Observations finales concernant le rapport soumis par Cuba en application du paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés *

Le Comité a examiné le rapport initial de Cuba (CRC/C/OPAC/CUB/1) à sa 2046e séance (voir CRC/C/SR.2046), le 29 septembre 2015, et a adopté les observations finales ci-après à sa 2052e séance (voir CRC/C/SR.2052), le 2 octobre2015

I.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de l’État partie au titre du Protocole facultatif et les réponses écrites à sa liste des points (CRC/C/OPAC/CUB/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a formulées au sujet du deuxième rapport périodique soumis par l’État partie au titre de la Convention (CRC/C/CUB/CO/2) et adoptées le 17 juin 2011, et au sujet du rapport initial soumis au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/CUB/CO/1), adoptées le 2 octobre 2015.

II.Observations générales

Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux suivants ou son adhésion auxdits instruments :

a)Le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en février 2007;

b)Les Conventions de Genève de 1949, en avril 1954, et les Protocoles additionnels I et II s’y rapportant, en novembre 1982 et en juin 1999 respectivement.

III.Mesures d’application générale

Législation

Le Comité note que les enfants de 16 à 18 ans pourraient ne pas être totalement protégés contre les infractions visées par le Protocole facultatif.

Le Comité encourage l’État partie à revoir sa législation afin de garantir la protection de tous les enfants de moins de 18  ans contre les infractions visées par le Protocole facultatif.

Déclarations/réserves

Le Comité note que, selon la déclaration de l’État partie concernant le paragraphe 2 de l’article 3 du Protocole facultatif, les Cubains peuvent s’engager volontairement dans les forces armées au plus tôt l’année durant laquelle ils atteignent l’âge de 17 ans.

Le Comité encourage l’État partie à fixer à 18  ans l’âge minimum de l’enrôlement dans les forces armées, sans exception possible.

Coordination

Le Comité accueille avec satisfaction la nomination du Premier Vice-Président en tant qu’autorité nationale chargée du suivi et de la coordination des questions relatives aux droits de l’enfant. Toutefois, il est préoccupé par le manque de clarté et le chevauchement des structures chargées de la mise en œuvre des droits de l’enfant, ainsi que par l’absence d’un organe unique chargé de garantir une approche globale et cohérente, y compris pour l’application du Protocole facultatif.

Le Comité, rappelant sa recommandation précédente (voir CRC/C/CUB/CO/2, par.  9), recommande à l’État partie de désigner un organe unique capable de jouer un rôle directeur et d’assurer un contrôle efficace du suivi et de l’évaluation des activités relatives aux droits de l’enfant menées en application de la Convention et des Protocoles facultatifs s’y rapportant par les différents ministères et à tous les échelons , de l’administration centrale aux autorités locales, et d’assurer une coordination optimale entre les différent e s institutions et commissions qui participent à l’élaboration et à l’application des politiques relatives aux droits de l’enfant.

Mécanisme de suivi indépendant

Le Comité prend note des renseignements fournis par l’État partie au sujet de l’existence de plusieurs mécanismes de suivi nationaux. Toutefois, il est préoccupé par l’absence d’une institution nationale de défense des droits de l’homme indépendante chargée d’évaluer à intervalles réguliers les progrès enregistrés dans la réalisation des droits énoncés dans le Protocole facultatif et de recevoir et traiter les plaintes émanant d’enfants.

À la lumière de sa recommandation précédente formulée au titre de la Convention (voir CRC/C/CUB/CO/2, par.  13), le Comité prie instamment l’État partie d’instituer un mécanisme indépendant conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principe s de Paris) , chargé de suivre la réalisation des droits consacrés par le Protocole facultatif et de traiter les plaintes émanant d’enfants , rapidement et selon des modalités qui leur soient adaptées.

Diffusion et sensibilisation

Le Comité constate avec préoccupation que les efforts entrepris pour faire connaître le Protocole facultatif sont de portée limitée et que les dispositions de cet instrument sont peu connues des organisations de la société civile, des enfants et de la population en général.

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour faire connaître les principes et dispositions du Protocole facultatif, notamment en élaborant des campagnes d’information spécifiques pour sensibiliser les agents de l’État, les militaires (y compris au niveau local), les parents, les enseignants, les élèves, les enfants et les acteurs de la société civile.

Formation

Le Comité regrette le manque d’informations sur les mesures prises pour offrir une formation sur le Protocole facultatif aux groupes professionnels concernés, aux enfants et à la population en général, ainsi qu’aux Cubains qui participent à des missions humanitaires à l’étranger.

Le Comité recommande à l’État partie d’élaborer des modules de formation systématiques et complets concernant les dispositions du Protocole facultatif et le droit international humanitaire pour tous les groupes professionnels concernés, en particulier les militaires, les forces de l’ordre, les professionnels de l’éducation, les travailleurs sociaux, les enfants et les acteurs de la société civile.

IV.Prévention

Enrôlement obligatoire

Le Comité constate avec préoccupation que la législation nationale n’indique pas explicitement que l’âge minimum pour participer à des hostilités en période d’urgence nationale est de 18 ans.

Le Comité recommande à l’État partie de fixer à 18  ans l’âge minimum pour participer à des hostilités, y compris en période d’urgence nationale.

Engagement volontaire

Le Comité constate avec préoccupation que les conditions applicables à l’engagement volontaire (lequel est ouvert aux personnes de moins de 18 ans), notamment l’abrégement du service militaire et les facilités d’accès à l’enseignement supérieur et à l’emploi, peuvent avoir une influence sur l’authenticité du caractère volontaire de cet engagement.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que le consentement à l’engagement volontaire soit authentique .

Écoles militaires

Le Comité s’inquiète du fait que des enfants d’à peine 14 ans puissent s’inscrire dans les écoles militaires administrées par les forces armées. Il constate également avec préoccupation que l’âge minimum pour entrer dans un établissement militaire d’enseignement supérieur est de 17 ans et que la formation militaire, y compris la formation au maniement des armes, commence dès la première année. Le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur les écoles militaires administrées par le Ministère de l’intérieur, en particulier sur leurs programmes, sur le statut civil des élèves et sur les règles et règlements disciplinaires applicables.

Le Comité recommande à l’État partie d’interdire les formations de type militaire , notamment l’utilisation d es armes à feu , pour les enfants de moins de 18  ans et de faire en sorte que toutes les écoles militaires accueillant des enfants tiennent compte des principes relatifs aux droits de l’homme.

Brigades de production et de défense

Le Comité note avec préoccupation que les Brigades de production et de défense sont ouvertes aux enfants et que leurs membres peuvent être mobilisés pour prendre part aux hostilités dans les situations d’urgence.

Le Comité recommande à l’État partie de réviser la législation relative aux Brigades de production et de défense pour faire en sorte que les enfants qui en sont membres ne puissent pas prendre part à des hostilités en cas d’urgence nationale.

Enseignement des droits de l’homme et éducation pour la paix

S e référant à son observation générale n o 1 (2001) sur les buts de l’éducation, le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour bâtir une culture de la paix grâce à des projets éducatifs portant sur les conséquences négatives des conflits, et d’inscrire systématiquement l’enseignement des droits de l’homme et le droit humanitaire international dans les programmes scolaires, en mettant l’accent sur les infractions visées par le Protocole facultatif.

V.Interdiction et questions connexes

Législation et réglementation pénales en vigueur

Le Comité regrette que la législation n’interdise ni n’incrimine expressément l’enrôlement et l’utilisation d’enfants par les forces armées, les sociétés de sécurité et les groupes armés non étatiques. Il relève également avec préoccupation que l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans ne constitue pas un crime de guerre dans la législation de l’État partie et que celle-ci n’indique pas expressément que l’âge minimum pour prendre part à des hostilités est de 18 ans en période d’urgence nationale.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’interdire et d’incriminer expressément l’enrôlement et l’utilisation d’enfants de moins de 18  ans dans des hostilités par les forces armées, d es groupes armés non étatiques et d es sociétés de sécurité;

b) De qualifier de crime de guerre et de punir en tant que tel l’enrôlement d’enfants de moins de 15  ans , et d’envisager de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale;

c) De réviser sa législation interne afin d’indiquer expressément que l’âge minimum pour prendre part à des hostilités est de 18  ans en période d’urgence nationale.

Compétence extraterritoriale

Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’exerce pas sa compétence extraterritoriale pour les actes prohibés par le Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l’État partie d’exercer sa compétence extraterritoriale pour les actes prohibés par le Protocole facultatif, y compris la conscription ou l’enrôlement d’enfants dans les forces armées ou dans des groupes armés et l’utilisation d’enfants aux fins de participation active à des hostilités, si ces infractions sont commis es par ou contre un ressortissant cubain ou une personne qui entretient un lien étroit avec l’État partie.

Extradition

Le Comité est préoccupé par le fait que le critère de la double incrimination puisse être appliqué dans les cas d’extradition concernant des infractions visées par le Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour veiller à ce que le critère de la double incrimination ne soit pas appliqué dans les cas d’extradition concernant des infractions visées par le Protocole facultatif.

VI.Assistance et coopération internationales

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et de renforcer sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge et avec le Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, et d’étudier la possibilité de développer sa coopération avec l’UNICEF et avec d’ autres organismes des Nations Unies en ce qui concerne l’application du Protocole facultatif.

VII.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

Le Comité recommande à l’État partie, en vue de renforcer davantage la mise en œuvre des droits de l’enfant, de ratifier le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

VIII.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la pleine application des présentes recommandations, et notamment de les transmettre au Parlement, aux ministères compétents, dont le Ministère de la défense, à la Cour suprême et aux autorités locales pour examen et suite à donner.

Le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement, y compris par Internet, son rapport et ses réponses écrites ainsi que les présentes observations finales auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi.

IX.Prochain rapport

Conformément au paragraphe 2 de l’article 8 du Protocole facultatif et à l’article 44 de la Convention relative aux droits de l’enfant, le Comité demande à l’État partie de faire figurer un complément d’information sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra au titre de la Convention.