Nations Unies

CMW/C/MEX/CO/2

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr. générale

3 mai 2011

Français

Original: espagnol

Comité pour l a protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Quatorz ième session

Genève, 4-8 avril 2011

Examen des rapports présentés par les États partiesen application de l’article 74 de la Convention

Observations finales du Comité pour la protection des droitsde tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Mexique

1.Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Mexique (CMW/C/MEX/2) à ses 157e et 158e séances (voir CMW/C/SR.157 et 158), tenues les 4 et 5 avril 2011, et adopté les observations finales ci-après à sa 163e séance, tenue le 7 avril.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la présentation du deuxième rapport périodique de l’État partie et se félicite du dialogue engagé avec la délégation aussi diverse que représentative. Il remercie également l’État partie de ses réponses détaillées à la liste de questions et des informations complémentaires fournies par la délégation.

3.Le Comité constate que certains des pays qui accueillent des travailleurs migrants mexicains ne sont toujours pas parties à la Convention, ce qui entrave l’exercice par ces travailleurs des droits consacrés dans la Convention.

4.Le Comité accueille avec satisfaction la contribution de la Commission nationale des droits de l’homme et des organisations non gouvernementales à ses travaux à l’occasion de l’examen du deuxième rapport périodique du Mexique.

B.Aspects positifs

5.Le Comité se félicite que l’État partie ait déclaré que la question des migrations demeurait une priorité de son action politique et qu’il continuait de participer activement à la promotion de la Convention aux niveaux régional et international.

6.Le Comité salue le fait que l’État partie ait reconnu, comme il lui avait demandé de le faire en 2006, la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles, conformément à l’article 77 de la Convention.

7.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures législatives, les politiques publiques et les actions de renforcement institutionnel adoptées par l’État partie pour promouvoir et protéger les travailleurs migrants, notamment:

a)La réforme de la loi générale sur la population, qui supprime les peines de prison, de dix-huit mois à dix ans, pour les travailleurs migrants non pourvus de documents, en vigueur depuis le 22 juillet 2008;

b)L’adoption de la loi visant à prévenir et à sanctionner la traite des personnes et de la loi générale relative à l’accès des femmes à une vie exempte de violence; la décision de qualifier la traite des personnes de délit dans le Code pénal fédéral − comme le Comité l’avait recommandé −, la création du Bureau du Procureur spécial pour les délits de violence contre les femmes et la traite des personnes; la promulgation du Programme national pour prévenir et sanctionner la traite des personnes; l’adoption par l’Institut national des migrations (INM) de protocoles pour le repérage, l’identification et la prise en charge d’étrangers victimes d’infractions et la possibilité offerte aux victimes et témoins d’infractions d’obtenir des visas de séjour;

c)L’accord instituant des normes pour le fonctionnement des postes migratoires, en vigueur depuis le 8 octobre 2009, et la publication, en janvier 2010, du Manuel relatif aux critères et procédures migratoires de l’INM;

d)L’ensemble de mesures adoptées pour améliorer la situation des centres de rétention des migrants, réduire la surpopulation et les délais de séjour dans ces centres, et faciliter l’accès des personnes retenues aux soins médicaux et à la communication avec l’extérieur;

e)La réforme de l’article 67 de la loi générale sur la population, qui interdit de refuser ou de restreindre l’exercice du droit, par les étrangers qui le demandent, et quelle que soit leur situation migratoire, de déposer une plainte touchant les droits de l’homme ou de se faire représenter en justice, réforme en vigueur depuis le 23 novembre 2010;

f)L’adoption de la Stratégie globale pour la prévention et la répression de l’enlèvement de migrants, la mise sur pied du Groupe technique sur l’enlèvement des migrants, la Convention-cadre de collaboration pour la prévention et la répression de l’enlèvement de migrants et la loi générale visant à prévenir et à sanctionner les infractions en matière d’enlèvement de migrants;

g)La création du programme «Frontière Sud», exécuté depuis mars 2008, qui permet de délivrer des formulaires migratoires de travailleur frontalier (FMTM) et de visiteur local (FMVL) aux travailleurs migrants guatémaltèques et béliziens;

h)Le programme de régularisation des migrants, en vigueur de novembre 2008 à mai 2011;

i)La mise en œuvre de la Stratégie pour la prise en charge des enfants et adolescents migrants et rapatriés non accompagnés;

j)L’approbation de la loi relative aux réfugiés et à la protection complémentaire en janvier 2011;

k)Les différents programmes mis en place par l’État pour apporter de l’aide aux travailleurs mexicains à l’étranger, ainsi que les mesures adoptées pour faciliter la réintégration des travailleurs migrants rapatriés au Mexique, comme le portail électronique e-Migrants, le programme de rapatriement des personnes, et le programme de rapatriement volontaire dans le pays.

8.Le Comité salue également la ratification par l’État partie de:

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées et le Protocole facultatif s’y rapportant, en 2007;

b)Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, en 2007;

c)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2008.

C.Principaux sujets de préoccupation, suggestions et recommandations

1.Mesures générales d’application (art. 73 et 84)

Législation et mise en œuvre

9.Le Comité prend note de la réforme en cours de l’article 33 de la Constitution et de l’affirmation de l’État partie selon laquelle, une fois cette réforme en vigueur, il ne subsistera pas de motif pour maintenir la réserve au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention.

10. Le Comité engage l’État partie à adopter, dans les plus brefs délais , des mesures en vue de retirer s a réserve au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention. L’État partie devrait veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille ne soient expulsés du territoire mexicain qu’en vertu d’une décision adoptée par l’autorité compétente, conformément à la loi, et qu’ils aient la possibilité d’ exercer un recours effectif.

11.Le Comité constate que l’État partie n’a pas encore formulé la déclaration prévue à l’article 76 de la Convention.

12. Le Comité invite l’État partie à faire la déclaration prévue à l’article 76 de la Convention.

13.Le Comité observe que l’État partie n’a pas encore ratifié les Conventions de l’OIT no 97 (1949) sur les travailleurs migrants, et no 143 (1975) sur les migrations dans des conditions abusives et sur la promotion de l’égalité de chances et de traitement des travailleurs migrants.

14. Le Comité renouvelle l’invitation faite à l’État partie d’étudier la possibilité d e ratifier au plus tôt les C onventions n o 97 et n o 143 de l’OIT sur les travailleurs migrants.

15.Le Comité constate qu’un projet de loi sur la migration est toujours à l’examen, lequel représenterait un progrès dans la protection des droits des travailleurs migrants. Il est néanmoins préoccupé par certaines allégations selon lesquelles certains aspects de ce projet ne seraient pas entièrement compatibles avec la Convention, comme par exemple l’insuffisance des garanties en matière de procès équitable en cas d’expulsion, le droit d’accès à l’information, la question du genre et la protection des enfants non accompagnés. Il constate que les organisations de la société civile représentées au Conseil consultatif de l’INM avaient été consultées au sujet de ce projet de loi. Il prend note, cependant, avec préoccupation des allégations selon lesquelles ce processus de consultation n’aurait pas été ouvert à d’autres organisations de la société civile actives dans le domaine des migrations.

16. Le Comité recommande que d es mesures adaptées soient prises pour s’assurer que le projet de loi sur les migrations est compatible avec les dispositions de la Convention et autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Il recommande également que les consultation s sur le projet de réforme soi en t ouverte s aux organisations de la société civile, en particulier celles concernées par la question des migrations, tant au plan fédéral que fédéré et municipal.

Collecte de données

17.Le Comité est préoccupé par l’absence de collecte systématique de données ventilées sur les migrants, en particulier les travailleurs migrants non pourvus de papiers à la frontière sud, et par le fait que l’information fournie par l’État partie sur lesdits travailleurs se réfère à ceux qui sont retenus dans les centres de rétention, et qui sont par la suite rapatriés ou expulsés. En outre, il est préoccupé par les divergences constatées dans la pratique s’agissant de la collecte de données; ainsi, il existe des registres de décès de migrants à la frontière nord mais il n’y a rien de tel à la frontière sud.

18.Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures nécessaires pour mettre en place un système national d’information sur les migrants afin de se faire une meilleure idée des flux migratoires et d’améliorer les politiques publiques en la matière. Il recommande également qu’une telle base de données prenne en compte tous les aspects de la Convention, et fournisse des renseignements détaillés sur la situation de tous les travailleurs migrants. Le Comité invite l’État partie à collecter des données et des statistiques ventilées par sexe, âge, nationalité et motifs d’entrée et de transit dans le pays et de sortie de celui-ci.

Coordination

19.Le Comité prend note des efforts effectués par l’État partie pour renforcer la coordination entre les divers organismes chargés des questions migratoires. Il accueille avec satisfaction quelques initiatives au niveau fédéré à cet égard. Cependant, il est préoccupé par le fait que, dans la pratique, une coordination efficace n’ait pas encore été établie, tant entre les organismes fédéraux, qu’entre ceux-ci et les autorités fédérées et municipales.

20. Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour mettre en place une coordination effective et efficace entre les diverses autorités qui s’occupent des questions migratoires, tant au niveau fédéral que s’agissant des relations entre celles ‑ ci et les autorités fédérées et municipales , en particulier dans les États limitrophes.

Formation et diffusion de la Convention

21.Le Comité prend note avec satisfaction des formations dispensées aux fonctionnaires de l’INM, de la Police fédérale de prévention et d’autres entités qui travaillent dans le domaine des migrations. Il est cependant préoccupé par des informations reçues, selon lesquelles les initiatives judiciaires de certains procureurs et les décisions de certains juges témoignent d’une connaissance insuffisante des dispositions de la Convention.

22. Le Comité engage l’État partie à continuer de dispenser des formations portant sur la Convention aux différents fonctionnaires qui sont chargés de la protection des droits des travailleurs migrants, en particulier les procureurs, les juges, les magistrats et le personnel de l’administration de la justice; et à veiller à ce que la formation soit dispensée de manière continue et permanente, et qu’elle soit prise en compte dans les procédures d’évaluation et de promotion des fonctionnaires en question.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

23.Le Comité accueille avec satisfaction la décision de la Cour suprême de justice, de novembre 2008, dans laquelle elle a déclaré que les travailleurs migrants, quel que soit leur statut migratoire, ont les mêmes droits que les nationaux en ce qui concerne le travail. Il prend note également des activités du Groupe Beta pour diffuser l’information sur les droits des travailleurs migrants. Cependant, le Comité est préoccupé par le fait que les travailleurs migrants et les membres de leur famille continuent d’être victimes de diverses formes de discrimination et de stigmatisation dans les médias et dans le cadre social, en particulier de discrimination fondée sur l’origine ethnique et sur le genre.

24. Le Comité réitère sa recommandation tendant à ce que l’État partie redouble d’efforts pour s’assurer que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille so n t traités sans discrimination, et il l’encourage à organiser des campagnes de sensibilisation, destinées aux fonctionnaires qui travaillent dans le domaine des migrations et au public en général, pour lutter contre la discrimination envers les migrants, en associant les médias à ces actions.

Droit à une réparation effective

25.Le Comité prend note avec satisfaction des différentes mesures adoptées par l’État partie pour garantir l’accès à la justice des travailleurs non pourvus de papiers, telles que la création du Bureau du Procureur chargé des migrants dans l’État de Chiapas, et les protocoles adoptés par l’INM en 2010 pour l’identification des victimes d’infractions et l’assistance à ces dernières. Cependant, il est préoccupé par les informations selon lesquelles des victimes d’atteintes aux droits et de violations de droits protégés par la Convention n’ont pas pu faire effectivement valoir ces droits sur le plan judiciaire, et n’ont pas bénéficié d’une réparation effective. Le Comité observe que le court séjour de travailleurs migrants d’Amérique centrale non pourvus de papiers − en particulier des femmes migrantes qui ont été victimes de violence sexuelle − qui optent pour le rapatriement volontaire peut traduire une limitation, dans la pratique, de leur droit de porter plainte lorsque leurs droits ont été violés et de donner suite à cette plainte.

26. Le Comité recommande à l’État partie de s’efforcer d’ adopter des mesures concrètes et efficaces pour que toute s personne s dont les droits ou libertés reconnus dans la Convention ont été bafoués ai en t accès à des recours utiles et bénéficie nt d’une rép aration adéquate, y compris celles qui optent pour un rapatriement volontaire. Une attention particulière devrait être accordée aux moyens permettant de faciliter l’accès à la justice des femmes migrantes qui ont été victimes d’une agression sexuelle.

27.Le Comité fait part de ses inquiétudes face à des informations faisant état de nombreux cas de corruption dans plusieurs institutions dont le domaine de compétence a un lien avec l’application de la Convention.

28. Le Comité engage l’État partie à mener des enquêtes approfondies sur les cas de corruption dans lesquels semblent impliqués des fonctionnaires travaillant dans les domaines visés par la Convention et, le cas échéant, à leur imposer les sanctions voulues.

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

29.Le Comité exprime sa profonde préoccupation face au nombre alarmant d’enlèvements et d’actes d’extorsion dont les travailleurs migrants sans papiers venant de la frontière sud ont été victimes, ainsi que face aux actes de torture et aux traitement cruels, inhumains et dégradants, aux disparitions et aux homicides dont ils ont été victimes et qui sont imputables principalement à des groupes criminels organisés nationaux et internationaux. Il est également préoccupé par les allégations selon lesquelles ces violations des droits de l’homme seraient perpétrées avec la participation d’autorités publiques ou avec la complicité ou l’assentiment et/ou la connivence d’autorités fédérales, fédérées et municipales. Il s’inquiète en outre du fait que la violence à l’égard des migrants s’est propagée au-delà des zones frontalières et s’étend désormais aux grandes voies migratoires. Le Comité prend note des différentes mesures adoptées par les autorités en réaction au phénomène des enlèvements de migrants. Toutefois, il est inquiet de constater l’impunité qui prévaut face à ces actes criminels, en particulier face à des cas emblématiques comme l’enlèvement et l’assassinat, en août 2010, au Tamaulipas, de 72 migrants venus d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, et l’enlèvement de 40 travailleurs migrants, dans l’État d’Oaxaca en décembre 2010.

30. Le Comité recommande à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour prévenir les enlèvements de travailleurs migrants sans papiers et les autres violations graves des droits de l ’ homme et abus qu ’ ils subissent; d ’ enquête r avec sérieu x et diligen ce sur les actes commis et de prononcer contre leurs auteurs des sanctions correspondant à la gravité des faits. Le Comité recommande aussi que les victimes et/ou les membres de leur famille obtiennent des réparations adéquates. S’ il appara ît que des agents de l ’ État sont impliqués dans ces affaires , le Comité recommande qu e les sanctions pénales qui leur s er ont infligées soient assorties de la procédure disciplinaire correspondante. L ’ État partie doit prendre des mesures concrètes pour faire la lumière sur les cas emblématiques mentionnés plus haut , y compris les cas où il existe des indices incriminant des fonctionnaires .

31.Le Comité s’inquiète du fait que quelques opérations de contrôle du statut migratoire de travailleurs migrants en transit ont été menées d’une manière qui a mis en danger leur vie et leur intégrité personnelle, ayant été effectuées de nuit ou dans des lieux où ceux qui fuient pour échapper aux contrôles sont à la merci de groupes ou de bandes criminels. Le Comité s’inquiète aussi des informations faisant état d’un usage excessif de la force de la part de fonctionnaires chargés du contrôle et de la surveillance des migrants et d’incidents au cours desquels des migrants ont été blessés. Il note que des contrôles sont effectués pour vérifier les aptitudes et la probité des fonctionnaires de l’INM et d’autres organismes. Toutefois, il est préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de relevé systématique des cas d’abus et de mauvais traitements infligés contre les travailleurs migrants par une autorité publique et que le pourcentage de ces cas ayant abouti à des sanctions disciplinaires ou pénales est très faible. De même, la participation présumée à des opérations de vérification du statut migratoire d’autorités qui n’y sont pas habilitées par la loi générale sur la population et son règlement d’application continue de l’inquiéter.

32. Le Comité recommande à l ’ État partie, et particulièrement à l ’ I NM , de s ’ assure r que: a) les opérations de contrôle et de surveillance des migrants so nt menées à bien dans le respect du droit à l ’ intégrité de ces personnes; b) les agents chargés de ces opérations ont été informés des normes qui régissent l ’ usage de la force; et c) seules interviennent les autorités expressément habilitées à le faire . L ’ État partie est encouragé à conduire des enquêtes approfondies sur les incidents dans lesquels l ’ usage excessif et abusif de la force par les autorités a été dénoncé et à sanction ner les responsables.

33.Le Comité demeure préoccupé par les mauvaises conditions de vie dans certains lieux de rétention ou d’internement de migrants, où subsistent des cas de traitements cruels, inhumains et dégradants qui restent impunis, où les soins médicaux manquent et où les contacts avec l’extérieur sont limités. Il est particulièrement préoccupé par les situations où des travailleurs migrants sans papiers, qui disent avoir subi des actes de torture et des mauvais traitements, cohabitent avec les auteurs de ces violations.

34. Le Comité recommande que: a) des mesures appropriées continuent d ’ être prises pour améliorer les conditions de détention dans les centres de rétention et d’internement de migrants, en vue de les mettre en conformité avec les normes internationales; b) les plaintes pour mauvais traitements et traitements dégradants commis par des fonctionnaires dans les centres de rétention et autres lieux accueillant des migrants soient examinées et leurs auteurs sanction nés pénale ment .

35.Le Comité est préoccupé par les informations qu’il a reçues de l’État partie, selon lesquelles les travailleurs migrants en centre de rétention qui forment un recours concernant leur statut migratoire ou qui engagent une procédure pour bénéficier du statut de réfugié restent détenus dans ces centres pendant de longues périodes.

36. Le Comité recommande à l ’ État partie de réduire au minimum la durée de la rétention ou du séjour des travailleurs migrants dans les centres d ’ internement.

37.Le Comité accueille avec satisfaction les différentes mesures adoptées par l’État partie pour améliorer la situation des travailleurs migrants sans papiers, telles que les visites d’inspection de représentants du Ministère du travail et de la protection sociale et du parquet spécialisé dans les délits concernant la violence à l’égard des femmes et la traite des personnes ainsi que les formulaires d’immigration pour travailleurs frontaliers et visiteurs locaux, établis en 2008. Toutefois, le Comité regrette de n’avoir pas reçu d’informations plus précises au sujet des domestiques migrantes sans papiers. Il reste préoccupé par l’extrême vulnérabilité de ces travailleuses qui sont, dans la plupart des cas, soumises à des conditions de travail difficiles et souvent exposées à des mauvais traitements, y compris à des actes de harcèlement ou à des viols de la part de leurs employeurs.

38. Le Comité recommande que des mesures spécifiques soient adoptées pour protéger les travailleu ses domestiques et leur garantir l’accès à des mécanismes de plainte c ontre les employeurs. Il recommande aussi de renforcer le contrôle des conditions de travail , d’enquêter sur les abus dont elles sont victimes et de sanctionner les auteurs. À cette fin, le Comité invite l ’ État partie à s ’inspirer de l’ Observation générale n o 1 sur les travailleurs domestiques migrants , adoptée en 2010 (CMW/C/GC/1) .

39.Le Comité observe que l’article 30 de la Constitution mexicaine dispose que tous les enfants qui voient le jour sur le territoire de l’État partie sont Mexicains de naissance, indépendamment de la nationalité de leurs parents. Il relève néanmoins avec inquiétude que de nombreux officiers d’état civil refusent d’inscrire au registre des naissances les enfants de travailleurs migrants sans papiers nés sur le territoire mexicain.

40. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ a dopter des mesures efficaces, y  compris de modifier l ’ article 68 de la loi générale sur la population, pour que les officiers d ’ état civil et les autorités compétentes inscrivent sans discrimination aucune au registre des naissances tous les enfants de travailleurs migrants nés sur le territoire de l ’ État partie, quel que soit leur statut au regard de la législation sur les migration s .

41.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour informer de leurs droits les travailleurs migrants sans papiers placés en centre de rétention, tels que le droit de bénéficier d’un visa humanitaire s’ils ont été victimes ou témoins de traite d’êtres humains et de trafic de migrants, d’obtenir une assistance consulaire ou la possibilité de déposer une demande d’asile. Le Comité est toutefois préoccupé par les allégations selon lesquelles, dans plusieurs centres de rétention, les travailleurs migrants ne reçoivent pas cette information ou ne la reçoivent pas systématiquement, en particulier s’ils ont opté pour le rapatriement volontaire.

42. Le Comité recommande que des mesures efficaces soient adoptées pour que tous les travailleurs migrants placés en centre de rétention, y compris ceux qui optent pour le rapatriement volontaire, soient dûment informés de leurs droits, dans une langue qu ’ ils comprennent, en particulier du droit d’obtenir une assistance consulaire, de former un recours au sujet de leur statut migratoire, de d époser une demande d’ asile et de la possibilité qu’ils ont d ’ obtenir un visa humanitaire s’ils ont été victimes et/ ou témoins d’un cas de traite d ’êtres humains .

43.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises pour étendre l’assistance consulaire aux travailleurs migrants mexicains à l’étranger. Toutefois, il est préoccupé par le fait que de nombreux travailleurs migrants mexicains ne sont pas systématiquement informés de leurs droits au titre de la Convention. De même, il s’inquiète du fait que les migrants sont souvent à la merci de groupes ou d’individus qui proposent de les transporter vers un pays de destination moyennant paiement et qui les exposent aux abus et aux mauvais traitements, y compris à l’exploitation à des fins commerciales et sexuelles. Le Comité est également inquiet de noter que beaucoup de travailleurs migrants mexicains rapatriés n’ont pas suffisamment accès à l’assistance juridique en vue de porter plainte pour infraction à la législation du travail dans le pays de destination ou de donner suite à ces plaintes.

44. Le Comité recommande à l ’ État partie: a) de redoubler d’ efforts pour informer comme il se doit les travailleurs migrants mexicains de leurs droits; b) de mettre en place un système de surveillance des individus et des organisations qui assurent le transport des travai lleurs migrants mexicains vers l es pays de destination et prendre les mesures qui s ’imposent en cas d’infraction ; c) d’ adopter des mesures appropriées pour fournir une assistance juridique aux travailleurs migrants mexicains qui ont été rapatriés par le pays de destination en raison des actions pour infraction à la législation du travail qu ’ ils ont tenté d’engager ou auxquelles ils veulent donner suite dans ce pays. De même, le Comité recommande qu ’ un programme de formation systématique à la Convention soit mis en place à l ’intention des fonctionnaires du service extérieur .

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvusde documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

45.Le Comité reste préoccupé par le fait que l’article 372 de la loi fédérale sur le travail interdit aux étrangers d’occuper un poste de dirigeant syndical.

46. Le Comité recommande à nouveau à l ’ État partie d ’adopter les mesures nécessaires, y compris des modifications législatives, pour garantir à tous les travailleurs migrants le droit d ’ accéder à la direction des syndicats, conformément à l ’ article 40 de la Convention.

5.Dispositions applicables à des catégories particulières de travailleurs migrants et aux membres de leur famille (art. 57 à 63)

47.Le Comité est préoccupé de noter que le programme «Frontière Sud» s’applique uniquement aux travailleurs migrants guatémaltèques ou béliziens, et non aux migrants d’autres nationalités, et que les conditions de travail des travailleurs agricoles saisonniers restent défavorables, avec de longues journées de travail, ainsi que des salaires peu élevés et payés tardivement.

48. Le Comité recommande à nouveau à l’État partie de redoubler d’efforts pour améliorer les conditions de travail des travailleurs agricoles saisonniers, en contrô lant davantage les règles qui régissent leur travail et en veillant à ce que les infractions donnent lieu à des enquêtes et à des sanctions.

6.Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerneles migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

49.Le Comité est préoccupé par le fait que peu de victimes de la traite identifiées en tant que telles ont bénéficié de visas de séjour temporaire et qu’un grand nombre d’entre elles ont été rapatriées. Il observe que des condamnations pénales pour traite n’ont été que rarement prononcées. Le Comité note également que le parquet spécialisé dans les cas de violence à l’égard des femmes et de traite de personnes n’est pas compétent pour donner suite aux plaintes pour traite lorsqu’elles concernent des groupes criminels organisés et que, dans certains cas, des juges n’ont pas reconnu sa compétence pour connaître de certaines plaintes. Le Comité note avec préoccupation les allégations relatives à l’implication de fonctionnaires dans certaines affaires. Il est également préoccupé par le fait que l’État partie n’enregistre pas systématiquement des données ventilées qui permettraient de lutter contre la traite. Le Comité déplore les cas qui lui ont été signalés au sujet desquels l’aide, notamment médicale et psychologique, apportée dans les centres de rétention aux victimes de la traite et de violences sexuelles avait été insuffisante.

50.Le Comité recommande à nouveau à l’État partie:

a) D’intensifier l a lutte contre le trafic illicite des migrants et la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants;

b) D’adopter des mesures pour repérer et combattre les mouvements illégaux ou clandestins de travailleurs migrants et des membres de leur famille;

c) D’enquêter sur les personnes, groupes ou entités responsables, y compris les fonctionnaires, et de les sanctionner ;

d) De fournir des soins appropriés aux victimes et de leur garantir une réparation adaptée;

e) De recueillir systématiquement des données ventilées afin de mieux lutter contre la traite;

f) De promouvoir une migration régulière, digne et sûre dans le cadre de la stratégie de lutte contre la traite des personnes et le trafic des migrants.

51.Le Comité se félicite des mesures adoptées pour mettre en œuvre les mesures de protection exigées par la Commission nationale des droits de l’homme et la Commission interaméricaine des droits de l’homme en faveur des défenseurs des droits des travailleurs migrants. Toutefois, il se dit préoccupé par les brimades, le harcèlement, les agressions et les menaces de mort à l’encontre de ces défenseurs. Le Comité se dit également préoccupé par le fait que toute la lumière n’a pas été faite sur la plupart des infractions commises contre les défenseurs des droits des travailleurs migrants et que les responsables n’ont pas été punis.

52. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures concrètes et adaptées pour protéger la vie, la liberté et l’intégrité des défenseurs des droits des travailleurs migrants et de s membres de leur famille et pour veiller à ce qu’ils ne fassent pas l’objet de persécutions judiciaires, de harcèlement, de détention ou d’enquête s du simple fait qu’ils défendent ces droits. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures efficaces pour prévenir les agressions et autres abus à l’encontre des défenseurs des droits des travailleurs migrants, d’enquêter sur ces cas et de sanctionner les responsables.

53.Le Comité accueille avec satisfaction le programme de régularisation en vigueur de novembre 2008 à mai 2011 dont bénéficient les étrangers entrés dans le pays avant le 1er janvier 2007. Il est toutefois préoccupé par le fait que l’État partie ne dispose pas d’un programme complet de régularisation reflétant la réalité des migrations sur le plan national, malgré l’importance des flux migratoires qu’il connaît.

54. Le Comité encourage l’État partie à redoubler d’efforts pour concevoir et mettre en œuvre une politique de régularisation intégrée à laquelle tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille en situation irrégulière puissent avoir accès , conformément au principe de non - discrimination.

55.Le Comité accueille avec satisfaction les mesures adoptées par l’État partie pour protéger les droits des mineurs migrants non accompagnés, notamment la Stratégie de prise en charge des enfants et adolescents migrants et rapatriés non accompagnés, la création d’unités et de centres d’hébergement de transit, ainsi que le renforcement des capacités des travailleurs des centres d’hébergement et des responsables de la protection de l’enfance. Le Comité observe toutefois avec préoccupation l’augmentation du nombre de mineurs migrants non accompagnés expulsés et demeure préoccupé par la situation d’extrême vulnérabilité de nombreux enfants et adolescents migrants, ainsi que par les allégations de mauvais traitements, d’abus et d’exploitation économique et sexuelle dont ils seraient victimes.

56. Le Comité encourage l’État partie à poursuivre ses efforts afin qu’il prenne correctement en charge les mineurs migrants non accompagnés, dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, et recommande en particulier à l’État partie:

a) De renforcer la formation dispensée aux fonctionnaires qui travaillent ou sont en contact avec des mineurs migrants non accompagnés;

b) De veiller à ce que les mesures de rétention d’enfants et d’adolescents migrants respectent les lois en vigueur et soient prononcées en dernier ressort et pour la durée la plus brève possible;

c) De renforcer la mise en place de procédures permettant l’identification précoce d’enfants et d’adolescents victimes de violations;

d) De veiller à ce que les mineurs migrants non accompagnés victimes de violations reçoivent une protection adaptée ainsi que des soins spécialisés et adaptés à chaque cas;

e) De veiller à ce que le rapatriement et/ou l’expulsion de mineurs non accompagnés vers leur pays d’origine ne soit prononcé que lorsque cette décision est dans l’intérêt supérieur de l’enfant et qu’après avoir vérifié que le mineur, dès son retour, sera en sûreté, qu’il sera correctement pris en charge et ne sera pas livré à lui-même;

f) De renforcer la coopération avec la société civile et les organisations internationales en la matière;

g) De réglementer, moyennant un cadre juridique adapté, la protection et la tutelle d es mineurs non accompagnés.

7.Suivi et diffusion

Suivi

57.Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son troisième rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il recommande à l’État partie de prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer la mise en œuvre des présentes recommandations, notamment en les transmettant aux membres du Gouvernement et du Congrès, ainsi qu’aux autorités judiciaires et locales, pour examen et suite à donner.

Diffusion

58.Le Comité prie également l’État partie de diffuser la Convention et les présentes observations finales, notamment auprès des organismes publics et du corps judiciaire, des universités, des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile. Il recommande également à l’État partie de mettre sur pied un système officiel qui informera les travailleurs migrants étrangers en transit ou résidant au Mexique, les travailleurs migrants mexicains et les diplomates mexicains des droits que la Convention reconnaît aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille.

8.Prochain rapport périodique

59.Le Comité prie l’État partie de soumettre son troisième rapport périodique le 1er avril 2016 au plus tard et d’y inclure les renseignements relatifs à la suite qui aura été donnée aux présentes observations finales.