d’enseignement militaire supérieur (CRC/C/OPAC/GEO/1, par. 45 et 46). Il note également qu’avant d’être appelés sous les drapeaux, les élèves de ces établissements doivent signer un contrat définissant les modalités d’engagement dans l’armée. Il relève avec préoccupation que les élèves concernés âgés de moins de 18 ans peuvent être amenés, dans le cadre de leur service militaire, à manier des armes à feu.

21. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour garantir que les élèves des établissements d’enseignement militaire supérieur qui sont âgés de moins de 18 ans soient exemptés de tout entraînement militaire impliquant le maniement d’armes à feu et la discipline militaire. Il recommande également à l’État partie de suivre de près les programmes de ces établissements et de veiller à ce qu’ils soient conformes aux dispositions du Protocole facultatif.

22.Le Comité note que, selon les informations que lui a communiquées l’État partie, le programme d’études du lycée militaire Giorgi Kvinitadze, qui accueille les enfants à l’issue de la neuvième année de scolarité, est agréé par le Ministère de l’éducation et les élèves de cet établissement sont considérés comme des civils et non des militaires ; il est toutefois gravement préoccupé d’apprendre que les enfants qui fréquentent cet établissement suivent une formation militaire élémentaire, notamment qu’ils sont entraînés au tir à balles réelles dès l’âge de 16 ans. Il note également avec préoccupation que les élèves de cet établissement qui sont âgés de moins de 18 ans ont uniquement accès à des mécanismes de plainte internes, qui ne sont pas indépendants.

23. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le programme d’études du lycée militaire Giorgi Kvinitadze soit conforme au système éducatif général et à ce que les élèves ne soient pas formés au maniement des armes et des munitions réelles. Il recommande également que les élèves de cet établissement aient accès à un mécanisme de plainte indépendant.

VI.Interdiction et questions connexes

Législation et réglementation pénales en vigueur

24.Le Comité note que l’État partie renvoie à l’article 333 de son Code pénal, qui érige en infraction l’excès de pouvoir. Il regrette toutefois que, bien que l’enrôlement d’enfants âgés de moins de 18 ans dans les forces armées soit interdit, le Code pénal n’incrimine pas expressément l’enrôlement d’enfants de moins de 18 ans et leur utilisation dans des hostilités par les forces armées.

25. Le Comité recommande à l’État partie d’incriminer expressément l’enrôlement d’enfants âgés de moins de 18 ans et leur utilisation dans des hostilités par les forces armées, en introduisant dans son Code pénal une disposition pertinente prévoyant une peine à la mesure de la gravité de cette infraction.

Interdiction de l’enrôlement par des groupes armés non étatiques

26.Le Comité note avec préoccupation que la législation de l’État partie n’interdit pas, ni n’incrimine suffisamment et expressément l’enrôlement d’enfants âgés de moins de 18 ans ni l’utilisation de ces enfants dans des hostilités par des groupes armés non étatiques.

27. Le Comité recommande à l’État partie de modifier son Code pénal de façon à interdire et à incriminer expressément l’enrôlement d’enfants âgés de moins de 18 ans par des groupes armés non étatiques.

28.Le Comité note également avec préoccupation que l’article 223 du Code pénal, relatif aux formations illégales, notamment à l’enrôlement dans ces formations, et l’article 3271 du Code pénal, qui porte sur l’enrôlement dans des organisations terroristes, ne répriment pas plus sévèrement ces actes lorsqu’ils sont commis contre des enfants.

29.Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que l’article 223 de son Code pénal, relatif aux formations illégales, notamment à l’enrôlement dans ces formations, et l’article 3271 de son Code pénal, qui vise l’enrôlement dans des organisations terroristes, répriment plus sévèrement ces actes lorsqu’ils sont commis contre des enfants âgés de moins de 18 ans.

Compétence extraterritoriale et extradition

30. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’établir sa compétence extraterritoriale à l’égard des actes interdits par le Protocole facultatif, notamment la conscription ou l’enrôlement d’enfants dans les forces armées ou des groupes armés non étatiques, ou l’utilisation d’enfants aux fins de participation active à des hostilités, lorsque ces infractions sont commises à l’étranger par ou contre un ressortissant de l’État partie ou une personne qui entretient un lien étroit avec l’État partie, sans que le critère de double incrimination soit applicable  ;

b) De veiller à ce que les traités d’extradition conclus avec d’autres États parties au Protocole facultatif s’appliquent à toutes les infractions visées par le Protocole facultatif.

VII.Protection, réadaptation et réinsertion

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

31.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pris aucune mesure pour garantir qu’à leur arrivée sur le territoire de l’État partie, les enfants qui ont pu être impliqués dans des conflits armés à l’étranger soient rapidement repérés. Il note également avec préoccupation qu’il n’existe aucune règle régissant le statut de victime de ces enfants et que le cadre juridique national ne leur garantit pas l’accès à des soins médicaux adaptés, ni à des mesures de réadaptation psychologique et d’insertion sociale.

32. Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De veiller à ce que tous les professionnels travaillant avec ou pour les enfants, en particulier les agents des services de l’immigration, les membres des forces de l’ordre, les juges, les procureurs, les travailleurs sociaux et les professionnels de la santé, soient systématiquement formés à repérer rapidement les enfants qui pourraient avoir été impliqués dans des conflits armés à l’étranger  ;

b) De prendre toutes les mesures voulues pour améliorer les services de conseil juridique auxquels ont accès les enfants qui pourraient avoir été enrôlés et utilisés dans des conflits armés à l’étranger, notamment de procéder à une évaluation approfondie de la situation de ces enfants  ;

c) D’apporter une assistance pluridisciplinaire immédiate et adaptée à la culture et à l’âge de ces enfants, pour faciliter leur rétablissement physique et psychologique et veiller à ce qu’ils aient accès à des programmes de réadaptation et de réinsertion.

VIII.Assistance et coopération internationales

33. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et de renforcer sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge et avec le Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, et d’étudier la possibilité d’accroître sa coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et d’autres organismes des Nations Unies aux fins de la mise en œuvre du Protocole facultatif.

IX.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

34. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre, et notamment qu’elles soient transmises aux ministères compétents, à la Cour suprême et aux autorités locales pour examen et suite à donner.

35. Le Comité recommande que le rapport et les réponses écrites à la liste de points soumis par l’État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés, notamment sur Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi.

B.Prochain rapport périodique

36. Conformément au paragraphe 2 de l’article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l’État partie de faire figurer des informations complémentaires sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et sur la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra en application de l’article 44 de la Convention.