NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/382/Add.2

1er octobre 2002

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Quatorzième rapport périodique que les États parties devaient soumettre en 2001

Additif

CÔTE D’IVOIRE*

[10 juillet 2002]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

Première partie

Généralités

I.LA CÔTE D’IVOIRE DE 1982 À 2001 1 - 113

A.Situation au plan démographique1 - 33B.Situation au plan politique et institutionnel4 - 73C.Situation au plan économique, social et culturel8 - 114

II.LA POLITIQUE IVOIRIENNE CONTRE LA DISCRIMINATIONRACIALE 12 - 155

Deuxième partie

Mise en œuvre de la Convention

I.CONDAMNATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EN CÔTE D’IVOIRE16 - 575

A.Au niveau constitutionnel16 - 175

B.Le Code pénal186

C.Les droits politiques19 - 287

D.Les droits civils29 - 349

E.Les droits économiques, sociaux et culturels35 - 4210

F.L’accès à la justice43 - 4412

G.Les voies de recours45 - 5012

H.L’assistance judiciaire51 - 5313

I.L’intervention des avocats au cours des enquêtes préliminaires54 - 5714

II.CONDAMNATION DE LA SÉGRÉGATION RACIALEET DE L’APARTHEID5815

III.AUTRES MESURES POUR COMBATTRE LADISCRIMINATION RACIALE ET POUR PROMOUVOIRLES DROITS DE L’HOMME ET LA DIVERSITÉ CULTURELLE59 - 7615

A.Le forum de la nation pour la réconciliation nationale59 - 6515

B.La Commission nationale des droits de l’homme de Côte d’Ivoire66 - 6916

CLa sensibilisation des forces de l’ordre7017

D.La promotion d’organisations multiculturelles et la protectionde groupes minoritaires71 - 7218

E.Les rôles d’institutions et associations culturelles73 - 7418

F.Le rôle des médias75 - 7619

Conclusion77 - 7819

Première partie

Généralités

I. LA CÔTE D’IVOIRE DE 1982 à 2001

A. Situation au plan démographique

1.La population ivoirienne s’élevait à 15 366 672 habitants en 1998 selon le dernier recensement général, avec un taux de croissance de 3,3 % par an. Ainsi, cette population serait‑elle d’environ 16 549 342 habitants au 31 décembre 2001. Elle comprend 51 % d’hommes contre 49 % de femmes; elle vit en zone rurale dans une proportion de 57 % contre 43 % en zone urbaine.

2.La Côte d’Ivoire est un État multiethnique et de forte immigration. Sa population autochtone (74 % de la population totale) se répartit entre 66 ethnies, issues des quatre grands groupes que sont les Akans (42,1 %), les Mandés (26,5 %), les Gur (17,6 %) et les Krou (11 %). La population d’origine étrangère, représentant 26 % de la population totale, se chiffrait à 4 000 047 personnes en 1998 contre 3 039 037 personnes en 1988, soit un taux d’accroissement annuel moyen de 2,6 %. Elle provient généralement des pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) (95 %) et principalement des États frontaliers de la Côte d’ivoire (86,8 %), que sont le Burkina Faso, le Mali, la Guinée, le Ghana et le Libéria; ainsi, on comptait respectivement 78 177 Libériens, 133 221 Ghanéens, 230 387 Guinéens, 792 258 Maliens et 2 238 548 Burkinabè. Ces derniers représentent à eux seuls 56 % de la population étrangère, c’est‑-à‑dire environ 15 % de la population totale de la Côte d’Ivoire. Il est important de noter que 47 % de cette population étrangère n’est pas en réalité composée d’immigrants, mais de personnes nées en Côte d’Ivoire de parents immigrés.

3.La Côte d’Ivoire est un État laïque en ce qu’elle ne consacre pas de religion d’État. Cependant, le pays connaît une grande diversité religieuse. On y trouve en effet des musulmans (38,6 %), des catholiques (19,4 %), des animistes (11,9 %) et des protestants (6,6 %). D’autres mouvements spirituels coexistent avec ces religions dominantes: on rencontre par exemple des Eckistes, des Rose‑Cruciens, etc.

B. Situation au plan politique et institutionnel

4.Depuis son accession à la souveraineté internationale (1960) et une décennie après 1980, la Côte d’Ivoire a connu un régime politique présidentiel. Ce régime se caractérisait par la prédominance du pouvoir exécutif par rapport au pouvoir législatif, tandis que le judiciaire était relégué au simple rang d’autorité. Par ailleurs, bien que la Constitution de 1960 prévoyait le multipartisme, un parti unique s’est instauré de fait, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), dont le Président, Félix Houphouët‑Boigny, était le Président de la République et Chef de l’État.

5.En 1990, sous la poussée des divers vents de changement en Europe de l’Est et la pression des leaders d’opinion ivoiriens opposés au régime, le Président de la République proclame le retour au multipartisme. La Côte d’Ivoire connaît alors ses premières élections pluralistes le 28 octobre 1990. Cependant, la gestion du pluralisme politique après le décès du Président Houphouët‑Boigny en 1993, auquel a succédé le Président Henri Konan Bédié, a connu d’importantes difficultés qui ont fini par faire connaître au pays son premier coup d’État militaire le 24 décembre 1999. En effet, le Président Konan Bédié, Chef de l’État et président du PDCI, élu aux élections présidentielles d’octobre 1995 boycottées par les principaux partis de l’opposition, le Front populaire ivoirien (FPI) et le Rassemblement des républicains (RDR), réunis au sein d’une alliance politique, le Front républicain, est renversé et contraint à l’exil.

6.Le pouvoir est alors exercé par le général Robert Guéi, Président du Comité national de salut public (CNSP), Chef de l’État. La Constitution de la République est suspendue et les principales grandes institutions républicaines sont dissoutes. Toutefois, sous les pressions du peuple et de la communauté internationale, un gouvernement de transition est constitué par le général Robert Guéi composé de militaires, de représentants des principaux partis politiques et de la société civile. Une commission consultative constitutionnelle et électorale est mise en place avec pour mission l’élaboration de projets de constitution et de code électoral. Les 23 et 24 juillet 2000 ces projets sont soumis au référendum et approuvés à plus de 86 % de suffrages. La nouvelle constitution institue un régime présidentiel et affirme la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

7.En application de cette nouvelle constitution et de ce nouveau code électoral, des élections générales sont organisées: elles voient les victoires du FPI pour les présidentielles (22 octobre 2000), du PDCI pour les législatives (17 décembre 2000) et du RDR pour les municipales (2 avril 2001). Il faut noter que ces consultations électorales ont été d’une gestion très difficile et ont entraîné de violents et sanglants troubles les 24, 25 et 26 octobre 2000 et les 4 et 5 décembre 2000. Le Forum de la nation pour la réconciliation nationale du 9 octobre au 18 décembre 2001 organisé sur l’initiative des nouvelles autorités s’inscrit dans le cadre de la consolidation de l’unité nationale et la paix sociale durement éprouvées au cours des élections.

C. Situation au plan économique, social et culturel

8.La situation économique de la Côte d’Ivoire se caractérisait jusqu’à 1980 par une croissance relativement élevée (7,6 % en moyenne par an de 1960 à 1980). Cela faisait de l’État ivoirien la locomotive de la sous‑région ouest‑africaine et surtout l’eldorado des populations africaines et même non africaines candidates aux migrations (Vietnamiens, Libanais, Pakistanais, Syriens). Mais l’enthousiasme suscité par ces deux décennies de prospérité dans les milieux des affaires et des agriculteurs fera place au doute et à un malaise avec le souffle de la récession économique que connaît le pays depuis une vingtaine d’années.

9.D’une croissance faible jusqu’à 1986, l’économie ivoirienne va connaître une croissance négative de ‑1 % en 1990. La dévaluation de la monnaie du pays, le franc CFA, intervenue en 1994 a permis de renouer avec la reprise économique avec un taux de croissance allant même jusqu’à plus de 10 %. Mais cette embellie sera de courte durée. En effet, la crise politique consécutive au décès du Président Houphouët‑Boigny et la bataille pour sa succession qui a fini par aboutir au coup d’État militaire du 24 décembre 1999 a annihilé tous les effets positifs de la dévaluation et plongé le pays dans un marasme économique sans précédent avec des conséquences sociales explosives.

10.La population rurale qui représente plus de la moitié de la population ivoirienne se trouve confrontée à une paupérisation progressive, tandis que le secteur urbain (43 %) voit sa proportion de chômeurs et autres sans emploi croître plus que de raison (le taux de chômage du pays est évalué à 2,9 %, mais varie selon les régions: à Abidjan, par exemple, le taux de chômage s’élève à 9,1 %).

11.En effet, les produits d’exportation comme le café et le cacao, piliers de l’économie ivoirienne se vendent mal. Les entreprises, petites et moyennes comme celles de grande capacité, sont essoufflées. Toutefois, ce sombre horizon a connu une éclaircie avec la reprise des relations de coopération entre la Côte d’Ivoire et les institutions financières internationales (Banque mondiale et FMI), d’une part, et l’Union européenne, d’autre part, depuis juillet 2001, après une rupture totale remontant à fin 1998 et début 1999. Aux dires des autorités ivoiriennes et de leurs partenaires au développement, la relance économique est attendue pour début 2002.

II. LA POLITIQUE IVOIRIENNE CONTRE LA DISCRIMINATION RACIALE

12.Depuis la proclamation de son indépendance jusqu’à ce jour, la Côte d’Ivoire a eu à ratifier la plupart des conventions internationales relatives aux droits de l’homme aussi bien dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies (ONU) que dans celui de l’Organisation de l’unité africaine (OUA)

13.Dans un souci permanent du respect des engagements résultant de ces conventions, elle a constamment pris des mesures législatives, administratives et judiciaires appropriées afin que sa législation nationale soit en parfaite harmonie avec les instruments juridiques internationaux en général et, en particulier, avec la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

14.L’État ivoirien dispose donc d’un arsenal juridique adéquat de lutte contre toutes les formes de discrimination raciale. En outre, les autorités publiques, d’une part, et la société civile, d’autre part, ne ménagent pas leurs efforts pour promouvoir l’égalité de tous en droit et devant la loi.

15.Dans le préambule de la Constitution d’août 2000, le peuple de Côte d’Ivoire déclare avoir la conscience de sa diversité aussi bien ethnique que culturelle et religieuse et énonce son désir de bâtir une nation unie. En outre, il proclame, à l’instar de ce qu’il avait fait en 1960, son attachement aux principes de démocratie et des droits de l’homme tout en précisant le respect et la protection des libertés fondamentales tant individuelles que collectives.

Deuxième partie

Mise en œuvre de la Convention

I. CONDAMNATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EN CÔTE D’IVOIRE

A. Au niveau constitutionnel

16.La lutte contre toutes les formes de discrimination raciale est perceptible dans la législation ivoirienne tant au niveau des lois constitutionnelles et des lois pénales que des lois civiles générales et spéciales.

17.Le 1er août 2000, la Côte d’Ivoire adoptait une nouvelle constitution afin d’améliorer et de clarifier certains éléments de la Constitution du 3 novembre 1960. Les intentions du peuple de Côte d’Ivoire dans le sens de la lutte contre toutes les formes de discrimination sont alors sans équivoque. D’ordre général dans le préambule de la Constitution de 1960, elles sont plus détaillées dans celui du nouveau texte. De deux articles (art. 2 et 6) en 1960, la Constitution de 2000 en contient six (art. 2, 7, 10, 13, 17 et 20).

a)L’article 2 stipule: «La personne humaine est sacrée. Tous les êtres naissent libres et égaux devant la loi. Ils jouissent des droits inaliénables que sont les droits à la vie, à la liberté, à l’épanouissement de leur personnalité et au respect de leur dignité. Les droits de la personne humaine sont inviolables. Les Autorités publiques ont l’obligation d’en assurer le respect, la protection et la promotion. Toute sanction tendant à la privation de la vie humaine est interdite.».

b)L’article 7 stipule: «Tout être humain a droit au développement et au plein épanouissement de sa personnalité dans ses dimensions matérielle, intellectuelle et spirituelle. L’État assure à tous les citoyens l’égal accès à la santé, à l’éducation, à la culture, à l’information, à la formation professionnelle et à l’emploi. L’État a le devoir de sauvegarder et de promouvoir les valeurs nationales de civilisation ainsi que les traditions culturelles non contraires à la loi et aux bonnes mœurs.».

c)L’article 13 souligne que «les partis et groupements politiques se forment et exercent leurs activités librement sous la condition de respecter les lois de la République, les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Ils sont égaux en droits et soumis aux mêmes obligations. Sont interdits les partis ou groupements politiques créés sur des bases régionales, confessionnelles, tribales, ethniques ou raciales».

d)L’article 17 précise que «toute personne a le droit de choisir librement sa profession ou son emploi. L’accès aux emplois publics ou privés est égal pour tous. Est prohibée toute discrimination dans l’accès ou l’exercice des emplois, fondée sur le sexe, les opinions politiques, religieuses ou philosophiques».

e)L’article 20 stipule: «Toute personne a droit à un libre et égal accès à la justice.».

Ces textes tendent à l’égalité de tous les citoyens dans la jouissance et dans l’exercice de leurs droits et libertés, d’une part, et dans leur protection que doivent assurer les pouvoirs publics, d’autre part. Par exemple, l’article 10 du chapitre premier de la Constitution relatif aux libertés et aux droits interdit toute propagande ayant pour but ou pour effet de faire prévaloir un groupe social sur un autre ou d’encourager la haine raciale ou religieuse. Par ailleurs, l’article 13 du même chapitre interdit les partis ou groupements politiques créés sur des bases régionales, confessionnelles, tribales, ethniques ou raciales.

B. Le Code pénal

18.Les principes énoncés et les prohibitions formulées par la Constitution sont qualifiés d’infractions et punis comme telles par divers articles du Code pénal:

a)Article 137 – Ce texte prévoit et punit tous les actes ayant pour dessein la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, confessionnel ou politique. Il s’agit des actes ou des faits suivants:

Homicides, lésions corporelles ou atteintes graves à la santé physique ou mentale des membres du groupe, sous quelque forme que ce soit;

Mesures en vue d’empêcher la procréation ou la survie de la descendance des membres du groupe;

Déplacement ou dispersion forcés de populations ou d’enfants ou leur placement dans des conditions de vie telles qu’elles doivent aboutir à leur mort ou à leur disparition.

L’article 137 prévoit et réprime donc les faits de génocide; d’ailleurs la section 1, chapitre premier du titre premier du Code pénal dont il constitue l’article unique est intitulé «Génocide».

b)Les articles 199 à 201 prévoient répriment les faits ou actes suivants:

Diffamation, injures ou menace envers un groupe de personnes qui appartiennent par leur origine à une race, à une ethnie ou à une religion déterminée (art. 199 du Code pénal). Il convient de préciser que la commission de tels faits ou actes par voie de presse écrite ou audiovisuelle constitue une circonstance aggravante portant les peines encourues au double;

Refus à une personne de l’accès soit de lieux ouverts au public, soit à un emploi, soit à un logement en invoquant uniquement sa race, son ethnie ou sa religion;

Atteintes à l’intégrité physique d’une personne, notamment au moyen de scarification, tatouage indélébile, limage de dents ou par tout autre procédé de nature à caractériser son appartenance à une ethnie ou à un groupement humain déterminé (art. 201 du Code pénal).

c)L’article 195 du Code pénal réprime les violences, voies de fait ou menace tendant à déterminer un individu à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association à caractère religieux.

C. Les droits politiques

1. Le droit de vote

19.Le droit de vote est réglementé par l’article 33 de la Constitution du 1er août 2000 qui modifie les dispositions de l’article 5 de l’ancienne Constitution relative à la condition d’âge: «Le suffrage est universel, libre et secret. Sont électeurs dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux ivoiriens des deux sexes âgés de 18 ans et jouissant de leurs droits civiques et politiques».

20.Les conditions à remplir pour être électeur sont posées à l’article 4 de la loi no 2000‑514 du 1er août 2000 portant Code électoral, adoptée par voie référendaire et aux articles 42 et 43, alinéa 2, du Code de la nationalité.

a)Article 4 du Code électoral:

«Ne sont pas électeurs, les individus frappés d’incapacité ou d’indignité notamment:

Les individus condamnés pour crime;

Les individus condamnés à une peine d’emprisonnement sans sursis pour vol, escroquerie, abus de confiance, détournement de deniers publics, faux et usage de faux, corruption et trafic d’influence, atteintes aux mœurs;

Les faillis non réhabilités;

Les individus en état de contumace;

Les interdits;

Les individus auxquels les tribunaux ont interdit le droit de vote et, plus généralement, ceux pour lesquels les lois ont édicté cette interdiction.».

b)Article 42 du Code de la nationalité:

«L’individu qui a acquis la nationalité ivoirienne jouit, à dater du jour de cette acquisition de tous les droits attachés à la qualité d’Ivoirien, sous réserve des incapacités prévues à l’article 43 du présent code ou dans les lois spéciales.».

c)Article 43, alinéa 2, du Code de la nationalité: L’étranger naturalisé est soumis à certaines incapacités. En effet, «pendant un délai de cinq ans à partir du décret de naturalisation, il ne peut être électeur lorsque la qualité d’Ivoirien est nécessaire pour permettre l’inscription sur les listes électorales».

L’article 5 du Code électoral précise que: «La qualité d’électeur est constatée par l’inscription sur une liste électorale. Cette inscription est de droit.».

2. Le droit d’être candidat

21.Les conditions pour être candidat à une élection sont régies par la Constitution elle‑même en ses articles 35 et 65 pour ce qui est des candidats aux élections présidentielles, à la présidence et à la première vice‑présidence de l’Assemblée nationale.

22.Quant aux conditions d’éligibilité pour les élections législatives, municipales et régionales, elles sont régies par le Code électoral.

23.L’analyse combinée des articles 35 et 65 de la Constitution révèle que le candidat à la présidence de la République, à la présidence ou à la première vice‑présidence de l’Assemblée nationale doit:

«–Être âgé de 40 ans au moins et de 75 ans au plus;

Être Ivoirien d’origine, né de père et de mère eux‑mêmes Ivoiriens d’origine;

N’avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne;

Ne s’être jamais prévalu d’une autre nationalité;

Présenter un état complet de bien‑être physique et mental;

Être de bonne moralité et d’une grande probité, déclarer son patrimoine et en justifier l’origine.».

24.S’agissant des conditions d’éligibilité pour les autres élections, l’article 17 du Code électoral dispose que: «Tout électeur peut faire acte de candidature aux élections organisées par la présente loi (loi no 2000‑514 du 1er août 2000 portant Code électoral), sous réserve des conditions particulières fixées pour chacune d’elles». Ces conditions particulières se rapportent en général à l’âge (25 ans au moins), au passé judiciaire et à l’incapacité civile.

25.La Constitution du 1er août 2000 et le Code électoral de la même date ont été adoptés par référendum à la majorité de plus de 86 % après que tous les partis politiques aient appelé leurs militants à voter oui.

3. Le droit d’accéder aux fonctions publiques

26.Ce droit est garanti à tous par la loi. Bien évidemment, il s’agit, comme dans tout État souverain, de nationaux, la fonction publique étant exclusivement nationale.

27.Les seules restrictions prévues sont celles posées par l’article 17 du statut général de la fonction publique et les articles 42 et 43, alinéa 3, du Code de la nationalité.

28.La Côte d’Ivoire ne connaît donc ni en droit, ni en fait une restriction d’aucune sorte fondée sur la race, l’ethnie ou la religion quant à l’accession à la fonction publique. D’ailleurs le recrutement se fait dans ce domaine par voie de concours avec toutes garanties d’anonymat aux postulants.

D. Les droits civils

1. Le droit à une nationalité

29.Ce droit est prévu et est organisé par la loi no 61‑415 du 14 décembre 1961 portant Code de la nationalité telle que modifiée par la loi no 72‑852 du 21 décembre 1972. Il résulte de l’économie générale de ce texte que la nationalité ivoirienne est attribuée dès la naissance ou peut être acquise.

30.Les conditions de la nationalité ivoirienne d’origine sont définies par les articles 6 et 7 du Code de la nationalité.

a)Article 6: «Est Ivoirien:

L’enfant légitime ou légitimé, né en Côte d’Ivoire, sauf si ses deux parents sont étrangers;

L’enfant né hors mariage, en Côte d’Ivoire, sauf si sa filiation est légalement établie à l’égard de ses deux parents étrangers ou d’un seul parent, également étranger.».

b)Article 7: «Est Ivoirien:

L’enfant légitime ou légitimé, né à l’étranger d’un parent ivoirien;

L’enfant né hors mariage, à l’étranger, dont la filiation est légalement établie à l’égard d’un parent ivoirien.».

31.La nationalité peut être acquise soit de plein droit, soit sur décision de l’Autorité publique. La nationalité ivoirienne est acquise de plein droit par a) l’enfant qui a fait l’objet d’une adoption si l’un au moins des adoptants est de nationalité ivoirienne (art. 11), b) la femme étrangère qui épouse un Ivoirien au moment de la célébration du mariage (art. 12), c) l’enfant mineur, légitimé, dont le père ou la mère si elle est veuve, acquiert la nationalité ivoirienne (art. 15), d) l’enfant mineur, né hors mariage, dont celui des parents qui exerce la puissance paternelle acquiert la nationalité ivoirienne (art. 45). La nationalité ivoirienne est acquise sur décision de l’Autorité publique. Cette décision résulte soit d’une naturalisation, soit d’une réintégration (art. 24, 25 et 34)

32.L’article 42 dispose que «l’individu qui a acquis la nationalité ivoirienne jouit, à dater du jour de cette acquisition de tous les droits attachés à la qualité d’Ivoirien». Toutefois, il est soumis à quelques incapacités énumérées à l’article 43 dont il peut être en partie ou en totalité être relevé par le décret de naturalisation dans les conditions de l’article 44.

2. Les droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux

33.Les droits civils, qu’ils soient personnels ou réels, mobiliers ou immobiliers, sont garantis par la législation interne. Ils sont dans leur quasi‑totalité régis par le Code civil français tel qu’il était en vigueur au jour de l’indépendance de la Côte d’Ivoire conformément aux prescriptions de l’article 76 de la Constitution ivoirienne du 3 novembre 1960, puis de l’article 133 de celle du 1er août 2000.

34.La seule réserve qu’il convient de noter par rapport à ce qui précède se rapporte au droit de propriété en matière domaniale rurale. En effet, l’article 1er de la loi 98‑750 du 23 décembre 1998 sur le domaine foncier rural déclare que constitue l’ensemble des terres mises en valeur ou non, le patrimoine national qui ne peut faire l’objet d’appropriation que de la part de l’État, des collectivités publiques et des personnes physiques ivoiriennes.

E. Les droits économiques, sociaux et culturels

35.La législation ivoirienne organise et protège de façon générale et impersonnelle tous ces droits sans distinction de race ni d’origine, tel qu’il est recommandé à l’article 5 de la Convention.

1. Le droit au travail

36.L’article 4 du Code du travail spécifie que «… aucun employeur ne peut prendre en considération le sexe, l’âge, l’ascendance nationale, la race, la religion, l’opinion politique ou religieuse… pour arrêter ses décisions en ce qui concerne, notamment, l’embauche, la conduite et la répartition du travail…».

37.En application de cette disposition et tel que la Convention le demande, le marché du travail en Côte d’Ivoire est libre. Donc, 59,2 % de la population active se retrouve dans le secteur de l’agriculture, 17,3 % dans celui du commerce, 15,1 % dans les services et 6,6 % dans l’industrie. Environ 75,3 % des hommes étrangers en Côte d’Ivoire travaillent dans les secteurs de l’agriculture, l’élevage et la pêche. Les femmes étrangères sont représentées à environ 24,7 % dans ces secteurs. Le recensement de 1998 mentionne que «les opportunités d’éducation et de formation insuffisantes dans leurs pays d’origine et le désir d’immigrer en Côte d’Ivoire et d’accéder à une promotion économique et sociale plus saine et viable sont également des causes fondamentales de la forte présence des étrangers dans l’agriculture, notamment dans la production du binôme café‑cacao». Au niveau ethnique, les Akans sont majoritaires car représentant 31,2 % de la population agricole. Suivent les Gurs avec 18,7 %, les Mandé Nord (8,6 %), les Mandé Sud (7,9 %) et les Krous (7,5 %). Dans le secteur tertiaire (commerce et services), près de 49,1 % des actifs sont des femmes de nationalité ivoirienne. Ensuite, viennent les hommes étrangers (19,5 %) et les femmes étrangères (12,0 %). Les étrangers constituent 31,5 % des commerçants. En général, il y a donc une forte représentation des étrangers dans la structure des salariés du privé. Ils constituent 42 % des hommes et 20,4 % des femmes. Le recensement de 1998 précise que «dans ce secteur d’activité, le recrutement ne pose aucune restriction en ce qui concerne la nationalité».

2. Le droit à l’éducation

38.D’après le recensement général de la population et de l’habitation de 1998, «sur un effectif de 8 717 378 personnes âgées de 15 ans ou plus ayant déclaré leur situation par rapport à l’alphabétisation, 63,6 % ne savent ni lire ni écrire contre 36,4 % d’alphabétisés». Les étrangers représentent 34,1 % de la population analphabète et 14 % de la population alphabétisée. Le taux d’analphabétisme des étrangers (81 %) est plus élevé en général que celui des Ivoiriens (57 %). Le recensement mentionne qu’«au niveau régional, on observe des écarts très importants entre les Ivoiriens et les étrangers: les étrangers sont globalement plus touchés par l’analphabétisme que les Ivoiriens». Au niveau ethnique, le groupe Krou a le plus faible taux d’analphabétisme (37,7 %), suivi par les Akans (50,6 %), les Mandé du Sud (57,7 %), les Mandé du Nord (69,6 %) et les Gurs (75,5 %). Le recensement explique que «les différences entre groupes ethniques en matière d’alphabétisation sont essentiellement liées aux facteurs économiques d’une part et aux facteurs socioculturels d’autre part».

39.L’article 7 de la Constitution précisant que «l’État assure à tous les citoyens l’égal accès à la santé, à l’éducation, à la culture, à l’information, à la formation professionnelle et à l’emploi,» le Gouvernement s’efforce donc de réduire le taux d’analphabétisme dans le pays et de procurer à tous une éducation de qualité.

40.En effet, le système éducatif ivoirien est fondé sur le principe cardinal de l’égalité de tous quant à l’accès à l’éducation. Ce principe qui constitue également un objectif, exige pour sa réalisation que des mesures soient prises pour lutter contre toute forme de discrimination dans les écoles, les lycées et les collèges. Deux formes de disposition sont prises: la première vise à garantir l’égalité de traitement de tous au sein des services publics de l’éducation nationale et la seconde tend à lutter contre tous les obstacles d’empêcher certaines franges de la population de bénéficier de l’égalité d’accès à l’éducation.

41.Par exemple, le 12 octobre 2001 a eu lieu à Danané, une mission de sensibilisation sur l’intégration des enfants réfugiés dans le système éducatif ivoirien. La mission a eu tout d’abord une réunion de travail avec les autorités de la ville et tous les partenaires de l’éducation dans le département. Il y a eu des échanges de points de vue et des documents afférents au protocole d’accord ont été distribués. C’est après cette formalité que la délégation renforcée par les autorités a rencontré les réfugiés et des représentants venus des villages d’accueil. Après quelques échanges, les réfugiés et les Ivoiriens ont déclaré leur adhésion à cette politique d’intégration.

42.Par ailleurs, la pauvreté constituant le premier des obstacles de l’accès à l’éducation, différentes mesures permettent d’en atténuer les effets. Il y a par exemple le prêt‑location d’ouvrages scolaires instauré par le Gouvernement dans l’enseignement primaire qui du fait de la modicité du loyer à payer permet actuellement à plus de 62 sous‑préfectures, ciblées comme faisant partie des régions les plus pauvres du pays (pour la plupart dans le Nord), de faire bénéficier leur population d’ouvrages scolaires à moindre coût.

F. L’accès à la justice

43.Le libre accès de tous à la justice sans discrimination aucune était déjà de rigueur avec l’article 6 de la Constitution de 1960 et le demeure avec l’article 20 de celle de 2000: «Toute personne a droit à un libre et égal accès à la justice».

44.L’article 4 du Code de procédure civile qui institue l’obligation pour un non‑national de constituer cautio judicatum solvi ne constitue d’ailleurs nullement une atténuation au principe du libre accès à la justice. En effet, toute personne a le droit d’accès à la justice et est tenue au paiement de frais auxquels il pourrait être condamné. Tout plaideur non national et n’ayant ni domicile, ni résidence sur le territoire de la République est astreint au paiement de cette caution destinée à garantir le paiement des frais de justice au cas où il y serait condamné.

G. Les voies de recours

45.Afin de garantir les droits de chaque partie au procès, la loi ivoirienne a prévu des voies de recours. Celles‑ci sont de deux catégories. Il s’agit d’une part des voies de recours ordinaires et d’autre part des voies de recours extraordinaires. Concernant les voies de recours ordinaires, elles sont aussi de deux sortes dont l’opposition et l’appel.

1. L’opposition

46.Selon l’article 153 du Code de procédure civile, l’opposition est la voie de recours par laquelle une partie condamnée par défaut sollicite de la juridiction qui a statué, la rétroaction, après débat contradictoire, de la décision rendue. Cette procédure permet dès lors à la partie absente au procès de faire rejuger l’affaire devant la même juridiction qui a eu à la connaître, en vue de sa rétroaction.

2. L’appel

47.Par contre, l’appel est en vertu de l’article 162 du Code de procédure civile la voie de recours par laquelle une partie sollicite de la Cour d’appel, la réformation de la décision rendue par une juridiction, de première instance. Sont susceptibles d’appel toutes les décisions rendues en premier ressort, contradictoirement ou par défaut.

48.En dehors de ces voies de recours ordinaires, il existe les voies de recours extraordinaires prévues par les articles 184 à 186 et suivants du Code de procédure civile. Nous avons: l’interprétation et la rectification (art. 184 à 186), la tierce opposition (art. 187 à 193), la demande en révision (art. 194 à 203), et le pourvoi en cassation (art. 204 à 214). Mais nous retiendrons uniquement le pourvoi en cassation du fait de l’appel.

3. Le pourvoi en cassation

49.Le pourvoi en cassation est une voie de recours qui a pour but d’obtenir l’annulation de la décision attaquée et de remettre les parties en l’état qu’elles se trouvaient auparavant. Seules les décisions rendues en dernier ressort peuvent être annulées sur pourvoi en cassation formé par la partie à qui elles font grief, sauf dans les cas où la loi l’interdit formellement (art. 209 du Code de procédure civile). Le pourvoi en cassation n’est ouvert que dans les cas ci‑après: a) violation de la loi ou erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi; b) incompétence; c) excès de pouvoir; d) violation des formes légales prescrites à peine de nullité ou de déchéance; e) contrariété de décisions rendues entre les mêmes parties relativement au même objet et sur les mêmes moyens; f) défaut de base légale, résultant de l’absence, de l’insuffisance, de l’obscurité ou de la contrariété des motifs; g) omission de statuer; h) prononciation sur chose demandée ou attribution de choses au‑delà de ce qui a été demandé.

Tous ces recours garantissent à chaque partie le droit à un procès équitable et l’égalité de tous devant la loi face à toute discrimination dont elle serait l’objet.

50.La procédure pénale peut être aussi utilisée au moyen des plaintes soit à la police permettant d’ouvrir une enquête sur les faits dénoncés et de saisir le tribunal correctionnel par le canal du Procureur de la République. L’action publique ainsi mise en mouvement permet à toute victime de défendre ses droits et de demander réparation pour tout préjudice subi.

H. L’assistance judiciaire

51.Laissée à l’initiative des nationaux comme des non‑nationaux, l’assistance judiciaire prévue par l’article 27 du Code de procédure civile, commerciale et administrative, hors le cas où elle est de droit, a pour but de permettre à ceux qui n’ont pas de ressources suffisantes, d’exercer leurs droits en justice, en qualité de demandeur ou de défendeur, sans aucun frais. L’assistance judiciaire peut être accordée en tout état de cause à toute personne physique, ainsi qu’aux associations privées ayant pour objet une œuvre d’assistance et jouissant de la personnalité civile. Elle est applicable à tous litiges portés devant toutes les juridictions. Elle s’étend de plein droit aux procédures consécutives à l’exercice de toutes voies de recours ainsi qu’aux actes et procédures d’exécution en vertu des décisions en vue desquelles, elle a été accordée.

52.Le bénéficiaire de l’assistance judiciaire a droit à l’assistance de tous officiers publics ou ministériels dont le concours lui est nécessaire. Ils sont désignés soit par le Président du bureau de l’assistance judiciaire, soit par le Président du tribunal du lieu de leur résidence, d’office ou sur requête de l’assisté (art. 17 du décret no 75‑319 du 9 mai 1975 fixant les modalités d’application de la loi no 72‑833 du 21 décembre 1972 portant Code de procédure civile, commerciale et administrative en ce qui concerne l’assistance judiciaire).

53.L’assistance judiciaire concerne tous les frais afférents aux instances pour lesquelles elle a été accordée. Les dépenses qui en résultent sont avancées par le trésor (art. 19 du décret d’application). Ainsi, grâce à l’assistance judiciaire, l’assisté peut bénéficier le concours d’un avocat qui pourra valablement assurer sa défense quelle que soit sa nationalité d’origine. Ce principe est valable lorsqu’il s’agit de saisir les juridictions ivoiriennes pour faire défendre ses droits.

I. L’intervention des avocats au cours des enquêtes préliminaires

54.Pour mieux protéger les justiciables contre les détentions arbitraires violant leurs droits à la liberté et à la présomption d’innocence reconnue par l’article 22 de la Constitution, le législateur a introduit l’intervention des avocats au cours des enquêtes préliminaires. Nul ne peut être arbitrairement détenu. «Tout prévenu est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie à la suite d’une procédure lui offrant les garanties indispensables à sa défense.» Ce texte est prévu par l’article 22 de la Constitution ne peut recevoir une véritable application dans les faits que s’il existe une possibilité pour les avocats d’assurer la défense des justiciables dès l’enquête préliminaire.

55.La loi no 98‑747 du 23 décembre 1998 portant modification du Code de procédure pénale, en ses articles 76‑1, 76‑2, 76‑3, 76‑6 et 76‑5 apporte donc la solution. En effet, l’article 76‑1 énonce que: «Toute personne contre qui il existe des indices graves et concordants de participation à une infraction, ou qui en a été victime ou qui est appelée à apporter son concours à la manifestation de la vérité peut, au cours des enquêtes, se faire assister d’un avocat.».

56.À titre exceptionnel, dans les localités où il n’existe pas d’avocat, la personne peut être autorisée à se faire assister d’un parent ou d’un ami. Les magistrats ou les fonctionnaires chargés de la mise en mouvement et de l’exercice de l’action publique doivent l’avertir de ce droit. Mention de cet avertissement et éventuellement du nom de l’avocat, du parent ou de l’ami est portée au procès‑verbal. L’article 76‑2 souligne que «si la personne visée à l’article précédent comparait accompagnée de son avocat, elle ne peut être entendue qu’en présence de ce dernier. Dans le cas où la personne comparait et qu’elle exprime le désir de se faire assister d’un avocat, l’officier de police judiciaire lui impartit un délai, tenant compte des nécessités de l’enquête, notamment des gardes à vue. Si la personne retenue ou gardée à vue manifeste la volonté de se faire assister d’un conseil, l’officier de police judiciaire doit immédiatement aviser celui‑ci ou autoriser l’intéressé à le faire par tous les moyens. Mention est faite au procès‑verbal».

57.L’assistance de l’avocat consiste en sa présence physique aux côtés de son client, à relever et à faire mentionner au procès‑verbal toute irrégularité éventuelle qu’il estime de nature à préjudicier aux droits de son client. Lorsque l’avocat fait des observations, il signe le procès‑verbal. Cette disposition prévue par l’article 76‑4 favorise la sécurité du justiciable quant à la défense de ses droits. Toutes ces prescriptions concernent tout individu vivant sur le territoire ivoirien.

II. CONDAMNATION DE LA SÉGRÉGATION RACIALE ET DE L’APARTHEID

58.La ségrégation raciale et l’apartheid n’existent pas en Côte d’Ivoire, et de plus, seraient interdits en relation avec la Constitution. Par ailleurs, la Côte d’Ivoire s’est réjouie de la fin du régime de l’apartheid en Afrique du Sud, intervenu après un dialogue franc entre les partis.

III. AUTRES MESURES POUR COMBATTRE LA DISCRIMINATION RACIALE ET POUR PROMOUVOIR LES DROITS DE L’HOMME ET LA DIVERSITÉ CULTURELLE

A. Le forum de la nation pour la réconciliation nationale

59.Du 9 octobre au 18 décembre 2001 s’est tenu à Abidjan le Forum de la nation pour la réconciliation nationale qui avait pour but d’offrir une plate‑forme pouvant faciliter les échanges et discussions concernant divers aspects affectant la Côte d’Ivoire aujourd’hui. Les quatre grands leaders politiques du pays, ainsi qu’un bon nombre de leaders religieux et de divers partis politiques, se sont adressés à tour de rôle à la nation tout entière et aux membres du Directoire du Forum afin de communiquer leurs opinions et préoccupations concernant le malaise sociopolitique actuel. Le Directoire du Forum a par la suite remis publiquement au Président de la République un rapport de synthèse des travaux du Forum ainsi que 14 résolutions adoptées par les membres du Directoire. De ces résolutions, trois sont étroitement liées à la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale.

60.La résolution no 6, portant sur le domaine foncier rural, note que la récurrence des conflits fonciers est une menace constante pour la paix sociale et la stabilité nationale. Ainsi, les membres du Directoire proposent d’engager une campagne d’information et de sensibilisation des populations autochtones et allogènes aux fins d’expliquer davantage les dispositions de la loi du 23 décembre 1998 sur le domaine foncier rural. Ils proposent par ailleurs d’élaborer tous les décrets d’application de la loi aux fins de parvenir à une régularisation des droits fonciers des propriétaires, des droits d’occupation des terres par les usagers, à une rémunération juste et équitable du travail de ces usagers.

61.La résolution no 8, portant sur l’immigration, note que la pratique de la Côte d’Ivoire en matière d’immigration a favorisé l’implantation sur son territoire d’une importante communauté étrangère évaluée aujourd’hui à au moins 26 % de l’ensemble de la population. Les membres du Directoire mentionnent donc que la cohabitation harmonieuse entre cette communauté étrangère et les Ivoiriens est une nécessité qui ne saurait être remise en cause malgré la crise actuelle que traverse la nation et que cette nécessité n’est pas en contradiction avec la définition d’une politique nationale d’immigration, soucieuse du respect de la condition des étrangers séjournant sur le sol ivoirien. Ainsi, le Directoire recommande entre autres:

a)La maîtrise des flots migratoires dans des taux socialement supportables;

b)La mise en œuvre dans les meilleurs de la réforme relative à l’immatriculation et à l’identification des populations;

c)La création d’un haut‑commissariat de l’immatriculation et de l’intégration doté de capacités opérationnelles renforcées.

62.La résolution no 14, portant sur l’unité nationale et la cohésion sociale, met l’accent sur la nécessité impérieuse de préserver l’unité nationale ainsi que la cohésion sociale, en vue d’une paix durable en Côte d’Ivoire. Le Directoire note que d’après les interventions des différents acteurs de la vie politique et religieuse, des témoins ou tout sachant, les conflits affectant la Côte d’Ivoire sont soutenus, entretenus, nourris et amplifiés par l’intolérance et l’incompréhension des différences de cultures, de religions et de pensées politiques. Ainsi, les membres du Directoire invitent les différents acteurs de la vie politique, civile et religieuse, dans la recherche d’une vision commune ou partagée du pays, à puiser dans les ressources physiques, valeurs morales et spirituelles, pour préserver l’unité et la cohésion nationales. Par ailleurs, ils notent que la presse ivoirienne, par son professionnalisme, doit se sentir plus concernée par les enjeux de l’unité nationale et de la cohésion sociale; elle se doit de diffuser des informations honnêtes et exhaustives, d’exhorter les Ivoiriens à cultiver la tolérance, notamment le droit à la différence, et d’encourager le dialogue social en vue d’une réconciliation nationale sincère et durable.

63.Lors de la clôture du Forum, le 18 décembre 2001, le Président de la République, Son Excellence Laurent Gbagbo, est intervenu sur toutes les résolutions faites par le Directoire du Forum. Concernant la résolution sur le domaine foncier rural, le Président a mentionné que la Commission foncière rurale a été installée au début du mois de décembre 2001. Cette commission sera chargée de coordonner la mise en œuvre de la loi du 22 décembre 1998 partout sur le territoire pour enrayer les conflits qui opposent bien souvent Ivoiriens et étrangers, autochtones et allochtones.

64.Par rapport à la résolution sur l’immigration, le Président a noté que le Code de la nationalité proclame le droit du sang et non le droit du sol. Il a mentionné que ce code prévoit également des dispositions pertinentes pour acquérir la nationalité ivoirienne et qu’il existe pour cela des procédures à suive. D’après le Président, il n’est pas nécessaire de modifier ce code de la nationalité mais il suffit de le publier et de le faire mieux connaître.

65.Quant à la résolution relative à l’unité nationale, le Président a déclaré; «… notre souci de disposer d’un espace permanent de concertation et de dialogue politique devrait s’inscrire dans le cadre des institutions républicaines prévues à cet effet. Sans doute n’avons‑nous pas encore pris la mesure de toutes les possibilités et dispositions pertinentes que nous offre la Constitution de la deuxième République. Encore une fois, il nous faut apprendre à mieux connaître et à mieux apprécier notre Constitution».

B. La Commission nationale des droits de l’homme de Côte d’Ivoire

66.Le Conseil des ministres a adopté un projet de loi portant sur la création de la Commission nationale des droits de l’homme de Côte d’Ivoire (CNDHCI). Ce projet de loi a été présenté à l’Assemblée nationale et devrait être approuvé sous peu. Cette institution indépendante de consultation, d’observation, d’évaluation, de concertation et de proposition en matière de promotion et de protection des droits de l’homme, poursuivra plusieurs objectifs spécifiques.

67.Au niveau de la promotion des droits de l’homme, la CNDHCI assurera la diffusion et la vulgarisation des pactes et conventions relatifs aux droits de l’homme et collaborera avec les organisations non gouvernementales dont le but déclaré est d’œuvrer en Côte d’Ivoire pour la promotion et la défense des droits de l’homme. De plus, la Commission organisera des réunions, conférences et séminaires de formation portant sur les droits de l’homme.

68.Au niveau de la protection et de la défense des droits de l’homme, la CNDHCI veillera à ce que tout individu ait le droit d’obtenir réparation devant les tribunaux dans les cas de discrimination raciale ou autres violations des droits de l’homme. En effet, l’article 4 de ce projet de loi mentionne que la CNDHCI:

«−Reçoit toutes plaintes et dénonciations portant sur les cas de violations de droits de l’homme;

−Ouvre des enquêtes et procède à toutes investigations nécessaires sur les plaintes et dénonciations dont elle est saisie, rédige un rapport avec ses propositions à l’intention du Président de la République;

−Saisit toutes autorités des violations des droits de l’homme et propose toutes mesures tendant à y mettre fin; …

−Sert de médiateur entre le citoyen et les pouvoirs publics et reçoit dans ce cadre des requêtes individuelles ou collectives…».

La Commission nationale sera donc le gendarme des droits de l’homme sur toute l’étendue du territoire national et cela à l’égard de toutes les autorités publiques et privées, y compris le Président de la République.

69.Par ailleurs, le Ministère de la justice et des libertés publiques a tout récemment créé la Direction des droits de l’homme et des libertés publiques se composant de deux sous‑directions chargées respectivement de la protection et de la promotion des droits de l’homme. Cette direction a pour but de veiller à ce que les droits de l’homme soient respectés en Côte d’Ivoire, tant par l’État que dans la société en général.

C. La sensibilisation des forces de l’ordre

70.Dans le but de renforcer le respect des droits de l’homme dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre, un séminaire‑atelier de formation organisé par le Ministère d’État chargé de la défense et de la protection civile avec l’appui logistique du PNUD s’est tenu du 4 octobre au 6 octobre 2001. Ce séminaire s’adressant à toutes les composantes des forces de l’ordre (police, gendarmerie, armée…) avait pour thème: «Maintien de l’ordre et droits de l’homme», et pour objectif de sensibiliser à la nécessité de leur formation aux droits de l’homme afin de mieux concilier les exigences de maintien de l’ordre avec celles du respect des libertés publiques. Les trois sous‑thèmes principaux étaient les suivants: le dispositif institutionnel du maintien de l’ordre et celui garantissant la protection des libertés, les limites juridiques inhérentes au maintien de l’ordre dans un État de droit et les sanctions des atteintes aux libertés publiques dans le cadre des activités de maintien de l’ordre. La synthèse de ces travaux et réflexions a permis l’adoption des recommandations dont l’exploitation judicieuse et l’application vont avoir un impact qualitatif sur le comportement social des forces de l’ordre au bénéfice de la nation entière.

D. La promotion d’organisations multiculturelles et la protection de groupes minoritaires

71.Comme l’article 10 de la Constitution interdit toute propagande ayant pour but ou pour effet de faire prévaloir un groupe social sur un autre, ou d’encourager la haine raciale ou religieuse, la Côte d’Ivoire s’efforce de promouvoir les organisations et mouvement multiculturels. Le Ministère de la culture a donc procédé au lancement d’une opération de recensement des organisations et associations culturelles. Il existe aussi un service d’étude de projet pour apporter une assistance technique aux organisations culturelles. Non seulement un fonds d’aide aux associations culturelles a été mis en place, mais également des séminaires de formation à l’intention de groupes culturels du monde de l’art et de la culture, notamment sur les techniques de montages de projet.

72.Par ailleurs, pour assurer un développement adéquat et une protection de certains groupes ethniques et minoritaires, le Ministère de la culture et de la francophonie procède à l’inventaire national des cultures, du patrimoine matériel et immatériel en vue de la mise en place d’une politique de protection. Cette politique de protection devra traduire l’adoption d’une loi spéciale pour la protection des valeurs culturelles des groupes ethniques et minoritaires. Le Ministère de la culture a aussi instauré une politique de promotion des valeurs culturelles et des groupes ethniques qui se caractérise par l’invitation des groupes ethniques et culturels à la participation aux manifestations culturelles, par l’organisation de conférences publiques et de séminaires et pas la diffusion de ces valeurs sur les médias.

E. Les rôles d’institutions et associations culturelles

73.Comme l’a mentionné le Premier Ministre, Pascal Affi N’Guessan, le 20 octobre 2001, la mission même du Ministère de la culture et de la francophonie est de «sauvegarder notre unité nationale et la culture est un puissant facteur d’unité, de cohésion». Ainsi, le Ministère de la culture organise plusieurs manifestations institutionnelles ou ponctuelles afin de combattre le racisme et autres formes de discrimination, et afin de sensibiliser la population ivoirienne à ces phénomènes. Par exemple, au niveau institutionnel, le Ministère organise le festival pour la paix et l’unité nationale et le festival de vacances culturelles. Par ailleurs, pour accompagner le Forum sur la réconciliation nationale, le Ministre de la culture et de la francophonie a organisé le 20 octobre 2001, un séminaire intitulé «Les alliances entre les peuples de Côte d’Ivoire». Ce colloque, sous la présidence du Premier Ministre et animé par deux éminents conférenciers, les professeurs Niangoran Bouah et Zadi Zaourou, a plaidé en faveur de la nécessité d’un retour aux sources, c’est‑à‑dire aux alliances intercommunautaires qui se présentaient comme un palliatif à régler les conflits et comme des traités de paix entre les peuples. Le colloque a aussi présenté le film «La Côte d’Ivoire, terre d’espérance» qui symbolise le brassage des peuples ivoiriens et étrangers. Ce film a aussi été diffusé à la radiotélévision ivoirienne afin d’atteindre un public plus large.

74.De plus, du 25 au 29 septembre 2001 a eu lieu à Abidjan le Forum de la Commission nationale de l’UNESCO, ayant pour thème «Villes et brassages des cultures». La ville étant un milieu de rencontre et de brassage des cultures, il y a donc une nécessité d’identifier les méthodes de gestion de la multiculturalité. À la suite de ces travaux, les résolutions du Forum recommandent la promotion des brassages dans les quartiers et la participation des maires aux différentes activités; la pratique de la paix et du dialogue constructif entre les différentes confessions et le pouvoir, etc.

F. Le rôle des médias

75.L’Observatoire de la liberté de la presse, de l’éthique et de la déontologie (OLPED) a pour mission de veiller à ce que la presse ivoirienne propage une information juste et objective, tout en respectant l’aspect multiethnique et culturel de la Côte d’Ivoire. L’OLPED se réunit donc de façon bimensuelle et consacre ses séances de travail à la revue critique du contenu des médias ivoiriens de la période concernée. L’OLPED publie alors un rapport où elle condamne articles et journaux qui ne respectent pas l’éthique journalistique, soit parce que leurs propos peuvent amener à la haine raciale ou religieuse, soit pour d’autres motifs allant à l’encontre des principes d’une presse neutre et équitable.

76.D’autre part, le Gouvernement a récemment remis en œuvre la Maison de la presse de la Côte d’Ivoire, qui sera un point d’ancrage institutionnel et identitaire pour l’affirmation de la personnalité du journaliste ivoirien au profit d’une presse plurielle et pluraliste. La Maison de la presse servira aussi d’un cadre de rencontre entre la presse nationale et internationale et les autorités politiques de premier plan, tant au niveau africain que mondial.

Conclusion

77.La Côte d’Ivoire est un pays ouvert à toutes les communautés étrangères. Soucieuse de son devenir, elle compte sur tous ceux qui résident sur son sol pour participer à son développement. Par sa nouvelle Constitution, elle prend une option sérieuse dans le cadre de la lutte contre la discrimination raciale, le racisme et la xénophobie. Comme en témoigne aussi sa participation à la Conférence mondiale contre le racisme à Durban (Afrique du Sud).

78.Pays de paix et de liberté, elle prouve ainsi son adhésion à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Malgré sa relative stabilité, due à la transition militaire de 1999 à 2000, elle demeure toujours un grand pôle d’immigration et une terre d’asile pour les réfugiés politiques de diverses nationalités, contraints à l’exil par la persécution. La Côte d’Ivoire compte sur le soutien de la communauté internationale pour poursuivre cette politique.

-----