Nations Unies

CRC/C/OPAC/TJK/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

1er novembre 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le rapport soumis par le Tadjikistan en application du paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport du Tadjikistan (CRC/C/OPAC/TJK/1) à sa 2228e séance (voir CRC/C/SR.2228), le 14 septembre 2017, et a adopté les présentes observations finales à sa 2251e séance, le 29 septembre 2017.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie et les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPAC/TJK/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a formulées au sujet du rapport valant troisième à cinquième rapports périodiques que l’État partie a soumis au titre de la Convention (CRC/C/TJK/CO/3-5), et au sujet du rapport qu’il a soumis au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/TJK/CO/1), adoptées le 29 septembre 2017.

II.Observations d’ordre général

Aspects positifs

4.Le Comité salue l’adhésion de l’État partie, en juin 2005, à la convention (no 182) de l’Organisation internationale du Travail sur les pires formes de travail des enfants, 1999.

5.Il prend note avec satisfaction :

a)De la déclaration par laquelle, lors de la ratification, l’État partie a interdit l’engagement volontaire dans ses forces armées de personnes qui n’ont pas atteint l’âge de 18 ans ;

b)Du fait que le Protocole facultatif a force de loi dans l’État partie ;

c)De l’adoption en 2016 de la loi nationale sur la lutte antimines à des fins humanitaires.

III.Mesures d’application générales

Législation

6.Le Comité note avec satisfaction que, dans son rapport, l’État partie indique que le Protocole facultatif prime le droit national car, en vertu de la Constitution, les instruments juridiques internationaux reconnus par l’État partie font partie intégrante de son système juridique.

7. Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir et de modifier la législation existante, en particulier le Code pénal, afin de se mettre en conformité avec l ’ objet et le but du Protocole facultatif.

Coordination

8.Le Comité note avec satisfaction qu’un grand nombre d’entités sont associées à la mise en œuvre du Protocole facultatif, chacune travaillant dans son domaine de compétence. Il est toutefois préoccupé de ne pas avoir reçu d’informations sur l’entité chargée de coordonner cette mise en œuvre.

9. Eu égard au paragraphe 7 des observations finales qu ’ il a formulées au titre de la Convention (CRC/C/TJK/CO/3-5), le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer la coordination entre les différents ministères, institutions et commissions qui participent à l ’ élaboration et à l ’ application des politiques relatives aux droits de l ’ enfant en rapport avec le Protocole facultatif.

Diffusion, sensibilisation et formation

10.Le Comité note avec satisfaction que le Programme d’éducation dans le domaine des droits de l’homme 2013-2020 comprend un cours sur le respect des droits de l’homme en période de conflit armé, destiné notamment au personnel militaire. Il s’inquiète toutefois de ce que la formation portant sur les dispositions du Protocole facultatif semble insuffisante. Il note aussi avec préoccupation que le Protocole facultatif est mal connu du grand public.

11. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à ce que les principes et dispositions du Protocole facultatif soient largement diffusés auprès du grand public et en particulier des enfants ;

b) De compléter la formation aux droits de l ’ homme par une formation spécifique sur les dispositions du Protocole facultatif s ’ adressant à toutes les catégories professionnelles concernées, en particulier les forces armées ;

c) D ’ élaborer des programmes de sensibilisation, d ’ éducation et de formation portant sur les dispositions du Protocole facultatif à l ’ intention des catégories professionnelles travaillant pour ou avec des enfants, notamment les membres des forces internationales de maintien de la paix, les agents des forces de l ’ ordre et des services d ’ immigration, les procureurs, les avocats, les juges, les travailleurs sociaux, les professionnels de santé, les enseignants, les professionnels des médias et les fonctionnaires des administrations locales et de district.

Données

12.Le Comité regrette que le mécanisme de collecte, d’analyse et de suivi des données relatives à tous les domaines couverts par le Protocole facultatif soit insuffisant. Il prend note avec préoccupation de l’insuffisance des données communiquées au sujet de la mise en œuvre du Protocole facultatif, notamment des données sur les enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants non accompagnés susceptibles d’avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger.

13. Le Comité recommande à l ’ État partie de créer un mécanisme centralisé chargé de collecter un ensemble complet d ’ informations et de statistiques ventilées sur la mise en œuvre du Protocole facultatif, et d ’ identifier et d ’ enregistrer tous les enfants relevant de sa juridiction susceptibles d ’ avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités par des groupes armés non étatiques à l ’ étranger, y compris les enfants réfugiés et demandeurs d ’ asile. Il lui demande également de fournir des renseignements sur la mise en œuvre de la présente recommandation dans son prochain rapport périodique au titre de la Convention.

IV.Prévention

Prévention de l’enrôlement par des groupes armés non étatiques

14.Alors que, selon certaines informations, des familles avec enfants auraient quitté l’État partie pour rejoindre des territoires qui sont le théâtre de conflits armés, le Comité est vivement préoccupé par l’insuffisance des mesures prises par l’État partie pour empêcher la radicalisation et le recrutement par des groupes extrémistes violents.

15. Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ élaborer une stratégie pour combattre le problème croissant de l ’ extrémisme, de la radicalisation et du recrutement par des groupes armés. Il lui recommande également de redoubler d ’ efforts pour assurer la réadaptation et la réinsertion des enfants qui rentrent de territoires en proie à des conflits armés.

Écoles militaires

16.Le Comité note avec préoccupation :

a)Que les programmes des écoles militaires ne sont pas placés sous l’égide du Ministère de l’éducation et des sciences ;

b)Que les enfants peuvent s’inscrire dans un établissement d’enseignement secondaire de l’armée dès l’âge de 15 ans et recevoir une formation militaire ;

c)Que les enfants qui fréquentent les établissements d’enseignement supérieur de l’armée sont considérés comme étant en service militaire actif en tant que conscrits, qu’ils sont formés au maniement des armes et sont susceptibles de participer à des hostilités après avoir achevé leur première année d’études.

17. Le Comité recommande à l ’ État partie de veiller à ce que :

a) Les programmes des écoles militaires soient conçus par le Ministère de l ’ éducation et des sciences en tenant compte des principes relatifs aux droits de l ’ homme ;

b) Les élèves des écoles militaires ne soient pas formés au maniement des armes ou déployés dans des zones de conflit armé avant l ’ âge de 18 ans.

Éducation aux droits de l’homme et à la paix

18.Le Comité salue les programmes qui intègrent l’éducation aux droits de l’homme dans le système éducatif, et note avec satisfaction que l’Institut militaire du Ministère de la défense dispense régulièrement au personnel militaire une formation aux droits de l’homme. Il est toutefois préoccupé par l’absence d’informations sur l’existence d’une éducation aux droits de l’homme et à la paix dans les programmes scolaires destinés aux enfants, notamment aux élèves des établissements d’enseignement secondaire et supérieur de l’armée.

19. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter des mesures visant à renforcer l ’ éducation à la paix dans les programmes scolaires et à promouvoir une culture de la paix et de la tolérance dans les écoles, y compris dans les établissements d ’ enseignement secondaire et supérieur de l ’ armée. Il recommande également à l ’ État partie de renforcer l ’ éducation aux droits de l ’ homme et à la paix dans la formation des enseignants, des juges, des fonctionnaires, des membres des forces de l ’ ordre et du personnel militaire, à tous les niveaux.

V.Interdiction et questions connexes

Législation et réglementation pénales en vigueur

20.Le Comité note avec une vive préoccupation que la législation de l’État partie n’incrimine pas expressément le fait, pour les forces armées et les groupes armés non étatiques, d’enrôler des personnes de moins de 18 ans et de les utiliser dans des hostilités. Il note aussi avec préoccupation que l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans ne constitue pas un crime de guerre dans la législation de l’État partie.

21. Le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) D ’ adopter une loi qui interdise et incrimine expressément le fait, pour les forces armées, les groupes armés non étatiques et les sociétés de sécurité, d ’ enrôler des personnes de moins de 18 ans et de les utiliser dans des hostilités  ;

b) De qualifier de crime de guerre et de punir en tant que tel l ’ enrôlement d ’ enfants de moins de 15 ans ;

c) De veiller à ce que tous les codes, manuels et autres directives militaires soient conformes aux dispositions du Protocole facultatif.

Compétence extraterritoriale et extradition

22.Le Comité regrette que la législation nationale sur la compétence extraterritoriale ne couvre pas toutes les infractions visées par le Protocole facultatif. Il s’inquiète également de ce que l’extradition est soumise au principe de la double incrimination.

23.Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures qui s ’ imposent pour faire en sorte que sa législation lui permette d ’ établir et d ’ exercer sa compétence extraterritoriale et d ’ inscrire dans ses traités d ’ extradition les infractions visées par le Protocole facultatif. Il lui recommande en outre de faire le nécessaire pour que le critère de la double incrimination ne soit plus une condition de l ’ extradition pour les infractions visées par le Protocole facultatif.

VI.Protection, réadaptation et réinsertion

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

24.Le Comité regrette que les informations fournies par l’État partie sur les mesures visant à repérer les enfants, notamment les enfants réfugiés et les enfants demandeurs d’asile, qui sont susceptibles d’avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger et sur les mesures prises pour assurer leur réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion sociale soient insuffisantes.

25. Le Comité encourage l ’ État partie à établir un protocole pour l ’ identification des enfants susceptibles d ’ avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l ’ étranger, et à prendre les mesures nécessaires pour assurer leur réadaptation physique et psychologique ainsi que leur réinsertion sociale. Ces mesures devraient notamment consister à évaluer attentivement la situation de ces enfants, à renforcer les services de conseil juridique qui leur sont destinés et à leur fournir immédiatement une assistance pluridisciplinaire, adaptée à leur âge et respectueuse de leur culture, en vue de leur réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion sociale.

Mines terrestres

26.Le Comité note avec une vive préoccupation que les enfants continuent de pâtir de la présence de mines terrestres, et que les enfants victimes de l’explosion de mines ou d’autres conséquences de la guerre civile ne reçoivent pas une aide suffisante en matière de réadaptation physique et psychologique.

27. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de renforcer les campagnes de sensibilisation aux dangers des mines et les activités de déminage, et de veiller à ce que tous les enfants victimes de l ’ explosion de mines ou d ’ autres conséquences de la guerre civile aient accès à des programmes d ’ aide aux victimes et de réadaptation.

Aide à la réadaptation physique et psychologique et à la réinsertion sociale

28.Le Comité prend note des renseignements fournis par la délégation de l’État partie sur les enfants tadjiks qui reviennent de zones de conflit armé à l’étranger et qui pourraient avoir participé à des hostilités ces dernières années. Il est préoccupé par le manque d’informations sur les mesures de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale qui ont été prises en faveur de ces enfants.

29. Le Comité recommande à l ’ État partie de maintenir et de renforcer les mesures nécessaires pour fournir aux enfants susceptibles d ’ avoir participé à un conflit armé à l ’ étranger, lorsqu ’ ils sont identifiés, l ’ aide nécessaire à leur réadaptation physique et psychologique.

VII.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

30. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et de renforcer sa coopération avec le Comité international de la Croix ‑Rouge et avec le Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, et d ’ étudier la possibilité d ’ accroître sa coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance ( UNICEF) et d ’ autres organismes des Nations Unies aux fins de la mise en œuvre du Protocole facultatif.

Exportation d’armes et aide militaire

31. Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d ’ armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

VIII.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

32. Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier le Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications, afin de renforcer encore le respect des droits de l ’ enfant.

IX.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

33. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre, et notamment qu ’ elles soient transmises au Ministère de la défense, au Parlement, à la Cour suprême ainsi qu ’ aux autorités locales, pour examen et suite à donner.

34. Le Comité recommande que le rapport et les réponses écrites à la liste de points soumis par l ’ État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés, notamment sur Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi.

B.Prochain rapport périodique

35. Conformément au paragraphe  2 de l ’ article  8 du Protocole facultatif, le Comité prie l ’ État partie de faire figurer des informations complémentaires sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et sur la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il soumettra en application de l ’ article 44 de la Convention.