Nations Unies

CRC/C/OPAC/CYP/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

13 octobre 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le rapport soumis par Chypre en application du paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport de Chypre (CRC/C/OPAC/CYP/1) à sa 2244e séance (voir CRC/C/SR.2244), le 26 septembre 2017, et a adopté les présentes observations finales à sa 2251e séance, le 29 septembre 2017.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie et les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPAC/CYP/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a formulées au sujet du rapport valant troisième et quatrième rapports périodiques que l’État partie a soumis au titre de la Convention (CRC/C/CYP/CO/3-4), adoptées le 24 septembre 2012.

II.Observations d’ordre général

Aspects positifs

4.Le Comité salue la ratification, par l’État partie, des instruments suivants :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, en septembre 2017 ;

b)Le Traité sur le commerce des armes, en mai 2016.

5.Le Comité salue également la décision prise par l’État partie en juillet 2017 de s’associer à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles.

III.Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre du Protocole

6. Le Comité constate que la division persistante de l ’ île, conséquence des événements de 1974, continue de peser sur l ’ accomplissement des obligations qui incombent à l ’ État partie au titre du Protocole facultatif. Il insiste néanmoins sur le fait que ces circonstances ne peuvent servir à maintenir des lois ou des pratiques qui vont à l ’ encontre de l ’ objet et du but du Protocole facultatif.

IV.Mesures d’application générales

Déclarations/réserves

7.Le Comité constate avec une profonde préoccupation que l’État partie a décidé de maintenir la déclaration restrictive qu’il a faite lors de la ratification du Protocole facultatif, dans laquelle il indique que l’obligation d’effectuer son service militaire prend effet, en temps de paix, le 1er janvier de l’année au cours de laquelle l’intéressé atteint l’âge de 18 ans, tout en affirmant que la République de Chypre comprend que l’article 1 du Protocole facultatif n’empêchera pas le déploiement de membres de ses forces armées, quel que soit leur âge, dans le cadre d’hostilités dans les situations exposées.

8. Le Comité considère que cette déclaration équivaut à une réserve aux articles 1 et 2 du Protocole facultatif et qu ’ elle va à l ’ encontre de l ’ objet et du but du Protocole facultatif. Il invite instamment l ’ État partie à la retirer en vue de protéger tous les enfants contre la participation directe à un conflit armé et de qu ’ ils ne soient pas enrôlés de force dans les forces armées.

Législation

9.Le Comité relève que le Ministère de la défense a récemment décidé qu’à partir de 2018, une seule session annuelle d’enrôlement dans la Garde nationale serait organisée, en juillet, ce qui réduira le nombre d’enfants de 17 ans soumis à un enrôlement obligatoire. Il constate néanmoins avec une profonde préoccupation que la loi relative à la Garde nationale maintient l’enrôlement obligatoire de personnes de moins de 18 ans.

10. Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ examiner et de modifier sa loi relative à la Garde nationale de façon à n ’ autoriser l ’ enrôlement obligatoire que si la personne concernée a atteint l ’ âge de 18 ans à la date du recrutement et à respecter l ’ objet et le but du Protocole facultatif.

Formation

11.Le Comité prend note des programmes de l’État partie visant à former les policiers, les agents des services d’immigration, les agents des services d’asile, les juges et les officiers de l’armée au sujet du Protocole facultatif, mais il relève avec préoccupation qu’il n’existe pas, à ce jour, de formation spécifique concernant les droits des enfants et les dispositions du Protocole facultatif, notamment pour les militaires et les agents des forces de l’ordre.

12. Le Comité recommande que la formation concernant le Protocole facultatif soit systématiquement intégrée dans le cadre de la formation pour toutes les catégories professionnelles concernées, en particulier les forces armées, les membres des forces internationales de maintien de la paix, les agents des forces de l ’ ordre et des services d ’ immigration, les agents des services d ’ asile, l es procureurs, les avocats, les juges, les travailleurs sociaux, les professionnels de la santé, les enseignants, les professionnels des médias et les responsables au niveau local et au niveau des districts.

Données

13.Le Comité relève avec préoccupation :

a)Le fait que les données relatives aux enfants de moins de 18 ans enrôlés dans les forces armées nationales ne sont pas rendues publiques ;

b)Le manque de données concernant les enfants demandeurs d’asile, réfugiés et migrants qui se trouvent dans l’État partie et qui pourraient avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger.

14.  Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De collecter et publier systématiquement des données ventilées sur le nombre d ’ enfants de moins de 18 ans enrôlés volontairement ou de force dans les forces armées nationales ;

b) D ’ établir un mécanisme permettant de collecter des données exhaustives, ventilées par sexe, âge, nationalité et origine ethnique, concernant les enfants demandeurs d ’ asile, réfugiés, migrants et non accompagnés qui entrent sur le territoire de l ’ État partie et pourraient avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l ’ étranger.

Diffusion

15.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie selon lesquelles le Protocole facultatif est publié sur le site Web du Ministère de la défense, mais il constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas largement diffusé des informations sur les principes et les dispositions du Protocole facultatif auprès des membres des forces armées et du grand public, y compris les enfants et leur famille.

16. Eu égard au paragraphe 2 de l ’ article 6 du Protocole facultatif, le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour faire largement connaître les principes et dispositions du Protocole facultatif aux membres des forces armées et au grand public, en particulier aux enfants, et d ’ inclure le Protocole facultatif dans les programmes scolaires et dans le dossier d ’ information remis aux recrues.

V.Prévention

Enrôlement forcé

17.Le Comité s’inquiète vivement du fait que l’État partie maintient l’enrôlement obligatoire pendant l’année au cours de laquelle les citoyens de sexe masculin atteignent l’âge de 18 ans, ce qui permet l’enrôlement obligatoire d’enfants de moins de 18 ans. Il s’inquiète d’autant plus que l’État partie n’interdit pas aux membres des forces armées qui ont moins de 18 ans de prendre directement part à des hostilités.

18.  Conformément à l ’ objet du Protocole facultatif et à son but, qui est de protéger tous les enfants de moins de 18 ans de la participation à un conflit armé, et suivant le principe de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant, le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) D e mettre fin à sa pratique de recrutement obligatoire d ’ enfants qui n ’ ont pas encore atteint 18 ans ;

b) D e prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher que les membres des forces armées qui n ’ ont pas encore atteint 18 ans ne prennent directement part aux hostilités en toutes circonstances.

Engagement volontaire

19.Le Comité constate avec préoccupation que les engagés volontaires de 17 ans ne sont pas suffisamment renseignés au sujet de leurs droits, en particulier des droits qui découlent du Protocole facultatif, et que les informations communiquées par les représentants de la Garde nationale dans le cadre des interventions dans les écoles sont également incomplètes.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que des renseignements sur le Protocole facultatif et les droits qu ’ il consacre soient donnés dans le cadre des informations communiquées aux engagés volontaires de 17 ans et des informations communiquées pendant les visites d ’ écoles effectuées par des unités militaires, de façon à augmenter le niveau de connaissance des droits au titre du Protocole facultatif, en particulier pour faire en sorte que toutes les personnes qui s ’ engagent soient bien informées et véritablement volontaires. Il recommande en outre à l ’ État partie de renseigner les enfants sur les diverses options, militaires et non militaires, qui s ’ offrent à eux pour l ’ avenir.

Instruction militaire

21.Le Comité prend note des récentes instructions selon lesquelles des renseignements sur les dispositions du Protocole facultatif seront désormais intégrés dans la formation des militaires et des jeunes officiers qui assureront l’instruction des nouvelles recrues, mais il constate toujours avec préoccupation le manque de renseignements sur la formation actuelle des membres des forces armées, en particulier ceux âgés de moins de 18 ans, en ce qui concerne le Protocole facultatif et les droits qui y sont énoncés.

22. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que des renseignements sur le Protocole facultatif soient intégrés dans la formation de tous les membres des forces armées et qu ’ une attention particulière soit accordée aux membres des forces armées qui ont moins de 18 ans.

VI.Interdiction et questions connexes

Législation et réglementation pénales en vigueur

23.Le Comité regrette que la législation n’incrimine pas expressément l’enrôlement et l’utilisation d’enfants qui n’ont pas atteint l’âge indiqué dans le Protocole facultatif par les forces armées ou par des groupes armés non étatiques dans des hostilités et que l’enrôlement et l’utilisation des enfants par les sociétés privées de sécurité n’ont toujours pas été expressément interdits ni incriminés.

24. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ interdire et d ’ incriminer expressément l ’ enrôlement et l ’ utilisation d ’ enfants de moins de 18 ans dans le cadre d ’ hostilités par les forces armées et par des groupes armés non étatiques ou par des sociétés privées d ’ opérations militaires et de sécurité.

Compétence extraterritoriale et extradition

25.Le Comité note que la compétence extraterritoriale n’est pas applicable aux infractions visées par le Protocole facultatif dans tous les cas et que le cadre juridique de l’État partie et les accords d’extradition bilatéraux ne couvrent pas toutes les infractions visées par le Protocole facultatif. Il relève également avec préoccupation le critère de la double incrimination, exigé dans les deux cas, d’autant plus que certaines infractions ne sont pas considérées comme des infractions pénales dans l’État partie.

26.  Le Comité recommande à l ’ État partie :

  a) D’ établir sa compétence extraterritoriale pour les actes interdits par le Protocole facultatif, notamment la conscription ou l ’ enrôlement d ’ enfants dans les forces armées ou des groupes armés, ou l ’ utilisation d ’ enfants aux fins de participation active à des hostilités, si ces infractions sont commises par ou contre un ressortissant de l ’ État partie ou une personne qui entretient un lien étroit avec l ’ État partie ;

b) D e prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les traités d ’ extradition incluent toutes les infractions visées par le Protocole facultatif ;

c) D’ éliminer le critère de double incrimination à la fois pour la compétence extraterritoriale et les affaires d ’ extradition en ce qui concerne les infractions visées par le Protocole facultatif.

VII.Protection, réadaptation et réinsertion

Traitement des membres des forces armées de moins de 18 ans dans le système de justice pénale

27.Le Comité constate avec préoccupation que les membres des forces armées qui sont soupçonnés d’avoir commis des infractions ou qui ont commis des infractions avant l’âge de 18 ans sont soumis au Code pénal militaire et à la discipline militaire.

28. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que les membres des forces armées qui ont moins de 18 ans ne soient pas soumis au Code pénal militaire, quelle que soit la nature de l ’ infraction commise.

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants migrants, demandeurs d’asile et réfugiés

29.Le Comité prend note de l’aide à laquelle ont droit les enfants réfugiés et non accompagnés qui se trouvent dans l’État partie, mais il constate avec préoccupation l’absence d’une aide appropriée fournie à tous les enfants qui pourraient avoir été enrôlés et/ou utilisés dans des hostilités à l’étranger. Il constate également avec préoccupation l’absence de mécanisme de détection précoce de ces cas et le caractère inadéquat de la formation et des directives à l’intention des agents de l’État qui travaillent au contact de ces enfants ; les retards à toutes les étapes de l’enregistrement et du traitement de la demande d’asile ; et l’absence d’appui adéquat de la part de l’État partie aux programmes de traitement spécialisés pour la réinsertion sociale et la réadaptation de ces enfants.

30.  Le Comité attire l ’ attention de l ’ État partie sur ses obligations au titre de l ’ article 7 du Protocole facultatif et il lui demande instamment de garantir une aide et un appui appropriés et rapides aux enfants migrants, réfugiés et demandeurs d ’ asile, qui pourraient avoir été enrôlés et/ou utilisés dans des hostilités, et d ’ assurer pleinement la protection de ces enfants, conformément aux normes internationales. À cet égard, le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) D’ établir un mécanisme pour la détection précoce de tous les enfants migrants, demandeurs d ’ asile et réfugiés qui risquent d ’ être enrôlés et/ou utilisés dans le cadre d ’ hostilités ou qui l ’ ont été et de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le bon fonctionnement de ce mécanisme ;

  b) D e mettre au point à l ’ intention des fonctionnaires qui travaillent auprès des enfants migrants, demandeurs d ’ asile ou réfugiés des directives et une formation spécialisée en ce qui concerne l ’ identification des enfants qui risquent d ’ être enrôlés et/ou utilisés dans le cadre d ’ hostilités ou qui l ’ ont été, ainsi que les droits et le traitement approprié de ces enfants, et de garantir leur mise en œuvre ;

  c) D e mettre sur pied des services spécialisés pour garantir que les enfants qui ont pu être impliqués dans un conflit armé reçoivent une aide appropriée en vue de leur réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion sociale ;

d) L e cas échéant, de garantir la présence d ’ interprètes au moment de l ’ enregistrement de la demande d ’ asile et tout au long de la procédure, y compris lors des consultations médicales ;

e) D e faire en sorte que les décisions et les mesures soient prises rapidement à toutes les étapes de l ’ enregistrement et du traitement de la demande d ’ asile.

31. Le Comité recommande également à l ’ État partie de prendre en compte son Observation générale n o 6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et séparés en dehors de leur pays d ’ origine.

32.Le Comité constate que les enfants qui sont considérés victimes de traite en vertu de la loi relative à la traite des personnes (60 (I)/2014) ont la garantie de ne pas être refoulés. Il est néanmoins préoccupé par le fait que l’État partie ne garantit pas expressément le non‑refoulement de tous les enfants migrants, notamment de ceux qui ne font pas l’objet d’une procédure d’asile, compte tenu du fait qu’ils sont susceptibles d’avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités ou qu’ils risquent d’être victimes de ces pratiques.

33. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de garantir le plein respect du principe fondamental de non-refoulement, en toutes circonstances, en particulier lorsqu ’ il est question d ’ enfants qui ont été enrôlés ou utilisés dans des hostilités ou qui risquent de l ’ être.

VIII.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

34. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et de renforcer sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge et avec le Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, et d ’ étudier la possibilité d ’ accroître sa coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance ( UNICEF) et d ’ autres organismes des Nations Unies aux fins de la mise en œuvre du Protocole facultatif.

IX.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

35. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre, et notamment qu ’ elles soient transmises au Ministère de la défense, au Ministère de la justice, au Ministère de l ’ intérieur, au Ministère de la santé, aux services de police et aux autorités locales pour examen et suite à donner.

36. Le Comité recommande que le rapport et les réponses écrites à la liste de points soumis par l ’ État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés, notamment sur Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des écoles, des centres d ’ accueil, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi.

B.Prochain rapport périodique

37. Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l ’ État partie de faire figurer des informations complémentaires sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et sur la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il soumettra en application de l ’ article 44 de la Convention.